dÉclaration de la citoyenne
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DÉCLARATIONDES DROITS
DE LA FEMME ETDE LA CITOYENNE
Crédits iconographiques
P. 11 : Anonyme, Olympe de Gouges. Elle s’était offerte pour défendreLouis XVI, XVIIIe siècle, musée du Louvre.Photo © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Thierry Le Mage.P. 13 : Catel et Bocquet, Olympe de Gouges, Casterman, p. 233.© Casterman.P. 19 (A) : Duclos, Helman et Monnet, Ouverture des États généraux àVersailles, 1790, Bibliothèque nationale de France.© BnFP. 19 (B) : Opie, Mary Wollstonecraft (Mme William Godwin), v. 1790-1791, Tate Collection.Photo © Tate, Londres, Dist. RMN-Grand Palais/Tate Photography.P. 19 (C) : Bonvoisin, Marie-Antoinette, XVIIIe siècle, musée Carnavalet.CC0 Paris Musées/Musée Carnavalet.P. 23 : Frontispice des Remarques patriotiques d’Olympe de Gouges,v. 1780-1800, Bibliothèque nationale de France.© BnFP. 60 : Catel et Bocquet, Olympe de Gouges, Casterman, p. 273.© Casterman.P. 70 : Catel et Bocquet, Olympe de Gouges, Casterman, p. 377.© Casterman.
ISBN : 978-2-0802-5316-3ISSN : 1269-8822
© Flammarion, 2021N° d’édition : L.01EHRN000692.N001
Dépôt légal : juin 2021
DÉCLARATIONDES DROITS
DE LA FEMME ETDE LA CITOYENNE
Olympe de Gouges
Avant-texte et annotation par Marion BallyDossier pédagogique par Louise Benkimoun
Méthodologie par Laure Sermage
Flammarion
SOMMAIRE
Avant-propos ................................................................... 7
TOUT POUR COMPRENDREPages 9 à 40
➤ Découvrir le contexteBiographie............................................................................... 10Contexte historique............................................................... 14Contexte culturel.................................................................... 16En un coup d’œil .................................................................. 18
➤ Découvrir l’œuvreGenèse et postérité............................................................... 20Genre de l’œuvre .................................................................. 24Pour mieux interpréter......................................................... 28Structure.................................................................................. 35En un coup d’œil .................................................................. 38
À vos marques ! ...................................................................... 40
4 | Sommaire
DÉCLARATION DES DROITSDE LA FEMME ETDE LA CITOYENNE
Pages 41 à 70
À la Reine ........................................................................ 43Les droits de la femme................................................... 47
Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne 49Préambule........................................................................ 49Postambule...................................................................... 54
Forme du contrat social de l’homme et de la femme .. 61
ANNEXEPages 71 à 78
Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen....... 73
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TOUT POUR RÉUSSIRPages 79 à 144
➤ Le parcoursÉcrire et combattre pour l’égalité...................................... 80Combattre pour l’égalité par la Déclaration .................... 83Quatre siècles d’écrits pour l’égalité ................................ 87
Marivaux, Louise Michel, Aimé Césaire, Mona Chollet
Mettre en perspective la Déclaration ................................ 98Condorcet, Wollstonecraft, Déclaration universelle des droitsde l'Homme
Recommandations ................................................................ 108
➤ Vers le bacCommentaire guidé .............................................................. 111
Beaumarchais
Dissertation guidée............................................................... 116Explications linéaires guidées............................................. 119Parler de l’œuvre en entretien............................................ 131Conseils pour le commentaire ........................................... 134Conseils pour la dissertation.............................................. 136Conseils pour l’oral............................................................... 138Termes d’analyse littéraire................................................... 140
Ma �che de lecture................................................................. 143
AVANT-
PROPOSÉditer la
Déclaration auXXIe siècle
Que fait Olympe de Gouges quand elle réécrit la Déclaration desdroits de l’Homme et du Citoyen ? Elle ajoute ou substitue « femme »partout où il n’y a que le mot « homme ». Elle introduit des motsféminins en écrivant « représentantes » et « citoyenne » à la place de« représentants » et « citoyen ». Une partie de sa démarche et de soncombat consiste ainsi à réécrire la Déclaration de 1789 en la fémini-sant, pour faire apparaître les formes féminines qui en étaient exclues.Autrement dit, Olympe de Gouges pratique une écriture inclusive.
Par ce geste, elle lutte contre l’invisibilisation des femmes dans lemouvement révolutionnaire et dans le nouvel ordre social qui se des-sine. Elle dénonce également l’hypocrite universalité de l’expression« droits de l’Homme », qu’elle espère rendre vraiment universelle.
Depuis quelques années, l’écriture inclusive suscite beaucoupd’engouement et autant de rejet. De quoi s’agit-il au juste ? Au senslarge, le terme désigne tous les procédés oraux ou écrits, certainsvieux de plusieurs siècles, employés pour désigner des personnes,qui visent soit à rendre visible le féminin là où l’usage nous pousseà n’utiliser que le masculin, soit à privilégier des formes non genrées.
Ces procédés peuvent prendre des formes multiples :– utilisation privilégiée de mots épicènes, identiques au masculin
et au féminin : « élève » ;– double �exion : « les citoyens et les citoyennes » ;– utilisation des parenthèses : « né(e) » ; du point médian : « les
citoyen·nes » ; ou du point ordinaire : « les citoyen.nes » ;
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– féminin générique : « les citoyennes » pour désigner deshommes et des femmes, là où on dit en général « les citoyens » ;
– création de nouvelles formes neutres : « iel » ;– accord de proximité ou de majorité : « mille et une nymphes et
satires » ou « les trois déesses et le héros fâchées ».
L’écriture inclusive est aujourd’hui au cœur de très vifs débats, quidépassent souvent les seules questions grammaticales et font écho àdes enjeux plus larges. Sans forcément aller jusqu’à y voir un « périlmortel 1 » pour la langue, certaines personnes hésitent à utiliser desformes instables et mal acceptées, craignent de rendre les textesmoins lisibles ou doutent que les usages grammaticaux aient desconséquences sur les inégalités de genre. Elles préfèrent parfois réser-ver l’écriture inclusive, et en particulier le point médian, à descontextes militants. D’autres personnes y voient pour leur part unemanière de poursuivre la lutte contre l’invisibilisation des femmesdans les échanges de tous les jours, sur le fond comme sur la forme.Selon elles, l’écriture inclusive permet, en perturbant les habitudeslinguistiques, de remettre en cause le statu quo du rapport inégalitaireentre les hommes et les femmes au sein de notre société.
Ces positions opposées nous invitent à deux observations, très liéesau sujet de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenned’Olympe de Gouges. D’une part, la question du combat pour l’éga-lité par l’écriture est toujours d’une actualité brûlante. D’autre part,cet engagement, s’il se joue dans les arguments convoqués, peutaussi s’étendre à la forme des mots employés. Ces désaccords nousrappellent aussi que la langue est un matériau qui se travaille, et quel’on peut choisir de s’approprier de différentes façons.
Les autrices de cette édition elles-mêmes ont des points de vuedivergents sur la question. Ainsi, vous trouverez dans ce livre unpanel d’écriture inclusive, des usages les plus traditionnels aux plusnovateurs, qui vous permettra de vous faire un avis à votre tour..............................1 . L’expression est tirée de la Déclaration de l’Académie française sur l’écriture dite« inclusive » datant du jeudi 26 octobre 2017.
8 | Avant-propos
DÉCOUVRIRLE CONTEXTE
L’ŒUVRE
TOUT POURCOMPRENDRE
QUBIOGRAPHIE De Montaubanà la guillotine
➤ Comment Marie Gouze devint Olympede Gouges
Olympe de Gouges, de son vrai nom Marie Gouze, naît à Montaubanle 7 mai 1748, dans une famille de la petite bourgeoisie. Sa mère est �lled’un riche drapier et son père of�ciel, artisan boucher. En réalité, il semblequ’elle soit la �lle biologique de Jean-Jacques Lefranc de Pompignan,�gure de la noblesse locale, académicien et poète ennemi de Voltaire. Sonéducation ne la prépare guère à la vie qui l’attend : élevée dans un paysde langue occitane, où, comme elle le dit elle-même, « l’on parle mal lefrançais 1», elle ne béné�cie que d’une éducation super�cielle. À dix-septans, on la marie à Louis-Yves Aubry, cuisinier, pour lequel elle n’a aucuneinclination. Ce dernier mourra peu de temps après, en lui laissant un �ls.Contre les usages, elle refuse de se remarier et de porter le nom de« veuve Aubry ». Elle prend alors l’un des prénoms de sa mère, Olympe,transforme son patronyme en « Gouges » (variante orthographique deGouze) et y ajoute une particule sans prétention nobiliaire, mais propreà favoriser son acceptation dans les milieux littéraires parisiens. Ce pseu-donyme, qui est en quelque sorte son premier geste littéraire, signe unenouvelle vie, celle d’une femme libre qui entend faire sa place à Paris.
➤ Du théâtre et de l’audace
Cette place, elle va devoir l’arracher, car la société peine à accepterson mode de vie. D’une beauté brune parfaitement dans les canons de.............................1 . Préface de sa pièce L’Homme généreux (1786).
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l’époque, entretenue par un riche protecteur qui s’est épris d’elle et à
qui elle a refusé sa main, elle a vite fait de passer pour une prostituée.
Elle parvient pourtant à s’introduire dans les milieux littéraires et se
lance dans une carrière de dramaturge. Comble d’audace, elle fait
donner ses pièces politiques sur les planches des théâtres publics, la
Comédie-Française et la Comédie-Italienne, alors que la plupart des
autrices de son temps écrivaient pour le théâtre de société, joué dans
les salons. Elle veut entrer dans la carrière littéraire avec fracas, par la
grande porte et, pour elle, le théâtre est déjà une tribune. La lutte qu’elle
doit mener pour faire représenter sa première pièce Zamore et Mirza,
plus tard renommée L’Esclavage des Noirs, à la Comédie-Française est
symptomatique des résistances sociales auxquelles elle se heurte :
après quatre ans de procès et de polémiques, la pièce est mise en scène
le 28 décembre 1789, malgré l’opposition des comédiens et du lobby
des colons. Cependant, le maire de Paris la fait interdire quelques jours
plus tard par peur des troubles à l’ordre public.
➤ Une révolutionnaire atypique
Avec la Révolution, Olympe
de Gouges se détourne quelque peu
du théâtre pour se consacrer à une
action politique plus directe, à coups
de lettres, de brochures et d’af�ches,
presque toujours signées. Citons par
exemple sa Lettre au peuple (6 novem-
bre 1788) et ses Remarques patriotiques
(décembre 1788), qui proposent la créa-
tion d’un impôt sur le luxe, d’une caisse
de solidarité nationale et de refuges pour
les chômeurs ; son Projet sur la formation d’un tribunal populaire
(26 mai 1790), où elle jette les bases de notre actuelle cour
d’assises, ou encore sa brochure Sera-t-il roi, ne le sera-t-il pas ?
(juin 1791), où elle promeut l’idée d’une garde nationale féminine.
Elle dépense l’intégralité de sa fortune pour couvrir les coûts
d’impression et d’af�chage de ses écrits, seule manière de se faire
entendre alors que l’Assemblée n’admet les femmes que comme
spectatrices. Fourmillant d’idées de réformes sociales et politiques
avant-gardistes, elle n’en restera pas moins hostile aux violences
révolutionnaires et favorable jusque très tard à une monarchie
constitutionnelle. Cet attachement à la �gure du roi et sa proximité
avec le parti des Girondins lui valent l’inimitié de leurs opposants,
les Jacobins. Une fois devenus dominants, ces derniers la font
guillotiner le 3 novembre 1793, pour avoir tenté de publier une
af�che prônant un mode de gouvernement fédéral. Au-delà de ce
texte, c’est sans doute l’existence même d’une femme politique qui
était devenue inacceptable.
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eVignette extraite de la BD biographique Olympe de Gouges,
par Catel et Bocquet, Casterman, 2016.
Ici, Olympe de Gouges dicte à son secrétaire le texte de la pièce Zamore et Mirza.
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CONTEXTEQUHISTORI E La Révolution
française
➤ L’effervescence révolutionnaireet ses limites
La vie d’Olympe de Gouges et la genèse de sa Déclaration sont
inséparables du contexte révolutionnaire. Le « grand hiver » de 1788-
1789, particulièrement froid, révèle au grand jour la misère du peuple.
Acculé par la détresse �nancière du pays, Louis XVI est forcé de
convoquer, pour la première fois depuis 1614, les États généraux.
Ceux-ci vont se déclarer Assemblée nationale et donner au royaume
sa toute première Constitution, dont les principes fondateurs seront
posés dans la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen au mois
d’août 1789. La liberté d’expression encourage un foisonnement
d’idées inédit, et la �èvre politique gagne tout le pays : on s’assemble,
on débat, les murs des villes se couvrent d’af�ches et de placards… Le
peuple, nouvel acteur politique, prend la parole et parfois les armes.
Pressé par les soulèvements de l’été et de l’automne 1789, et honni
de tous depuis qu’il a tenté en vain, au mois de juin 1791, de fuir le
palais des Tuileries pour rejoindre en Allemagne la coalition royaliste,
le roi est contraint de rati�er la Constitution le 14 septembre 1791.
Partout, la joie populaire éclate. Pourtant, l’universalisme abstrait de
la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, qui garantissait à
tous les mêmes droits, s’est transformé dans cette Constitution en un
système politique à deux vitesses, fondé sur la discrimination entre
« citoyens actifs » (hommes libres et indépendants de plus de 25 ans,
14 | Tout pour comprendre
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capables de payer l’impôt) et « citoyens passifs » (femmes, esclaves,
enfants, pauvres et handicapés mentaux). De plus, le système monar-
chique perdure.
➤ De la République à la Terreur
Face à ces insuf�sances, quelques voix s’élèvent et des concessions
sont faites, notamment en ce qui concerne les droits civils des
femmes, mais il faudra attendre le 10 août 1792 et la découverte de
la correspondance de Louis XVI et de Marie-Antoinette avec les puis-
sances ennemies pour voir la �n de la monarchie et la proclamation
de la République. À compter de cette date, les tensions entre les deux
factions dominantes de l’Assemblée nationale, les Girondins et les
Jacobins, s’intensi�ent : les premiers, plus conservateurs et fédéra-
listes, sont défavorables au procès du roi – faiblesse impardonnable
aux yeux des seconds, qui prendront peu à peu l’ascendant et feront
de l’unité nationale le prétexte à des répressions sanglantes. Les exé-
cutions du roi et de Marie-Antoinette précèdent de peu l’ère de la
Terreur et l’extermination de tous ceux qui seront soupçonnés, à tort
ou à raison, d’être des ennemis de la Révolution.
Les femmes, en particulier, font les frais de ce tournant répressif.
Le 30 octobre 1793, le député Amar déclare qu’elles sont inaptes à
exercer des droits politiques et demande l’interdiction des associa-
tions et des sociétés féminines, laquelle sera votée sans délai. Dans
son discours du 17 novembre 1793, Pierre-Gaspard Chaumette, procu-
reur de la Commune de Paris, fait quant à lui de feue Olympe
de Gouges une « virago », une « femme-homme », ennemie de
l’ordre naturel selon lequel les femmes devraient rester dans leur
foyer. Le Code civil de 1804 prolongera cette vision antiféministe et
exclura durablement les femmes de la sphère politique.
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