de l’informatique - savoir vivre avec l’automate

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DE L’INFORMATIQUE Savoir vivre avec l’automate Michel Volle 17 avril 2006

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DE L’INFORMATIQUESavoir vivre avec l’automateMichel Volle

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DE LINFORMATIQUESavoir vivre avec lautomateMichel Volle17 avril 20062IntroductionThequestionWhatcanbeautomated? isoneofthemostinspiring philosophical and practical questions of contemporarycivilization (George Forsythe, Computer science and educa-tion, inInformationprocessing68, North-Holland1969, [60]p. 92) Computer science answers the question What can be automa-ted? (Donald E. Knuth, Computer Programming and Com-puterscience, inTheAcademicPressDictionaryof Scienceand Technology, 1992, [103])Linformatisation est le phnomne le plus important de notre poque.Certes, ce nest pas le plus spectaculaire : il nexplique ni lexplosion dmo-graphique de lespce humaine, ni le changement climatique ; nos paysages,nosmaisons, nosvilles, nosvoitures, nosquipementsmnagers, onttconussouslessystmestechniquesantrieurs(Gille[66]). Cependantcequi importe nest pas ce qui se voit, mais plutt ce qui senracine, se dploieet oriente le reste.Le systme technique informatis est n dans les dernires dcennies duxixesicle(voirpage68).Ila,danslesannes1970,prisledessussurlesystme technique mcanis. La mcanique et la chimie nont pas disparubiensr, maislasynergiefondamentaleestdsormaiscellequi associelamicrolectronique au logiciel.En prenant en charge dans les usines puis dans les bureaux la part rp-titive du travail, lautomate a rompu le lien qui, dans lconomie mcanise,reliait lemploi la production et avait, malgr les crises et les guerres, pro-cur un quilibre endogne. Le rseau lui a confr lubiquit. Il a transformlarelationentrelecotdeproductionetlaquantitproduite : lessentielducotdunproduitrsidantdanssaconceptionetsamiseenplace, lecotmarginal estdevenupratiquementngligeable(cestvidentdanslecas des logiciels et de la microlectronique et cela stend aux produits dontlaproductionestfortementautomatise). Lafonctiondeproductiondesentreprises en a t transforme ainsi que les conditions de la concurrence ;la mondialisation de lconomie en rsulte (Volle [213]). Par ailleurs le sys-tmedinformation, sappuyantsurlautomate, estdevenulelangage delentreprise.Cettevolutiondconcertedesinstitutionsqui avaienttconstruites34 INTRODUCTIONpour lconomie antrieure : les nations dont la prosprit sest fonde sur lamcanique et la chimie connaissent toutes, aujourdhui, une crise de lduca-tion, de lemploi, de la sant, de la retraite. Il ne sut plus pour lconomistede raisonner en termes dquilibre entre ore et demande : il doit remonter,vers lamont, jusqu la fonction de production et aux besoins.* *Un tel changement suscite naturellement la plus grande confusion dansles ides, dans les valeurs. Je revois ce directeur gnral qui, alors que sonentreprise recevait dj une part signicative des commandes via le site Web,disait en se pavanant comme un dindon Moi, je ne crois pas lInternet .Jerevoiscetconomiste, porteurdunnomclbre, direavecunmprisaccablant la fonction de production, cest un concept dingnieur ; ce quicompte, cest lore et la demande1.Nos entreprises, nos institutions sinformatisent laveuglette. Elles sontcomme une personne qui avancerait reculons, pousse par une main po-sesursapoitrine,ettrbucheraitsurlemoindreobstacle.Lorsquonlesexamine, et une fois surmonte limpressionnante technicit du vocabulaireet des mthodes, on dcouvre des absurdits qui surprennent ainsi que lesrsistances, plus surprenantes encore, qui sopposent ce quon les rectie.Telle entreprise sest organise de faon ne pas pouvoir connatre sesclients ;telleautre,faisantconancelhritagedesonhistoire,adepuislongtempsrenoncrchirsonprocessusdeproduction ; telleautreencore laisse son langage, ses classications, se dtriorer au hasard des ap-plications informatiques et des dialectes locaux. Certaines, dans les services,ne sauraient dnir ni leur produit, ni moins encore les critres selon lesquelson peut valuer sa qualit. Alors que la moiti du temps des salaris se passedevant le couple cran-clavier (voir page 201), la plupart des entreprises nese soucient gure de la relation entre lutilisateur et son poste de travail.* *Que le passage dun systme technique lautre provoque des dsordres,quil mette en question les institutions antrieures, les rapports sociaux, quilpose des questions de savoir-faire, de savoir-vivre et suscite le dsarroi, celana rien de nouveau. Il en fut de mme la Renaissance et lors des dbutsdelindustrialisation. Lesguerresdereligion, lesdeuxguerresmondialesduxxesicle, peuventsinterprtercommedespisodesparticulirementviolents dune crise dadaptation.Mais pour temprer cette crise, pour en sortir au plus vite, il faut avoircompris ce que le nouveau systme technique a de spcique. La mcaniqueet lachimieavaient, ensaidant dengrenages et demoteurs, permis desoulager leort physiqueque la production rclame ltre humain. Lau-tomatevientmaintenantsoulagerleortmental enprenantenchargelasurveillanceetlattentionprolonges,lesvricationsetcalculsrptitifs,1. Il ignorait apparemment quelafonctiondore, quandelleexiste, sobtient paruncalculpartirdelafonctiondeproductionetducotdesfacteurs ;danslecasdumonopole naturel, elle nexiste pas.5les transcriptions, les classements et recherches documentaires etc. Dans leprocessus de production il senlace avec le travail humain selon une syner-gieintimeetdlicate : lafrontirequi lesarticuleestuneinterfaceduneextrme complexit.Du coup ce ne sont pas seulement les institutions qui sont en question, nila fonction de production des entreprises : cest la faon dont nous agissons,dont nous pensons, dont nous nous organisons ; cest la relation entre notrepenseetnotreaction; cestnotrerapportlanature ; cestlordrequenous mettons dans les valeurs que nous entendons promouvoir.* *On considre linformatique comme une activit technique. Cest ce quelleest en eet, puisquelle concerne laction et demande un savoir-faire. Maiselle constitue aussi une innovation intellectuelledont lampleur, la profon-deuretlesimplicationssecomparentcellesdelinventiondelalphabetparlesPhniciensvers1000avantnotrere(Bonfanteetcoll. [18]),puisdes mathmatiques et de la philosophie par les Grecs.Scartant de la question quest-ce que cest ? , qui faisait de lad-nitionlepremierpasdelaconnaissance, elleposeeneetlaquestion comment faire? et met ainsi lAction sur le trne de la pense, o ellesupplanteltrequi loccupaitdepuisParmnide(vieetvesiclesavantJC).Donner la pense une nalit essentiellement pratique, cest un chan-gement de perspective aussi radical que celui quintroduisit Galile (1564-1642)lorsquil substitua, danslaconstructiondelaconnaissance, lad-marche exprimentale largument dautorit magister dixit. Ce chan-gement est confrontdesoppositionsaussi obstinesquecellesqueladmarche exprimentale a rencontres.Lesabsurditsquelondcouvredanslesentreprises,danslesinstitu-tions, sexpliquent en partie par linertie des structures et la sociologie descorporationsmaissurtoutpardesconceptionsdumondeetdelaralit,pardesformesdepense, deschellesdevaleurhritesdelhistoireetdautant moins matrises quelles sont plus prestigieuses. Lorsquon toucheauxstructuresenplace, auxintrtsdescorporations, celasuscitecertesdes ractions violentes ; mais celles que lon provoque lorsque lon travaillesur les distinctions entre le rel et limaginaire, entre lessentiel et le secon-daire, sont plus violentes encore car elles touchent lchafaudage souventbancal desvaleurssurlesquelleschacunappuiesonproprediscernement,ses propres priorits. Les obstacles de nature philosophique, mtaphysique,sontplusdicilessurmonterquelesobstaclesinstitutionnels : nousenfournirons plusieurs exemples au cours de cet ouvrage.* *Pour examiner la relation entre laction, la pense et les valeurs chacundisposedulaboratoirequeconstituesaproprepersonneosedroulentdesphnomnesdunerichecomplexit. Maiscommeilssontquotidiens,familiers, intimes, on ne croit pas quils mritent lattention du chercheur. Ilest pourtant utile, avant de sinterroger sur ce qui se passe dans lentreprise,6 INTRODUCTIONde percevoir en nous-mmes, lchelle de lindividu, comment senchanentla perception, lexprience, le discernement, le raisonnement, la dcision etlaction (voir page 210).Entre laction individuelle et laction organise existe cependant le mmecart quentre le bricolage - utile, voire indispensable - que chacun peut faire la maison et la production industrielle. Le lieu gomtrique de laction or-ganise, le lieu o les tres humains transforment la nature pour se procurerlebien-tre, cest enfait lentreprise 2; linformatiquetant tout entireoriente vers laction, cest dans lentreprise quelle aura son plein eet.Envisager lentreprise sous cet angle conduit eacer des frontires quelhistoire a graves dans le droit : si lon dnit lentreprise par la productionde bien-tre pour les consommateurs ou, pour parler comme les conomistes,dutilit, ce concept inclura en eet les services publics et une part de ce quelon nomme administration (voir page 156). Cela conduit aussi la librerducarcannanciercommedelagrillesociologiquedanslesquelstropderaisonnements lenferment.* *Je ne prtends pas publier ici un trait complet sur linformatique : cesujetinpuisableestbiendeceuxproposdesquelsonpeutdireo|. zzoI, lartestlongmaislavieestcourte. Cettere-cherche ne sarrtera pas avec ce livre et quand je mourrai elle ne sera pasacheve.Je lai intitul De lInformatiquepour indiquer le plus simplement pos-sible de quoi il est question3. On verra dailleurs (page 198) que lon peututilement donner au mot informatique un sens plus proche de son tymo-logie que de lusage courant. Le sous-titre savoir vivre avec lautomate prcise de quoi il est question: on peut lire aussi savoir-vivre , avec untrait dunion.Je lai construit comme une mosaque de dveloppements simples, le sensdevant rsulter de leur agencement. Cette technique ma t suggre par lajuxtaposition de tissus aux dessins divers dans les kimonos japonais ancienset par les Mmoires de Saint-Simon: elle facilite la mise en rapport de faitsmconnus, de points de vue peu frquents, de notions trangres la modeou que lon croit banales mais qui mritent pourtant lattention.Quel que soit le talent individuel chacun ne peut avoir sur linformatiquequune vue partielle. Ainsi Donald Knuth lui-mme sest focalis sur lart dela programmation, ce quindique dailleurs exactement le titre de son ouvragemonumental (Knuth [105]). Dans les travaux des historiens, et fussent-ils dequalit, on constate des lacunes : tel accorde plus dimportance au matriel2. Il existe certes des entits prdatrices qui, tout en usurpant le nom d entreprise , sesont x de tout autres buts que laccroissement du bien-tre des tres humains (Verschave[208]). Quune mission soit trahie ne change cependant rien son nonc : voir page 167.3. Untitrecourtestsignedemodestie :unmanuelscolairesintitule Mathmatiquessans que son auteur prtende avoir puis le sujet. Certains estiment pourtant que la mo-destie exigerait un titre contourn commenant par quelque chose comme Prolgomnes une introduction ...7quau logiciel (Ceruzzi [35]) ; tel autre nglige les logiciels dusage courantsur le micro-ordinateur (Campbell-Kelly [29]) ; presque tous, sarrtant auseuil de lpoque actuelle, neeurent pas certains sujets qui sont pour nousbrlants.Mais comme il est impossible de dcrire un objet rel, concret, sans leconsidrerpartirdunpointdevueparticulier, il seraitvaindentenirrigueur un auteur : lorsquon senquiert, auprs des personnes qui font cegenredereproche,deladescriptionquellesjugeraientobjectiveellesrvlent dailleurs souvent, et de faon rjouissante, un point de vue encoreplus troit que celui quelles critiquent.Monproprepointdevueestcelui desutilisateurs delinformatique,desamatrisedouvrage. Il estcertespartiel maisni plusni moinslgi-time que celui des thoriciens de linformatique, des experts en langages deprogrammation, des architectes, des programmeurs.Il sepeutmmequedanslaconjonctureactuelleil soitlundespluspertinents. Linformatique est pour les entreprises une ressource puissantedontlamatriseestdignedefocaliserlattentiondustratge,desondiri-geant suprme. Cependant la rexion reste en retard car beaucoup de nosdirigeants sont comme ces gnraux franais qui, dans les annes 1930, pr-fraientleschevauxauxblinds. Il enrsultedessystmesdinformationmal conus, une informatique mal utilise - do un malaise et, parfois, descatastrophes qui scandalisent.La responsabilit dun sinistre incombe pratiquement toujours la ma-trise douvrage, lentit utilisatrice : elle naura pas su dire ce quelle voulaitnidnirsespriorits,elleauramodiencoursderoutelexpressiondeses besoins, elle aura voulu rgler un problme politique en se cachantderrire un alibi technique, elle aura manqu de courage devant un fournis-seur dfaillant, elle naura pas voulu couter ceux qui tentaient de lalerter.* *Certains conomistes ont mis en doute lecacit de linformatique (voirpage 181), mais leurs analyses sont entaches par un dfaut de perspective :on ne doit pas reprocher une technique encore nouvelle les errements queprovoquenoncettetechniqueelle-mme, maislemanquedexpriencedeses utilisateurs. Il ne convient pas non plus de lui reprocher la dicult delapprentissage mme sil faut savoir exiger une bonne ergonomie : apprendre lire et crire est des plus pnibles, pourtant personne ne songe en tenirrigueur aux inventeurs de lalphabet.Si linformatique tait inecace, il surait une entreprise de la suppri-mer pour se porter mieux. Or cest tout le contraire : une banque, une socitdassurance, un transporteur arien, un oprateur tlcom etc. qui renonce-raient linformatique cesseraient dumme coup dexister. Cefait, dunevidence massive, sut pour rvoquer en doute des armations fondes surune utilisation imprudente de la statistique4.4. Lorsquon veut valuer lecacit dune technique nouvelle il faut utiliser lapprochemonographique et non la statistique : les totaux et les moyennes additionnent des utilisa-8 INTRODUCTIONCestdoncbondroitquelapresseinformatiqueetlesfournisseurspublientdessuccessstories.Maislesfailurestoriessontplusinstructivesencore car elles indiquent les piges viter. Elles ont dailleurs parfois uncomiquequi faitsourireetrveillelattention. Danslesglisesromanes,les mosaques qui reprsentent lenfer sont plus mouvementes, plus intres-santes que celles den face : en croire ces dernires, on sennuie terriblementau paradis...Ce nest donc pas par mauvais esprit que jaccorderai une place lvo-cation des erreurs et des malfaons. Mme si elles nous font enrager je croisleurvocationutile, instructive, etcommeelleestparfoisamusantenousaurionsgrandtortdenousenpriver. Jeneciterai aucunnompropreetferai en sorte que lon ne puisse pas identier les entreprises dont il sagit.* *Je me suis intress linformatique proportion des dicults que jairencontres en lutilisant ou en conseillant mes clients. Il mest pratiquementimpossibleeneetdemeservirdunoutil dontjenecomprendspaslefonctionnementetdontjeneperoispascommentilaputreconu.Cetravers ma souvent rendu ridicule, par exemple lorsque jai appris conduireunevoitureouutiliseruntraitementdetexte ; maisil contraintunecologiedelapense qui, sur lelongterme, portedes fruits : lemondesclaire lorsque son exploration progresse5.Comprendre, celanevapasjusqureproduireexactementparlapense le fonctionnement de loutil car celui-ci est soumis dinnombrablescontraintes physiques : il sagit seulement de ramener cet artefact aux prin-cipes dont ses concepteurs ont vouluassurer laralisationpratique. Onpeut par exemple comprendre le fonctionnement du moteur explosion partir de quelques lments de chimie des hydrocarbures et de mcanique,tout en faisant limpasse sur les questions de mtallurgie quil a fallu pour-tant traiter pour mettre au point des alliages ayant les qualits ncessaires.De mme, lorsquon examine un logiciel, on fera souvent limpasse sur lescouchesbassesdiablementcomplexesodeslectronssontcontraintsfournirlamatirepremiredesbits,octets,donnes,basesdedonnes,chiers et programmes.Pour comprendre comment il apuparatre ncessaire et naturel deconcevoir un artefact, il faut revenir lhistoire et reconstituer la situationqui fut celle de ses inventeurs. Les enseignements quapporte cette enqutenclairent pas le seul pass : en faisant apparatre la dynamique du rapportentrelecerveauhumainetlanature, puiscelle(lafoisinstitutionnelleetculturelle)delinnovation, elleinviteconcevoirleprsentcommeunpoint dune trajectoire dont on pourra anticiper lvolution, ft-ce de faonqualitative et dans les grandes lignes.Il est intressant aussi dobserver ce qui se passe en soi-mme lorsquonapprendutiliserunnouvel outil informatique, ledpanneretc. quilteurs plus ou moins adroits alors quil ne faut considrer que les plus adroits, ceux dontlhabilet anticipe ltat de lart futur.5. Un exemple minent de ce type de dmarche est celui de Joseph Needham [145].9sagisseduntraitementdetexte, duntableur, duneimprimante, duneconnexion ADSL, dun rseau ou dune grande application de lentreprise.Pour passer de la complte impuissance la pratique habituelle il faut sap-privoiser soi-mme6selon un ttonnement par essais et erreurs lors duquellimage mentale de loutil sajuste jusqu devenir assez exacte pour que lonpuisse utiliser celui-ci sans trop de mal. Ces pisodes dapprentissage durentquelques heures, jours ou semaines, puis seacent de la mmoire comme silon tait pass dun saut de lignorance la matrise. Il est bon cependantde se les remmorer si lon veut comprendre comment linformatique peuttre assimile, comment il convient de se comporter avec un dbutant.* *Cesenqutesdemandentdutravail maisellessonttellementpassion-nantes que je mtonne de ne pas voir davantage de personnes les pratiquercomme hobby. Lattitude la plus frquente, semble-t-il, est au contraire dou-blier nos apprentissages pour faire comme si les outils dont nous disposonstaient naturels : il est si simple dutiliser un moteur que sinterroger sur sonfonctionnement et son origine parat superu. Ceux qui ont cette attitudesaventsansdoutequilyaeudesinnovationsmaisilsneleralisentpas, ils font comme si linnovation ntait pas relle, ils vivent comme si cesoutils avaient toujours exist dans ltat o nous les connaissons et devaientpersister dans ce mme tat.Onrencontresouventdecespersonnesqui nientlinnovation, lanou-veaut : Au fond, disent-elles, rien na chang et le discours sur les nou-velles technologies a t trs excessif . Il faut les secouer pour les sortir dece songe : le disque compact na-t-il pas supplant le microsillon en vinyle?letlphonemobile, si raredanslesannes1980, nest-il pasaujourdhuiomniprsent? le PC portable et la baisse du prix des ordinateurs nont-ilspaschangnotrerapportlinformatique ?lInternetneprocure-t-il pasuneubiquitlogiquequi, voici vingtans, relevaitdelasciencection?etque dire, si lon remonte dans lhistoire, du moteur explosion, du moteurlectrique?Il faut leur accorder que la nouveaut est relative. On sinquite desprothses que linformatique propose : mais depuis des sicles nous portonsdeslunettes, qui nesontpasuneprothsengligeable. Onsinquitedelabondance des textes publis sur lInternet : mais depuis des sicles noussommes submergs par la masse des textes publis, et nous sommes loin depouvoir tout lire.Ceux qui nient linnovation, fait pourtant indniable, ne veulent-ils pasplutt dnoncer le discours qui prtend que la technique pourrait changerlhomme en mieux? Peut-tre aussi veulent-ils dire : Non, ltre humainna pas chang, preuve : je suis toujours aussi malheureux . Mais ce sontl de tout autres aaires ! Si le bien-tre que procurent des outils ecacesnestpasindirent, il nesutpaspourdonnerunsenslavie : cestailleurs quil faut chercher la source de la sagesse et du bonheur.6. Voir par exemple Sapprivoiser un nouveau logiciel , www.volle.com/travaux/latex.htm.10 INTRODUCTIONDerrirelindirencelinnovationcommederriresonexaltationsedevine ladhrence des valeurs implicites. Certains esprits sont ainsi pro-tgs contre toute surprise mme sils prtendent, conformment la mode,pratiquer la remise en question permanente .Si lon cherche comprendre comment cela fonctionne, comment destres humains ont pu concevoir cela , on sera au contraire souvent surprisetcontraintdepntrerdesuniversmentauxdontonignoraittout. Ondcouvre alors, derrire des mots comme entreprise ou informatique que la banalit a comme recouverts de poussire, des phnomnes dont lediscours habituel ne rend pas compte parce quils sont jugs soit inexistants,ce qui est faux puisquil sagit de faits vriables, soit ngligeables, ce quipeut et doit se discuter.Ces phnomnes pivotent tous autour de larticulation entre lautomateet ltre humain ou, pour utiliser ds maintenant un vocabulaire que nousintroduirons, entre l automate programmable dou dubiquit (APU) etl tre humain organis (EHO) (voir page 200). Or il est dans la naturedes spcialits de se dtourner dune telle articulation, toujours quelque peuobscure, pour dvaler la pente vers la clart de leurs concepts familiers. Ce-luiquecettearticulationintresse seracontraint, parcontre, considrerchaquespcialitcommeuneboteoutilsoil prendraloccasionlesinstruments utiles sa dmarche. Il devra se faire tour tour conomiste,historien, physicien, linguiste, sociologue, philosophe-et, biensr, infor-maticien.Cestlsexposerunrejetparchacunedescorporationsainsieeures : si lemotinterdisciplinaritestlamode, celui qui lametenpratique ne sera jamais le bienvenu!* *Considrer lentreprise sous langle de son action, cest un point de vueparmi dautres mais cest peut-tre le plus salubre car il est bon, lorsquonaborde une institution, de senqurir en tout premier de cequellefait ouencore de ce quelle produit.Parmi les institutions lentreprise est prcisment celle qui a pour sp-cialit la production, sa mission tant de rendre la nature hospitalire pourltrehumain. Lemondedelaction, danslequel ellebaigneentirement,inclut la pense qui est une action dire tout comme linvestissement estune production dire.Maisonnepeutpassparerlactiondesvaleurs quelleincarnedanslemonde. Enpremireanalyse, lentreprisenesert quuneseulevaleur,lecacit : il sagit de faire au mieux, avec les ressources dont elle dispose,pourprocurerauconsommateurlebien-trematriel.Ilseraitstupidederenoncer lecacit, de gaspiller des ressources ; mais ni lecacit, valeurpurement technique, ni le bien-tre matriel qui en est le fruit ne susent satisfaire toutes nos aspirations : comme le disait Keynes, lconomie estncessaire mais non susante (Dostaler [49]).Cependantpourpouvoirproduirelentrepriseentrencessairementenrelation avec les tres humains que sont ses clients et ses salaris. Alors ellerencontredautresvaleursquecelledelecacit : lquitdesloisetdes11rgles (Rawls [170]), la qualit de la relation humaine enn dont lventailstaledumprisaurespect, delangationlarmationdelhumanitcommune.Mme si lecacit est pour lentreprise la valeur premire, elle ne peutdoncpassylimiter : nousverronsdailleursquelerespect enversltrehumain est une des conditions de lecacit elle-mme (voir page 177).* *Le langage sert bien sr communiquer mais, tout comme larchitecturequi peut aussi bien riger une forteresse que construire un pont, il sert aussisedfendreetattaquer. Ici lobstaclenersidepasdanslesrevendi-cationsdunmoi confusetsourant, maisdanscellesdescorporations7:les dirigeants, milieu social dont le thtre est extrieur lentreprise ; lesmanagers, qui se partagent la lgitimit et surveillent jalousement ses fron-tires ; les agents oprationnels, diviss en mtiers et spcialits etc. Chaquespcialitutiliseunvocabulairespcique : cestsansdoutencessairelaction professionnelle, qui exige la prcision, mais cela sert aussi de signede reconnaissance, de mot de passe, darme pour tenir lautre distance.Les corporations se jalousent et souvent se mprisent. Des mots par eux-mmesneutrescommetechnicien, intellectuel , informaticien, ingnieur etc. reoivent loccasion une connotation tellement pjorativequelondoit,poursenlibrer,prciserchaquefoisenquelsensonlesutilise.Alors quil faudrait une coopration, un dialogue entre diverses spciali-ts, lentreprise est souvent lenjeu dun conit entre des rseaux qui la para-sitent. On se plat caractriser notre poque comme celle de l conomiede linformation ; mais lentreprise y rencontre, au del des exigences dela technique et du marketing, celles dun commerce de la considration ,dune conomie du respect (voir page 177) sans laquelle lconomie delinformation ne pourra pas tenir ses promesses ni le systme dinformationcontribuer lecacit.* *Parmi les questions de savoir-vivre certaines sont triviales, comme la fa-on dont on doit utiliser le tlphone mobile dans un lieu public ; dautressont moins aises discerner. Il en est ainsi de la faon dont nous devons au-jourdhui penser linformatisation et en parler, dont nous devons agir enverselle. Cette question se pose chacun dans des termes correspondant sonrle : lutilisateur de base , au manager, au dirigeant, linformaticien.Un des premiers obstacles rside dans le vocabulaire. Un mauvais sort-tellementsystmatiquequelonpourraitcroirequil atdlibrmentorganis - a rempli le langage de linformatique de faux amis , de termesqui, danslalanguecourante, sontentoursdeconnotationstrangresleuracceptiontechniqueprcise(voirpage28).Ilenrsulte,entrelesin-7. Nous utilisons ce mot, par commodit, pour dsigner le petit monde que forme unespcialit professionnelle.12 INTRODUCTIONformaticiens et le reste du monde, une dicult de communication qui masouvent paru presque insurmontable.Prenons par exemple le mot abstraction . Pour linformaticien, labs-tractionestcequi permetdenepasavoirprogrammerlesoprationsphysiques que ralisent automatiquement les couches basses de la machine(gestiondelammoire, repriseencasdincidentetc.). Pourlutilisateur,labstraction consiste slectionner les attributs qui, dans une base de don-nes, reprsenteront un tre du monde de la nature.Ainsi vous prononcezunephrasequi vous parat parfaitement clairemaisleregardstupfaitdelinformaticiensignalequellevoquepourluiquelque chose dincomprhensible, de trs compliqu, ventuellement dab-surde. Parle-t-il ?Cestvousqui necomprenezrien, noyentredesmotscourantsquilutilisedansunautresensquelevtreetdesacronymesettermes techniques qui dsignent des choses dont vous ignorez tout.On peut apprendre la langue des informaticiens : cela permet de remplirloce dinterprte. On comprend alors pourquoi les relations entre linfor-maticien et lutilisateur sont si souvent du type chien et chat : lhostilitentre les deux espces sexplique par le fait quun mme signal (remuer laqueue, faire le dos rond, ronronner) exprime chez lun le contentement, chezlautre lagressivit.Leprsident-directeurgnral, ledirecteurgnral, lesDGA, necom-prennent pas grand chose lorsquun informaticien intervient devant le comitdedirection.Maisenuntellieuilseraitmalvenudesavouerignorantetde demander une explication. Ils opinent donc, et dcident, avec lassuranceque leur procure le sentiment de leur lgitimit : mais si la dcision est ju-dicieuse, ce sera par hasard.* *Nota Bene 1 : Le vocabulaire de linformatique abonde en barbarismescommeorientobjets, modlemtieretc. Sopposerici lusageserait nager contre-courant. Jutiliserai donc ces expressions bien que jene les aime gure.NotaBene2 :celivreestassociunlexique.PourviterdalourdirunlivrequicomportaitdjbeaucoupdepagesjelaimissurlaToile,ladresse www.volle.com/ouvrages/informatique/lexique.htm.RemerciementsCet ouvrage sappuie sur un cours donn lUniversit Libre de Bruxelles, laimable invitation dIsabelle Boydens, pendant les annes 2002-2003 et2003-2004.Je doisremercierlesinstitutionsetlespersonnesquimont aidex-plorerlinformatique. Nousntionspastoujoursdaccordetcertainesdecespersonnesnepartagentcertainementpaslanalyseprsentedanscetouvrage, mais cela nenlve rien ma dette envers elles.Je remercie dabord lINSEE, o jai fait mes premires armes de statis-ticien, de chercheur, de programmeur et dutilisateur de linformatique, eto jai acquis ma formation professionnelle de base.Je remercie France Telecom, qui en maccueillant au CNET, son centrede recherche, ma permis de renouer avec mon premier amour, la physique,et dexplorer lunivers des TIC en construisant des modles conomiques.Jeremercieles ingnieurs dArcomeet dEutelis, entreprises quejaicres dans les annes 1990. Je remercie les clients de ces entreprises et enparticulier Air France, lANPE et Bouygues Telecom, avec lesquelles jai euloccasion de participer lorganisation de la matrise douvrage.JeremercielesmembresduClubdesmatresdouvragedessystmesdinformation (www.clubmoa.asso.fr), qui mont permis denrichir et com-plter monexprience enapportant une critique chaleureuse mais sansconcession.Jeremercieleslecteursdewww.volle.com, dontlesremarquesmontprocur dinnombrables et utiles prcisions.JeremercielIEEEet lACMpourlabondantedocumentationet lesrevues quils publient (notamment CommunicationsoftheACMet Com-puter).Je remercie les auteurs des ouvrages cits dans la bibliographie, qui jedois des heures de lecture passionne et fconde.Je remercie lENSAE, le CEPE, lENSPTT, lUniversit de Rennes,lUniversitLibredeBruxelles, lIAEdeParisetlENSGqui montpro-cur un rafrachissant dialogue avec des tudiants.JeremercieLaurentBlochdelINSERM,Jean-MarieFaureduCrditAgricole, Jean Kott des Galeries Lafayette, Jean Pavlevski des ditions Eco-nomica et Pascal Rivire de lINSEE, qui mont encourag composer cetouvrage.1314 REMERCIEMENTSLaurent Bloch ma par ailleurs permis de mapprivoiser LATEX, que jaiutilis ici.Jeremercieceuxqui montaidcorrigerlespremiresversionsdutexte : Jean-Philippe Carillon, Patrick Declairieux, Bernard Dierickx, DavidFayondelaPoste, Jean-JacquesKaspariandelINSEE, ThierryLeblondduministredeladfense,AlainLeDiberderdeCLVE,PierreMussodeluniversit de Rennes, Henri Nadel de luniversit Paris VII, Lionel Ploquinde la DGI, Raphal Rousseau de Libroscope, Jean-Claude Serlet, Franoisde Valence et ma sur Josette Volle dont la lecture soigneuse ma permisde corriger plusieurs coquilles (mais non pas toutes, je le crains).* *Pendantquejcrivaismesontrevenuslessouvenirsdutilesconversa-tionsavecplusieurspersonnes. Jindique, quandjeleconnais, lenomdelentreprise o elles travaillaient alors :Franois Andrieux lANPE, Patrick Badillo au CNET, Michel Bernard Air Inter, Christophe Berthier Bouygues Telecom, Jean-Michel Beving SAP, Sylvie Billard lANPE, Christian Blanc et Gilles Bordes-Pags AirFrance, Jean Bouvier luniversit Paris I-Sorbonne, Denis Braleret Eute-lis, Jacques Buisson Arcome, Jrme Cabouat au Club des matres dou-vrage,FranoisduCastelauCNET,GhislaineClot-LaeurlENSPTT,Matthieu Colas-Bara Khiplea, Laurent Collet la MSA, Isabelle ContinilANPE, PhilippeCottinlaMSA, Jean-PierreCoudreuseauCNET,Nicolas Curien France Telecom, Franois Darbandi Bouygues Telecom,LionelDavidlANPE,SuzanneDebailleArcome,MichleDebonneuil lINSEE, Xavier Debonneuil la Socit Gnrale, Michel Delsaux AirFrance,PhilippeDesfraySofteam,AlainDesrosireslINSEE,GrardDubois au CNET, Jean-Claude Dupoty Air France, Philippe Estbe, HervFacci Eutelis, Abdelfatteh Fakhfakh la Banque Internationale Arabe deTunisie, Martine Fivet lANPE, Jean-Paul Figer Cap Gemini, MichelFrybourg lAcadmie des Technologies, Michel Garcin la French Ame-ricanFoundation,douardGaululENSG,AlainFournierIncomsat,RogerGauthierAirFrance, JacobGenellelENSG, Michel GensollenFranceTelecom, YannGourvennecFranceTelecom, BernardGuibert LINSEE, Jacques Guichard, Bernard Hennion et Dominique Henriet auCNET, Jean-Pierre Huin CENT, Francis Jacq Eutelis, Jean-Marc Jan-covici X-Environnement, Grard Jean Altime, Jean Joskowicz lAFISI,Yannick Jouannin Nomia, Dimitri Kannouniko lENSG, Jean LaganierlINSEE, AntoineLaursArcome, RenLefebvrelANPE, MalloryLejemble lACOSS, Herv Lereau France Telecom, Lionel Levasseur auCNET, Michel-LouisLvylINED, WitoldLitwinluniversitParis-Dauphine, Christophe Longp la Socit Gnrale, Edmond Malinvaud lINSEE, Ren Mandel Oresys, Michel Mangonaux lANPE, Marie Mar-chand France Telecom, Alain de Mijolla lAFPA, Jacky Noviant AirFrance, Didier Ott Bouygues Telecom, Jean-Louis Peaucelle luniversitdelaRunion, PhilippePennyEutelis, DianedePierrefeuauclubdesmatres douvrage, Philippe Plazanet la Banque Indosuez, Alex Pringault Lagardre Active, Jacques Printz au CNAM, Yvon Qurou et Michel Ram-15bourdin Eutelis, Louis Rchaussat lINSERM, Olivier Renaud Softeam,Claude Rochet au CIGREF, Jean Rohmer Idliance, Jean-Franois Sauer AXA, Jean-Cyril Spinetta Air France, Christophe Talire Eutelis, Pa-trickTeisserencltat-MajordelArmedeTerre, MichleThonnetauministre de la sant, Claude Truer, Paul Vidal et Julien Varin lANPE,Serge Yablonsky lAFAI, Jean Zeitoun MOST.Que ceux qui mont aid par leurs remarques et leurs critiques, ou dontjai consult la documentation sur la Toile mais dont le nom ne gure pasci-dessus veuillent bien me pardonner ma mauvaise mmoire et quils soientassurs de ma reconnaissance.16 REMERCIEMENTSPremire partieComment lAutomateProgrammable doudUbiquit assiste ltreHumain Organis1718Chapitre 1Du ct de lordinateur Ce qui est unique dans lordinateur (...) cest sa baisse de prixexponentielle ininterrompue depuis trente ans. En divisant par1000 le cot dune mme opration, la machine sest ouvert sanscessedenouvellesapplications. Encesens, ellebouleverselasocit. (...)Lescotsdescircuitsindividuelsbaissent(...)de20 30 % chaque anne, niveau gal de performance. (...) Il ya l un phnomne unique par son ampleur et sa dure, et quiexplique lui seul la formidable croissance de linformatique (Jean-Pierre Brul, [28] p. 61-62)De tous les outils de linformatique, lordinateur est celui qui nous est leplus familier. Mais est-il bien nomm? Non; le mot ordinateur est undecesfauxamisquiabondentdanslevocabulairedelinformatique.Sil ne prsente aucun inconvnient pour linformaticien qui sait exactementcequecemotrecouvre,ilprovoquedescontresensdanslepublicetchezlespersonnescultivesmaisinexpertesquiseorcentdecomprendrelin-formatique.Il serait drisoire de tenter de draciner un mot que lusage a consacr,mais nous proposerons ci-dessous, pour redresser le faisceau de ses connota-tions, de lui associer mentalement lexpression automate programmable .Un automate, cest une machine qui accomplit exactement, et dans lordre,lesoprationspourlesquelleselleatconue.Lalistedecesoprationsnestpasncessairementcritesouslaformedunprogramme : ellepeutrsulterdelenchanementdunesriedactionsmcaniques. Lecanarddigrateur deVaucanson(1739) savait picorer desgrainsdemas, lesbroyer, les mler de leau et les rejeter ; il imitait ainsi le vrai canard quimangeetrejettedesexcrmentssansbiensrlui ressemblerenriendupoint de vue de lanatomie. Le mtier Jacquard (1801) est un automate quiobit un programme inscrit sur un carton perfor, mais il ne sait accomplirquun seul type dopration: le tissage.Il afalluuntonnanteortdabstractionpourosermettreentrepa-renthses toute application possible et concevoir lautomatepuretabsolu,construitpourobirtouttypedeprogrammeetcommanderdautres1920 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURmachines lexcution des oprations les plus diverses (hauts parleurs, cranset imprimantes de lordinateur ; bras articuls des robots ; ailerons des avionsen pilotage automatique ; commande des moteurs, suspension et freins desautomobiles etc.).Cet automate absolu, cest lordinateur. Il est essentiellementprogram-mable ;onpeutlutiliserpourfairedutraitementdetexte,dudessin,ducalcul, delamusique, il estincorpordanslesquipementslectromca-niques les plus divers. Le programme se substitue, de faon conomiquementecace, aux engrenages et ressorts auparavant ncessaires pour commandermcaniquement lexcution dune srie dactions.* *Limagequenousavonsaujourdhui delordinateurestdate. Ellenecorrespondni cequiltait danslesannes 1950,60et 70,ni cequilsera dans dix quinze ans. Beaucoup de nos objets familiers (tlphone mo-bile, Palmtop , carte puce etc.) sont des ordinateurs sans que nous nousen soyons aviss. Les ressources de mmoire et de puissance auxquelles notrecran-clavier donne accs ne sont pas seulement celles qui se trouvent surnotre machine : via le rseau (Ethernet, Intranet ou Internet) lordinateur aacquis lubiquit : la localisation de ses ressources physiques est indirente.Ainsi nous nutilisons pas des ordinateurs (chacun le sien) mais nous parta-geons, dans la limite de nos droits daccs et habilitations, unordinateur,lamachineconstituederseaux, mmoires, processeursetprogrammes,l automate programmable dou dubiquit .Pour comprendrecet tredevenubanal mais qui restedunegrandecomplexit, il faut articuler les logiques quil met luvre : un modle encouches sera ici prcieux. Il faut aussi situer la racine du phnomne delinformatisation: linformatique apporte au rapport entre ltre humain etla nature un changement analogue celui qui aurait rsult de la dcouvertedune nouvelle ressource naturelle. Ltre humain, quon le considre dansla vie sociale ou dans lentreprise o il sorganise pour produire, tire partide la synergie entre les proprits lectroniques des semi-conducteurs et lesproprits logiques du dispositif de commande de lautomate, le langagede programmation .Cettemiseenexploitationancessitlamatrisedecertainsprocdstechniques quelonamalencontreusement nommesnouvellestechnolo-gies . Le progrs des performances, certes rapide, sest donc tal dans letemps(loi deMoore). Il asuscitunebaissedeprix, galementra-pide, qui a favoris la pntration universelle de lordinateur dans la socitcomme dans les entreprises.1.1. UN CHANGEMENT DU RAPPORT AVEC LA NATURE 211.1 Un changement du rapport avec la natureOn peut reprsenter leet des TIC1sur lconomie selon un modle trois couches (gure 1.1) :Fig. 1.1 Cascade des TIC- la source se trouvent deux techniques fondamentales : dune part la fa-brication des microprocesseurs et mmoires ; dautre part les systmes dex-ploitation,langagesetoutilsdeprogrammation.Cesdeuxsous-ensemblessont dailleurs relis entre eux : on nutilise pas les mmes langages de pro-grammation selon la ressource de mmoire ou de puissance disponible ;- immdiatementenaval decettesourcesetrouventlesquipementsquimettentenuvrelestechniquesfondamentales(ordinateurs,rseaux,terminaux etc.), ainsi que les logiciels ;- en aval des quipements et logiciels se trouve enn leur mise en uvrepar les entreprises, associe la matrise des processus de production, ladnitiondelarelationaveclesclients, fournisseursetpartenaires, ainsiqu des formes spciques de concurrence.* *Pour tudier les eets des TIC sur lconomie on doit situer la frontireentre ce qui est appel TIC et ce qui est appel reste de lconomie .Lasolutionlapluscouranteconsisteconsidrerquelesordinateursetautresmachinesutilisantlestechniquesfondamentales, ainsi queleslogi-ciels, relvent des TIC. Alors la frontire se situe au niveau B de la gure1.1.Certes, personne ne peut nier que les ordinateurs, commutateurs etc. nesoient des reprsentants minents des TIC. Cependant les volutions de cesmachines rsultent, pour lessentiel, des progrs raliss dans les techniques1. Techniques de linformationet de lacommunication. Dans les annes 1990ondisait NTIC, Nouvellestechnologies delinformationet delacommunication.Ladjectif nouvelles nest plus de mise aujourdhui et technique est plus exact que technologie , qui signie discours sur la technique .22 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURfondamentales.Parexemplelacroissancedesperformancesdesmicropro-cesseurs et mmoires dont la loi de Moore rend compte est dterminantepour lvolution des ordinateurs.Dans la couche nale, celle des utilisations, il sagit de tirer le meilleurpartidesvolutionsquepermettentlesordinateurs,rseauxetc. ;danslacouche intermdiaire, il sagit de tirer le meilleur parti des ressources oertesparlestechniquesfondamentales.Sichacunedecesdeuxcouchesobitunelogiquequi lui estpropre, lemoteurdeleurvolutionsetrouveenamont. Si lonsouhaiteisolerlasourcedelvolution, qui rsidedanslestechniques fondamentales, il faut donc placer la frontire au niveau A.* *Dans la couche initiale, celle des techniques fondamentales, il ne sagitpas dutiliser des ressources produites en amont, mais de crer des ressourcesparlamatrisedespropritsphysiquesdusiliciumet(osonsledire)parla matrise des conditions mentalesde la production et de lutilisation deslangages de programmation, le terme mental dsignant ici un ensemblede dimensions intellectuelles, psychologiques et sociologiques.Ainsi, alorsquelesdeuxautrescouchesrsolventunproblmecono-mique(ilsagitdefaireaumieuxaveclesressourcesdontondispose),lacoucheinitialeconsidrelanatureelle-mme, souslesdeuxaspectsdelaphysique du silicium et de la matire grise des tres humains, aspectsdontellevisefairefructierlasynergie. Danslacouchedestechniquesfondamentales sopre donc un changement du rapport avec la nature ; dansles deux autres couches sopre ladaptation ce changement.largir, par des procds de mieux en mieux conus, les ressources quefournit la nature, cest une tche analogue la dcouverte ou plutt lex-plorationprogressiveduncontinentnouveauquedespionnierstransfor-meraientetquiperaientpourproduiredesbiensutiles. Ordcouvriruncontinent, puis lexplorer pour le mettre en exploitation, cest transformerlesprmissesdelarexionetdelactionconomiques, cestmodierlesconditions de la vie en socit.* *Toutraisonnementconomiquesappuiesurdesexognes : il supposedonnes les techniques, ressources naturelles, fonctions dutilit et dotationsinitiales. Il en tire les consquences, lucide les conditions de leur utilisationoptimale, mais ne tente pas dexpliquer leur origine. Sans doute la recherchedu prot nest pas pour rien dans lardeur des pionniers ou des chercheurs ;mais cette ardeur se dpenserait en pure perte si elle ne pouvait pas mettreen exploitation une ressource naturelle fconde (ici le silicium, la matiregrise , et leur synergie).Le changement du rapport entre les tres humains et la natureque lonrencontre donc dans les techniques fondamentales nest ni conomique, ni so-ciologique, mme sil a des conditions comme des consquences conomiqueset sociales. Linnovation qui se dverse dans lconomie, dans la socit, partir des techniques fondamentales est analogue un phnomne naturelextrieur laction humaine quil conditionne comme le font le climat, les1.2. QUEST-CE QUUN ORDINATEUR? 23courantsocaniques, lareproductiondestresvivants, lesgisementsquenous a lgus lhistoire gologique de la Terre etc.Est-cedirequelconomieoulasociologienontrienvoiraveclesTIC?certes non, puisquelles doivent rpondreauxproblmes queposeleurbonneutilisation: lesexognestantmodies, commentfaireaumieuxaveccequelona2etqui estnouveau?commentfairevoluerdes institutions qui staient lentement adaptes aux exognes antrieures,maisquinelesontpasncessairementauxexognesnouvelles ?commentdnirlesavoir-vivre nouveau quipermettradeprserver lacohsionsociale dans une socit que bouleverse linnovation?Cette tche nest pas facile. Considrons les eorts que doivent raliserles entreprises pour modier leurs processus de production et les conditionsde travail des agents oprationnels ; pour adapter les primtres des direc-tions, les missions et les espaces de lgitimit des dirigeants ; pour quiperet faire voluer les relations avec les clients, partenaires et fournisseurs etc.1.2 Quest-ce quun ordinateur?Si lon vous dit quest-ce quun ordinateur? , une image semblable celle de la gure 1.2 vous viendra sans doute lesprit.Fig. 1.2 Limage aujourdhui la plus courante de lordinateurCest ainsi en eet que se prsente aujourdhui lordinateur sur la plupartdes bureaux (desktop) : un cran, un clavier, une souris, une unit centrale.Ajoutons ce que le dessin ne montre pas mais qui est essentiel : un modemconnectuneprisetlphonique, ouunecarteEthernetconnecteun2. Cettephrasersumelambitionpratiquedelascienceconomique, dontonpeutdire quelle nest rien dautre quune thorie de lecacit.24 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURrseau local. Lordinateur en rseau quipe aujourdhui la quasi totalit despostes de travail dans lentreprise, et nombre de logements.Uneautreimagerivaliseaveclaprcdente :celledelordinateurpor-table (laptop, on le pose sur les genoux) compos dun botier plat dpliableincorporant cran, clavier et souris (gure 1.3).Fig. 1.3 Autre image couranteLordinateur portable cote 50 % de plus quun ordinateur de bureau,il na ni les mmes performances ni la mme abilit, mais il est commodepour les personnes qui doivent se dplacer souvent et ont besoin demmenerleur ordinateur avec elles.* *Ces deux incarnations de lordinateur sont dates. LENIAC (Elec-tronic Numerical Integrator and Computer)ne ressemblait en rien aux or-dinateurs ci-dessus (gure 1.4).3Lesordinateurssontrestsdetrsgrossesmachinesjusquauxannes1960. Le remplacement des lampes par des circuits intgrs dans les annes1950 permit de rduire leur taille alors que leurs performances augmentaient,mais ilsoccupaient encorebeaucoupde placeetavaient besoindun localclimatis. Ilsnavaientni cran, ni souris, ni clavier(si cenestcelui dutltype de loprateur) : les commandes taient perfores sur des cartes, lesrsultats imprims sur des listings.Ceux qui ont dbut en informatique dans les annes 1960 se rappellentles paquets de cartes que lon faisait passer par un guichet vers les oprateurset qui revenaient, un ou deux jours aprs, accompagns dun listing ; celui-ci contenait une liste derreurs quil fallait corriger avant de faire passer denouveau le paquet de cartes par le guichet jusqu convergence du processus.En 1968, on dnombrait 30 000 ordinateurs dans le monde.3. LENIACnapastlepremierordinateur(Bloch[14]) : commeil fallaitunein-tervention manuelle pour le prparer la ralisation dun calcul, il ntait donc ni vri-tablementprogrammableniconformelarchitecturedevonNeumann[146].Lesdeuxpremiers ordinateurs au sens plein du terme furent britanniques : en 1948 le MARK I, ra-lis sous la direction de Max Newman luniversit de Manchester, et en 1949 lEDSACde Maurice Wilkes luniversit de Cambridge.1.2. QUEST-CE QUUN ORDINATEUR? 25Fig. 1.4 LENIAC, 4 fvrier 1946Danslesannes1970sesontmisenplacedesterminauxpermettantdaccder aux mainframesen temps partag. Sur ces couples cran-clavieronpouvaitcomposerettesterlesprogrammesentempsrel , cequiacclrait notablement la production. Certes leurs crans noirs et leurs ca-ractres verts taient austres, mais ils reprsentaient un grand progrs parrapport aux bacs cartes.La conqute de lautonomie de lutilisateur nest venue quavec le micro-ordinateur : les premiers sur les bureaux furent lApple II (1977) puis le PCdIBM (1981) et le Macintosh (1984).Ingnierie de lordinateurLordinateur est un automate programmable, donc adaptable toutes lestches quon lui assigne. En dehors du processeur et de la mmoire, sesautres organes sont comme des bras, des mains, des capteurs sensoriels.Lingnieriedelordinateur est laplus compliquequeltrehumainaitjamaisconue.Elleestcompliquenonseulementdanslescouchesphysiques (processeurs, mmoires, cblages) o sorganise la circulationdes lectrons, se rgulent les tensions lectriques, se dessinent les bits et seralisent en binaire les oprations de consultation des mmoires, calcul etcriture, mais aussi dans lempilage des diverses couches de langage quisontncessairespourcommanderlautomate : microcode, assembleur,systme dexploitation, langages de programmation, applications.26 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURDequoiabesoinlordinateurpourfonctionner ?Dunemmoire,dunprocesseur, dun systme dexploitation et de programmes. Toute machinemunie dun processeur et dune mmoire devient un ordinateur ds que lony charge des programmes.Architecture de lordinateurDanslemondedesprogrammeurs, lemotarchitecturedsignelejeudinstructionspartirduquel il serapossibledeprogrammerdescompilateurs ou des interprteurs et donc de dnir des langages de pro-grammation: on parle ainsi de larchitecture RISC (Reduced InstructionSet Computer), des architectures 80x86 (pour dsigner les microproces-seurs 8086, 80386 et 80486 dIntela) etc. Les autres choix que doit fairelarchitectequi conoitunordinateursontalorsdsignsparleterme implmentation .HennessyetPatterson([153] p. 9)estimentcependantquil fautdon-neraumotarchitectureuneacceptionpluslarge,recouvrantlen-semble des choix que fait larchitecte. Outre le jeu dinstructions, qui estla vue que lordinateur prsente au programmeur, ces choix concernentlorganisation (systme mmoire, structure de bus, caches, pipelines etc.)et le matriel (frquence dhorloge etc.) : un mme jeu dinstruction peuten eet tre oert par des processeurs rsultant de choix dorganisationet de matriel dirents.On distingue parmi les ordinateurs trois grandes familles fonctionnelles chacune desquelles correspond un type darchitecture spcique :-lesordinateursdebureaudemandentunmicroprocesseurdepointe,intgrant le graphique et les systmes dentre et sortie ;-pourlesserveurs,ilsagitdintgrerplusieursmicroprocesseurs,sou-vent dans un multiprocesseur, et de les accompagner dentres et sortiesextensibles ;- pour les ordinateurs embarqus, il faut tirer parti de processeurs hautde gamme tout en rduisant le cot et la consommation dnergie.aCertains estiment quil est dicile dexpliquer et impossible daimer larchitecture80x86,laquelleilsprfrentlarchitectureRISC(HennessyetPatterson[153]p.1061et Wilkes [218]).Limage de lordinateur que nous venons dvoquer est donc trop troite.Il convient de ranger sous le concept dordinateur les commutateurs du r-seau tlphonique, nombre de nos appareils mnagers (ceux qui comportentune mmoire, un processeur et des programmes), nos avions, nos automo-bilesetc.oudumoinslapartiedecesquipements quiassurelexcutiondeprogrammesinformatiquesetquelonappelleordinateurdebordouordinateurembarqu.MritentgalementlenomdordinateurnosPalmtops (onlestientdanslapaumedelamain), tlphonesmobilesetcartes puce (gure 1.5).1.2. QUEST-CE QUUN ORDINATEUR? 27Fig. 1.5 Des ordinateurs qui nont pas lair dtre des ordinateursDes recherches sont en cours pour accrotre encore la portabilit de lor-dinateur : lewearablecomputer estportableausensolonditquelonportedesvtements.Mmesilesprototypessontquelquepeumons-trueux, il sut dextrapoler leur miniaturisation pour voir quils ne serontbientt pas plus encombrants quune paire de lunettes et un tlphone mo-bile (gure 1.6). Un appareil comme le Treo de Handspring conjugue djles fonctionnalits du tlphone mobile et certaines de celles de lordinateur(gure 1.7).Fig. 1.6 Le Wearable computer Connect en permanence par une liaison sans l haut dbit, le wearablepermettrachacundaccder, oquilsoit,uneressourceinformatiquepersonnelle rsidant sur des serveurs dont la localisation lui sera indirente.Lubiquit de lordinateur ne sera plus alors conditionne par la proximitentre lutilisateur et un poste de travail : cestlecorpsdelutilisateurlui-mmequi seraquip, etnonplussonbureau. Lcranseraremplacparexemplepardeslunettessurlesquellesseformeralimage ;leclavier,parun cahier de touches dpliable, par des touches projetes sur une table ouparlareconnaissancevocale. Cetquipementfournirauneprothselammoire comme la recherche dinformation. On anticipe sa puissance, lesrisques daccoutumance quil comportera et les obstacles quil opposera auxrapportshumains.Nousdevrons,nousdevonsdjapprendrematriserlordinateur pour quil ne nous dvore pas4.4. Mais avons-nous matris en France lautomobile, qui en 2000 a tu 7 600 personnes28 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURFig. 1.7 Vers la fusion du tlphone mobile et de lordinateurDans une dizaine dannes, limage que tout le monde se fait aujourdhuidelordinateur seraobsolte, tout commesont aujourdhui obsoltes lesimages de lENIAC, des cartes perfores, des grappes de terminaux relies unmainframe, ou pour remonter plus loin dans le temps les ranges debureauxquips demachines calculer quelonvoyait encoredans lesentreprises la n des annes cinquante5. Au del de ces images phmres,le raisonnement rclame la fermet dun concept prenne.1.3 Qualit du vocabulaireQuelleestlaqualitdescriptiveetexplicativeduconceptdordina-teur?Correspond-il laralitlaquellenousconfrontelhistoiredelinformatique?tout concept est attachunmot ; tout mot sont attachsdunepartlimagecentralequi sertdepivotauconceptetdautrepartaussi,danslusagecourant, unfaisceaudeconnotationsqui lui associedautresconcepts et dautres images.Lorsquon examine un concept, on doit donc dabord se demander si lepivot est bien plac, si limage quvoque le mot correspond la ralit quilsagit de dcrire ; puis on doit se demander si les connotations, les associa-tions dides que le mot suggre sont de nature enrichir sa comprhensionou garer limagination sur de fausses pistes.Les disciplines intellectuelles mettent beaucoupdetemps mrir, construire leur vocabulaire et leurs mthodes. Linformatique, ayant peineplus de cinquante ans, est une discipline trs jeune. Les spcialistes passion-ns qui lont construite ont d faire che de tout bois : peu leur importaitle choix des mots car, comme le disait Hilbert, une fois que lon sait de quoiet en a bless 162 100 (source : ONISR)? Le tabac, qui tue chaque anne plus de 50 000personnes? La tlvision, qui accapare notre attention 3 heures 20 par jour en moyenne(source : Mdiamtrie) ?Laconsommationdnergie, qui dgradeleclimat (Jancovici[90])? Lordinateur nest ni le seul d pos la sagesse humaine, ni sans doute le plusgrave, mme si la maturation de ses usages pose des questions dlicates.5. On en voit un exemple dans le lm The Apartmentde Billy Wilder (1960).1.3. QUALIT DU VOCABULAIRE 29lon parle peu importe si lon dit chaise et table au lieu de droite et point6.Levocabulairedelinformatiqueatainsifrappdunesortedema-ldiction:presquetouslestermesquilecomposentsontdefauxamisausensolonditquunmotdunelanguetrangreaunfauxami enfranais, un mot qui lui ressemble mais qui na pas le mme sens7. Un ph-nomneaussignralnepeutpastredauseulhasard :soitcestermesdatentdunepoquervolueetfontrfrencedesusagesquinontpluscours ; soit leurs inventeurs avaient des ides confuses, ont t maladroits,ou encore ils ont dlibrment cherch crer du dsordre.Dans le vocabulaire de linformatique le mot informatique lui-mmeest un des rares qui soient sans reproche : malheureusement lusage na pastir le meilleur parti de son potentiel smantique (voir page 198). Le motlogiciel , lui aussi bientrouv8, estsuprieurlanglaissoftwarequil traduit9. Maisordinateurestunfauxami toutcommelesont langage , objet , numrique , donne et information ; enanglais, computer est lui aussi un faux ami.Lusage dictant sa loi nous utiliserons ces termes, mais nous aurons soinde remplacer mentalement leurs connotations malencontreuses par dautresplus exactes. Passons-les en revue.1.3.1 Ordinateur Langlais computer signie calculateur 10. Ce mot reprsente-t-ilconvenablementleconceptdordinateur?Non, carlorsquenousuti-lisons lordinateur pour faire du traitement de texte, du dessin, ou encorepour consulter la Toile, les oprations quil excute ne relvent pas du calculmme si elles sont comme on dit numrises . La dnomination com-putercorrespondaitlamissiondelENIAC(calculerdestablespouraider les artilleurs rgler leurs tirs) mais elle ne correspond pas celle desordinateurs daujourdhui.En1954IBMvoulait trouver unnomfranais pour ses machines etviter le mot calculateur qui lui semblait mauvais pour son image. Le6. Man mu stets stattPunkt,Gerade,Ebene auchTisch,Stuhl,Bierseidelsagenknnen(Ilfauttoujourspouvoirdiretable,chaise etbockdebire laplace de point, droiteet plan, David Hilbert, 1862-1943).7. Cest le cas par exemple du mot virtuel . En anglais, virtual signie beingsuch in essence or eect though not formally recognized or admitted (a virtual dictator) (Merriam Websters College Dictionary). En franais, il signie exactement le contraire : qui est seulement en puissance et sans eet actuel (Littr). Il en rsulte de pniblescontresenslorsquonparledecircuitvirtuel entlcommunications, dentreprisevirtuelle en conomie, d espace virtuel en informatique etc.8. Logicielestunecrationadministrativerussie.Ilatintroduitparlarrtdu 22 dcembre 1981 relatif lenrichissement du vocabulaire de linformatique (Journalociel du 17 janvier 1982).9. Softwareatinventpourfairecontrasteavechardware, qui dsignelematriel.10. Computervientdulatincumputare,compter,lui-mmecomposdecum,avec, et putare, penser.30 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURComputer: Aprogrammableelectronicdevicethat canstore, re-trieve, andprocessdata(MerriamWebstersCollegiateDictionary) A general-purpose machine that processes data according to a set ofinstructions that are stored internally either temporarily or permanently.Thecomputerandall equipmentattachedtoitarecalledhardware.Theinstructionsthattellitwhattodoarecalledsoftware.Asetofinstructions that perform a particular task is called a program or soft-ware program. linguiste Jacques Perret proposa, dans sa lettre du 16 avril 1955, dutiliser ordinateur11, mot ancien pass dusage qui signiait celui qui met enordre et dsigne en liturgie celui qui confre un ordre sacr. Ordinateur est lgant mais cest un faux ami plus dangereux encorequecomputer. Lordinateurmet-il vosaairesenordre ?Certesnon.Cestvous qui devezveillerlestenirenordre : si vousnyprenezpasgarde, un dsordre inou se crera dans vos dossiers lectroniques. Lordrene peut venir que de loprateur humain, non de la machine.Ordinateur : Machine capable deectuer automatiquement des op-rationsarithmtiquesetlogiques(desnsscientiques, administra-tives,comptablesetc.)partirdeprogrammesdnissantlasquencede ces oprations (Dictionnaire Hachette). Machines automatiques de traitement de linformation permettant deconserver, dlaboreretderestituerdesdonnessansinterventionhu-maine en eectuant sous le contrle de programmes enregistrs des op-rations arithmtiques et logiques. (Quid)Il ressort des dnitions usuelles que lordinateur, cest un automateprogrammable . Pour indiquer que cet automate est accessible depuis nim-porte quel poste de travail en rseau, il faut ajouter ladjectif dou dubi-quit12. L ordinateur , cest un automate programmable dou dubi-quit , un APU .Dans une entreprise ce singulier dsigne non chaque machine isolment(leserveurcentral, lepostedetravail, lesrouteursetc.), maislensembletechnique, logique et fonctionnel que constituent ces machines et qui est mis la disposition de lutilisateur sous la seule contrainte de ses habilitations.11. Cenologismenapasconnuungrandsuccsdanslesautreslangues : si londit ordenador en espagnol, on dit Computer en allemand, calcolatore en italien,computadorenportugais, kompterenrusse. Lechinoisutilisedeuxido-grammesqui signientcerveaulectrique, lejaponaistranscritphontiquementlemot computer .12. Onpourraitdireomniprsent, maiscetadjectif napasexactementlemmesens que dou dubiquit . En anglais on peut utiliser ubiquitous . Le computer ,cest un Ubiquitous Programmable Automat, un UPA .1.3. QUALIT DU VOCABULAIRE 31Lorsque nous sommes devant un poste de travail, les ressources de puissanceet de mmoire dont nous disposons ne sont pas en eet seulement celles quise trouvent dans le processeur, la RAM ou le disque dur de cette machine13,mais aussi celles auxquelles le rseau nous donne accs : cest cet ensemblequenousappelleronsordinateur, ausingulier. Lorsquecetensembleestenpanne, onentenddirelinformatiqueestenpanneoumonordinateur est en panne .La diversication que procure lordinateur son caractre programmablene doit pas faire oublier quil sagit dun automate : il excute les instruc-tionsdanslordreoelleslui onttdonneset, contrairementltrehumain, il est insensibleauxconnotations. Celalui confrelafoisunegrande prcision14et une extrme raideur. Pour comprendre ce qui se passedune part dans la tte du programmeur, dautre part dans le processeur delautomate, il faut avoir fait lexprience de la programmation; dfaut onpeut lire lexcellent petit livre Karel the Robot(Pattis, [154] ; voir page 32).1.3.2 Langage The logical mind-frame required for programming spilled overintomorecommonplaceactivities. Youcouldaskahacker aquestion and sense his mental accumulator processing bits untilhecameupwithapreciseanswertothequestionyouasked.Marge Saunders would drive to Safeway every Saturday morningin the Volkswagen and upon her return ask her husband, Wouldyou like to help me bring in the groceries? Bob Saunders wouldreply, No. Stunned, Marge would drag in the groceries herself.After the same thing occurred a few times, she exploded, hurlingcursesathimanddemandingtoknowwhyhesaidnotoherquestion. Thats a stupid question to ask, he said. Of course Iwont like to help you bring in the groceries. If you ask me if Illhelp you bring them in, thats another matter. It was as if MargehadsubmittedaprogramintotheTX-0,andtheprogram,asprograms do when the syntax is improper, had crashed. It wasnotuntilshedebuggedherquestionthatBobSaunderswouldallow it to run successfully on his own mental computer. (Levy,[113] p. 37-38).Onutiliseeninformatiquelemotlangagepourdsignerlalistedes instructions et les rgles dcriture qui permettent de composer un pro-gramme pour ordinateur. Ce que lon appelle ici langage , cest donc ledispositif de commande de lautomate.13. LaRAM(RandomAccessMemory)estlammoiresurlaquelletravaillelamachine. Son accs est rapide ( random signie que le dlai daccs est le mme quelque soit lemplacement de la donne dans la RAM). Le disque dur est une mmoire demasse accs lent ; contrairement la RAM il conserve les donnes lorsque lordinateursteint.14. Toutefois cette prcision a des limites, voir page 83.32 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURRapports entre le programmeur et lordinateurKarel theRobot (Pattis[154])fournituneutilemtaphoredelapro-grammation. On part dun jeu: il sagit de commander un robot nommKarel qui sedplacedansunmondesimple. Leplandecemondeestunquadrillagesemblableauxruesdunevilleamricaine ; Karel peutsydplacerenavanantduncarretentournantdunquartdetour droite (en rptant les quarts de tour il peut faire des virages ou desdemi-tours). Le chemin lui est parfois barr par un mur quil ne peroitque lorsquil se trouve juste devant. Il porte enn un sac contenant desbalises quil peut dposer ou ramasser certains carrefours.Karel obit exactement aux ordres quon lui donne. Si on lui donne unordre impossible (avancer dans un mur, poser une balise alors que sonsac est vide), il envoie un message et sarrte. Bref : Karel est innimenttravailleur et patient, jamais rebut par une tche rptitive, mais il nefait que ce quon lui ordonne et ne peut prendre aucune dcision. Celuiqui programme Karel dispose, lui, dun langage de programmation.LauteurinviteprogrammerKarel. Il sagitdaborddaccomplirdestches simples (parcourir la diagonale entre deux points, longer un rec-tangleentourdunmuretc.). Puisoncritdesprogrammesunpeuplus diciles : faire par exemple sortir Karel dune pice rectangu-laire entoure de murs percs dune porte, quels que soient la forme delapice, lemplacementdelaporteetlemplacementinitial deKarel.Pourtraitertouslescasparticuliersenunseulprogrammeilfautd-composer des tches complexes en tches lmentaires : nous voici dansla programmation structure, comme en Pascal.Enlisantcelivreonshabituelacooprationentreleprogrammeurhumain, avec sa crativit, et un robot dune patience inlassable. Lin-tuition dcouvre le langage quil convient de parler lordinateur si lonveut quil obisse : on apprend la fois concevoir un tel langage et lutiliser.Cela permet dentrevoir les possibilits ouvertes l tre humain assistpar ordinateur , concept plus fcond que celui dintelligence articielle.1.3. QUALIT DU VOCABULAIRE 33Il existe une dirence importante entre un tel langage et les langagesqui nous servent, nous tres humains, pour formuler oucommuniquernotrepense. Untextenoncoucritparuntrehumainestfaitpourtre compris par celui qui le reoit ; il sappuie sur les connotations , cesdiractions de sens secondaires qui entourent chaque mot et qui confrentau texte une profondeur, un plein qui dpasse le sens littral des motsquil contient.Parcontreunprogrammeest fait pourtreexcutparunautomateetnonpourtreluni comprisparuntrehumain15: il serasouventin-comprhensible, mme(aprsquelquesjours)pourcelui qui lacrit. Lesexpressions quil contient ont toutes un sens et un seul, car lautomate nesait pas interprter les connotations et ne peut excuter que des instructionsnon ambigus.Il est vrai que les tres humains, lorsquils prparent une action, doiventutilisereux-mmesunlangagepurementconceptueletviterlesconnota-tions : lingnierie, la guerre, la science, utilisent des textes aussi secs (etparfois aussi incomprhensibles premire vue) quun programme informa-tique. Le mathmaticien qui relit une de ses propres dmonstrations aprsquelques mois a autant de mal la comprendre que le programmeur qui re-lit un de ses programmes. Cependant, mme technique, le langage humainestencorefaitpourtreentendupardestreshumainsetnonpourtreexcut par un automate : les mathmaticiens ont recours pour faciliter lalecture des abus de langage qui court-circuitent certaines tapes, ju-ges videntes, du raisonnement (Bourbaki [20]). Par contre un programmeinformatique doit tre parfaitement explicite.On a pu utiliser les mots grammaire , syntaxe et vocabulaire pour dsigner la structure et les composants dun langage de programma-tion; ces mots sont ici leur place : les rgles formelles de la programma-tionsexprimentdunefaonanaloguecellesdulangagehumain. Maiscette analogie nest pas une identit car le langage humain, lui, ne se rduitpasunformalisme.Parlerdelangagepourdsignerledispositifdecommandedelautomate, cestdonc... unabusdelangagequi suscitelaconfusion, notammentdanslesrexionssurlintelligencedelordinateur(voir page 86).* *Lelangageconceptuelestncessairelaction :pouragirecacementdanslemondedelanature16, il importededsignerlesobjetsavecuneparfaite prcision. Par contre, dans la phase exploratoire qui prcde laction15. Les thoriciens de linformatique disent quun informaticien doit savoir lire les pro-grammes, maiscestlunabusdelangage. Ilsdevraientpluttdirequil fautsavoirdchirerles programmes : It is exceedingly important to acquire skill in reading otherpeoples computer programs, yet such training has been sadly neglected in too many com-puter courses and it has led to some horribly inecient uses of computing machinery (Knuth [105] vol. 1, p. 170).16. Nousseronsamens, pouranalyserlephnomnedelinformatisation, articulerselon un modle en couches le monde de la nature , le monde de la pense et le monde des valeurs : voir page 212.34 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURetlaconstructionconceptuelle, nousprocdonsparanalogie, associationdides, et relions par des connotationsles divers domaines de lexprience.Le langage connot est lhumus sur lequel se forme le langage conceptuel.Sans humus, pas de plante possible - mais lhumus nest pas lui-mme uneplante et on ne saurait le manger. De mme, sans langage connot, pas delangage conceptuel et donc pas daction possible ; mais le langage connotne peut pas nourrir directement laction.Certaines personnes, attaches la fcondit du langage connot et sen-sibleslarichessedumondequil permetdvoquer(lallusionpotiquecomble les lacunes du langage comme la succession des images cre au ci-nmalasensationdumouvementcontinu)refusentlascheressedulangageconceptuel ;cefaisantellessemutilentductdelactionvolon-taire et se limitent un rle contemplatif. Ce rle peut sans doute apporterdes plaisirs esthtiques, mais non les plaisirs et leons de laction.Dautres personnes, attaches des nalits pratiques et prises de-cacit, refusent au contraire lambigut du langage connot et ne veulentutiliser que le langage conceptuel. Cest souvent le cas des ingnieurs et desinformaticiens. Ils en viennent se couper des autres, auxquels ils parlentaveclammerigueurformellequesilscrivaientunprogramme(voirlacitation page 31).Ainsi les ingnieurs font des reproches ceux quils qualient de litt-raires ou de potes (philosophes, sociologues, historiens et autres), etdautrepartcertainssociologues, philosophesetc. excrentlesingnieurs,les techniciens dont ils dnoncent la froideur inhumaine et le tech-nicisme .* *Les critiques adresses la technique paraissent tranges si lon convoqueltymologie : zveutdiresavoir-faire. Commentpourrait-ontrecontrele savoir-faire, le savoir pratique, lecacit?Ce nest pas en fait le savoir-faire que visent les adversaires de la tech-nique, mais le langage conceptuel, lamodlisationqui rendcompte dumondedetellesortequelonpuisseagirsurlui ;ilsvisentladperditionsymbolique, lapertedesqualitsallusivesdulangagedontondoitpayerlecacitdanslaction ; ilsvisentaussi lesattitudesfroides, inhu-maines de ceux qui se vouent au langage conceptuel. Ils voudraient quelonpttrepratiquementecacetoutenconservantdanslactionlari-chesse des connotations, lambigut suggestive de la langue : mais cela, cestimpossible.Ces disputes entre scientiques et littraires trahissent une m-connaissance de la respiration de la pense. Celle-ci a besoin tantt dlargirla sphre de ses reprsentations, et pour cela de laisser aller les associationsdides qui lui procureront son terreau ; tantt de construire, sur la base ainsilabore, des concepts et structures hypothtico-dductives : dans ce secondtemps elle doit se fermer aux sirnes de lallusion, liminer les connotations.Ne vouloir admettre que lune ou lautre des deux phases de la dmarche,1.3. QUALIT DU VOCABULAIRE 35cest comme si lon disait que dans la respiration seule linspiration seraitlgitime, lexpiration tant proscrire (ou linverse). Celui qui applique unetelle rgle sera bientt tou.Leuxqui renouvelleet alimentenotrepensepassepar lelangageconnot, lelangageconceptuel permetdemettreenexploitationlestockdes reprsentations ainsi accumules. Il nexiste pas de stock sans ux quilalimente, le ux se perd sil nalimente pas un stock.1.3.3 Objet Dans un langage objets (on dit aussi langage orient objets ),on appelle objet un petit programme qui contient :- le nom propre (ou matricule, ou identiant) qui dsigne sans ambigutun individu du domaine considr (un client, un produit, un tablisse-ment, une machine, une pice dtache etc.) ;- diverses variables observes sur cet individu et dont il a t jug utilede conserver la valeur en mmoire (par exemple date et lieu de naissance,adresse et numro de tlphone dune personne ; adresse, activit principale,taille dun tablissement etc.) : on appelle ces variables attributs ;- diverses fonctions qui, appliques aux attributs , lancent des trai-tementsproduisantdautresattributsouencoredesmessagesderreuroudanomalie (calculer lge dune personne partir de sa date de naissanceet de la date du jour ; mettre jour la valeur dun attribut partir dunenouvelle saisie ; sassurer que la saisie est ralise dans un format conforme,que la donne a une valeur acceptable etc.) : on appelle ces fonctions m-thodes et elles transcrivent des rgles de gestion .Ainsi lobjet (informatique) reprsente un tre du monde de la nature ;il garde trace de certains de ses attributs (mais non de tous, car tout trenaturel possde une innit dattributs) ; il leur associe des traitements sp-ciques.Chaque objet est un cas particulier au sein dune classe : par exemplelobjetqui reprsenteunclientestuncasparticulierauseindelaclasseclient.Lorsquondnituneclasse,ondnitlalistedesattributsetmthodes que lon veut connatre sur chacun des individus quelle comporte.Lorsquonindiquelesvaleursprisesparlidentiantetlesattributspourun individu particulier on dit que lon instancie la classe, dont lobjetparticulier est une instance .Cejargonsclairesi lonpensecequi sepasselorsquonfait uneenqute statistique (Volle [211]). Lindividu appartenant au champ de len-qute, cest ltre quil sagit de reprsenter. Le dessin du questionnaire, cestla dnition de la classe. Remplir le questionnaire, cest l instancier pourreprsenter un individu particulier. Les rgles de codage et de vricationautomatiqueutiliseslorsdelasaisiesontdesmthodesausensdeslangages objets.Mais objet est un faux ami : lorsque linformaticien lutilise pour d-signer la reprsentationdun existant, il scarte de lusage courant commedelusagephilosophiqueoobjetdsigneunexistant reprparla36 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURperceptionouvisparlintentiondunsujet(commevotrevoiture, votremontre etc.). Cela conduit linformaticien prononcer cette phrase qui faitse hrisser les cheveux du philosophe : un objet, cest une abstraction .Cest presque une tautologie si lon sait que le terme objet , pour linfor-maticien, dsigne une reprsentation car toute reprsentation rsulte duneabstraction; cestuneabsurditsi londonneautermeobjetlesensquil a dans le langage courant comme en philosophie.1.3.4 Donne et Information Frequentlythemessageshavemeaning;thatistheyrefertoor are correlated according to some system with certain physicalor conceptual entities. These semantic aspects of communicationareirrelevanttotheengineeringproblem.(Shannon[185]p.31.)La quantit dinformation quapporte un texte serait, selon la thoriede linformation de Shannon, dautant plus grande que le texte est pluslong et moins redondant. Une suite de lettres tires au hasard ne comporteaucuneredondance ;ellecontiendraitdonc,sionveutlareproduireexac-tement, plus dinformation (au sens de Shannon) que nimporte quel textede mme longueur. Wan trus be lifx , tap au hasard sur mon clavier,contiendrait plus dinformation que la phrase de mme longueur le papeest mort .Pourunlecteuril nenestpasdemmecarlasecondephraseaunsens, alorsquelapremirenenaaucun. CestqueShannonpensaitnonltrehumain, maislordinateuretauxrseaux : cestexactementcequil dit dans la citation ci-dessus. Sa thorie est non pas une thorie delinformation , mais une thorie des donnes ou mieux une thorie destlcommunications . Lexpression thorie de linformation suscite descontresens qui empchent de distinguer deux concepts galement utiles17.Ce qui nous est donn, cest le monde de la nature et lexprience quenousenfaisons ; cequelonappelledonneeninformatique(commeenstatistique), cestlersultat duneobservationfaitesurlundestresqui existent dans ce monde, autrement dit la mesure dune variable sur unindividu.Cettemesurenestpasdonne, maisobtenuelissuedunprocessusdabstraction qui comporte plusieurs tapes. Nous avons dcid :(1) dobserver telle population parmi toutes celles que comporte le mondede la nature,(2)dobserversurlesindividusqui lacomposenttelleslectionparmilinnit des variables que lon pourrait observer sur eux,17. PouruneanalysedelathoriedeShannon,voirEscarpit[54].LarticlefondateurdeShannonnapaspourtitrethoriedelinformation, maisthoriedelacom-munication :ilsagitenfaitdingnieriedesrseauxdetlcommunication(Shannon[184]).1.3. QUALIT DU VOCABULAIRE 37(3)decoderchaquevariabledetellefaon(unitdemesure, format,nomenclature pour les variables qualitatives),(4) didentier tel individu au sein de cette population,(5) dobserver sur cet individu la valeur des variables slectionnes.Certainespersonnesoublientcependantquelesdonnesrsultentduneobservationslectiveetlesprennentpourlareproductiondleetcompltedelaralit. Dautresestimentparcontreque, dufaitdecetteslection, les donnes seraient irrmdiablement subjectives et doncdouteuses : pourtant les valeurs quelles prennent ne dpendent pas du bonvouloir de lobservateur... Il y a l un nud de confusions dmler.Linformatique enregistre, traite et stocke des donnes ; lutilisateur lessaisit ou les consulte et lance des traitements qui produisent dautres don-nes. Les ux qui en rsultent dans les processeurs et les rseaux, les stocksqui saccumulent dans les mmoires, les dlais de mise disposition, le syn-chronisme des rplications, la concurrence entre des mises jour simultanes,tout cela pose des problmes de physique.La physique des donnes est le domaine propre de la technique in-formatique. Elle dtermine le dimensionnement des ressources (dbit des r-seaux, puissance des processeurs, taille et dlai daccs des mmoires) quelleorganise selon lordre des performances et des cots : les mmoires daccsrapide, coteuses, seront de faible volume et rserves aux utilisations ur-gentes, le gros des donnes tant stock sur des mmoires moins coteusesdaccs plus lent. Le systme dexploitation transfre automatiquement lesdonnes entre les divers types de mmoire. Le rseau est dimensionn pararbitrage entre le cot du haut dbit et le besoin de transferts volumineuxet rapides etc.Lesdonnessontorganisesselondesarchitecturesdiverses :icilonaralis un systme par objets, l une base de donnes relationnelles ; ici onautilistellenomenclatureoutel typage, luneautrenomenclature, unautre typage. La communication entre les diverses parties du systme din-formationdemandealorsdestranscodagesetrestructurationsqui seronteectus par des interfaces. Savoir dnir ces architectures, savoir interpr-ter les ores des fournisseurs de solutions, cest l un mtier de spcialiste.Lesdonnessontparfoisfausses : deserreursseproduisentlorsdelasaisie, neserait-cequenraisondesfautesdefrappe. Cest pourquoi lesdoubles saisies, les recopiages de donnes la main, sont un des points defragilitdessystmesdinformation. Parailleurslorsquunenomenclaturechange il est parfois ncessaire de procder la correction rtrospective desdonnes, et le plus souvent cette correction se paie par des inexactitudes.* *Prenons le mot information non au sens quil a dans la thorie deShannon, ni celui quil a dans le langage courant (les informations de 20heures ), mais au sens tymologique : une information, cest quelque chosequi vousin-forme, qui modieoucompltelaforme intrieuredevotre38 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURreprsentation du monde, qui vous forme vous-mme18. Linformation ainsiconue a une signication : elle suscite une action de la part de celui qui lareoit, ou du moins elle modie (trans-forme)les conditions de son actionfuture.Pour pouvoir recevoir de linformation, il faut avoir t form, et cest enrecevant de linformation que lon se forme. Certes il faut une amorce pource cycle mais elle est enfouie dans les origines de la personne, tout commelamorce du cycle de la poule et de luf est enfouie dans les origines de lavie.Une donne ne peut donner naissance une information que si elle estcommunique au destinataire dans des conditions telles quil puisse linter-prter,lasituerdanssonpropremondeintrieuretluiattribuerunsens.Cest l le but implicite de nos bases de donnes, de nos systmes daide la dcision.Lestatisticienconnatletravail quil fautfournirpourinterprterlesdonnes : les confronter avec dautres, valuer des corrlations, revenir surlesdnitionsetconditionsdelobservationetc.Ilsepubliebeaucoupdetableaux de nombres mais peu de personnes disposent de larsenal techniquencessaire pour les interprter. En fait, il faut le dire, personne ne les regardesauf sils sont accompagns de la synthse en langage naturel qui permet deles faire parler19.Mais les donnes ne sont pas utilises principalement pour produire desstatistiques : ellesserventsurtouttraiterdescasparticuliers. Desdci-sionsconcernantchacundenoussontprisespartirdedossiersonoussommes reprsents par quelques donnes plus ou moins bien choisies, plusoumoinsexactes.Lapersonnequicontrleralestraitementsautomatisset traitera notre cas pourra-t-elle transformer ces donnes en informationspour comprendre notre situation? Ou bien se comportera-t-elle en assistantde lautomate?* *Lemotcomportementfaitpasserdelaphysiquedesdonneslaphysiquedelinformation. Lutilisateurduneinformationsecomporte. Ilnestpasunechosequi obiraitauxloisdelaphysiquecommelefaitlepaquetdoctetsqui transiteparunrseau, caril agiraenfonctiondecequil a compris.La physique de linformation ressemble celle de la circulation routireo les conducteurs, eux aussi, se comportent :18. Informer et instruire sont trs proches : informer, cest donner une forme ;instruire, cest donner une structure.19. On a pu dnir ainsi la fonction de la synthse statistique : consentir une perte eninformation (au sens de Shannon) pour obtenir un gain en signication (information ausenstymologique).Letravaildustatisticienestsemblableceluidutypographe :latypographie fait perdre linformation que contiennent lcriture manuscrite, les correctionsetc., maislamiseenformedutexteimprimfacilitesalectureetaideaudgagementdu sens par le lecteur. De mme la synthse statistique attire lattention sur les donnessignicatives, cequi invitengligercellesqui nelesontpasetprparelesvoiesdelinterprtation (Volle [212] p. 51).1.3. QUALIT DU VOCABULAIRE 391) La route qui relie telle banlieue au centre ville est encombre, on d-cide de llargir : elle sera tout aussi encombre car comme elle est plus largedavantage de personnes prendront leur voiture. De mme, vous dimension-nez largement le rseau pour faciliter la tche des utilisateurs, le nouveaurseau sera tout aussi encombr car de nouveaux usages sy installeront.2)Vousachezsurunpanneaudelautoroutebouchon6km,certains conducteurs prendront la prochaine sortie et viendront encombrerle rseau des routes secondaires, dautres resteront sur lautoroute : ce choixest alatoire. De mme, vous avez install dans votre entreprise un serveurprotg par un pare-feu modeste : des pirates sauteront cette barrire pourutiliser ce serveur gratuitement. Vous augmentez la puissance du pare-feu :vos utilisateurs seront gns etc.Laconceptiondunsystmedinformationdoitanticiperlecomporte-mentdesutilisateurstoutcommeceuxqui conoiventunrseauroutieranticipent le comportement des conducteurs. Le systme dinformation in-uence en retour les comportements. Vous avez organis de telle faon lan-nuairedelorganisation, dcoupdetellesorteles zones gographiques,choisi telle nomenclature de produits : cest ainsi que votre entreprise par-lera, sorganisera, communiquera. Certaines dcisions, prises la va-vite parun groupe de travail, dtermineront long terme le cadre des reprsentationsselon lesquelles lentreprise dnira ses priorits. La dlimitation des popu-lationsdcritesdanslesystmedinformation, lagestiondesidentiants,des nomenclatures, des classes dobjets, bref lensemble des oprations quelon a coutume de nommer administration des donnes ou gestion durfrentiel , conditionnent la physique de linformation.1.3.5 Numrique Que dmotions autour du mot numrique ! La fracture numrique mettraitenprillacohsionsociale ;lordinateurconstitueraitundangermajeur pour les arts, quil priverait de leur me en les numrisant . Unfrissonparcourtlchinedulittraireconfrontlafroideurdesmathmatiques et de labstraction.Chacun est libre de ses gots et dgots, mais on ne peut admettre quesinstalleuneerreurdejugementfondesurunpureetdevocabulaire.Nous devons donc dvelopper ici lanalyse dune erreur triviale : des espritspar ailleurs distingus la commettent. Comme ils sont loquents et couts,il en rsulte dans les ides un dsordre dvastateur20.La confusion est pire encore lorsquon utilise le terme anglais digital . Digit signie chire en anglais, mais digital dsigne en franaisce qui est relatif au doigt. Lexpression son digital ahurit le badaud -cestsansdoutelebutvispardesvendeurspremptoires,ft-ceauprixdune dtrioration de la langue.20. Virilio [209] annonce la n du langage . Heureusement cette prophtie erayantenest taye par aucun argument, pas plus que la dnonciation du cybermonde queViriliofondesurlaressemblanceentrelesmotsinteractivitetradioactivit.Certains voient de la profondeur dans ces calembours.40 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEUR propos de la fracture numrique Cette expression, aussi disgracieuse que son digital , dsigne la di-rence sociale qui sinstaurerait entre ceux qui matrisent lordinateur etceux qui, ne le matrisant pas, risqueraient lexclusion.Certains de ceux qui manifestent ainsi leur souci envers les exclus poten-tielsseattentdenavoiraucunepratiquedelordinateur.Sansdoutese considrent-ils comme des privilgis au grand cur proccups parlingalit qui les spare de leurs infrieurs, ingalit quils savourent touten la dplorant. Comme il est dlicieux de gagner la fois sur le tableausocial et sur le tableau moral !CelarappellelesprceptesorgueilleusementhumblesdunsnobismevangliquequelaprincessedeParmeinculquesalledanslarecherche du temps perdu a.Pourtant personne, quel que soit son niveau social, nest embarrass pourutiliser un distributeur automatique de billets ou un tlphone portable,outilshightechsil enest. Lesassistantessontplusexpertesqueleurpatron dans lutilisation de lordinateur. Les personnes les plus cales eninformatique, celles qui matrisent les langages de programmation et lesarchitectures(savoirdontlacquisitiondemandedesannesdeforma-tion), sont des cadres moyens qui leur spcialit procure la lgitimitqui leurestrefuseparailleurs. Lescadressuprieurs, saufexception,ne feront pas leort de se qualier en informatique tant que leur lgi-timit ne sera pas corne par leur incomptence, et cette heure-l napas encore sonn en France.La vraie fracture numrique se trouve entre les dirigeants et linfor-matique, et non tout prs de la frontire de lexclusion sociale. Bien srpersonne ne peut utiliser un ordinateur sans un minimum dexplicationset de pratique ; mais il ne faut pas prtendre que certains souriraient,cetgard, dunhandicapsocial : il estbeaucoupplusdiciledap-prendre parler en bon franais que dapprendre utiliser lordinateur(lapprentissagedelaprogrammation, lui, estparcontreaussi dicileque celui dune langue naturelle).a Rappelle-toi que si Dieu ta fait natre sur les marches dun trne, tu ne dois pasen proter pour mpriser ceux qui la divine Providence a voulu (quelle en soit loue !)quetufussessuprieureparlanaissanceetparlesrichesses. (...)Soissecourableauxmalheureux. Fournis tous ceux que la bont cleste ta fait la grce de placer au-dessousdetoicequetupeuxleurdonnersansdchoirdetonrang,cest--diredessecoursenargent, mme des soins dinrmire, mais bien entendu jamais dinvitation tes soires,ce qui ne leur ferait aucun bien, mais, en diminuant ton prestige, terait de son ecacit ton action bienfaisante. (Marcel Proust, larecherchedutempsperdu,LectdeGuermantesII, 1921 ; Robert Laont, collection Bouquins 1987, vol. 2 p. 352).1.3. QUALIT DU VOCABULAIRE 41Il est vrai que dans lordinateur, au cur du processeur qui eectue lesoprations, nexistentquedesoscillationsrapidesentredeuxniveauxdetension lectrique qui servent coder des 0 et des 1, des bits . Linforma-tion que lutilisateur traite (texte, images, calculs, sons) est transcrite parune cascade de codages qui la traduisent ou linterprtent pour parvenir aumicrocode, crit en bits, que le processeur pourra excuter.Ce codage a-t-il une inuence sur linformation? Non, car il ne fait quela transcrire. Si je tape une fable de La Fontaine sur mon clavier, son textesachera sur lcran avec toute sa puissance vocatrice. Que les caractressoient cods en octets (huit bits) nenlve rien son contenu et les conven-tions de traitement de texte que jutilise pour le mettre en page, elles aussitranscrites en bits, ne font que faciliter sa lecture.Lordinateur, faisant ici fonction de machine de traitement de texte, estincapable dinterprter ce texte mais il aide sa prsentation. On ne peutpas dire que la fable de La Fontaine soit numrise : elle reste un textepotique qui vise, par ses suggestions et sa musicalit, mouvoir le lecteuret veiller son intelligence.Parodions, enletransposant, leraisonnementdescritiquesdunu-mrique21: Commentvoulez-vousquelcriturepuissereproduirelarichesseetlesnuancesdulangagehumain?Commentpourrait-ondcriredes couleurs quand on crit en noir sur du papier blanc? etc. Cette trans-position met a nu le procd quutilisent des sophistes pour susciter douteet perplexit : on feint de croire, en confondant les diverses couches du pro-cessus, que la physique du support rtroagit sur le contenu du texte. QuandMarshall McLuhanditthemediumisthemessage (McLuhan[128])celane signie pas les ondes lectromagntiques constituent le message de latlvision,maislesconditionsconomiques,sociales,delaproductiondes programmes tlvisuels ont sur leur contenu une inuence qui peut tredterminante , ce qui est tout dirent.Cestenconsidrant lesconditionspratiques,sociales,culturelles,co-nomiquesdelamiseenuvredelAPU, delutilisationdelordinateur,quelonpeutraisonnersursesapports,leurslimitesetleursdangers.Lemotnumriquenedonnepaslacldeceraisonnement : commeunpouvantail, il inhibelediscernement. Despersonnesparailleurscomp-tentesraisonnentmal quandellesparlentdelanumrisation22: ellesnevoient pas que larchitecture en couches de lordinateur implique une di-21. Leur voix, quand ils tlphonent, est soumise au codage MIC qui la transforme enun ux de 64 000 bits par seconde. Il en est de mme, avec un dbit plus lev, pour lamusique lorsquils coutent un disque compact. Leur parole, la musique, sont-elles pourautant numriques ?22. Lordinateur est la matrialisation de la logique mathmatique : ils ont connu desdveloppements historiques conjoints. Aux fondements de ces dveloppements se trouve leprincipe didentit. Lordinateur calcule 0 et 1 mais ne sait faire que cela. Tout, en eet, estramen des 0 et des 1 an que le courant lectrique passe ou ne passe pas. Lordinateurobligefairedes modles entirement logiques. Il fonctionnecommeunprincipederalit technico-logique, garant de la cohrence des modles : un producteur de modleshyperrationnels. (Francis Pav, Transformation des reprsentations et rsistance auxchangements , confrence lcole dt 1998 de lIUFM de Franche-Comt). Mais quelest le modle hyperrationnel luvre quand on utilise un traitement de texte?42 CHAPITRE 1. DU CT DE LORDINATEURrence de nature entre ce que fait lutilisateur et ce que fait la machine. Quepenseraient-elles si on disait de leurs crits ce sont des signes noirs dessinssur du papier blanc , ou de leurs paroles ce sont des ondes sonores quepropagent les variations de la pression de lair ?Lordinateur est pour nos socits une innovation aussi importante quelefurent,dautrespoques, linventiondelcritureoudelimprimerie :il modielesconditionsdecration, classement, rechercheettraitementdesdonnesetdocuments.Ilneserapasfaciledapprendresenservir,viter ses eets pervers. Mais avons-nous vraiment matrislcriture,limpression? Savons-nous vraiment lire et crire (et compter) au sens nonde la performance, mais de la vie intellectuelle et de la vie sociale? faut-ildonc que lordinateur nous inspire plus de craintes que la presse, les mdiasou mme, tout simplement, la parole?1.4 Modle en couchesLe modle en couches a t conu par des techniciens pour pouvoirpenserunobjetdumondedelanaturedontlefonctionnementarticuleplusieurs logiques. Ainsi dans un ordinateur se produisent des phnomneslectromagntiques (des lectrons se dplacent, des tensions se modient) ;cesphnomnessonttraduitsen0ou1 ; lessuitesbinairesreprsententdesinstructionsoudesdonnes ; lesrglesqui gouvernentlecodagedesdonnesetinstructionssontfourniesparleslangagesdeprogrammation(Sethi [182]) ; lelangageleplusprochedelamachinetantincommodepourltrehumain, deslangagesdehautniveausontlaborspourfac