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D.E.A. LOGISTIQUE & SYSTÈMES D’UNE LOGISTIQUE FRAGMENTEE A LA LOGISTIQUE SYSTEMIQUE Essai de cartographie du « système logistique » dans la chaîne de valeur Mémoire de recherche de Thierry JOUENNE Soutenu le 17 octobre 2005 Président du Jury : Christian HOARAU Responsable national du Master de recherche en Sciences de Gestion, Pôle Economie et Gestion, CNAM Paris Professeur titulaire de la Chaire Comptabilité Financière et Audit Membres du Jury : Maël BARRAUD Président directeur général, Groupe Influe Pierre GEORGET Directeur général, GS1 France Laurent GREGOIRE Responsable scientifique du D.E.A. « Logistique & Systèmes » Directeur de la Logistique, Georgia-Pacific Jean-Claude ZIV Professeur titulaire de la Chaire Logistique, Transport, Tourisme CNAM Paris

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D.E.A. “ LOGISTIQUE & SYSTÈMES ”

D’UNE LOGISTIQUE FRAGMENTEE A LA LOGISTIQUE SYSTEMIQUE

Essai de cartographie du « système logistique » dans la chaîne de valeur

Mémoire de recherche de Thierry JOUENNE

Soutenu le 17 octobre 2005

Président du Jury : Christian HOARAU Responsable national du Master de recherche en Sciences de Gestion, Pôle Economie et Gestion, CNAM Paris Professeur titulaire de la Chaire Comptabilité Financière et Audit

Membres du Jury : Maël BARRAUD

Président directeur général, Groupe Influe

Pierre GEORGET Directeur général, GS1 France

Laurent GREGOIRE

Responsable scientifique du D.E.A. « Logistique & Systèmes » Directeur de la Logistique, Georgia-Pacific

Jean-Claude ZIV Professeur titulaire de la Chaire Logistique, Transport, Tourisme CNAM Paris

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D’une logistique fragmentée à la logistique systémique

Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 2

Remerciements Arrivé depuis un an à la Chaire de Logistique du CNAM Paris dirigée par le professeur titulaire Jean-Claude Ziv, j’ai le plaisir aujourd’hui d’apporter ma contribution aux travaux du Laboratoire de recherche en « Logistique & Systèmes ». Axée sur la représentation de la logistique dans la chaîne de valeur, cette recherche a pour objectif d’offrir un nouveau cadre d’analyse et d’approfondissement de cette discipline difficile à appréhender. Elle s’inscrit dans une vision systémique pour l’étude et la modélisation de la logistique dans le monde hypercomplexe de l’entreprise. Par une démarche systémique, la logistique s’avère être une science d’une grande richesse dont on commence à exploiter les nombreuses potentialités. Les travaux de recherche du CNAM ont la particularité d’être menés par des chercheurs-praticiens issus de tous les secteurs d’activité. Professionnels de la logistique, les chercheurs du Laboratoire de recherche en « Logistique & Systèmes » proviennent d’entreprises privées ou publiques et ont choisi de consacrer entre un et trois ans de leur vie professionnelle, sous forme de cours et de travaux du soir, au développement de la recherche en logistique. Les thèmes de recherche sont appliqués à des problématiques concrètes et bénéficient pour leur résolution de la fertilisation des connaissances et des bonnes pratiques entre les milieux scientifiques, universitaires et professionnels, en partenariat avec différentes entreprises et organismes spécialisés. Enthousiasmé par le cours de cette recherche débouchant sur un essai de représentation cartographique de la logistique systémique, je tiens à remercier Laurent Grégoire pour m’avoir ouvert les portes de la systémique et fait découvrir la logistique sous un nouvel éclairage, Jean-Claude Ziv pour l’excellent accueil qu’il m’a réservé dans son équipe, Philippe Duong, Brice Duthion, Jean-Paul Meyronneinc pour leurs encouragements, tous les membres de la Chaire Logistique, Transport, Tourisme du CNAM Paris et Pays de la Loire, ainsi que les nombreux auditeurs du CNAM que j’ai le plaisir de guider dans leurs travaux de recherche et avec qui je partage des problématiques logistiques dans plusieurs secteurs d’activité. Tout spécialement, je remercie les personnalités du CNAM et du monde de la Logistique Christian Hoarau, Jean-Claude Ziv, Laurent Grégoire, Pierre Georget et Maël Barraud pour leur présence exceptionnelle dans le jury de soutenance de ce travail de recherche. Mes remerciements vont également à tous les auteurs cités dans ce mémoire pour la richesse de leurs ouvrages et publications à la base de ces travaux. Qu’ils trouvent dans la finalité de cette recherche une part qui leur revient sans aucun doute ! Enfin, je remercie vivement mes proches pour leur soutien inconditionnel tout au long de cette entreprise, ainsi que Olivier Poccard, dessinateur, pour la réalisation de nombreux schémas, aussi complexes fussent-ils, et Laurent Grégoire à nouveau pour avoir validé les apports scientifiques. Que cette cartographie puisse contribuer à l’exploitation de tous les leviers de la logistique au service de l’entreprise ! Thierry JOUENNE, CFPIM 24 septembre 2005

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D’une logistique fragmentée à la logistique systémique

Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 3

1 RESUME ABSTRACT

Mots clés : Chaîne de valeur, fonction logistique, processus logistique, supply chain mana-gement, interactions, systémique, cartographie.

Keywords : Value chain, logistics, supply chain management, interactions, systemics, mapping.

La logistique apparaît souvent comme une fonction fragmentée et diffuse, rassemblant des éléments hétéroclites aux relations imprécises et confuses, faute de liens clairs avec le monde complexe qui l’entoure.

En quête d’une image consolidée de la logistique moderne, cette recherche est consacrée à la valorisation de son potentiel stratégique dans la chaîne de valeur.

Sous une approche systémique, les travaux d’investigation ont d’abord consisté à (re) découvrir la logistique dans son environ-nement complexe à travers les relations qu’elle entretient avec les autres fonctions de la chaîne de valeur. Afin d’en appréhender le potentiel, nous avons ensuite analysé les activités logistiques et le processus de création de valeur au service de la compéti-tivité de l’entreprise.

Au terme de la recherche bibliographique, « un bon schéma valant mieux qu’un long discours », l’ensemble des apports théoriques présentés dans ce mémoire a été traduit sous la forme originale d’une cartographie.

Ce modèle unique, censé offrir une perception immédiate de la logistique dans la chaîne de valeur, est destiné à la fois au néophyte et au supply chain manager. Par l’inauguration de ce référentiel carto-graphique appliqué aux Sciences de Gestion, nous tentons de réconcilier le fond et la forme du problème de « positionnement » de la logistique dans l’entreprise. Ce projet a été mené dans un esprit pluridis-ciplinaire comme l’exige un processus aussi intégré que celui de la logistique. Il s’est focalisé sur la recherche de sens et de liens selon les principes de la pensée systémique telle qu’elle est enseignée et appliquée au Laboratoire de recherche en Logistique & Systèmes, au CNAM à Paris.

Logistics often appears to be a fragmented and broad function, the gathering of heterogeneous data from imprecise and confusing connections, because of a failure of clear links with the complex world that surrounds it.

In the search for a consolidated image of modern logistics, this research is dedicated to the valorisation of its strategic potential in the value chain.

Through a systemic approach, the investi-gation work first consisted of (re)discovering logistics in its environment through the connections it maintains with the other functions in the value chain. To understand its potential, we then analysed the logistic activities and the value process servicing the competitiveness of the company.

At the end of the bibliographical research, « a good plan is worth more than a long treatise », the collection of the theoretical contributions presented in this report has been interpreted using the original form of a map.

This unique model, which should offer an immediate perception of logistics in the value chain, is intended for both the novice and the supply chain manager. Through the setting up of this referential mapping applied to the Science of Management, we are trying to reconcile the form and the substance of the problem of the positioning of logistics in the company. This project has been carried out using a multi-disciplinary approach as required by a process as integrated as logistics. It has focused on the research into sense and links according to the principles of the systemic way of thinking that is taught and applied at the Laboratory of research in Logistics & Systems at CNAM in Paris.

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SOMMAIRE

1 RESUME ………………………………………………………………………….……. p. 3 2 INTRODUCTION ……………………………………………………………….……… p. 5 3 MOTIVATIONS ………………………………………………………………………... p. 5 4 STRUCTURE DU DOCUMENT …………………………………………….……….. p. 6 5 THEME DE RECHERCHE ……………………………………………….……….….. p. 7 6 CADRE DE LA RECHERCHE …………………………………………….………… p. 7

6.1 Constat …………………………………………………………..…………….. p. 7 6.2 Objet de la recherche ………………………………………….…………….. p. 9 6.3 Problématique………………………………………………………….……… p. 10 6.4 Hypothèses …………………………………………………………………… p. 10 6.5 Epistémologie et méthodologie de la recherche ………………………….. p. 12

7 ETAT DE L’ART ……………………………………………………….……………… p. 17 7.1 La théorie de l'offre et de la demande ……………………………………... p. 17 7.2 Le commerce électronique ………………………………………………….. p. 21 7.3 La chaîne de valeur ………………………………………………………….. p. 24 7.4 La stratégie d’entreprise …………………………………………………….. p. 30 7.5 La démarche Qualité Totale ………………………………………………… p. 38 7.6 L’approche Processus ……………………………………………………….. p. 47 7.7 Le contexte relationnel de la logistique ……………………………………. p. 59 7.8 La logistique …………………………………………………………………... p. 88 7.9 Le supply chain management ………………………………………………. p. 109 7.10 La systémique ………………………………………………………………… p. 119 7.11 Notions de cartographie ……………………………………………………... p. 131 7.12 Conclusion générale sur l’état de l’art ……………………………………… p. 135

8 ANALYSE DES DONNEES ET MODELISATION ………………………………... p. 138 8.1 Récapitulatif des données collectées …………………………….………… p. 138 8.2 Classification des données ………………………………………………….. p. 141 8.3 Essai de modélisation graphique …………………………………………… p. 143

9 VALIDATION DES CONNAISSANCES PRODUITES …………………………… p. 150 9.1 Elaboration du questionnaire …………………………………………….….. p. 150 9.2 Choix du terrain d'observation …………………………………………….… p. 150 9.3 Taille et composition de l'échantillon …………………………………….…. p. 150 9.4 Analyse des données collectées ……………………………………………. p. 150 9.5 Résultats ………………………………………………………………………. p. 150

10 CONCLUSION SUR LA RECHERCHE …………………………………………….. p. 151 10.1 Conclusion générale …………………………………………………………. p. 151 10.2 Apports et enseignements …………………………………………………... p. 152 10.3 Critiques et perspectives …………………………………………………….. p. 153

11 ANNEXES ……………………………………………………………………………... p. 154 11.1 Glossaire ………………………………………………………………………. p. 155 11.2 Le processus CPFR ………………………………………………………….. p. 174

12 BIBLIOGRAPHIE ……………………………………………………………………… p. 175

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2 INTRODUCTION

La logistique apparaît souvent comme une image fragmentée et diffuse, rassemblant des éléments hétéroclites aux relations imprécises et confuses, faute de liens clairs avec le monde complexe qui l’entoure. Or il est plus que temps d’en « recoller les morceaux » au moment où celle-ci semble bénéficier d’un retour en grâce après du public et des entreprises. L’approche systémique ouvrirait-elle des perspectives nouvelles pour réconcilier le fond et la forme du problème ? Pour une nouvelle synthèse de la logistique et de son potentiel unifié, nous allons nous intéresser aux chemins qui en relient les composantes avec les autres fonctions de la chaîne de valeur. L’objectif de cette recherche est d’offrir une représentation claire de la réalité complexe de la logistique dont la maîtrise des leviers d’action est un gage de compétitivité à l’heure de la mondialisation. Mais comment représenter le potentiel de valeur d’une discipline millénaire, éminemment stratégique, transversale, pluridisciplinaire, comptant pas moins de 23 métiers en charge de plus de 600 activités1

dans un système aussi complexe que celui de l’entreprise ?

3 MOTIVATIONS

Après avoir mené pendant une douzaine d’années des activités de R&D et d'organisation industrielle et logistique successivement chez Saint-Louis Sucre, Décathlon, GS1 France, Transora (place de marché électronique, Chicago) et dans le conseil, j’ai grand plaisir à retrouver l’univers stimulant de la recherche, cette fois-ci dans le cadre des sciences de gestion, pour approfondir les potentialités de la logistique. Mes travaux sur la méthode DRP (Management des ressources de distribution), le réappro-visionnement continu, la stratégie de partenariat ECR (Réponse efficace au consommateur), la GPA (Gestion partagée des approvisionnements), le CPFR (gestion collaborative sur les prévisions de vente) menés en partie au sein de GS1 France et ECR France, relayés par l’ASLOG (Association française pour la logistique), la revue Stratégie Logistique, et Jouwen Editions sous la forme d’ouvrages traduits de l’anglais, de guides pratiques de mise en oeuvre et d’articles de presse, procèdent de la volonté de partager en toute modestie les meilleures pratiques d’organisation industrielle et logistique. Celles-ci proviennent pour l’essentiel des Etats-Unis et présentent un intérêt stratégique pour les entreprises françaises. Souhaitant mettre à profit mon expérience professionnelle passée à l’intérieur et à l’interface de différents maillons de la chaîne logistique, mon projet de recherche adresse le thème de la place et du rôle de la logistique dans la chaîne de valeur. Cette question n’est pas nouvelle ; elle est d’ailleurs récurrente dans bon nombre d’ouvrages et de programmes de recherche tant elle ne semble pas résolue. Ou peut-être est-ce le propre de cette fonction que d’être régulièrement revisitée et redéfinie au fil des évolutions du marché ?

1 Selon la norme NF X 50-600, Logistique – Fonction et démarche logistiques, AFNOR, 1999, p. 5. D’après une enquête réalisée auprès de 555 entreprises dans 7 pays européens.

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4 STRUCTURE DU DOCUMENT

Ce mémoire se compose de sept parties :

1) La première partie précise le thème de la recherche consacré à la place et au rôle de la logistique dans la chaîne de valeur.

2) La seconde partie décrit le cadre méthodologique de la recherche à partir du constat

initial suivi de la problématique et des hypothèses de travail. Le positionnement épistémologique et méthodologique de ce projet fait référence à l’ouvrage Méthodes de recherche en management de Thiétart et al. (2003).

3) La revue de l‘état de l’art est l’objet la troisième partie. Cette section d’une grande

richesse fait intervenir différentes théories, concepts et travaux liés à l’évolution du contexte économique, à la chaîne de valeur, à la stratégie d’entreprise, à la démarche qualité totale, à l’approche processus, aux fonctions de l’entreprise, à la logistique, au supply chain management et à la systémique en tant que données d’entrée du « processus de cartographie » de la logistique systémique.

Les concepts présentés répondent à la fois à une préoccupation scientifique et pédagogique afin de conduire le projet de recherche à son but et de partager la connaissance acquise au fil des lectures.

Les sources des articles et des ouvrages consultés sont citées en pied de page avec comme informations : l’auteur, le titre, l’éditeur, l’année de parution, ainsi que les pages auxquelles il est fait référence. Du fait du faible nombre d’articles scientifiques en logistique, publiés en France dans la seule revue Logistique & Management à comité de lecture, la recherche a utilisé de nombreux ouvrages reconnus et d’ores et déjà largement cités dans les travaux scientifiques.

4) L’exploitation des données théoriques intervient dans la quatrième partie. Mettant à

profit la recherche bibliographique, elle consiste à traiter et à synthétiser les connaissances acquises en une « image représentative » du potentiel de la logistique et du jeu complexe de ses interactions avec les autres fonctions de la chaîne de valeur.

5) La cinquième partie s’attache aux résultats obtenus. Elle propose un cadre de

validation des connaissances produites en vue de tester le modèle proposé et de recueillir les avis, critiques ou suggestions d’amélioration auprès d’observateurs externes.

6) La conclusion générale clôture le travail de recherche dans la sixième partie et

récapitule les principaux enseignements tirés de l’étude exploratoire. Conformément à l’usage, elle fait aussi la synthèse des apports et des limites de la recherche effectuée. Sur la base des travaux accomplis, de nouvelles pistes de recherche sont proposées pour des investigations futures, si tant est que le filon exploité offre des perspectives prometteuses, comme nous le pensons.

7) La septième partie regroupe les annexes dont le glossaire des termes et des

abréviations utilisés dans ce mémoire. Pour la poursuite des travaux de « valorisation » de la logistique, nous envisageons de lancer un programme de recherche dans différentes directions dès la rentrée 2005. La prise de relais s’effectuera dans le cadre d’une thèse de doctorat. Mais auparavant, pénétrons dans la « nébuleuse » de la logistique et cherchons-en le sens et les liens !

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5 THEME DE RECHERCHE Le thème général de la recherche adresse une question capitale maintes fois débattue dans les sphères de l’entreprise, de la recherche et de l’enseignement. Celle de la place et du rôle de la logistique dans la chaîne de valeur. 6 CADRE DE LA RECHERCHE 6.1 Constat La logistique est devenue une arme stratégique pour les entreprises qui se battent aujourd’hui pour la préservation de leurs marges et le développement de leurs parts de marché sur l’échiquier mondial de la concurrence. A l’aube du 21ème

siècle, la vitesse et le rythme des échanges se sont accélérés sous la poussée notamment des technologies de l’information et de la communication. L’homme et les marchandises se déplacent plus vite que par le passé tout en allant plus loin grâce au développement des infrastructures et des moyens de transport. Les produits se renouvellent également plus vite tout en devant satisfaire des contraintes plus fortes de traçabilité et de recyclage que la logistique permet de surmonter.

A l’évidence, la logistique joue un rôle de premier plan qui accompagne le quotidien comme les grands projets de l’entreprise. Son champ d’action s’est élargi, ses missions se sont diversifiées, elles sont plus complexes qu’auparavant, ses compétences ont évolué, de même que la panoplie de ses méthodes et outils s’est considérablement enrichie. Cette mutation s’est opérée au cours des quinze dernières années sans qu’elle soit d’ailleurs terminée. Mais une question se pose. Probablement « victime » d’une croissance rapide, la fonction Logistique apparaît paradoxalement plus floue et diffuse que jamais à la croisée des autres fonctions vente, marketing, recherche et développement, achat, production, qualité ou service après-vente. La question de son positionnement et de ses frontières ne semble pas résolue, et l’irruption de nouveaux concepts portant le nom de SCM, APS, SCE, WMS, TMS, GPAO, MES, SCEM, ECR, GPA, CPFR, SRM, etc. ne fait qu’ajouter à la confusion générale... à tel point que les supply chain managers eux-mêmes ne sauraient pas toujours les définir et les situer avec exactitude dans le processus logistique. On prête souvent à la logistique un rôle stratégique. Mais l’est-il davantage que celui des autres fonctions de l’entreprise ? Rappelons simplement que sa finalité n’a d’autre but que de contribuer, comme les autres fonctions, à la réalisation des objectifs stratégiques de l’organisation. Son caractère transversal lui vaudrait-il un statut particulier ? Certes, elle est en interaction avec de nombreuses fonctions avec lesquelles elle communique, mais cette situation ne lui est pas spécifique. D’autres fonctions, telle la fonction Qualité, fondent aussi leur vision de l’entreprise, ainsi que leur mode d’action, sur une approche transversale où les interfaces jouent un rôle primordial. Cette réflexion met en lumière le phénomène « d’idéalisation » de la logistique ou de « crise identitaire » qui consiste à lui donner plus de place qu’elle ne doit occuper dans les organisations. Mais pourquoi cette prétention, si ce n’est peut-être la réaction symptomatique d’un danger qui menace la compétitivité des entreprises : celui de la « sous-estimation » de la logistique par méconnaissance de son potentiel et de ses nombreux métiers, alors que ceux-ci offrent paradoxalement des gages de compétitivité indéniables à l’heure de la mondialisation.

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Ce problème n’est pas nouveau. Il caractérise la logistique contemporaine qui s’est littéralement métamorphosée au cours des quinze dernières années avec l’arrivée du concept de supply chain management. Dans le même temps, ce bon en avant a eu pour effet de stimuler la recherche en logistique dont une partie des travaux et publications est d’ailleurs consacrée à son positionnement dans l’entreprise. Les résultats obtenus sont souvent d’une grande qualité au point que l’on peut regretter leur faible diffusion dans le tissu industriel. En effet, ils s’adressent le plus souvent à la communauté scientifique et demeurent peu accessibles à un public non averti. Le concept de supply chain management a fortement contribué à mettre en évidence les relations entre le producteur, le fabricant, le distributeur, les tiers et le client final. Son émergence à travers le développement d’outils informatiques dits de supply chain a permis notamment d’intégrer toutes les applications relatives aux flux et aux stocks de produits. L’intégration des processus et des systèmes d’information n’est d’ailleurs pas terminée. Elle se poursuit à grande vitesse grâce aux technologies « irrésistibles » de l’information et de la communication. Pourtant, en dépit des efforts de (re)positionnement de la logistique et d’intégration de ses nombreuses composantes, force est de constater que cette fonction reste mal comprise du grand public comme des professionnels.

Quelles en sont les raisons ? La question n’est pas simple tant il semble que les causes soient multiples et variées. Tout au plus, émettrons-nous quelques hypothèses. Evoquons par exemple la confusion qui subsiste entre les termes « logistique » et « supply chain management », le manque de clarté sur le rôle et les articulations de la logistique avec les autres fonctions de l’entreprise, en particulier avec la fonction Qualité, ou la difficulté d’en exprimer le sens et la valeur, tant elle recouvre une fonction transverse, complexe et polymorphe difficile à expliquer et à représenter. On peut déplorer le manque de travaux sur les interactions de la logistique avec les autres fonctions de l’entreprise. Mais ce constat renvoie à des problématiques complexes qui échappent à nos modes de raisonnement linéaires. Il faut reconnaître qu’elles heurtent notre culture cartésienne fondée sur trois siècles d’éducation « binaire », contrairement à l’approche systémique plus appropriée à la résolution des problèmes complexes. Non seulement déformée, qui plus est avec des contours flous, la logistique apparaît aussi comme déracinée ou « coupée de ses bases ». Nous évoquons ici le phénomène de « virtualisation » d’une fonction pourtant très consistante à l’origine. Les représentations « modulaires » de la chaîne logistique sous forme de « briques » emboîtées les unes dans les autres sont une illustration du phénomène observé. Bien que structurante, l’approche informatique n’aurait-elle pas comme conséquence de « vider » en partie la logistique de sa substance, dès lors qu’elle n’intègre pas suffisamment les problématiques organisationnelles dans les projets logistiques ? D’autres facteurs impactent et « brouillent » probablement l’image de la logistique, mais ces conjectures se limitent ici à quelques exemples révélateurs du problème rencontré. Finalement, dans un tel imbroglio, que retenir si ce n’est… ce que l’on voit ! C’est-à-dire les représentations modulaires de la chaîne logistique reproduites à l’infini dans les livres et régulièrement projetées dans les salles de réunion. On constate alors que les schémas utilisés – que tout un chacun peut facilement imaginer, souvent pour les avoir soi-même confectionnés ou reproduits sur Powerpoint – véhiculent soit une image simpliste de la logistique, soit un « super lego » de modules intégrés, d’emblée compliqué, dans tous les cas bien en dessous d’une réalité plus complexe !

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Représentée selon une vision essentiellement modulaire en l’absence le plus souvent de référence aux aspects organisationnels, la logistique, de mon point de vue, n’offre pas une image réelle de son potentiel, ni de la complexité de son organisation et du monde qu’elle tente de relier. Aussi, ne faut-il pas s’étonner aujourd’hui de l’existence de questions aussi basiques que :

- Où la logistique commence-t-elle et finit-elle ? - Quelles sont les interfaces avec les autres fonctions de l’entreprise ? - Quelle est la panoplie des outils du supply chain manager ? - Pour quoi faire au-delà de la finalité bien connue du « taux de service à satisfaire à

moindre coût » si tant est qu’il existe d’autres dimensions à lui prêter ? De l’avis général, la logistique fait partie sans nul doute des forces conquérantes de l’entreprise. Là n’est pas la question. La question est que les potentialités de la logistique sont méconnues au point d’être finalement réduites le plus souvent aux seuls moyens d’entreposage et de transport. Le risque est qu’elle demeure insuffisamment exploitée au détriment de l’entreprise et de… l’économie, ce qui est un comble à l’heure de la mondialisation ! Ce constat est le point de départ de cette recherche consacrée à valorisation de la fonction logistique dans la chaîne de valeur. 6.2 Objet de la recherche L’objet de la recherche est d’aider à la compréhension de la fonction logistique par l’établissement d’une représentation « parlante » qui la dépeigne telle qu’elle est, sans sous-estimation ni surestimation de son rôle comme de son potentiel, au contact des autres fonctions de l’entreprise. Choix du terrain de recherche Dans le but de représenter une image réelle de la logistique et de son potentiel, le choix du terrain d’application n’est pas a priori défini. Il concerne potentiellement toutes les entreprises du domaine concurrentiel généralement constituées des fonctions vente, marketing, R&D, achat, production, logistique, qualité, informatique, finance, contrôle de gestion et ressources humaines. Ceci dit, dans le cadre de ce mémoire, nous limiterons le champ de la recherche au secteur des produits de grande consommation, domaine d’activité bien connu de l’auteur. Finalité de la recherche Le travail de recherche est guidé par la volonté de proposer une nouvelle image de la logistique, révélatrice de ses potentialités, au contact des autres fonctions de la chaîne de valeur. Par la construction d’un modèle de représentation de la logistique systémique, notre objectif est d’en favoriser la connaissance et la compréhension à travers un référentiel commun, dit cartographique, destiné au grand public comme aux spécialistes. Notre but est tourné vers l’action. En comprenant mieux les facettes et les leviers d’action de la logistique, il y a lieu de penser qu’elle sera mieux exploitée ! Le but de la recherche sera atteint si cette représentation multidimensionnelle de la logistique reflète, autant que faire se peut, la globalité de son potentiel concurrentiel en synergie avec les autres fonctions de l’entreprise.

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6.3 Problématique Compte tenu de la finalité de la recherche, notre projet est sous-tendu par une question générale, traduisant le problème posé, que nous avons formulée en ces termes : Comment représenter la logistique dans la chaîne de valeur pour mieux en connaître, mieux en comprendre et mieux en exploiter les potentialités ? Cette question nous guidera tout au long des travaux en vue de construire une image plus claire de la logistique et de son potentiel au sein de la chaîne de valeur. 6.4 Hypothèses « Un bon schéma vaut mieux qu’un long discours » est l’adage qui traduit le mieux notre projet de renouveler l’image de la logistique. Or les schémas actuels de représentation de la logistique dénotent un manque de richesse et d’originalité. L’approche est restée linéaire avec de bout en bout un fournisseur et un client reliés par une succession d’opérations de production et de distribution physique. Cette schématisation de la logistique, lorsque qu’elle n’est pas réduite aux seuls moyens d’entreposage et de transport, ne représente pas la diversité de ses métiers, interactions, concepts et outils au service de l’entreprise. Nous faisons l’hypothèse que la construction d’un modèle cognitif représentant la logistique – son rôle, son champ d’action, ses composantes et ses interactions les plus significatives avec les autres fonctions de l’entreprise – contribuerait, en complément de la littérature sur le sujet, à mieux connaître, mieux comprendre et mieux exploiter ses potentialités. Nous faisons le choix d’une cartographie (représentation spatiale) pour tenter d’illustrer le potentiel de la logistique avec plus de profondeur et de perspective que les modèles connus. Selon la citation de Paul Valéry : « Nous ne raisonnons que sur des modèles », nous espérons ainsi ouvrir de nouvelles voies de compréhension et d’exploration de la logistique. Le problème des modèles actuels de représentation de la logistique vient aussi de leur incapacité à concilier sur un même schéma les dimensions structurelles et fonctionnelles d’une discipline par essence transversale et complexe. La plupart du temps, ils juxtaposent des briques structurelles OU fonctionnelles, mais jamais les deux ensemble. Par exemple, l’ensemble des « acteurs » n’est jamais représenté avec l’ensemble des « activités ». Notre deuxième hypothèse est que le « système logistique » doit être appréhendé comme une double fonction des activités qu’il englobe et des fonctions avec lesquelles il est en interaction. Notre projet de valorisation de la logistique va donc consister en la construction d’une cartographie hybride représentant d’un seul tenant toutes les activités du processus logistique en interaction avec toutes les fonctions de la chaîne de valeur Nous démontrerons nos hypothèses à l’aide d’une enquête qui consistera à vérifier si oui ou non le modèle cognitif hybride est porteur de plus de sens que tout autre modèle jusqu’alors utilisé pour représenter la logistique.

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Pistes de recherche De prime abord, nous avons choisi d’inscrire la logistique dans le contexte économique actuel afin de procéder à une représentation aussi réaliste que possible de ses rouages. Les théories portériennes (Porter, 1986) constitueront le cadre d’analyse de la chaîne de valeur et de la stratégie concurrentielle des entreprises dans lesquelles la logistique intervient. Nous prendrons également en compte l’impact de la mondialisation et du commerce électronique sur l’évolution des modèles actuels d’organisation logistique. Afin de lever la confusion latente entre les fonctions Logistique et Qualité, nous passerons en revue deux concepts qui n’ont pas de frontière : la qualité totale et l’approche processus. En effet, la logistique épouse tant et si bien ces notions relativement récentes issues du monde de la qualité qu’il nous semble indispensable de mieux les comprendre pour mieux distinguer leurs rôles respectifs. Nous mettrons ensuite en lumière les principales fonctions, internes et externes, qui entourent la logistique. On cherchera ici à décrire le contexte relationnel de la logistique par la présentation de chacune des fonctions (missions, caractéristiques, interfaces et tendances d’évolution) avec lesquelles elle entretient des liens et des synergies. Un axe majeur de la recherche consistera à examiner le cœur de la démarche et des activités logistiques afin d’en comprendre le potentiel. Pour ce faire, nous nous baserons notamment sur le « référentiel logistique » de l’AFNOR, constitué de la norme NF X 50-600 et des fascicules de documentation FD X 50-602 et 604 décrivant le processus et les fonctions logistiques. Notre quête d’informations nous conduira aussi à décrire les nombreux concepts et outils de supply chain management SCM, APS, GPAO, MES, SCE, WMS, TMS, SCEM, GPA, CPFR, SRM, etc. déjà évoqués pour leur manque de clarté. En vue de les rattacher au processus logistique, leur collecte utilisera un canevas identique comprenant une liste de mots clés, une définition et leurs objectifs respectifs. Nous terminerons l’exploration de la littérature par l’approche systémique pour sa contribution à la résolution des problèmes complexes. La systémique propose une approche originale privilégiée par le Laboratoire de recherche en Logistique & Systèmes du CNAM dont relèvent nos travaux. L’adoption de quelques notions de cartographie utiles à l’expression de notre projet clôturera cette partie. Pour la cartographie de la logistique, nous appliquerons les principes et les outils d’analyse systémique. En effet, nous avons fait l’hypothèse qu’une représentation spatiale de la logistique constituerait un révélateur idéal de son potentiel dans la chaîne de valeur. Tout au long des travaux de construction de l’image de la logistique, dite systémique, nous chercherons à « mettre en relief » la structure d’ensemble, les fonctions et leurs interactions, et les activités logistiques qui contribuent à la production, au pilotage et à la maîtrise de la valeur logistique dans la chaîne d’approvisionnement. Pour récapituler, les pistes de recherche choisies empruntent des chemins susceptibles de nous conduire à une meilleure compréhension de la logistique représentée selon un axe éco-spatio-temporel. D’autres voies existent probablement, mais dans un premier temps, nous suivrons l’itinéraire proposé pour sa perspective prometteuse de réconcilier le fond et la forme du problème.

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6.5 Epistémologie et méthodologie de la recherche Cette section présente la méthodologie ou la démarche de recherche qui sera utilisée dans le cadre de la recherche à mener. Cette méthodologie a été élaborée principalement à partir de l’ouvrage de référence Méthodes de recherche en management2

de Thiétart et al. (2003).

C’est au travers de l’objet de recherche et de la problématique que le chercheur interroge les aspects de la réalité (attitude positiviste), qu’il tente de développer une compréhension de cette réalité (attitude interprétative), ou qu’il construit une réalité (attitude constructiviste). Selon Quivy et Van Campenhoudt, « l’objet est l’élément clé du processus de recherche : il traduit et cristallise le projet de connaissance du chercheur, son objectif » à partir d’une question liant différents objets théoriques, méthodologiques et/ou empiriques. « Questionner des objets théoriques, méthodologiques, des faits ou les liens entre ceux-ci permet de découvrir ou de créer d’autres objets théoriques, méthodologiques ou empiriques pour expliquer, prédire, comprendre ou changer la réalité »3

.

Les objets théoriques sont des concepts, modèles explicatifs ou descriptifs ou encore des théories. Les objets méthodologiques sont des outils de mesure, échelles, outils de gestion. Les objets empiriques sont des faits, des événements.

Objets théoriques

Objets empiriques Objets méthodologiques Nous avons traduit la problématique de notre recherche par la question suivante : « Comment représenter la logistique dans la chaîne de valeur pour mieux en connaître, mieux en comprendre et mieux en exploiter les potentialités ? ». L’objet de la recherche articulera principalement des concepts. L’objet est ici de nature théorique où les théories, concepts et/ou modèles explicatifs ou descriptifs seront apportés par des données secondaires puisées dans la théorie de l’offre et de la demande, le concept de chaîne de valeur, la stratégie de l’entreprise, la démarche Qualité Totale, la démarche, la fonction et le processus logistique, le concept de supply chain management, l’approche systémique, etc. Comment définir la méthodologie de recherche ? Morse (1994) propose d’utiliser la tactique qui consiste à procéder à l’envers de la démarche, c’est-à-dire à commencer par imaginer ce que l’on va trouver. « Projeter le type de résultat attendu, voire le résultat souhaité lui-même, permet souvent d’affiner la problématique et de trouver plus facilement les différentes méthodes envisageables pour parvenir à la réponse ».

2 THIETART R.-A. et al., Méthodes de recherche en management, Dunod, 2003 3 THIETART R.-A. et al., Méthodes de recherche en management, Dunod, 2003, p. 38

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A ce stade de la recherche, nous avons déjà une idée du résultat attendu. Néanmoins, en fonction de ce que nous allons rencontrer tout au long de la recherche (difficultés de répondre à la question initiale, pertinence d’une autre question, etc.), la forme des résultats pourra varier pour plus de richesse, nous l’espérons. Maintenant que le problème est posé et que la finalité de la recherche est connue, le moment est venu de définir le positionnement épistémologique de l’étude, les méthodes et les techniques d’analyse, ainsi que la nature et la source des données que nous projetons d’utiliser. Posture épistémologique Dans un premier temps, la recherche va consister à (re)découvrir les concepts et les frontières de la logistique avec les autres fonctions de l’entreprise dans le contexte de l’économie actuelle sur la base d’une revue de la littérature aussi complète que possible. En questionnant les objets théoriques cités plus haut et les liens qui les unissent, notre objectif est de mieux comprendre la logistique dans son contexte opérationnel. D’un point de vue épistémologique, nous adopterons une posture positiviste pour le projet de cartographie de la logistique systémique à partir des différents éléments théoriques recueillis. Se basant sur la connaissance actuelle (constituée de faits construits), l’objet de la recherche relève d’une représentation cartographique, voire instrumentale de la logistique, élaborée dans le but d’en favoriser la compréhension et l’exploitation des leviers d’action. Méthodes et techniques d’analyse Représenter la logistique dans les organisations nécessite au préalable de définir « des modalités d’action par lesquelles un chercheur en sciences de gestion formalise et tente de résoudre la problématique qu’il s’est posée » (Avenier, 1986). En d’autres termes, il s’agit de déterminer une méthodologie de recherche pertinente à l’égard de la question posée. Selon la nature du problème à résoudre, il existe deux grands processus de construction de la connaissance : l’exploration et le test. L’exploration est la démarche par laquelle le chercheur propose un résultat théorique tandis que le test se rapporte plutôt à la mise à l’épreuve de la réalité d’un objet théorique. Selon Pras et Tarondeau (1979), la recherche exploratoire se prête davantage à l’éclaircissement d’un problème mal défini ou trop vaste. Or c’est justement le cas de cette recherche dont la séquence méthodologique (Lambin, 1990) doit d’abord s’appuyer sur une étude exploratoire avant d’en tester les résultats à travers une étude quantitative. Notre projet de recherche utilisera donc une démarche exploratoire ; elle sera de type abductif en vue de structurer un système complexe capable de produire du sens selon un modèle que nous chercherons à tester par la suite. Comme nous l’avons déjà évoqué, cette exploration propose la conceptualisation théorique d’un modèle de représentation graphique des potentialités de la logistique. La schématisation des relations fonctionnelles entre les éléments analysés constitue l’approche utilisée. Parmi les trois types d’exploration, on trouve :

- l’exploration théorique qui consiste à opérer un lien entre, au minimum, deux champs théoriques ou disciplines et proposer un résultat théorique ;

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- l’exploration empirique qui consiste à explorer un phénomène en faisant table rase des connaissances antérieures sur le sujet ;

- l’exploration hybride qui consiste à procéder par allers-retours entre des observations et des connaissances théoriques tout au long de la recherche.

En ce qui nous concerne, c’est l’exploration théorique qui sera adoptée en opérant un lien entre deux disciplines jusqu’alors peu liées dans des travaux antérieurs :

- les concepts de gestion de la chaîne logistique ; - les théories de la pensée systémique.

La recherche va consister à représenter l’ensemble des concepts de la logistique selon les principes de l’approche systémique tout en intégrant d’autres champs théoriques tels que la théorie de l’offre et de la demande, le concept de chaîne de valeur, la démarche Qualité Totale, les fonctions de l’entreprise, des notions de cartographie, etc. A cet effet, nous utiliserons essentiellement des procédés de codage et de classification selon une démarche d’abstraction. Notons bien que les données que nous tenterons de regrouper ou de rattacher à des concepts plus larges sont de nature théorique. Il n’y a donc pas de passage de données depuis un monde empirique vers un monde théorique. Par ce moyen, nous établirons un modèle théorique composé de données elles-mêmes théoriques. Dans la démarche d’abstraction, le chercheur est confronté à la problématique du codage des éléments. Strauss et Corbin (1990) évoquent trois types de procédés : le codage ouvert, le codage axial et le codage sélectif. C’est ce dernier que nous utiliserons dans la mesure où il permet de « dépasser le simple cap de la description pour tendre vers une conceptualisation ». « Le codage sélectif vise à définir une catégorie centrale à partir de laquelle on cherche à relier l’ensemble des propriétés de toutes les autres catégories découvertes précédemment. Une idée forte et sous-jacente à ce type de procédé d’abstraction consiste à identifier ce que Schatzman et Strauss (1973) désignent sous le nom de liaison clé. Cette expression peut qualifier [ ] un schéma général, une ligne directrice qui permet au chercheur d’opérer des regroupements parmi les données »4

.

Dans notre cas, la liaison clé est la théorie de l’offre et de la demande. Elle définit le cadre contextuel de la recherche. Une autre liaison clé est le processus logistique. En ce sens, nous nous interrogerons sur l’appartenance des nombreux concepts de la logistique à une ou plusieurs des grandes familles théoriques de regroupement. Les différents éléments relatifs à la logistique seront ainsi analysés en fonction de leur orientation client ou fournisseur, ou les deux à la fois, et de leur appartenance ou non au processus logistique. Pour la représentation graphique du potentiel de la logistique, soient les activités et les concepts analysés et regroupés en familles homogènes, en interaction avec les autres fonctions de la chaîne de valeur, les règles de configuration utilisées seront plus subtiles. Elles trouveront leur justesse en faisant appel à l’intuition du chercheur et à sa perception de la réalité complexe de la logistique et de son environnement. Cependant, elles tiendront compte des clés de répartition préalablement retenues.

4 THIETART R.-A. et al., Méthodes de recherche en management, Dunod, 2003, p. 178

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Données et approche Pour la conduite de la recherche, nous allons nous baser sur des données existantes, disponibles et accessibles tout en considérant les travaux qui ont déjà été menés. Étant donné d’une part, le coût d’investissement important pour constituer une base de données primaires, et d’autre part la bonne qualité des données secondaires existantes, le choix a été dirigé vers un recueil de données secondaires issues de la littérature. Ces données, de nature théorique comme le veut la démarche adoptée, ne pourront être considérées comme des découvertes. Il s’agira le plus souvent de concepts largement définis dans la littérature et utilisés dans l’entreprise que nous nous contenterons de décrire et de comprendre dans un premier temps. Les données secondaires seront collectées et analysées en adoptant une approche qualitative. Pour distinguer les données qualitatives des données quantitatives, Miles et Huberman (1991) indiquent que les premières se présentent sous forme des mots alors que les secondes revêtent la forme de chiffres. Validité et fiabilité de la recherche Dans notre cas, l’étude de la validité interne et externe des résultats sera envisagée dans le cadre d’une thèse. Pour ce faire, le processus de validation utilisera une enquête auprès d’un échantillon représentatif d’acteurs de l’entreprise sur la base d’échelles nominales, ordinales et métriques. Nous utiliserons la classification de Evrard et al. (1993) qui répartit la collecte ou la mesure des données qualitatives à partir d’échelles nominales ou ordinales, et celle des données quantitatives à partir d’échelles d’intervalles ou de proportion5

. Les réponses collectées seront ensuite analysées au niveau des liens de causalité qui unissent les activités aux fonctions de la chaîne de valeur. Dans le cadre du D.E.A., nous nous arrêterons à la définition d’un canevas qui pourra ensuite être testé et mis en œuvre après la soutenance du mémoire.

Pour donner au modèle une forme définitive, s’il en est, dans une recherche ultérieure, il est prévu plusieurs allers-retours entre le chercheur et l’échantillon testeur (renouvelé et étendu selon des règles à définir). Sans cesse redéfini par le chercheur et l’ensemble des acteurs impliqués suivant une dynamique interactive et conjecturale, l’objet de la recherche n’apparaîtra qu’après stabilisation d’une représentation adéquate.

5 THIETART R.-A. et al., Méthodes de recherche en management, Dunod, 2003, p. 95

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7 ETAT DE L’ART 7.1 La théorie de l'offre et de la demande Les marchés sont comme le temps. Ils sont changeants, dynamiques et imprévisibles. En économie, la théorie de l’offre et de la demande représente l’un des outils puissants pour en expliquer les variations. Cette théorie montre comment les préférences des consommateurs déterminent la demande de biens, tandis que les coûts des entreprises sont le fondement de l’offre de marchandises. Quelles que soient les activités humaines, les économistes américains Samuelson et Nordhaus (1998) rappellent que les marchés résolvent constamment les questions du quoi, du comment et du pour qui produire. « Equilibrant toutes les forces qui opèrent dans l’économie, les marchés trouvent le prix d’équilibre entre l’offre et la demande qui satisfait simultanément les désirs des acheteurs et des vendeurs »6

.

Ces trois questions fondamentales d’organisation économique – quoi, comment et pour qui – sont aussi cruciales aujourd’hui qu’à l’aube de la civilisation humaine. La question de « quels biens et services » produire est déterminée par les consommateurs et leurs décisions d’achat quotidiennes. La question de savoir « comment les produire » procède de la concurrence entre les différents producteurs et de leur capacité à rivaliser en termes de moyens et de méthodes de production. Pour offrir des prix compétitifs tout en maximisant les profits, les entreprises cherchent à réduire les coûts, notamment par la mise en œuvre de méthodes de gestion de production efficaces. L’efficacité est une notion cruciale de l’économie qui reconnaît la réalité de la rareté et s’emploie à l’utilisation la plus efficace possible des ressources d’une société pour satisfaire les souhaits et désirs des individus. Quant à la question de savoir « pour qui les choses sont produites » – qui consomme et combien – cela dépend en grande partie de l’offre et de la demande sur les marchés. Au cœur du marché, la logistique utilise différentes méthodes de gestion industrielle et logistique dont la mise en œuvre efficace permet de réduire les coûts de production et de distribution. Mais la conception moderne de la logistique ne se limite pas à une simple maîtrise de techniques de gestion plus ou moins complexes, c’est-à-dire à la consécration au sein de l’entreprise d’une rationalité purement instrumentale (David et Paraponaris, 1993). Selon Paché et Sauvage (2004), elle est la traduction d’une logique de coordination de l’offre et de la demande dans les meilleures conditions de coût et de qualité de service7

. Sa fonction est de synchroniser un processus chargé de délivrer une valeur au client final.

L’offre et la demande sont deux composantes essentielles du marché dont l’interaction conduit à la détermination du prix et d’une quantité d’équilibre. En théorie, le prix du marché est le point d’équilibre entre l’offre et la demande. A l’équilibre, il n’y a théoriquement ni pénurie ni surplus. La quantité que les acheteurs souhaitent acheter est juste égale à la quantité que les vendeurs souhaitent vendre (cf. figure 1). Si les consommateurs souhaitent une plus grande quantité d’un produit, le prix montera et enverra un signal aux industriels selon lequel l’offre doit augmenter. En revanche, si un produit est stocké en quantité excessive, les entreprises abaisseront le prix pour en écouler les stocks. 6 SAMUELSON P. A., NORDHAUS W. D., Economie, Economica, 16ème édition, 1998, p. 28 7 PACHE G., SAUVAGE T., La logistique – Enjeux stratégiques, Vuibert, 2004, p. 4

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Cette théorie découle des travaux d’Adam Smith (1723-1790), père de l’économie politique, qui a introduit le concept de « main invisible » pour décrire la capacité des marchés à s’autoréguler en situation de parfaite concurrence.

Figure 1 : Point d’équilibre entre l’offre et de la demande

Source : Samuelson et Nordhaus, 1998 La fixation du prix n’est pas automatique. Il s’agit d’un processus complexe qui prend en compte de nombreux facteurs tels que l’objectif de l’entreprise, le niveau de la demande du marché et son élasticité au prix, les coûts de production, de distribution et de vente, l’analyse de la concurrence, et le choix de la méthode de tarification8

.

Selon Kotler et al. (2004), la fixation du prix doit se faire en relation avec la valeur offerte au client et perçue par lui. Si le prix excède la valeur offerte, l’entreprise rate des opportunités de ventes avec comme conséquence de perdre des parts de marché. Si le prix est en deçà de la valeur offerte, elle diminue ses profits tout en accélérant la réaction de la concurrence. On aura compris que le prix de vente doit se situer entre le plancher des coûts et le plafond de la valeur perçue avec comme référence les prix de la concurrence et des produits de substitution. La méthode de tarification utilisée donne souvent la préférence à la valeur perçue du produit par le client (il s’agit d’estimer cette valeur et de fixer ensuite un prix qui lui corresponde) ou au prix du marché en fonction de la concurrence (l’entreprise décide de vendre plus cher, moins cher ou au même prix que la concurrence), tout en intégrant les dimensions psychologiques ou de partage gain/risque.

8 KOTLER P., DUBOIS B., MANCEAU D., Marketing management, Pearson Eduction France, 2004, p .503-519

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Rappel historique sur l’évolution de l’offre et de la demande Durant les années d’après guerre, la production est une production de masse et la philosophie de management se résume à « zéro temps d’inoccupation des machines ». Les années 50 et 60 représentent des années glorieuses pour les firmes industrielles. Le marché est local et demandeur. Le cycle de vie du produit est long. Le client n’a pas d’influence sérieuse. Son choix est limité et les quantités à produire sont déterminées. Les entreprises ne doivent que rentabiliser leurs machines en produisant d’importantes séries et maîtriser leurs coûts de main d’œuvre. Les produits se vendent relativement bien. Ils sont attendus par le client. Le producteur n’a ni souci de qualité ni contrainte de livraison. Le preneur est acquéreur de ce qu’il trouve. Une fois que le marché commence à saturer dès le premier choc pétrolier en 1973, le consommateur change de comportement. La production de masse entame son déclin. Les parts de marché des entreprises connaissent une érosion. Il faut se les disputer. Ainsi, la demande devient au mieux égale à l’offre. Sa connaissance reste prévisible, mais elle n’est plus certaine. Le choix du client se diversifie et le cycle de vie des produits devient moins long. Le marché s’élargit ; il n’est plus national. Les industriels sont amenés à accorder de plus en plus d’importance à la qualité des produits et au contrôle des coûts. La philosophie de management s’oriente alors vers « le zéro défaut et le zéro stock ». L’objectif est la réduction des coûts internes en vue de maximiser le profit dépendant du prix fixé par le marché. Toutes les fonctions internes de l’entreprise cherchent alors à collaborer afin de satisfaire le client devenu « roi ». Les grandes firmes américaines ont réagi vigoureusement pour s’adapter à ces évolutions. Dans les années 70 et 80, sont développées les méthodes de management intégré des ressources de production (MRP-2) et de planification des ressources de distribution (DRP). Au Japon, les techniques de production Juste-à-temps trouvent un écho retentissant qui atteindra rapidement les côtes occidentales. C’est aussi le point de départ de l’automa-tisation massive pour réduire le coût direct de la main d’œuvre. En France, cette époque correspond à l’ouverture des grands chantiers d’amélioration des conditions de travail. Après l’élargissement des tâches – destiné à réduire les effets de l’organisation taylorisée du travail – on préconise l’enrichissement des tâches, la polyvalence, la rotation des postes et les équipes autonomes. Dans cette période, la priorité est de garder le client. Il faut impérativement augmenter la qualité du produit et le niveau de satisfaction du client. A l’heure de la mondialisation, le changement de tendance s’est accentué. La multiplication et la banalisation des offres – phénomènes accélérés par Internet – ont eu pour effet de creuser le déséquilibre entre l’offre et la demande. L’offre est surabondante, les produits nouveaux se succèdent à un rythme soutenu, la concurrence est agressive, le consommateur est devenu plus exigeant. Dans ce contexte « survolté » où les marchés sont surcapacitaires, la valeur ne se mesure plus seulement à l’aune de la qualité des produits (facteur devenu moins différenciateur aux yeux du client), mais par rapport au prix, à la qualité de service, à l’image de marque, à la réactivité du service après-vente ou encore, et non des moindres, à la disponibilité instantanée du produit. Ces changements cruciaux ont fait émerger de nouveaux modèles d’organisation tels que la production au plus juste (lean manufacturing), la production modulaire, la production agile, et plus récemment la production flexible avec les personnalisations de masse. Les approches d’amélioration continue, de management participatif, de réingénierie des processus, etc. liées à la démarche de qualité totale font également leur entrée en force. La qualité totale s’applique à tous les niveaux dans tous les domaines de l’entreprise.

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Aux yeux des consommateurs, en plus du design qui prime, le produit doit être utile, sécurisé, fiable, durable, en cas de panne facilement réparable, et depuis peu répondre à des critères de récupération, de respect de l’environnement et de développement durable. Son prix ne doit pas être perçu comme élevé. Personnalisé, le produit doit être perçu comme le meilleur de sa catégorie en terme de rapport qualité/prix sur le marché. Ainsi, la priorité du fournisseur est de répondre aux choix personnalisés du client dans des délais courts. Le marché est mondial. La philosophie de management se focalise sur la rapidité de réponse, l’ingénierie simultanée (prise en compte de la phase de production, de distribution et de maintenance dès la phase de conception des produits) et la gestion de la chaîne logistique. Nous mesurons ici toute la difficulté de l’évaluation de la demande qui n’est plus seulement une fonction élastique au prix, mais dépendante de l’évolution concomitante de plusieurs facteurs difficiles à estimer. Conclusion C’est entre les pôles « tendus » de l’offre et de la demande que la logistique se situe. Son étendue est vaste et nécessite plusieurs relais de compétences sur le chemin de l’offre à la demande. Son rôle est fondamental : il consiste à relier les deux pôles de l’économie en synchronisant efficacement et au moindre coût la chaîne de l’offre avec la demande réelle des consommateurs, aussi complexe, incertaine et fluctuante soit-elle. La perspective de la concurrence est abordée dans la section qui suit à travers le concept de chaîne de valeur dont l’un des enseignements est le rôle joué par les services différenciateurs, notamment celui de la logistique sur la qualité de service, dans le positionnement concurrentiel des entreprises.

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7.2 Le commerce électronique Peter Drucker, visionnaire du monde de l’entreprise, affirme : « Le commerce en ligne est à la révolution de l’information ce que le chemin de fer a été à la révolution industrielle : un développement sans précédent, inattendu. Le commerce électronique est en train de créer un nouveau boom qui va bouleverser l’économie, la société et la politique. Internet est en train de transformer en profondeur les économies, les marchés et les structures de l’industrie ; les produits, les services et leur circulation ; la répartition des valeurs et le comportement des consommateurs ; le marché du travail et les emplois. » A l’image de sociétés pionnières telles que Amazon, Google, eBay..., le développement de la nouvelle économie va entraîner dans son sillage l’émergence de nouvelles entreprises leaders, renverser des avantages concurrentiels établis dans de nombreux secteurs d’activité, et profondément bouleverser les modes d’organisation. Les impacts de la révolution de l’information portent notamment :

- sur l’apparition d’un nouveau canal de distribution constitué par le commerce électronique. Les principaux bouleversements vont reposer sur le contact direct, individualisé et en temps réel avec le client, favorisé par la suppression d’un certain nombre d’intermédiaires9

;

- sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise. Par la connexion électronique entre les réseaux des fournisseurs et les réseaux des clients, la demande et l’offre deviennent gérées simultanément et en temps réel.

Selon Reboul et Xardel (1997), la vente directe implique que le dernier et seul intermédiaire qui demeure entre, d’une part les industriels vendant sur Internet et leurs clients, et d’autre part les distributeurs et les consommateurs, est le logisticien. Ce dernier devient le représentant des entreprises qui lui confient la livraison de leurs commandes. Le service de livraison est perçu comme le seul point de contact « physique » entre l’e-commerçant et le client, faisant ainsi de la logistique une fonction clé du commerce sur Internet. Mais l’émergence de ce nouveau canal de distribution, ainsi que le soulignent Dornier et Fender (2001), a un « impact direct sur les processus de la chaîne logistique qui le supporte et qui réclame donc une conception dédiée des réponses qui lui sont consacrées »10

. Ils ajoutent que les spécificités du commerce électronique sont telles que les comportements des consommateurs génèrent des contraintes nouvelles sur la gestion des flux.

Bien que les informations commerciales, financières et administratives soient immédiatement accessibles, les produits restent matériels et ne peuvent être transportés par électronique. Comme ironise Grégoire (2000) : « On a cru que l’espace et le temps avaient disparu »11

9 REBOUL P., XARTEL D., Le commerce électronique, techniques et enjeux, Editions d’Organisation, 1997

! La réduction de l’espace-temps est certes totale pour les échanges commerciaux et financiers, mais elle ne s’applique pas aux flux physiques. D’ailleurs, les évolutions actuelles poussent en direction inverse : internationalisation des échanges, allongement des distances à parcourir, morcellement des flux, saturation des infrastructures, etc. On ne peut donc se contenter d’adapter les réponses logistiques habituelles. Selon Grégoire, « il faut mettre en place de nouveaux réseaux de distribution, « retricoter » les flux, en fait inventer une nouvelle logistique appropriée à l’e-business ».

10 DORNIER P.-P., FENDER M., La logistique globale, Editions d’Organisation, 2001, p. 239-270 11 GREGOIRE L., Université de tous les savoirs, sous la direction de Yves Michaud, Vol. 3, Qu’est-ce que la société ?, Editions Odile Jacob, 2000, p. 655-665

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Par exemple, les entreprises ne cherchent plus systématiquement à rapprocher les centres de production de leurs marchés, mais à optimiser séparément la distribution et les services à proposer aux clients et, la production et le recours à des partenaires et fournisseurs de plus en plus éclatés géographiquement. L’organisation de l’entreprise doit permettre de maîtriser ces flux de plus en plus complexes. Par ailleurs, l’état des stocks est de plus en plus affiché avec les offres commerciales que l’on voit disparaître en temps réel. Il est possible de mesurer les disponibilités réelles et de gérer les ruptures. La notion de disponibilité est étendue sur l’ensemble de la chaîne logistique et intègre les stocks en usine, en entrepôt et en transit. Pour ce faire, la coopération doit être très forte entre le marketing et la logistique, de même qu’entre tous les acteurs de la chaîne. L’enjeu est de faire évoluer les chaînes d’approvisionnement aujourd’hui encore orientées vers les fournisseurs vers des modèles centrés sur le client. Comme l’indiquent Dornier et Fender, les modèles de déploiement des sites marchands les plus mûrs en 2001 montraient déjà une forte composante logistique. Avec du recul, le « commerce électronique s’affirme donc comme très fortement consommateur de ressources logistiques ». Autant la gestion du front-office est fondamentale pour capter le client, autant la logistique doit être irréprochable pour le fidéliser. Bien qu’il soit difficile de proposer un modèle logistique robuste pour le commerce électronique BtoC (Business to Consumer), les deux auteurs ont identifié huit composantes essentielles à intégrer dans le coeur des systèmes logistiques. Il s’agit tout d’abord du besoin d’interopérabilité et d’interfaçage des systèmes informatiques entre tous les acteurs de la chaîne dont l’objet est de « fluidifier » la logistique dans son ensemble, ensuite d’un fonctionnement en réseau entre les partenaires pour bénéficier d’un effet d’échelle et de ressources complémentaires, puis de nouvelles solutions et compétences pour gérer par exemple un nombre important de commandes en suspens tant qu’elles sont en attente de réception d’autres références, livrer le client jusqu’à son domicile (maîtrise du dernier kilomètre), répondre aux différentes modifications du client alors que le processus d’approvisionnement est lancé (besoin de réactivité et d’agilité de la chaîne face aux imprévus), et enfin gérer les retours des produits quel que soit l’endroit où ils ont été envoyés. La qualité de service associée au produit vendu est un principe différenciateur essentiel des offres commerciales. Se montrant plus critique que dans le commerce traditionnel, comme le rappellent Cahen et Gratadour (2004), elle utilise des outils de traçage pour rassurer le client du bon déroulement de la commande en l’informant de son état d’avancement à chaque étape de l’acheminement. Elle s’apprécie aussi à travers la réactivité en cas de problème de livraison, une bonne gestion des retours et un bon service après-vente12

. Et de compléter qu’une rupture dans la chaîne d’approvisionnement a des conséquences en cascade et freine la livraison. Pour y remédier, l’e-commerçant opte pour la transparence en matière de délai et attache une grande importance à l’état de ses relations avec ses fournisseurs au niveau desquels la logistique s’opère à flux tendus.

En bref, dans le mode BtoB (Business to Business), le commerce électronique peut prendre plusieurs formes, allant de la transaction ponctuelle à la construction de places de marché électroniques (e-marketplaces) afin de coordonner plus efficacement les relations clients-fournisseurs. Modifiant également les relations, il induit de nouvelles formes d’achat et de vente, ainsi que de nouveaux liens coopératifs entre les partenaires commerciaux.

12 CAHEN A., GRATADOUR J.-R., Le défi logistique du commerce électronique, Club Sénat, 2004, p. 23

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Conclusion Ce court chapitre donne un aperçu des impacts du commerce électronique et du défi logistique qu’il implique. Le commerce sur Internet est bel et bien en train de bousculer les modèles de production et de distribution existants. Il apparaît sans aucun doute que son développement est intimement lié à de nouveaux savoir-faire logistiques qui doivent émerger pour relever les challenges inédits de la nouvelle économie. La question est de faire coexister deux temporalités hétérogènes : celle du « temps réel » de la commande et celle «du temps de la réalité » de la logistique, dont les flux physiques obéissent à de contraintes économiques et matérielles bien réelles que les nouvelles technologies ne sauraient dématérialiser ! Le commerce sur Internet révèle les carences des systèmes de distribution en place. Il souligne l’urgence de la modernisation et de la normalisation des échanges de données avec l’ensemble des acteurs de la chaîne, ainsi que le nécessaire interfaçage des systèmes entre eux. Il montre l’importance stratégique de la qualité de service comme facteur concurrentiel. Il est clair que les prestataires logistiques, les transporteurs, les entreprises de messagerie jouent un rôle important dans la nouvelle chaîne de service au client. Mais leur seule intervention ne suffit pas. Le phénomène que nous connaissons a pour effet de booster l’ensemble des démarches intégratives et collaboratives tant en interne qu’avec les partenaires externes, engagées par la logistique depuis une dizaine d’années dans la chaîne de valeur. Alors que celles-ci ont pu buter par le passé sur des obstacles techniques et organisationnels, il semble aujourd’hui que l’hyper concurrence engendrée par le commerce électronique permette de les surmonter plus facilement. Ainsi la logistique devrait-elle trouver de nouveaux appuis et des opportunités pour mieux se déployer et contribuer concrètement aux transformations de l’économie.

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7.3 La chaîne de valeur Mis en lumière par Porter (1986) pour qui la raison d’être d’une entreprise est de produire de la valeur – une valeur principalement économique à destination des clients, des actionnaires et des salariés – le concept de chaîne de valeur « décompose la firme en activités pertinentes au plan de la stratégie dans le but de comprendre le comportement des coûts et de saisir les sources existantes et potentielles de différenciation »13

. Acheter, fabriquer, distribuer et vendre des produits à des clients sont les activités de base d’une chaîne de valeur.

La notion de valeur revêt une multiplicité d’aspects. Comme le soulignent Hoarau et Teller (2001), elle est en partie liée à la diversité des « destinataires » de la création de cette valeur, dans laquelle ils identifient huit catégories de bénéficiaires : « les clients, le marché, la firme, les actionnaires, les employés, les partenaires, les fournisseurs et la société »14

, dont les intérêts varient en fonction de la finalité poursuivie.

Par le décryptage de la filière, l’assemblage des activités en processus, l’analyse des interactions entre les activités, la combinaison de sa propre chaîne de valeur avec celle des partenaires, une entreprise doit identifier ses sources internes de création de valeur. Les spécialistes du marketing présente la valeur délivrée au client comme le rapport entre la valeur globale (valeur du produit, du service, du personnel, d’image…) et le coût total (coût en argent, en temps, en énergie, psychologique…)15

. La perception des avantages et des coûts globaux délivrés par un bien vendu est donc capitale ; elle justifie l’orientation client que prennent les entreprises.

Le modèle de chaîne de valeur présenté par Porter (1986) se compose d’une série d’activités conduisant à la création de valeur (cf. figure 2). Les activités de l’entreprise se divisent en deux grandes familles : les activités de base et les activités de soutien qui servent en même temps de centres de coûts et de sources potentielles de différenciation. Dans la vision de Porter, les activités principales sont à la base de la création de valeur. Les activités de soutien apportent aux premières les ressources et le support pour fonctionner ; elles englobent la direction générale, les ressources humaines, l’innovation, la finance, l’informatique, les achats, la comptabilité, le juridique, etc.

Figure 2 : La chaîne de valeur

Activités de soutien

Activités de base

Source : Porter, 1986

13 PORTER M. E., L’avantage concurrentiel, InterEditions, 1986 14 HOARAU C., TELLER R., Création de valeur et management de l’entreprise, Vuibert, 2001 15 KOTLER P., DUBOIS B., MANCEAU D., Marketing management, Pearson Education France, 2004, p. 68-69

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Notons que ce schéma – privilégiant le processus logistico-industriel d’une organisation industrielle traditionnelle (approvisionnements / fabrication / distribution / ventes / SAV) – n’est qu’une représentation normative d’une chaîne de valeur. Il convient de l’adapter, puisque chaque entreprise se caractérise par une chaîne de valeur qui lui est propre en fonction de ses activités. Selon Samii (1997), l’arrivée de ce concept en 1986 a provoqué « une prise de conscience non seulement des relations entre la logistique et les autres activités dans la chaîne de valeur, mais aussi cette évidence que la logistique peut aider les entreprises à créer et maintenir un avantage concurrentiel »16

.

Mais l’entreprise doit aller au-delà de sa propre chaîne de valeur et prendre en compte celle de ses fournisseurs, distributeurs, clients, comme le suggère déjà Porter en 1986, afin d’augmenter la valeur au niveau de l’offre produite, de la demande perçue et de l’interface entre l’offre et la demande. A l’image de la figure 3, la chaîne de valeur s’organise dans l’entreprise et dans ses relations avec ses partenaires. Dans cette vision de la chaîne de valeur, la création de valeur globale est supérieure à celle qui est produite dans les chaînes de valeur indépendantes.

Figure 3 : La chaîne de valeur « étendue »

Source : Strategor, 2005 S’interroger sur la filière et sa structure conduit à prendre en compte tous les stades de transformation qui concourent à créer la valeur perçue par le consommateur final17

.

L’analyse des activités et des compétences internes de l’entreprise avec celles des concurrents, fournisseurs et clients présente également l’intérêt d’étudier l’opportunité de conserver ou non une activité par rapport à son potentiel de création de valeur. Dans le 16 SAMII A. K., Stratégie logistique – Supply chain management, Dunod, 2004, p. 4 17 STRATEGOR, Politique générale d’entreprise, Dunod, 2005, p.83

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cadre d’une stratégie d’externalisation, une entreprise peut choisir de sous-traiter une activité donnée si elle la considère comme non rentable chez elle ou si elle ne maîtrise pas une technique ou une technologie essentielle. C’est souvent le cas de la logistique dont la maîtrise requiert des compétences pointues. Le couple valeur-coût Comme Porter l’inclut dans sa définition, la chaîne de valeur est aussi une chaîne de coûts. En effet, la combinaison plus ou moins complexe d’activités qui génèrent de la valeur (valeur produite) engendre aussi un coût (valeur détruite). Et Lorino (2003) d’ajouter que la performance d’une organisation est fondée sur le couple valeur-coût : « Est performance dans l’entreprise tout ce qui contribue à améliorer le couple valeur-coût, c’est-à-dire à améliorer la création nette de valeur »18

.

Dans cette perspective, la question n’est plus seulement d’arbitrer selon un objectif unique de coût et de productivité, mais également d’agencer le système d’offre en vue de créer une différence unique, une compétence distinctive. Cette réflexion conduit, selon Joffre et de Montmorillon (2002), à une représentation duale de l’efficience : à la fois centrée sur la minimisation des coûts mais également focalisée sur la création de valeur (par le service, le contrat et l’organisation)19. Pour caractériser cette vision du pilotage de l’entreprise à première vue antinomique, à la fois guidée par la réduction des coûts et la création de valeur, Lambert et Guérin (2004) évoque la notion « d’efficience élargie » que doivent désormais intégrer les arbitrages stratégiques20

.

Ces réflexions sur le couple valeur-coût rejoignent les travaux de Porter qui indique dans la nouvelle édition de son ouvrage L’avantage concurrentiel (1999) que les firmes parviennent à soutenir un avantage concurrentiel durable à la condition qu’elles empruntent deux voies stratégiques majeures : « En pratiquant des prix inférieurs à ceux des concurrents pour des avantages équivalents ou en fournissant des avantages uniques qui font plus que compenser un prix plus élevé ». Ceci n’est pas sans rappeler le double objectif a priori antinomique de la logistique : celui d’offrir une haute qualité de service au moindre coût ; lequel finalement n’apparaît pas comme un « acte isolé ». Chaîne de valeur, processus, activités Selon Lorino (2003), les activités décrivent un ensemble de tâches élémentaires réalisées par un individu ou un groupe à partir d’un panier de ressources. Mais celles-ci ne se suffisent pas à elles-mêmes ; elles doivent être intégrées dans un processus qui les relie par des flux d’information ou de matière pour générer de la valeur (cf. figure 4). A la différence de l’activité, le processus est transversal et représente un outil de déploiement de la stratégie. Par exemple, on trouve :

- le processus fabriquer (ensemble des activités se combinant pour transformer la

matière achetée en produit fini) ; 18 LORINO P., Méthodes et pratiques de la performance, Editions d’Organisation, 2003, p. 5-33 19 JOFFRE P., de MONTMORILLON B., Théories institutionnelles et management stratégique. Stratégies - Actualités et futurs de la recherche, coord. par Martinet A.-C. et Thiétart R.-A., Vuibert, 2002 20 LAMBERT R. et GUERIN F., L’efficience est-elle le pire ennemi de la chaîne de valeur ? La chaîne de valeur, un concept démodé ?, coord. par Baranger P., PUR, 2004, p. 297

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- le processus planifier et ordonnancer le flux logistique, de la commande à la livraison (ensemble des activités se combinant pour gérer le passage d’une commande enregistrée à une livraison physique) ;

- le processus vendre (ensemble des activités se combinant pour assurer la réalisation de la vente).

Figure 4 : Les processus

Source : Lorino, 2003 Selon Lorino (2003), le processus logistique traverse la structure de l’entreprise (cf. figure 5). Absente de l’organigramme de l’entreprise, la logistique existe ici sous la forme d’une organisation matricielle.

Figure 5 : Le processus logistique

Source : Lorino, 2003

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Chaîne de valeur, ressources, fonctions et compétences clés L’avantage concurrentiel tient également aux compétences et aux savoir-faire distinctifs de l’entreprise. Leur mise en œuvre dépend des ressources regroupant l’ensemble des moyens dont l’entreprise dispose, qu’elle contrôle, et qu’elle peut engager par le biais de ses processus productifs et organisationnels pour créer de la valeur. Certains auteurs substituent à « ressources » le terme « d’actifs », ce qui intéressant au sens de leur « improductivité », tant qu’elles n’ont pas été mises en œuvre, combinées et exprimées sous forme de valeur à l’aide du savoir-faire, des aptitudes et des compétences des acteurs de l’entreprise. Selon Strategor (2005), les ressources peuvent être regroupées en plusieurs catégories : humaines, financières, physiques (usines, matériels, magasins, systèmes de distribution), organisationnelles (systèmes, méthodes, manuels, procédures de qualité, marketing, vente, etc.), technologiques et de réputation (image de marque, fidélité, etc.)21

.

Par l’analyse de la chaîne de valeur, on peut repérer les activités et les fonctions qui distinguent l’entreprise de ses concurrents, positivement ou négativement, principalement sur la base de l’analyse du couple valeur-coût. Sont ainsi identifiées les ressources, les aptitudes et les compétences clés nécessaires à la création de valeur. Une fonction est un ensemble d’activités présentant un certain degré de similitude en matière de savoir-faire et de compétences requis. Selon Lorino (2003), ces activités font référence à un même corpus de métier et s’appuient souvent sur des normes et des méthodes professionnelles bien définies. Par exemple, la fonction « Logistique » regroupe toutes les activités qui font appel à des compétences en matière de logistique. Celles-ci peuvent être réparties en plusieurs métiers. L’AFNOR a ainsi identifié pas moins de 23 profils professionnels pour la seule fonction Logistique. Source de valeur, la compétence est rare et précieuse, ne se remplace pas, ne s’imite pas et ne s’acquiert pas aisément. Lorino (2003) la définit comme « l’aptitude à mobiliser, combiner et coordonner des ressources dans le cadre d’un processus d’action déterminé, pour atteindre un résultat suffisamment prédéfini pour être reconnu et évaluable »22

. Tout l’enjeu pour l’entreprise est de savoir faire des choses utiles que ses concurrents ne savent pas (ou pas encore) faire, ou ne savent pas faire aussi bien qu’elle. Une compétence spécifique lui permettra par exemple d’utiliser plus efficacement que ses concurrents ses ressources productives, tant au niveau de chaque fonction de l’entreprise qu’à l’interface entre plusieurs fonctions.

Le couplage de la compétence avec le processus, donc avec l’action qui l’enrichit (c’est en forgeant que l’on devient forgeron), est à la base de la capitalisation de la connaissance et des savoir-faire dans l’entreprise. Enfin, l’une des voies d’amélioration de la performance dans la chaîne de valeur est d’examiner les liens qui unissent deux, voire plusieurs fonctions ; l’objectif étant d’amener ces fonctions à collaborer. Comme nous l’avons vu précédemment, la chaîne de valeur de l’entreprise n’est pas isolée. Elle fait partie intégrante d’une filière comprenant des fournisseurs, des distributeurs, des sous-traitants, des clients finaux… avec lesquels d’une part elle crée et partage de la valeur, et d’autre part elle entretient des relations plus ou moins développées et étroites. 21 STRATEGOR, Politique générale d’entreprise, Dunod, 2005, p.86 22 LORINO P., Méthodes et pratiques de la performance, Editions d’Organisation, 2003, p. 67

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Conclusion Ce chapitre résume la façon dont la valeur est créée dans l’entreprise. Elle résulte de la combinaison d’activités organisées en processus et exécutées par des fonctions dotées de compétences et de savoir-faire requis pour l’utilisation efficace des ressources mises à disposition. L’un des intérêts de la vision portérienne, reprise par Lorino, est la notion fondamentale selon laquelle la valeur générée par les activités est supérieure à leur valeur intrinsèque, à condition qu’elles soient interconnectées au sein de processus et pilotées par les fonctions de l’entreprise. L’importance des interfaces est soulignée dans le sens où les interactions entre les fonctions internes de l’entreprise et celles avec les partenaires externes permettent d’augmenter la valeur produite et de réduire les coûts à l’échelle globale. Créatrices de valeur, les activités sont les pièces constitutives de l’avantage concurrentiel. Le rôle des liaisons horizontales et verticales dans la chaîne logistique est donc capital pour délivrer la valeur accumulée dans le produit ou le service à destination du client final. Le potentiel logistique est une combinaison des activités du processus logistique et de toutes les fonctions qui interviennent sur son couple valeur-coût. De par sa transversalité, on devine déjà que la logistique détient un potentiel de valeur important.

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7.4 La stratégie d’entreprise Selon Lorino (2003) : « Définir la stratégie de l’entreprise, c’est concevoir la ou les chaînes de valeur auxquelles l’entreprise doit prendre part et la position qu’elle doit y occuper, de manière à s’assurer des avantages concurrentiels pérennes et défendables »23

.

Il n’existe pas de discours unique sur la stratégie d’entreprise mais au contraire une multiplicité d’approches. Aussi, les travaux sur le management stratégique évoquent-ils, dans certains cas, les stratégies génériques (Porter, 1982) axées sur la domination par les coûts (recherche de coûts unitaires plus faibles que ceux des concurrents, à qualité proche de la moyenne sectorielle), sur la différenciation (par l’offre d’un produit ou d’un service perçu par le marché comme unique) ou sur la spécialisation (par la concentration de l’activité sur une cible étroite), mais aussi les stratégies de diversification, d’externalisation, de mondialisation ou d’alliance ; et dans d’autres cas, traitent-ils des processus qui y conduisent. Avec la crise des années 80, les entreprises ont surtout développé des stratégies dites de recentrage dominées par la recherche de performance, l’analyse des forces et faiblesses, la gestion des compétences et des ressources de l’entreprise, en s’efforçant de prendre en compte les menaces et les opportunités de l’environnement. Aujourd’hui, l’entreprise se mondialise. La mondialisation concerne les différentes fonctions de l’entreprise, à commencer par la fonction commerciale. Celle-ci est la première à avoir été internationalisée par le développement des exportations, avec pour effet l’accroissement des volumes échangés entre les pays et un impact considérable sur la logistique de distribution. Il y a eu ensuite la mondialisation de la production. Comme le souligne Hatem (1998), la motivation peut être, selon les cas, l’accès à des ressources locales rares, l’accès au marché final, l’acquisition d’actifs stratégiques ou la recherche de conditions de production plus favorables (coûts, environnement technique et réglementaire, etc.)24

. La logistique atteint ici une dimension internationale liée au caractère transnational des activités de la firme ; elle doit coordonner l’activité des sites de production et de fournisseurs souvent situés dans plusieurs pays pour servir in fine des consommateurs souvent répartis sur l’ensemble d’un continent, voire sur le monde entier. Elle peut être gérée en interne ou – cas de plus en plus fréquent – être externalisée vers un prestataire logistique extérieur, qui souvent, a lui-même une stature internationale. Quant aux achats, ils connaissent depuis longtemps tous les pays du globe. La recherche d’une main d’œuvre qualifiée et/ou moins chère fait que le marché du travail se mondialise aussi.

Malgré les avantages apparents, il convient d’évaluer l’impact d’une décision d’internationa-lisation sur les quatre objectifs opérationnels classiques que sont le coût, la qualité, le délai et la flexibilité. En plus des impacts sur l’organisation interne des fonctions, la conduite d’une politique de mondialisation a des répercussions sur la stratégie industrielle, financière et marketing d’une entreprise. Elle comporte une part d’incertitude et de complexité qui tendent à augmenter avec l’accroissement du nombre d’interfaces nouvelles et éloignées. Prenons le cas, par exemple, d’une politique d’approvisionnement mondial : les taux de change et le rallongement des délais de livraison sont des facteurs d’accroissement de l’incertitude. Ceci ne signifie pas que le choix de l’internationalisation des approvision-nements soit une erreur, bien au contraire, mais qu’il doit faire l’objet d’une étude sérieuse compte tenu de l’arrivée de facteurs nouveaux.

23 LORINO P., Méthodes et pratiques de la performance, Editions d’Organisation, 2003, p. 60 24 HATEM F., Enquête : L’investissement international à l’horizon 2002, AFII, 1998

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Sur fond de révolution Internet, la concurrence se caractérise par une rivalité sans cesse croissante. Elle peut ainsi prendre la forme d’une course à l’innovation, d’un raccourcis-sement du cycle de conception et de vie des produits, d’une compétition fondée sur une stratégie de prix et de compétence agressive, ou d’une nouvelle approche du service offert aux clients. C’est dans ce contexte que l’on peut apprécier la pertinence des stratégies des entreprises qui, pour répondre aux besoins de leurs clients, doivent mobiliser et développer les compétences internes, et se doter d’une organisation suffisamment agile pour occuper des positions concurrentielles sur le marché mondial. La planification stratégique Nous abordons maintenant le processus de planification en tant qu’instrument de formulation et de mise en œuvre des décisions stratégiques. De cette manière, nous tenterons de clarifier le cadre dans lequel est conçue et s’articule la stratégie logistique que nous développerons plus loin. La planification se distingue de la prévision d’une part, qui par extrapolation, s’efforce de répondre à la question : « Que va-t-il se passer ? », et de la prospective d’autre part, qui répond à la même question de manière plurielle sur la base de scénarios. Elle tente de répondre à la question : « Comment passer de la stratégie à l’action ? ». Strategor (2005) définit « la planification d’entreprise comme un processus formalisé de prise de décisions qui élabore une représentation voulue de l’état futur de l’entreprise et spécifie les modalités de mise en œuvre de cette volonté25

».

Quant à Kotler (2004), il la fait reposer sur trois idées-clés. La première consiste à envisager le management d’une entreprise comme la gestion d’un portefeuille d’activités à rentabiliser. La seconde idée à anticiper le potentiel de profit de chaque activité à partir de scénarios d’évolution des marchés et de l’estimation des coûts de mise en œuvre. La troisième idée est celle de la stratégie où le choix du plan de bataille prime pour atteindre les objectifs long terme de l’entreprise26

.

Le processus de planification stratégique Henri Fayol (1841-1925), l’un des premiers théoriciens sur l’entreprise, est le premier à souligner l’importance du processus de planification. Il utilise le terme de « prévoyance » comme l’une des cinq fonctions clés du management que l’on trouve dans son livre Administration industrielle et générale publié en France en 1916. Bien qu’il ait introduit la notion de programme d’actions pour traduire la vision stratégique de l’entreprise, il faudra attendre le début des années 50 pour que le concept de planification globale prenne véritablement corps. A cette époque, les entreprises commencent à intégrer la durée dans leur management ; l’environnement économique des trente glorieuses permet l’anticipation. La planification à long terme dominera jusqu’au milieu des années 60. Dans les années 60, une distinction s’opère entre planification stratégique et planification opérationnelle. En effet, le processus qui fixe les grandes orientations stratégiques (permettant à l’entreprise de modifier, d’améliorer et de conforter sa position face à la

25 STRATEGOR, Politique générale d’entreprise, Dunod, 2005, p. 597 26 KOTLER P., DUBOIS B., MANCEAU D., Marketing management, Pearson Education France, 2004, p. 100

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concurrence) est différent de celui qui les traduit en programmes applicables par tous les services, divisions ou filiales. Dans cette vision, le processus global de planification commence par le diagnostic de la position concurrentielle de l’entreprise sur ses différents segments stratégiques. L’établissement du plan stratégique vise à établir la place qu’elle veut occuper sur ces segments. Concrètement, celui-ci définit les stratégies de dévelop-pement à mettre en œuvre, ainsi que les objectifs à atteindre. Il est ensuite traduit en plans opérationnels et en budgets de fonctionnement revus en général sur une base annuelle. De tels plans intègrent les objectifs économiques et sociaux fixés et programment les actions et les moyens à mettre en œuvre par division, département ou service. Leur exécution repose sur un système budgétaire permettant le contrôle des actions court terme engagées. Une synthèse principalement assurée par des outils financiers classiques – comptes de résultat ou bilans prévisionnels – permet de rendre compte des difficultés rencontrées et de décider d’actions correctrices éventuelles. Ce système de planification stratégique intégré canalise toutes les décisions en assurant une forte cohérence à la fois verticale (entre des niveaux de décision différents) et horizontale (entre des domaines différents). Il est néanmoins rigide et s’est assoupli à la fin des années 60 en dissociant davantage le stratégique de l’opérationnel. Par ce moyen, la réflexion stratégique est « coupée » des budgets et autorise des choix plus larges et des remises en causes plus profondes. La liaison avec les responsables opérationnels s’effectue par la communication des stratégies adoptées et des objectifs à atteindre. Mais à partir des années 70, l’horizon économique devient moins lisible. L’entreprise doit faire preuve de flexibilité et s’adapter aux nouveaux marchés en voie de mondialisation. Au cours des années 80, la crise perdure et l’entreprise cherche à mobiliser au maximum ses compétences internes et ses ressources. Une « crise » de la planification a lieu. La mondialisation des échanges, la complexité des domaines d’activités, l’accélération et la fragmentation des évolutions sociétales, etc. font qu’il est difficile de cerner avec suffisamment de précision le comportement futur des clients. Un changement dans la conception de la planification s’impose. On s’oriente alors vers une planification ayant une fonction de coordination à vocation participative, ascendante et descendante, globale et non sélective. Le projet d’entreprise vise alors à impliquer l’ensemble des acteurs dans une démarche commune que les politiques de qualité inscriront au cœur de leurs programmes. Aujourd’hui, la planification revêt différentes formes. Elle est polymorphe, mais elle continue à faire le distinguo entre planification stratégique et planification opérationnelle. Comme l’indique Strategor (2005) : « Cette vision de la planification peut inquiéter, mais elle est beaucoup plus féconde que celle qui en fait un instrument monolithique [ ]. Dans le domaine décisionnel, la planification apparaît [finalement] comme un moyen de structurer le processus de décision et, par là, de le maîtriser »27

.

Selon les industries, d’autres pratiques complètent les nouveaux plannings pour la gestion de l’inattendu. Il s’agit par exemple de la prospective qui permet aux entreprises perfor-mantes de s’adapter rapidement aux nouvelles conditions et de saisir les opportunités. Elle consiste à élaborer différents scénarios probables du futur à partir du prolongement des tendances passées, mais aussi en envisageant des crises voire des ruptures brutales. Dans ce cas, l’entreprise définit une stratégie et prépare les plans d’action à mettre en œuvre. Définissant la planification stratégique actuelle, Kotler indique qu’elle a pour but de mettre en phase les objectifs, les ressources et les compétences d’une entreprise avec les

27 STRATEGOR, Politique générale d’entreprise, Dunod, 2005, p. 623

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opportunités offertes sur le marché. Elle s’effectue au quadruple niveau de l’entreprise, de la division, du domaine d’activité et du produit28

:

- Le plan stratégique de l’entreprise définit les grandes orientations dans lesquelles s’inscrit le portefeuille d’activités existantes des divisions et des domaines d’activité stratégiques. Son élaboration comporte quatre étapes : définir la mission de l’entreprise, identifier les domaines d’activité stratégiques, allouer les ressources, et identifier de nouveaux domaines à investir et ceux à abandonner.

- Chaque domaine d’activité fait ensuite l’objet d’une planification qui comprend

l’analyse de l’environnement interne et externe, la définition des objectifs de rentabilité, de chiffre d’affaires, de part de marché..., la formulation des stratégies, l’élaboration des plans d’action et l’estimation de leurs coûts, leur mise en œuvre, et la définition du suivi et du contrôle. Cette phase concerne l’élaboration du plan d’activité.

- Les différents départements de l’entreprise ont ensuite la responsabilité d’élaborer un

plan stratégique par domaine d’activité. Pour sa part, la stratégie marketing conduit à l’élaboration du plan marketing. Egalement appelé business plan ou plan de bataille, celui-ci constitue une composante essentielle de la politique marketing de l’entreprise. Pour chaque domaine d’activité, il englobe des éléments d’analyse concurrentielle, des objectifs de vente et de part de marché, la présentation de la stratégie marketing, des programmes d’actions où intervient la notion fondamentale de mix marketing (produit, prix, distribution, promotion), des comptes de résultat prévisionnels et des modes de contrôle.

Les plans marketing sont élaborés par le département marketing avec le concours des autres départements de l’entreprise, dont la logistique qui les utilisera comme données d’entrée pour l’établissement du plan logistique stratégique. Comme l’indiquent Laurentie et al., l’analyse marketing est à la base de la définition de la stratégie industrielle et de la stratégie logistique. Et la norme NF X 50-600 de rappeler que la démarche logistique s’inscrit dans la stratégie de l’entreprise29

. En effet, les premiers choix stratégiques de l’entreprise concernent la définition de l’offre pour répondre à une demande ; ils doivent prendre en considération tous les moyens à mettre en œuvre pour assurer cette offre, en particulier la logistique, en termes de taux de service, productivité et rentabilité financière.

Décrivant le processus logistique dans sa globalité, la fiche descriptive AFNOR FD X 50-604 explique que la stratégie logistique doit être intégrée dans la stratégie de l’entreprise, notamment dans le processus de constitution du budget annuel, afin de lui permettre d’atteindre ses objectifs généraux et sectoriels, tout particulièrement ceux relatifs au service client30. Selon les exigences de taux de service en production, distribution et commercialisa-tion, de délai de livraison, de service après-vente, de retour des produits, etc., le plan logistique stratégique pourra revêtir retenir diverses tactiques basées sur la recherche du moindre coût logistique. De cette manière, comme l’évoquent Laurentie et al. (2000), la logistique peut contribuer à plusieurs des critères gagnants qui font le succès d’un produit : prix, qualité, variété de la gamme, rapidité et fiabilité de la livraison, service au client, et assistance au client pour les produits dont la maintenance doit être assurée dans le temps31

.

28 KOTLER P., DUBOIS B., MANCEAU D., Marketing management, Pearson Education France, 2004, p. 99-137 29 NF X 50-600, Logistique – Fonction et démarche logistiques, AFNOR, 1999, p. 4 30 FD X 50-604, Le processus logistique, AFNOR, 2002, p. 10-12 31 LAURENTIE J., BERTHELEMY F., GREGOIRE L., TERRIER C., Processus et méthodes logistiques – Supply chain management, AFNOR, 2000, p. 56

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Maintenant que le processus de planification a été expliqué tout en soulignant les besoins de cohérence de la politique industrielle et logistique avec la stratégie globale, revenons aux plans stratégiques de l’entreprise pour indiquer qu’ils ne sont pas une fin en soi. En effet, pour parachever le déploiement de la stratégie et évaluer l’efficacité des décisions stratégiques, il convient de mettre en place des outils pour aider au pilotage de l’action. Le tableau de bord prospectif constitue l’un des outils phares actuellement utilisés. Le tableau de bord prospectif L’une des conditions de l’efficacité de la stratégie est sans doute sa lisibilité par l’ensemble des acteurs de l’entreprise. C’est d’ailleurs la principale difficulté qu’éprouvent les directions générales du fait que les stratégies font de plus en plus référence à des actifs immatériels (relation clientèle, services, technologie de l’information, motivation des salariés), que la communication est difficile à relayer sur des structures de plus en plus décentralisées, et qu’une confusion règne parfois sur le terrain de par la conduite simultanée de plusieurs projets qualité de type ISO 9000, reengineering des processus, Juste-à-temps, etc. Ce constat, effectué par Mongillon et Verdoux32

(2003), conduit les entreprises les plus avancées à l’adoption d’un type de tableau de bord particulier fournissant aux managers les instruments de pilotage de leur entreprise vers les objectifs stratégiques.

Ce tableau de bord porte le nom de Balanced Business Scorecard (BBS)33

traduit par l’expression « tableau de bord équilibré » ou « tableau de bord prospectif ». Inventé aux Etats-Unis par Kaplan et Norton dont les premiers travaux ont été publiés par la Harvard Business Review en 1992, le concept de BBS considère que la performance stratégique de l’entreprise est multidimensionnelle et ne se résume pas aux seuls résultats financiers. Ses auteurs introduisent la notion de causalité entre les facteurs non financiers et les facteurs financiers pour piloter la performance de l’entreprise.

Selon Dapère (2004), professeur de Qualité Totale au CNAM Paris, la BBS se révèle être un outil séduisant, par l’obligation qu’il impose d’identifier l’essentiel, et par sa simplicité qui la transforme en un moyen simple de communication des objectifs de l’entreprise34

.

L’idée de Kaplan et Norton est de constituer un tableau de bord unique comportant tout au plus une vingtaine d’indicateurs stratégiques répartis entre les performances financières, le niveau de satisfaction des clients, la productivité des processus, et la motivation et la satisfaction du personnel. Le terme balanced traduit l’équilibre à rechercher entre les objectifs porteurs de performance future et les résultats visés à plus court terme. Les objectifs sont répartis selon quatre axes reliés entre eux : les finances, les clients, les processus et l’apprentissage organisationnel :

- Finances : Axe classique se retrouvant dans tout système de pilotage d’entreprise ; - Clients : Axe regroupant tous les objectifs liés à la valeur client : parts de marché,

taux de fidélité client, taux de satisfaction client, relation client, image… ; - Processus : Axe comprenant les mesures de performance des processus contribuant

le plus fortement à l’atteinte des objectifs et de la satisfaction des clients ; - Apprentissage organisationnel : Ensemble d’indicateurs rattaché au personnel et à

l’amélioration continue : compétences, motivation, aptitudes… 32 MONGILLON P., VERDOUX S., L’entreprise orientée processus, AFNOR, 2003, p. 262 33 KAPLAN R. S. et NORTON D. P., Le tableau de bord prospectif – Pilotage stratégique, les quatre axes du

succès, Editions d’Organisation, 1998 34 DAPERE R., La qualité totale – Méthodes et outils, CNAM Paris, 2004, p. 58-59

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Couvrant les quatre fronts principaux de l’organisation, ce tableau de bord s’avère plus efficace qu’un ensemble de données à prédominance financière isolées du reste des composantes opérationnelles et qualitatives de l’entreprise. Selon Iribarne (2003), les systèmes de mesure basés sur les balanced scorecards35

:

- concernent toute l’organisation et pas seulement des départements de l’entreprise ; - sont un moyen d’équilibrer les mesures financières et non financières ; - permettent de clarifier la stratégie et de la communiquer en termes concrets et

opérationnels ; - focalisent sur les changements prioritaires pour atteindre les objectifs stratégiques ; - fournissent un cadre méthodologique pour décliner la stratégie en plans d’action et

pour organiser le retour d’expérience. Le tableau de bord principal est répercuté en cascade en tableaux de bord opérationnels à tous les échelons de l’entreprise dont les plans d’action doivent permettre d’atteindre les objectifs stratégiques. La figure 5 ci-dessous illustre le déploiement en cascade des objectifs et plans d’action selon une dynamique d’amélioration continue de type PDCA (plan, do, check, act) ou roue de Deming. Par ce processus, la mise en œuvre des plans d’action de niveau n-x alimente le retour d’expérience et, par voie de conséquence, l’amélioration des objectifs et plans d’action de niveau supérieur.

Figure 5 : Déploiement des objectifs stratégiques

Source : Mongillon et Verdoux, 2003

35 IRIBARNE P., Les tableaux de bord de la performance, Dunod, 2003

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Pour la représentation des liens entre les quatre catégories d’indicateurs, la figure 6 ci-après illustre le tableau de bord sous forme de carte stratégique. Celle-ci montre la façon dont les ressources humaines et les processus opérationnels peuvent influer sur la satisfaction des clients et les résultats financiers. La balanced business scorecard représente l’un des outils majeurs de la démarche qualité totale. Précédée par la méthode MBO (Management By Objectives) développée aux USA dans les années 60 et la méthode Hoshin Kanri à partir des années 65 au Japon, cette méthode relativement récente vise le déploiement des objectifs vitaux à tous les échelons de l’entreprise. Focalisée sur l’amélioration des processus et de la performance, elle permet la communication des objectifs stratégiques à l’ensemble du personnel tout en bouclant sur les plans d’action et le suivi des résultats à travers les différents tableaux de bord synthétiques.

Figure 6 : Carte stratégique

Source : Adapté de Mongillon et Verdoux, 2003 En fonction des écarts relevés avec les performances de la concurrence, l’entreprise a ensuite le choix d’engager des actions d’amélioration continue ou bien de planifier des actions de progrès en rupture (remettant en cause l’organisation et les pratiques actuelles) si son avenir est menacé.

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Conclusion Ce détour par la stratégie d’entreprise et le processus de planification stratégique est intéressant à plusieurs égards :

- Dans le contexte actuel de mondialisation et d’hyperconcurrence où la stratégie doit être résolument orientée vers les clients, tenir compte de l’évolution des marchés et des technologies, et répondre à la fois aux demandes des clients, des actionnaires et du personnel, les entreprises ont plus que jamais intérêt à recourir à des méthodes structurantes pour rationaliser le processus de décision stratégique. Depuis une quinzaine d’années, le processus de planification stratégique s’est assoupli et permet des allers-retours plus fréquents entre la stratégie et l’opérationnel. Celui-ci est notamment relayé en production et en distribution par des méthodes de planification industrielle et logistique (MRP-2 et DRP) dont Oliver Wight (1930-1983) – le père de la planification industrielle intégrée – n’hésitait pas à affirmer qu’elles sont « le fonde-ment indispensable au fonctionnement d’une entreprise industrielle »36

.

- Le tableau de bord prospectif est l’un des outils de pilotage de la performance qui permet de communiquer et déployer les objectifs stratégiques à tous les niveaux de l’entreprise et d’en suivre l’exécution simultanément. Il permet notamment de suivre la performance logistique de l’entreprise à travers les indicateurs tournés vers la satisfaction des clients, la performance des processus, et l’évolution du chiffre d’affaires.

- La stratégie logistique découle des plans stratégiques et vient en appui de la

stratégie marketing laquelle définit les objectifs de vente, les canaux de distribution et les opérations commerciales. Finalement, elle s’inscrit dans la stratégie globale de l’entreprise et s’applique, comme on le verra plus loin, à la logistique des approvision-nements, de la production, de la distribution, du soutien et du retour des produits.

- Pour clarifier le rôle stratégique de la logistique, Tixier et Mathe expliquent en 1981

que la logistique joue d’abord un rôle essentiel par « le niveau de service offert à la clientèle auquel est liée la mise en place des circuits de distribution et, de fil en aiguille, celle des circuits d’approvisionnement, des moyens de fabrication et des choix technologiques qui sont les facteurs fondamentaux de la réussite ou de l’échec de la mise en œuvre de la stratégie ». Dans une seconde étape, elle concourt, par extension, à une mise en œuvre plus efficace de la stratégie en jouant sur la « facilité d’accès par les clients aux productions d’une entreprise »37

.

36 WIGHT O., La production à délai court, The Oliver Wight Companies, Traduit de l’anglais par Bill Belt SA, 1993, p. 33 37 TIXIER D., MATHE H., Logistique et management : voie de la compétitivité, Harvard L’Expansion, n°22, 1981, p. 23

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7.5 La démarche « Qualité Totale » La « qualité » a révolutionné les modes d’organisation et les techniques de gestion et de contrôle dans l’entreprise. Elle s’est immiscée dans tous les domaines et à tous les niveaux de l’organisation. Du fait de son influence prépondérante sur les performances de l’entreprise, nous proposons ici de retracer les grandes étapes de son évolution et de présenter la démarche, les objectifs et les outils qui la sous-tendent. Par cette vision panoramique, notre objectif est de mieux situer la logistique dans le cercle vertueux de la qualité totale. Le contrôle statistique Entre 1920 et 1945, l’essor des statistiques appliquées à la qualité est le point de départ des premiers travaux d’envergure menés aux Etats-Unis dans ce domaine. Avec la mise en place des plans d’échantillonnage, l’estimation de la qualité des lots de produits est facilitée par la technique du sondage qui consiste à prélever un échantillon représentatif de pièces. Le contrôle statistique remplace graduellement l’inspection exhaustive de toutes les pièces produites, pratique alors utilisée aux USA dans les années 40. Dans le même courant, Shewhart (1891-1967) transpose les techniques statistiques appliquées aux produits aux processus de fabrication. Il ne s’agit plus de vérification des pièces produites, mais d’une statistique probabiliste destinée à la maîtrise des processus industriels. Shewhart est le créateur du concept fondamental SPC (Statistical Process Control) à la base de la maîtrise des processus. Deming (1900-1993), élève de Shewhart, exploite remarquablement les concepts de statis-tique appliqués à la production au ministère de la Guerre. Il contribue à la formation de plusieurs milliers d’ingénieurs aux techniques statistiques. Grâce à sa méthode, l’industrie de l’armement aux USA enregistre d’énormes progrès38

.

Après la guerre, le formidable appétit de consommation et l’évolution du pouvoir d’achat des consommateurs conduisent à l’accélération de la production de biens et de services. La production s’avère foisonnante pendant une bonne vingtaine d’année. L’assurance qualité, le contrôle qualité, les cercles qualité Dans les années 50, Deming et Juran (né en 1904)39

introduisent la notion d’assurance qualité (assurance que le niveau de qualité voulu peut être et est obtenu par la maîtrise des processus de production). Pour sa part, Feigenbaum (né en 1922), considéré comme l’inventeur du concept de coût de la qualité, parle de Total Quality Control (TQC), que l’on peut traduire par l’expression contrôle qualité.

Le Japon dont l’industrie est à plat à la fin des années 40 (les productions agricoles et industrielles n’existent quasiment plus) est preneur de ces concepts. A l’initiative du professeur Ishikawa (1915-1989), dirigeant de la JUSE (Union des ingénieurs et scientifiques japonais), Deming se rend au Japon pour faire des conférences auprès des patrons japonais. Remportant un vif succès et l’adhésion du patronat japonais, il est suivi de Juran et Feigenbaum qui appliqueront les principes d’assurance qualité non seulement sur l’organisation de la production, mais aussi sur les modalités mêmes du management. Juran 38 DEMING W. E., Qualité : La révolution du management, Economica, 1988 39 JURAN J. M., Gestion de la qualité, AFNOR, 1983

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est le « ré-inventeur » du diagramme de Pareto dont il élargit le champ d’application. Son idée est que la qualité est d’abord un concept managérial fondamental qui concerne l’ensemble du personnel et englobe toutes les fonctions de l’entreprise. Il propose une stratégie basée sur l’utilisation des ressources humaines qui aussitôt rencontre l’adhésion des Japonais. Son cours est à l’origine de la création des cercles de qualité au Japon. Selon Juran, les dirigeants sont directement responsables de 80 % des problèmes. Sur l’ensemble des problèmes, 20 % (qu’il appelle vital few) ne peuvent être traités par la direction à l’aide d’une méthode de travail structurée. Les 80 % restant (qu’il appelle trivial many) sont du ressort des cercles de qualité ou des groupes de travail constitués d’ouvriers et d’employés. Les Japonais vont alors utiliser, vulgariser, simplifier et adapter les principes de la qualité aux normes et au mode de pensée ancestral du pays du Soleil Levant en les enrichissant de plusieurs outils de base pour le management de la qualité. L’ensemble de ces concepts resurgira aux Etats-Unis au début des années 80, après que les industries japonaises, notamment les industries automobiles, auront commencé à s’implanter dans le nouveau monde dans les années 70 et à offrir des produits de qualité véritablement supérieure. Au milieu des années 70, les marchés se saturent après le premier choc pétrolier. Les clients deviennent alors plus difficiles et s’intéressent de plus près aux performances et au prix des produits. Dans un contexte de chasse aux gaspillages, le développement des « pratiques d’enrichissement des tâches »40, des « groupes autonomes » et de la « recherche de polyvalence » entre les collaborateurs ouvrent la voie de l’autocontrôle. Une révolution culturelle s’opère dans les ateliers et les bureaux ! Pour la première fois, la responsabilisation individuelle ou en sous-groupe conduit à considérer le contrôle comme faisant partie de l’exécution41

. Le contrôle qualité n’est désormais plus l’affaire de quelques « experts », mais de tous les acteurs de l’entreprise. Le principe d’alors est le « zéro défaut » et de « faire bien du premier coup », selon la formule de Philip Crosby (1922-2001). Outre l’amélioration sensible de la qualité des produits, de leur conformité par rapport à des exigences prédéfinies, le constat montre une amélioration de la productivité.

La certification Vers le milieu des années 80, la maîtrise de la qualité du produit ne suffit plus dans un univers où le service client devient la clé de la compétitivité. Les clients demandent une certification comme preuve de garantie a priori de la qualité du produit ou du service fourni. Le besoin de confiance conduit les donneurs d’ordres à exiger de leurs fournisseurs une traçabilité des produits et à les assurer du maintien de l’objet du contrat. Devant la multiplication de ces exigences et des audits fournisseurs qui se généralisent au plan local, l’ISO (Organisation internationale de normalisation) établit au début des années 90 un ensemble de normes qui vont rapidement faire référence dans le monde entier C’est ainsi qu’est né le premier référentiel normatif international de la qualité avec la série des normes ISO 9000, dont les bases ont été créées en 1945 par Deming et Juran ! Les entreprises s’attèlent alors à la mise en œuvre d’un ensemble de procédures écrites dont le 40 BOERI D., Le nouveau travail manuel – Enrichissement des tâches et groupes autonomes, Editions d’Organisation, 1997 41 BOERI D., BERNARD S., Organisation & changement – Comment tirer le meilleur parti du potentiel de l’entreprise, Maxima, 1998

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but est « de dire ce que l’on va faire, puis de garantir que ce que l’on a dit a effectivement été fait dans le respect de tous les règlements et normes applicables en la matière ». Pour l’entreprise, la tâche est colossale et prendra quelques années avant que le manuel qualité ne soit complètement rédigé avec l’adhésion du personnel pour son application quotidienne. Lorsque le système est opérationnel, il importe de le tenir à jour et de le faire évoluer en fonction de l’arrivée de nouvelles normes internationales. Enfin, lorsqu’une entreprise parvient à cet idéal, il lui faut ensuite promouvoir la même philosophie auprès de ses fournisseurs et clients « pour que tous les fournisseurs en cascade assurent la qualité de leurs produits et prestations, tant il est vrai que la résistance d’une chaîne dépend de la solidité de tous ses maillons »42

.

Selon Cattan (2003), « certes des efforts restent encore à faire en matière d’assurance de la qualité. Une mutation aussi profonde ne peut pas être terminée partout après un délai de quelques années ». Le système d’assurance qualité devient un maillon important. Il formalise, standardise et pérennise le savoir-faire de l’entreprise. De plus, il est auto améliorant grâce à ses mécanismes d’audits et d’actions correctives et préventives. La Qualité Totale Allant plus loin sur la voie de l’amélioration continue et du management participatif, l’année 2000 aura apporté une nouvelle lecture des exigences de la certification du fait de l’évolution des besoins des entreprises. En effet, l’AFNOR publie le 20 décembre 2000 une nouvelle version (3ème édition) des normes de la série ISO 9000 faisant preuve d’une approche moins procédurale et plus managériale par l’introduction des « processus ». La nouvelle norme se focalise sur le Système de Management de la Qualité (SMQ) et les processus de l’entreprise, et non plus seulement sur la conformité du produit. Il est d’ailleurs précisé que « la famille des normes ISO 9000 fait la distinction entre des exigences concernant les systèmes de management de la qualité et les exigences concernant les produits »43

.

Nous entrons donc dans une nouvelle période, celle de la Qualité Totale où la qualité devient un outil stratégique et offensif visant la satisfaction du client, la mesure de performance et l’amélioration continue. Selon Sandras (1993), la Qualité Totale est une philosophie qui prétend lever en permanence tous les obstacles qui empêchent d’augmenter la satisfaction client ; il ajoute que « le mot « Totale » signifie précisément que la « Qualité » est applicable à tous et à tout niveau de toute organisation interne comme externe, aux produits comme aux processus »44

.

Dans le même sens, l’AFNOR définit le concept de qualité totale comme une politique de mobilisation permanente des énergies pour améliorer :

- la qualité des produits et des services ; - la qualité du fonctionnement de l’entreprise ; - la qualité des objectifs en relation avec l’évolution de l’environnement.

42 CATTAN M., IDRISSI N., KNOCKAERT P., Maîtriser les processus de l’entreprise, Editions d’Organisation, 2003, p. 9 43 AFNOR, Qualité et système de management ISO 2000, 2001, p. 1 44 SANDRAS W. A., Les cent changements en cours par Juste-à-temps et Qualité Totale, in La production à délai court, Traduit et adapté par Bill Belt SA, 1993, p. 78

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Le management est le moteur de cette politique. Son but est le développement de l’entreprise, sa rentabilité et la satisfaction et la fidélisation des clients. La qualité totale peut ainsi être traduite comme l’adaptation permanente des produits et des services aux attentes des clients et à leur évolution, par la maîtrise de toutes les activités de l’entreprise. Selon Boéri, « il s’agit de s’adapter en permanence aux modifications de l’environnement, aux exigences des clients, et d’éviter définitivement de leur faire payer en « files d’attente » les turpitudes de l’organisation »45

.

C’est ainsi qu’il affirme que les deux objectifs essentiels de la qualité totale sont :

- la satisfaction client, ce qui implique d’anticiper ses besoins et d’améliorer la relation client/fournisseur en interne ;

- zéro délai, zéro file d’attente, ce qui nécessite un personnel formé, une information à jour, une autonomie d’exécution, un résultat à atteindre, et de rendre compte ;

… sur la base des « 4 Q » de la qualité totale : la qualité des hommes et des femmes, la qualité des processus et de la transversalité, la qualité des produits et/ou services, et la qualité des résultats opérationnels. Dapère (2004) décrit la qualité totale comme une approche globale, facteur clé de succès dans un environnement instable et concurrentiel, utilisable dans tous les types d’organisation de par le monde. Par où le dirigeant d’une entreprise doit-il commencer, quels sont les facteurs de succès dans un environnement instable et concurrentiel, quelles sont les caractéristiques communes des entreprises qui atteignent d’excellents résultats ? « C’est extrêmement simple », résume-t-il, « nous devons savoir où nous allons, et nous donner les moyens de nos ambitions »46

. Illustrant son propos, il décrit la démarche de qualité totale selon un processus articulé en sept étapes principales :

1/ Tout d’abord, le comité exécutif doit définir la vision moyen/long terme (ce qu’elle veut devenir dans 3 ans), les missions (ce pour quoi elle existe) et les valeurs (ce en quoi elle croit) de l’entreprise. Il s’agit ici de répondre à la question : où allons-nous ? 2/ Pour se donner les moyens de ses ambitions, l’entreprise doit déterminer ses orientations stratégiques et les décliner en termes d’objectifs, de plans d’action et d’indicateurs de performance à travers l’utilisation par exemple de Balanced Business Scorecard (BBS). 3/ L’idée ensuite est de réunir les conditions de motivation auprès de l’ensemble du personnel sous forme de rétribution monétaire, mais aussi de reconnaissance, au plan individuel et collectif. 4/ La bonne volonté ne suffisant pas toujours, tout un chacun dans l’entreprise doit être formé à l’utilisation d’outils et méthodes de résolution de problèmes tels que le cycle PDCA (Plan, do, check, act), les sept outils de base de brainstorming, diagramme de Pareto, diagramme d’Ishikawa, histogramme, vote, cotation des verrous, diagramme d’Euler, de même que les outils de contrôle statistique (SPC), l’AMDEC (analyse des défaillances), le SMED (changement rapide d’outil), la maîtrise des processus, six sigma… Enfin, l’enca-drement doit aussi faire preuve d’exemplarité en disant ce qu’il fait et faisant ce qu’il dit.

45 BOERI D., Maîtriser la qualité – Tout sur la certification et la qualité totale, Maxima, 2003, p.12 46 DAPERE R., La qualité totale – Méthodes et outils, CNAM Paris, 2004, p. 29

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5/ Dans le but de favoriser la créativité et la prise d’initiatives individuelles et collectives, une démarche de qualité totale doit privilégier le management participatif, les cercles de qualité, les systèmes de suggestion, les programmes d’amélioration continue de type Kaizen, Total Productive Maintenance (TPM), etc. 6/ Pour être certain que les objectifs stratégiques poursuivis sont de bons objectifs, la réponse fondamentale est la pratique de l’autoévaluation et du benchmarking afin de mesurer les performances de l’entreprise et les comparer aux meilleurs compétiteurs. L’entreprise utilise alors des modèles d’évaluation tels que l’EFQM (modèle européen), le Malcom Baldrige (USA), et autres référentiels spécifiques. Le programme d’amélioration qui s’ensuit comporte à la fois des améliorations progressives (Kaizen, Cost Deployment) et des ruptures radicales (reengineering des processus47

, selon Hammer et Champy) pour faire des sauts de productivité et tendre ainsi vers l’excellence.

7/ Enfin, le processus est bouclé par un système de revue de direction en cascade afin de s’assurer que les engagements et objectifs sont tenus et décider d’actions correctives. Les revues sont collectives, mais aussi individuelles, à travers l’organisation d’un entretien annuel entre chaque collaborateur et son supérieur hiérarchique. Cette analyse recoupe celle de Cattan (2001) à savoir : « L’engagement de la direction doit s’exercer dans deux directions. D’une part sur le moyen terme à travers la définition de la stratégie et des objectifs majeurs de l’entreprise, et d’autre part sur le court terme [pour] l’amélioration des performances ».48

A ce stade, la qualité n’est plus uniquement un but à atteindre ; elle est devenue un mode de management qui se décline selon huit principes énoncés par la norme ISO 9001 version 2000 pour faciliter la réalisation des objectifs qualité, à savoir :

- orientation client ; - leadership ; - implication du personnel ; - approche processus ; - management par approche système (systémique) ; - amélioration continue ; - approche factuelle pour prise de décision ; - relations mutuellement bénéfiques avec les fournisseurs.

Selon Boéri (2003), les principaux changements intervenus dans la version 2000 rapprochent définitivement le Système de Management de la Qualité (SMQ) des principes de qualité totale49

. En effet, les nouvelles dispositions concernent :

- l’orientation client, ce qui conduit à l’analyse des besoins et des attentes du client à l’aide notamment de la fonction marketing qui rentre dès lors dans le champ du SMQ ;

- l’approche processus conduisant l’entreprise à un reengineering des chaînes de valeur ;

- les ressources humaines qui sont désormais mises en avant et introduites dans le périmètre de la certification ;

- enfin – et c’est sans doute le lien le plus évident avec la qualité totale – l’amélioration continue qui devient une exigence de la norme.

47 HAMMER M., CHAMPY J., Reengineering the corporation, Perfect Bound, 2003 48 CATTAN M., L’engagement de la direction, AFNOR, 2001 49 BOERI D., Maîtriser la qualité – Tout sur la certification et la qualité totale, Maxima, 2003, p.131

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Les Prix Qualité C’est sur le référentiel normatif ISO 9000 que sont basés les audits qualité et la certification des entreprises. La norme définit les exigences à satisfaire obligatoirement, l’audit venant mesurer l’écart existant entre la réalité et ce qu’exige la norme. En complément du référentiel normatif de l’ISO, il existe un autre type de référentiel, cette fois-ci sous la forme d’un modèle d’évaluation non obligatoire. En Europe, le modèle connu porte le nom de Prix européen de la Qualité. Il a été lancé en 1991 par l’European Foundation for Quality Management (EFQM), l’European Organization for Quality (EOQ) et la Commission Européenne, faisant ainsi de la qualité une démarche essentielle pour renforcer la position des entreprises européennes sur le marché mondial. Auparavant, les Etats-Unis avaient inauguré en 1987 le Prix National Malcolm Baldrige de la Qualité. Ces prix s’inspirent du Prix Deming, lancé au Japon dès 1951, pour récompenser les entreprises ayant obtenu des résultats spectaculaires en qualité totale. Les modèles de prix, qu’ils soient japonais, américain ou européen ont pour objet de :

- évaluer le niveau de l’entreprise par rapport au modèle reconnu comme l’excellence ; - utiliser la grille du modèle pour s’améliorer et se fixer des objectifs intermédiaires ; - mobiliser les collaborateurs sur ces objectifs et leur faire partager les résultats50

.

La mission de l’EFQM, représenté en France par l’union AFAQ-AFNOR depuis 2004, est d’être « la force d’entraînement des entreprises européennes sur la voie d’une excellence durable »51. Proposant une définition de l’excellence, les représentants de l’EFQM en France indiquent « qu’il s’agit de chercher, non seulement à être bon [par rapport à une norme par exemple], mais en plus à être meilleur que la concurrence »52

.

Pour la recherche de l’excellence, l’EFQM a établi un référentiel – dit le modèle EFQM ou Modèle Européen de Management – décliné en neuf critères clés de succès (cf. figure 7). La grille d’analyse correspondante comporte 32 sous-critères. Elle permet d’apprécier la qualité des résultats obtenus sur tous les fronts de l’entreprise (finances, clients, personnel, produits et processus), ainsi que d’évaluer son niveau de maturité dans la mise en œuvre de bonnes pratiques de management. Il est intéressant de noter ici la convergence des critères de performance de qualité avec ceux du tableau de bord stratégique (BBS) vus précédemment. Ici, aucune rupture avec les principes de management retenus par la norme ISO 9001 n’est à craindre. L’ISO confirme d’ailleurs l’existence d’une « passerelle » entre les huit principes qualité qu’elle met en avant et les pratiques de Management Total de la Qualité (TQM) qui sont à la base du Prix européen de la Qualité53

. Les critères du référentiel EFQM sont donc alignés sur ceux de l’ISO, tel que le montre la liste suivante par sa teneur.

Celle-ci est divisée en deux parties égales : les facteurs qui permettent de qualifier la façon dont l’entreprise est gérée et optimise ses ressources, et les données quantifiées – les résultats – qui résultent des activités de l’entreprise54

:

50 BOERI D., Maîtriser la qualité – Tout sur la certification et la qualité totale, Maxima, 2003, p.177 51 IRIBARNE P., VERDOUX S., Prix, modèle et démarches EFQM, AFNOR, 2005, p. 2 52 BIANCHI P., délégué général EFQM France, Union AFAQ-AFNOR 53 AFNOR, Qualité et système de management ISO 2000, 2001, p. 457 54 IRIBARNE P., VERDOUX S., Prix, modèle et démarches EFQM, AFNOR, 2005, p. 7-9

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Les facteurs (50 %) sont regroupés en cinq blocs et concernent :

- le leadership (10 %) regroupant les pratiques de référence sur l’art de diriger une organisation ;

- la politique et la stratégie (8 %) définissant les meilleures approches possibles pour définir et déployer une politique et une stratégie dans l’entreprise ;

- la gestion du personnel (9 %) traitant des pratiques pour planifier les ressources humaines, développer les compétences et les savoir-faire, impliquer et responsa-biliser les individus, entretenir le dialogue, et reconnaître et récompenser les efforts accomplis ;

- les partenariats et les ressources (9 %) englobant les pratiques de partenariat, les ressources financières, les actifs, les systèmes d’information ;

- les processus (14 %), partie consacrée à la description des processus pour concevoir les produits et les services à l’écoute du marché, pour maîtriser et faire progresser les processus de réalisation ainsi que les processus de soutien.

Dans le bloc des partenariats et ressources et celui des processus, on trouve en l’occurrence les sous-critères relatifs au management de la relation client et à la maîtrise de la chaîne logistique et des systèmes d’information. Les résultats (50 %) sont orientés vers les mesures de perception et les indicateurs de performance relatifs aux parties prenantes (personnel, clients, collectivité, actionnaires) :

- satisfaction des collaborateurs (9 %) : ce que le personnel pense et les performances vis-à-vis du personnel ;

- satisfaction des clients (20 %) : ce que les clients pensent et les performances vis-à-vis des clients ;

- intégration à la vie de la collectivité (6 %) : ce que la société pense et les performances vis-à-vis de la société ;

- résultats opérationnels (15 %) : englobe les résultats clés visés par la politique et la stratégie (ce que l’organisation veut faire et les performances financières et non financières).

Le poids relatif de chaque critère est pondéré en fonction de sa contribution à la performance globale. On constate par exemple que le modèle privilégie les performances vis-à-vis des clients (20 %) et la maîtrise des processus (14 %). Mais il ne délaisse pas pour autant les autres critères afin que le pilotage de l’entreprise soit équilibré entre les différentes parties prenantes, les objectifs long terme et court terme, et les mesures de perception et de performance. Comme dans la norme ISO 9001, la place accordée au management par les processus est prépondérante du fait que c’est le critère « interface » par excellence. Comme le souligne Boéri (2003), c’est à travers l’optimisation des processus que se joue la productivité et l’amélioration des délais, ainsi que le dépassement des clivages fonctionnels. L’autoévaluation est un examen complet, systématique et régulier des activités et des performances d’une entreprise par rapport au référentiel. Le système de notation sur une échelle de 0 à 1000 lui permet d’identifier clairement ses points forts ainsi que les domaines à améliorer, et de comparer les performances obtenues d’un site à l’autre, d’une filiale à l’autre, ainsi qu’avec la concurrence. Il débouche sur des actions d’amélioration planifiées dont l’état d’avancement sera contrôlé.

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Comparant le référentiel EFQM avec la norme ISO 9001, Iribarne et Verdoux (2005) indiquent que les deux systèmes partagent une vision commune de l’écoute des clients, du développement des compétences, du management par les processus et de l’amélioration continue, ce qui les relie au concept de qualité totale. Les « plus » de l’EFQM par rapport à l’ISO 9001 concernent la satisfaction des parties prenantes autres que les clients (personnel, actionnaires, partenaires, collectivité), le leadership des dirigeants, la veille concurrentielle, le management des ressources financières, et l’analyse de tous les résultats autres que la qualité. Enfin, le contexte normatif de l’ISO vise la mise en place de bonnes pratiques pour des questions de confiance, alors que l’EFQM a pour objet la recherche de l’excellence avec une ouverture de plus en plus marquée vers la comparaison interne et externe (benchmarking).

Le modèle EFQM (Facteurs et Résultats)

Source : Iribarne et Verdoux, 2005 Dans tout ce qui précède, nous n’avons pas abordé le sujet des coûts d’obtention de la qualité alors qu’ils peuvent sembler antinomiques avec les notions de recherche de l’excellence. Or selon Cattan et al. (2003), on voit apparaître et on démontre aujourd’hui le fait qu’il n’y a pas d’opposition entre qualité, productivité et satisfaction du client. « Bien au contraire, la qualité totale, en ayant introduit les notions de processus et de relation client-fournisseur interne, a très nettement mis en évidence qu’il existe une certaine complémentarité entre ces différents concepts ». Pour résumer, « faire bien du premier coup ne peut avoir que des conséquences positives sur la productivité »55

55 CATTAN M., IDRISSI N., KNOCKAERT P., Maîtriser les processus de l’entreprise, Editions d’Organisation, 2003, p. 14

.

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Conclusion Le concept de qualité a beaucoup évolué au cours des trente dernières années. Visant initialement l’élimination de la non-qualité, il s’est orienté vers l’assurance qualité pour garantir au client la conformité aux exigences, avant de glisser depuis 2000, vers le management par la qualité. On parle désormais de Système de Management de la Qualité (SMQ) qui s’intègre dans les décisions de management et se donne les moyens d’aller vers la qualité totale, vers l’excellence, à l’aide de nombreux outils et autres référentiels d’évaluation. La qualité totale a un caractère systémique. Elle s’intéresse à la vision du monde, du business et d’eux-mêmes qu’ont les acteurs de l’entreprise, puis à l’organisation, aux hommes, enfin aux outils et aux techniques (Dapère, 2004). Elle a pour objectifs la satisfaction totale des clients, le management équilibré de l’entreprise, la recherche permanente du zéro défaut guidée par la quête de l’excellence, et comme caractéristiques :

- l’implication de toutes les fonctions de l’entreprise et de la totalité du personnel ; - l’orientation de tous les moyens disponibles vers la prévention des défaillances ; - la gestion des interfaces client-fournisseur en interne comme en externe ; - la prise en compte de tous les besoins des clients (qualité des produits, délais, prix).

Ce chapitre sur la qualité totale permet de mieux comprendre comment la qualité s’est introduite dans les rouages de l’entreprise sous la pression des enjeux économiques au cours des 60 dernières années. La qualité et la logistique sont deux fonctions qui ont en commun l’orientation client, une vision transversale de l’entreprise et des objectifs de satisfaction client, réduction des coûts et diminution des délais. A l’évidence, autant de caractéristiques communes sont sources de confusion et d’ambiguïté. En clarifiant la démarche et les outils de la qualité, on a pu constater que l’expression « qualité totale » désigne clairement un système de management, allant au-delà du système d’assurance qualité des produits. Sa vocation est d’améliorer l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise dont… le processus logistique et ses interfaces avec les autres fonctions de l’entreprise. Pour résumer, la logistique, au même titre que les autres fonctions qui l’entourent, est une fonction qui s’intègre dans le Système Qualité de l’entreprise. Nous n’avons désormais plus besoin de l’opposer à la qualité, mais de découvrir ce qui fait sa spécificité dans la chaîne de valeur.

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7.6 L’approche Processus Face à l’instabilité plus forte que jamais des marchés et à l’appétit des pays émergents, l’entreprise n’a plus le choix : s’adapter ou décliner. Pour maintenir ou augmenter sa compétitivité, elle se concentre sur son cœur de métier, externalise des activités non critiques, délocalise une partie de sa production, absorbe un concurrent, change de fournisseur, etc. Finalement, chacun de ces événements a un impact direct sur ses processus qui doivent évoluer et s’adapter très vite aux nouvelles situations. Depuis 15 ans, la prise de conscience de l’importance des processus s’est progressivement faite sous la poussée des projets de conduite du changement et de gestion de la qualité. D’ailleurs depuis décembre 2000, la publication des nouvelles normes ISO 9000 a amplifié le phénomène en incitant les entreprises à adopter une « approche processus » dans leur démarche qualité. Que celles-ci adoptent la voie d’un changement radical (reengineering) ou le chemin progressif de l’amélioration continue (Kaizen, six sigma, TQM), elles se focalisent invariablement sur les processus pour l’amélioration de leurs performances. La technique consiste à les reconfigurer, à les aligner avec les objectifs stratégiques de l’entreprise, à mesurer leurs performances, à les parfaire continuellement. De la même manière, l’Activity-Based Costing (méthode d’analyse des coûts de revient) se fonde aussi sur les processus pour mesurer le coût réel des activités. Autrement dit, ces méthodes font de la maîtrise des processus un élément clé de la productivité et de la compétitivité de l’entreprise. Définitions Les approches qui traitent de chaînes de valeur expliquent de manière pertinente l’importance des processus dans l’entreprise (Porter, 1986 ; Lemaitre, 1989 ; IRR, 1994 ; Hammer et Champy, 1993). Hammer et Champy soulignent « qu’un processus opérationnel est une suite d’activités qui, à partir d’une ou plusieurs entrées (input), produit un résultat (output) représentant une valeur pour un client »56

.

Le mot « processus » vient étymologiquement du latin pro-cedere qui veut dire « avancer, marcher, aller vers, pour, en vue de, à cause de ». Il s’agit donc d’un mouvement dont on connaît l’objet, l’objectif, le pourquoi. Selon Debauche et Mégard (2004), le terme processus véhicule « l’idée d’une évolution, d’une progression, d’une transformation, d’un flux, d’un enchaînement d’étapes ou d’opérations de traitement de matériel (solide, liquide, gaz) ou d’immatériel (information, argent) »57

.

Pour l’ISO, un processus « désigne un ensemble d’activités corrélées ou interactives qui transforme des éléments d’entrée en éléments de sortie ». En d’autres termes, un processus constitue l’ensemble des moyens et des activités mis en œuvre par l’entreprise depuis l’expression d’un besoin client jusqu’à la satisfaction de ce besoin. Le client est l’origine (la cause) et le destinataire (la finalité) du processus. La norme impose aux entreprises de mesurer l’atteinte de leur finalité en disposant d’indicateurs de performance des processus. Lorino (2003) définit le processus « comme un ensemble d’activités reliées entre elles par des flux d’information ou de matière significatifs, et qui se combinent pour fournir un produit matériel ou immatériel important et bien défini »58

.

56 HAMMER M., CHAMPY J., Le reengineering, Dunod, 1993 57 DEBAUCHE B., MEGARD P., BPM, Business Process Management, Lavoisier, 2004, p. 15 58 LORINO P., Méthodes et pratiques de la performance, Editions d’Organisation, 2003, p. 26

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Et Mongillon et Verdoux (2003) d’ajouter : « La stratégie, les processus et les résultats constituent les piliers de la performance »59

.

Volontairement extraites de différents contextes liés à la stratégie d’entreprise, à la qualité, à la performance et à l’ingénierie des processus, ces définitions se révèlent très proches les unes des autres, montrant ainsi une forme de consensus à l’unisson. Il se dégage que la vocation fondamentale des processus, leur raison d’être, est de créer de la valeur. De plus, on considère qu’ils sont orientés vers la satisfaction client. Ils sont transversaux et servent de relais entre la stratégie et les résultats opérationnels. Enfin, ils s’inscrivent dans une démarche d’amélioration continue et ont pour finalité de créer de la valeur pour les clients, les actionnaires, le personnel, la collectivité et les partenaires de l’entreprise. Rappel historique Historiquement, la maîtrise des processus s’est d’abord portée sur les processus industriels en faisant appel aux méthodes statistiques dont est issu le principe de carte de contrôle (ou graphique de contrôle) défini par le docteur Shewhart dans les années 1930 aux Etats-Unis. Shewhart est le créateur du SPC (Statistical Process Control), concept fondamental à la base de la maîtrise statistique des processus. Comme le rappelle Dapère (2004), le SPC est un puissant outil d’aide à la décision tout en étant simple à utiliser. A partir du calcul de la moyenne et de la dispersion d’une suite chronologique de données « produites » par un processus, la variabilité de ce dernier est obtenue à partir de l’analyse des données sur une carte de contrôle (cf. figure 1). En effet, les cartes de contrôle permettent d’identifier :

- les processus stables (sous contrôle) pour lesquels les variations constatées sont dues à des causes communes ou aléatoires ;

- les processus non stables (hors contrôle) où des causes assignables ou causes spéciales se combinent aux aléas de prélèvement.

En cas d’instabilité, les causes spéciales – sources des dérives constatées – sont identifiées, expliquées et suivies d’actions correctives pour les éliminer.

Figure 1 : Exemple de carte de contrôle

Source : Dapère, CNAM Paris, 2004

59 MONGILLON P. et VERDOUX S., L’entreprise orientée processus, Afnor, 2003, p. 4

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Deming, l’un des disciples les plus célèbres de Shewhart, a diffusé ses idées au Japon d’abord, puis beaucoup plus tard aux USA. « C’est au Japon que le SPC a été utilisé à grande échelle et pas seulement dans le cadre du contrôle des produits, mais également (et peut-être surtout) pour le management des entreprises »60

. Après un détour par les USA, le SPC est arrivé en France dans les années 1980.

Selon Souvay (2002), « les graphiques de contrôle sont sans aucun doute l’un des meilleurs outils disponibles pour améliorer les processus et permettre la connaissance des phénomènes et des systèmes ». Deming n’hésitait pas à affirmer qu’ils sont à la base de la « théorie de la connaissance »61

.

Les travaux sur la maîtrise statistique des processus sont d’ailleurs à la base de l’amélioration continue représentée par le cycle de Shewhart (PDCA ou roue de Deming), enseigné par Deming dès les années 1950 aux patrons japonais. Ce n’est donc pas un hasard de constater aujourd’hui que les normes ISO 9001, centrées sur le management, font référence au cycle PDCA en incitant l’utilisation de l’approche processus et de la démarche d’amélioration continue. Typologies des processus Bien qu’il existe de nombreux processus, les processus clés sont de l’ordre d’une dizaine pour une grande entreprise. On identifie par exemple les processus de gestion des commandes, de gestion du personnel, de gestion d’un compte bancaire, de lancement d’un nouveau produit, de soutien logistique, etc. Selon leur rôle, leur niveau de différenciation, leur localisation dans l’entreprise (interne ou externe) ou leur mode de fonctionnement, Debauche et Mégard (2004) les regroupent en différentes catégories62

. Mais les quatre familles les plus fréquemment rencontrées sont :

- les processus stratégiques fixant la finalité et les objectifs de l’organisation en tenant compte de l’évolution de l’environnement extérieur et des besoins de ressources en interne. Ils englobent les processus de management qui servent au pilotage de l’entreprise ;

- les processus opérationnels représentant la chaîne de valeur de l’entreprise. Complexe, celle-ci est constituée d’une collection de processus et de sous-processus spécifiques, personnalisés et différenciateurs dont l’intégration permet d’améliorer la qualité et les performances de l’entreprise ;

- les processus de support intervenant en soutien de l’activité pour la réalisation des processus opérationnels. Ils englobent généralement les achats, la gestion du système d’information, la gestion des infrastructures, la communication, etc. ;

- … auxquels il ne faut pas oublier d’associer les processus de mesure comme le rappelle la norme ISO.

Selon l’endroit où ils se trouvent – aux frontières de l’entreprise en prise directe avec les clients et les fournisseurs ou à l’intérieur de l’entreprise – Debauche et Mégard (2004) proposent de les classer en processus de front-office ou de back-office. Dans ce cas, la

60 SOUVAY P., Savoir utiliser la statistique – Outil d’aide à la décision et à l’amélioration de la qualité, AFNOR, 2002, p.254 61 SOUVAY P., Savoir utiliser la statistique – Outil d’aide à la décision et à l’amélioration de la qualité, AFNOR, 2002, p.251 62 DEBAUCHE B., MEGARD P., BPM, Business Process Management, Lavoisier, 2004, p. 17-23

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différence majeure vient du fait que les premiers sont soumis aux fluctuations de l’extérieur et doivent ainsi offrir de grandes capacités d’adaptation, alors que les seconds sont en général complètement caractérisés et sans effet de surprise. On peut faire aussi la distinction entre processus organisationnels et processus informatiques selon que l’homme est l’acteur principal ou non des processus considérés. Les premiers sont orientés « décision » et peuvent parfois être complètement déconnectés du système informatique. Les seconds peuvent être qualifiés d’automatiques étant donné qu’ils sont pris en charge par les logiciels de traitement informatique. On peut également parler de processus privés ou publics selon qu’ils sont internes à l’entreprise ou partagés avec des partenaires commerciaux. Les places de marché électroniques ou les plates-formes de collaboration représentent des exemples de processus publics pouvant être modifiés ou adaptés sans changer les processus privés de l’entreprise, et inversement. Revenant à la classification principale des processus selon leur niveau stratégique, opérationnel et de support, la figure 2 illustre ci-après un exemple de cartographie des processus de l’entreprise classiquement rencontré dans tout manuel de qualité.

Figure 2 : Exemple de cartographie des processus

Source : Adapté de Mongillon et Verdoux, 2003 Pourquoi les processus dysfonctionnent-ils ? La principale cause de dysfonctionnement tient à l’organisation des entreprises par grandes fonctions laissant apparaître des « silos » tournant sur eux-mêmes et refusant de prendre en compte la problématique du voisin (Mongillon et Verdoux, 2003). Il s’ensuit que le client est

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perdu de vue et que la satisfaction de ses exigences passe au second plan63. Pour Génelot (2001), les processus gardent en principe leur cohérence dès lors qu’ils ne sortent pas de leur fonction, mais dès lors qu’ils sont transversaux et concernent plusieurs activités résidant dans différentes divisions, des incohérences et des ruptures de logique se manifestent aux interfaces. « Le problème vient de la difficulté, pour les personnes qui réalisent les activités constitutives du processus, à comprendre clairement à quel processus leur activité contribue et à se construire une représentation pertinente du sens de leur action dans le système d’action global »64

.

Un autre problème évoqué par Debauche et Mégard (2004) vient de la prolifération d’applications logicielles hétérogènes incapables de partager leurs informations dans l’entreprise. Bien que les progiciels de gestion intégrés (PGI ou ERP, Enterprise Resource Planning) tentent de réunir les fonctions étude, fabrication, logistique, comptabilité, ressources humaines, etc. dans un système d’information intégré, il subsiste un nombre important d’applications rajoutées au système, voire rapportées lors d’acquisition ou fusion d’entreprises, qui génèrent des obstacles à la communication. Pourquoi mettre en œuvre une approche processus ? Décloisonner l’entreprise pour la rendre plus rapide, plus agile et plus compétitive, analyser et améliorer son fonctionnement pour concentrer les efforts et les ressources sur les activités clés constituent aujourd’hui un véritable challenge pour les entreprises. Mongillon et Verdoux (2003) soulignent que « consacrer du temps à l’amélioration des processus, c’est agir sur le profit, les parts de marché et la satisfaction clients ». Bouclant sur les objectifs de la qualité totale, ils ajoutent que l’amélioration des processus influe sur deux variables :

- la qualité des produits et services ; - et la réduction des coûts et des gaspillages ;

… dont l’impact a un effet positif sur la compétitivité (prix moins chers), les parts de marché et les profits (cf. figure 3). Par la mise en œuvre d’une approche processus, l’entreprise parvient à améliorer son fonctionnement et à raccourcir ses délais tout en économisant l’énergie créatrice qui n’est plus gaspillée. Ceci signifie :

- traquer la valeur ajoutée en chaînant les processus ; - gérer et optimiser les interfaces ; - clarifier les rôles et les responsabilités ; - choisir les processus prioritaires à améliorer ; - faciliter le benchmarking pour la recherche de l’excellence.

Boéri (2003) utilise l’image du « collier de perles » pour représenter l’efficacité d’un processus dont on a regroupé et mis en ligne les activités de création de valeur en fonction des attentes du client65

(cf. figure 4). Cette image est évocatrice des troubles et des gaspillages qui affectent les activités dès lors qu’elles sont livrées à elles-mêmes.

63 MONGILLON P. et VERDOUX S., L’entreprise orientée processus, Afnor, 2003, p. 9-12 64 GENELOT D., Manager dans la complexité, INSEP Consulting Editions, 2001, p. 245 65 BOERI D., Maîtriser la qualité – Tout sur la certification et la qualité totale, Maxima, 2003, p.163

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Meilleure qualitˇ

des produits / services

Plus de clients satisfaits

Plus grande Part de marchˇ

PLUS DE PROFITS

Prix moins chers

Moins de co˛ ts

Meilleure productivitˇ

Moins de gaspillage

Meilleurs processus

Figure 3 : Impact des processus (Mongillon et Verdoux, 2003)

Figure 4 : Image du collier de perles (Boéri, 2003)

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Comment mener une approche processus ? L’apport de la systémique consiste à considérer un processus comme un système et à le traiter comme tel. Appréhender les phénomènes dans leur intégralité, expliciter les finalités, définir les objectifs, sélectionner les processus clés, identifier les personnes et les équipes concernées, représenter les activités, définir les entrées et les sorties, préciser les interactions, établir les liens, les régulations et le pilotage du processus, nommer un pilote par processus, prévoir la maintenance et l’adaptation au fil du temps… représente les grandes étapes de la conduite d’une approche processus. Pour leur part, Mongillon et Verdoux proposent une démarche en six étapes66

consistant à :

- cartographier les processus pour une vue d’ensemble et la distinction des processus opérationnels, de support et de management ;

- sélectionner les processus clés contribuant majoritairement à l’atteinte des objectifs stratégiques de l’entreprise ;

- déployer les objectifs sur les processus clés selon différentes méthodes de déclinaison en cascade ;

- manager les processus si leur potentiel d’amélioration est faible ou les reconfigurer à l’aide des outils de management de la qualité et de résolution de problèmes si le potentiel est fort ;

- mettre en œuvre l’approche processus selon le cycle PDCA et les faire vivre tels qu’ils ont été décrits ;

- communiquer sur les résultats avec comme enjeu la motivation et la reconnais-sance du personnel, la compréhension des objectifs stratégiques, le partage des tableaux de bord de résultats et la gestion des connaissances.

Cartographier les processus L’entreprise est une chaîne de clients-fournisseurs internes fournissant des prestations tout au long de la chaîne de production de biens et services. Selon le niveau de détail et l’objectif recherché, la description des processus utilise différentes représentations allant d’une simple vue macroscopique à des cartographies plus détaillées. Une cartographie a pour objectif de représenter un processus sur une page et d’offrir une vision globale qui permette de comprendre comment il contribue à l’atteinte des objectifs stratégiques de l’entreprise. Elle montre comment l’entreprise fonctionne à travers les interrelations et les interfaces (contributions) entre les fonctions, les sous-processus, les procédures, et la connaissance des données d’entrée et de sortie. La cartographie des processus résulte d’un travail d’équipe qui comprend la direction de la qualité, mais aussi et surtout l’équipe de direction et les acteurs des processus. Selon la taille, la complexité et le nombre de processus clés à cartographier, l’exercice requiert entre 2 et 5 jours de travail. Réalisé sous la responsabilité du propriétaire et/ou du pilote du processus, le résultat obtenu n’est du reste pas figé à l’issue de la phase d’initialisation. Il suit en effet un processus de réévaluation périodique propre à toute démarche d’amélioration continue. 66 MONGILLON P. et VERDOUX S., L’entreprise orientée processus, Afnor, 2003, p. 22

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Bien qu’un processus puisse être représenté à différents niveaux organisationnels et sous différentes formes, toutes les cartographies doivent utiliser un langage simple et opéra-tionnel. La méthode d’analyse et de conception Ossad (Office support system analysis and design), élaborée après six années de recherche dans le cadre du projet européen Esprit, est reconnue comme la plus évoluée, surpassant les méthodes Merise, Sadt, Axial, Sass ou Consoi pour sa capacité à prendre en compte non seulement les aspects techniques d’une organisation, mais aussi les aspects organisationnels et humains67

.

Les quatre types de formes utilisés dans les logigrammes ou qualigrammes pour la cartographie des processus concernent les actions, les entités (acteur, rôle, service), les outils (document, matériel) et les informations comme l’illustre la figure 5 ci-dessous.

Figure 5 : Quatre types de formes à la base du langage graphique des processus

Source : Berger et Guillard, 2000 Pour la cartographie réussie d’un processus, un certain nombre de facteurs sont à prendre en compte. Ils recouvrent généralement l’identification du processus, sa finalité, son périmètre, sa structure et ses interfaces clients-fournisseurs, ses activités, ses entrées et sorties, les responsabilités, les supports méthodologiques (fiche, formulaire, guide, méthode, procédure, mode opératoire) et les indicateurs de pilotage (Mongillon et Verdoux, 2003 ; Cattan et al., 2003 ; Boéri, 2003 ; Debauche et Mégard, 2004 ; Dapère, 2004). Le rôle du pilote est fondamental pour la maîtrise de bout en bout du processus. Il est responsable de l’efficacité globale du processus et de son amélioration permanente. Ainsi est-il amené à identifier, montrer et arbitrer les sources de conflits inévitables rencontrées aux interfaces entre l’organisation transverse (orientée client) et l’organisation fonctionnelle (orientée métiers/compétences)68

.

Pour illustration, nous avons choisi de représenter ci-après (cf. figure 6) le modèle de Dapère (2004) pour ses qualités synthétiques et dynamiques. 67 BERGER C., GUILLARD S., La rédaction graphique des procédures, AFNOR, 2000, p. 31-34 68 MONGILLON P. et VERDOUX S., L’entreprise orientée processus, Afnor, 2003, p. 96-97

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Figure 6 : Exemple de cartographie macroscopique d’un processus

Source : Dapère, 2004

Modéliser et informatiser les processus La modélisation des processus fait référence aux techniques de gestion des processus métier autrement connues sous le vocable BPM (Business Process Management) apparu dans le début des années 2000. Le BPM prend ses racines dans le business process reengineering, la qualité totale, la méthode Ossad, les progiciels de gestion intégrés, le workflow (informatisation des activités manuelles de processus organisationnels), et l’intégration des applications et des données d’entreprise. Il prend également sa source dans les expériences de maîtrise des processus, que ce soit dans la façon de les modéliser, de les mettre en œuvre selon le cycle PDCA ou d’en mesurer la performance69

.

Par provocation, Debauche et Mégard (2004), auteurs et consultants reconnus dans le domaine du BPM, définissent le BPM comme le processus du processus ou le processus de gestion des processus d’entreprise permettant de les « industrialiser ». Le BPM traite des processus dans leurs dimensions spatiales et temporelles, autrement dit sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’entreprise étendue, sur la totalité du cycle de vie des processus. Pour la « modélisation » des processus, le BPM propose une notation standard appelée BPMN (Business Process Management Notation) permettant à partir de symboles de base, simples et en nombre limité, de dessiner le diagramme d’un processus métier. Cette notation, issue de la méthode de référence Ossad, a pour objectif de cartographier des processus transversaux à l’aide d’un langage simple et cohérent pouvant être compris à la fois par la maîtrise d’ouvrage et les informaticiens pour l’informatisation des processus. Debauche et Mégard indiquent que tous les processus peuvent être informatisés dans le but d’en accroître la productivité, l’agilité et la compétitivité, à l’exception des processus stratégiques qui sont rarement concernés. 69 DEBAUCHE B., MEGARD P., BPM, Business Process Management, Lavoisier, 2004, p. 35

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Il s’agit de connecter entre eux des objets de flux (activités, événements, portes) à l’aide d’objets de relation (flux séquence, message, association). Les activités représentent des actions à réaliser et peuvent être simples (tâches) ou complexes (sous-processus) ; les événements représentent ce qui peut arriver dans le cours d’exécution d’une instance et influencer son déroulement (début et fin, arrivée d’un message, échéance d’un timer, exception, compensation…) ; les portes sont des points de synchronisation et/ou de décision (exclusive, non exclusive) dans le processus où les flux convergent ou divergent en une ou plusieurs branches. A partir d’un nombre limité d’éléments de base, il existe un pouvoir d’expression infini des multiples processus qui traversent l’entreprise, comme le montre l’exemple de la figure 7. Le besoin d’agilité et de transparence des processus est vital pour les entreprises. C’est au niveau des processus les plus instables, changeants et soumis aux aléas extérieurs que le BPM s’applique d’abord, expliquent les spécialistes du BPM. En effet, il permet à l’entreprise d’en améliorer la maîtrise par la modélisation, l’informatisation et la supervision et de faire face aux changements grâce à la simulation d’événements potentiels. En ce sens, Debauche et Mégard annoncent que le BPM prépare l’entreprise au reengineering permanent en rendant les processus explicites, plus souples et modifiables à moindre coût. Nous pouvons être certain que cette vision des processus a beaucoup d’avenir compte tenu des apports des technologies de l’information et de la communication, notamment des web services, pour l’expression de leur potentiel, tant au niveau de la maîtrise des processus qu’au niveau de la capitalisation de la connaissance et des savoir-faire dans l’entreprise.

Figure 7 : Exemple de cartographie détaillée des processus

Source : Debauche et Mégard, 2004

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Maîtriser les processus A quoi reconnaît-on qu’une organisation maîtrise son métier ? A sa capacité à décrire ses processus clés, à les manager et à les adapter en fonction des évolutions de la stratégie et du marché. Cette réflexion est celle de Grégoire (2004) qui affirme « qu’une entreprise qui ne connaît pas ses processus, voire en ignore le concept, n’a aucune chance d’être perfor-mante dans le contexte concurrentiel actuel »70

.

Lorsqu’une entreprise a identifié et modélisé ses processus, elle doit encore « définir des critères permettant de suivre et de mesurer le dynamisme du processus et l’amélioration continue des résultats qui en découlent » (extrait de la fiche descriptive AFNOR FD X 50-176 : Management des processus). Présentant une approche originale, Berger et Guillard (2000) distinguent deux types d’indicateurs71

:

- l’indicateur de performance reflétant les résultats des processus ; - l’indicateur d’interface, lié aux relations entre les actions et les différents acteurs qui

les réalisent. Alors que l’indicateur de performance doit être mesurable, simple, précis, fidèle et consolidable, l’indicateur d’interface traduit l’idée de contrat où sont précisés :

- la nature de la fourniture ; - les critères d’acceptation ; - les délais de mises à disposition ; - la forme ou le support relatif à la transmission.

Cet indicateur s’applique d’abord à l’évaluation des relations clients-fournisseurs internes, bien que rien ne contre-indique son utilisation aux interfaces externes de l’entreprise. Les indicateurs constituent un élément essentiel de la maîtrise des processus à condition qu’ils aient été élaborés pour et avec les opérateurs en aval avec la hiérarchie, qu’ils répondent à des critères de mesure objectifs, et que leur analyse soit suivie d’actions correctives et fasse l’objet de décisions cohérentes en fonction des objectifs stratégiques. Pour leur pertinence, il faut distinguer ceux qui mesurent la qualité perçue par le client de ceux qui mesurent l’efficacité des processus. Enfin, il est recommandé de nommer un responsable par indicateur afin de garantir la pérennité du processus de mesure. La mesure de l’efficacité (l’atteinte des objectifs) et de l’efficience (l’obtention des résultats au moindre coût) des processus peut utiliser différents modèles de maturité dont l’un des plus connus est le programme SPICE, lancé en 1993 par l’ISO avec la participation de seize pays72

. Ce programme fixe six niveaux de maturité allant du niveau 0 – où les activités sont réalisées intuitivement sans contrôle – jusqu’au niveau 5 où les processus sont succes-sivement décrits, modélisés, contrôlés, maîtrisés et optimisés.

Les critères d’évaluation des processus sont au nombre d’une dizaine et permettent d’apprécier les éléments suivants : formalisation du processus, indicateurs et tableau de bord, actions d’amélioration, système d’information et communication, gestion des interfaces, veille et benchmark, capitalisation du savoir-faire, maîtrise des risques, et gestion des

70 GREGOIRE L., Supports de cours : Approfondissement de la logistique systémique, CNAM Paris, 2004 71 BERGER C., GUILLARD S., La rédaction graphique des procédures, AFNOR, 2000, p. 61-67 72 CATTAN M. & al., Maîtriser les processus de l’entreprise, Éditions d’Organisation, 2003, p. 173-201

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compétences. Noté sur une échelle de maturité de 0 à 5 (aléatoire, décrit, formalisé, maîtrisé, optimisé, excellent), chaque critère révèle sa part de contribution à la maîtrise du processus. Le bilan d’ensemble traduit le niveau de maîtrise du processus analysé et son potentiel d’amélioration au vu des critères insuffisamment dominés. Fermant la boucle du cycle PDCA, l’étape de revue de processus est essentielle à la maîtrise du processus, car elle permet de vérifier la bonne coordination des différents intervenants lors de son exécution et la conformité des résultats par rapport aux objectifs fixés. C’est à l’occasion de la revue que la maturité du processus est (ré)évaluée. Elle donne systématiquement lieu à l’établissement de plans d’action en vue de réduire les écarts constatés et d’améliorer les performances recherchées. Comme pour les indicateurs, les actions d’amélioration doivent distinguer les objectifs de mise en conformité du processus (qualité interne), d’augmentation de la satisfaction client (qualité perçue) et d’amélioration de la qualité (action d’innovation). Conclusion Nous nous sommes ici efforcés de mettre en évidence les caractéristiques de l’approche processus et les principales étapes qui conduisent à sa maîtrise. On aura compris que les processus font partie des piliers de la performance et que leur application au management des activités n’est pas nouvelle, mais remonte aux années 50 en terre nipponne, sous l’influence d’illustres praticiens américains. Comme le font remarquer plusieurs auteurs, c’est à travers leur optimisation que se joue la productivité et l’amélioration des délais, ainsi que le dépassement des clivages fonctionnels. L’entreprise est traversée par de nombreux processus, internes et externes, stratégiques, opérationnels et de soutien, organisationnels et informatiques, intégrant un nombre variable d’acteurs, d’activités et d’interfaces (contributions). Leur formalisation et leur pilotage requièrent le suivi de règles précises, de même que leur maturité doit être réévaluée périodiquement pour la recherche de l’excellence. Il est intéressant de noter que le développement des technologies de l’information et de la communication ouvre des perspectives nouvelles pour l’informatisation et le pilotage en temps réel de certains types de processus. Probablement trouveront-elles un terrain d’application fertile en logistique où les processus sont multiples et variés, les interfaces légion, et les besoins de maîtrise indispensables.

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7.7 Le contexte relationnel de la logistique Quelles sont les grandes fonctions de l’entreprise ? Quelles sont leurs missions ? Quelles sont les principales interfaces, en particulier celles avec la logistique ? Comment évoluent-elles ? La réponse à ces questions adresse la structure de l’entreprise et la combinaison des relations entre les fonctions. Après avoir rappelé la finalité de la chaîne de valeur et les moyens d’en maîtriser le fonctionnement grâce à la démarche qualité et à l’approche processus, nous nous focalisons maintenant sur le contexte relationnel de la logistique afin de mieux comprendre la contribution des fonctions de l’entreprise et l’influence des relations internes et externes dans le processus général de création de valeur. Ce n’est que dans un troisième temps, dans le chapitre suivant, que nous passerons en revue les fonctionnalités de la logistique. Nous basant sur le découpage de Porter qui le premier a modélisé la chaîne de valeur, nous allons d’abord nous intéresser aux fonctions opérationnelles qui concourent directement à la fabrication et à la commercialisation du produit : achats, production, logistique, vente et marketing. Puis nous continuerons par celles qui les assistent de près : qualité, informatique, recherche et développement, ressources humaines, contrôle de gestion et finance. La connaissance du « comportement » des fonctions de l’entreprise est déterminante pour la coordination intra-organisationnelle des flux (Paché et Sauvage, 2004), impliquant plus ou moins fortement les autres fonctions dans le processus logistique73

. Celle-ci ne pouvant conduire seule à l’excellence logistique, nous traiterons aussi des interconnexions de l’entreprise avec les clients et les partenaires externes pour leur rôle majeur dans la coordination globale de la chaîne d’approvisionnement.

La méthode utilisée consiste à utiliser un cadre identique pour la présentation synthétique de chacune des fonctions. En premier lieu, nous décrirons leurs principales missions et caractéristiques. Puis nous nous attarderons sur les interfaces que les fonctions partagent en général et cultivent en particulier avec la logistique. Enfin, nous évoquerons leurs grandes tendances d’évolution. Cette analyse des fonctions de l’entreprise s’appuie en partie sur le Manuel d’organisation de l’entreprise de Schmitt (2002), ancien professeur au CNAM Paris et titulaire de la Chaire d’organisation du travail et de l’entreprise, et sur les travaux de différents auteurs spécialisés dans une ou plusieurs disciplines. Bien entendu, nous sommes conscients des nombreux débats que soulèvent les fonctions au sujet de leur place, de leur pouvoir, de leurs respon-sabilités, de leur rattachement hiérarchique ou de leur mode d’organisation vertical, horizontal ou matriciel dans l’entreprise… mais nous préférons ici la clarté à la confusion en choisissant de les décrire telles qu’elles sont vécues en général dans la plupart des industries.

Pour un bref aperçu du caractère de chaque fonction74

73 PACHE G., SAUVAGE T., La logistique – Enjeux stratégiques, Vuibert, 2004, p. 25

, Schmitt décrit les Achats comme conditionnés par la recherche, presque inquisitrice, d’informations sur les produits ou services, et les fournisseurs actuels et potentiels. Dans le cas de la Production, la conscience du travail bien fait est le trait dominant. La Logistique fait penser à la continuité, à l’intégration. Le trait essentiel de la Vente est la faculté de s’adapter très rapidement à l’interlocuteur acheteur. Pour les fonctions d’assistance, la Qualité nécessite une volonté de constance, d’opiniâtreté dans la recherche permanente de l’amélioration ; la fonction Information est caractérisée par le souci d’assurer l’interface entre les fonctions et la continuité dans la fourniture des informations ; la R&D fonctionne grâce à un esprit de projet

74 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 561

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et à un tempérament de pionnier pour défricher des territoires nouveaux ; les Ressources humaines sont guidées par une attitude d’écoute, un esprit curieux et le respect de l’autre ; quant à la Finance, elle est dominée par la recherche de la confiance des partenaires et de la rentabilité de l’entreprise. Au niveau des fonctions globales qui ont le souci commun de la cohérence, la Direction générale est imprégnée de l’idée de finalité et de responsabilité. Enfin, la Communication est affaire d’enthousiasme et de conviction à faire partager. Reprenons maintenant chacune des fonctions pour une présentation synthétique de leurs missions, concepts sous-jacents, interfaces et tendances d’évolution. Fonction Achats La mission première de la fonction Achats est d’acquérir les produits, services et prestations demandés par les services internes, dans les meilleures conditions économiques de qualité et de service, tout en maîtrisant les divers risques encourus à court et moyen terme75

. Elle s’assure du niveau de service des fournisseurs et de la fiabilité des sources d’approvisionnement. L’interface avec les fournisseurs permet l’échange d’informations sur les besoins de l’entreprise et sur l’évolution du marché amont.

Caractéristiques

Les achats représentent une part importante dans le coût de revient des produits pour la plupart des entreprises. Globalement, on considère qu’au moins 50 % des coûts du compte de résultats sont constitués d’achat de produits et prestations. Du fait de la diversité des produits ou services achetés et des marchés fournisseurs, la stratégie d’achat d’une entreprise n’est pas unique, mais multiple. Elle résulte d’une démarche de « marketing à l’envers » (Baglin et al., 2005) où la segmentation du portefeuille d’achat selon une approche multicritères est fondamentale afin de faire ressortir les segments d’achats homogènes. Devant l’âpreté de la concurrence, les entreprises se recentrent sur leur métier et externalisent toutes les activités qui sortent de leur champ de compétences. Cela a pour conséquence d’élargir le périmètre de la fonction Achats qui s’orientent de plus en plus vers l’acquisition de prestations. L’achat de sous-traitance s’accompagne notamment du développement de relations de partenariat avec les fournisseurs.

Interfaces

La fonction Achats a de plus en plus un rôle de coordination d’une équipe pluridisciplinaire intervenant auprès de prescripteurs internes et divers partenaires (qualité, production, logistique, conception, marketing, vente, fournisseurs, sous-traitants, etc.) pour la recherche de composants et d’emballages conformes aux cahiers des charges, et/ou de fournisseurs maîtrisant des techniques complémentaires de celles de l’entreprise, permettant l’absorption des pointes d’activités, ou réduisant la variété des produits à fabriquer76

.

A noter une interface importante avec la logistique au niveau des approvisionnements. Comme l’indique Dornier (1991) : « Dans ce secteur amont de l’entreprise, l’une des contributions majeures de la logistique est de bien séparer les métiers d’acheteur et 75 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 188-189 76 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 189-216

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d’approvisionneur »77. Dans son livre DRP, Planification des Ressources de Distribution, Martin (1993) montre clairement la complémentarité des deux rôles au passage de relais des programmes d’approvisionnement78

. Pour leur part, Baglin et al. (2005) précisent que les Achats ont un objectif « d’attaque » des marchés fournisseurs pour assurer au mieux la satisfaction totale des besoins de l’entreprise. Ils sont sur les marchés amont la fonction symétrique du Marketing et de la Vente sur les marchés aval de l’entreprise.

Tendances

Les tendances d’évolution de cette fonction sont marquées par la recherche de nouvelles façons de travailler avec les fournisseurs, en l’occurrence l’établissement de partenariat, avec comme objectif l’amélioration de la prestation au client final conjointement à l’augmentation de la compétitivité des deux entreprises partenaires. La fonction Achats connaît également une évolution dans le cadre du commerce électronique. Lieux d’affaires virtuels entre acheteurs et fournisseurs, les places de marchés électroniques offrent la possibilité de massifier les achats et d’obtenir de meilleures conditions d’acquisition par l’utilisation de nouveaux outils dits d’appels d’offres électroniques, d’e-sourcing ou d’e-procurement (cf. définitions en annexe 1). Généralement hébergée sur le serveur d’une société tierce prestataire de service (également appelée ASP : Application Service Provider), une place de marché gère et automatise les échanges d’informations et les transactions interentreprises. Elle constitue et met à jour des catalogues fournisseurs et permet de multiplier les transactions entre acheteurs et vendeurs, en respectant les processus et contrats de chacun79

. Ces outils font partie du concept de supply chain management que nous traiterons ultérieurement.

Fonction Production La production a pour objectif de fabriquer les produits au moindre coût dans les conditions de qualité prévues, et d’offrir une flexibilité suffisante pour répondre aux fluctuations du marché. Ces critères relèvent de la qualité de service définie par la stratégie marketing de l’entreprise80

. Enfin, elle doit respecter les normes en matière de protection environnementale et de sécurité du travail.

Caractéristiques

On distingue trois grandes typologies de production : production en continu (implantation en ligne dans les industries de process), production en discontinu (implantation en ateliers fonctionnels typique des industries mécaniques, électroniques, de confection), et production par projet où le produit est unique (fabrication d’une fusée, construction d’un édifice, etc.). En fonction de la relation avec le client, on distingue trois modes de production et de vente : vente sur stock, production à la commande et assemblage à la commande. Nous entrons ici dans les problématiques de gestion des flux et des stocks incluses dans le périmètre fonctionnel de la logistique industrielle. Selon Courtois et al. (2003), il est plus simple de rassembler sous une même direction appelée « logistique [industrielle] » « toutes les 77 DORNIER P.-P., Pleins flux sur l’entreprise, Nathan, 1991 78 MARTIN A., DRP, Planification des Ressources de Distribution, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, Jouwen Editions, 1996, p. 98-102 79 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 671 80 LAURENTIE J., BERTHELEMY F., GREGOIRE L., TERRIER C., Processus et méthodes logistiques – Supply chain management, AFNOR, 2000, p. 58

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fonctions qui concourent directement à la maîtrise des flux se rapportant aux matières (gestion des commandes, élaboration du programme directeur de production, ordonnan-cement, lancement, approvisionnements, tenue des différents stocks, manutention et transport, expédition) »81

. L’ensemble de ces activités est le plus souvent intégré dans le module de gestion de production assistée par ordinateur (GPAO) de l’entreprise (cf. définition en annexe 1).

L’objectif idéal de la production est de « produire ce qui est déjà vendu ». Pour y parvenir, l’entreprise doit être flexible et réactive afin de s’adapter très vite à l’évolution des besoins de produits de plus en plus variés sur un marché hyperconcurrentiel. Dans ce contexte, le temps a une importance fondamentale. Il faut vendre, produire et concevoir autrement ; passer en somme d’une logique de charge à une logique de flux. A nouveau, faisons-nous référence aux méthodes et aux techniques d’organisation industrielle et logistique en évoquant les concepts d’implantation en ligne ou par produit, de flux tirés, flux tendus, Kanban, Juste-à-temps, MRP (Management des Ressources de Production), SMED (changement rapide d’outils), OPT (gestion des goulets), lean manufacturing (chasse au gaspillage, réduction des cycles de fabrication), etc. La mise en œuvre de ces méthodes contribue à augmenter la flexibilité, à raccourcir les délais et à réduire les coûts. Elles mettent l’accent sur la planification industrielle, la réduction des délais de lancement des nouveaux produits, la conception d’ateliers plus performants grâce à de meilleures combinaisons des ressources humaines et techniques, et l’accélération des flux pour répondre plus vite et au moindre coût à la demande tout en diminuant les stocks. Selon Laurentie et al. (2000), « la production contribue à la fiabilité des livraisons par sa capacité à respecter les dates de production promises ». La qualité du pilotage de la production (plan de production, programme directeur de production (PDP), pilotage de l’atelier et programmation du montage final) devient alors capitale pour remplir les objectifs de service assignés. Enfin, le système de production ne fonctionne correctement qu’en s’appuyant sur des informations fiables et rapides, un respect rigoureux des consignes et procédures, et des initiatives et réactions individuelles en cas d’anomalie ou d’écart par rapport à la prévision. En d’autres termes, elle n’est pas l’affaire de quelques experts, mais elle a besoin de la participation active de nombreuses personnes réparties dans la plupart des secteurs de l’entreprise.

Interfaces

Ses principales interfaces sont au premier chef la logistique industrielle pour le pilotage des flux et des stocks de production, mais aussi la qualité qui est souvent rattachée à la direction industrielle, ainsi que le bureau d’études, les méthodes et procédés de fabrication, la maintenance, la finance et le contrôle de gestion. Pour l’élaboration du plan industriel et commercial (PIC), sept fonctions sont impliquées. Il s’agit de la direction générale (assure la cohérence entre la stratégie et la tactique), des ressources humaines (valide les besoins en effectif), des fonctions commerciales (valide le plan commercial), de la production et des études (valident le plan de production), du service financier (valide les objectifs de stocks) et de la logistique (anime la réunion) 82

.

81 COURTOIS A., PILLET M., MARTIN-BONNEFOUS C., Gestion de production, Editions d’Organisation, 2003, p.12 82 MONDON C., Supply chain management en PMI, le chaînon manquant, AFNOR, 2005, p. 333

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Tendances

Les tendances qui caractérisent la production sont guidées par l’inexorable nécessité de raccourcir les cycles de conception, de fabrication et de mise à disposition des produits. On demande à la production de fabriquer des gammes de produits de plus en plus étendues tout en réduisant les coûts et en améliorant la qualité. On lui demande une grande flexibilité, en volume et en produit, pour la fabrication rapide de petites séries de produits personnalisés et le lancement « instantané » de nouveaux produits. Ces exigences sont le lot quotidien d’une usine qui doit apprendre à travailler autrement. Par exemple, l’organisation en ingénierie intégrée permet de rassembler sur un même plateau plusieurs métiers, mettant à profit les technologies d’information et de communication pour permettre le travail en commun. En complément de l’évolution des techniques d’organisation et de management (atelier flexible, management intégré de la fabrication, fertilisation croisée des compétences, etc.), les techniques nouvelles de conception et de fabrication assistée par ordinateur (CFAO), de commande numérique, d’automatisation, de robotisation, etc. contribuent aussi à relever les défis de la mondialisation. Elles entraînent une évolution du contenu du travail, des qualifications, des formations, des relations entre les services et de l’organisation du travail. L’usine continue ainsi à susciter une grande attention dans les directions générales qui la considèrent plus que jamais comme un facteur de compétitivité et un lieu unique de compétences, d’innovation et de création de valeur. Fonction Logistique La logistique vise à assurer la circulation des flux de produits et de services dans la chaîne d’approvisionnement – du producteur amont au consommateur final – à un taux de service déterminé aux meilleures conditions économiques dans le respect de la qualité. Elle va bien au-delà du simple transport des produits puisqu’elle place au cœur de sa stratégie la coordination des flux et des stocks sur la totalité du cycle de vie des produits dès la phase de conception. La gamme des activités logistiques s’étend de l’émission des plannings d’approvisionnement, de production et de distribution à la gestion optimisée des stocks et des ressources de distribution, de transport et de soutien.

Caractéristiques

Sa mission d’optimisation du couple valeur-coût de tous les flux et stocks de marchandises de la chaîne de valeur depuis les approvisionnements, la production, la distribution, les transports, l’après-vente… jusqu’au retour des produits recyclés, la rattache à la direction générale. La fonction Logistique présente deux aspects : l’aspect fonctionnel et l’aspect opérationnel. Elle est fonctionnelle lorsqu’elle agit, par exemple, en soutien de la production pour établir les plannings de production. Elle est opérationnelle lorsqu’elle transporte des matières ou les emmagasine83

83 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 175

. Pour réaliser les missions qui lui sont confiées, elle s’appuie sur plusieurs sous-fonctions dont l’organisation logistique pour l’étude à long terme des flux, des lieux d’implantation, de la taille des sites de production et de stockage, du nombre de plates-formes de distribution, du système après-vente ; et différents services logistiques en charge des prévisions de la demande, de la planification industrielle et logistique, des approvision-nements, de la gestion des stocks, de la distribution physique, des transports et de la gestion des retours pour le moyen et le court terme.

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Schmitt lui confère une position centrale dans l’entreprise particulièrement bien placée pour servir de liant entre les fonctions et participer au décloisonnement des services. Il lui prête une fonction de réduction de l’incertitude par l’anticipation, la gestion des stocks, l’optimisation de la distribution physique, ainsi que la réduction des délais84

.

Pour Mathe et Tixier (1998), « les logisticiens sont des hommes qui rendent possibles et qui accompagnent les prises de positions de leur entreprise sur le marché ». En ce sens, la logistique a la délégation de la coordination des moyens85

.

En opérant des négociations entre les souhaits contradictoires d’autres fonctions, par exemple la production et le commercial, elle détient aussi un pouvoir de médiation, fidèle au triptyque « missionnaire, médiateur, modélisateur», ainsi que Laurent Grégoire a coutume de définir le rôle du logisticien ou du supply chain manager.

Interfaces

La fonction Logistique apparaît donc comme transversale dans l’organigramme de l’entreprise, et son responsable agira comme coordinateur des interfaces le long de la chaîne logistique. Selon Grégoire (1993), « la logistique doit être prise en charge par des hommes dont le métier est d’organiser les flux, mais également par des responsables investis d’autres fonctions : le marketing, le commercial, les ressources humaines, les achats, l’informatique, la production... »86

. Et d’ajouter : « Toutes ces fonctions participent à la logistique, car elles sont menées par des responsables dont les décisions ont des répercussions importantes sur le coût logistique ».

Au plan stratégique, les délais de livraison, les niveaux de service en fonction des couples produit/marché, les délais de réaction selon les variations de la demande, etc. sont définis en accord avec la stratégie marketing. Tous ces éléments doivent être précisés car ils conditionnent les choix possibles pour l’organisation de la production et de la distribution. En amont du cycle de vie du produit, la logistique contribue à la conception des nouveaux produits sur les questions notamment de conditionnement et de soutien logistique intégré (SLI). Apportant un éclairage sur le SLI – démarche intégratrice développée à partir de 1963 aux Etats-Unis par le Department of Defense – Laurentie et al. (2000) lui attribuent les éléments suivants : planification de la maintenance, besoins en personnel, formation/ entraînement et mise à disposition des moyens nécessaires, soutien des approvisionnements (rechanges en particulier), équipements de test et de soutien, données techniques, installations (ateliers), soutien des ressources informatiques, transport et manutention, exigences d’interface à la conception87. Ils mettent ainsi en lumière le lien étroit qui unit la logistique et la maintenance en expliquant qu’une « telle intégration est évidente dans la mesure où la logistique est définie par sa finalité de mise à disposition des moyens nécessaires à l’action »88

.

Par conséquent, après que l’entreprise a établi la stratégie de soutien de ses produits en cohérence avec la stratégie générale, le marketing doit dépasser sa vision traditionnelle du couple produit/marché et s’intéresser au triptyque produit/service/marché. Pour définir cette

84 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 156 85 MATHE H. et TIXIER D., La logistique, Que sais-je, 1998, p. 120 86 GUILLAUME J.-P., La performance logistique, Nathan, 1993, p. 22 87 LAURENTIE J., BERTHELEMY F., GREGOIRE L., TERRIER C., Processus et méthodes logistiques – Supply chain management, AFNOR, 2000, p. 267 88 LAURENTIE J., BERTHELEMY F., GREGOIRE L., TERRIER C., Processus et méthodes logistiques – Supply chain management, AFNOR, 2000, p. 155

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nouvelle interaction entre la logistique et le marketing, Laurentie et al. tentent de qualifier cette approche sous le nom de « marketing logistique », sans vraiment l’expliciter tant il ne semble pas y avoir de réponse absolue à cette question89

.

Poursuivant notre analyse des interfaces de la logistique avec les autres fonctions de l’entreprise, soulignons que les ventes et le marketing procurent à la logistique leur vision du marché ainsi que les prévisions de vente et programmes promotionnels susceptibles de lui apporter de la visibilité. Comme nous l’avons déjà évoqué, la logistique s’intègre dans le système qualité de l’entreprise faisant que les deux fonctions collaborent étroitement sur la voie de l’amélioration continue. Le système d’information étant au carrefour des décisions et des actions logistiques, il va sans dire que les supply chain managers et les informaticiens font équipe commune pour la mise en place de systèmes de gestion des flux et des stocks robustes, fiables et précis, la définition de modèles d’échanges de données informatisés conformes aux standards de communication internationaux GS1, et l’informatisation de tableaux de bord pour le suivi des performances en temps réel. Sous un autre angle, les coûts logistiques représentant un poste important des dépenses de l’entreprise, en moyenne 12 % du chiffre d’affaires selon une enquête du BIPE déjà ancienne (1993), une forte interaction avec le contrôle de gestion permet d’en opérationnaliser le suivi et le contrôle. Cependant, cela sous-entend de définir par ce que l’on entend par « coût logistique »… En définitive, la logistique entretient un grand nombre de relations intra-organisationnelles pour la bonne coordination des flux. Nous évoquerons plus loin son rôle essentiel dans l’intégration des partenaires externes. Ces quelques exemples donnent un aperçu de la multiplicité des interfaces. Le thème des interfaces entre la logistique et les autres fonctions de l’entreprise est vaste. Peu investi jusqu’alors, il donnera lieu à des recherches plus approfondies dans la perspective d’une thèse à la suite de ces travaux.

Tendances

Bien que la perception actuelle de la logistique soit encore incomplète pour les raisons que nous avons évoquées, la tendance montre tout de même une évolution positive. La logistique est de plus en plus prise en compte par les directions comme une fonction à part entière englobant l’ensemble des flux matières. L’essor du supply chain management a fait naître des moyens informatiques adaptés et d’un coût … abordable permettant la gestion de flux complexes et multiples entre les sites des fournisseurs, de production et de distribution à l’échelle mondiale. Les gains obtenus portent sur l’amélioration du taux de service, la diminution des stocks, l’amélioration de la qualité des prévisions, la réduction des coûts de transport, et la simplification des transactions financières. Le développement du commerce électronique contribue, comme nous l’avons déjà dit, à l’évolution de l’offre logistique qui doit s’adapter au prix des produits acheminés, à la multiplicité des canaux de distribution, aux délais garantis, au suivi des produits et, de plus en plus, à la gestion des retours. L’entrée en vigueur des directives européennes relatives à la traçabilité alimentaire (2000/178/CE) depuis le 1er

janvier 2005 et au recyclage des déchets des équipements électroniques et électriques (2002/96/CE) adoptée le 27 janvier 2003 représente aussi un facteur d’élargissement de son périmètre d’influence.

Enfin, le développement de l’externalisation des opérations logistiques constitue un autre facteur d’évolution notable. En 2000, Grégoire estime que plus de 60 % des opérations 89 LAURENTIE J., BERTHELEMY F., GREGOIRE L., TERRIER C., Processus et méthodes logistiques – Supply chain management, AFNOR, 2000, p. 256

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logistiques sont sous-traitées par les entreprises françaises à des prestataires spécialisés90

. Il s’agit ici de concevoir rapidement des systèmes logistiques, de les monter et de les démonter tout aussi rapidement, en fonction de l’évolution des marchés et des stratégies industrielles. La réussite de telles organisations repose sur la qualité des échanges de données et la collaboration entre le client et le prestataire. Elle utilise des concepts et des outils d’échanges d’information qui seront approfondis plus loin.

Fonction Ventes La fonction Ventes participe à la définition et à la mise en œuvre des politiques commerciales en cherchant à atteindre les objectifs de pénétration et de rentabilité. Toutes les problématiques inhérentes aux relations avec la clientèle sont abordées : de la gestion des commandes à l’activité du service après-vente en passant par l’acquisition des informations de nature commerciale.

Caractéristiques

La structure de vente (par zones géographiques, par produits, par marchés, par clients clés), l’organisation de la force de vente, l’organisation de l’administration des ventes, ainsi que les techniques et les outils sont définis en fonction de la stratégie définie.

Interfaces

L’administration des ventes est la base arrière qui traite les commandes (réception, transcription, transmission). Elle s’occupe du suivi de l’avancement des commandes et des réclamations, rédige les bons de livraison et les factures, commande les transports et recouvre les règlements. Selon les entreprises, ces activités peuvent être rattachées à d’autres fonctions, en particulier à la logistique. A ce niveau, une forte interaction existe entre les ventes et la logistique pour la transmission des commandes, le partage des prévisions de vente et la connaissance des stocks disponibles à vendre. En effet, la synergie avec les services logistiques est un élément clé de la négociation du fait que le commercial ne peut s’engager qu’après avoir évalué la faisabilité logistique de la commande.

Tendances

« Le rôle de vendeur évolue vers l’analyse de marché, le conseil au client et la gestion de son territoire, tout en conservant évidemment son caractère commercial »91

. Cette tendance est accrue par le développement du commerce en ligne qui génère des exigences nouvelles. Compte tenu de la disponibilité d’une masse importante d’informations, de la possibilité pour le client de définir son besoin en temps réel et de comparer instantanément sur Internet les offres d’un fournisseur à l’autre à l’échelle mondiale, l’enjeu se situe de plus en plus dans le dialogue entre le client et le vendeur.

Enfin, il faut souligner l’importance grandissante de l’après-vente éclaté en deux activités : le dépannage d’une part, et le suivi des clients et des performances des produits d’autre part. Comme le souligne Schmitt, la fonction Logistique est candidate à la reprise de la fonction dépannage et gestion des pièces de rechange. Cette vision est en accord avec la 90 GREGOIRE L., Université de tous les savoirs, sous la direction d’Yves Michaud, Vol. 3, Qu’est-ce que la société ?, Editions Odile Jacob, 2000, p. 655-665 91 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 69

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fiche descriptive AFNOR qui décrit les activités de maintenance, de réparation et de distribution de pièces détachées, ainsi que la récupération des produits dans l’étape N°5 « Assurer le soutien logistique » du processus logistique92

. Bien que des synergies intéressantes puissent être mises à profit entre supply chain managers et dépanneurs dans le cadre du soutien logistique, notons cependant que la logistique n’entre pas dans le suivi des relations avec les clients.

Fonction Marketing De par sa relation avec le client, le marketing fournit une assistance à la structure commerciale à travers la définition et la mise en place d’activités promotionnelles. Il effectue un suivi constant du marché et de la concurrence en termes de produits et de services. Il garantit la coordination des politiques de prix/marque et élabore un plan marketing.

Interfaces

Une forte synergie existe entre le marketing et les ventes. La première prépare les moyens de faire connaître les produits de l’entreprise, tandis que la deuxième applique la stratégie de vente selon le plan marketing tout en remontant les informations collectées sur le terrain. Du fait de l’importance des programmes promotionnels et du raccourcissement de la durée de vie des produits, la production et la logistique doivent s’organiser en conséquence tout en maîtrisant les coûts, les stocks et les délais. Comme l’ont souligné Tixier, Mathe et Colin (1996), il y a de nombreux points communs entre le marketing et la logistique93

. Une forte connexion les relie au plan fonctionnel. Ainsi parle-t-on d’orientation marketing de la logistique dont l’intégration du mix logistique dans le mix marketing est schématisée par la figure 15 ci-après. Ce schéma montre comment le mix marketing est clairement dépendant des capacités logistiques de l’entreprise. Rappelons que la logistique est étroitement liée à l’élaboration de la stratégie produit et à la politique de service de chaque couple produit-marché.

Selon Damien, les « quatre P » du mix marketing peuvent être largement partagés entre les deux fonctions : les Produits par l’apport de services de différenciation retardée et de personnalisation des produits ; la mise en Place ou la distribution par le déploiement dynamique des stocks à travers différents canaux et moyens de distribution ; le Prix dans la dimension coût de revient complet du produit livré ; et les Promotions à travers le support logistique des opérations commerciales94

. Le fonctionnement conjoint des deux fonctions peut alors déboucher sur des axes de développement prometteurs tels que la segmentation du portefeuille clients, le développement de démarches collaboratives client-fournisseur ou l’optimisation économique globale depuis les prévisions jusqu’à l’exécution logistique.

Dans le cadre du commerce électronique, la rapidité des échanges d’information entre la remontée de données marketing sur les ventes et la connaissance en temps réel de l’écoulement des stocks, comme nous l’avons évoqué dans le chapitre sur le commerce électronique, permet le déploiement dynamique des moyens logistiques nécessaires. Cette synergie entre le marketing et la logistique est un nouvel exemple de l’importance stratégique des interfaces contribuant à la réactivité de l’entreprise. 92 FD X 50-604, Le processus logistique, AFNOR, 2002, p. 35 93 TIXIER D., MATHE H., COLIN J., La logistique d’entreprise - Vers un management plus compétitif, Dunod, 1996 94 DAMIEN F., L’atout logistique, LPM, 1998

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Figure 15 : Interaction des fonctions Marketing - Logistique

Source : SAMII (2004), Adapté de Lambert, The development of an inventory costing methodology : A study of the cost associated with holding inventory, Chicago, NCPDM, 1976

On rencontre aussi des interactions entre le marketing et la qualité à travers notamment le service client. Par exemple, celui-ci collecte les réclamations clients tout en enregistrant de nombreux signaux révélateurs de dysfonctionnements internes (pouvant être exploités par la qualité) comme de changements dans le comportement et les attitudes du consommateur (pouvant être exploités par le marketing). D’autres interactions pourraient être évoquées entre le marketing et les autres fonctions de l’entreprise, tels la R&D sur les projets de développement de nouveaux produits, la logistique à nouveau pour la collaboration sur les prévisions de vente, l’ensemble des fonctions pour la constitution de catalogues produits, etc. ; mais nous limitons volontairement notre analyse à quelques exemples. En effet, notre but n’est pas tant de décrire tous les liens et les activités partagés entre toutes les fonctions – ce serait trop long – que de montrer la richesse et la multiplicité des relations qui unissent les fonctions.

Tendances

En matière de tendances, les entreprises découvrent un gisement, celui du marketing des services rendus aux clients, pour leur faciliter par exemple l’utilisation du produit acheté95

. Ainsi, prend-on conscience qu’il existe « une vie avant et après la vente ».

Elles semblent aussi redécouvrir l’écoute des clients après avoir investi, sans véritable succès, dans le CRM (Customer Relationship Management), application informatique visant la gestion en temps réel et en continu des relations avec les clients et prospects (cf. 95 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 70

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définition en annexe 1). Une partie des déboires dans les projets CRM est attribuée à la sous-estimation du caractère transversal de la relation avec les clients. La réussite d’un programme CRM dépend ainsi de la prise en compte des nombreux points de contact avec la clientèle localisés dans les fonctions marketing, vente, production, logistique, qualité, comptabilité, etc. A contrario, les techniques d’extraction de données de type datawarehouse, datamining et autre textmining pour l’analyse segmentée des ventes semblent bénéficier d’un regain d’intérêt grâce aux capacités nouvelles et à la maturité des moyens de traitement. Il s’agit ici de la maîtrise des techniques de marketing opérationnel tendant vers la personnalisation des relations entreprise-client. Selon Kotler (2004), rapidité et adaptabilité sont les maîtres mots du marketing de demain. Les possibilités de traitement de l’information en temps réel vont contribuer à mieux « sentir » le marché, et donc à mieux anticiper les besoins des clients et les évolutions des marchés. Enfin, la tendance dans les entreprises orientées marché est la mise en place d’organisations collaboratives centrées sur des processus de création de valeur pour le client et constituées d’équipes plurifonctionnelles. Les concepts sous-jacents font partie de la démarche ECR (Efficient Consumer Response) – stratégie de partenariat industrie-commerce – en essor depuis une dizaine d’années dans le secteur des produits de grande consommation. Ainsi, le marketing met en œuvre différents concepts de category management, de merchandising (cf. définitions en annexe 1) ou de gestion conjointe des promotions dans un esprit de partenariat client-fournisseur. Pour plus d’informations, nous reprendrons le fil du partenariat industrie-commerce dans la partie consacrée à la coordination interentreprises (interconnexions organisationnelles). Fonction Qualité La mission de la fonction Qualité est d’encourager et de diffuser la culture de la Qualité Totale et de garantir l’application continue des principes relatifs à l’amélioration continue des processus dans toute l’entreprise. Par ailleurs, elle définit les plans de contrôle visant à garantir les niveaux qualitatifs définis pour les différents produits/marchés, et gère les non-conformités des produits/processus ainsi que les réclamations en provenance des clients.

Interfaces

Désignant un système de management, comme nous l’avons vu précédemment, la fonction Qualité est omniprésente dans tous les domaines et à tous les niveaux de l’entreprise. Souvent rattachée à la direction générale, elle est chargée d’élaborer la stratégie qualité et la synthèse du plan qualité. Elle a la responsabilité de l’assurance qualité et joue un rôle d’animation, de conseil et d’assistance auprès des directions opérationnelles. Parallèlement, les ateliers de production ont été mis en autocontrôle et le contrôle qualité est resté sous l’autorité de la production96

.

Tendances

L’ensemble des concepts clés ayant déjà fait l’objet d’une description suffisante, nous pouvons juste rappeler que les tendances vont vers la recherche de la qualité totale, voire de l’excellence, et la prise en compte non seulement de tous les besoins des clients (qualité

96 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 264

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des produits, délais, prix), mais aussi de ceux de toutes les parties prenantes (clients, actionnaires, personnel, partenaires) et de l’environnement. Dès lors qu’un défaut détecté à la conception coûte 80 fois moins cher que s’il est découvert à la livraison, comme le rappelle Schmitt, la qualité est intégrée de plus en plus tôt dans le cycle de vie du produit, dès la phase de conception. Ceci vaut autant pour les produits que pour la conception des équipements. Ceci va aussi le plus en amont possible en faisant participer le fournisseur, afin de pouvoir maîtriser l’ensemble du processus. Fonction Informatique La fonction Informatique a pour mission de gérer et développer l’infrastructure technologique hardware et software de toute l’entreprise. L’un de ses principaux objectifs est de maintenir l’efficacité et la disponibilité des équipements (serveurs, réseaux…), des systèmes d’information (progiciels, EDI…) et des matériels informatiques (ordinateurs individuels, imprimantes…). La structure a aussi un rôle d’observatoire technologique sur le marché des technologies d’information et de communication.

Caractéristiques

Citons Schmitt : « L’information est ce qui modifie la perception d’une situation. Elle est la combinaison de données pertinentes, choisies parmi une masse de données, ayant un sens pour le récepteur au moment où il les traite »97

. Selon Ackoff, une des qualité les plus importantes d’un système d’information est d’assurer une présentation personnalisée des informations vis-à-vis de leurs destinataires par des actions de tri et de compilation.

L’information permet aussi de construire des modèles de l’entreprise et de son environ-nement, et de définir des modes d’action sur la complexité. Ceux-ci sont informatisés et testés pour simuler des phénomènes et faciliter ainsi la prise de décisions. Aujourd’hui, pour réorganiser leurs processus, les entreprises s’appuient largement sur les progiciels de gestion intégrés (PGI ou ERP : Enterprise Resource Planning). Après avoir été reconfigurés, les processus sont modélisés, informatisés et paramétrés sur la base de modèles métiers inclus dans les ERP. Les principaux progiciels du marché intègrent aujourd’hui la plupart des processus majeurs tels que :

- tous les processus comptables et financiers, y compris la trésorerie, le contrôle des comptes, la gestion des investissements et les états financiers ;

- tous les processus de la chaîne logistique, du traitement des commandes à la livraison chez les clients en passant par les approvisionnements, la fabrication, la distribution physique, les expéditions, pouvant être intégrés ou interfacés avec ceux des partenaires externes ;

- les processus de services clients pouvant être intégrés ou interfacés avec le système d’information des clients ;

- les processus d’achat pouvant être intégrés ou interfacés avec le système d’information des fournisseurs ;

- la gestion des forces de vente ; - la gestion des ressources humaines ; - la maintenance des usines et des équipements ; - les processus de reporting ; - les processus de gestion de projet, etc.

97 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 385

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La fonction Informatique a donc un rôle d’intégrateur et de support des processus transversaux étendus. Les différents modules intégrés comptent de multiples activités allant de la réception des commandes à la comptabilité en passant par la production. L’objectif est de recueillir, d’enregistrer et de traiter toutes les données produites par les différentes fonctions internes et externes, et de garantir la fluidité et la mise à disposition des informations compilées au moment où les utilisateurs en ont besoin, immédiatement ou non. Comme l’indique le concept de chaîne logistique, l’ensemble des maillons et des sous-processus interagissent les uns sur les autres. Grégoire (2000) rappelle que la mission du supply chain manager est de maîtriser ces interfaces en précisant que celui-ci dispose d’un outil privilégié : le système d’information logistique. Montrant l’importance de l’informatique dans la fonction Logistique, il indique que 80 % des informations du système d’information servent au supply chain manager, faisant de celui-ci le premier utilisateur de l’informatique dans l’entreprise98

.

Selon Fabbe-Costes : « En tant que démarche de gestion ayant pour métier le pilotage des flux physiques et pour mission d’assurer la réactivité et l’adaptabilité de l’entreprise, la logistique est à la fois productrice et consommatrice d’informations, car la conception d’une chaîne logistique, le déclenchement et le suivi de son déroulement, et ses évolutions résultent de multiples prévisions, simulations, prises de décisions, communications et mémorisation d’informations »99

.

L’ajout de progiciels d’aide à la décision de type APS (Advanced Planning and Scheduling system – cf. définition en annexe 1) pour l’optimisation de l’ensemble de la chaîne logistique, contribue à construire le SICLE (Système d’Information et de Communication Logistique d’Entreprise). Inauguré par Fabbe-Costes (2000), le SICLE est le système d’information dédié au pilotage de la logistique, intégré au système d’information global de l’entreprise, et ouvert sur les systèmes d’information des partenaires dans le cadre de l’entreprise étendue. A cet égard, Morana (2003) rappelle l’importance de l’interopérabilité des systèmes d’information et le rôle prépondérant que jouent les technologies informatiques et les standards de communication dans l’intégration et la coopération des acteurs de la chaîne d’approvisionnement100

.

Pour Martin (1994), l’information est au cœur de la gestion de la chaîne logistique et des démarches collaboratives industrie-commerce. Il convient d’abord d’identifier les données qui conditionnent la gestion efficace du réseau de distribution, et de comprendre ensuite qu’il existe trois types d’information : historique, factuelle et opérationnelle101

.

L’accroissement spectaculaire des performances informatiques, le temps réel, les nouvelles technologies de communication... représentent pour la logistique une possibilité extra-ordinaire d’accroître sa performance. Selon Grégoire (2004), il ne manque à la panoplie du supply chain manager que de « véritables systèmes experts qui aideraient à tout moment à l’optimisation de l’ensemble des flux par un pilotage à la fois micro et macroéconomique dans l’entreprise »102

!

98 GREGOIRE L., Université de tous les savoirs, sous la direction d’Yves Michaud, Vol. 3, Qu’est-ce que la société ?, Editions Odile Jacob, 2000, p. 655-665 99 FABBE-COSTES N., Management logistique, une approche transversale, Édition Management, 2000, p. 115 100 MORANA J., De la logistique au supply chain management (SCM), E-thèque, 2003, p. 35 101 MARTIN A., ECR, Démarche et composantes, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, Jouwen Editions, 1997, p. 114 102 GREGOIRE L., Supports de cours : Approfondissement de la logistique systémique, CNAM Paris, 2004

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Interfaces

Le rêve de tisser des liens plus étroits avec les partenaires de la chaîne de valeur ne date pas d’aujourd’hui. C’est d’ailleurs ce qui a provoqué l’essor de l’EDI (Echange de Données Informatisé) pour la transmission de données interentreprises depuis une vingtaine d’années. Dans le secteur des produits de grande consommation, les messages échangés ne se limitent pas au bon de commande (message ORDERS en langage EANCOM) ou à la facture (INVOIC). Ils consistent également à faire circuler des informations plus détaillées sur les caractéristiques des produits (PRODAT - fiche produit, et PRICAT - données de prix), les ventes (SLSRPT - état des ventes), les stocks (INVRPT - journal des mouvements et situation des stocks), les prévisions de vente (SLSRPT), les programmes d'approvision-nement (DELFOR), l'avis d'expédition (DESADV), l'accusé de réception des marchandises (RECADV), l'avis de règlement de la facture (REMADV), etc. massivement échangées entre les entreprises du monde entier103

.

Pour la multiplication des échanges interentreprises, la fonction Informatique accompagne la mise au point de nouveaux messages et le développement de nouvelles technologies telles que XML (cf. définition en annexe 1). La mise à profit du réseau Internet pour la transmission des messages EDI tend aussi à se développer et à contribuer à l’accroissement des échanges électroniques de par le monde (cf. les nouveaux protocoles d’échanges sur Internet EDIINT AS1 et AS2, annexe 1). Face aux défis de réactivité et de productivité de la chaîne de valeur, les entreprises sont amenées à partager de plus en plus d’informations en temps réel dans le respect des formats internationaux. L’objectif est de parvenir à ne plus effectuer une tâche qui fasse double emploi avec celle déjà assurée par les fournisseurs ou les clients. Pour partager l’information, la confiance est un préalable. La coopération technique induite par l’EDI a constitué le premier volet d’une collaboration qui s’est ensuite étendue à la logistique, puis aux fonctions commerciales dans le cadre des projets de partenariat ECR. Focalisée sur la réduction des coûts d’interface, la démarche ECR prône le passage d’une logique d’excellence fonctionnelle chez chacun à une logique de processus, dans laquelle l’informatique joue un rôle fondamental à travers l’établissement et le maintien des interconnexions entre les partenaires de la supply chain.

Tendances

Des gisements de valeur substantiels restent à exploiter aujourd’hui. Ils résident non seulement dans les interfaces internes et externes, mais aussi dans le potentiel d’agilité des processus. En ce sens, on remarque un rapprochement entre les spécialistes « systèmes d’information » et les organisateurs métiers dans les projets de reconfiguration et d’informatisation des processus. A l’aide d’un langage commun pour la transcription des processus (BPMN, cf. chapitre sur les processus), la maîtrise d’ouvrage et la maîtrise d’œuvre peuvent enfin dialoguer sur les mêmes bases et mieux se comprendre. Basées sur les technologies Internet, notamment sur les web services, les architectures modernes des systèmes d’information, dites n-tiers, apportent de nouvelles perspectives en permettant la séparation entre la couche de présentation (interface homme-machine), la couche de traitement (logique métier de l’application), et la couche de données (base de données)104

103 GS1 France, Commerce électronique BtoB – Outils et solutions pour les petites et les grandes entreprises, GS1 France - ECR France, 2003

. Ces

104 DEBAUCHE B., MEGARD P., BPM, Business process management, Lavoisier, 2004, p. 43

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avancées sont cruciales. Elles permettent une meilleure collaboration entre les utilisateurs métiers et les informaticiens, tout en offrant aux premiers la possibilité de modifier rapidement et plus facilement les processus afin de les adapter aux nouveaux besoins. Pour résumé, la fonction Informatique touche une partie vitale de l’entreprise : l’information. L’agilité de l’entreprise, la réduction des coûts, l’amélioration de la productivité sont des objectifs majeurs dans le secteur des produits de grande consommation qui opère avec de faibles marges dans un environnement fortement concurrentiel. Dans ce contexte, la vitesse et l’efficacité reposent en grande partie sur la robustesse de l’infrastructure informatique et sur la disponibilité, l’interopérabilité et l’évolutivité des systèmes d’information. Fonction Recherche & Développement La R&D est en charge de projets dont l’objectif est l’innovation de produits et procédés en regard de la totalité du cycle de vie du produit, avec le concours d’universités et autres centres de recherche dans le cadre de coopération intellectuelle et matérielle.

Caractéristiques

Selon Schmitt, « Innover, c’est introduire un élément nouveau dans une chose établie »105

. Située à l’interface de la recherche appliquée et du développement, l’innovation techno-logique consiste en la mise en œuvre d’idées nouvelles concernant aussi bien les produits, pour garder un marché ou en conquérir de nouveaux, que les procédés à la base de la productivité et de la compétitivité.

Chaque domaine progresse en faisant appel à d’autres auxquels il se combine en assimilant leurs derniers acquis. Ce phénomène caractérise la fertilisation croisée. Elle a tout d’abord un effet déstabilisateur pour l’entreprise avant qu’une nouvelle stabilité ne s’établisse une fois que la diffusion de l’innovation s’est faite dans le tissu industriel. La Recherche et Développement est le premier investissement intellectuel connu106

. Selon les entreprises, elle peut être centralisée ou décentralisée, sans qu’il y ait de règles précises sur les choix d’organisation par lignes de produits ou par groupes de technologies. Au Japon, les ressources de R&D sont réparties dans les usines.

Interfaces

80 % des coûts du cycle de vie d’un produit étant prédéterminés lors de la phase de conception, les projets de développement doivent être appréhendés dans le cadre plus large du cycle de vie complet du produit décomposé comme suit : conception, production, distribution, utilisation, retrait et recyclage107

. Pour l’optimisation de l’ensemble du cycle de vie, la R&D fonde son action sur la collaboration avec l’ensemble des fonctions de l’entreprise.

Comme nous l’avons déjà évoqué, elle est à l’écoute du marketing pour la conception de produits nouveaux en fonction des attentes du marché (couples produits/marchés), mais aussi des achats pour la réduction des coûts d’obtention, de la production pour l’amélioration des conditions de fabrication (couples produits/technologies), de la logistique pour le choix des emballages et le développement du système après-vente (couple disponibilité/coût de cycle de vie), et du contrôle de gestion pour le pilotage des coûts (application par exemple de la méthode Target Costing), etc. 105 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 222 106 CASPAR P., AFRIAT C., L’investissement intellectuel, CPE, 1990 107 LORINO P., Méthodes et pratiques de la performance, Editions d’Organisation, 2003, p. 291

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Comme le souligne Lorino (2003), « la profitabilité des produits se joue pour l’essentiel dans les phases amont (planification et conception) du cycle de vie, et non dans les phases aval (production et distribution). Et Morgan (1993) d’ajouter : « Il est bien plus facile de concevoir économique avant la production que de réaliser économique en phase de production »108

.

Laurentie et al. (2000) indiquent que 60 % des coûts du cycle de vie du produit est attribué à la phase de mise en œuvre du soutien logistique (personnel, installations, services, énergie, distribution, transport, rechanges, coûts de maintenance, coût de mise au rebut)109

. Ce ratio peut sembler élevé, mais il faut rappeler que la logistique intervient tout au long du cycle de vie du produit. Ainsi que ces auteurs le rappellent, « il faut la prendre en compte dès l’identification des besoins, la conception du produit et son développement. A l’issue de ces trois premières phases, alors qu’aucun flux réel n’a encore vu le jour, 85 % en moyenne du coût logistique du futur produit est déjà fixé par les choix effectués en amont ».

Ils terminent par la définition d’un principe à retenir pour le supply chain manager : « intervenir le plus tôt possible dans la stratégie de l’entreprise, dans la définition de l’offre » afin de réduire l’impact des facteurs de coût avant qu’ils ne soient structurellement figés dans le produit. Pour ce faire, l’approche du soutien logistique intégré (SLI) présente l’avantage d’assurer la mise en place des moyens de soutien simultanément à la mise en service du produit afin d’optimiser le couple valeur-coût tout au long du cycle de vie du produit.

Tendances

De nombreux travaux montrent que la création de savoir-faire et de compétences constitue aujourd’hui l’une des priorités du management. Longtemps jugée suffisamment stratégique pour être développée en interne, la R&D s’oriente depuis quelques années vers la coopération sous forme de consortiums impliquant de nombreux acteurs : universités, laboratoires publics et entreprises industrielles. Leur fonctionnement requiert une définition très précise des objectifs. Ils conduisent à une mise en commun de moyens financiers et humains. Cette collaboration est essentielle pour acquérir de nouvelles technologies et compétences avec l’avantage de partager les coûts et de réduire les risques financiers. Elle fonctionne beaucoup en réseau grâce à l’animation d’un ou plusieurs leaders. Fonction Ressources humaines La fonction Ressources humaines est orientée vers la définition et la mise en œuvre des systèmes de gestion du personnel (recrutement, formation, rémunération), ainsi que vers la valorisation des ressources humaines dans un souci de croissance et de dévelop-pement personnel. Les problématiques relatives à l’analyse, la conception et la définition des structures organisationnelles de l’entreprise font partie de ses attributions. Elle est en outre responsable d’un point de vue administratif et contractuel de la gestion du personnel et des rapports avec les représentants syndicaux.

Interfaces

L’entreprise ne pouvant se passer d’hommes et de femmes pour la faire avancer, les relations entre la fonction Ressources humaines et les autres fonctions sont essentielles. 108 MORGAN M. J., A case study in target costing : Accounting for strategy, Revue Management Accounting, 1993 109

LAURENTIE J., BERTHELEMY F., GREGOIRE L., TERRIER C., Processus et méthodes logistiques – Supply chain management, AFNOR, 2000, p. 4

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Tendances

Les tendances montrent une nette évolution vers la gestion individuelle de tous les salariés, jusqu’ici réservée aux cadres, la recherche de l’implication personnelle du salarié, et une plus grande implication des directions Ressources humaines dans la performance de l’entreprise pour la mise en œuvre et l’optimisation du « capital humain »110

.

Fonction Finance / Contrôle de gestion La mission de la fonction Finance est de mettre au service de la rentabilité de l’entreprise les ressources et les techniques financières et d’apprécier, puis de contrôler l’intérêt économique des projets111

. Elle surveille les structures financières et maintient l’équilibre financier permettant à l’entreprise d’assurer en permanence sa solvabilité et son autonomie. Elle s’occupe de la gestion de la comptabilité interne et de la préparation des bilans en matière de droit civil et fiscal. Des activités inhérentes au contrôle de gestion et à la publication d’états financiers (reporting) sont menées.

Caractéristiques

Une économie de marché est fondée sur les échanges, en particulier monétaires. Le marché financier est à la fonction Finance ce que le marché des fournisseurs est à la fonction Achats. La rentabilité est définie par le rapport entre le résultat obtenu et les moyens mis en œuvre. Les deux composantes de la rentabilité sont la productivité et l’efficacité. La première reflète la performance du système de production ; elle est le rapport de la valeur ajoutée aux immobilisations d’exploitation. Quant à l’efficacité, elle traduit la vitesse de rotation du capital utilisé ; c’est le rapport du chiffre d’affaires à l’actif total. En logistique, la gestion des stocks a un impact direct sur ce ratio ; on mesure ainsi la vitesse de rotation des stocks comme étant le rapport du chiffre d’affaires à la valeur des stocks. La performance de l’entreprise dépendant en grande partie de l’organisation et du reporting mis en place, le contrôle de gestion aide à la formulation des objectifs et à la mise en place de tableaux de bord.

Interfaces

Le plan financier correspond à la stratégie et aux objectifs de l’entreprise, liquidités, choix des moyens internes ou externes, positions sur les marchés nationaux ou internationaux, tout en tenant compte des impératifs fiscaux et juridiques. Il comprend les plans des différentes fonctions Vente, Marketing, Logistique, Production, Achats, R&D, Ressources humaines, etc. en termes d’investissement et de financement à long terme, de planification à moyen terme et de budgets annuels. Les fonctions Finance et Contrôle de gestion ont la responsabilité d’adapter le système d’information de la gestion financière aux processus de l’entreprise. Ce système doit « fournir des résultats fiables et opportuns afin, d’une part, de décider les actions correctives et, d’autre part, de modifier les plans et les budgets »112

110 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 291-351

. Le contrôleur de gestion s’assure de la cohérence et de la fiabilité du système comptable et du système de planification et de

111 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 438 112 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 445

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contrôle. Il conseille les utilisateurs dans l’élaboration de leurs tableaux de bord et le choix des indicateurs. Il contrôle enfin les réalisations par rapport aux budgets définis en termes d’objectifs, de moyens, de responsabilités et de dates. L’examen des faits passés et la recherche des causes avec les responsables opérationnels font partie de ses attributions qu’il met à profit pour la construction d’hypothèses et de scénarios pour le futur.

Tendances

Nous nous intéressons ici aux évolutions du contrôle de gestion. On constate que les systèmes formels sur lesquels il s’appuie ne prennent pas assez en compte les évolutions actuelles qui se produisent dans les entreprises. La comptabilité et le contrôle de gestion doivent s’adapter aux nouvelles formes d’organisation et de travail. A ce titre, Lorino (2003) fait remarquer que l’approche actuelle basée sur les ressources et les responsabilités doit faire place à un approche centrée sur les processus et les compétences. Pour pouvoir apprécier rapidement les performances de l’entreprise et traiter tout aussi rapidement les écarts constatés, il faut faire évoluer les systèmes de gestion et d’information. Ce constat renvoie au besoin d’agilité des systèmes d’information, aujourd’hui beaucoup trop rigides. Schmitt souligne : « Une aide appréciable vient des systèmes experts de finance et de contrôle de gestion qui permettent de simuler à l’avance différentes options afin d’être prêt le jour venu »113

. Une autre contribution est l’informatisation souple des processus dont les données résident dans différents systèmes d’information (pouvant appartenir à des entreprises fusionnées) grâce aux nouvelles technologies BPM, porteuses d’agilité, que nous avons abordées dans le chapitre sur les processus.

Pour répondre aux besoins identifiés ci-dessus, la comptabilité par activités – plus connue sous les acronymes ABM : Activity-based management et ABC : Activity-based costing – apparaît comme une méthode puissante pour maîtriser les coûts et les réduire de manière régulière, quantifier et comparer les enjeux, mesurer les gains espérés et piloter les actions de progrès. Selon Lorino (2003), « la comptabilité par activités se propose de rapprocher au maximum le suivi des coûts d’une description physique des processus de travail, afin de faciliter les analyses de causes à effets (par la recherche des facteurs qui font varier le volume et le coût des activités) et les allocations (combien de ressources consomme telle activité, combien de chaque activité consomme tel produit ?) »114

.

Se prêtant à la construction d’architectures souples et cohérentes, pouvant comprendre plusieurs activités rattachées à différents niveaux d’organisation, axées sur différents objets de marge (produits, marchés, clients, canaux de distribution…), la gestion des coûts par activité rencontre un intérêt grandissant dans la chaîne de valeur. Elle est considérée par la fonction Logistique comme un outil indispensable pour parvenir à la maîtrise des coûts logistiques jusqu’alors… difficiles à appréhender. Nous avons terminé notre analyse du contexte relationnel de la logistique à l’intérieur de l’entreprise. Bien que les fonctions globales de direction générale et communication n’aient pas été décrites dans cette section, elles ne sont pas occultées et seront dans tous les cas représentées sur la cartographie finale à travers la fonction « Stratégie d’entreprise », développée précédemment.

113 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 468 114 LORINO P., Méthodes et pratiques de la performance, Editions d’Organisation, 2003, p. 188

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La gestion des relations conflictuelles Avant d’ouvrir le champ de notre analyse aux interconnexions entre l’entreprise et ses partenaires externes, nous ne pouvons faire l’impasse sur les conflits d’intérêts qui ne manquent pas d’opposer les fonctions internes dans toute organisation en dépit de l’objectif commun de recherche du profit. Selon le sociologue Freund (1983), « il n’existe pas de sociétés dont tous les membres auraient toujours les mêmes intérêts »115. Or l’entreprise est une société regroupant des hommes et des femmes où, par exemple, la finance et la production s’affrontent au sujet des stocks. Pour leur part, Tixier et al. mettent en évidence les conflits qui opposent le marketing et la production « entre ce que voudraient les hommes du marketing au nom de leur marché et ce que ne peuvent pas faire les hommes de production au nom de leurs machines »116

.

Poursuivant la réflexion de Mathe (1985), selon laquelle « la fonction logistique devient un moyen de gérer des interfaces traditionnellement conflictuelles »117, Grégoire (1986) souligne le paradoxe suivant : « Alors que la logistique s’est développée au sein des conflits militaires, elle est maintenant dans l’entreprise chargée de gérer les interfaces conflictuelles et d’apporter des solutions à ces conflits »118

. C’est ainsi que le rôle du supply chain manager s’étend aussi à la résolution, chaque fois que cela est possible, des conflits par la négociation afin d’aboutir à un compromis.

Outre les qualités de gestionnaire, le supply chain manager doit être un bon diplomate, un homme de négociation, un homme de dialogue « pour lequel les qualités intellectuelles sont peu de choses sans celles de cœur » (Chazelle, 1968)119. Citant Bruaire (1985), Grégoire ajoute qu’il doit réunir deux conditions difficiles, rarement remplies, de dialoguer en toute rigueur rationnelle tout en s’efforçant de discerner l’exacte vérité120

. Et de conclure que « le but du supply chain manager est d’établir un compromis qui prenne en compte les positions initiales de chacun, mais aboutisse à un accord auquel chacun souscrit ».

Mais avant de faire face à un conflit, le supply chain manager doit chercher à le prévenir par l’établissement d’accords permanents ou de compromis entre les parties prenantes (Grégoire, 1983)121

.

Cette analyse des qualités du supply chain manager a été résumée en trois lettres par Grégoire (les 3M), signifiant :

- Missionnaire, pour expliquer la démarche logistique ; - Médiateur, pour gérer les interfaces de la chaîne logistique ; - Modélisateur, pour optimiser le processus logistique122

.

Et Laugier (2005) d’ajouter un quatrième « M » pour Modérateur dont la mission, selon ses travaux, est « d’assurer la régulation du système logistique »123

.

115 FREUND J., Sociologie du conflit, Puf « Politique éclatée », 1983 116 TIXIERD., MATHE H., COLIN J., La logistique au service de l’entreprise, Dunod, 1983 117 MATHE H., Des logisticiens qui ne s’ignorent pas, Courrier APEC, N° 504, 1985, in GREGOIRE L., Le logisticien dans l’entreprise : Optimiser et gérer les interfaces, Actes du congrès de l’Ecole Centrale de Paris, 1986 118 GREGOIRE L., Le logisticien dans l’entreprise : Optimiser et gérer les interfaces, Actes du congrès de l’Ecole Centrale de Paris, 1986 119 CHAZELLE J., La diplomatie, Puf, 1968 120 BRUAIRE C., La dialectique, Puf ; 1985 121 GREGOIRE L., Pour une logistique de production, Revue Stockage et Manutention, N° 73, 1983 122 GREGOIRE L., Supports de cours : Approfondissement de la logistique systémique, CNAM Paris, 2004 123 LAUGIER C., Le polymorphisme entrepreneurial, Thèse de doctorat, CNAM Paris, 2005

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Interconnexions organisationnelles Se penchant sur les interfaces entre la logistique et les autres services et partenaires de l’entreprise, Vallin (2003) dénombrent différentes décisions tactiques et opérationnelles issues de la collaboration interservices124

(cf. figure 16).

Après avoir décrit les interfaces entre la logistique et les fonctions internes de l’entreprise, nous nous intéressons maintenant aux principales interrelations de l’entreprise, en particulier de la logistique, avec les acteurs de l’extérieur : les clients, les fournisseurs, les prestataires et les transporteurs. Nous entrons ici dans les problématiques d’intégration sectorielle de la chaîne de valeur.

Figure 16 : Interfaces de responsabilités du service logistique

Source : Vallin, 2003 Une chaîne d’approvisionnement se compose d’un « réseau d’organisations qui d’amont en aval sont engagées dans des activités et des processus de création de valeur prenant la forme de produits ou de services livrés au consommateur final » (Jobin et al., 1998)125

. Dès lors, se pose notamment le problème de la coordination des différents partenaires de la chaîne de valeur.

Bien que plusieurs fonctions dans l’entreprise soient impliquées dans la gestion des interfaces inter-organisationnelles, Dornier et Fender (2001) considère la logistique comme un domaine privilégié de coopération. Selon ces auteurs, « le logisticien est le facilitateur et l’organisateur de la coopération. Celle-ci, après avoir porté sur les opérations logistiques, peut s’étendre aux activités commerciales et marketing »126. C’est ainsi qu’ils mettent en avant trois modèles génériques de coopération127

124 VALLIN P., La logistique, Modèles et méthodes du pilotage des flux, Economica, 2003, p. 17

associant les opérationnels, les commer-çants, les acheteurs et le marketing :

125 JOBIN M. H., LANDRY S., PASIN F., RIVARD-ROYER H., Le réapprovisionnement continu, Logistique-maîtrise des flux, Dunod, 1998, p. 94-101 126 DORNIER P.-P., FENDER M., La logistique globale, Editions d’Organisation, 2001, p. 365 127 DORNIER P.-P., FENDER M., La logistique globale, Editions d’Organisation, 2001, p. 363-370

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- la coopération logistico-opérationnelle, impliquant les acteurs de la logistique opérationnelle de l’industriel et du distributeur (gestion des commandes, entreposage, transport, EDI) dans le but d’éliminer les coûts de dysfonctionnement et d’améliorer la productivité aux interfaces opérationnelles ;

- la coopération logistico-commerciale, associant les supply chain managers, les

vendeurs côté industriel, et les acheteurs côté distributeur pour non seulement minimiser les coûts mais aussi améliorer la performance commerciale, le chiffre d’affaires et les marges. L’approche s’appuie sur la mise en œuvre d’organisations et de systèmes logistiques adaptés tout en reconnaissant la nécessité d’une approche différenciée par famille logistique (gestion des assortiments, réduction des ruptures, gestion des emballages, mise en place d’indicateurs de performance dédiés) ;

- la coopération logistico-marketing dans laquelle les deux partenaires optent pour

une gestion intégrée des flux et le partage des connaissances sur les produits, les marchés et les consommateurs (définition partagée des assortiments, conception et introduction de nouveaux produits, partage des prévisions de vente, des sorties caisses, mutualisation des ressources).

Ils ajoutent que les démarches collaboratives à ces différents niveaux s’appuient sur le dénominateur commun du pilotage logistique, accordant ainsi à la logistique un rôle pivot dans l’orchestration de la coopération interentreprises. Pourquoi entre-t-on dans un mode de coopération logistique ? Selon Dornier et Fender, les approches collaboratives offrent des capacités accrues d’adaptation et « permettent de jouer un rôle tampon face aux incertitudes et à la complexité, dimensions caractéristiques des chaînes d’approvisionnement ». Et de reconnaître que la coordination de la chaîne d’approvisionnement s’accroît dans le but de faire baisser les coûts, et que la coopération est la voie privilégiée pour optimiser les chaînes d’approvisionnement en termes de service et de coût. En résumé, « il faut coopérer pour être compétitif ». En se plaçant dans la perspective d’une logistique répartie (Colin et Paché, 1988), intégrée (Pons et Chevalier, 1993) ou encore transversale (Aurifeille et al., 1997), Morana (2003) propose d’appréhender la démarche logistique comme une fonction d’interfaces qui converge vers128

:

- un décloisonnement des fonctions internes de l’organisation ;

- un partenariat inter-organisationnel associant des fournisseurs, des producteurs, des distributeurs, des transporteurs, et des clients pour « rapprocher, voire unifier, les procédures de transaction et établir des chaînes logistiques cohérentes et transversales aux frontières interentreprises »129

.

Morana résume la démarche comme un élargissement progressif des interfaces à gérer. « La logistique a ainsi évolué d’une approche centrée sur l’entreprise stricto sensu (interfaces intra-organisationnelles) à une approche tenant compte d’un ensemble complexe de parties prenantes impliquées dans la création de valeur (interfaces inter-organisationnelles et éco-organisationnelles) ». Cette vision de la logistique axée sur la gestion des interfaces et la coordination étendue ne date pas d’aujourd’hui. En effet, Tixier et Mathe montraient déjà en 1981 que le management 128 MORANA J., De la logistique au supply chain management, E-thèque, 2003, p. 19 129 COLIN J., PACHE G., La logistique de distribution : L’avenir du marketing, Chotard & Ass. Editeurs, 1988, p. 27

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logistique est une affaire « d’hommes d’interfaces chargés d’une mission de coordination dans le cadre d’une analyse globale »130

.

En ce sens, nous allons passer en revue dans cette section différentes pratiques de coopération interentreprises, développées depuis une dizaine d’années dans le secteur des produits de grande consommation, sous l’impulsion en particulier de l’ECR.

La coopération industrie-commerce

Conscients des pertes substantielles aux interfaces industrie-commerce, évaluées en 1999 par le Boston Consulting Group à 4 % du prix de vente au consommateur en France sur la base de coûts moyens131, les industriels et les distributeurs ont décidé de faire évoluer leur relation d’affaires. Le concept de l’Efficient Consumer Response (ECR), défini comme une stratégie de partenariat industrie-commerce dans laquelle industriels et distributeurs travaillent ensemble pour accroître la satisfaction du consommateur final et réduire les coûts132

, est apparu dans un premier rapport Efficient Consumer Response : Enhancing Consumer Value in the Grocery Industry, publié en 1993 par le cabinet Kurt Salmon Associates. Cette étude anticipait des réductions de prix de l’ordre de 10 % et des diminutions de 40 % des niveaux de stocks sur l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement.

Historiquement, l’intérêt pour l’ECR en Europe est parti d’Italie avec la création en 1994 d’ECR Italia, rapidement suivie d’un vaste mouvement européen qui compte aujourd’hui pratiquement autant de bureaux ECR qu’il y a de pays en Europe133

. ECR France a été inauguré en 1997 et compte aujourd’hui plus de 80 entreprises adhérentes et un nombre impressionnant de travaux conjoints réalisés sur les thèmes de l’EDI (menés sous la houlette de GS1 France), de la Gestion Partagée des Approvisionnements (GPA), de la Gestion Mutualisée des Approvisionnements (GMA), de la gestion collaborative sur les prévisions de vente (CPFR), de l’efficacité des promotions, de l’efficacité des assortiments, du lancement de produits nouveaux, du taux de service au consommateur (mesure de la rupture en linéaire), etc. Au niveau mondial, l’ECR se développe sur tous les continents.

Le point de départ demeure la mise en place d’un schéma où les deux partenaires sont gagnants, impliquant de fait la nécessité de repenser complètement leurs relations. En effet, la relation commerciale vue par l’ECR consiste clairement à substituer la relation traditionnelle acheteur-vendeur par une relation multifonctionnelle qui intègre la palette des compétences et des activités en charge de la dynamique coopérative entre l’industriel et le distributeur. L’arrivée de nouveaux métiers, tels que le chargé d’enseigne ou le prévisionniste chez l’industriel, le category manager chez le distributeur, traduit les évolutions organisationnelles qu’implique la mise en œuvre de l’ECR. Convaincus de l’intérêt de collaborer dans une situation de type « gagnant-gagnant » plutôt que dans un jeu à somme nulle, les partenaires économiques décident de faire coopérer les fonctions Ventes, Achats, Marketing, Logistique et Informatique situées de part et d’autre de la relation d’affaires. Chacun des chantiers pour lequel une coopération est envisagée donne lieu à l’identification de leviers d’action concrets. Comme le font remarquer Dornier et Fender (2001), « il se révèle à l’expérience qu’un nombre significatif de ces leviers se trouve être de nature logistique et concerne aussi bien l’action sur le flux de marchandises que sur le flux d’information »134

130 TIXIER D., MATHE H., Logistique et management : voie de la compétitivité, Harvard L’Expansion, n°22, 1981, p. 34

.

131 ECR France, Guide des bonnes pratiques logistiques, ECR France, 1999, p. 25 132 MARTIN A., ECR, Démarche et composantes, Traduit par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, Jouwen Editions, 1997, p. 17 133 JOUENNE T., En marche vers les Européennes… de l’ECR, Stratégie Logistique, n° 15, 1999 134 DORNIER P.-P., FENDER M., La logistique globale, Editions d’Organisation, 2001, p. 375

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Avant de présenter les principaux modèles de collaboration connus, précisons que le développement de la coopération entre les industriels et les distributeurs n’exclut pas a priori ni l’affrontement ni l’évitement135

. Cette réflexion rejoint la théorie de Freund (1983) sur le conflit, précédemment évoquée, selon laquelle il est inévitable. Bien que la logistique puisse intervenir sur des questions techniques, il faut admettre que la négociation se joue ici entre les fonctions commerciales des deux entreprises. La négociation commerciale reste donc l’apanage des fonctions Achats et Ventes de part et d’autre de la relation commerciale. En cas d’échec, elles peuvent conduire à la remise en cause des accords de partenariat pré-établis. Ce risque fait partie du « jeu » de l’ECR, comme l’admettent les protagonistes.

Sur ce point, Colin (2002) relativise en affirmant que la notion de pouvoir n’est pas nécessairement une notion négative impliquant une dégradation des relations d’échange. Au lieu d’opposer les notions de coopération et de compétition, il indique que le phénomène de coordination inter-organisationnelle apparaît comme une dynamique d’apprentissage progressif, allant de la phase de construction de la coordination à la maîtrise de la chaîne logistique, en passant par la synchronisation des flux136

.

La coopération informatique (EDI)

L’EDI (Echange de Données Informatisé) est considéré comme la clé de voûte des relations industrie-commerce rendant le partenariat techniquement possible et économiquement profitable pour tous les participants137

. C’est un pré-requis de tout programme ECR.

Activement promu par GS1 France, il garantit l’interconnexion et la réactivité de la chaîne logistique. Il permet la mise à jour de l’information produit ou partenaire et l’échange de messages commerciaux (commande, avis d’expédition, facture, etc.) directement intégrés dans les applications informatiques des partenaires. Il assure les échanges d’informations de divers processus tels que la gestion partagée des approvisionnements, l’échange de prévisions, la traçabilité, la synchronisation des informations produit entre les partenaires (catalogue électronique)… en toute sécurité grâce au certificat d’authentification et au cryptage des données. Sa mise en œuvre permet de remplacer le flux papier (fax, courrier…) et de réduire les temps de saisie, le nombre de litiges, les coûts de communication, les délais d’émission et de réception, et dans une certaine mesure les stocks et l’incertitude grâce au temps réel et à la fiabilité des transactions électroniques138

.

Selon GS1 France, l’EDI représente un enjeu commercial et stratégique, car il permet de sécuriser la chaîne d’approvisionnement. Associé aux techniques d’identification auto-matique (codes à barres, RFID), il contribue à garantir la traçabilité des produits. Grâce aux progrès des technologies de l’information et de la communication, il s’adresse désormais au PME. Le web EDI, notamment, permet la mise en relation des PME avec la grande distribution pour l’échange de données commerciales et logistiques à prix compétitif. L’émergence du métalangage XML, recommandé par le W3C (consortium gérant les standards du web) depuis 1998, ne vient pas remplacer l’EDI139

135 PACHE G., SAUVAGE T., La logistique – Enjeux stratégiques, Vuibert, 2004, p. 155

. Au contraire, XML s’appuie sur les dictionnaires de données GS1 de l’EDI et permet les échanges de données sur le web. Ainsi, les messages EDI ont-ils la possibilité de transiter aussi par le réseau Internet.

136 COLIN J., De la maîtrise des opérations logistiques au supply chain management, Gestion 2000, p. 59-74 137 VANDAELE M., Commerce & Industrie – Le nouveau partenariat, 1998, p. 17 138 GS1 France, Commerce électronique BtoB – Outils et solutions pour les petites et les grandes entreprises, GS1 France - ECR France, 2003, p. 11-22 139 JOUENNE T., Un standard pour mieux communiquer, Interview de P. Georget, directeur général de GS1 France, Stratégie Logistique, n° 19, 1999

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La coopération marketing (category management)

Au niveau de la collaboration commerciale, la gestion catégorielle (category management) mobilise les services marketing des deux partenaires afin d’augmenter les ventes et la rentabilité de chacun. La gestion par catégories repose sur la segmentation des catégories et le regroupement des produits en fonction de la stratégie de l’enseigne et des profils de consommation des clients finaux. L’objectif de cette démarche consiste pour les industriels et les distributeurs à mieux connaître la demande du consommateur afin de présenter une offre plus adaptée. Les deux parties définissent ensemble la structure de la catégorie, les objectifs commerciaux, les stratégies commerciales, les tactiques de pricing, de promotion, d’assortiment, ainsi que le plan de mise en œuvre140

. Ceci induit une réflexion sur le potentiel du linéaire et celui de chaque catégorie. Ce rapprochement s’inscrit dans la ligne du trade marketing qui consiste à « intégrer dans la stratégie de la marque la stratégie de l’enseigne », selon l’expression de Louis-Claude Salomon (1992). Pour plus de réactivité, il peut s’appuyer sur le partage des sorties caisses afin d’analyser rétroactivement l’efficacité des opérations conjointes.

La coopération logistique (GPA)

Venant concrétiser la coopération logistique entre industriels et distributeurs, la gestion partagée des approvisionnements (GPA – cf. définition en annexe 1) s’inscrit dans une démarche de flux tirés par la demande. Cette technique française, proche du concept américain VMI (Vendor-Managed Inventory), a été expérimentée en 1989 par deux pionniers du rapprochement industrie-commerce, Maël Barraud et Bruno Bourgeon, à l’époque respectivement directeur logistique de l’enseigne Continent et directeur de la logistique clients chez Unisabi, entre les entrepôts d’Aubergenville et d’Orléans. Initialement basée sur des échanges par Minitel, la GPA va connaître un essor considérable à partir de 1995 où elle bénéficie des apports de l’EDI et de la dynamique de l’ECR en France. La GPA se définit comme un système réactif de calcul des approvisionnements piloté par le fournisseur pour le compte de son client au niveau article/entrepôt. Elle repose sur la prise en charge par l’industriel des approvisionnements du distributeur et garantit un taux de service quasi irréprochable et un niveau de stock de l’ordre de deux semaines, en échange d’informations quotidiennes sur les stocks, les sorties entrepôts, les promotions à venir, les propositions de commande, etc. transmises par EDI141. Les flux sont tirés par la demande des consommateurs (sorties entrepôts) et non plus poussés par les fournisseurs. Ayant d’abord concerné les produits à forte rotation, elle s’applique aussi aux produits à faible rotation, dès lors que les flux sont regroupés sur un nombre restreint d’entrepôts et/ou gérés par le biais de techniques multipick et multidrop (cf. définitions – Annexe 1) 142

.

Aujourd’hui généralisée à l’ensemble des produits d’épicerie sèche gérés sur stock dans les entrepôts distributeurs, étendue à d’autres secteurs d’activité, adoptée par l’ensemble de la distribution généraliste en France, et utilisée dans la plupart des pays d’Europe, aux Etats-Unis, en Asie et en Amérique du Sud, elle permet le réapprovisionnement continu d’un grand nombre d’entrepôts de par le monde. La GPA a montré son efficacité en termes de réduction des stocks (jusqu’à 50 % chez les distributeurs), d’amélioration du taux de service (proche de 100 %), d’optimisation des chargements, et de réduction de l’incertitude143

.

140 JOUENNE T., De la valeur à tout prix !, Stratégie Logistique, n° 17, 1999 141 GS1 France, GPA - Manuel de mise en œuvre et outils d’identification et de communication, 2001 142 JOUENNE T., 10 ans de GPA, l’aventure continue !, Stratégie Logistique, n° 20, 1999 143 ECR France - GS1 France, EDI et Gestion partagée de l’approvisionnement, 1999

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La coopération logistique et commerciale (CPFR)

Comme évoqué dans la section sur les interfaces internes, la coordination des politiques commerciales et logistiques est une condition sine qua non pour la performance de l’entreprise. Dans le cadre d’une collaboration interentreprises, celle-ci est devenue possible grâce au modèle CPFR (Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment), premier processus de gestion globale de l’offre et de la demande. Le CPFR a été mis au point en 1998 aux USA par le VICS144 et vulgarisé en 2000 en France dans les instances paritaires de GS1 France et ECR France145

. Inscrit au rang des concepts de l'ECR dans la famille dite des « intégrateurs », il va au-delà du partenariat logistique – aujourd'hui bien implanté grâce aux apports de la GPA – en inaugurant la coopération des fonctions logistiques et commerciales.

Le CPFR se résume à un processus collaboratif de gestion globale de la supply chain (cf. annexe 2) relié aux sorties caisses (ou aux sorties entrepôt) et combinant les problématiques de l'offre et de la demande typiquement développées dans une démarche ECR, comme l’ont montré Henkel et Eroski dans leur expérience conjointe en 2000146

.

La nouveauté vient de l'intégration des stratégies commerciales client-fournisseur dans un processus commun dans le but d'accroître la visibilité des acteurs de la supply chain, d'améliorer la qualité des prévisions de vente, de contribuer à réduire l’incertitude, de réduire les coûts, et de mieux répondre à la demande du consommateur. L'élaboration et la gestion conjointe des prévisions de vente, en particulier les promotions (35 % des ventes totales en Europe sont des produits promotionnels - ECR, 2002), sont au centre de la relation d'affaires.

La coopération amont

Nous venons de présenter différentes techniques de coopération inter-organisationnelle. Soulignons que l’ensemble de ces « outils » est tourné vers l’aval de la chaîne, exception faite pour l’EDI qui s’applique à tous les acteurs tout au long de la chaîne. Cette partie de la chaîne est d’ailleurs appelée « demand side » par les Américains. D’autres techniques existent. Elles se situent en amont de la chaîne d’approvisionnement (supply side) et portent le nom de SRM (Supplier Replenishment Management – cf. définition en annexe 1) ou d’e-procurement, concept déjà évoqué dans la section consacrée à la fonction Achats. Comme pour les techniques situées en aval, elles visent l’optimisation des interfaces, cette fois-ci… entre le fournisseur et l’industriel, dans le but de rendre la chaîne synchrone du consommateur final au fournisseur du fournisseur. Bien que ces techniques permettent de créer de la valeur additionnelle, du fait qu’elles se rapprochent d’un pilotage en temps réel, qu’elles génèrent fluidité et réactivité, qu’elles permettent de réduire les coûts et d’augmenter les ventes, qu’elles favorisent transparence et confiance, il est important de rappeler qu’elles ne sont pas universelles. En effet, leur domaine d’application est délimité, et surtout, elles entraînent de profonds changements organisationnels qui freinent leur mise en œuvre. L’objet de notre propos n’est pas de présenter les conditions de mise en œuvre de ces méthodes, mais de rappeler que l’optimisation des interfaces est un exercice difficile pour lequel la finalité du projet commun doit être clairement définie et soutenue par les directions générales des deux entreprises. 144 VICS, CPFR : Concepts, carte routière et premiers pilotes internationaux, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, E. Renon, Jouwen Editions, 2000 145 GS1 France - ECR France, Plan, prévisions et approvisionnements concertés – Manuel de mise en œuvre du CPFR, 2001 146 JOUENNE T., Henkel – Eroski : L’efficacité prouvée du CPFR, Stratégie Logistique, n° 26, 2000

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Pour les entreprises qui parviennent à mettre en œuvre un programme ECR, les avantages de la coopération se répartissent entre les fournisseurs, industriels, distributeurs et consommateurs, même si les retombées ne sont pas égales entre les acteurs. Comme le rappellent Baglin et al.147

:

- les industriels reconnaissent que l’ECR leur a permis d’avoir une connaissance plus précise de la demande, d’améliorer la planification de leur production, de diminuer les risques de rupture et de développer de meilleures relations avec les clients ;

- les distributeurs ont vu leurs stocks réduits dans leurs entrepôts, les risques de

rupture dans les rayons diminuer, et leurs relations avec les fournisseurs s’améliorer ;

- les consommateurs ont constaté moins de ruptures dans les rayons, une meilleure fraîcheur des produits et une meilleure traçabilité.

Enfin, terminons sur de nouvelles perspectives. Les accords de coopération ont longtemps concerné presque exclusivement les grands groupes industriels au point de paraître élitistes. Depuis peu, ils commencent à s’étendre aux PME selon un modèle one-to-many (plusieurs PME en relation avec un distributeur) grâce aux technologies de l’information et de la communication qui contribuent à la démocratisation du partenariat (à l’aide du web EDI, de plates-formes mutualisées, etc.)148

.

Interconnexions avec les transporteurs et les prestataires logistiques

Pour terminer notre tour d’horizon sur les interrelations de l’entreprise avec ses partenaires, nous allons rapidement évoquer les liens avec les transporteurs et les prestataires logistiques. Très développée en France, la sous-traitance des opérations logistiques se définit principalement en termes de négociation, d’organisation et d’optimisation des opérations, et de suivi des performances dans le cadre d’échanges d’informations, de cahier des charges ou de tableaux de bord entre les parties prenantes. A ce propos, Meyronneinc (1998) souligne la complexité des relations entre les opérateurs (détenant les moyens), les organisateurs et les logisticiens, le tout dans un environnement en pleine mutation149

.

Cette partie pourrait être développée plus en détail tant les opérations sous-traitées évoluent et concernent de plus en plus d’activités jusque-là effectuées par les distributeurs et les industriels : conditionnement à façon, constitution de lots promotionnels, différenciation retardée, co-manufacturing, contrôle qualité, service après-vente avec la reprise du matériel endommagé, etc.150

. Mais par souci de concision, le passage en revue des relations entre l’entreprise et les prestataires logistiques se limite à ce bref aperçu.

Vers une représentation systémique des fonctions de l’entreprise Au terme de son analyse des fonctions de l’entreprise, Schmitt (2002) propose dans son livre un schéma synthétique reproduisant sa vision de la place et des interactions des fonctions de l’entreprise151

147 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 429

(cf. figure 17).

148 GS1 France, Commerce électronique BtoB – Outils et solutions pour les petites et les grandes entreprises, GS1 France - ECR France, 2003, p. 14-17 149 MEYRONNEINC J.-P., Le transport face à l’environnement, Celse, 1998 150 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 184 151 SCHMITT J-P., Manuel d’organisation de l’entreprise, Puf, 2002, p. 558

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Dans ce schéma, l’entreprise et ses domaines fonctionnels sont représentés par des relations entre les fonctions et les environnements qui s’interpénètrent. Cette représentation, d’après son auteur, illustre les positions relatives des fonctions et les liens les plus importants entre elles. Pour décrire les relations, Schmitt part de l’axe vital de l’entreprise : achats, production, logistique, vente, finance. On remarque au passage que sa vision de la chaîne de valeur recoupe en plusieurs points la vision porterienne qui positionne la logistique dans la chaîne opérationnelle. Elle regroupe dans le même environnement fonctionnel la logistique, la production et la maintenance, et établit un lien direct entre la logistique et les achats via la production, ce qui est logique au vu des interactions que nous avons montrées. En revanche, la fonction Qualité, pourtant transversale, est seulement représentée dans l’environnement clients à proximité des ventes.

Figure 17 : Fonctions et environnements de l’entreprise

Source : Schmitt, 2002 Ce schéma montre la difficulté de représenter la place et les articulations des fonctions les unes par rapport aux autres. Il est certes ouvert sur l’extérieur à travers les relations avec les clients et les fournisseurs, mais il ne traduit pas la richesse des relations inter-organisationnelles que nous avons évoquées. Enfin, bien qu’il révèle l’importance des domaines fonctionnels et des liens entre les fonctions, il ne laisse pas non plus transparaître les enjeux économiques, la dynamique des marchés, et la diversité des approches et des outils utilisés par les entreprises en quête de performance et d’agilité. Comme l’a précisé l’auteur, ce schéma propose de représenter l’entreprise sous l’angle structurel de ses fonctions et de ses interrelations. A première vue, celles-ci ne suffisent pas pour montrer le potentiel de la logistique dans la chaîne de valeur. Nous devrons donc le compléter entre autres par l’insertion des activités majeures de la logistique, comme l’indique notre deuxième hypothèse dans la section 6.4.

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Conclusion Pour affronter la concurrence dans le climat d’incertitude et de changement qui caractérise le marché mondial, les organisations doivent développer leur capacité d’apprendre ensemble. La capacité d’apprentissage du « comment » représente une source d’avantage concurrentiel caractéristique des travaux menés sur les produits et sur les processus. Aujourd’hui, la capacité du « pourquoi » se révèle être aussi une source primordiale d’avantage concurrentiel, dès lors que le succès des relations est le facteur déterminant de la compétitivité d’une organisation ou de son efficacité interne. L’organisation d’une entreprise commence souvent par l’organigramme où sont recensées les fonctions nécessaires à son fonctionnement. Or comme le rappelle Grégoire (2004), « il est préférable de penser l’entreprise à travers le jeu de ses interactions internes et externes avant de considérer les fonctions »152

.

L’analyse du contexte relationnel de la logistique, que nous avons étendu à celui de l’entreprise, montre justement la richesse des liens existants. Toutes les fonctions de l’entreprise sont globalement interconnectées les unes avec les autres. De même qu’un grand nombre d’interactions existent avec l’ensemble des partenaires externes. Ces liens forment le tissu de la coopération commerciale, technique et administrative entre les acteurs de la chaîne de valeur dont l’action est orientée vers la satisfaction client. A l’aide du « macroscope », selon l’expression de Joël de Rosnay (1975) qui invente un instrument symbolique pour l’observation des systèmes complexes tels que la nature, la société, l’homme, en filtrant les détails, amplifiant ce qui relie, et faisant ressortir ce qui rapproche153

, nous appréhendons mieux le fonctionnement de l’entreprise en général, et le rôle de la logistique en particulier. Les interactions mises en évidence nous renseignent sur la nature des liens entre les fonctions, mais aussi sur la force de leurs interfaces a priori et l’importance de la valeur engendrée.

Au terme de l’analyse de l’ensemble des fonctions de l’entreprise – excepté la direction générale et la communication abordées d’une autre manière dans le chapitre sur la stratégie d’entreprise – et des grandes connexions interentreprises, nous mesurons à quel point la chaîne de valeur est d’une infinie complexité. Au sein de l’entreprise, les liens entre les fonctions sont nombreux, sachant que celles-ci peuvent s’opposer, se combattre mutuellement pensant d’abord à leurs propres intérêts… au détriment de l’intérêt général. Nous avons mis en évidence que plusieurs fonctions font partie intégrante de la chaîne logistique telles que les achats en amont, les ventes et le marketing en aval, avec au cœur la production, et de façon transverse la qualité, l’informatique et le contrôle de gestion. Le rôle de la fonction Logistique dans la phase de conception des produits a aussi été souligné en raison de l’importance du soutien logistique intégré tout au long du cycle de vie du produit. A plusieurs reprises, il a été signalé comment la logistique, de par sa dimension transversale et sa mission de coordination des flux, joue un rôle de coordinateur de l’offre et la demande, mais aussi de médiateur entre les fonctions dont les intérêts sont divergents, de facilitateur et d’organisateur de la coopération avec les partenaires externes de l’entreprise, et de

152 GREGOIRE L., Supports de cours : Approfondissement de la logistique systémique, CNAM Paris, 2004 153 ROSNAY de J., Le macroscope, Editions du Seuil, 1975, p. 10

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gestionnaire des interfaces afin de garantir la continuité des flux de produits et d’infor-mations. Ces allégations ne proviennent pas uniquement de spécialistes de la logistique, juges et parties du thème en question ; elles sont aussi partagées par des généralistes comme Schmitt, spécialiste de l’organisation dans l’entreprise. Compte tenu de son rôle que nous qualifierons de multi-relationnel de par la diversité des contacts et du dialogue qu’elle entretient, il nous semble que la logistique peut être considérée comme une fonction à part entière. En effet, d’après notre analyse, aucune autre fonction dans l’entreprise ne possède ses attributions, mais toutes sont impliquées dans la réussite de sa mission. C’est dire l’importance de son rôle de médiateur, osons dire de réconciliateur et de fédérateur, visant à combattre les individualités au profit d’une logique de flux, de l’optimisation globale, somme toutes de l’intérêt général. Sous les traits de la chaîne logistique, dont se dégage l’idée d’intégration, de continuité et d’optimisation globale – comme l’exprimait déjà Schmitt dans son analyse synthétique des fonctions de l’entreprise – se dessine l’image d’une logistique coordinatrice d’un réseau étendu. Cette image représente la mission principale de la logistique ! Aussi tenterons-nous de la traduire et de la faire ressortir, dans la mesure du possible, au centre du tableau cartographique de la logistique. Bien entendu, nous représenterons aussi dans ce tableau l’ensemble des fonctions analysées et impliquées dans la chaîne logistique. Nous chercherons enfin à faire apparaître les différents rôles de missionnaire, médiateur, modélisateur et modérateur (régulateur) prêtés à la logistique. Revenons à la dualité des fonctions Qualité et Logistique que nous avons déjà en partie évoquée. Bien que la fonction Qualité soit également tranversale et partage les mêmes objectifs que la logistique, il ressort de cette étude que sa mission diffère de celle de la logistique. En effet, elle n’a pas vocation à « donner le tempo » des flux et des stocks en vue de satisfaire la demande. En revanche, sa contribution apparaît plus clairement ; elle apporte à la logistique différents outils tels que ceux destinés à la résolution des problèmes, à la maîtrise des processus et à l’amélioration des interfaces. Au-delà de la coordination d’unités opérationnelles, nous avons montré dans ce chapitre comment la logistique relève aussi d’une démarche intégratrice à travers la gestion des interfaces entre les différentes fonctions internes et externes dans la chaîne de valeur. Cette caractéristique se manifeste notamment par le concept de supply chain management que nous développerons plus loin. On prête à la logistique une fonction de réduction de l’incertitude par l’anticipation, la gestion des stocks, l’optimisation de la distribution physique, ainsi que la réduction des délais. Ces techniques sont liées aux activités et aux outils du supply chain manager que nous allons décrire dans la section suivante, dédiée au potentiel de la logistique. A ce stade de la recherche, alors que nous n’avons pas encore présenté les activités spécifiques de la logistique, il est intéressant de noter combien nous avons déjà une bonne idée de son rôle et de son importance dans l’entreprise et la chaîne de valeur. C’est tout l’intérêt de l’approche systémique que de privilégier les interactions et les interfaces avant les activités créatrices de valeur.

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7.8 La logistique Ce chapitre est consacré à l’analyse du potentiel de la logistique. Après avoir mis en exergue la nature des différents liens qui la relie au monde complexe qui l’entoure, nous allons nous intéresser ici à l’essence même de la logistique en termes de démarche, de finalité, de processus, de principes d’action, d’activités clés, de compétences, de tableau de bord et de référentiel d’évaluation. Afin d’offrir une vision d’ensemble de l’univers fonctionnel de la logistique, sans entrer dans les détails, ce chapitre ne présente que les pièces maîtresses, les concepts clés, les leviers et les ressorts qu’elle utilise pour remplir sa mission principale de coordination. Rappel historique Retraçant l’histoire de la logistique dans un livre magnifiquement illustré, Roumi et Thomas (2004) rappellent que la logistique n’est pas née avec l’économie de marché dans la seconde moitié du 20ème siècle, mais bien avant… au temps de l’Antiquité lors de l’émergence des premières cités romaines ou des conquêtes militaires comme celles d’Alexandre le Grand154. A cet égard, nous citons les travaux de Laly (2002) qui a cherché à montrer les apports et les limites de la logistique de l’armée macédonienne155

.

Si l’on définit couramment la logistique comme « l’ensemble des opérations nécessaires à la mise à disposition des produits sur les lieux de vente en partant de leur production » (définition du Grand Larousse illustré), l’ensemble des moyens, comme le font remarquer Roumi et Thomas, « aussi rudimentaires fussent-ils, mis en œuvre par nos ancêtres pour transporter et stocker leurs marchandises, relevait bien de la logistique… ». Ils ajoutent que l’apport militaire à la logistique a été considérable. En effet, comment conquérir des empires ou des contrées lointaines sans un minimum d’organisation pour assurer le transport des troupes, les approvisionnements en équipement et le ravitaillement ? Comment Alexandre le Grand, Guillaume le Conquérant qui partit duc de Normandie et revint roi d’Angleterre, l’empereur Napoléon, et plus près de nous, les Alliés auraient-ils pu réussir leurs exploits sans une logistique efficace ? A l’inverse, combien de grands projets ont-ils été compromis ou définitivement perdus faute d’atout logistique ? Si la conceptualisation de la logistique date de la Seconde Guerre mondiale, où le débarquement des Alliés sur les plages de Normandie exigea la mise au point de modèles mathématiques (recherche opérationnelle, PERT…) pour coordonner les approvision-nements avec l’avancée des troupes, il faudra attendre la fin du siècle dernier pour qu’elle devienne un domaine d’activité à part entière, avec ses acteurs, ses métiers, ses concepts et ses outils. Evolution des activités logistiques La logistique, jusqu’aux années 70, privilégie les techniques liées au traitement physique des flux de marchandises (gestion des stocks, organisation des tournées de livraison, calcul d’ordonnancement). Depuis, ses missions se sont considérablement élargies. Aux flux physiques se sont rajoutés les flux d’informations associés. La fonction logistique s’étend désormais de la conception du système industriel et logistique – nécessaire à la

154 ROUMY S., THOMAS G., En toute logistique, Editions Jacob-Duvernet, 2004, p. 7 155 LALY X., Logistique civile moderne : Apports et limites de l’armée macédonienne sous Alexandre le Grand, Mémoire de D.E.A., CNAM Paris, 2002

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fabrication, à la distribution et au soutien des produits tout au long de leur cycle de vie – à la gestion du système logistique dédié au pilotage des flux et des stocks jusqu’à leur point de consommation, incluant la gestion des retours. Définitions Le développement de la fonction logistique moderne dans les entreprises a son origine dans la gestion des stocks et le transport des marchandises. Correspondant toujours à l’image de la logistique communément répandue… encore aujourd’hui, la définition « élargie » de la logistique remonte pourtant en 1972 lorsque le NCPDM (National Council of Physical Distribution Management) – organisation américaine de promotion de la logistique connue depuis 1986 sous le nom de CLM (Council of Logistics Management) – lui confère les compétences suivantes : « Terme désignant l’intégration de deux ou plus de deux activités dans le but de planifier, mettre en œuvre et contrôler un flux efficient de matières premières, produits semi-finis et produits finis, de leur point d’origine au point de consommation. Ces activités peuvent inclure, sans que la liste soit limitative, le type de service offert aux clients, la prévision de la demande, les communications liées à la distribution, le contrôle des stocks, la manutention des matériaux, le traitement des commandes, le service après-vente et des pièces détachées, le choix des emplacements d’usines et d’entrepôts, les achats, l’emballage, le traitement des marchandises retournées, la négociation ou la réutilisation d’éléments récupérables ou mis à la ferraille, l’organisation des transports et le transport effectif des marchandises ainsi que l’entreposage et le stockage »156

.

Cette définition-description ouvre le champ d’action du supply chain manager. Celui-ci voit son rôle s’élargir sur la totalité du cycle de vie du produit avec de nouvelles prérogatives fonctionnelles telles que la gestion des commandes et des prévisions de la demande. Pour leur part, Tixier et al. (1996) proposent une définition mettant en avant la complexité et les implications de la logistique : « La fonction de la logistique dans l’entreprise est d’assurer à moindre coût la coordination de l’offre et de la demande, aux plans stratégique et tactique, ainsi que l’entretien à long terme de la qualité des rapports fournisseurs-clients qui la concernent ».157

Lui donnant une dimension processuelle, la définition aujourd’hui proposée par le CLM désigne la logistique comme « un processus permettant de planifier, mettre en œuvre et contrôler un flux et un stockage efficaces et efficients de matières premières, d’en-cours, de produits finis et d’informations, du point d’origine au point de consommation, dans le but de se conformer aux exigences du client »158

.

Pour la commission de normalisation de la logistique à l’AFNOR, dont les travaux portent sur la terminologie, la démarche logistique, le processus logistique, les activités logistiques et les acteurs de la logistique, « la logistique est la planification, l’exécution et la maîtrise :

- des mouvements et des mises en place des personnes ou des biens ; - des activités de soutien liées à ces mouvements et à ces mises en place ;

… au sein d’un système organisé pour atteindre des objectifs spécifiques »159

156 TIXIER D. et al., La logistique d’entreprise – Vers un management plus compétitif, Dunod, 1996, p. 29

.

157 TIXIER D. et al., La logistique d’entreprise – Vers un management plus compétitif, Dunod, 1996, p. 33 158 www.clm1.org 159 NF X 50-600, Logistique – Fonction et démarche logistiques, AFNOR, 1999, p. 4

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La chaîne logistique ou supply chain est « une suite d’événements, pouvant inclure des transformations, des mouvements ou des mises en place, et apportant une valeur ajoutée ». La démarche logistique est globale et s’applique à l’ensemble des acteurs de la chaîne logistique, depuis les phases de conception et de développement des produits jusqu’à leur retrait du marché. Comme on l’a vu, elle s’inscrit successivement dans la stratégie de l’entreprise, la stratégie marketing et la démarche qualité. Comme le décrit l’AFNOR, « elle permet, au travers d’une gestion rigoureuse des interfaces, de transformer une succession d’opérations en un processus global intégré [ ] permettant à l’entreprise d’atteindre ses objectifs généraux et sectoriels, tout particulièrement ceux du service au client aux meilleures conditions économiques ». L’AFNOR ajoute que la finalité de la fonction logistique est de « satisfaire des besoins exprimés ou latents, internes ou externes, aux meilleures conditions économiques pour un niveau de service déterminé ». Cette définition recoupe bien entendu celle de Heskett (1977) qui souligne l’importance de la maîtrise du couple valeur-coût : « Le but de la logistique est de répondre à la demande suivant un niveau de service fixé, au moindre coût »160

.

Pour illustration, Grégoire (2004) schématise la démarche logistique comme étant la recherche systématique du moindre coût à taux de service équivalent dans une démarche d’amélioration continue impliquant l’ensemble des acteurs intervenant dans le processus logistique161

(cf. figure 18).

Figure 18 : La démarche logistique

Source : Grégoire, 2004 Toutes ces définitions partagent la même vision éco-spatio-temporelle de la logistique dont les frontières s’étendent au-delà de l’entreprise pour la recherche d’un optimum global au service de la satisfaction du client.

160 HESKETT J. L., Logistics : Essential to strategy, Harvard Business Review, 1977, Traduit par Harvard L’Expansion sous le titre La logistique, élément clé de la stratégie, 1978 161 GREGOIRE L., Supports de cours : Approfondissement de la logistique systémique, CNAM Paris, 2004

Coût logistique

0%

100%

Taux de service

La démarchelogistique

… passer de la courbedu bas celle du haut !

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La logistique, telle qu’elle est définie, engloble les activités d’approvisionnement, de production, de distribution, de soutien et de logistique inverse. Celles-ci peuvent être décrites comme suit :

- Les activités d’approvisionnement consistent à programmer les livraisons dans les usines des produits de base, composants et sous-ensembles nécessaires à la production.

- Les activités de production consistent à apporter au pied des lignes de fabrication les matériaux et composants nécessaires à la production et à planifier la production ; cette organisation tend à absorber la gestion de production tout entière.

- Les activités de distribution consistent à éclater et à distribuer les lots de production, depuis les usines jusqu’aux rayons de vente chez les détaillants, à destination du consommateur final. Cette activité connaît plusieurs modes d’organi-sation selon qu’elle se situe chez l’industriel, le distributeur ou le vépéciste (vente à distance).

- Les activités de soutien, initiées chez les militaires mais étendues à de nombreux secteurs, visent à assurer la maintenance des produits en cours d’usage.

- La logistique inverse, quant à elle, permet de fermer la boucle en organisant la collecte et le retrait des produits en fin de vie pour le recyclage.

La partie qui suit est consacrée au processus logistique, défini par l’AFNOR. Sous cette forme, il intègre toutes les activités attribuées à la logistique, organisées en sous-systèmes et sous-processus, dont la mise en œuvre génère de la valeur logistique à chacun des stades du cycle de vie du produit. A cet égard, il représente sans conteste l’une des sources du potentiel logistique. Le processus logistique En 1999, la norme NF X 50-600 introduisait seulement le processus logistique ; il restait à le décrire en détail à partir des activités logistiques et de leur enchaînement. Ceci a conduit à la publication, en juillet 2002, de la fiche descriptive « FD X 50-604 : Processus logistique ». Celle-ci a pour vocation de servir de référentiel pour l’évaluation des performances des différentes phases du processus logistique. Par exemple, lors de l’analyse d’un site ou d’une organisation logistique, elle permet de vérifier que toutes les conditions sont remplies afin de garantir la continuité du processus. Pour guider le supply chain manager, la fiche descriptive comporte des boîtes d’assistance destinées à expliciter le contenu de chaque activité. La démarche ainsi que les étapes du processus s’appliquent aussi bien à des activités logistiques de biens que de services, dans les entreprises privées ou publiques. La norme AFNOR spécifie que le processus logistique se déroule tout au long du cycle de vie du produit suivant sept étapes (cf. figure 19) :

- identifier les besoins du marché, définir la stratégie logistique ; - concevoir le système logistique ; - développer le système logistique ; - produire ; - vendre et distribuer ; - soutenir, assurer le service après-vente, mettre en œuvre la récupération ; - maîtriser le processus logistique global intégré.

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Il est important de comprendre que ces sept grandes étapes du processus logistique couvrent l’ensemble du cycle de vie du produit, depuis les premières études en phase de conception jusqu’au retrait du produit du marché après avoir été lancé, fabriqué, distribué, vendu et maintenu pendant plusieurs années. Pour chacune des étapes, la norme apporte une description détaillée des sous-processus qui lui sont rattachés en définissant le cadre d’application, les intrants, les extrants, les données permanentes, à l’image de ce que nous avons présenté dans le chapitre consacré à l’approche Processus. Par exemple, les étapes « concevoir et développer », finalement regroupées en une seule, consistent à « concevoir le système logistique et l’organisation de la chaîne des flux, définir les caractéristiques logistiques du produit (besoins et contraintes), définir les caractéristiques du système après-vente, choisir le faire ou le faire-faire, définir le profil et les aptitudes des acteurs du processus ; développer le système logistique, l’organisation, les procédures et systèmes d’informations logistiques, développer le système de service après-vente, développer les emballages, garantir la disponibilité des ressources opérationnelles (assurer la formation, …) ». Lors de cette étape, chaque produit est également défini en termes d’emballage et de conditionnement, de capacité à être fabriqué, distribué, entretenu et valorisé en fin de vie.

Figure 19 : Le processus logistique global intégré

Source : AFNOR, FD X 50-604, 2002

Intégrant les différentes couches organisationnelles, chaque sous-ensemble « identifier, concevoir, produire, vendre, soutenir » est composé d’une gamme d’activités logistiques regroupant les aspects stratégiques, tactiques et opérationnels.

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Laurentie & al. (2000) insistent sur l’intérêt des trois phases de planification, d’exécution et de maîtrise présentes à chacune des étapes du processus logistique, à l’exception de l’activité « maîtriser » qui boucle la boucle. Celles-ci sont les trois phases bien connues de tout système de management, suivant le cycle classique PDCA (plan, do, check, act) de la démarche qualité, où les opérations sont :

- d’abord planifiées (niveau stratégique) ; - puis programmées (niveau tactique) ; - avant d’être lancées (niveau opérationnel) ; - et contrôlées et corrigées en fonction de valeurs cibles162

(processus de régulation) ;

… ce qui les inscrit de fait dans une logique d’amélioration continue où le contrôle et la maîtrise des sous-systèmes et du système global, par le jeu de boucles de rétroaction, sont assurés. Force est de constater que le processus logistique défini par l’AFNOR est détaillé. Il adresse potentiellement les 600 activités que compte la logistique. Celles-ci sont agencées en des gammes opératoires génératrices de valeur logistique en termes de qualité de service, de réactivité et de maîtrise des coûts. Comme on l’a rappelé à plusieurs reprises, la conduite des activités logistiques dépend étroitement des systèmes d’information. Le système de pilotage du processus logistique et de ses composants a pour objectif la bonne coordination des opérations logistiques. Selon Grégoire (2000), il doit être intégré au système d’information global de l’entreprise, et notamment au système financier163

. Pour ce faire, la qualité des interfaces est cruciale pour garantir la continuité du processus, le contrôle de son exécution, ainsi que la correction et la prévention des erreurs et des écarts.

La norme rappelle que la logistique a un rôle de facilitateur pour les opérations associées à la vie du produit depuis sa conception jusqu’à la gestion de fin de vie. Compte tenu du niveau stratégique, tactique et opérationnel des activités du processus logistique, on comprend que celui-ci a la capacité d’intégrer toutes les étapes de management de l’entreprise en interaction avec les autres fonctions de l’entreprise. Pour illustration, prenons l’exemple de l’étape 3 « produire » du processus logistique, représentée par la figure 20 ci-après. Loin de fabriquer les produits comme son nom ne l’indique pas et prête d’ailleurs à confusion, ce sous-processus part des objectifs stratégiques de l’entreprise pour la préparation du plan industriel et commercial (PIC) et du plan de ressources avec la participation des fonctions Direction générale, Ressources humaines, Marketing, Ventes, Production, Logistique et Finances. Ensuite, l’élaboration du programme directeur de production (PDP) consiste à opérer des choix tactiques pour la programmation des dates de fabrication et d’approvisionnement. Puis l’ordonnancement des opérations de fabrication intervient au niveau de l’atelier pour l’optimisation locale des moyens de production. Comme on l’a déjà souligné, le processus logistique est transversal et peut impliquer d’autres fonctions dans sa réalisation, telle la Production plus à même de prendre en charge les activités d’ordonnancement. En final, les actions de régulation évaluent le respect des dates promises et l’optimisation des moyens de production, ce qui permet de réagir en cas d’écarts supérieurs aux limites de tolérance prévues. 162 FD X 50-604, Le processus logistique, AFNOR, 2002, p. 6 163 GREGOIRE L., Université de tous les savoirs, sous la direction de Yves Michaud, Vol. 3, Qu’est-ce que la société ?, Editions Odile Jacob, 2000, p. 655-665

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Figure 20 : Etape 3 « Produire »

Source : AFNOR, FD X 50-604, 2002 Chacune des grandes étapes du processus logistique est ainsi modélisée. Toutes les activités fonctionnelles et opérationnelles sont reliées les unes aux autres. Elles sont alignées sur les objectifs stratégiques, planifiées, programmées, exécutées, contrôlées et corrigées en fonction des écarts remontés par les multiples boucles de rétroaction. C’est ainsi que se déroule le processus logistique. Bien que les interfaces soient nombreuses entre les activités et les fonctions impliquées, leur intégration est essentielle pour le supply chain manager. Ceci représente un pari difficile à gagner sans la participation de tous et l’aide de systèmes d’information agiles et alertes ! Maintenant que nous comprenons mieux la façon dont la logistique et les systèmes logis-tiques fonctionnent, nous allons nous attarder sur les principes de base qui les sous-tendent. Les principes logistiques de base L’espace et le temps sont deux dimensions contre lesquelles la logistique se mesure cons-tamment pour délivrer les produits et les services demandés à l’endroit souhaité au moment opportun. Elle doit dans le même temps maîtriser les ressources qu’elle consomme, selon la formule de « service au client au moindre coût » (Heskett, 1977). Grégoire (1998) ajoute que le pilotage des flux s’opère dans le cadre d’une recherche d’optimisation permanente du couple valeur-coût164

164 GREGOIRE L., Optimisation des flux : Simple suivi ou véritable maîtrise ?, Logistique & Management. 1998 Vol. 6, N° 2, p. 3-5

, soulignant ainsi l’importance de la dimension économique.

3.1.4.

3.2.4.

3.4.4.

3.3.4.

Prˇ parer le PICPrˇ parer le plan de

ressources

3.1.1.

3.1.2.

3.1.3.

Plan de ventePlan de productionPlan de ressources

Programmer lesactivitˇ s Industrielles

3.2.1.

3.2.3.

Ordonnancer et lancerlÕexˇ cution des ordres

de fabrication

3.3.1.

3.3.2.

3.3.3.

Contr™ler les opˇ rations deproduction

3.4.1.

3.4.2.

3

Sˇ quencement des ordresde fabrication et deslivraisons fournisseursRelances fournisseurs

3.2.2.

3.4.3.

Compte-rendu deproductionSignaux sur ˇ carts

Programme Directeurde Production

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Le stock est l’un des principaux actifs de l’entreprise dont la valeur représente en moyenne 25 à 35 % des capitaux immobilisés dans l’industrie. Il coûte cher (frais financiers, espace de stockage, vieillissement). Aussi, la tendance, depuis que le rapport entre l’offre et la demande s’est inversé en 1973, est-elle de réduire les stocks – synonymes de gaspillage et de surcoût – afin d’offrir à l’entreprise le meilleur rendement. Etroitement surveillé par la direction générale, la finance et le contrôle de gestion, le stock est néanmoins sous la responsabilité de la logistique qui l’utilise comme une « variable d’ajustement » de son action. Comme le soulignent Courtois et al. (2003), il un rôle de régulation165

du processus logistique sur lequel le supply chain manager intervient en fonction de la variabilité de la demande et des exigences de service.

Et d’ajouter qu’il existe « différents types » de stocks :

- les stocks nécessaires à la fabrication, des matières premières, ébauches, pièces sous-traitées, pièces normalisées, pièces intermédiaires fabriquées en interne ;

- les pièces de rechange pour le parc machine, les outillages et matières consommables, les pièces, matériaux, produits pour l’entretien des bâtiments ;

- les en-cours, c’est-à-dire les stocks entre les différentes phases d’élaboration du produit entre les machines ;

- les stocks de produits finis ; - [les stocks de rechange pour la maintenance des produits en cours d’utilisation].

Lorsqu’il n’est pas maîtrisé ou anticipé par le supply chain manager, le stock peut être subi. L’origine des stocks subis provient, selon Courtois et al. (2003), d’erreurs de prévision de la demande, de surproduction, des lots de production, d’un manque de synchronisation entre les moyens de production, et d’aléas de toutes natures. En dehors des problèmes liés à la taille des lots et à la synchronisation de la production, pouvant être résolus par des modèles experts ou des techniques de type Juste-à-temps, apparaît ici un facteur critique sur lequel repose le succès de la démarche logistique. Rappelons que sa mission principale est de coordonner l’offre et la demande. Bien entendu, elle n’a aucune influence sur la demande et dépend étroitement sur ce point des informations échangées par les fonctions marketing et ventes. En revanche, elle a l’obligation de répondre à la demande dans les délais impartis au moindre coût. Pour relever ce double défi de satisfaction de la demande à moindre coût, la logistique doit ainsi disposer de la meilleure visibilité qui soit sur :

- les commandes à livrer, les prévisions de vente, les opérations commerciales (promotions, offres spéciales, lancement de nouveaux produits…) ;

- les ressources dont elle dispose (capacités de production, de stockage, de préparation, de distribution, de transport…) ;

- les facteurs influents pouvant impacter la mission (prise en compte des risques et événements pouvant perturber les approvisionnements, la production, la distribution et la maintenance du produit) ;

- les écarts prévisions/réalisations.

165 COURTOIS A., PILLET M., MARTIN-BONNEFOUS C., Gestion de production, Editions d’Organisation, 2003, p. 119

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Comme le décrit si bien Martin (1993), « il n’y a qu’une constante dans l’industrie, et elle s’appelle le changement. Nous vendons plus ou moins que prévu, les livraisons sont en retard, les équipements tombent en panne, les produits sont endommagés, passés au rebut, nécessitent des reprises, et ainsi de suite. Cela arrive tous les jours à tous les stades de la supply chain chez les détaillants, les grossistes, les distributeurs ou les fabricants »166

.

Pour pallier les incertitudes à la fois sur la demande et sur l’offre, le supply chain manager dispose, comme on l’a vu, d’un volant de sécurité qui consiste à agir sur les stocks de composants, d’en-cours et de produits finis à l’aide de différents outils et techniques, que nous ne détaillerons pas ici, en fonction des risques potentiels analysés ! Un autre volant, que nous dénommerons volant d’action, consiste à améliorer la visibilité. C’est d’ailleurs le leitmotiv du supply chain manager que de chercher à augmenter la visibilité pour optimiser l’utilisation de ses ressources en stocks et en moyens. Comme le souligne Martin (1993), le supply chain manager a besoin de systèmes qui détectent les changements et l’aident à réagir de manière à mieux piloter la chaîne d’approvisionnement. Face à ces exigences fortes, plusieurs principes de base ont été développés par différents chercheurs de renom en logistique. Posés depuis une trentaine d’années, ils représentent les fondements du pilotage de la chaîne logistique. Principe N°1

: La science des flux

L’une des premières mutations de la logistique intervient cependant plus tôt au 18ème siècle « lorsque les premiers théoriciens ont commencé à étudier l’art de la guerre comme une science des flux sur le terrain : flux de troupes, de vivres, de munitions, etc. »167

. Le baron Jomini (1779-1869), véritable initiateur du mot « logistique », lui reconnaît cette dimension et contribue à l’intégrer dans la stratégie et la tactique. Analysés sous l’angle des flux, les problèmes de coût sur les différents maillons de la chaîne débouchent alors sur de nouvelles solutions.

Un flux peut être défini comme un déplacement d’éléments dans le temps et dans l’espace. La démarche logistique renvoie fondamentalement à la gestion de deux types de flux : un flux de produits et un flux d’information, ce dernier assurant les liens en amont et en aval de la chaîne d’approvisionnement. Aurifeille et al. (1997) introduisent à juste titre un troisième flux – le flux financier – prêtant ainsi à la logistique une dimension financière qui part de l’expression du besoin jusqu’à la livraison au client et le recouvrement de la facture168

. Faisant référence à la définition de la logistique vue par l’AFNOR, les flux de personnes représentent aussi un autre flux dès lors qu’elles interagissent dans la gestion du processus logistique.

Les flux sont par nature difficiles à gérer du fait des structures complexes qu’ils traversent et des fluctuations temporelles qui les freinent ou les accélèrent. L’objectif recherché est de les synchroniser à l’aide du système de pilotage logistique et de techniques d’organisation afin d’éviter l’accumulation de stock qui résulte toujours d’une différence de flux169

166 MARTIN A., DRP, Planification des Ressources de Distribution, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, Jouwen Editions, 1996, p. 59

.

167 PIMOR Y., Logistique : Techniques et mise en oeuvre, Dunod, 2001, p. 19 168 AURIFEILLE J.-M., COLIN J., FABBE-COSTES N., JAFFEUX C., PACHE G., Management logistique : une approche transversale, Editions Litec, 1997 169 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 63-67

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Principe N°2

: L’effet « Coup de fouet »

L’entreprise fait partie d’un système dont l’impact des décisions dépasse les limites de sa propre position. Réciproquement, ses succès ne dépendent pas d’elle seulement. Ils dépendent aussi des actes de tous ceux qui font partie du système. Pour réussir elle-même, l’ensemble du système doit réussir170

. Ce raisonnement – systémique par essence – s’applique particulièrement à la logistique où la somme des optimisations locales, comme chacun sait, n’est pas l’optimum global. Comme on l’a déjà précisé, la démarche logistique consiste non pas à optimiser chaque stade du processus indépendamment des autres, mais à rechercher une performance globale au profit du client final, par la conception et le pilotage d’un système intégré.

Les effets pervers de la gestion indépendante des différents maillons de la chaîne logistique ont été mis en évidence par le professeur Jay Forrester au début des années 60 aux Etats-Unis. Celui-ci avait observé « qu’un système de distribution composé de stocks et de procédures de commandes en cascade semblait amplifier les petites perturbations qui se produisent au niveau de la vente de détail »171

. En effet, ce phénomène est spectaculaire. Il montre une amplification de la demande en amont de la chaîne logistique alors que la demande réelle a seulement subi un changement mineur en aval de la chaîne.

Cherchant à modéliser le phénomène, Sterman (1989) a mis au point le jeu de la bière (Beer Game) dont plusieurs versions informatisées existent aujourd’hui. Celui-ci montre la dynamique d’une chaîne logistique globale en reproduisant les facteurs d’amplification liés au manque de visibilité de la demande réelle, à la taille des lots de commande et de fabrication, à la faible fréquence des échanges entre les acteurs du système, et à leurs réactions individualistes face au risque de rupture172. Plus tard, Lee et al. (1997) ont développé les idées de Forrester et inventé le terme de bullwhip effect173

ou d’effet coup de fouet pour traduire le phénomène illustré par la figure 20 ci-dessous.

Figure 21 : Effet Coup de fouet

Source : Lee et al., 1997

170 SENGE P., La cinquième discipline, F1rst Editions, 1991, p. 44-71 171 FORRESTER J. W., Industrial dynamics, MIT, 1961 172 STERMAN J. D., Modelling managerial behaviour : Misperceptions of feedback in a dynamic decision making experiment. Management Science, 1989, p. 321-339 173 LEE H. L., PADMANABHAN V., WHANG S., The bullwhip effect in supply chain, Sloan Management Review, 1997, p. 93-102

WholesalerÕs Orders to Manufacture

Time0

5

10

15

20

Consumer Sales

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ManufacturerÕs Orders to Supplier

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Fondamentale, cette découverte porte aujourd’hui le nom de théorème174

de la supply chain :

Le théorème fondamental de la supply chain veut que plus on s’éloigne du consommateur final (vers l’amont), plus la variabilité de la demande augmente. Ce théorème découle des travaux de Forrester. Bien connu des supply chain managers, il est à l’origine de toutes les méthodes d’intégration de la chaîne logistique et de coopération client-fournisseur, développées depuis une trentaine d’années. Il montre en particulier que l’information sur la demande finale doit être échangée tout au long de la supply chain afin d’éviter les mouvements de panique induits par les amplifications factices de la demande aux échelons intermédiaires de la chaîne175

.

Plusieurs concepts et méthodes vont alors naître de ce constat. Le premier d’entre eux est la méthode DRP (Planification des Ressources de Distribution) conçue et développée par le Canadien André J. Martin à partir d’expérimentations menées chez Abbott dans les années 75. DRP marque le début de l’intégration de la chaîne logistique. Il consiste à recueillir les prévisions de vente le plus en aval possible auprès des clients et à déterminer les approvisionnements nécessaires au niveau de chacun des entrepôts qui jalonnent le réseau de distribution. Sur un horizon de plusieurs semaines, les besoins des entrepôts sont simulés en fonction de la demande prévisionnelle, laquelle est réactualisée hebdomadaire-ment. L’ensemble des sites de production et de distribution étant reliés et connectés via les échanges d’informations informatisés (EDI), les besoins du marché sont alors rapidement répercutés jusque dans le programme directeur de production (PDP). La cascade de réapprovisionnement, typique des programmes DRP et CRP (Continuous Replenishment Program) est magnifiquement illustrée par Martin (1998) dans son troisième livre sur le réapprovisionnement continu176

.

Premier outil de simulation de la réalité, sur le modèle de son « grand frère » MRP-2 appliqué à la production, DRP permet d’évaluer l’impact d’une hausse des ventes, d’une promotion, d’une cannibalisation des ventes, d’un lancement de nouveau produit, d’une rupture de stock, d’un transfert inter-sites, etc. sur l’ensemble du réseau de distribution en termes de taux de service, de niveau de stocks, de besoin en capacité d’entreposage ou de transport, de coût logistique ou de budget prévisionnel177

.

Selon Martin (1993), les usines doivent être pilotées par les magasins selon le principe de pilotage de la production par la demande. Dans l’introduction de son deuxième livre sur partenariat industrie-commerce, il nous partage son rêve d’intégration de la chaîne logistique tout entière. Au moment où il écrit son livre, dit-il : « la vision se réalise et devient réalité. Aujourd’hui, elle porte le nom d’ECR (Efficient Consumer Response)178

. Ce concept a été traité dans la section consacrée aux interconnexions industrie-commerce.

174 PIMOR Y., Logistique : Techniques et mise en oeuvre, Dunod, 2001, p. 25 175 PIMOR Y., Logistique : Techniques et mise en oeuvre, Dunod, 2001, p. 117 176 MARTIN A., LANDVATER D., Principes et perspectives du réapprovisionnement continu, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, Jouwen Editions, 1999, p. 27-43 177 MARTIN A., DRP, Planification des Ressources de Distribution, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, Jouwen Editions, 1996, p. 179-230 178 MARTIN A., ECR, Démarche et composantes, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, Jouwen Editions, 1997, p. 15-26

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Dans la même période, l’intérêt pour les prévisions de vente et la planification opérationnelle s’est considérablement accru afin d’anticiper les fluctuations de vente et de prendre les décisions à l’avance. Plusieurs algorithmes sont utilisés par les logiciels de prévisions de vente, mais le plus important se révèle être la qualité de l’organisation du processus de prévision. En effet, Martin (1993) lui accorde 80 % du succès contre 20 % dépendant du choix des modèles mathématiques utilisés. Ce pionnier de l’intégration de la supply chain insiste sur les interactions que la logistique doit entretenir avec le management, en particulier avec les fonctions commerciales, pour augmenter la fiabilité des prévisions. Les prévisions de vente et les commandes fermes constituent les données d’entrée du processus logistique, et notamment des APS (Advanced Planning and Scheduling systems) pour l’optimisation de l’ensemble de la chaîne logistique dont ils simulent le fonctionnement global et sous contrainte. Bien que la logistique soit un « facteur réalisateur de l’offre », selon l’expression de Laurentie et al. (2000), elle devient un « facteur indicateur de la demande »179

à travers la mise en œuvre de nouveaux flux d’information. Les auteurs font ici référence aux prévisions de vente que le supply chain manager exploite afin de mieux comprendre les évolutions du marché, d’augmenter la réactivité de l’entreprise et ainsi de faire face les fluctuations de la demande.

Principe N°3

: Demande indépendante versus demande dépendante

Selon le dictionnaire de l’APICS, référence unique du monde de l’industrie et des services, la demande indépendante correspond « à la demande d’articles qui n’est pas liée à la demande d’autres articles. Des demandes de produits finis [ … ] ou de pièces de rechange, [typiquement achetés par les clients] sont des exemples de demandes indépendantes »180

.

Les besoins dépendants, au contraire, sont générés par les précédents. Ils proviennent de l’intérieur même de l’entreprise. Il s’agit des sous-ensembles, composants, matières premières… entrant dans la composition des produits vendus. Mais ils peuvent également concerner des produits finis reliés entre eux par une nomenclature de distribution181

.

Comme le rappellent Courtois et al., ces deux types de besoin exigent un traitement totalement différent. Ce principe nous vient de Joe Orlicky, brillant chercheur américain dans les années 60 : Les besoins indépendants ne peuvent être qu’estimés par des prévisions. Les besoins dépendants, au contraire, peuvent et doivent être calculés. Par ce biais, les stocks de produits dépendants sont ajustés en connaissance de cause. Ils sont sous contrôle permanent. Les méthodes MRP-2 et DRP utilisant des nomenclatures multi-niveaux de produit ou de distribution appliquent ce principe de base pour le calcul des besoins de fabrication et/ou d’approvisionnement. Il s’agit de méthodes aujourd’hui largement utilisées par les industries de monde entier afin gérer la production et la distribution de manière plus professionnelle. On les trouve d’ailleurs au cœur des modules de GPAO (Gestion de production assistée par ordinateur) et de distribution dans les progiciels de gestion intégrés (ERP).

179 LAURENTIE J., BERTHELEMY F., GREGOIRE L., TERRIER C., Processus et méthodes logistiques – Supply chain management, AFNOR, 2000, p. 200 180 APICS, APICS Dictionary, 11ème Edition, Traduit de l’anglais, MGCM, 2005, p. 152 181 MARTIN A., DRP, Planification des Ressources de Distribution, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, Jouwen Editions, 1996, p. 69

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Principe N° 4

: Flux poussé versus flux tiré

Comme le précise Pimor (2001), « en réalité, les processus industriels sont le plus souvent tirés et poussés ». Lorsque les mises en fabrication de l’amont sont directement pilotées par les besoins de l’aval, on fonctionne en flux tiré. C’est le principe du Kanban inventé dès 1958 par le Japonais Taiichi Ohno (1912-1990) chez Toyota. Sous cette forme, la demande pilote la production. A l’inverse, lorsque l’on fabrique sur stock, on fonctionne en flux poussé avec un risque évident de déphasage avec la demande réelle. Cette distinction rejoint la précédente entre « la demande indépendante et la demande dépendante ». Elle introduit la notion de point de découplage entre les flux poussés et les flux tirés. Selon Biteau et al. (1998), le « point de découplage marque le moment où le flux de production cesse d’être piloté sur prévisions et est piloté sur commandes connues »182. Le but recherché est de faire remonter le point de découplage le plus en amont possible dans le processus de fabrication. A cet égard, on parle aussi de point de pénétration des commandes dans le processus logistique183

. Celui-ci varie selon le mode de production :

- Fabrication sur stock : L’ensemble des flux d’approvisionnement et de fabrication est géré sur prévisions. Rien n’est réalisé à la commande ;

- Assemblage à la commande : Les pièces et les sous-ensembles sont approvisionnés et fabriqués d’avance, mais l’assemblage final est réalisé après réception de la commande du client ;

- Fabrication à la commande : Les approvisionnements sont réalisés sur prévisions, mais la fabrication ne démarre qu’à la réception de la commande ;

- Gestion à l’affaire : L’ensemble du processus d’approvisionnement et de fabrication ne démarre qu’après réception de la commande ferme.

La position haute du point de découplage « représente une économie pour l’entreprise en terme de coût de stock, mais aussi une possible source de profit en terme de service, car on n’assemblera que des produits pour lesquels on possède déjà une commande ferme »184

. Le supply chain manager cherche ainsi à réduire la part des flux poussés au profit des flux tirés. Mais encore faut-il que le délai de livraison résultant, rallongé du délai d’assemblage des composants, soit en rapport avec le délai que le client est prêt à accepter.

Selon Laurentie et al., « la connaissance du point de découplage est fondamentale quand on établit la stratégie commerciale, logistique et industrielle de l’entreprise ». En effet, il conditionne les immobilisations en stock, la réactivité, les délais de livraison, et plus généralement la compétitivité de l’entreprise. En ce sens, plusieurs méthodes de tension des flux ont été développées, dont le Juste-à-temps avec comme équation fondamentale : « Production = Demande, ce qui signifie que l’industriel produit la quantité strictement nécessaire pour satisfaire au bon moment les besoins immédiats du client »185

.

182 BITEAU R. et S., Maîtriser les flux industriels : Les outils d’analyse, Editions d’Organisation, 1998, p. 57 183 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 80 184 LAURENTIE J., BERTHELEMY F., GREGOIRE L., TERRIER C., Processus et méthodes logistiques – Supply chain management, AFNOR, 2000, p. 121 185 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 631

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Le Juste-à-temps est une démarche qui vise l’augmentation de la réactivité du système logistique (livrer sans délai une demande diversifiée) en raccourcissant les cycles de fabrication et, par voie de conséquence, en réduisant les stocks. Il se combine parfaitement au lean manufacturing qui consiste à réduire le coût global de production par l’élimination des gaspillages et des opérations inutiles. Le Juste-à-temps s’applique non seulement aux phases de fabrication, mais aussi aux interfaces où s’accumulent souvent les stocks. L’incertitude et la tension des flux sont des données quantifiables. Pour ce faire, Biteau propose deux indicateurs de performance : le ratio d’incertitude et le ratio de tension des flux inaugurés dans les années 90186

. Leur lecture permet d’apprécier la fiabilité et l’efficacité des flux gérés par l’entreprise, selon la position du point de découplage à l’intersection entre les flux poussés et les flux tirés.

Principe N° 5

: La massification des flux

Ce principe fait référence aux techniques de regroupement des colis au niveau de l’organisation du transport entre les plates-formes logistiques pour l’optimisation des ressources dans la chaîne logistique. Celles-ci renvoient au cross-docking187

, au multipick et au multidrop (cf. définitions en annexe 1) qui consistent à maximiser le remplissage des camions selon une analyse rationnelle de la chaîne de transport.

Plus l’on descend la chaîne logistique vers le consommateur final, plus les coûts logistiques augmentent, « exponentiellement »188

.

Ce principe intervient en particulier dans la logistique du dernier kilomètre qui consiste à livrer les produits à l’endroit même de la demande, jusqu’au domicile du consommateur final dans le cas notamment du commerce électronique. D’autres principes de base pourraient être rapportés. Mais volontairement, nous limitons notre analyse aux principes d’action du supply chain manager. En effet, ces fondamentaux sont à la base de la réduction de l’incertitude et de l’optimisation des ressources pour le développement d’une logistique performante. Les activités logistiques La structure même de la supply chain est une source de difficultés chaque fois que l’on cherche à présenter les activités et les techniques qu’elle recouvre. Bien qu’il ne soit pas judicieux de les distinguer, on peut néanmoins constater la présence de deux types d’activités complémentaires :

- les activités logistiques traditionnelles liées au transport, magasinage, manu-tention, gestion de stock, etc. présentes à toutes les étapes de la supply chain en amont comme en aval ;

- les activités relatives au pilotage de la chaîne logistique englobant les prévisions

de vente, la planification, la simulation, la gestion des interfaces, la coopération interne et externe, bref, ce qui aujourd’hui fait référence au vocable supply chain management que nous détaillerons plus loin.

186 BITEAU R. et S., Maîtriser les flux industriels : Les outils d’analyse, Editions d’Organisation, 1998, p. 54-66 187 GS1 France, Cross-docking : Manuel de mise en œuvre des outils d’identification et de communication, GS1 France, 2001 188 PIMOR Y., Logistique : Techniques et mise en oeuvre, Dunod, 2001, p. 39

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A ce stade de la recherche bibliographique, la quasi totalité des activités logistiques a été adressée. Stock et Lambert (2001), professeurs américains de marketing et logistique, dressent une liste 13 activités clés de la logistique, depuis le point d’origine des matières premières jusqu’au point de consommation des produits finis, reproduite ci-après189

:

- Service client - Prévision de la demande - Gestion des stocks - Communications logistiques (via EDI, Intranet, Internet) - Gestion des flux - Gestion des commandes - Conditionnement - Soutien logistique - Choix des implantations de sites - Approvisionnements - Logistique inverse - Gestion du transport - Gestion d’entrepôt

Celles-ci regroupent des activités stratégiques, fonctionnelles et opérationnelles. Elles recoupent aussi la liste des 21 agrégats d’activités principales définis par l’AFNOR :

Tableau 1 : Liste des 21 agrégats d’activités (AFNOR FD X 50-602)

1 Activités relatives à la gestion du service client

2 Activités relatives à la gestion logistique

3 Activités relatives aux développements logistiques

4 Activités relatives au conseil logistique (interne et externe)

5 Activités relatives au marketing et à la politique commerciale

6 Activités relatives à la vente et l’après-vente

7 Activités relatives à la prise et à la gestion des commandes clients

8 Activités relatives aux achats et aux approvisionnements

9 Activités relatives aux commandes fournisseurs

10 Activités relatives à la conception et au développement des produits

11 Activités relatives à l’organisation et à la gestion industrielle

12 Activités relatives à la gestion de production

13 Activités relatives à la gestion de l’atelier

14 Activités relatives à l’organisation et à la gestion des entrepôts et des moyens de distribution

15 Activités relatives à la gestion des stocks et des approvisionnements

16 Activités relatives à la gestion des magasins

17 Activités relatives aux opérations d’entrée en stock

18 Activités relatives aux opérations de sortie

19 Activités relatives à l’organisation et à la gestion des transports

20 Activités relatives aux opérations de transport

21 Activités relatives à l’organisation et à la gestion d’un parc de véhicules

189 STOCK J. R., LAMBERT D. M., Strategic logistics management, 4ème édition, McGraw-Hill Companies, 2001, p. 9

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Pour plus de visibilité, un schéma récapitulatif des activités logistiques traditionnelles mêlées aux activités de pilotage a été esquissé par Riopel et al. du GERAD (Groupe d’Étude et de Recherche en Analyse des Décisions). Cette équipe de chercheurs se focalise sur les inter-relations entre les activités logistiques et l’impact des décisions prises par le management190

.

Figure 22 : Liens d’antériorité entre les activités

Source : Riopel et al., 1998 Dans ce modèle, seules les activités de niveau opérationnel sont représentées où les liens d’antériorité montrent les interactions entre les activités. Bien que la finalité de cette représentation soit orientée vers la modélisation d’un outil de simulation du processus logistique, il est intéressant de noter qu’elle offre une perception immédiate du théâtre des opérations logistiques. Ce schéma est représentatif de la complexité des activités de base de la logistique. Cependant, il ne montre pas les interactions de la logistique avec les autres fonctions de la chaîne de valeur. Aussi, dans le cadre de notre projet de cartographie du potentiel logistique dans la chaîne de valeur, chercherons-nous à surpasser cet exemple de représentation en intégrant à la fois les activités essentielles de la logistique et l’ensemble des fonctions de l’entreprise impliquées et/ou influant sur le processus logistique. Terminons maintenant notre tour d’horizon des activités logistiques par celles qui relèvent de la stratégie. Selon Baglin et al. (2005), la stratégie industrielle et logistique peut être définie comme « l’ensemble des décisions qui structurent et organisent le système industriel et logistique de façon à atteindre les objectifs qui découlent de la stratégie générale et marketing de l’entreprise »191

. Par leur mise en œuvre, elles contribuent à définir le système global, auquel des systèmes opérationnels sont ensuite ajoutés pour le pilotage des flux.

Les décisions stratégiques de la logistique concernent la conception du système industriel et logistique en termes d’intégration verticale ou d’externalisation, d’implantation

190 RIOPEL D. et al., Processus décisionnel et fonctions logistiques, GERAD, 1998 191 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 107

G e s t i o n d e s s t o c k s

T r a i t e m e n t d e s c o m m a n d e s

P r o d u c t i o n

P r ̌ v i s i o n d e l a d e m a n d e

A c h a t s e t a p p r o . D i s t r i b u t i o n T r a n s p o r t

E n t r e p o s a g e M a n u t e n t i o n C o n d i t i o n n e m e n t d e s p r o d u i t s

G e s t i o n d e s s t o c k s

T r a i t e m e n t d e s c o m m a n d e s

P r o d u c t i o n

P r ̌ v i s i o n d e l a d e m a n d e

A c h a t s e t a p p r o . D i s t r i b u t i o n T r a n s p o r t

E n t r e p o s a g e M a n u t e n t i o n C o n d i t i o n n e m e n t d e s p r o d u i t s

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des sites industriels et logistiques, de taille et de capacité des usines et des entrepôts, de politique d’approvisionnement, de standards de service à la clientèle, ainsi que la conception des produits et des processus intervenant dans le cadre du soutien logistique intégré. Quant aux décisions tactiques, elles n’adressent pas la structure physique de la chaîne logistique, mais elles contribuent à structurer les flux de l’entreprise et à la doter de systèmes de pilotage ad hoc. Enumérées par Baglin et al. (2005) et Akbari et al. (2000)192

, elles recouvrent différents thèmes et questions de type :

T1 : Politique de stockage : Comment positionner les stocks pilotant le système global ? T2 : Pilotage des flux : Doit-on opter pour un pilotage des flux à la commande ou sur stock

(définition du point de découplage) ? T3 : Système d’information : Quelle doit être l’architecture des systèmes d’information ?

Faut-il qu’ils soient intégrés ou autonomes ? Comment ? T4 : Quel fournisseur pour quel site de production ? Quel produit dans quel site de

stockage ? Quel site de stockage pour quel client ? T5 : Mode de manutention : Quels sont les moyens adaptés à la manutention des produis

et des matières premières pour le stockage et la livraison ? Baglin et al. ajoutent que les questions d’organisation ayant trait au management logistique font également partie des choix stratégiques193

. En effet, quand bien même la structure du système global et les paramètres d’organisation des flux et des processus de gestion sont définis, la chaîne logistique ne peut fonctionner sans la mise en place de ressources humaines responsables, compétentes, formées et motivées. Cela sous-entend la mise en place d’une organisation cohérente avec des mécanismes d’apprentissage et d’amélioration continue.

Concernant la place de la logistique dans la structure de l’entreprise, Fabbe-Costes et Meschi (2000) soulignent que, compte tenu de son métier et de ses missions, la logistique présente deux caractéristiques principales194

:

- D’une part, elle procède d’une dialectique permanente entre l’opérationnel (la gestion des flux) et le stratégique (la conception des systèmes logistiques adéquats aux objectifs de l’entreprise, voire la formulation de stratégies fondées sur la logistique). C’est donc une fonction qui traverse « verticalement » la hiérarchie.

- D’autre part, elle doit s’interfacer avec la plupart des autres fonctions de l’entreprise (notamment les ventes, le marketing, la production, la qualité, les achats, l’informatique, le contrôle de gestion…), ainsi qu’avec de nombreux partenaires extérieurs (clients, fournisseurs, prestataires logistiques, transporteurs). C’est donc une fonction transversale qui mobilise « horizontalement » de multiples compétences.

Ainsi, concluent-ils que la position de la fonction logistique est multiple. Elle ne possède pas « une place » précise, mais plutôt « des » places possibles. Enfin, le système doit être complété par un système de mesure de performances – un véritable tableau de bord – rassemblant les indicateurs essentiels pour le pilotage efficace et en « temps réel » de la chaîne logistique.

192 AKBARI M. et al., Sur l’évolution du concept de logistique, RIRL, 2000, p. 11-13 193 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 117 194 FABBE-COSTES N., MESCHI P.-X., La place de la logistique dans l’organisation : Institutionnalisation ou dilution ?, IMRL, 2000

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Ces deux derniers points nous conduisent à présenter la variété des acteurs de la logistique, ainsi que les indicateurs de performances utiles au pilotage de la chaîne logistique, avant de conclure ce chapitre. Les acteurs de la logistique Comme nous l’avons déjà indiqué, l’AFNOR a identifié 23 profils professionnels logistiques décrits dans le fascicule de documentation FD X 50-602. Chaque profil correspond à un besoin concernant un acteur, sachant que plusieurs profils peuvent être représentés chez le même acteur. Pour un aperçu des métiers de la logistique, nous présentons ci-dessous la liste des 23 profils professionnels répartis entre les activités suivantes :

1) Direction et services de soutien - Directeur de la logistique « Groupe » - Responsable ou directeur de la logistique - Chargé de la gestion logistique - Chargé de l’organisation logistique - Analyste logistique

2) Ventes

- Agent gestionnaire de commandes - Responsable du service client - Assistant du service client

3) Production

- Responsable ou directeur de la gestion des matières - Responsable de la planification des ressources de production - Assistant de planification - Chargé d’ordonnancement et du lancement - Agent d’ordonnancement et de lancement

4) Gestion des stocks et des magasins

- Gestionnaire de stock - Agent de gestion de stock - Chef magasinier - Magasinier - Responsable de la distribution physique - Chargé de l’organisation de la distribution physique - Responsable d’entrepôt

5) Gestion de la distribution physique et des transports

- Responsable des transports - Chargé de planning transport - Gestionnaire de parc

Pour sa part, l’ASLOG a également défini les métiers de la logistique sur la base de 17 fonctions de référence dont elle propose une fiche descriptive en termes de missions, de compétences et qualités et de qualifications requises195

.

Ces travaux sont en phase avec ceux de l’AFNOR et montrent un certain consensus à la fois sur la terminologie utilisée et la diversité des acteurs de la chaîne logistique recensés à tous les stades du processus logistique.

195 ASLOG, Les fonctions d’encadrement de la logistique, ASLOG, 2004

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Les indicateurs de performance logistiques Dans la perspective de répondre à un taux de service fixé au moindre coût, Morana et Paché (2000) ont défini un certain nombre d’indicateurs de résultats pour lesquels une entreprise doit exceller dans une logique de supply chain management196. Ces indicateurs, regroupés en trois familles (cf. tableau 1), font à la fois référence au tableau de bord prospectif (Balanced Business Scorecard) de Kaplan et Norton (1998), décrit dans la partie relative à la stratégie d’entreprise, et aux indicateurs de mesure de performance du modèle World Class Logistics (WCL) issus des travaux menés par le Council of Logistics Management (CLM), traduits et synthétisés par Estampe et al. (1999)197

.

L’étude des performances logistiques fait l’objet d’un nombre important de travaux orientés vers les mesures de réactivité (rapidité de réponse à l’évolution de la demande), d’agilité (adaptabilité de la réponse en termes de coût et de performance à l’évolution de la demande), d’efficience (optimisation de la réponse en fonction de la demande) ou d’intelligence (exploitation des informations utiles) de la chaîne logistique. Mais selon Morana et Paché (2000), beaucoup d’efforts restent encore à consentir pour l’élaboration d’un tableau de bord supply chain dans le cadre de l’entreprise étendue. Selon ces auteurs, « peu d’entreprises sont, semble-t-il, culturellement prêtes à sacrifier leur propre efficience au profit d’une optimisation globale, sachant que d’autres partenaires pourraient peut-être tirer un plus grand bénéfice à court terme d’une participation au réseau d’échanges ». En attendant, les indicateurs de performance logistiques, quelle que soit la formule utilisée, gravitent pour l’essentiel autour de la mesure du triptyque coût-délai-qualité. Elaborés en interne ou partagés avec le partenaire commercial dans une logique de collaboration, ils se focalisent le plus souvent sur les facteurs de coût, de délai et de service récapitulés dans le tableau 1 suivant :

Tableau 1 : Indicateurs de résultats dans une démarche SCM

Réduction des coûts relatifs :

- à la gestion des stocks - à l’entreposage - au transport - à l’administration - à l’informatique de pilotage

Réduction des délais de livraison : - entre le fournisseur et l’entreprise - entre l’entreprise et le client

Résultats obtenus en termes de : - qualité de service

Source : Morana et Paché, 2000 Les référentiels logistiques Dans le chapitre 7.5 dédié à la Qualité Totale, nous avons montré l’intérêt des référentiels normatifs (ISO 9001) et comparatifs (modèles EFQM, Malcom Baldrige, Deming) à la base de l’assurance qualité et de la recherche de l’excellence sur la voie de l’amélioration continue.

196 MORANA J., PACHE G., Supply chain management et tableau de bort prospectif : à la recherche de synergies, Logistique et Management, Vol. 8, N° 1, 2000, p. 77-88 197 ESTAMPE D., HARREGUY A., MALDES V., MAMERE M., NOUGARET S., TRUIN B., La performance supply chain des acteurs du secteur automobile en France, Logistique et Management, Vol. 7, N° 2, 1999, p. 15-22

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Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 107

Nous ne serons pas surpris que la logistique utilise aussi des référentiels et des modèles à la fois normatifs tels que la norme NF X 50-600, citée dans ce mémoire à plusieurs reprises, et comparatifs. Ces derniers varient selon leur domaine d’application et portent le nom de :

- référentiel d’audit logistique ASLOG198

- questionnaire d’auto-évaluation Classe ABCD en excellence industrielle ;

199

- modèle SCOR (Supply Chain Operations Reference Model), organisé autour de quatre domaines de performance principaux : Plan, Source, Make, Deliver

;

200

- cartes mondiales de maturité ECR appliquées à la collaboration industrie-commerce

;

201

- grilles de maturité CPFR ;

202

.

L’intérêt de ces modèles est d’offrir des matrices de maturité reflétant le degré d’intégration et de collaboration du processus industriel et logistique de l’entreprise avec les processus des clients et des fournisseurs. Différents stades de maturité sont caractérisés sur une échelle de 1 à 3, 4 ou 5 selon les référentiels. Ils décrivent une situation de départ où l’organisation est fragmentée, inefficace, sans lien avec la stratégie ; ils vont jusqu’à la définition de schémas d’organisation avancés où la stratégie est formalisée, relayée par des processus intégrés, dans une culture de collaboration interne et externe, sur la base d’indicateurs partagés et de systèmes d’information cohérents, fiables et fonctionnant en temps réel. Conclusion Concrètement, la logistique de l’entreprise recouvre un nombre varié d’activités de mana-gement, d’organisation, de prévision, de planification, de simulation, d’ordonnancement, d’approvisionnement, de gestion des stocks, de préparation de commandes, de transport, de mise à disposition, de soutien après-vente et de gestion des retours. A regarder de plus près, sur la base d’une réflexion de Grégoire (2004), on constate que le métier de supply chain manager consiste pour l’essentiel à « gérer de l’avenir », à scruter l’horizon, mais aussi à prendre en compte la situation actuelle ainsi que les événements passés, afin de bâtir les meilleurs scénarios qui permettront d’apporter la réponse optimum aux besoins du marché. Dans ce chapitre, nous avons montré combien la diversité des activités logistiques est finalement liée à l’étendue de la chaîne logistique et au cycle de vie du produit, dès lors que la logistique couvre l’ensemble du réseau de production et de distribution et la totalité du cycle de vie du produit. Face au risque d’émiettement, les activités logistiques, aussi nombreuses soient-elles, sont rattachées au processus logistique à travers différentes interfaces avec les autres fonctions de l’entreprise au sein de gammes opératoires imbriquées les unes dans les autres et munies de boucles de rétroaction, en particulier pour leur contrôle et la maîtrise des flux. Pour la cohérence d’ensemble, on a montré que le processus logistique s’inscrit dans la stratégie logistique, laquelle s’appuie sur la stratégie générale et marketing de l’entreprise.

198 ASLOG, Référentiel d’audit logistique, ASLOG, 2004 199 WIGHT O., La production à délai court, The Oliver Wight Companies, Traduit de l’anglais par Bill Belt SA, 1993, p. 211-270 200 SCC, Supply chain operations reference-model, Supply-Chain Council, 2005 201 ECR France, Les cartes mondiales de maturité ECR, ECR France, 2005 202 VICS, CPFR : Concepts, carte routière et premiers pilotes internationaux, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, E. Renon, Jouwen Editions, 2000, p. 237-246

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Malgré le grand nombre d’activités et de profils professionnels logistiques, la cohérence du système logistique avec la stratégie repose sur une démarche, une fonction, un processus et des outils dûment formalisés. L’ensemble de ces articulations a été montré, faisant de la logistique une fonction dont on comprend mieux le fonctionnement et le potentiel de valeur. Celui-ci est dicté par la finalité de service au moindre coût. La démarche logistique, impliquant l’ensemble du personnel, s’entend par la recherche permanente d’un optimum global selon le théorème fondamental de la supply chain, inspiré dans les années 60 par Jay Forrester. Ce chapitre a également rappelé qu’un système logistique se caractérise par des flux d’informations qui pilotent les flux de matières et de ressources. C’est le cas des prévisions de vente, des commandes, des stocks, des sorties entrepôts ou des sorties caisses… qui pilotent les approvisionnements et la production, selon différents modes d’organisation en fonction de la visibilité (ou à l’inverse de la marge d’incertitude) dont dispose le supply chain manager. Datant d’une quarantaine d’années, les concepts modernes d’organisation et de gestion industrielle et logistique sont aujourd’hui bien compris et enseignés dans tous les établissements de formation en logistique. Même si l’on rencontre encore des réticences dans l’entreprise, voire un manque de maîtrise de la démarche logistique et des concepts et outils qui la sous-tendent, nous pouvons parier que les nouvelles générations de supply chain managers parviendront à faire passer le courant logistique entre les frontières organisationnelles de la supply chain. A ce stade, on comprend mieux le potentiel de la logistique. Il s’appuie sur une démarche, des compétences diverses et variées, un processus de création de valeur, des activités spécifiques, des principes d’action, des concepts clés, divers outils de gestion et des indicateurs de performance. On l’aura compris, l’une des manières d’exploiter au mieux le potentiel de la logistique est de resserrer les liens avec l’ensemble des fonctions internes et externes, d’établir le plein contact au niveau des interfaces au double plan physique et informationnel, de coordonner les flux à l’aide d’outils de pilotage, et d’optimiser le fonctionnement du système global en fonction de la demande à satisfaire et des contraintes économiques. Finalement, le niveau de coordination et d’optimisation traduit le niveau de maîtrise de la chaîne logistique. Pour clore le chapitre sur la logistique, étudions maintenant le concept de supply chain management dont la vocation est d’intégrer et d’interconnecter l’ensemble des activités et des fonctions de l’entreprise impliquées dans la chaîne logistique.

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7.9 Le supply chain management L’essor du supply chain management (SCM) dans les années 90, selon Morana (2003), « trouve principalement son origine dans la volonté des entreprises industrielles et commerciales de répondre en quasi temps réel aux demandes des clients, tout en étant capables de se maintenir en bonne place dans l’arène stratégique par l’introduction régulière de nouveaux produits dans des conditions satisfaisantes de coût et de qualité de service »203

.

Après recoupement de plusieurs travaux de recherche, elle indique que la logistique d’entreprise influence et précède l’émergence du SCM. Ce concept relativement nouveau peut être traduit par « management intégré des processus logistiques ». Il repose sur une « vision intégrative » de la chaîne logistique et considère la logistique sous un « angle stratégique ». Définitions Sur la base d’une revue de la littérature, Mentzer et al. (2001) définissent le supply chain management comme « la coordination systémique, stratégique et la gestion tactique des actions au sein des départements d’une organisation particulière, ainsi que des affaires menées à l’intérieur de la chaîne d’approvisionnement ». Et d’ajouter que « le SCM a pour but d’améliorer la performance à long terme de chaque organisation et de la chaîne d’approvisionnement des organisations dans leur ensemble »204

. Par cette définition, on note la mutation d’une logistique opérationnelle et cloisonnée vers une logistique globale et intégrative selon la vision de Heskett (1973), considéré comme l’un des pionniers d’une vision stratégique de la logistique d’entreprise.

Le terme anglo-saxon « supply chain », très utilisé dans le langage courant, admet plusieurs traductions françaises avec au choix les expressions suivantes : « chaîne d’approvision-nement », « chaîne de l’offre »205

(Grégoire, 2004) ou « chaîne logistique ».

Pour leur part, Mentzer et al. (2001) définissent la supply chain comme « un ensemble de trois entités ou plus (entreprises ou individus) directement concernées par les flux aval et amont des produits, services, finances et informations, depuis un fournisseur jusqu’à un client »206

.

Dans le cadre de cette définition, les auteurs définissent trois niveaux de complexité d’une supply chain (cf. figure 1) : une « supply chain directe », une « supply chain étendue » complétant la supply chain directe par le fournisseur du fournisseur et le client du client, et une « supply chain complète » (ultimate supply chain) correspondant à un réseau intégrant tous les acteurs directs et indirects de la chaîne jusqu’au client ultime. Ainsi, le concept de supply chain s’entend par la réunion au minimum de trois acteurs, c’est-à-dire l’entreprise avec ses clients et ses fournisseurs directs. Ils indiquent enfin qu’une même entreprise peut être membre de plusieurs supply chains compte tenu du nombre incalculable d’interactions possibles dans le tissu économique à l’échelle mondiale.

203 MORANA J., De la logistique au supply chain management, E-thèque, 2003, p. 4 204 MENTZER J. T. et al., Defining suply chain management, Journal of Business Logistics, Vol. 22, N°2, 2001, p. 18 205 MENTZER J. T. et al., Définir le supply chain management, Traduit de l’anglais par L. Grégoire, Journal of Business Logistics, Vol. 22, N°2, 2001, p. 1 206 MENTZER J. T. et al., Définir le supply chain management, Traduit de l’anglais par L. Grégoire, Journal of Business Logistics, Vol. 22, N°2, 2001, p. 3

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Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 110

Figure 1 : Types de chaînes relationnelles

Source : Mentzer et al., 2001 Pour un aperçu de la complexité et de l’enchevêtrement des flux de marchandises dans un réseau d’entreprises, Pimor (2001) propose la représentation suivante appliquée au domaine de l’agroalimentaire. Celle-ci a d’ailleurs été simplifiée si l’on considère que les distributeurs (sous forme de ronds) sont desservis par des centaines de fournisseurs (sous forme de carrés), et que les consommateurs finaux n’ont pas été représentés.

Figure 2 : Représentation simplifiée des flux de marchandises dans un réseau d’entreprises de l’agroalimentaire

Source : Pimor, 2001

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D’une logistique fragmentée à la logistique systémique

Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 111

Evolution de la logistique vers le SCM Pendant très longtemps, selon l’expression de Mathe et Tixier (1987), la logistique a véhiculé l’image d’une chaîne fragmentée207

, constituée d’organisations cloisonnées reliées par un double flux de commandes et de livraisons comme le montre la figure 3 ci-dessous.

Figure 3 : La chaîne logistique fragmentée

Source : Pimor, 2001 Tirées par la démarche Qualité Totale, les entreprises sortent néanmoins peu à peu de cette logistique fragmentée – composée de multiples activités logistiques subalternes à vocation strictement opérationnelle – pour développer une première intégration de la logistique en interne (au niveau des structures de l’entreprise), puis en amont (avec les fournisseurs de matières premières, d’emballages et d’équipements) et en aval (avec les clients, par exemple, avec les distributeurs dans le secteur des produits de grande consommation). Poursuivant leur mutation, les plus avancées d’entre elles sont en train de développer de véritables organisations logistiques basées sur des processus transversaux (opérationnels et décisionnels) impliquant de nombreux acteurs internes et externes (marketing, ventes, logistique, production, achats, contrôle de gestion, clients, fournisseurs, prestataires de services…) qui progressivement font passer l’organisation d’une logistique encore scindée entre l’amont et l’aval de la production à une logistique intégrée et étendue aux partenaires. La figure 4 ci-après résume l’évolution de la logistique au cours des quarante dernières années. Allant plus loin, Mentzer et al. (2001) définissent le SCM comme un principe de management ayant les caractéristiques suivantes208

:

- une démarche systémique considérant la supply chain comme un tout et gérant le flux total des biens et des stocks depuis le fournisseur jusqu’au client final ;

207 MATHE H. et TIXIER D., La logistique, Que sais-je ?, Puf, 1987, p. 101-123 208 MENTZER J. T. et al., Définir le supply chain management, Traduit de l’anglais par L. Grégoire, Journal of Business Logistics, Vol. 22, N°2, 2001, p. 8

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- une orientation stratégique vers des efforts collaboratifs pour synchroniser et faire converger les capacités opérationnelles et stratégiques internes et externes en un tout unifié ;

- une orientation client pour créer des sources uniques et individualisées de valeur pour le client, conduisant à la satisfaction du client.

Ils introduisent aussi l’expression « d’orientation supply chain » afin d’appréhender le supply chain management comme une approche systémique où l’ensemble des acteurs doit se comporter selon une vision globale de la chaîne et de ses conséquences. On fait référence ici à la notion de paradigme, au sens de Kuhn, que d’aucuns prêtent au supply chain management pour sa dimension globale et orientée vers un même but.

Figure 4 : Evolution de la logistique

Source : Samii (2004), adapté de Coyle et Bardi (1992)

Finalement, Mentzer et al. proposent un modèle de supply chain management illustré par la figure 5. Celui-ci représente la finalité du système, les différents flux qui circulent entre les acteurs de la chaîne étendue, les fonctions impliquées dans le processus de coordination et de gestion des flux, les conditions de coopération (confiance, engagement, risques, dépendance et fonctionnement) et les frontières des différents systèmes à travers lesquels s’articule la supply chain. Cette approche de la supply chain est devenue réalité grâce aux nouvelles technologies (EDI, Internet, Intranet, web services, etc.) et aux systèmes d’information (ERP, APS, data-warehouse, datamining), vus précédemment, qui permettent de mettre en place de véritables systèmes intégrés de pilotage de la chaîne logistique.

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Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 113

Figure 5 : Un modèle de supply chain management

Source : Mentzer et al., 2001

Le supply chain management La vision du SCM nécessite d’intégrer toutes les composantes liées à la gestion de la demande, à la gestion de l’offre et à l’exécution et au contrôle des opérations telles qu’elles sont incluses dans le processus logistique. C’est ainsi que Mayer (2001) définit le concept de SCM, sous l’angle du pilotage, comme « la planification et l’exécution des activités de la chaîne logistique selon un flux coordonné entre les entreprises impliquées dans la même chaîne de valeur. Ces activités incluent les achats de matières premières et de composants, la fabrication et les opérations d’assemblage, l’entreposage et la gestion des stocks, l’entrée et la gestion des commandes, la distribution et la livraison au client »209

. Dans le même sens, on peut ajouter la boucle de contrôle et de régulation du processus, ainsi que les activités de soutien et de retour des produits.

L’une des caractéristiques du supply chain management est le rôle prépondérant des systèmes d’information et de l’interopérabilité des échanges entre les acteurs. Ayant étudié la structure des systèmes d’information de la chaîne logistique, Fabbe-Costes (2000) distingue trois axes de déploiement du SCM210

:

- l’axe décisionnel renvoie à l’aspect intégratif « opération-tactique-stratégie » à travers lequel l’organisation met en œuvre une « cohérence et une célérité des flux décisionnels » afin d’obtenir une mesure de la performance la plus efficiente qui soit ;

- l’axe entreprise étendue précise l’incidence de la transversalité externe où la coopération, la communication et le partenariat sont privilégiés pour permettre le suivi des engagements ;

209 MAYER J., Supply chain automation : Supply chain management solutions for the Internet generation of business, Stanford University, 2001 210 FABBE-COSTES N., Supply chain management : Concepts et pratiques, Conférence-débat à l’IAE d’Aix en Provence, Support de conférence, 2000

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- l’axe opérationnel insiste sur le rôle de la transversalité interne. Celui-ci doit favoriser le suivi des flux impliqués dans le cycle de vie du produit (conception - acquisition - fabrication - distribution - soutien - recyclage), l’intégration des processus majeurs de chaque organisation, le suivi et l’évaluation de ces processus, ainsi que la satisfaction des clients.

Pour sa mise en œuvre, le SCM intègre différents outils informatiques à plusieurs niveaux parfois difficiles à appréhender. A la recherche d’un cadre d’analyse, Fabbe-Costes (2000) les classe en trois technologies différentes :

- les technologies d’aide à la décision qui organisent la cohérence des flux décisionnels ;

- les technologies d’interface qui permettent la coopération et les communications entre les partenaires de la chaîne ;

- les technologies de pilotage qui suivent, évaluent et intègrent les processus majeurs du SCM.

Corrélées aux trois axes précédents, les technologies informatiques sur lesquelles s’appuie la démarche SCM sont récapitulées dans le tableau 1 ci-dessous :

Tableau 1 : Les fondements du SCM Une démarche et des technologies informatiques

Démarche Fondements Outils Axe décisionnel Cohérence et célérité des flux

décisionnels

Mesure de la performance

Technologies d’aide à la décision

APS (Advanced Planning System) Outils SCM, bases de données,

datawarehouse Axe entreprise étendue Coopération, communication,

partenariat

Suivi des engagements

Technologies d’interface

EDI (Echanges de Données Electroniques), Internet, Intra et

Extranet, ECR (Efficient Consumer Response), GPA (Gestion Partagée

des Approvisionnements), call centers Axe opérationnel Satisfaction des clients et des

actionnaires

Suivi, évaluation et intégration des processus majeurs

Technologies de pilotage

ERP (Enterprise Resource Planning), Manufacturing and Logistics

Execution systems

Source : Fabbe-Costes, 2000 On y retrouve en particulier les concepts liés à la coopération interentreprises comme l’EDI, l’ECR, la GPA – ajoutons le CPFR, le category management, le CRM (Customer relationship management), l’e-procurement, etc. – dans les technologies d’interface. Représentés sous forme de briques fonctionnelles, ils offrent l’image d’un lego super intégré selon une vision informatique du supply chain management comme le montre la figure 6. Sous la poussée de l’intégration verticale (depuis la gestion du poste de travail jusqu’à la planification stratégique), mais aussi horizontale par la prise en compte des contraintes multi-sites et des relations clients-fournisseurs, un nombre important de sigles nouveaux est

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Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 115

apparu au cours des dix dernières années : SCE pour la gestion opérationnelle de la supply chain, WMS pour la gestion d’entrepôt, TMS pour la gestion du transport, MES pour le pilotage de l’atelier, SCEM pour la maîtrise accrue des aléas impactant la chaîne logistique, etc.211

Figure 6 : Structure du système d’information SCM

Source : Non identifiée, version anglaise du document présenté

lors du congrès de l’ASLOG, Dijon, 2005 Une autre représentation du positionnement des progiciels de supply chain management a été proposée par le CXP (Centre français d’eXpérimentation des Progiciels de gestion) d’après les travaux de Polge (1999). A la différence du schéma précédent, celle-ci est moins détaillée et offre une vision d’ensemble de l’articulation des grandes familles de progiciels de SCM dans le processus logistique (cf. figure 7). Pour davantage d’information, l’ensemble des concepts et technologies évoqués au fil des pages sont décrits dans la carte du supply chain management. Les définitions proposées ont pour origine les travaux menés par GS1 France et l’auteur en 2004 dans le cadre de la vulgarisation des concepts de coopération client-fournisseur et de SCM utilisant les standards de communication internationaux pour les besoins d’interopérabilité. Pour plus de clarté, chaque définition est assortie d’une liste de mots clés et d’objectifs spécifiques à l’application décrite.

211 COURTOIS A., PILLET M., MARTIN-BONNEFOUS C., Gestion de production, Editions d’Organisation, 2003, p. 402

Culture

Supply-chain rules

Supply-chain data

Supply-chain Dashboard

Adaptation to unforeseen events

Reception & control process

Procurement process

Production flowRecycling

Warehousing & handlingClaims

Detailes scheduling Tracing & documenting Customer service

Master productionscheduling Transport hiring Order entry & fulfillment

Suppliers planning & appraisalpolicy

Inventory & replenishmentpolicy (components &

refresh & finished goods) Sales & operationsplanning

Demand/Forecastingprocess Distribution

planning & SMIprocesses

Customer andProduct

Specificationmanagement

processes

Sourcing policyAsset acquisition &

allocation policy(which product where?)

Distribution policy &mapping

Product & sevice offeringCustomer segmentation

Strategic Planning & Supply-chain organization &structure

StrategicTactical

Operationall

Basics

CustomerInternalSupplier

Not necessary

Basics

Medium level required, few tools

High level required, complex tools

Top level required/ world class

QuickTime™ et undécompresseur

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DriversQuickTime™ et undécompresseur

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Cycle time

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requirement

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Components

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Range

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Renewal

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Shelf life

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S-C cost

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Transp . cost

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Planning cost

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Sourcing cost

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Customer

costs

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Make to

order

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Customized

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Simple

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Figure 7 : Positionnement simplifié des principaux progiciels de SCM

Source : CXP, 1999

Selon la nature de l’intégration, allant de la base de données unique à l’interfaçage d’applications externes, le système d’information utilise un ERP (Enterprise Resource Planning) comme noyau dur rassemblant les fonctions finance, production et gestion commerciale auxquelles viennent s’ajouter des applications supplémentaires. L’ERP Un ERP ou progiciel de gestion intégré (PGI) est destiné à la gestion globale des différents flux de l’entreprise aux niveaux stratégique, tactique et opérationnel. Selon le CXP, un progiciel de gestion d’entreprise est dit intégré « s’il émane d’un fournisseur unique, garantit l’unicité de l’information, assure une mise à jour en temps réel des données et fournit les éléments d’une traçabilité totale des opérations »212

.

Les ERP du marché comportent différents modules constituant le noyau du système d’information. Pour une entreprise manufacturière, ils englobent213

:

- la gestion financière pour la maîtrise de la situation financière de l’entreprise ; - le contrôle de gestion pour l’analyse à l’aide de tableaux de bord de la rentabilité de

l’entreprise sous divers angles ; - la gestion de projet pour la planification et le contrôle des étapes d’un projet et de la

disponibilité des ressources nécessaires à sa réalisation ; - l’administration des ventes pour la gestion des différentes activités commerciales

dont le support à la vente, la gestion des expéditions et la facturation ; - la gestion des ressources humaines ; - la gestion de la qualité assurant l’enregistrement et la traçabilité des informations

relatives à l’élaboration et à la distribution des produits ; - la gestion de production selon la logique MRP (GPAO) ; - la gestion des achats ; - la gestion des approvisionnements et des stocks.

212 www.cxp.fr 213 COURTOIS A., PILLET M., MARTIN-BONNEFOUS C., Gestion de production, Editions d’Organisation, 2003, p. 408

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Comme nous l’avons déjà indiqué, plusieurs fonctionnalités connexes peuvent être interfaçées à la structure de base de l’ERP. Ceci est notamment le cas des outils d’aide à la décision autrement connus sous le nom d’APS (Advanced Planning and Scheduling system) pour la gestion globale de la chaîne logistique. Selon Baglin et al. (2005), grâce à une ouverture sur le monde extérieur au moyen des technologies de l’information, les ERP offrent la possibilité de gérer efficacement l’ensemble de la chaîne logistique à travers les modules de214

:

- planification interentreprises pour la communication des prévisions de vente, des plannings de fabrication et de livraison entre les partenaires (collaborative planning) ;

- planification du réseau logistique afin de synchroniser l’offre et la demande dans un but d’optimisation globale de l’ensemble de la chaîne logistique ;

- pilotage de la chaîne logistique offrant aux utilisateurs une vision générale de la chaîne logistique pour le suivi en temps réel des flux et des stocks à tous les niveaux de la chaîne ;

- disponible à la vente global afin de présenter aux clients de réelles garanties de livraison grâce à des contrôles en temps réel et à des méthodes de simulation sophistiquées.

A travers ce découpage, on retrouve le classement des outils SCM proposé par Fabbe- Costes en termes de technologies d’aide à la décision, d’interface et de pilotage. Cette segmentation du système d’information logistique est également cohérente avec la vision systémique de Le Moigne (1987) écrivant : « La fonction du système d’information est de produire et d’enregistrer (mémoriser) les informations-représentations de l’activité du système opérant, puis de les mettre à la disposition, en général de façon aussi interactive que possible, du système de pilotage (ou de décision) »215

.

Bien qu’ils demeurent indispensables pour parvenir à la réactivité imposée par le marché et assurer la cohérence des décisions, de tels systèmes constituent un investissement majeur pour les entreprises et modifient profondément les procédures et les pratiques de travail. Conclusion Dans un environnement de plus en plus complexe et turbulent, le pilotage de la performance globale de l’entreprise requiert la mise en œuvre de systèmes d’information capables de soutenir la dynamique logistique en termes de réactivité, d’agilité et de maîtrise des coûts. Ce chapitre a mis en évidence l’importance cruciale des systèmes d’information ou des ERP qui « donnent corps » au concept de supply chain management pour la synchronisation des flux physiques, informationnels, financiers et de personnes. Intégrant les niveaux stratégiques, tactiques et opérationnels selon un axe vertical et horizontal, les flux actuels semblent offrir les conditions d’une meilleure maîtrise du pilotage de la chaîne logistique dans le cadre de l’entreprise étendue. Au cours des quinze dernières années, sous la pression de la concurrence et la poussée de la démarche Qualité Totale, le SCM s’est développé au fur et à mesure que les entreprises ont investi dans des progiciels de gestion intégrés et ont fait tomber les cloisons fonction-nelles par la mise en place de processus transversaux. 214 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 649 215 LE MOIGNE J.-L., Systémographie de l’entreprise, Revue Internationale de Systémique, N° 1/04, 1987

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S’appuyant sur la démarche, la fonction, le processus, les concepts et les activités logistiques, le supply chain management ne remet pas en cause les principes de base de la logistique. Au contraire, nous estimons qu’il les « sublime » en les intégrant selon la vision commune d’une chaîne globale conçue pour relever le défi de la synchronisation et de l’optimisation des flux à tous les stades du cycle de vie du produit. Le SCM a donc un rôle stratégique et intégrateur. Il considère la chaîne logistique comme une entité globale non fragmentée, c’est-à-dire intégrant l’ensemble des fonctions internes de l’entreprise et des acteurs externes. Compte tenu de la complexité de la supply chain et des relations à établir, la mise en œuvre d’une démarche SCM semble néanmoins requérir quelques précautions. Par exemple, le choix des membres à intégrer, l’identification des processus clés qui requièrent une intégration, et la définition des critères de management à appliquer apparaissent comme des facteurs clés de réussite. Comme l’indique Morana (2005), le « SCM survit par la présence d’objectifs globaux qui minimisent les conflits et le risque de faillite du réseau d’affaires ». Dans cette démarche, il est fort à parier que les qualités de diplomate et de médiateur du supply chain manager soient d’une grande utilité. Ainsi, l’utilisation de systèmes d’information inter-opérants ne suffit-elle pas. On souligne ici les rôles complémentaires de la démarche de « management » de la logistique et de la démarche « intégrative » du SCM, toutes deux partageant les mêmes objectifs stratégiques et l’orientation client de l’entreprise. En conclusion, nous définirons le supply chain management comme un puissant processus d’interaction entre les acteurs de la chaîne d’approvisionnement allant de l’aval (la demande à servir) vers l’amont (l’offre à distribuer) depuis les producteurs, les industriels, les distributeurs et les prestataires logistiques du réseau d’affaires jusqu’au client final.

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7.10 La systémique216

L’approche systémique est née aux Etats-Unis au début des années 50. Elle est connue et pratiquée en France depuis les années 70 où elle a bénéficié d’un écho retentissant lors de la parution du Macroscope de Joël de Rosnay en 1975. Pour répondre à l’immense complexité de la vie et de la société face à laquelle nous sommes dépassés (quantités d’informations plus grandes que ce que nous pouvons absorber, relations d’interdépen-dances plus complexes que ce que nous pouvons gérer, rythmes de changement que personne n’est capable de suivre), il propose de regarder le monde autrement, à travers un instrument symbolique qu’il baptise le « macroscope ». Son message repose sur trois principes : « S’élever pour mieux voir, relier pour mieux comprendre, et situer pour mieux agir »217

. L’approche systémique a déjà donné lieu à de nombreuses applications en biologie, en écologie, en économie, dans les thérapies familiales, le management des entreprises, l'urbanisme, l'aménagement du territoire, etc., mais assez curieusement très peu jusqu’alors en logistique.

Définition L’AFSCET (Association Française des Sciences des Systèmes Cybernétiques, Cognitifs et Techniques) définit la systémique comme une « nouvelle discipline qui regroupe les démarches théoriques, pratiques et méthodologiques, relatives à l'étude de ce qui est reconnu comme trop complexe pour pouvoir être abordé de façon réductionniste, et qui pose des problèmes de frontières, de relations internes et externes, de structure, de lois ou de propriétés émergentes caractérisant le système comme tel, ou des problèmes de mode d'observation, de représentation, de modélisation ou de simulation d'une totalité complexe »218

.

Combinant en permanence connaissance et action, la systémique se présente comme l’alliance indissoluble d’un savoir et d’une pratique (cf. figure 30).

Figure 30 : La pensée systémique : un savoir et une pratique (AFSCET, 2003)

216 La rédaction de ce chapitre a utilisé en partie les travaux de CHASSAGNE S., auditrice au CNAM, sur la base des cours de Grégoire, 2004 217 ROSNAY de J., Le macroscope, Editions du Seuil, 1975, p. 12 218 AFSCET, La pensée systémique : de quoi s’agit-il ?, www.afscet.asso.fr : Synthèse des travaux du groupe AFSCET, Diffusion de la pensée systémique, 2003, p. 2-3

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L’AFSCET (2003) indique que « pour appréhender la complexité, la systémique fait appel à un certain nombre de concepts spécifiques que l’on peut regrouper en quatre concepts de base à caractère général, et une dizaine de concepts complémentaires plus techniques et orientés vers l’action »219

.

Quatre concepts de base Les quatre concepts généraux, articulés entre eux, peuvent donner lieu en préalable à une représentation simple selon la figure 31 suivante :

Figure 31 : Concepts généraux de l’approche systémique

Source : AFSCET, 2003 La complexité renvoie à toutes les difficultés de compréhension (flou, incertain, imprévisible, ambigu, aléatoire) posées par l'appréhension d'une réalité complexe et qui se traduisent en fait pour l'observateur par un manque d'information (accessible ou non). Le philosophe Michel Serres, dans son livre Le passage du Nord-Ouest (1980), définit la complexité de la manière suivante : « Elle caractérise un état, un système dont le nombre des éléments et celui des liaisons en interaction est immensément grand ou inaccessible ». Le système constitue le socle sur lequel repose la systémique. Jacques Lesourne, dans son ouvrage Les systèmes du destin (1976), définit le système comme « un ensemble d'éléments liés par un ensemble de relations ». Joël de Rosnay (1975) indique qu’un système est « un ensemble d'éléments en interaction dynamique, organisé en fonction d'un but »220

. Edgar Morin, dans son ouvrage Introduction à la pensée complexe (1990) le définit comme « une unité globale organisée d’interrelations entre éléments, actions ou individus. ». Enfin, pour Francis Le Gallou (1992), « un système est un ensemble, formant une unité cohérente et autonome, d’objets réels ou conceptuels (éléments matériels, individus, actions…) organisés en fonction d’un but (ou d’un ensemble de buts, objets, finalités, projets…) au moyen d’un jeu de relations (interrelations mutuelles, interactions dynamiques…), le tout immergé dans un environnement ».

Pour de Rosnay (1975), « deux groupes de traits caractéristiques permettent de décrire de manière très générale les systèmes que l’on observe dans la nature. Le premier groupe se rapporte à leur aspect structural et le second à leur aspect fonctionnel. Structural : il s’agit de l’organisation dans l‘espace des composants ou éléments d’un système et de leurs interactions. Fonctionnel : il s’agit de processus, c’est-à-dire de phénomènes dépendants du temps (échange, transfert, flux, croissance, évolution...) ; c’est l’organisation temporelle »221

219 AFSCET, La pensée systémique : de quoi s’agit-il ?,

.

www.afscet.asso.fr : Synthèse des travaux du groupe AFSCET, Diffusion de la pensée systémique, 2003, p. 3

220 ROSNAY de J., Le macroscope, Points, 1975, p. 101 221 ROSNAY de J., Le macroscope, Points, 1975, p. 105-109

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Les quatre composants de l’aspect structural sont : 1) la limite ou la frontière, 2) les éléments, 3) le réseau de communication incluant matière, énergie et information, et 4) les réservoirs. Les quatre composants de l’aspect fonctionnel sont : 1) les flux, 2) les vannes ou centres de décision, 3) les délais, et 4) les boucles d’information appelées « boucles de rétroaction ». Durand (2004) rajoute que « pour compléter cette première description d’un système, il faut y ajouter les entrées et sorties qui matérialisent les rapports de ce système avec son environnement, ces rapports étant plus ou moins nombreux et intenses selon que le système est plus ou moins fermé sur lui-même ou ouvert sur l’extérieur »222

.

La globalité est une propriété des systèmes complexes, souvent traduite par l'adage « le tout est plus que la somme des parties » et selon laquelle on ne peut les connaître vraiment sans les considérer dans leur ensemble. Cette globalité exprime à la fois l'interdépendance des éléments du système et la cohérence de l'ensemble. Sous le nom d'approche globale, le concept désigne également la voie d'entrée dans la démarche systémique, c’est-à-dire qu'il convient d'aborder tous les aspects d'un problème progressivement, mais non séquentiellement, c’est à dire à partir d'une vue générale (globale) pour approfondir les détails, avec de nombreuses itérations et retours en arrière pour compléter ou corriger la vision antérieure. L'interaction est un concept qui complète celui de globalité car il s'intéresse à la complexité au niveau élémentaire de chaque relation entre les constituants du système pris deux à deux. Initialement empruntée à la mécanique où l'interaction se réduit alors à un jeu de forces, la relation entre constituants se traduit le plus souvent dans les systèmes complexes par un rapport d'influence ou d'échange portant aussi bien sur des flux de matière, d'énergie et d'information. Autres concepts Les concepts complémentaires inhérents à la systémique sont l’information, la finalité, la variété, la rétroaction et la régulation, la structure et les niveaux d’organisation, l’ouverture et la fermeture, le délai de réponse, la boîte noire, etc. Les concepts jugés majeurs pour ce travail de recherche sont explicités brièvement ci-dessous. La finalité, à laquelle on peut rattacher les notions de projet et de but, répond à la question « pour quoi faire ? ». L'information intervient en permanence dans les échanges entre et au sein des systèmes, parallèlement aux deux autres flux fondamentaux de matière et d'énergie. Le systémicien distingue l'information circulante (à traiter comme un simple flux périssable) et l'information structurante (incluse dans les mémoires du système). Dans un système ou sous-système siège d'une transformation, il y a des variables d'entrée et des variables de sortie. Les entrées sont sous l'influence de l'environnement du système et les sorties résultent de son activité interne. On appelle boucle de rétroaction (feedback) tout mécanisme permettant de renvoyer à l'entrée du système, sous forme de données, des informations directement dépendantes de la sortie. Il existe deux types de boucles de rétroaction, à savoir les boucles positives ou explosives et les boucles négatives ou stabilisatrices. Leur mise en œuvre procède de la maîtrise du système sur lequel on agit.

222 DURAND D., La Systémique, Que sais-je ?, Puf, 2004, p. 13

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La variété est donnée par le nombre de configurations que peut prendre le système. « Tout système a besoin de variété [ ] et de coordination, besoin antagoniste à celui de variété. [ ]. C’est la disposition d’une certaine marge de variété qui permet aux systèmes évolués de trouver des solutions aux défis qu’ils ont à relever, en vue notamment : 1) d’établir une bonne coordination de leurs comportements, 2) de trouver des réponses adaptées aux perturbations en provenance de leur environnement, et 3) d’apprendre de nouveaux comportements ou d’innover. [ ]. Il est important pour un système complexe de disposer de suffisamment de variété. Cependant, le système doit pouvoir être contrôlé par un niveau hiérarchique supérieur. Le cybernéticien R. Ashby a exprimé à ce sujet une loi célèbre, dite de la variété requise : « Pour contrôler un système donné, il faut disposer d’un contrôle dont la variété est au moins égale à la variété de ce système »223

.

La structure décrit le réseau de relations entre constituants du système et en particulier le réseau des chaînes de régulation. Elle matérialise son organisation. Cette structure est généralement hiérarchisée selon plusieurs niveaux d'organisation. L'ouverture / fermeture : Un système qui échange (flux de matière, énergie et information) avec l’extérieur est dit ouvert sur son environnement. Il peut maintenir son organisation, voire la complexifier. A l'inverse, un système fermé n'échange rien avec son environnement. Une pratique La pratique passe par une approche prudente mais ambitieuse reposant sur des outils que sont la triangulation, l’analogie et le découpage qui, au moyen du langage graphique, vont permettre d’élaborer des cartes. L’objectif final est de déboucher sur un modèle censé représenter le modèle observé dans le but de mieux le comprendre en simulant par exemple son fonctionnement. Une démarche Pour de Rosnay (1975), « l’analyse de système, la modélisation et la simulation constituent les trois étapes fondamentales de l’étude du comportement dynamique des systèmes complexes. L’analyse de systèmes consiste à définir les limites du système à modéliser, à identifier les éléments importants et les types d’interactions entre ces éléments, puis à déterminer les liaisons qui les intègrent en un tout organisé. [ ]. La modélisation consiste à construire un modèle à partir des données de l’analyse du système. [ ]. La simulation étudie le comportement dans le temps d’un système complexe »224

.

A ce stade de la recherche, la phase d’analyse du « système logistique » est terminée. Ont été définies les limites, les composantes et les interactions de la logistique avec les autres fonctions qui l’intègrent en un tout organisé dans la chaîne de valeur. Dans la partie opératoire qui suit, nous allons chercher à modéliser le système analysé. L’AFSCET (2003) ajoute que la démarche systémique se déroule par étapes : 1) observation du système par divers observateurs et sous divers aspects, 2) analyse des interactions et des chaînes de régulation, 3) modélisation en tenant compte des enseignements issus de l'évolution du système, et 4) simulation et confrontation à la réalité (expérimentation) pour obtenir un consensus.

223 in DURAND D., La Systémique, Que sais-je ?, Puf, 2004, p. 21 224 ROSNAY de J., Le Macroscope : vers une vision globale, Points, 1977, p. 122

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Une telle démarche doit être à la fois prudente et ambitieuse. « Prudente » en ce qu'elle ne part pas d'idées préétablies mais de faits qu’elle constate et que l'on doit prendre en compte ; « ambitieuse » en ce qu'elle recherche la meilleure appréhension possible des situations, ne se contente ni d'approximation ni d'une synthèse rapide, mais vise à comprendre et à enrichir la connaissance. La démarche systémique présentée par l’AFSCET est issue des travaux de Donnadieu et Karsky (2002)225

. Les deux auteurs définissent les étapes de la démarche systémique comme suit (cf. figure 32) :

Figure 32 : Les étapes de la démarche systémique

Source : Donnadieu et Karsky, 2002 L’exploration systémique consiste à définir les limites du système à étudier, à bien le situer dans son environnement et à comprendre la nature et la raison des échanges qu’il entretient avec ce dernier, à avoir une idée de son architecture interne, des principaux composants et de la nature des relations entre ces composants, et à connaître suffisamment l’histoire du système pour être à même de comprendre son évolution.

225 DONNADIEU G., KARSKY M., La systémique, penser et agir dans la complexité, Editions Liaisons, 2002, p. 84

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La triangulation systémique est à leur sens l’outil à utiliser en priorité pour amorcer cette exploration. Mais elle doit être complétée par l’identification des principaux circuits (flux physiques, d’informations et monétaires) avec les boucles de rétroaction correspondantes. Il convient ensuite de représenter les données recueillies sous forme graphique, c’est-à-dire sous forme de réseaux, de diagrammes ou de cartes. Le Moigne (1999) définit la modélisation comme « l’action d’élaboration et de construction intentionnelle, par composition de symboles, de modèles susceptibles de rendre intelligible un phénomène perçu complexe, et d’amplifier le raisonnement de l’acteur projetant une intervention délibérée au sein du phénomène ; raisonnement visant notamment à anticiper les conséquences de ces projets d’actions possibles »226

.

Sur la question de l’intelligibilité, il poursuit en présentant la vision radicalement opposée des deux démarches suivantes. Pour la démarche cartésienne ou analytique, « l’intelligibilité du compliqué se fait par simplification (Le simple est toujours simplifié, assurait G. Bachelard) et donc par mutilation ». Pour la démarche systémique, l’intelligibilité du complexe procède de la modélisation (Nous ne raisonnons que sur des modèles, assurait P. Valéry) ; la question dès lors devient : « Quelles méthodes pour modéliser la complexité ? »227

.

Explorant les techniques de représentation graphique, Korzybski (2001) souligne que « une carte n’est pas le territoire, elle le représente à l’aide de symboles ». Ainsi, une carte n’a pas vocation à présenter tout le territoire. Et d’ajouter qu’une « carte nécessite un cartographe et un terrain », le cartographe jouant le rôle d’observateur228

.

La modélisation qualitative prend appui sur la carte ou le schéma. L’objectif est de faire apparaître les différents flux ainsi que les actions de pilotage sous-jacentes à la régulation du système. Des signes graphiques simples et normalisés sont utilisés pour représenter les circuits de flux physiques ou de flux d’informations, les opérations de transformation, les opérations de régulation, et les emboîtements entre niveaux d’organisation. Les modèles obtenus sont essentiellement descriptifs. La modélisation dynamique s’efforce de traduire dans le formalisme mathématique les diverses liaisons ou interactions entre composants. Cette démarche s’inspire grandement de la dynamique des systèmes. Enfin, l’introduction de la variable temps dans les modèles dynamiques rend possible la simulation. Cette dernière, en jouant sur le choix des paramètres et le réglage des données initiales, permet de construire puis d’étudier des scenarii alternatifs. Donnadieu et Karsky (2002) soulignent le caractère itératif de la démarche, assise sur de multiples allers-retours entre chaque phase afin d’obtenir la meilleure compréhension possible de l’observable. Les outils Pour Donnadieu et Karsky, la triangulation systémique schématisée par la figure 33 est « l’outil à utiliser en priorité pour amorcer l’exploration systémique »229

226 LE MOIGNE J.-L., La modélisation des systèmes complexes, Dunod, 2003, p. 5

. Elle a été développée au début des années 80 par Le Moigne dans son livre La Théorie du système général (1977-1984).

227 LE MOIGNE J.-L., La modélisation des systèmes complexes, Dunod, 2003, p. 10 228 KORZYBSKI A., Une carte n’est pas le territoire, L’Eclat, 2001, chap. 3 229 DONNADIEU G., KARSKY M., La systémique, penser et agir dans la complexité, Editions Liaisons, 2002, p. 81

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Elle consiste à appréhender l’objet sous trois aspects : 1) l’aspect fonctionnel, 2) l’aspect structural, 3) l’aspect historique :

- L'aspect fonctionnel consiste à s’interroger sur la finalité de l’objet. Il s’agit de répondre aux questions « que fait le système dans son environnement ? », « à quoi sert-il ? ».

- L’aspect structural vise à étudier les éléments du système. Néanmoins, on s’intéresse davantage aux relations entre les composants qu’à la nature de ces composants, à la structure qu’aux éléments eux-mêmes.

- L’aspect historique s’attache à définir l’origine de l’objet et son évolution. Une fois que l’on a observé l’objet sous ces trois aspects, on obtient une première vision synthétique. Il est alors possible de revenir sur chacun des aspects pour enrichir la connaissance, selon un processus en hélice qui permet d’engranger à chaque tour des savoirs nouveaux. Néanmoins, comme le souligne Donnadieu (2003), la connaissance d’un objet complexe ne sera jamais totale230

.

Figure 33 : La triangulation systémique

Source : AFSCET, 2003 Un des autres outils disponibles est le découpage. Son objectif n’est pas de descendre au niveau des composants élémentaires, comme c’est le cas dans une décomposition analytique, mais d’identifier les sous-systèmes (modules, organes, sous-ensembles…) qui jouent un rôle dans le fonctionnement du système. Cela suppose de définir clairement les frontières de ces sous-systèmes (ou modules) pour faire ensuite apparaître les relations qu'ils entretiennent entre eux ainsi que leur finalité par rapport à l'ensemble. Il faut noter que le problème de la frontière se pose également pour le système lui-même.

230 DONNADIEU G., L’approche systémique : penser et agir dans la complexité, SNCF, Les mardis du changement, Compte-rendu de la conférence-débat n° 8, 2003, p. 6

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Donnadieu et Karsky (2002) proposent de s’appuyer entre autres sur les critères suivants231

:

- Le critère de finalité : Quelle est la fonction du sous-système par rapport à l’ensemble ?

- Le critère historique : Les composants du sous-système partagent-ils une histoire propre ?

- Le critère de niveau d’organisation : Où se situe le système par rapport à la hiérarchie des niveaux d’organisation ?

- Le critère de structure : Certaines structures ont un caractère répétitif qui se retrouve à plusieurs niveaux d’organisation (structures fractales ou en hologrammes). Il suffit de ne s’intéresser qu’à un seul des hologrammes pour les connaître tous.

L'analogie constitue le troisième outil phare de la systémique. En matière d'analogie, trois niveaux peuvent être distingués : 1) la métaphore qui établit une correspondance entre deux séries de phénomènes différents ou deux systèmes de nature différente, 2) l’homomorphisme qui établit une correspondance entre quelques traits du système étudié et les traits d’un modèle théorique ou d’un système concret plus simple ou plus commodément étudiable, et 3) l’isomorphisme qui établit une correspondance entre tous les traits de l’objet étudié et ceux du modèle, rien ne devant être oublié. Parmi les outils de la systémique, on notera que le langage graphique est largement utilisé dans le domaine technique. Enfin, Durand (2004) fait également référence aux techniques d’aide à la décision, à savoir la recherche opérationnelle, les études combinatoires, les choix aléatoires, l’analyse de la valeur, l’analyse factorielle et la théorie des jeux232

.

Modèles et modélisation La modélisation est au cœur de l’approche systémique. L’AFSCET (2003) indique que « modéliser est d'abord un processus technique qui permet de représenter, dans un but de connaissance et d’action, un objet ou une situation voire un événement réputé complexe »233

. On l'utilise dans tous les domaines scientifiques concernés par la complexité.

« Le terme de modèle est d’un emploi très large depuis l’usage courant (le modèle à imiter) jusqu’à celui de la théorie mathématique des modèles : il s’applique à toute représentation ou transcription abstraite d’une réalité concrète. Cette représentation doit être assez simplifiée pour être intelligible mais suffisamment fidèle pour être utile et fiable. [ ]. La modélisation est le processus d’action qui conduit à la construction d’un modèle » (Durand, 2004)234

.

« On peut distinguer quatre grands types de modèles en fonction de l’usage que l’on veut en faire : 1) le modèle cognitif doit donner une représentation simplifiée d’un système réel en ne retenant que les éléments et interactions les plus significatifs du système [ ], 2) le modèle décisionnel doit fournir au décideur des schémas qui lui permettent de prendre rapidement une décision en présence soit d’une information trop abondante et donc difficilement maîtrisable, soit au contraire d’une information lacunaire et incertaine [ ], 3) le modèle 231 DONNADIEU G., KARSKY M., La systémique, penser et agir dans la complexité, Editions Liaisons, 2002, p. 88-89 232 DURAND D., La Systémique, Que sais-je ?, Puf, 2004, p. 52-53

233 AFSCET, La pensée systémique : de quoi s’agit-il ?, www.afscet.asso.fr, Synthèse des travaux du groupe AFSCET : Diffusion de la pensée systémique, 2003, p. 9 234 DURAND D., La Systémique, Que sais-je ?, Puf, 2004, p. 58

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normatif est en fait une forme particulière du modèle décisionnel qui est particulièrement contraignante [ ], 4) le modèle prévisionnel doit, à partir de la connaissance de l’état présent et passé d’un système, permettre de déduire son comportement futur [ ] » (Durand, 2004)235

.

Pour Durand (2004)236

, les quatre formes de modèles sont : 1) la simple maquette représentant à une échelle réduite l’objet mécanique ou le bâtiment à construire ou étudier, 2) le schéma représentant l’objet ou le système, existant ou à créer, de façon plus ou moins détaillée – ces schémas ou dessins, qui relèvent du langage graphique, sont complétés par un code qui permet de les interpréter, 3) le modèle cybernétique qui permet d’étudier ou de prévoir les conditions de régulation d’un système, et 4) le modèle numérique.

Le processus de modélisation systémique est formalisé par la démarche systémique décrite par Donnadieu et Karsky en 2002 (cf. ci-dessus). Vers la logistique systémique De plus en plus d’auteurs appréhendent l’entreprise comme un système global dans lequel les divers domaines fonctionnels (ventes, marketing, logistique, production, qualité, informatique, ressources humaines, finance, etc.) comme tous les acteurs de la chaîne logistique (fournisseurs, industriels, prestataires logistiques, distributeurs, commerçants) sont intimement liés. La compétitivité de l’entreprise, comme nous avons évoqué à plusieurs reprises dans ce mémoire, trouve sa source pour une grande partie à l’intérieur du processus logistique. Baglin et al. indiquent notamment que c’est à ce niveau que se constituent et se déterminent237

:

- le coût de revient global des produits fabriqués ; - la qualité de service au client, en particulier le délai de livraison et l’aptitude à traiter

des commandes urgentes ou la fourniture de services complémentaires au produit ; - une grande partie de besoin en fonds de roulement pour financer les stocks à tous

les niveaux ; - la majorité des capitaux immobilisés dans les bâtiments, les machines, les moyens

de transport et de manutention. Soulignant les interactions entre les fonctions de l’entreprise et le processus logistique, ils proposent une représentation de la logistique selon une approche « systémique » de la supply chain (composée au moins de trois maillons). De façon originale, cette représentation parvient à associer les aspects structuraux et fonctionnels de la logistique dans la chaîne de valeur. Illustrée par la figure 34 ci-après, cette « cartographie » représente la logistique à travers les activités majeures « Approvisionnements », « Production » et « Ventes/Distribution » entourées des fonctions Achats, Etudes, Marketing, Comptabilité, Contrôle de gestion, Ressources humaines et Finances. Les fonctions sont disposées et orientées vers le processus logistique, dénotant ainsi la présence de fortes interactions. En dépit de l’absence des boucles de rétroaction, le modèle est relativement clair et complet. Il s’agit d’un modèle cognitif où les spécificités de chaque fonction sont décrites, de même que les flux d’entrée et de sortie sont matérialisés depuis les fournisseurs jusqu’aux clients. D’après nos recherches, il s’agit de l’un des premiers schémas, inauguré en 2001, qui présente la logistique sous un éclairage systémique. 235 DURAND D., La Systémique, Que sais-je ?, Puf, 2004, p. 59-60 236 DURAND D., La Systémique, Que sais-je ?, Puf, 2004, p. 60-61 237 BAGLIN G., BRUEL O., GARREAU A., GREIF M., KERBACHE L., van DELFT C., Management industriel et logistique – Conception et pilotage de la supply chain, Economica, 2005, p. 10

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Figure 34 : Relations entre les fonctions de l’entreprise

Source : Baglin et al., 2001

Au même moment, Grégoire (2001) propose une représentation similaire au niveau des interfaces logistiques sur un schéma qui réunit les fonctions majeures de l’entreprise et le processus logistique238

(cf. figure 35). Celui-ci est plus subtil, car il montre l’implication des fonctions de l’entreprise dans le processus logistique à travers des activités situées en interface avec la logistique ; celle-ci jouant un rôle de coordination et d’optimisation des flux selon la demande à servir.

Figure 35 : Les interfaces logistiques (Grégoire, 2001)

238 GREGOIRE L., Supports de cours, UV 23208, CNAM Paris, 2001

Gestion des Coûts

COMPTABILITE - CONTROLE DE GESTION

ACHATS

Gestiondes

appros

PRO-DUCTION

Gestionde

production

DISTRI- ACHATS BUTION PREST.

LOGIST.

Gestion dedistribution

COM- MARKE- MER- TING CIAL

Gestion de la demande

GESTION LOGISTIQUE

FournisseursClients

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Pour conclure, s’il est une définition de la logistique systémique, nous nous réfèrerons à la vision de Grégoire (2004) qui la décrit comme « la démarche systémique de gestion de flux, tant au sein d’une organisation que dans l’entreprise étendue, ayant pour finalité la coïncidence de l’offre et de la demande, aux meilleures conditions économiques »239

.

239 GREGOIRE L., Supports de cours : Approfondissement de la logistique systémique, CNAM Paris, 2004

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Conclusion Face à la complexité du monde de l’entreprise, d’ailleurs qualifié de système hypercomplexe par les systémiciens, il ressort de ce chapitre que la pensée systémique sert à :

- voir les phénomènes dans leur intégralité ; - étudier les interrelations plutôt que les éléments individuels ; - comprendre les systèmes ; - observer les structures sous-tendant les situations complexes et agir sur les effets

de levier, en particulier sur les boucles d’amplification ou de régulation, capables de les modifier ou de les stabiliser.

Spécialement adaptée pour la résolution des problèmes complexes, à l’inverse des problèmes compliqués du ressort unique de l’approche cartésienne, l’approche systémique propose une palette d’outils variés pour l’analyse, la modélisation et la simulation des phénomènes complexes. Indiquons que nous avons particulièrement « usé », tout au long de la recherche, de la triangulation systémique – l’un des outils phares de la systémique – pour l’analyse de la logistique dans son milieu (ainsi que plusieurs autres fonctions) sous les aspects « historique », « structurel » (analyse du contexte relationnel) et « fonctionnel » (analyse du potentiel d’action) par un premier tour d’hélice. Un deuxième, voire un troisième tour d’hélice, pourront être « enchaînés » dans le cadre de la thèse qui poursuivra ces travaux. La représentation de la logistique systémique dans la chaîne de valeur fait partie des défis systémiques tant elle relève d’un exercice difficile. Nous avons montré deux schémas qui ouvrent la voie ; celui de Baglin et al. (2001) et celui de Grégoire (2001). L’ambition de ce projet, étant donné que la systémique incite à une démarche prudente mais ambitieuse, est de prolonger ces premières réflexions par une nouvelle maquette qui nous « emmène un peu plus loin » sur le chemin de la connaissance et de l’appréhension du « système logistique ». Pour ce faire, nous allons nous inscrire dans le cadre d’un modèle cognitif privilégiant une représentation simplifiée de la logistique en ne retenant que les éléments et les interactions les plus significatifs du système. L'analogie constituera l’outil systémique qui sera utilisé sur le modèle de la métaphore avec les techniques de cartographie pour une modélisation qualitative de la logistique systémique. De tous les modes de raisonnement, l’analogie est le plus facile, le plus spontané. Comme le fait remarquer Piaget (1968), l’analogie chez l’enfant est le premier mode de pensée qui permet à l’intelligence de se développer progressivement à travers l’expression : « C’est comme… »240

. C’est également le mode de pensée privilégié dans le domaine de l’art. Aussi partirons-nous du principe qu’il convient parfaitement à notre projet de cartographie se devant d’être accessible aussi bien au néophyte comme au spécialiste.

Pour plus de détails sur le langage graphique que la modélisation utilisera, l’apprentissage de quelques notions de cartographie est l’objet du prochain chapitre. Ce onzième chapitre est le dernier d’une revue de l’état de l’art, relativement longue mais d’une grande richesse, qui permet désormais de passer à la phase pratique de la recherche avec une bonne vision d’ensemble de la structure et des fonctions à représenter.

240 PIAGET J., Le structuralisme, Que sais-je ?, Puf, 1968

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7.11 Notions de cartographie A ce stade de la recherche, la question que nous avons posée dans l’introduction de ce mémoire reste quasi entière, à l’exception de l’approche systémique et du modèle cognitif qui ont été choisis comme support de réflexion dans le cadre d’une analogie à établir avec l’univers de la cartographie. Comment représenter le potentiel de valeur d’une discipline millénaire, éminemment stratégique, transversale, pluridisciplinaire, comptant pas moins de 23 métiers en charge de plus de 600 activités dans un système aussi complexe que celui de l’entreprise ? Rappelons l’intitulé de notre problématique afin de conforter les choix que nous avons faits et ceux qui viendront pour la représentation de l’objet final : Comment représenter la logistique dans la chaîne de valeur pour mieux en connaître, mieux en comprendre et mieux en exploiter les potentialités ? Enfin, rappelons la finalité de notre recherche exprimée au début de ce mémoire : Le travail de recherche est guidé par la volonté de proposer une nouvelle image de la logistique, révélatrice de ses potentialités au contact des autres fonctions de la chaîne de valeur, destinée au grand public comme aux spécialistes, afin d’en favoriser la connaissance, la compréhension et l’exploitation de tous les leviers d’action. Le but poursuivi consiste donc à construire une image claire et synthétique de la logistique qui réponde à la fois aux besoins de vision d’ensemble du néophyte comme aux exigences plus pointues du supply chain manager. L’image recherchée doit être nouvelle, avons-nous précisé, et ainsi tenter de marquer une « rupture » avec les représentations connues à ce jour. Nous avons ajouté que le but recherché est tourné vers l’action. Or la carte est un moyen d’action, comme l’indique à propos Poidevin (1999) dans le titre même de son ouvrage La carte, moyen d’action241

.

Et Mongin (1999) de préciser dans la préface du livre de Poidevin que « le champ d’utilisation des cartes s’étend désormais aussi bien au domaine technique qu’au domaine social et économique », avant d’ajouter que la cartographie offre des possibilités de communiquer synthétiquement et de dégager des informations stratégiques aux décideurs. La cartographie est donc une science, un art et une technique non seulement appliquée à la représentation de la Terre, mais aussi à d’autres objets moins matériels telles les organisations sociales et économiques. Nous parions alors qu’elle peut aussi s’appliquer à la représentation de la logistique ! Pour remporter ce pari, si tant est que nous réussissions l’exercice de l’analogie avec les techniques de cartographie, nous devrons bien entendu démontrer la validité scientifique de la construction proposée. 241 POIDEVIN D., La carte, moyen d’action – Guide pratique pour la conception & la réalisation de cartes, Ellipses, 1999

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Rappel historique Selon Poidevin (1999), la cartographie remonte à l’Antiquité à partir des travaux des Grecs tels que Eratosthène (275-194 av. JC.), Hipparque (190-125 av. JC.) et Ptolémée (90-168 av. JC.) qui tentaient de cartographier la Terre et d’en démontrer la sphéricité. La cartographie antique a jeté les bases fondamentales de la cartographie et de la science géographique modernes. Mais le Moyen Age les aura oubliées faisant que la rotondité de la Terre a longtemps disparu... de la planète ! Ce sont alors les Arabes qui reprennent l’héritage scientifique des Grecs. Plus tard, à la fin du Moyen Age, la reprise du commerce maritime marque l’essor des cartes de navigation en Europe. Lors de la Renaissance, les travaux antiques sont redécouverts, traduits et diffusés. Ils sont à la base des grandes expéditions maritimes des 15ème et 16ème siècles dirigées par les explorateurs Christophe Colomb, Magellan, Vasco de Gama ou Jacques Cartier. Les Globes de Coronelli (1683) récemment exposés à l’occasion de la réouverture du Grand Palais à Paris le 16 septembre 2005 sont les témoins de cette époque faste – le globe terrestre présentant l’état des connaissances géographiques alors connues, et le globe céleste représentant l’état du ciel à la naissance de Louis XIV242

.

Longtemps exclusivement utilisée pour représenter la surface visible de la Terre, la cartographie a évolué au 19ème siècle vers la réalisation de cartes thématiques en associant des données qualitatives et quantitatives liées à un lieu géographique. La cartographie thématique est ainsi la deuxième branche de la cartographie contemporaine au côté de la branche mathématique axée sur les techniques d’analyse243

. Ses applications sont nombreuses et permettent par exemple de représenter la géographie physique (bio-géographie, climatologie, hydrologie, glaciologie, etc.), la géographie humaine (géographie urbaine, économique, politique, démographique, des transports, etc.), ainsi que l’économie, l’urbanisme, l’aménagement du territoire, la géopolitique ou les statistiques.

La carte, mode d’expression et de communication Paradoxalement, la carte – familière, quotidienne, indispensable – est pourtant un outil dont les potentialités sont méconnues voire inconnues du grand public. Etonnamment, elle partage les mêmes problèmes de reconnaissance que la logistique ! Mais la cartographie, tout comme la logistique, connaît un développement prodigieux grâce d’une part à la prise de conscience de ses qualités d’aide à la décision et à la gestion, de support de communication, d’analyse ou encore de simulation, et d’autre part à l’informa-tique. Ceci ouvre à la cartographie de vastes champs d’application et donne théoriquement la possibilité à tous de concevoir une carte. Pour notre part, nous allons tenter de l’appliquer au champ de la logistique dans la chaîne de valeur. L’objectif ici est d’utiliser les principes cartographiques comme mode d’expression, de communication et de promotion des potentialités de la logistique. Définition La carte connaît plusieurs définitions. Toutes les cartes ont néanmoins un point commun, celui de représenter une portion de l’espace terrestre. Selon le Comité Français de la Cartographie : « La carte est une représentation géométrique conventionnelle, généralement

242 CORONELLI V. (1650-1718), moine franciscain italien cartographe, cosmographe, fabricant de globes 243 POIDEVIN D., La carte, moyen d’action – Guide pratique pour la conception & la réalisation de cartes, Ellipses, 1999, p. 8

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plane, en position relative, de phénomènes concrets ou abstraits, localisables dans l’espace ; c’est aussi un document portant cette représentation ou une partie de cette représentation sous forme d’une figure manuscrite, imprimée et réalisée par tout autre moyen ». Pour la réalisation de notre projet, nous nous inscrivons dans cette définition selon laquelle nous tenterons d’illustrer à travers une carte manuscrite imaginaire le potentiel de la logistique dans la chaîne de valeur. Principes de cartographie Comme l’indique Poidevin, il faut avoir présent à l’esprit que la cartographie ne procède pas d’un raisonnement linéaire, lui donnant ainsi une caractéristique systémique. Elle utilise un « langage visuel dont les principes, les règles, les qualités et les limites résultent tous des exigences physiologiques de l’œil humain »244

.

En résumé, toute carte doit présenter les qualités de rigueur, de clarté et d’esthétique. Elle n’est efficace que si elle assure au lecteur le maximum de clarté et de rapidité de compré-hension. De même, une image graphique est efficace lorsqu’elle répond aux questions posées, permet une perception immédiate de l’information et en facilite la mémorisation. Edicté par l’Atelier de cartographie de Sciences-Po Paris (2002)245

, un nombre restreint de règles de conception cartographique sont à prendre en compte pour la réalisation de cartes de qualité. Ces règles revoient à des principes d’organisation de la mise en page avec comme but la construction d’unités significatives :

- principe de proximité entre éléments d’une même catégorie qu’il faut chercher à regrouper par sous-ensembles, et non à éparpiller ;

- principe de similitude entre éléments d’un même ensemble afin de favoriser la

perception des éléments en question comme une unité. Ceci renvoie à la sélectivité des informations représentées ;

- principe de continuité entre éléments d’une configuration qui sont en continuité

avec d’autres éléments afin d’être perçus comme une unité. Ceci renvoie à la notion d’alignement des données représentées.

Un dernier principe lié à la visualisation des hiérarchies est indiqué. Fondamental, il rappelle que l’exploration d’une page imprimée se fait, pour un lecteur occidental, de haut en bas et de gauche à droite. L’œil est attiré par ce qui est grand et foncé (variation de taille et de valeur) par rapport au reste. Enfin, le titre de la carte doit être mis en valeur, placé en haut, et la lisibilité de la carte exige l’utilisation de caractères d’imprimerie.

244 POIDEVIN D., La carte, moyen d’action – Guide pratique pour la conception & la réalisation de cartes, Ellipses, 1999, p. 7 245 www.sciences-po.fr/cartographie

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Conclusion Fort intéressant, ce chapitre montre les potentialités de la cartographie pour la représen-tation de données et phénomènes complexes en relation avec les lieux géographiques. Bien que nous ayons limité notre incursion de la cartographie à quelques notions fondamentales, nous mesurons combien cette science recouvre aussi un art et un ensemble de techniques d’une grande richesse utile à de nombreux domaines d’activité. A l’inverse d’une démarche analytique, elle propose la réalisation de cartes synthétiques permettant de distinguer, relier, corréler ou comparer différentes données en ne lisant qu’un seul et même support. Son usage et ses potentialités sont méconnus, comme pour la logistique, avec laquelle elle partage de nombreux points communs, à commencer par le support même de leur expression, soit la Terre ou l’Espace. En effet, la logistique est une fonction qui par nature évolue dans l’espace. L’idée de la représenter sur un fond de carte la rapproche donc de son milieu naturel ! En tenant compte des principes de base pour la réalisation d’une carte « efficace » capable d’offrir une perception immédiate de la logistique dans la chaîne de valeur, nous privilégions ici le choix d’un fond de carte imaginaire comme moyen d’expression, de communication et de mémorisation de la logistique, car la carte est aussi un moyen d’action.

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7.12 Conclusion générale sur l’état de l’art De nombreux concepts ont été analysés et synthétisés dans le cadre de la recherche bibliographique afin de mieux comprendre le positionnement, la mission et les articulations de la fonction Logistique dans la chaîne de valeur au service de la stratégie marketing, à travers le jeu des interactions et des interdépendances entre les disciplines internes et externes de l’entreprise. Pour récapituler, nous avons passé en revue les éléments essentiels de la théorie générale de l’offre et de la demande, du contexte économique et concurrentiel de l’entreprise incluant le bouleversement révolutionnaire provoqué par l’arrivée du commerce électronique, de la stratégie de l’entreprise et du processus de planification stratégique, de la chaîne de valeur et des processus de création de valeur, de la démarche Qualité Totale, des multiples interactions que la logistique entretient avec les autres fonctions de la chaîne de valeur, du cœur même de la démarche et des activités logistiques, de la fonction intégrative du supply chain management, des principes de base de la systémique pour la résolution des problèmes complexes, et de la cartographie moderne. Sans rappeler le contenu des conclusions qui ponctuent chaque chapitre thématique – il suffit pour cela de s’y reporter – nous retiendrons que la logistique est une fonction essentielle dans l’entreprise pour sa valeur stratégique, économique, pragmatique, fédératrice, organisatrice, intégratrice, coordinatrice, coopératrice, facilitatrice, réconciliatrice, et probablement rassurante dès lors qu’elle fonctionne avec un à plusieurs « coups d’avance » sur le théâtre mouvementé de la guerre économique que se livrent les entreprises à l’échelle mondiale. Mais la logistique ne fonctionne pas seule et nécessite d’étroites relations avec l’ensemble des fonctions internes de l’entreprise et des acteurs externes de la supply chain pour atteindre les objectifs de service à moindre coût qui lui sont assignés. Au regard du processus logistique qui traverse toutes les fonctions et les organisations de la chaîne de valeur, sur la base du système d’information de l’entreprise dont elle consomme 80 % des informations traitées et échangées pour le pilotage et la maîtrise des flux, tout en considérant les standards de communication internationaux GS1 qui garantissent l’interopérabilité des systèmes, la traçabilité et la continuité des flux entre les sociétés de monde entier, on constate que la logistique est partout ! Elle est aussi l’affaire de tous ; tel est le sens de la démarche logistique. En effet, le supply chain manager est présent à tous les stades du cycle de vie du produit depuis sa conception jusqu’à son retour pour les opérations de recyclage après avoir été fabriqué, distribué, vendu, utilisé et maintenu. Il est également présent à tous les niveaux stratégique, fonctionnel et opérationnel de l’entreprise dans tous les maillons de la chaîne d’approvisionnement à travers 23 métiers et plus de 600 activités recensés à ce jour. Pour remplir sa mission de service optimal, il utilise plusieurs concepts et outils axés sur le besoin d’anticipation, la réduction de l’incertitude, la gestion des actifs et des ressour-ces de l’entreprise, dont le stock qu’il utilise comme un volant de sécurité et déploie le plus tard possible (notion de point de découplage) avec réactivité et flexibilité selon la demande exprimée (ainsi que les besoins latents) et le niveau de service exigé.

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Du fait de sa position neutre et transversale vis-à-vis de fonctions plus polarisées sur le commerce, la production ou les achats, le supply chain manager a un aussi rôle de médiateur au niveau de toutes les interfaces traversées par le double flux physique et logique, développant ainsi la culture du compromis dans l’intérêt général de l’entreprise. Le potentiel de la logistique est important. Il s’exprime de diverses manières, à divers endroits, à plusieurs moments, avec différents acteurs de la chaîne de valeur par « petites touches » stabilisatrices ou amplificatrices selon les situations. Il recouvre différentes activités fonctionnelles (planification, optimisation, simulation, pilotage, régulation et maîtrise des flux et des ressources) et opérationnelles (activités d’entreposage, de préparation de commandes, de livraison, de soutien). Les activités de coopération externe avec les clients, les fournisseurs et les prestataires de service de l’entreprise font aussi partie de son rayon d’action dans l’intérêt d’améliorer le pilotage des flux et la rentabilité économique. Ayant analysé la fonction Qualité avec les outils de l’approche systémique, nous avons mis en évidence « l’alliance formidable » que peuvent nouer le qualiticien et le supply chain manager au service de l’entreprise. Les deux fonctions ont en commun l’orientation client, une vision transversale de l’entreprise, des objectifs de qualité de service, de réduction des coûts et de diminution des délais. Leurs objectifs et leurs intérêts sont convergents. Le premier a pour vocation d’améliorer l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise – dont le processus logistique et ses interfaces avec les autres fonctions de l’entreprise. Quant au deuxième, il est davantage connecté au marché, via les prévisions de vente et les interactions avec les fonctions Ventes et Marketing ; il a pour vocation de coordonner l’ensemble des flux et des niveaux de stocks en fonction d’impératifs de service et de rentabilité. Il ressort ainsi que le supply chain manager donne le « tempo » des flux et des stocks en fonction de la demande et des contraintes budgétaires à satisfaire. Pour l’aider à « fluidifier » les interfaces, à améliorer la qualité des flux, à réduire les coûts et à renforcer l’efficacité et l’efficience des organisations, le qualiticien apporte à la logistique différents outils de management de la qualité tels que ceux dédiés à la résolution des problèmes et à la maîtrise des processus. La Logistique trouve donc un appui, voire un allié solide en la Qualité. Loin de s’opposer, ces deux fonctions sont naturellement amenées à coopérer et à « s’entraider » sur les grands travaux de décloisonnement de l’entreprise, de rationalisation des organisations, de tension et de maîtrise des flux, et d’amélioration continue des performances dans la vision de l’entreprise étendue. En termes de positionnement dans la chaîne de valeur, il ressort que la logistique s’inscrit dans le système de l’entreprise et celui de la qualité. Elle est à l’écoute de la stratégie générale de l’entreprise et du marketing auprès desquels elle prend ses « ordres de mission » pour la distribution des produits selon les plans commerciaux définis. Elle est en interaction avec toutes les fonctions internes et les acteurs externes influant sur le processus logistique. Son action est toujours dirigée vers la satisfaction du client dans le respect des arbitrages stratégiques sur le couple valeur-coût rendus par la direction générale. Selon les fonctions, les interactions peuvent être variables. Elles dépendent a priori du degré d’interdépendance, de l’intensité et de la fréquence des échanges. Bien que nous ne disposions pas de valeurs chiffrées, nous avons tenté d’en apprécier la valeur qualitative. Selon l’approche du « macroscope » de Joël de Rosnay (1975), ce mémoire a la structure d’un sablier. Lors de la recherche bibliographique, nous avons exploré la structure des relations et l’essentiel des mécanismes de la logistique dans la chaîne de valeur. C’est la phase de collecte des informations, d’approfondissement des interactions, d’analyse du

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potentiel logistique, bref d’observation du « système logistique ». Au fur et à mesure que l’exploration a progressé – depuis le cadre général de la théorie de l’offre et de la demande, puis de la chaîne de valeur, puis du système Qualité, vers les fonctions en interaction avec la logistique, jusqu’au cœur même de la logistique – nous nous sommes rapprochés du centre du sablier à l’intersection entre les deux cônes. C’est à cet endroit qu’intervient l’approche systémique, cette méthode générale qui permet d’appréhender et de comprendre toutes les interconnexions. La partie basse du sablier va maintenant consister à développer progressivement le modèle cognitif de la logistique systémique, selon les enseignements tirés de l’étude théorique, à partir d’une analogie avec le domaine de la cartographie. Ce modèle a pour objectif d’unifier la « mosaïque » des nombreuses données collectées à partir d’un langage graphique. En effet, en cet instant, les 135 pages de ce mémoire qui récapitulent les connaissances sur le sujet paraissent tout de même difficiles à assimiler. Elles sont littéralement indigestes pour le novice à qui le projet s’adresse pourtant aussi. Il nous faut donc trouver une forme de représentation différente marquant probablement une rupture avec les modèles traditionnels connus. Pour ce faire, de Rosnay nous invite à stimuler la pensée inventive, l’intuition, l’imagination pour la création de schémas, de tableaux, de modèles, d’analogies, de métaphores plus « parlants » à l’esprit. Bien que toute représentation soit simplificatrice, voire « toujours fausse », il encourage l’utilisation de tout l’arsenal d’outils à disposition pourvu qu’ils favorisent le passage d’idées pour une meilleure appréhension des phénomènes complexes.

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8 ANALYSE DES DONNEES ET MODELISATION

Le volet pratique de la recherche va consister à traiter l’ensemble des données essentielles mises en évidence dans la partie théorique. Ayant atteint un haut degré de complexité au terme de l’analyse bibliographique – aux limites de l’intelligibilité malgré les efforts de synthèse effectués – il nous faut maintenant chercher à modéliser le « système logistique » ainsi décrit pour en clarifier le sens et la valeur. Pour ce faire, nous projetons de transformer les données théoriques collectées – via un processus cartographique – en une seule et même image de synthèse illustrative du potentiel logistique dans la chaîne de valeur. Le but recherché est de « réduire » la complexité de la logistique par la construction d’une image graphique capable d’élever l’observateur pour mieux voir, de relier les structures en interaction pour mieux comprendre, et de situer la logistique pour mieux agir. Tourné vers l’action, nous souhaitons aussi que le modèle final facilite la mémorisation selon les préceptes de cartographie. Pour ce faire, nous adoptons une démarche exploratoire de type abductif en vue de conceptualiser selon une posture constructiviste un modèle de représentation graphique des potentialités de la logistique à partir des données théoriques recueillies. Dans un premier temps, nous allons récapituler les données essentielles collectées tout au long de la recherche bibliographique. Ensuite, sera utilisé un procédé de codage sélectif pour tenter de les classer en des groupes significatifs et homogènes. Enfin, sur la base de la classification établie, la phase de modélisation cartographique de la logistique nous conduira à la construction du modèle recherché. 8.1 Récapitulatif des données collectées Les données collectées sont de trois ordres : 1) Elles regroupent premièrement les fonctions de la chaîne de valeur interne (au

nombre de 12) et externe (au nombre de 4) à l’entreprise avec lesquelles la logistique est en interaction. Il s’agit du contexte relationnel de la logistique dans l’environnement économique et concurrentiel de l’entreprise.

Fonctions internes

:

- Direction générale (dont Communication) - Finance - Contrôle de gestion - Ressources humaines - Recherche & Développement - Qualité - Informatique - Marketing - Ventes - Logistique - Production - Achats

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Fonctions ou acteurs externes

:

- Clients - Fournisseurs - Sous-traitants - Prestataires logistiques

2) La seconde catégorie de données se réfère au potentiel logistique, c’est-à-dire aux

activités créatrices de valeur de la logistique. Parmi les 21 agrégats d’activités définis par l’AFNOR (cf. tableau 1 du chapitre 7.8), nous avons constitué 12 familles d’activités synthétiques. Celles-ci font partie intégrante du processus logistique (identifier, concevoir, développer, produire, distribuer, soutenir, maîtriser) et se décomposent comme suit :

- Stratégie logistique - Planification des opérations logistiques - Gestion des prévisions de vente - Gestion des commandes - Gestion des stocks - Gestion d’entrepôt - Gestion de production - Gestion des approvisionnements - Gestion des transports - Logistique inverse - Soutien logistique intégré - Gestion des tableaux de bord de performance

D’autres activités (au nombre de 5) relatives à la coopération client-fournisseur font également partie de l’éventail des activités logistiques aux interfaces externes de l’entreprise :

- Gestion des communications logistiques (codification produits et entreprises, EDI,

web EDI, facture dématérialisée, traçabilité électronique, catalogue électronique, identification automatique par codes à barres ou radiofréquence (RFID), etc.)

- Gestion partagée des approvisionnements (GPA) - Gestion collaborative sur les prévisions de vente (CPFR) - Gestion de la relation fournisseur (SRM : Supplier Relationship Management) - Gestion des prestataires logistiques

Dans ce mémoire, bien qu’ils relèvent des fonctions Marketing ou Achats, quatre autres concepts ont été présentés comme des éléments en interaction avec le processus logistique, à savoir :

- Gestion de la relation client (CRM, Customer Relationship Management) - Category management - E-sourcing, appel d’offres, enchères inversées - E-procurement

Faisons enfin ressortir les différents rôles (au nombre de 7) attribués au supply chain manager de par sa mission « satisfaire les besoins exprimés ou latents, internes ou externes, au moindre coût suivant un niveau de service fixé » qui s’exerce du début à la fin de la supply chain :

- Rôle de coordinateur de l’offre et de la demande - Rôle de pilote des flux

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- Rôle de gestionnaire - Rôle d’intégrateur de la chaîne logistique - Rôle de fédérateur sur les objectifs communs - Rôle de médiateur (au niveau des interfaces) - Rôle de modélisateur (modélisation et simulation des flux pour l’optimisation du

processus logistique)

3) La troisième catégorie concerne les éléments du contexte de la logistique (au nombre de 10) dans lesquels la fonction Logistique intervient ou sur lesquels elle s’appuie pour développer son action et améliorer ses performances :

- Mondialisation de l’économie - Instabilité des marchés - Commerce électronique - Hyper concurrence - Systèmes d’information - Supply chain management - Formation professionnelle initiale et continue - Entreprise apprenante - Approche systémique - Recherche scientifique

Au total, nous avons listé 50 éléments relatifs au théâtre et à l’expression de la logistique dans la chaîne de valeur en termes de :

- fonctions avec lesquelles elle interagit ; - activités du processus logistique ; - rôles du supply chain manager ; - contexte d’évolution.

Notons au passage que nous n’avons pas intégré dans ce décompte les quatre activités intitulées « gestion de la relation client (CRM), category management, e-sourcing et e-procurement » qui ne relèvent pas selon nous de la logistique, mais des fonctions Marketing pour le CRM et le category management et Achats pour les deux autres. Ces différents éléments, ayant fait l’objet d’une analyse au cours de la recherche bibliographique, représentent in fine les constituants de la cartographie que nous projetons d’établir. Selon nos hypothèses d’inspiration systémique, la représentation du « système logistique » est au minimum une double fonction des activités du processus logistique et des fonctions de la chaîne de valeur avec lesquelles la logistique est en interaction. Ainsi utilisons-nous l’outil de triangulation systémique en sens inverse afin de reconstituer le « système logistique » – autrement dénommé « logistique systémique » probablement abusivement à ce stade encore récent des recherches effectuées – après l’avoir décomposé lors de l’analyse théorique. Par l’association des 50 éléments ci-dessus énumérés, nous allons donc combiner l’aspect fonctionnel et l’aspect structural du « système logistique », auquel il manque l’aspect historique à moins de donner au modèle une dimension dynamique. Mais avant de dessiner la carte, tentons une ultime classification des données présentes afin de les regrouper en des catégories homogènes.

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8.2 Classification des données Le principe de codage sélectif des données consiste à utiliser une liaison clé à partir de laquelle le chercheur peut facilement relier des données disparates en des groupes significatifs. Comme il a été précisé dans le plan méthodologique en début de ce mémoire, la liaison clé qui va permettre de regrouper les données est la théorie de l’offre et de la demande. Mais nous appliquerons celle-ci aux seules données relatives aux activités logistiques et aux fonctions environnantes. En effet, les autres données liées au contexte de la logistique et aux rôles du supply chain manager n’entrent pas dans ce découpage. Pour ce faire, reportons-nous au tableau de données suivant (tableau 4) qui comprend en ordonnée la liste des fonctions (au nombre de 16) et des activités (au nombre de 17) et en abscisse la liaison clé éclatée en trois rubriques : offre, demande, offre et demande.

Tableau 4 : Classification des données « activités et fonctions »

Offre Demande Les deux Direction générale (et Communication) X Finance X Contrôle de gestion X Ressources humaines X R&D X Qualité X Informatique X Marketing X Ventes X Logistique X Production X Achats X Clients X Fournisseurs X Sous-traitants X Prestataires logistiques X Stratégie logistique X Planification des opérations logistiques X Gestion des prévisions de vente X Gestion des commandes X Gestion des stocks X Gestion d’entrepôt X Gestion de production X Gestion des approvisionnements X Gestion des transports X Logistique inverse X Soutien logistique intégré X Gestion des tableaux de bord de performance X Gestion des communications logistiques X Gestion partagée des approvisionnements (GPA) X Gestion collaborative sur les prévisions de vente (CPFR)

X

Gestion de la relation fournisseur (SRM) X Gestion des prestataires logistiques X

Source : T. Jouenne, 2005

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Les fonctions et les activités ont été classifiées selon la réponse à la question : « Est-ce que la fonction ou l’activité considérée intervient au niveau de l’offre, de la demande, ou de façon transversale sur la chaîne de l’offre et de la demande ? ». Par exemple, l’activité « soutien logistique intégré », intervenant de la conception au retrait du produit en fin de vie en passant par les phases de fabrication, distribution et de maintenance, est considérée comme transverse. En regroupant les fonctions et les activités par catégorie (cf. tableau 5), on obtient 6 groupes homogènes. A ce propos, il est intéressant de noter que la majorité des fonctions de l’entreprise sont transverses (direction générale, finance, contrôle de gestion, ressources humaines, qualité, informatique, logistique) contre 2 qui s’exercent côté « demande » (marketing et ventes) et 3 côté « offre » (R&D, achats, production).

Tableau 5 : Classement des données « activités et fonctions »

Offre Demande Les deux Direction générale (et Communication) X Finance X Contrôle de gestion X Ressources humaines X Qualité X Informatique X Logistique X Marketing X Ventes X Clients X R&D X Production X Achats X Fournisseurs X Sous-traitants X Prestataires logistiques X Stratégie logistique X Planification des opérations logistiques X Logistique inverse X Soutien logistique intégré X Gestion des tableaux de bord de performance X Gestion des communications logistiques X Gestion partagée des approvisionnements (GPA) X Gestion des prévisions de vente X Gestion des commandes X Gestion collaborative sur les prévisions de vente (CPFR)

X

Gestion des stocks X Gestion d’entrepôt X Gestion de production X Gestion des approvisionnements X Gestion des transports X Gestion de la relation fournisseur (SRM) X Gestion des prestataires logistiques X

Source : T. Jouenne, 2005

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Quant aux activités logistiques, elles se répartissent de manière différente : 40 % sont focalisées sur la gestion de l’offre, autant sont transverses, et 20 % sont centrées sur la gestion de la demande. Cette répartition révèle la présence de la logistique dans les trois segments – à savoir sur l’ensemble de la chaîne – avec un ancrage évident dans la gestion de la demande, ce qui est somme toute logique compte tenu de sa position transversale et de son rôle de coordination de l’ensemble des flux d’approvisionnement, de production, de distribution et de soutien. Cela revient à dire que la logistique doit être représentée tout au long de la supply chain. Les quatre activités analysées en marge du processus logistique peuvent être facilement affectées côté « offre » pour l’e-sourcing et l’e-procurement, côté « demande » pour la gestion de la relation client (CRM) et le category management. Dès lors que les données à représenter sont connues, classées selon un tableau à double entrée pour 70 % d’entre elles, et regroupées par grandes régions d’affectation selon qu’elles se situent côté « offre », côté « demande » ou d’un bout à l’autre de la supply chain, nous pouvons entreprendre la construction graphique du « système logistique » dans la chaîne de valeur. 8.3 Essai de modélisation graphique Avant de choisir le thème du support cartographique, soulignons que celui-ci doit permettre l’intégration de plus de 50 éléments ci-dessus énumérés répartis en 7 groupes différents. La gageure est de parvenir à les imbriquer et à les articuler de telle manière que leur association conduise à la perception immédiate du potentiel logistique dans la chaîne de valeur tout en répondant à deux niveaux d’exigence : celui du néophyte en quête d’une vision d’ensemble et celui du professionnel de la logistique en quête d’un support d’approfondissement dans lequel il puisse situer son action. 1) Groupe « Contexte et support »

- Mondialisation de l’économie - Instabilité des marchés - Commerce électronique - Hyperconcurrence - Systèmes d’information - Supply chain management - Formation professionnelle initiale et continue - Entreprise apprenante - Approche systémique - Recherche scientifique

2) Groupe « Fonctions/Offre » (dont partenaires externes)

- R&D - Production - Achats - Fournisseurs - Sous-traitants - Prestataires logistiques

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3) Groupe « Fonctions/Demande » (dont partenaires externes)

- Marketing - Ventes - Clients

4) Groupe « Fonctions transversales »

- Direction générale (et Communication) - Finance - Contrôle de gestion - Ressources humaines - Qualité - Informatique - Logistique

5) Groupe « Activités/Offre » (dont activités de coopération)

- Gestion des stocks - Gestion d’entrepôt - Gestion de production - Gestion des approvisionnements - Gestion des transports - Gestion de la relation fournisseur (SRM) - Gestion des prestataires logistiques

6) Groupe « Activités/Demande » (dont activités de coopération)

- Gestion des prévisions de vente - Gestion des commandes - Gestion collaborative sur les prévisions de vente (CPFR)

7) Groupe « Activités transversales » (dont activités de coopération)

- Stratégie logistique - Planification des opérations logistiques - Logistique inverse - Soutien logistique intégré - Gestion des tableaux de bord de performance - Gestion des communications logistiques - Gestion partagée des approvisionnements (GPA)

Choix techniques Sur la base des groupes constitués, nous adoptons comme principe qu’il sera accordé plus ou moins de place aux fonctions et aux activités représentées en fonction de leur étendue. Celles-ci seront localisées dans la région de l’offre si elles lui sont associées ou dans le pôle de la demande si elles se focalisent sur les clients. Dans le cas où elles sont transversales, nous tenterons de les faire traverser la cartographie, autant que faire se peut. Le fond de carte sera « habillé » du contexte de l’offre et de la demande, comme déjà stipulé, étant donné qu’il s’agit des deux pôles de l’économie que la logistique tente de relier et de coordonner.

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Du fait de la position centrale de la logistique au cœur du processus chargé de délivrer les produits et les services demandés par les clients au moment opportun à l’endroit voulu dans les meilleures conditions économiques, celle-ci figurera au centre de la projection. Pour un maximum de lisibilité, le choix final du support cartographique se porte sur une carte topographique imaginaire comme meilleur moyen d’expression, de communication et de mémorisation de la logistique. Ce choix est guidé par l’univers dans lequel la logistique évolue, soit l’espace. Probablement d’autres supports analogiques se prêteraient aussi à l’exercice, tels que le corps humain, un écosystème ou la galaxie, mais celui-ci offre l’avantage de replacer la logistique dans son contexte authentique d’évolution. Il est également compatible avec les activités d’aménagement du territoire et de la logistique urbaine, thèmes abondamment traités par les professeurs Ziv et Duong de la Chaire de Logistique, Transport, Tourisme du CNAM. De plus, il offre un choix important de déclinaisons topographiques en termes de :

- voies de circulation et de liaison (allée, passage, chemin, rue, boulevard, avenue, rond-point, carrefour, périphérique, couronne, ceinture, voie ferrée, fleuve, canal, cours d’eau, rive, quai, pont, etc.) ;

- univers (centre ville, région agricole, zone industrielle, quartier d’affaires, jardin, île,

port, etc.) ;

- représentations symboliques d’usines, d’entrepôts, de centres commerciaux, de building, de palais des congrès, d’université, de bibliothèque, de monuments, et autres symboles de l’activité humaine ;

… intéressantes à « manier » selon les objets à représenter. Enfin, le plan topographique apporte deux autres dimensions : le relief avec lequel on peut « creuser des tunnels, ouvrir des souterrains …», et la dimension temporelle par l’utilisation d’éléments dynamiques tels qu’une roue, par exemple, symbolisant la vitesse, la continuité, l’accélération, le changement… A l’aide de ces moyens, nous nous sommes évertués à représenter la logistique moderne et son contexte d’application en interaction avec les autres fonctions de la chaîne de valeur, non sans imagination dès lors que cette qualité est indispensable pour transcender la complexité d’une fonction difficile à représenter.

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Cartographie de la logistique systémique

Source : T. Jouenne, 2005 Nous ne décrirons pas l’ensemble des choix qui ont présidé au positionnement de telle fonction à proximité de telle autre fonction ou activité. Nous précisons seulement qu’ils suivent les règles de classification préalablement définies. Laissant l’observateur découvrir cette cartographie de la logistique, sans chercher à l’influencer, nous nous permettons néanmoins de préciser quelques points saillants que nous avons souhaité faire ressortir du tableau :

- Le contexte de l’offre et de la demande est schématisé par la représentation d’un complexe de production (une minoterie et une usine de transformation) et d’un grand magasin reliés par le Boulevard de l’offre et l’Avenue de la demande ; une voie dédiée au commerce électronique (Voie express de l’e-commerce) fait le lien avec la nouvelle économie.

- Les deux pôles de l’offre et de la demande sont coordonnés par le processus logistique situé au centre du Rond-point de la logistique ; celui-ci représente l’image même du processus logistique défini par la norme AFNOR NF X 50-600 dont le fonctionnement repose sur la planification, l’exécution, la maîtrise et la régulation du « système logistique » et des flux d’approvisionnement, de production, de distribution et de soutien.

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- A l’exception du Réseau des plates-formes et des transports de marchandises légèrement excentré, l’ensemble des activités logistiques figurent à l’intérieur de la Roue logistique dont le Moyeu est le processus logistique.

- La Roue logistique roule sur la Rive droite des coûts et du contrôle de gestion en direction de la demande à satisfaire, traduisant ainsi la finalité de la fonction logistique qui consiste à honorer la demande au moindre coût à un niveau de service déterminé.

- La Roue logistique trouve sa courbure le long du Périphérique de la coopération

client-fournisseur ayant pour effet d’aplanir les obstacles et de fluidifier les interfaces afin de lui donner plus de vitesse.

- Le soutien logistique intégré et la logistique inverse forment 2 rayons de la

Roue logistique (Lien du soutien logistique intégré et Contre-courant de la logistique inverse). Le premier prend sa source au croisement de la Rue des référentiels (et des normes), du Pont de la conception, de la Rampe de l’industrialisation, du Bras des achats et de la Ceinture de la gestion de production compte tenu de son rôle important lors des premières phases du cycle de vie du produit. Quant à la logistique inverse, elle s’inscrit dans le prolongement du soutien logistique intégré dans le cadre de la gestion des retours de produits.

- La démarche Qualité Totale, transversale par essence comme la logistique,

traverse de part en part la Roue logistique en lui apportant 2 rayons sur 12 – ceux de l’Approche processus et de l’Amélioration continue – en vue d’en renforcer la structure. A noter que la démarche Qualité Totale s’inscrit dans l’Axe du changement ; elle croise la Roue du changement qui symbolise la dimension temporelle de la cartographie, traverse ensuite l’Ile du savoir pour la formation initiale et continue des acteurs de l’entreprise, avant d’entrer dans la Roue logistique qui utilise ses fondements pour la cohésion et le développement du « système logistique ». Soulignons aussi que la démarche Qualité Totale traverse aussi le Cours de la stratégie de l’entreprise dont elle intègre les directives.

- Le rôle d’intégrateur de la logistique est représenté par l’Onde d’intégration du

supply chain management dont l’amplification traduit le phénomène de diffusion.

- L’importance des systèmes d’information, à la base même du fonctionnement de la logistique, est soulignée par la Couronne des systèmes d’information et des TIC (Technologies d’Information et de Communication), ainsi que par la Voie souterraine des ERP – parallèle à l’une des branches de l’Onde d’intégration du supply chain management et constituante du support de rotation de la Roue logistique. Compte tenu de l’impact essentiel des ERP pour le contrôle de gestion, la Voie souterraine des ERP part de la Couronne des systèmes d’information et débouche sur la Rive droite des coûts et du contrôle de gestion.

- Le Levier de la stratégie logistique s’appuie sur le Cours de la stratégie

d’entreprise sur lequel il s’aligne tout en y puisant sa force pour mieux contribuer aux performances de l’entreprise.

- Le suivi des performances logistiques est représenté par le Tremplin de la

performance dans le périmètre de la Roue logistique, non loin des systèmes d’information et des ERP. En vis-à-vis, la Rue des référentiels illustre les normes et les grilles d’évaluation comparatives à la disposition des entreprises en marche sur la Voie de l’amélioration continue.

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- La recherche constante de visibilité par le supply chain manager, poussé par le besoin d’anticipation, de modélisation et de simulation de la réalité, est matérialisée par le Delta des prévisions de vente qu’il partage avec les fonctions commerciales de l’entreprise représentées par le Comptoir des ventes et la Tête de pont du marketing.

- Le contexte de mondialisation et d’hyper concurrence dans lequel les entreprises évoluent désormais est représenté par le Port de la mondialisation ouvert sur le monde.

- L’univers de la systémique est représenté sur la rive gauche de la cartographie. Il

est indissociable de la représentation de la logistique systémique dont il fournit les clés de décryptage à travers les quatre concepts de base symbolisés par le Plateau de la globalité, les Frontières du système, le Jeu des interactions et le Jardin de la complexité. L’Orchestre de la modélisation est composé de plusieurs instruments tels que la triangulation systémique, l’analogie, le découpage et le langage graphique pour la modélisation de tout système complexe.

- Enfin, la Montée des ressources et des compétences figure en amont du

système sur un axe vertical ascendant. Les ressources sont multiples (financières, humaines, physiques). Synonymes de variété, elles viennent potentiellement de partout. Elles traversent les trois univers : systémique, formation et enrichissement personnel, et économique afin de souligner leurs apports complémentaires pour un meilleur management de l’entreprise.

Le modèle ainsi illustré offre, nous l’espérons, une représentation intelligible de la logistique dans la chaîne de valeur dans laquelle nous avons cherché à intégrer le maximum d’éléments connus. Au passage, l’ensemble des apports théoriques présentés dans ce mémoire a été projeté dans ce plan cartographique de la logistique selon un axe éco-spatio-temporel, comme stipulé dans l’objet de la recherche. Pour le compléter des concepts et outils ECR, GPA, CPFR, SRM, EDI, SCM, MRP, DRP, APS, SCE, WMS, TMS, GPAO, MES, ADV (Administration des ventes), CRM, category management (CM), e-sourcing (E-S), e-procurement (E-P), etc. – caractéristiques des démarches de supply chain management – nous avons reporté l’ensemble de ces abréviations sur la même carte à l’endroit où elles s’appliquent. Dans ce nouveau cadre, il est intéressant de constater comment ces notions souvent difficiles à appréhender et à situer trouvent plus de clarté.

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Cartographie du Supply Chain Management

Source : T. Jouenne, 2005

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9 VALIDATION DES CONNAISSANCES PRODUITES

A ce stade final de la recherche, notre projet est d’offrir à tout observateur la possibilité d’apporter ses remarques et suggestions à travers un questionnaire dont nous décrivons les lignes directrices ci-dessous pour participer à la validation des connaissances produites. 9.1 Elaboration du questionnaire Le questionnaire comprendra des questions fermées et semi-ouvertes afin de recueillir les remarques et suggestions des personnes sollicitées. Il comportera des échelles de mesure nominales visant par exemple à faire préciser par le critique son secteur d’activité ou son statut de néophyte ou de supply chain manager, des échelles ordinales qui introduiront des relations d’ordre entre les réponses (par exemple : petite<moyenne<grande entreprise), et des échelles d’intervalle pour la mesure de la clarté de la carte, par exemple sur une échelle de 1 à 10. On cherchera aussi à faire des comparaisons entre la nouvelle cartographie et des représentations connues à ce jour pour la mesure de rapports de différence. Pour sa mise en œuvre, nous utiliserons un site Internet et une base de calcul statistique qui en faciliteront l’accessibilité et l’exploitation. 9.2 Choix du terrain d'observation Comme déjà évoqué dans le plan méthodologique de la recherche, nous limiterons dans un premier temps la validation du modèle présenté aux acteurs du secteur des produits de grande consommation. Ceci comprend tous les représentants (producteurs, fournisseurs, industriels, distributeurs, détaillants, sous-traitants, prestataires logistiques, transporteurs) de la filière des produits de l’agroalimentaire, du textile, d’entretien et d’hygiène, de cosmétique, de pharmacie, de l’équipement de la maison, de divertissement, etc. De plus, le questionnaire sera ouvert au public afin d’évaluer sa pertinence auprès des non- professionnels de la logistique. 9.3 Taille et composition de l'échantillon Diffusé par Internet et exploité au moyen d’un logiciel de statistiques, le questionnaire pourra recueillir les données d’un nombre important d’avis exprimés dans des profils d’échantillons donnés. 9.4 Analyse des données collectées Les données collectées seront triées et traitées à l’aide de logiciels de cohérence et de statistique. En l’occurrence, des clés de validation pourront être utilisées afin d’écarter les questionnaires incomplets ou fantaisistes. 9.5 Résultats Les résultats seront analysés, commentés et mis en forme selon diverses représentations graphiques. Leur validité sera analysée en fonction de l’origine et du biais possible des réponses. Dans tous les cas, ils devront répondre aux hypothèses à la base de cette recherche par la voie du test afin d’en démontrer la validité.

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10 CONCLUSION SUR LA RECHERCHE

10.1 Conclusion générale Les entreprises sont en quête aujourd’hui de réactivité et de pro-activité pour faire face de manière efficace aux mutations d’un environnement de plus en plus complexe et turbulent, marqué par l’arrivée du commerce électronique. Cette recherche a montré que la logistique offre des gages de compétitivité indéniables à l’heure de la mondialisation en apportant justement des ressorts de réactivité et de pro-activité. Ayant dressé le profil du supply chain manager, celui-ci montre plusieurs facettes de coordinateur de l’offre et de la demande, de régulateur des flux d’approvisionnement, de production, de distribution et de soutien logistique, d’intégrateur et de connecteur des interfaces internes et externes, de médiateur au centre des conflits d’intérêts, de fédérateur des énergies et de gestionnaire des ressources importantes dont il a la charge. S’étant métamorphosée au cours des quinze dernières années sous la poussée des démarches Qualité Totale et Supply Chain Management, tout en étant dopée par le dévelop-pement fulgurant des TIC, la logistique apparaît aujourd’hui de plus en plus intégrée et imbriquée dans les fonctions et les activités internes et externes de la chaîne de valeur. Cette recherche a mis en relief l’existence de nombreux liens et synergies avec les autres fonctions, révélant ainsi une infinie complexité des interrelations dans le monde de l’entreprise où tous les processus de création de valeur sont étroitement liés. Alors que tout un chacun est conscient de la complexité du monde de l’entreprise, force est de constater que la logistique n’est pas véritablement perçue, de l’avis général, comme un catalyseur des logiques de réseau. Selon l’hypothèse que l’une des causes de méconnaissance des potentialités de la logistique réside dans les schémas hérités du passé réduisant la logistique aux activités de transport et d’entreposage, la figurant de manière fragmentée, brouillant son image par des représentations modulaires issues du langage informatique, cette recherche s’est focalisée sur la consolidation et le renouvellement de l’image de la logistique. Sous une approche systémique privilégiant les interactions et les fonctionnalités de la logistique dans la chaîne de valeur, à l’aide d’une analogie avec la cartographie, cette recherche a conduit à l’inauguration d’un modèle original de la logistique systémique. Offrant une vision panoramique du potentiel de la logistique en interaction avec les autres fonctions et les partenaires de l’entreprise, ce référentiel cartographique de la logistique présente, c’est du moins ce que nous avons cherché à faire, les qualités suivantes :

- être accessible aussi bien au néophyte qu’au professionnel de la logistique à travers un langage graphique compréhensible par tous ;

- offrir une vision intégrée et unifiée de la logistique, supérieure à la somme de ses parties, en interaction avec les autres fonctions de la chaîne de valeur, tout en lui conférant un aspect dynamique et interactif ;

- élever l’observateur pour mieux voir ; - relier les fonctions et les activités pour mieux comprendre ; - situer pour mieux agir.

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En projetant à dessein la logistique sur une carte, nous avons non seulement cherché à la rendre plus claire, mais aussi à en faire une fonction mieux comprise et mieux exploitée pour la conquête des marchés économiques, à l’image de ce qu’une carte a toujours représenté aux yeux des stratèges : un support de conquête ! 10.2 Apports et enseignements Les apports de cette recherche sont multiples. Ils concernent tout d’abord la clarification du rôle et de la place de la logistique dans l’entreprise et au sein de la chaîne de valeur. Les nombreuses régions frontalières que la logistique partage avec l’ensemble des fonctions de l’entreprise semblent plus claires, en particulier avec les fonctions Qualité et Marketing, dont on perçoit mieux les rôles complémentaires et les synergies. Bien que cet avis soit subjectif et n’implique que le chercheur, juge et partie de ce travail, il semble que la démarche utilisée conduise à une meilleure perception de la logistique. En effet, cette forme nouvelle de représentation cartographique, en rupture avec les schémas classiques de la chaîne logistique, semble particulièrement convenir à cette fonction transversale, au service de l’entreprise, qui trouve ici un support d’illustration de son potentiel d’action stratégique. Elle semble proposer aussi une alternative aux représentations faussement linéaires de la supply chain par une vision plus systémique de la logistique au cœur d’un réseau qu’elle a pour mission d’orchestrer. Alors que la logistique est une science immatérielle, difficile à appréhender – à la limite insaisissable – de par la complexité qui la caractérise, ses nombreux métiers, ses multiples activités réparties sur la totalité du cycle de vie du produit, ses liens inextricables avec toutes les fonctions et les partenaires de l’entreprise, la cartographie de son potentiel unifié dans la chaîne de valeur semble néanmoins en dessiner les contours avec plus de clarté et de consistance qu’une représentation traditionnelle. Elle a notamment permis de situer sans difficulté les divers concepts et outils de coopération client-fournisseur et de supply chain management à l’endroit où ils interviennent. Ceci nous conduit à proposer d’autres perspectives d’utilisation, par exemple consacrées :

- à l’inventaire des fonctions développées et maîtrisées par une entreprise par rapport à celles que la cartographie présente, dès lors que celles-ci lui sont appliquées ;

- à l’identification des activités ou des interfaces jusqu’alors sous-exploitées ou non optimisées en vue de les améliorer en interne ou avec des partenaires externes ;

- à la représentation sur les différents axes de la carte des différents projets menés par l’entreprise, dès lors qu’ils ont un lien avec la chaîne de valeur ;

- à la localisation sur la carte des travaux de recherche en logistique menés par les chercheurs du Laboratoire de « Logistique & Systèmes » du CNAM ;

- etc. Cette recherche se conclut par l’idée de substrat ou de matrice que constitue la cartographie illustrée de la logistique pour la conduite de travaux plus approfondis aux « quatre coins du puzzle ». En effet, les supply chain managers n’ont probablement pas fini d’explorer la carte de la logistique.

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10.3 Critiques et perspectives Est-ce que cette image consolidée de la logistique parvient à la « sortir » de la nébuleuse, à rassembler des éléments à première vue hétéroclites en un tout organisé, à retendre les liens vertueux de l’organisation, à renforcer la cohésion des unités opérationnelles du processus logistique, à apporter plus de sens et de valeur à la logistique, à contribuer à la performance globale de l’entreprise ? A ce stade des travaux, nous ne pouvons l’affirmer tant que les hypothèses, qui considèrent cette représentation comme un facteur de promotion de la logistique, n’ont pas été démontrées à l’aide d’enquêtes menées auprès d’échantillons représentatifs du monde de l’entreprise, de l’enseignement et de la recherche scientifique, ainsi que de la vie publique. Ajoutons également que nous sommes conscients de la subjectivité de cette étude et de son résultat, guidés par le raisonnement du chercheur se projetant inévitablement dans le modèle qu’il construit. La phase de démonstration n’a pas été abordée. Il s’agit de la première limite de cette recherche qui n’a pas été menée à son terme, c’est-à-dire jusqu’au test des hypothèses. Pour ce faire, la poursuite des travaux s’effectuera dans le cadre d’une thèse de doctorat sur la base d’articles scientifiques que nous tenterons de recueillir aussi largement que possible. En effet, cette première phase de la recherche s’est essentiellement basée sur une revue de l’état de l’art en France. L’une des perspectives consisterait à approfondir la littérature nord-américaine sur le sujet et d’y découvrir peut-être des recherches analogues. Etant donné que la réflexion menée et la carte élaborée sont assez influencées, voire parfois spécifiques, aux problématiques du secteur des produits de grande consommation, une autre perspective pourrait consister à en prolonger l’étude dans le cadre d’autres secteurs d’activité. En ce sens, il serait intéressant de constituer et de comparer plusieurs cartographies de la logistique représentatives de différents secteurs d’activité afin de mettre en évidence des ressemblances ou des dissonances susceptibles de conduire à l’identification de caractères communs. Le but recherché serait d’étudier la question selon laquelle la logistique possède ou non un noyau dur, unique et indivisible d’activités et d’interrelations universelles, appliqué à tous les domaines d’activité du secteur marchand. L’étude des interactions entre la logistique, à travers le processus logistique, et les multiples fonctions internes et externes à l’entreprise dans la chaîne de valeur a révélé une voie riche et prometteuse. Là aussi, nous sommes conscients d’avoir effleuré le sujet, tant des travaux approfondis ont pu être conduits en France et dans plusieurs pays. Un travail entier reste à accomplir au niveau de l’étude des interfaces plurifonctionnelles afin de tenter de les modéliser et d’en simuler le fonctionnement pour mieux les comprendre et les optimiser. Ce mémoire ouvre la piste de la représentation systémique des fonctions de l’entreprise au contact des autres fonctions de la chaîne de valeur. Appliquée initialement à la logistique, cette recherche bénéficierait probablement d’un autre éclairage si elle était transposée à la représentation cartographique des autres fonctions, prises une à une, en interaction avec le tout. De cette manière, serait-il intéressant de chercher à faire ressortir la véritable nature de chaque fonction à travers la vision des formes et des liens qu’elle offre, avec comme perspective de confronter et de réconcilier l’ensemble à travers une cartographie « multiplexe » de la chaîne de valeur.

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ANNEXES

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11.1 Glossaire246

Les termes et abréviations des concepts et outils de coopération client-fournisseur et de supply chain management définis dans ce glossaire ont pour origine les travaux menés par GS1 France et l’auteur en 2004 dans le cadre de la vulgarisation des applications logistiques utilisant les standards de communication internationaux GS1. Leur définition a utilisé de nombreux ouvrages, dont les sources sont citées dans l’index bibliographique de ce mémoire. Elle est complétée – pour plus de lisibilité – d’une liste de mots clés, d’objectifs et de standards de communication internationaux GS1 relatifs à chacune des applications définies. Les applications définies sont regroupées en quatre catégories selon la classification des activités effectuée dans le chapitre 8.2 :

1) Catégorie des concepts et outils liés à la gestion de la demande 2) Catégorie des concepts et outils liés à la gestion de l’offre 3) Catégorie des concepts et outils considérés comme transversaux 4) Catégorie des concepts et outils de communication logistique

1) Gestion de la demande

Gestion commerciale / ADV

Mots clés : Gestion commerciale, administration des ventes, gestion des commandes, fichier clients, catalogue produits, codification interne et externe, tarifs, conditions commerciales, conditions logistiques, devis, offre de prix, prise de commande, commande, affaire, gestion de l’export, réservation de stock, facturation, gestion des avoirs, suivi des litiges, gestion des acomptes, gestion du SAV, gestion des objectifs commerciaux, gestion des territoires, commission-nement, analyse des ventes, service client, taux de service Définition : Les fonctions de gestion commerciale ou d’administration des ventes (ADV) couvrent le processus complet de traitement des commandes depuis l’envoi du devis jusqu’à la facturation en passant par la prise de commande, l’envoi de l’accusé de réception et l’édition du bon de livraison. Des fonctions annexes de création des fichiers articles (fiches-produits), clients, fournisseurs, de gestion des tarifs, de réservation de stock, de suivi des règlements clients, d’analyse des ventes, de gestion de la force de vente, etc., font également partie de la palette des outils de gestion commerciale. Objectifs : - appliquer en temps réel la politique commerciale - améliorer le service client - suivre les règlements et gérer tout litige éventuel - améliorer le pilotage des ventes - automatiser les tâches administratives

246 Glossaire publié avec l’accord de GS1 France. Prière de faire référence à GS1 France, 2004, pour toute utilisation complète ou partielle des termes définis.

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Standards GS1 : - GLN - GTIN - SSCC - Dicalis - GPC - EANnet.fr - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, PRICAT, ORDERS, ORDRSP, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages)

- XML (ALIGN, GDS, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages)

Gestion des prévisions de vente

Mots clés : Prévision de vente, prévision de la demande, prévision commerciale, simulation des ventes, anticipation des ventes futures, référence article, Stock keeping unit (SKU), historique de vente, dispersion des ventes, vente erratique, algorithme de calcul, moyenne mobile, modèle de lissage exponentiel, modèle Holt-Winters, corrélation entre séries, horizon de planification, nouveau produit, promotion, produit de substitution, regroupement de produit, kit, taille, coloris, hiérarchie produit/site/client, agrégation multi-niveaux, classement ABC, écart prévision/réalisation/budget, fiabilité des prévisions, gestion par exception, alerte Définition : Projection des ventes futures pour une période donnée à un endroit donné à partir des historiques de vente, de l’analyse des tendances et saisonnalités, des liens de causalité, des événements planifiés, et de la connaissance des clients et des ressources de l’entreprise. Les prévisions de vente sont considérées comme étant le point d’entrée de l’optimisation de la supply chain. Leur qualité est d’autant meilleure qu’elles résultent d’un processus de concertation entre les acteurs commerciaux, marketing, logistique de l’entreprise. Objectifs : - augmenter les ventes - réduire les stocks - améliorer la qualité de service - améliorer la visibilité de l’entreprise - anticiper les besoins en stocks et en ressources Standards GS1 : - GLN - GTIN - EANCOM (PARTIN, SLSRPT, SLSFCT, autres messages) - XML (ALIGN, PLAN, autres messages)

Gestion collaborative sur les prévisions de vente (CPFR)

Mots clés : Processus CPFR (Collaborative planning, forecasting and replenishment), gestion colla-borative des ventes, intégration globale de la supply chain, accord de coopération commerciale, stratégie commerciale, plan commercial commun, prévision de vente unique, promotion, nouveau produit, produit saisonnier, gestion des exceptions

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Définition : Le CPFR se définit comme une approche d’intégration globale de la chaîne d’approvisionnement réunissant les concepts de l’offre et de la demande développés dans une démarche ECR (Efficient Consumer Response). Il repose sur le principe de prévision unique et partagée issue de la coopération entre les fonctions commerciales des entreprises partenaires. Les étapes d’élaboration du plan commercial commun et de gestion conjointe des prévisions de vente - en particulier sur les promotions - sont au centre de la relation d'affaires. Selon les scénarios, il peut inclure le calcul des programmes d’approvisionnement et la passation des commandes. Le CPFR fonctionne en automatique à l’aide d’un système de gestion des dérives par exception. Objectifs : - mieux répondre à la demande des consommateurs - améliorer la qualité des prévisions de vente et la performance des promotions - augmenter les ventes - améliorer le taux de service - réduire les coûts Standards GS1 : - GLN - GTIN - EANCOM

(PARTIN, SLSRPT, SLSFCT, DELFOR, INVRPT, ORDERS, DESADV, RECADV…) - XML

(ALIGN, PLAN, ORDER, DELIVER, autres messages) Gestion de la relation client (CRM

) (utilisé par les fonctions marketing et ventes)

Mots clés : Gestion de la relation client (GRC), Customer relationship management (CRM), gestion de la connaissance, knowledge management, action marketing, e-marketing, campagne de communication, e-mailing, force de vente, centre d’appels, support client, gestion du SAV, vente en ligne, analyse des comportements des clients, analyse des ventes, pilotage de la relation client, satisfaction client, rentabilité client, rentabilité des campagnes, marge nette, fidélisation client Définition : La gestion de la relation client (CRM) est une fonction stratégique qui a pour but de comprendre, anticiper et gérer les besoins des clients et prospects. Elle consiste d’une part à automatiser les relations avec les clients, et d’autre part à analyser les données liées aux clients et aux actions commerciales et marketing. En mettant le client au centre de ses préoccupations, l’entreprise est amenée à revoir sa stratégie, ses processus, son modèle d’organisation et son système d’information afin d’acquérir et de capitaliser la connaissance de ses clients, et surtout de la faire partager au travers de nombreux points de contact que sont les centres d’appels, les e-mails, les bornes interactives, les guichets. Objectifs : - augmenter les ventes et la part de marché - cibler les actions commerciales - personnaliser la relation client - augmenter la satisfaction client - fidéliser les clients Standards GS1 : - GLN - GTIN

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2) Gestion de l’offre Gestion des achats et des approvisionnements Mots clés : Gestion des achats, cahier des charges, appel d’offres, demande d’achat, commande, commande ouverte, gestion des approvisionnements, calcul des besoins, contraintes d’achat, budget d’achat Définition : La gestion des achats va des appels d’offres fournisseurs au contrôle facture tout en intégrant la gestion des programmes d’approvisionnement, l’envoi des commandes et la collecte des données de livraison fournisseur et de traçabilité amont (SSCC, UCC/EAN-128). A partir de suggestions émises par le calcul des besoins (CBN) ou de demandes d’achat, le système peut proposer différents fournisseurs éventuels, émettre des commandes d’achat, planifier les réceptions, gérer les relances, gérer les retours, calculer le prix unitaire moyen pondéré et vérifier les factures. Objectifs : - mieux piloter les achats - suivre les budgets d’achat - réduire les coûts d’achat - suivre la qualité des livraisons - gérer la traçabilité amont Standards GS1 : - GLN - GTIN - SSCC - UCC/EAN-128 - Dicalis - GPC - EANnet.fr - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, PRICAT, ORDERS, ORDRSP, DESADV, RECADV, INVOIC, autres messages)

- XML (ALIGN, GDS, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages)

E-sourcing, appel d’offres, enchères inversées Mots clés : E-sourcing, sourcing, cahier des charges, appel d’offres, informations générales sur le fournisseur (RFI : Request for information), réponse des fournisseurs au cahier des charges (RFP : Request for proposal), phase de négociation (RFQ : Request for quotation), enchères inversées, négociation, contrat d’achat, contrat cadre Définition : L’e-sourcing intervient en amont du processus achat et consiste à bien définir les besoins d’achat (cahiers des charges) et à trouver la meilleure offre du meilleur fournisseur. Il correspond à l’utilisation d’Internet depuis la définition du besoin jusqu’à la signature du contrat d’achat en passant par les étapes de sourcing (recherche de fournisseurs et

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d’informations fournisseurs), de gestion d’appels d’offres (RFI, RFP, RFQ) et de négociation du contrat cadre. L’appel d’offres peut être suivi d’une enchère en ligne inversée pour aller au bout de la démarche e-sourcing. Cette nouvelle pratique permet de rationaliser et de structurer le processus achats. Objectifs : - réduire les coûts d’achat de 15 à 20 % - réduire le temps de cycle d’achat - élargir le champ de la consultation et de la concurrence - recentrer le métier des acheteurs sur la fonction stratégique - augmenter la transparence des informations échangées - accroître la disponibilité de l’information Standards GS1 : - GLN - GTIN - Dicalis - GPC - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, autres messages) - XML

(ALIGN, GDS, Cahier des charges, autres messages) E-procurement Mots clés : E-procurement, e-purchasing, e-achat, e-approvisionnement, demande d’achat, circuit d’approbation (worflow), autorisation d’achat, commande, plate-forme d’achat, base de données achat, gestion de la connaissance achat, catalogue électronique Définition : L’e-procurement correspond à la version automatisée et optimisée de gestion des approvisionnements sur catalogues électroniques via Internet. Il prend le relais de l’e-sourcing et englobe l’ensemble des activités suivantes situées en aval du processus achat : demande d’achat à partir d’un catalogue électronique, autorisation d’achat, commande, réception des produits et paiement. Objectifs : - accroître la visibilité et la maîtrise des dépenses - augmenter l’efficacité des acheteurs - réduire le coût de traitement d’une commande - réduire les délais de transaction Standards GS1 : - GLN, GTIN - Dicalis - GPC - EANnet.fr - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, PRICAT, ORDERS, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages)

- XML (ALIGN, GDS, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages)

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Gestion de production (GPAO) Mots clés : Gestion de production assistée par ordinateur (GPAO), management des ressources de production (MRP), plan industriel et commercial (PIC), programme directeur de production (PDP), planification des capacités, calcul des besoins (CBN), gestion des contraintes, ordonnancement, jalonnement, suivi de fabrication, gestion des données techniques (articles, stocks, nomen-clatures, gammes de fabrication), gestion de la qualité et de la maintenance, suivi des coûts et des performances Définition : La gestion de production correspond à l’ensemble des activités de planification et de contrôle de la fabrication depuis le plan stratégique jusqu’à la mise à disposition du produit fini au réseau commercial ou au client final en passant par les étapes de suivi des commandes, des ordres de fabrication, des données techniques, de la traçabilité, des heures de main d’œuvre, des consommations des matières, des rebuts, de la maintenance… Objectifs : - maîtriser les flux de production - optimiser l’utilisation des ressources - respecter la qualité et les délais - réduire les coûts de production Standards GS1 - GLN - GTIN, SSCC, UCC/EAN-128 Gestion d’atelier (MES) Mots clés : Manufacturing execution system (MES), gestion d’atelier, suivi d’atelier, remontées d’information en temps réel, maîtrise et contrôle de la production en temps réel, suivi des produits et des lots, outil de mesure, système d’alerte, contrôle de la qualité, traçabilité, couplage de l’atelier au back-office. Définition : Le Manufacturing execution system (MES) est un système qui reçoit les ordres de fabrication, permet de les documenter, de les ordonnancer, de les transmettre aux opérateurs ou aux machines, puis d’enregistrer les déclarations de production afin d’en connaître à tout instant l’état d’avancement et les moyens consommés. Il peut regrouper une douzaine de fonctions telles que l’ordonnancement, la gestion du personnel, la gestion des ressources, le cheminement des produits et des lots, l’acquisition de données, le contrôle de la qualité, la gestion des procédés, la traçabilité, la mesure des performances, la gestion de documents et la gestion de la maintenance bien que certaines d’entre elles puissent être gérées indépendamment par un progiciel spécifique. Objectifs : - supprimer les entrées manuelles de données - maîtriser le suivi des lots de fabrication - augmenter la réactivité - améliorer la performance de l’outil industriel - augmenter la durée de vie des équipements Standards GS1 - GLN - GTIN, SSCC, UCC/EAN-128

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Gestion des stocks Mots clés : Gestion des stocks de matières premières, composants, encours de fabrication, produits finis, gestion des réceptions, gestion des emplacements, gestion des mouvements, traçabilité, politique de stock, premier entré, premier sorti (FIFO), stock de sécurité, quantité de commande, optimisation du stockage, gestion des inventaires, ajustement des écarts, valorisation des stocks, classement ABC Définition : La gestion des stocks recouvre toutes les fonctionnalités de pilotage et de contrôle des stocks entre la réception en magasin et la sortie de l’inventaire. Elle inclut les fonctions d’adressage en magasin, d’enregistrement des mouvements de stock en temps réel, de gestion des dates (DLC, DLUO), de traçabilité des flux et des produits, d’inventaire physique, de valorisation par catégorie, d’analyse statistique, d’optimisation des stocks de sécurité, de calcul des coûts de stockage, de gestion multi-sites, des transferts intersites, des retours, des obsolescences, etc. Objectifs : - améliorer la qualité de service - augmenter le taux de rotation - minimiser les coûts de stockage Standards GS1 - GTIN - SSCC Gestion d’entrepôt (WMS) Mots clés : Gestion d’entreposage, Warehouse management system (WMS), pilotage de l’entrepôt, gestion des réceptions, gestion des inventaires, gestion d’emplacement, optimisation du stockage, organisation du picking, colisage, traçabilité, gestion des kits, co-manufacturing, co-packing, journal des mouvements, gestion des chargements, gestion des retours, planification de l’activité logistique, reporting, facturation des prestations Définition : La gestion d’entrepôt recouvre toutes les fonctionnalités de pilotage et de gestion des flux de l’entrepôt incluant la gestion des réceptions, du stockage et des inventaires, la gestion des préparations, des chargements, du travail à façon, le cross-docking, la gestion de la charge et des ressources, l’optimisation des déplacements, le pilotage des automates de manutention, la traçabilité des flux et des produits, la gestion des litiges, la facturation, l’analyse statistique, etc. L’utilisation de technologies à base de reconnaissance vocale et de terminaux portables ou embarqués combinée avec le marquage des produits avec des étiquettes codes à barres ou RFID permet de mettre à jour le système d’entreposage en temps réel et d’améliorer la performance logistique. Objectifs : - augmenter la réactivité - améliorer la performance opérationnelle - réduire le taux d’erreur (litiges clients)

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Standards GS1 - GLN - GTIN - SSCC, UCC/EAN-128 - EANCOM

(PARTIN, ORDERS, HANMOV, INSDES, OSTRPT, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages)

- XML - (ALIGN, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages) Cross-docking Mots clés : Cross-docking, transbordement de quai à quai, dégroupage-regroupage de colis, allotissement, commande allotie, avis d’expédition alloti, éclatement de palettes, plate-forme de distribution, flux tendu, étiquette logistique Définition : Le cross-docking (transbordement de quai à quai ou flow through distribution) est un système de distribution dans lequel les marchandises réceptionnées par le centre de distribution ou la plate-forme ne sont pas stockées, mais préparées pour une réexpédition immédiate à destination des magasins. Il existe deux types de cross-docking : pré-allotissement par l’industriel dans le cas où les commandes sont reçues magasin par magasin (commande allotie) ; allotissement par le distributeur dans le cas où les commandes des magasins sont globalisées (éclatement sur plate-forme). Objectifs : - réduire les stocks - réduire les coûts de distribution - massifier les approvisionnements - fluidifier les flux Standards GS1 - GLN, GTIN - SSCC, UCC/EAN-128 - EANCOM

(PARTIN, ORDERS, HANMOV, INSDES, OSTRPT, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages)

- XML (ALIGN, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages)

Multipick, multidrop Mots clés : Multipick, multidrop, massification des flux, consolidation des livraisons, maximisation du remplissage camion Définition : Le multipick consiste en une consolidation des livraisons de plusieurs fournisseurs vers un même lieu de livraison (centre de distribution ou point de vente). Le multidrop repose sur la même logique à la différence près que la consolidation part d’un seul site fournisseur à destination de plusieurs lieux de livraison d’une même région ou d’un même client.

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Objectifs : - atteindre la masse critique à plusieurs - améliorer la qualité de service par l’augmentation des fréquences de livraison - réduire les stocks par l’augmentation des fréquences de livraison - réduire les coûts de transport - limiter les coûts de passage en entrepôt Standards GS1 : - GLN - GTIN - SSCC - UCC/EAN-128 - EANCOM

(PARTIN, ORDERS, HANMOV, INSDES, OSTRPT, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages)

- XML (ALIGN, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages)

Gestion du transport (TMS) Mots clés : Gestion du transport, Transportation management system (TMS), groupage, transport multi-modal, tournée, rendez-vous de chargement/déchargement, gestion de la douane, optimisation du transport Définition : La gestion du transport fait partie des fonctionnalités de Supply chain execution (SCE) intervenant dans la rationalisation du cycle de traitement des commandes. Les fonctions couvertes comprennent l’optimisation du réseau de distribution, les achats de transport (sourcing stratégique, appel d’offres), la planification et l’ordonnancement du transport, l’optimisation des tournées, l’optimisation des chargements, la tarification, la préfacturation, la gestion des coûts, et les fonctions de pilotage pour le suivi de l’activité, de la traçabilité et des aléas. L’arrivée de fonctionnalités collaboratives permettent d’accroître la visibilité et de coordonner les activités des différents maillons de la chaîne logistique. Objectifs : - augmenter la productivité des tournées - optimiser le taux de remplissage des camions - diminuer les coûts de transport - améliorer le taux de service Standards GS1 : - GLN - GTIN - SSCC - UCC/EAN-128 - EANCOM

(PARTIN, IFCSUM, IFTSTA, INVOIC, REMADV, autres messages) - XML

(ALIGN, PAY, autres messages)

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Gestion de la relation fournisseur (SRM) Mots clés : SRM (Supplier relationship management), SMI (Supplier-managed inventory), gestion de la relation fournisseur, fournisseur stratégique, intégration fournisseur, gestion des spécifi-cations techniques, cahier des charges, innovation produit, co-engineering, design collaboratif, évaluation des fournisseurs, réduction des coûts d’achat Définition : Le Supplier relationship management (SRM) représente l’intégration des fournisseurs dans la chaîne logistique et le cycle d’innovation produits. Il englobe plusieurs leviers d’action développés conjointement par le client et les fournisseurs pour améliorer la performance globale de la chaîne logistique tels que la gestion des spécifications produits, la gestion du cycle de vie du produit, l’engagement contractuel et technique du fournisseur, la gestion des chiffrages et des commandes, la gestion collaborative des prévisions et des approvision-nements, et le suivi des performances des fournisseurs. Objectifs : - réduire les coûts d’achat - réduire les obsolescences - développer et structurer les relations fournisseurs - partager la connaissance et accélérer l’innovation produit - optimiser les caractéristiques techniques des composants - améliorer la qualité des produits et des livraisons - améliorer la flexibilité des approvisionnements Standards GS1 : - GLN - GTIN - Dicalis - GPC - EANnet.fr - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, SLSRPT, SLSFCT, INVRPT, ORDERS, DESADV, RECADV, INVOIC, autres messages)

- XML (ALIGN, GDS, Cahier des charges, ORDER, DELIVER, PLAN, PAY, autres messages)

3) Gestion des activités transversales Planification de la chaîne logistique (APS) Mots clés : Advanced planning and scheduling (APS), Supply chain planning (SCP), anticipation de la demande, aide à la décision, optimisation globale des flux, gestion dynamique des stocks, planification industrielle, planification des approvisionnements, planification de la distribution (DRP), planification multi-sites, simulation des délais et de la charge, synchronisation des flux, disponible à vendre, available-to-promise (ATP), capable-to-promise (CTP) Définition : La planification de la chaîne logistique renvoie aux outils de pilotage permettant simulta-nément à l’entreprise de planifier et d’optimiser en temps réel les approvisionnements, les

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ressources de production, la distribution en partant de la demande, c’est-à-dire la meilleure prévision possible. Ils désignent des progiciels décisionnels permettant de simuler et de synchroniser les flux de la chaîne logistique par une meilleure visibilité de la demande et la prise en compte d’un grand nombre de contraintes (ressources, délais, coûts). Ils permettent le calcul de la disponibilité réelle ou prévisionnelle des stocks (ATP - CTP) et des risques de rupture à plusieurs niveaux logistiques tout en proposant des listes d’alerte et de contrôle. Objectifs : - ajuster la demande des clients - anticiper les besoins de l’entreprise - optimiser les processus approvisionnement, production, distribution, transport - accroître la performance de l’entreprise Standards GS1 : - GLN, GTIN - EANCOM

(PARTIN, SLSRPT, SLSFCT, INVRPT, ORDERS, DELFOR, autres messages) - XML

(ALIGN, ORDER, PLAN, autres messages) Gestion partagée des approvisionnements (GPA) Mots clés : Gestion partagée des approvisionnements (GPA), VMI (Vendor-managed inventory), CMI (Co-managed inventory), réapprovisionnement continu, collaboration logistique, produit fond de rayon, respect des délais de livraison, lissage des commandes, GPA mutualisée Définition : Processus de collaboration logistique entre un industriel et un distributeur où l’activité de réapprovisionnement est partagée par les deux partenaires et tirée par la demande. A partir des mouvements de stocks entrepôt (GPA entrepôt) ou des données de vente magasins (GPA point de vente) transmis par le distributeur, l’industriel prend en charge les approvisionnements de son client par le calcul et l’envoi d’une proposition de commande. La GPA est autrement désignée par les vocables VMI ou CMI et s’applique aussi à la gestion des approvisionnements de composants, matières premières et emballages entre fournis-seurs et industriels. En cas de volumes de commandes trop faibles, la GPA peut être mutualisée entre plusieurs fournisseurs en vue de massifier les livraisons. Objectifs : - accroître la visibilité en aval de la chaîne - connaître en temps réel les variations de la demande - anticiper les besoins du client pour optimiser la production et la logistique - lisser les flux de commandes entre client et fournisseur - réduire les ruptures (taux de service entrepôt proche de 100 %) - réduire significativement les stocks - optimiser le transport Standards GS1 : - GLN, GTIN - EANCOM

(PARTIN, INVRPT, ORDERS, DESADV, RECADV, INVOIC, autres messages) - XML

(ALIGN, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages)

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D’une logistique fragmentée à la logistique systémique

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Gestion de la traçabilité Mots clés : Traçabilité ascendante/descendante, suivi automatique des flux physiques, rappel ou retrait de produits, sécurité alimentaire, gestion des lots et numéros de série, tracking, tracing, cahier des charges, dossier de lot, SSCC, étiquette logistique, avis d’expédition (DESADV) Définition : La traçabilité se définit comme l’aptitude à retrouver l’historique, l’utilisation ou la localisation d’un produit au moyen d’identifications enregistrées. La mise en place d’un système de traçabilité consiste à associer un flux d’informations à un flux physique, à gérer les liens entre les produits entrants et sortants, et à prévoir les moyens pour retrouver une information sur un produit. Le numéro de lot ou de série est l’une des données essentielles sur laquelle repose la traçabilité, qu’elle soit ascendante pour trouver la cause d’un problème qualité, ou descendante pour rappeler des produits défectueux. Objectifs : - maîtriser la qualité - respecter la réglementation - répondre à une demande d’information sur un produit - optimiser le rappel des produits (rappels ciblés) - maîtriser les flux logistiques - protéger une image de marque Standards GS1 : - GTIN - GLN - SSCC, UCC/EAN-128 - Dicalis - GPC - EANnet.fr - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, INVRPT, DESADV, RECADV, RETANN, RETINS, autres messages)

- XML (ALIGN, GDS, Cahier des charges, DELIVER, autres messages)

Gestion de la traçabilité par web EDI Mots clés : Traçabilité, SSCC, étiquette logistique, avis d’expédition (DESADV), Web EDI, EDI Définition : Du fait des exigences réglementaires liées la traçabilité, les distributeurs requièrent de la part des fournisseurs, petits et grands, la mise à disposition d’un minimum d'éléments (SSCC, message avis d’expédition…) leur permettant d'assurer le suivi des produits. Le web EDI, véritable lien électronique entre les sociétés équipées d’un système EDI (généralement, le client) et celles qui ne disposent que d’un ordinateur et d’une connexion Internet, constitue une véritable opportunité pour les entreprises de petite taille. Cette solution adaptée aux petites et moyennes entreprises répond à un ensemble de règles et fonctionnalités définies dans le cahier des charges « Gestion de la traçabilité par web EDI » publié par GS1 France.

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Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 167

Objectifs : - respecter la réglementation - répondre à une demande d’information sur un produit - optimiser le rappel des produits (rappels ciblés) - maîtriser les flux logistiques - protéger une image de marque - répondre à la demande minimum des distributeurs et respecter les recommandations de

GS1 France en matière de traçabilité logistique Standards GS1 : - GTIN - GLN - SSCC - UCC/EAN-128 - EANCOM

(PARTIN, ORDERS, DESADV, autres messages) - XML

(ALIGN, ORDER, DELIVER, autres messages) Gestion des événements (SCEM) Mots clés : Supply chain event management (SCEM), carrefour d’informations, gestion des dérives, gestion des exceptions, système d’alerte, communication en temps réel, visibilité, réactivité, anticipation, simulation de scénario logistique, mesure d’impact Définition : Le SCEM est un outil de pilotage des flux dédié à la détection d’événements inattendus tel qu’une rupture de stock, une erreur de préparation de commande, un retard de livraison, etc. A partir de remontées terrain, il permet de signaler en temps réel les dérives et impondérables et d’analyser leur impact sur la chaîne logistique. Le SCEM permet de réduire les écarts entre la planification et les réalisations grâce à l’accélération des temps de réponse face aux problèmes rencontrés. Il s’intercale entre les activités de SCP (Supply chain planning) et de SCE (Supply chain execution). Ses principales fonctions sont : surveillance des événements, notification aux utilisateurs d’un éventuel problème dans la chaîne, simulation de l’impact futur des événements connus, mesure de l’effet produit. Objectifs : - améliorer la visibilité - augmenter la réactivité - réduire l’impact des aléas logistiques - améliorer la performance globale de la chaîne logistique - améliorer la qualité de service Standards GS1 : - GLN, GTIN, SSCC, UCC/EAN-128 - Dicalis, GPC - EANnet.fr - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, ORDERS, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages)

- XML (ALIGN, GDS, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages)

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Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 168

Gestion de la logistique inverse Mots clés : Logistique inverse, reverse logistics, gestion des retours, traitement des produits récupérés, autorisation de retour, produits en fin de cycle de vie, produits défectueux, invendus, recyclage, destruction, retour à la vente, historique des retours, récupération de revenus, respect de l’environnement, développement durable Définition : La logistique inverse fait référence à la récupération de produits inutilisés ou en fin de cycle de vie, à leur traitement et à la redistribution des matériels réutilisables. Elle concerne toutes les entreprises dans la chaîne d’approvisionnement et traite des retours provenant d’une multitude de clients en les renvoyant potentiellement aux fournisseurs, à moins qu’une alternative ne soit plus appropriée. Une fois la validité du retour établie, les produits sont immédiatement triés selon leur prochaine destination (retour au fournisseur, remise en inventaire, retour à la vente, vente en ligne, réparation, récupération des pièces détachées ou des métaux précieux, destruction). Un numéro unique de retour peut être généré afin de suivre le retour tout au long du processus de traitement. Objectifs : - respecter la réglementation - réduire la quantité ultime de déchets - retirer le maximum de valeur économique - diminuer les coûts de traitement des retours - augmenter la performance de la chaîne logistique inverse - améliorer le service à la clientèle Standards GS1 : - GLN - GTIN - SSCC - UCC/EAN-128 - Dicalis - GPC - EANnet.fr - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, HANMOV, DESADV, RECADV, RETANN, RETINS, autres messages)

- XML (ALIGN, GDS, DELIVER, autres messages)

4) Gestion des communications logistiques Identification automatique / codes à barres Mots clés : Identification automatique, codes à barres, GTIN, UCC/EAN-13, UCC/EAN-14, UCC/EAN-8, ITF-14, UCC/EAN-128, unité consommateur, unité logistique, unité d’expédition, numéro de colis (SSCC), UCC/EAN-128, étiquette logistique, imprimante d’étiquettes codes à barres, lecteur de codes à barres, crayon optique, scanner, pistolet, capteur CCD, terminal de saisie

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Définition : La technologie d’identification automatique par codes à barres est sans aucun doute la plus courante. Les codes à barres sont constitués d’une séquence de barres verticales noires et blanches contenant une information codée selon les standards GS1 pour désigner les entreprises (lieux-fonctions), les unités consommateurs, les unités logistiques et les unités d’expédition. Une solution d’identification automatique intégrée comprend la mise en œuvre clés en main de matériels d’impression et d’acquisition de données (imprimante, logiciel d’édition d’étiquettes, lecteur d’étiquettes codes à barres, etc.) reliés au système d’information de l’entreprise. Objectifs : - réduire les délais d’attente en caisse et les risques d’erreur - accélérer et fiabiliser les saisies dans la chaîne logistique - suivre les flux de marchandises avec précision, fiabilité et rapidité Standards GS1 : - GTIN (UCC/EAN-8, UCC-12, UCC/EAN-13, UCC/EAN-14) - SSCC - UCC/EAN-128 Identification par radiofréquence / RFID / EPC Mots clés : RFID, radiofréquence, ondes radioélectriques, étiquetage RFID, étiquette électronique, smart tag, radio tag, antenne, transpondeur, encodeur, lecteur, interrogateur, EPC, EPC global Définition : La technologie d’identification par radiofréquence (Radio Frequency Identification ou RFID) est une technologie de pointe visant à assurer l'identification détaillée d’objets de tous types. Elle permet de procéder à une saisie de données rapide et automatique grâce aux ondes radio. Il existe trois types d’étiquettes RFID : étiquette à lecture seule, étiquette à écriture unique et lecture multiple, étiquette à écriture et lecture multiple. Dans le standard EAN EPC, chaque objet est identifié par un numéro de série, le code EPC (Electronic Product Code), à partir duquel on retrouve toutes les informations relatives au produit sur le réseau EPC (réseau de bases de données utilisant les technologies Internet). Les possibilités et les matériels offerts par cette technologie sont diversifiés et peuvent s’appliquer à la logistique, à l’automatisation industrielle, au contrôle d’accès, au suivi des animaux, etc. Objectifs : - réduire les coûts grâce à la suppression des procédures de scannage manuel (lecture à

la volée de plusieurs étiquettes à la fois sans manipulation individuelle des objets) - réduire les taux d’erreur grâce au contrôle automatique des entrées et sorties - augmenter la capacité de stockage des données dans l’étiquette produit - augmenter l’automatisation et l’optimisation des processus de la chaîne logistique - diminuer la contrefaçon et les marchés parallèles Standards EPC : - EPC Tag Data Standards Version 1.1 - Standard EPC des étiquettes RFID UHF class 0 - Standard EPC des étiquettes RFID UHF class 1 - Standard EPC des étiquettes RFID HF class 1

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Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 170

Echanges électroniques EDI - EANCOM, XML Mots clés : Echange de données informatisé, EDI intégré, langage EANCOM, langage XML (eXtended Markup Language), messages EDI, réseau à valeur ajoutée (RVA) Définition : L'EDI, ou l'Échange de Données Informatisé, permet l’acquisition et la transmission d’informations structurées et standardisées entre partenaires commerciaux équipés de systèmes informatiques. Dans le cadre de l’EDI conventionnel, les messages échangés utilisent le langage EANCOM. Dans le cadre de l’EDI XML, ils utilisent le langage XML. Les messages couvrent les principales informations échangées entre les entreprises (information partenaire, information produit, tarif, commande, facture, avis d’expédition, données de stock, ordre de transport, etc.). Un logiciel d'interface permet de traduire ces messages et d'intégrer directement les données dans le système d’information du destinataire, évitant ainsi toute ressaisie et tout risque d'erreur. Les données XML peuvent être directement intégrées dans le système d’information et sont également lisibles par l’homme grâce aux feuilles de style. XLM facilite la transmission de données multimédia (image et vidéo pour l’illustration de catalogues en ligne par exemple). Objectifs : - réduire les temps de saisie - réduire les coûts administratifs - sécuriser les échanges de données - accélérer la mise à disposition de l’information - automatiser et fiabiliser les échanges d’information Standards GS1 : - GLN - GTIN - SSCC - EANCOM (PARTIN, PRODAT, PRICAT, ORDERS, ORDRSP, INVRPT, SLSRPT, SLSFCT, DELFOR, INSDES, HANMOV, OSTRPT, IFCSUM, IFTSTA, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages) - XML

(ALIGN, GDS, Cahier des charges, ORDER, PLAN, DELIVER, PAY, autres messages) Echanges électroniques EFI, Web EDI Mots clés : EFI, échange de formulaires informatisés, web EDI, feuille de style, formulaire EDI, écran de saisie, Internet, traducteur EDI Définition : L’EFI et le web EDI permettent, avec un équipement informatique léger et une mise en œuvre simple, de réaliser des échanges électroniques entre petits et grands partenaires. Ce type de solution, hébergé sur un site web et utilisant les standards EDI, est particulièrement adapté aux petites et moyennes entreprises qui n'émettent ou ne reçoivent qu'un faible volume de messages. Le principe de fonctionnement d’une station EFI ou web EDI repose sur la transcription en clair des messages EDI reçus d’une grande entreprise et l’utilisation

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de masques de saisie (formulaires informatisés) pour l’envoi de messages traduits en format EDI entièrement compatibles avec le système d’information du destinataire. Objectifs : - émettre ou recevoir des messages commerciaux avec de grands partenaires - répondre à moindre coût aux exigences EDI des clients et fournisseurs - s’équiper rapidement d’une solution EDI économique - se préparer à l’EDI intégré Standards GS1 : - GLN - GTIN - SSCC - EANCOM (PARTIN, PRODAT, PRICAT, ORDERS, ORDRSP, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages) - XML - (ALIGN, GDS, ORDER, DELIVER, PAY, autres messages) Catalogue électronique Mots clés : Catalogue électronique, fiche produit, information produit, synchronisation des données, alignement des bases de données, réseau EANnet Définition : Le catalogue électronique permet au fournisseur de rassembler, administrer et publier des informations sur ses produits et au distributeur de gérer l’alignement de sa base articles avec celle de chacun de ses partenaires. La fiche-produit standard contient 200 attributs décrivant les caractéristiques techniques des produits, les caractéristiques physiques, nutritionnelles, organoleptiques, les informations commerciales, logistiques, le prix public catalogue et le seuil de revente à perte, le libellé caisse, les notices d’emploi, les fiches de sécurité, photos, vidéo, etc. De par la certification, le réseau EANnet.fr – lien fédérateur des catalogues électroniques – permet de les rendre interopérables et de synchroniser les informations produits entre les partenaires commerciaux. « Publier une fois, diffuser à tous. Souscrire une fois, recevoir de tous », telle est la devise d’EANnet.fr. Objectifs : - générer des économies de l’ordre de 0,5 % du chiffre d’affaires - supprimer les erreurs de commande et les litiges sur facture Le catalogue électronique permet au fournisseur de : - tenir à jour la description de ses produits - administrer les droits d’accès à son information produit - gérer la diffusion de ses produits à partir d’un seul point d’entrée - faire connaître ses produits auprès des distributeurs grâce aux outils de recherche Le catalogue électronique permet au distributeur de : - recevoir des informations produits de qualité - intégrer ces informations produits dans sa base article - accéder en simultané et de façon transversale à tous les produits fournisseurs

(informations produits et tarifs) à l’aide de critères de recherche

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Standards GS1 : - GLN - GTIN - Dicalis - GPC - EANnet.fr - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, PRICAT, CONDRA, autres messages) - XML

(ALIGN, GDS, autres messages) Dématérialisation de la facture Mots clés : Facture dématérialisée, échange électronique de factures, e-facture, e-invoicing, workflow de validation Définition : Les factures dématérialisées échangées entre deux partenaires commerciaux correspondent à la télétransmission de factures sous forme électronique, sans que la facture soit échangée sous forme de document papier. Par ce moyen, l’authenticité et l’intégrité des factures transmises sont garanties. Il existe deux types de factures dématérialisées : - la facture EDI en langage EANCOM ou XML permettant le traitement automatisé des

données depuis l’envoi jusqu’à l’archivage - la facture dématérialisée sous format type traitement de texte, tableur, PDF, etc.

sécurisée au moyen d’une signature électronique, mais ne pouvant pas être traité automatiquement comme les factures EDI

Objectifs : - accélérer la transmission des factures - diminuer les coûts administratifs - optimiser le traitement des factures Standards GS1 : - GLN - GTIN - EANCOM

(PARTIN, INVOIC, autres messages) - XML

(ALIGN, PAY, autres messages) Internet sécurisé AS1, AS2 Mots clés : Internet sécurisé, protocole EDIINT AS1, AS2, EDIINT (Electronic Data Interchange Internet Integration – Intégration sur Internet des échanges de données informatisés EDI), inter-opérabilité des solutions AS2 Définition : EDIINT AS1 est un standard qui permet aux entreprises d’échanger des données et des documents de tout type via Internet sur la base du protocole e-mail SMTP (Simple Mail

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Transfer Protocol). Le protocole AS2 permet d’échanger des messages EDI sur Internet sans utiliser les traditionnels réseaux à valeur ajoutée (RVA) tout en offrant des niveaux de sécurité et de traçabilité équivalents : signature électronique, chiffrement, contrôle d’intégrité des données, compression des données, utilisation d’accusés de réception. Quant aux messages EDI, ils sont utilisés dans le même format sans aucun changement de syntaxe. L’AS2 peut être considéré comme un complément des RVA qui se différencient par un niveau supérieur de qualité de service. Objectifs : - réduire les coûts de communication - accélérer les flux d’information Standards GS1 : - EANCOM

(PARTIN, PRODAT, PRICAT, ORDERS, ORDRSP, INVRPT, SLSRPT, SLSFCT, DELFOR, INSDES, HANMOV, OSTRPT, IFCSUM, IFTSTA, DESADV, RECADV, INVOIC, REMADV, autres messages)

- XML (ALIGN, GDS, Cahier des charges, ORDER, PLAN, DELIVER, PAY, autres messages)

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11.2 Le processus CPFR (Collaborative Planning, Forecasting and Replenishment)

Source : VICS, 2000, Edition française

Crit¸ res dÕexception Crit¸ res dÕexception

Stratˇgie commerciale de lÕindustriel

Rˇ ception des produits chez le distributeur

Stratˇgie commerciale du distributeur

Point de Vente

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.

Générer les progr ammes d’approvisionnement

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.

Élaborer les pré visi ons de vente

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.

Crˇer les comma ndes

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.

Développer le pl an commercial comm un

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.Établir l’ac c ord

de c o o p érati o n

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.

Résoudre les exc ept ions

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.

Identif ier les pré visi ons non valides

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.

Résoudre les exc ept ions

QuickTime™ et undécompresseur

sont requis pour visionner cette image.

Iden tif ier les o rdres plani f iés non valides

Li vrer

Fabri quer les

produits

À

Ã

Õ

Œ

œ

Consommateur

PLANIFICATION

PRÉVISION

RÉAPPROVISIONNEMENT

Contr™les de validitˇ

Outils dˇcis ionnels du distr ibuteur

Sorties caisses

Outils dˇcis ionnels de lÕindustriel

Contr™les de validitˇ

Liste dÕarticles

Ordres planifiˇs

Ordres fermes

Liste dÕarticles

Contraintes Contr™les de validitˇ

Outils dˇcis ionnels de lÕindustriel

Contraintes dÕapprovisionnement non rˇ solues

Commandes

Feedback

Avis dÕexpˇ dition

Produits

court t

long terme

Outils dˇcis ionnels du distr ibuteur

Contr™les de validitˇ

Activitˇs du distributeur

LÕun ou lÕautre, Activitˇs p artagˇ es

Activitˇs de lÕindustriel

Programme Directe ur de Production

Sorties cais ses

Donnˇes rˇactualisˇes

Prˇ parer les commandes / Expˇ dier

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12 BIBLIOGRAPHIE

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édition, McGraw-Hill Companies, 2001

TIXIER D., MATHE H., COLIN J., La logistique au service de l’entreprise, Dunod, 1983 TIXIER D., MATHE H., COLIN J., La logistique d’entreprise – Vers un management plus compétitif, Dunod, 1996 VALLIN P., La logistique, Modèles et méthodes du pilotage des flux, Economica, 2003, p. 17 VANDAELE M., Commerce & Industrie – Le nouveau partenariat, 1998 VICS, CPFR : Concepts, carte routière et premiers pilotes internationaux, Traduit de l’anglais par T. Jouenne, J.-F. Danquigny, E. Renon, Jouwen Editions, 2000 WIGHT O., La production à délai court, The Oliver Wight Companies, Traduit de l’anglais par Bill Belt SA, 1993 Economie, Finance, Organisation, Marketing, Qualité, Systémique, Cartographie AFNOR, Qualité et système de management ISO 2000, 2001 BERGER C., GUILLARD S., La rédaction graphique des procédures, AFNOR, 2000 BOERI D., Le nouveau travail manuel – Enrichissement des tâches et groupes autonomes, Editions d’organisation, 1997 BOERI D., Maîtriser la qualité, Maxima, 2003 BOERI D., BERNARD S., Organisation & changement – Comment tirer le meilleur parti du potentiel de l’entreprise, Maxima, 1998 CASPAR P., AFRIAT C., L’investissement intellectuel, CPE, 1990 CATTAN M., L’engagement de la direction, AFNOR, 2001 CATTAN M. & al., Maîtriser les processus de l’entreprise, Éditions d’Organisation, 2003 DEBAUCHE B., MEGARD P., BPM, Business process management, Lavoisier, 2004 DEMING W. E., Qualité : La révolution du management, Economica, 1988 DONNADIEU G., KARSKY M., La systémique, penser et agir dans la complexité, Éditions Liaisons, 2002 FREUND J., Sociologie du conflit, Puf « Politique éclatée », 1983 GENELOT D., Manager dans la complexité, Insep Consulting Editions, 2001 HAMMER M., CHAMPY J., Reengineering the corporation, Perfect Bound, 2003 HAMMER M., CHAMPY J., Le reengineering, Dunod, 1993

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D’une logistique fragmentée à la logistique systémique

Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 178

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Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 179

12.2 Articles scientifiques, articles de presse, résumés de thèses, autres documents AKBARI M. & al., Sur l’évolution du concept de logistique, RIRL, 2000 CAHEN A., GRATADOUR J.-R., Le défi logistique du commerce électronique, Club Sénat, 2004 CHRISTOPHER M., New direction in logistics, in Cooper J., Logistics and distribution planning, Kogan Page, 1994, p. 15-24 COLIN J., De la maîtrise des opérations logistiques au supply chain management, Gestion 2000, janvier-février, p. 59-74 DAPERE R., La Qualité Totale - Méthodes et outils, CNAM Paris, 2004 ESTAMPE D., HARREGUY A., MALDES V., MAMERE M., NOUGARET S., TRUIN B., La performance supply chain des acteurs du secteur automobile en France, Logistique et Management, Vol. 7, N° 2, 1999 FABBE-COSTES N., MESCHI P.-X., La place de la logistique dans l’organisation : Institutionnalisation ou dilution ?, IMRL, 2000 FABBE-COSTES N., Supply chain management : Concepts et pratiques, Support de conférence, Conférence-débat à l’IAE d’Aix en Provence, 2000 FORRESTER J. W., Industrial dynamics, MIT, 1961 FOUGERE C., La gestion du système logistique : Un cadre et des processus favorisant l’organisation apprenante ?, Mémoire de D.E.A., CNAM Paris, 2005 GREGOIRE L., Pour une logistique de production, Revue Stockage et Manutention, N° 73, 1983 GREGOIRE L., Le logisticien dans l’entreprise : Optimiser et gérer les interfaces, Actes du congrès de l’Ecole Centrale de Paris, 1986 GREGOIRE L., Optimisation des flux : Simple suivi ou véritable maîtrise ?, Logistique & Management, Vol. 6 – N° 2, 1998 GREGOIRE L., Université de tous les savoirs, sous la direction d’Yves Michaud, Vol. 3, Qu’est-ce que la société ?, Editions Odile Jacob, 2000, p. 655-665 GREGOIRE L., Supports de cours, UV 23208, CNAM Paris, 2001 GREGOIRE L., Supports de cours : Approfondissement de la logistique systémique, CNAM Paris, 2004 HATEM F., Enquête : L’investissement international à l’horizon 2002, AFII, 1998 HESKETT J. L., Logistics : Essential to strategy, Harvard Business Review, 1977, Traduit par Harvard L’Expansion sous le titre La logistique, élément clé de la stratégie, 1978 JOUENNE T., En marche vers les Européennes… de l’ECR, Stratégie Logistique, n° 15, 1999 JOUENNE T., De la valeur à tout prix !, Stratégie Logistique, n° 17, 1999

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D’une logistique fragmentée à la logistique systémique

Thierry JOUENNE – Mémoire de recherche « Logistique & Systèmes » – CNAM Paris – 2005 180

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