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Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, 2013 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/ Document generated on 12/15/2020 5:03 a.m. Téoros Revue de recherche en tourisme Des représentations aux incidences socio-spatiales du tourisme de routard Le cas du Groenland Antoine Delmas Tourisme cynégétique et halieutique Volume 32, Number 1, 2013 URI: https://id.erudit.org/iderudit/1036658ar DOI: https://doi.org/10.7202/1036658ar See table of contents Publisher(s) Université du Québec à Montréal ISSN 1923-2705 (digital) Explore this journal Cite this article Delmas, A. (2013). Des représentations aux incidences socio-spatiales du tourisme de routard : le cas du Groenland. Téoros, 32 (1), 89–99. https://doi.org/10.7202/1036658ar Article abstract À travers l’exemple du Groenland, cet article propose d’explorer toute la complexité des relations qui existent entre les expériences touristiques traditionnelles et routardes. L’appréhension conjointe de ces deux formes de tourisme dévoile des singularités mais révèle aussi de nombreux points communs. L’article invite alors à repenser la distinction usuelle qui oppose ces expériences. Outre la compréhension des comportements du routard et de ses motivations, le parti pris scientifique de cet article est également de révéler les incidences spatiales de cette expérience touristique. En raison de la marginalité des flux, l’analyse des effets spatiaux a souvent été délaissée. À partir d’une étude de cas sur le tourisme de routard au Groenland, l’article montre comment cette clientèle représente la fréquentation historique et comment elle joue un rôle déclencheur dans la dynamique de mise en tourisme. Encore aujourd’hui, elle est la principale instigatrice du processus de touristification et ouvre la voie à un tourisme plus conventionnel.

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Page 1: Des représentations aux incidences socio-spatiales du ... · la plume d’Alain Grenier, le modèle disjonctif proposé par le tourisme routard perd de sa superbe. Le sociologue

Tous droits réservés © Université du Québec à Montréal, 2013 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit(including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can beviewed online.https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/

This article is disseminated and preserved by Érudit.Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal,Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is topromote and disseminate research.https://www.erudit.org/en/

Document generated on 12/15/2020 5:03 a.m.

TéorosRevue de recherche en tourisme

Des représentations aux incidences socio-spatiales du tourismede routardLe cas du GroenlandAntoine Delmas

Tourisme cynégétique et halieutiqueVolume 32, Number 1, 2013

URI: https://id.erudit.org/iderudit/1036658arDOI: https://doi.org/10.7202/1036658ar

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Publisher(s)Université du Québec à Montréal

ISSN1923-2705 (digital)

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Cite this articleDelmas, A. (2013). Des représentations aux incidences socio-spatiales dutourisme de routard : le cas du Groenland. Téoros, 32 (1), 89–99.https://doi.org/10.7202/1036658ar

Article abstractÀ travers l’exemple du Groenland, cet article propose d’explorer toute lacomplexité des relations qui existent entre les expériences touristiquestraditionnelles et routardes. L’appréhension conjointe de ces deux formes detourisme dévoile des singularités mais révèle aussi de nombreux pointscommuns. L’article invite alors à repenser la distinction usuelle qui oppose cesexpériences. Outre la compréhension des comportements du routard et de sesmotivations, le parti pris scientifique de cet article est également de révéler lesincidences spatiales de cette expérience touristique. En raison de lamarginalité des flux, l’analyse des effets spatiaux a souvent été délaissée. Àpartir d’une étude de cas sur le tourisme de routard au Groenland, l’articlemontre comment cette clientèle représente la fréquentation historique etcomment elle joue un rôle déclencheur dans la dynamique de mise entourisme. Encore aujourd’hui, elle est la principale instigatrice du processus detouristification et ouvre la voie à un tourisme plus conventionnel.

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Reflet d’une société, la figure du touriste est mouvante. Enproieàd’éternellesmétamorphoses,lespremiersaristocratesinitiateurs du Grand Tour au XVIIIe siècle incarnaient desvoyageurs très différents des croisiéristes ou des touristesmétropolitains d’aujourd’hui. depuis les années 1970, uneautrepratiques’érige—unefigurealternative—commeuncontre-exempleàcetourismecontemporain,dittraditionnel(Maoz, 2007), à l’instar des hippies menant une vie d’itiné-rance le longduhippie trail.ErikCohen(1972 :168-169)aété le premier à distinguer les «institutionalized tourist roles […] with in a routine way by the tourist establishment»etles«noninstitutionalized tourist roles […] very loosely attached to the tourist establishment». qualifiés dans l’article de drifters(ibid.),cestouristessontaujourd’huireconnussouslenomdebackpackers—littéralementvoyageuravecunsacàdos—ouen françaisde routards.Cette traductionrestediscutableenraisondesaforteassociationautermede«route»(Lachance,2008),maiselleestlaseuleànepaslaisserdedoutesursonsens. Comme l’indiquent les appellations anglophones delong-term budget traveler (Riley, 1988) et de budget traveler(Locker-MurphyetPearce,1995),lesroutardssedistinguentparlechoixdeséjoursbonmarché.

À cette volonté économique s’ajoute le désir de refuserlesponcifsdutourismetraditionnel.Sortirdescadreshabi-tuels,rechercherdenouvellesdestinationshorsducommunet parfois dangereuses sont les fondements de l’expérience.L’aventureetlerisquefaçonnentl’identitéroutarde(Elsrud,2001:601;Larsenet al.,2011:693-694).Natanurielyet al.(2002:536)ajoutentquelesformesmêmeduvoyage,laduréeoulaflexibilitéduséjourauregarddenouvellesopportunitésdifférencientcestouristesdesautresvisiteurs.Égalementaucœur de l’expérience, on retrouve l’envie de rencontrer lespopulations locales etde fairedesactivitésparticipatives etinformatives(Locker-MurphyetPearce,1995:821).Laren-contredel’autreseraitl’occasionderechercherl’authenticitédeladestination(Maoz,2007:123;Noy,2004:85),àcôtédelaquellepasseraientpardéfinitionlestouristestradition-nels.Bienplusqu’unsimple«voyagepascher»,l’expérienceroutarde, chargée de valeurs, serait le moyen de mieux secomprendre et de s’interroger sur sa propre identité (Noy,2004;PearceetFoster,2007).Cependant,cescaractéristiquescommunes ne doivent pas faire oublier l’aspect compositedes routards. L’âge, le sexe ou les précédentes destinationsfréquentées sont autant de critères qui les différencient les

RÉSUMÉ : À travers l’exemple du Groenland, cet article propose d’explorer toute la complexité des relations qui existent entre les expériences touristiques traditionnelles et routardes. L’appréhension conjointe de ces deux formes de tourisme dévoile des singularités mais  révèle aussi de nombreux points communs. L’article  invite alors à  repenser  la distinction usuelle qui oppose ces expériences. Outre la compréhension des comportements du routard et de ses motivations, le parti pris scientifique de cet article est également de révéler les incidences spatiales de cette expérience touristique. En raison de la marginalité des flux, l’analyse des effets spatiaux a souvent été délaissée. À partir d’une étude de cas sur le tourisme de routard au Groenland, l’article montre comment cette clientèle représente la fréquentation historique et comment elle joue un rôle déclencheur dans la dynamique de mise en tourisme. Encore aujourd’hui, elle est la principale instigatrice du processus de touristification et ouvre la voie à un tourisme plus conventionnel.

Mots-clés : Routard, motivation, dynamiques spatiales, nature, aventure.

des représentations aux incidences socio-spatiales du tourisme de routardLe cas du Groenland

antoine delmasDoctorant au laboratoire rUrALitésUniversité de Poitiers (France)[email protected]

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unsdesautres(Larsenet al.,2011;Maoz,2007;Noy,2004;PearceetFoster,2007:1287;urielyet al.,2002).

En raison des valeurs véhiculées, les écrits scientifi-ques mettent en avant les qualités du tourisme de routard(O’Reilly, 2006). Les succès littéraires et cinématographi-ques de Into the Wild, réalisé par Sean Penn (2007), ou deEat Pray Love,deRyanMurphy (2010),témoignentdecettevalorisation ou tout du moins de la curiosité populaire, ausensnobleduterme,qu’éveillecettepratique.Toutefois, lescaractéristiques de ce tourisme, si riches soient-elles, sontaussilerefletd’unecertainebien-pensanceàl’occidentalequivaloriseraituneexpérience intellectualisée, faceàuneautredénuéedequalité,dévalorisée:enunmot,letourisme.Souslaplumed’AlainGrenier,lemodèledisjonctifproposéparletourismeroutardperddesasuperbe.Lesociologuecanadienrappellequelarecherchedel’authenticitén’estpasunesin-gularité, mais une constante intrinsèque à toute expériencetouristique (Grenier, 2008 : 41). Encore plus récemment,Svein Larsen et al. (2011) ont questionné la véritable iden-titéduroutard.Grâceàunevasteétudequantitativemenéeauprès de touristes rencontrés en Norvège, les auteurs sug-gèrentunevéritabledéconstructiondu«mythe».Ilsposentdenouvellesquestionsquantàladifférenciationquisemblaitjusqu’alorsexisterentretouristestraditionnelsetalternatifs.Ilsinvitentàconclurequesilesspécificitéssontréelles,ellessontbienmoinsmarquées.Cesontautantd’argumentsquiliment les différences, qui rapprochent les pratiques et quieffritenttoutelasingularitéduroutard.

Est-il alors toujours pertinent d’ériger ces deux expé-riences l’une contre l’autre? quelles seraient les caractéris-tiques qui distingueraient encore les routards des touristestraditionnels?En lienavec l’étiquettepositiveassociéeet lamarginalitédel’expérience,lesrépercussionsspatialesdecetourisme sont minimisées. Pourtant, ses implications sontparfois plus importantes que ce que les flux ne pourraientle laisserpenser(hampton,1998).quelestalors le rôledutourismederoutarddans laconstructionsocio-spatialedeslieux? Comme une mise en lumière de ce tourisme, cetterechercheseproposed’apporteruneréponsesingulièreàcesquestionnementsàtraversl’étudedel’expériencetouristiquederoutardauGroenland.

une méthode « au terrain »Surprenantàlapremièrelecture,lechoixdel’expression«auterrain»aétédéfendupardenisRetaillé(2010).Cegéographefrançais soutient l’idée que le chercheur ne serait pas sur leterrainmais«auterrain»,àl’imagedel’expression«auchar-bon»oudecelleduscientifiquequiserend«aulaboratoire»(Retaillé,2010:86).

Afind’interroger les tensionsexistantesentre les formestouristiques, entre une pratique et un territoire, différentesméthodesd’investigationseconjuguent.unpointcommunexiste entre elles : la mise en place d’une écoute active etméthodique. développée par Pierre Bourdieu (1993 : 906),cette attitude suppose que l’investigateur, par mimétisme,adopte le langage, entre dans les vues, les sentiments et lespensées de l’enquêté. La démarche poursuivie écarte alorstouteattitudedistanciéequiviseraitàinstaurerunecertaine

neutralité.Aucontraire,elle s’intéresse tantaudiscoursdesenquêtés qu’aux effets induits par l’enquêteur. une telleposture résonne avec l’interprétation déontologique du faitsocialtotaldonnéeparClaudeLévi-Strauss(2010:XXVII):«…[d]ansunescienceoùl’observateurestdemêmenaturequesonobjet,l’observateurestlui-mêmeunepartiedesonobservation.»Alorsleprincipefondateurdecettedémarched’investigationn’estpasdetenterdes’affranchirdelasubjec-tivitéduchercheur,maisaucontrairedes’yintéresserpourl’identifieretlamesurer.

développéesdans lecadred’unethèsedegéographie, lesdifférentes investigationsse sontdérouléesauGroenlandaucours des étés 2011 et 2012. La première source d’informa-tionssecomposaitd’unetrentained’entretiensmenésauprèsd’acteurstouristiquespourcerner lescontoursde l’activité :directeurs des bureaux de tourisme, employés, décideurs,conservateurs de musée, etc. La deuxième source concer-nait un questionnaire proposé aux visiteurs, focalisé sur lespratiques touristiques et les représentations du Groenland.S’ajoutaient en complément aux informations déclinantl’identitécivile (sexe,âge,profession,etc.)desquestions surl’identité touristique. La collecte de renseignements relatifsaux anciennes destinations fréquentées et sur les habitudesdeséjourapermisdemieuxcerner lesdifférentespratiquesde voyage. Le questionnaire a véritablement joué le rôle demédium pour établir une véritable discussion introspectivesur les pratiques de l’enquêté. Au-delà des inévitables refuset des personnes réticentes lors de la passation, la plupartdesenquêtés se livraientà l’exerciceavecun soucidudétailetagrémentaientleurdiscoursdenombreusesanecdotessurleurs voyages. Ainsi, la transmission du questionnaire s’ef-fectuait toujours accompagnéed’uncahier afinde recueillirsansdéformationleproposdestouristes.Toutyétaitconsignéavec exactitude : les anecdotes sur les séjours touristiques,desremarquesannexesoudescommentairessurleséjourauGroenland.Proposéà84enquêtés,routardsettouristestradi-tionnelsrencontrésdanslabaiededisko(voirillustration1),cequestionnaireapermisd’obtenirdespointsdevuesdiffé-renciéssurlesexpériencestouristiques.SituéesurlacôteouestduGroenland,laplusgrandevilledelabaiededisko,Ilulissat,accueilleannuellemententre25000et30000visiteurs,soituntiersdelafréquentationdel’île,cequienfaitlaprincipalevilletouristiqueduGroenland.Chaqueannéeilya6foisplusdetouristesqued’habitantsàIlulissat—4541habitantsen2013(StatisticsGreenland,2013a).

la réflexion sur l’expérience de routard polairePlus singulières, authentiques, ludiques, voire engagées,les expériences touristiques se sont diversifiées au cours del’histoire. La possibilité d’assouvir des envies toujours plusvariées a contribué à l’extension de l’écoumène touristique.Marginalisés hier, les mondes polaires sont aujourd’huirésolument intégrés aux circuits mondiaux. Aux limites del’écoumène, loin des aménités de notre espace quotidien, leGroenlands’affirmecommeunenouvelledestinationtouris-tiquedepuislesannées1990.Suiteàunpicdefréquentationà plus de 110 000 touristes en 2008, le nombre de visiteurss’eststabilisédepuis2009auxalentoursde100000visiteurs

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annuels (tourisme intérieur et international confondus)(StatisticsGreenland,2013b;StatisticsGreenland,2013c). Ils’agitdefluxinfinitésimauxauregarddumilliarddetouristesinternationaux en 2012 (OMT, 2013), mais suffisants pourinduiredeschangementsterritoriauxsignificatifsdansuneîlepeupléeparunpeumoinsde60000habitants.

Les routards incarnent la clientèle historique de l’îledepuis les années 1980. Toutefois, dès les débuts de ce tou-risme,deuxformesderoutardssesontdistinguées.Lespre-miers,indépendants,onttoujoursétélespropresguidesàleurvoyage. Malgré les difficultés de l’époque à planifier un telséjour,ilsl’organisaientpareux-mêmes,contournantlesdiffi-cultés.Àcespremierss’ajoutaientlesroutardsquisollicitaientdéjàlesservicesdespremièresagencesdevoyagespécialiséesdanslesmondespolaires.Parleurintermédiaire,lestouristeseffectuaient leplus souventdes séjoursphysiquement enga-gés.unetelleoffreestd’ailleursà l’originede lacréationdel’agencefrançaiseGrandNordGrandLarge,historiquementtournée vers les hautes latitudes, qui a su séduire dès sonoriginecetteclientèle.Aujourd’huiencore,cetypedeséjourorganiséresteuneexpériencehabituelleauGroenland.Avecun guide polaire, les randonnées à pied, en terrain natu-rel, ou les itinérances maritimes en kayak sont les produitspharesdesagencesspécialisées,qu’ellessoientgroenlandaises(IlulissatTouristNature,BlueIceExplorer,etc.),allemandes(Nordwind Reisen, etc.) ou nord-américaines (AdventureCanada, Natural habitat Adventures, etc.), etc. L’expérienceroutarde n’apparaît alors pas incompatible avec les séjoursorganisés.AuGroenland,cesdeuxmanièresdedécouvrirl’îlecohabitent,commepourmieuxsoulignerl’hétérogénéitédelaclientèleroutarde.Cependant,quellequesoitlaformeconsi-dérée, les séjours au Groenland demeurent onéreux et bienloindelapratiquebonmarché.Aucoûtélevéduvols’ajoutentlesprestationsdetransportsinternes,souventchèresenl’ab-sencedevoiesroutières,ainsiquelecoûtdelavie.

Sans lien avec les formes du séjour, l’âge représente undeuxième critère distinctif. Groupe hétéroclite, de jeunesadultes se distinguent d’autres touristes plus matures, auxexpériences de vie diverses. Malgré la différence, les écritsscientifiquespointentcommeressemblancel’aspectconstruc-teurduvoyage.Pour lesplus jeunes,âgésde25à35ans, leséjourserait«a self imposed transition or rite of passage from adolescence to adulthood» (Adkins etGrant,2007 :4).CetteréalitéseconfonddanslasituationdeClaude,touristefran-çaise,pourquic’étaitlederniervoyageavantd’accoucherdeson enfant. Même situation pour trois jeunes amis danoisquieffectuaientun longséjourauGroenlandavantd’entrerdanslavieprofessionnelle.BarbaraA.AdkinsetErynL.Grant(2007 : 4) affirment que le pendant à ce séjour constructifserait,pourlestouristesd’âgesmûrs,l’enviederupturedanslaviepersonnelleouprofessionnelle.Auregarddesenquêtesréalisées,cetélémentn’apasétévérifié.Loind’êtreunepra-tique ponctuelle au cœur d’expériences conventionnelles, letourismederoutards’apparenteplusàunfilconducteurdelavietouristique,unevéritableéthiquedel’être.Auxmultiplesvoyagesàtraverslemonde,James,60ans,évoquelesséjourshorsducommun:unetraverséeducontinentasiatiqueenvoi-tureàlafindesannées1970,unecroisièreàbordd’unbateau

ouvertdetypesemi-rigideenNorvègejusqu’auxîlesLofotenau début des années 2000. Fabia ajoute à sa longue liste devoyages des destinations peu courues, Alaska ou Mongolie.Madeleine, quant à elle, collectionne les expériences typées«aventure» dans le Grand-Nord. depuis une dizaine d’an-nées, elle effectue, toujours avec lamême agencedevoyage,desséjoursitinérantsenkayakenAlaska,auyukonoudanslesTerritoiresduNord-Ouest.

Bienplusqu’unesimpleévocation, la listedeces séjoursintroduituntroisièmesignediscriminant:lesexpériencesdevoyage.Cesdernièresrévèlentdeuxprofilsdifférentsderou-tard.Àl’instardeJamesouFabia,lepremierconcernedestou-ristes«globe-trotteur»quimultiplientlesséjoursàtraverslemonde.CommeunpréalableauGroenland,l’enviedeshauteslatitudeslesaconduitsàvisiteraumoinsunefoislesmondespolaires. Le second profil isole les «amoureux des pôles»qui multiplient les voyages dans ces régions. Inlassables, ilsy reviennent. Véritable fascination pour ces latitudes, leurcuriositélesamèneàdécouvriràplusieursrepriseslesdesti-nationsqu’ilsontappréciées.ToutcommeMadeleine,JeffestdevenuuninconditionnelduGroenlandaupointd’yrevenirquasimenttouslesansdepuislesannées1990.

Cercle polaire Arctique

Baie de Baffin

Détroit deDavis

Détroit duDanemark

O c é a n G l a c i a l A r c t i q u e

O c é a n

A t l a n t i q u e

Mer duGroenland

QEQQATA

SERMERSOOQ

KUJALLEQKUJALLEQ

QAASUITSUP

PARC NATIONAL DU NORD-ESTGROENLAND

I L U L I S S AT

KangerlussuaqKangerlussuaqSisimiutSisimiut

N U U KN U U K

QaqortoqQaqortoq

Baie de DiskoBaie de Disko

0 250 km

ILLUSTRATION 1 : Le village d’Illulissat, sur la côte ouest du Groenland (source : Antoine Delmas, 2013).

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L’expérienceroutarden’estdoncpasunesimplepratiquetouristique,c’estunsavoir-être.Elles’inscritdansuneéthiquede vie globale qui dépasse le simple cadre touristique pourdonnerunsensàlavie.

Le routard, un touriste parmi d’autresLoind’êtrespécifiquesauxroutardslesprofilsde«globe-trot-teur»oud’«amoureuxdespôles»seretrouventaussichezlesautrestouristes.Ilexisteainsiunefiliationentrecertainscroi-siéristeshabituésdesdestinationspolairesetlajeuneclientèlederoutards.Lescroisiéristesd’aujourd’huisont,pourcertains,lespionniersd’hierquiontarpentél’îleàpiedouenkayak.unautreâgedelavielesaamenésàdélaisserlapratiqueengagéepourdesséjoursplusconfortables,toutenévoquantleurâmederoutard,unepratiqueinitiéedanslesannées1970et1980quiperdureencoreaujourd’hui.

désormais,lesroutardsnesontdoncpluslesseulsàvenirdansl’île.Ilssontd’ailleursenminorité.Évoquésàl’instant,lescroisiéristesreprésententen2012unpeumoinsd’unquartdes touristes de l’île, 23 000 visiteurs (Statistics Greenland,2013b).deuxcritères—lacapacitéd’accueildunavireetlaplace occupée par le Groenland au cours du séjour — per-mettentdedistinguer trois formesde croisière.Lapremièreconcernelesimposantsnaviresquiembarquentplusieurscen-tainesàquelquesmilliersdepassagers.Auregarddel’itinéraireparcouru,leplussouventtransatlantique,lesespacespolairesne sont qu’une des destinations constitutives d’un séjour.Entrelesquelquesescales,lespassagers,quisontsollicitésparuneoffrepléthoriquededivertissements,profitentdeslongstempsdenavigation:spectacles,plaisirsculinaires,cinémas,casinos, animations de groupe, etc. Ces distractions comp-tent tout autant que les destinations visitées. La deuxièmeforme de croisière, en plus petites unités, accueille entreplusieursdizainesettroiscentainesdepassagers.L’itinérancede ces navires est centrée sur l’Arctique (Islande, Svalbard,Groenland,Nunavut,Sibérie,etc.).Àbord, lesanimationsysontplus rares.d’ailleurs,pourque l’immersion soit totale,desconférences sur la richesse faunistiqueetfloristique, surl’histoireoulesenjeuxassociésàcesrégionsplongentencoreplus lespassagersdans lefroiddeseauxpolaires.Afindenepasêtretributairesdesinfrastructuresportuaires,cesnaviresdisposentdeleurspropresannexesquipermettent,auregarddeslégislationsenvigueur,dedébarquerlespassagersàproxi-mitédessitesjugéslesplusintéressants.Malgrél’appellationde«croisièresd’expédition»,aucuneconcessionn’estfaitesurleconfortduséjour.Auluxedescabiness’ajouteunecuisinegastronomique; au standing du bateau, des attentions per-sonnalisées. La troisième forme est la plus anecdotique ennombre,lespetitsvoiliersquiembarquent30passagers,toutauplus.Enprisedirecteavecleséléments,cesvisiteursdécou-vrentquelques lieuxduGroenland.En l’absenced’équipageàborddespluspetitsbateaux,lesclientsseplaisentàofficiercomme matelot sous les ordres du capitaine : participationauxmanœuvres,prisedequart,etc. Passeulementcroisiéris-tes,cespassagerss’engagent.Ilsdeviennent,enquelquesorte,des«routardsdesmers»,commepourmieuxsoulignerleflouentrelesdifférentesformesdetourismequis’imbriquentlesunesauxautres.

uneautreclientèleconcernelestouristesterrestres(Grenier,2009:9)oudeterrain,catégorieàlaquelleappartiennentlesroutards.Loind’êtreuntypedetourismeàpartentière,l’ex-périenceroutardeestenréalitéplusunenuance.Cette idée,déjàdéfendueparNatanurielyet al. (2002),démontreque,malgrélesspécificités,denombreuxpointscommunssubsis-tententre les tourismes.Pour tous lesvisiteursde terrain, àladifférencedescroisiéristes, lemoyendedéplacementet lelieu d’hébergement ne sont pas des critères distinctifs. Plusgénéralement,lorsdevoyagesorganisésouenautonomie,cesvisiteursutilisent leshébergements collectifs :hôtels, auber-ges,campings,etc.Auseindecetteclientèle,lesnon-routardsutilisentlesinfrastructuresd’hébergementconstituéesleplussouventd’hôtelsdeclasse.Ilssollicitentaussilesnombreusesprestationsproposéespar lesbureauxde tourisme :prome-nadeenbateaux,safaripourobserverlescétacés,survolaériendespaysages,etc.Enrevanche,lesroutardssedistinguentparla sous-consommation marquée qui les amène à utiliser lesinfrastructuresbonmarché,lesauberges,outoutsimplementà camper. Conformément à leur statut de voyageurs écono-mes, ils s’oriententvers les randonnéesdans lanaturequ’ilsorganisenteux-mêmes.Ilssetiennentleplussouventàl’écartdecesactivitésinstitutionnalisées.

la construction sociale du séjour au groenlandChoisirunedestinationtouristiquen’estpasunactefortuit,maisrelèved’unprocessusréflexifmenéenamontduvoyage.JostKrippendorf(1999)arelié lesmotivationsduséjouraucontextesocial.JohnL.CromptonetStaceyL.McKay(1997)ontproposéquantàeuxunmodèlequis’agençaitautourdesfacteurspush,quimotiventledépart,etdesfacteurspull,quiattirent le touriste vers une destination. Cette propositionavaitdéjàétéformuléeparlemodèlepsychosociologiquedeSeppoIso-Ahola(1982:261)quiprésenteletourismecomme«an outlet for avoiding something and for simultaneously see-king something».

La construction de son séjour, de l’émotion à la proximité géographiqueLa construction intellectuelle est envisagée différemmentselon les formesde l’expérience touristique.Avantde foulerles terresgroenlandaises, lesroutardsévoquentouvertementlaréflexiondelonguedatequ’ilsontengagée.Initiébienavantl’idéemêmedeserendreauGroenland,ledéplacement,avantd’êtrephysique,aétéintellectuel,créantuneviséesensibleetémotionnelledel’île.Ceromantismedeladestinationcontri-bueàassocierauGroenlandunedimensionrêvée,àl’imagedeJamesquiparled’«uneaventure,unrêvedetoujours»oudedominiquequiconcrétise«unrêved’enfant».

Ces considérations romantiques menées en amont duvoyagesontétrangèresàlaplupartdestouristesnonroutards,qu’ilssoientcroisiéristesoudeterrain.Marco,touristeitalienqui fréquente l’un des deux hôtels de luxe d’Ilulissat, syn-thétiseavecjustesselapositiondecesvisiteurs.IlaajoutéleGroenlandàlalonguelistedesesdestinations.Savenueaétémotivéeparunsimplesouhait:«Parcequejen’ysuisjamaisallé.»LadémarcheintellectuelledeMarcolerapproched’unconquérantdel’espacequi,parlebiaisdesesséjours,découvre

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lemondeettentedemultipliersesexpériencesafind’accroîtresaconnaissancematérielledel’espacegéographique.

À l’instar des croisières qui se focalisent sur les mondesarctiques,denombreusesagencesproposentauxvoyageursdeterraindescombinaisonsdedestinations.Après leséjourenIslandeestproposéeuneextensionauGroenland;lapetiteîleofficiecommeunsasd’entréeverslaplusgrande.LaprésencedeLarsouMaia,touristesdeterrainnonroutardsayantsillonnélemonde,relèveplusduconcoursdecirconstancesgéographi-que,laproximitéavecl’Islande,qued’unevéritableaspirationàdécouvrirleGroenland.Ilss’ysontrendus,carleurvoyagisteleurasimplementproposédevisiterl’îleenprolongationdeleurséjour islandais.ToutcommeMarco, leurdémarcheestpurementconsommatrice.Pasétrangersàcetteprolongationduséjour,lesroutardsprofitenteuxaussidecetteproximité.Enrevanche,leurdémarcheestintellectualisée.IlsinscriventIslande et Groenland dans une continuité; comme si invo-querlesimplesouhaitdedécouvrir leGroenlandn’étaitpasuneraisonsuffisanteetlégitime.dominique,aprèsl’Islande,a «poussé plus loin». Claude, avec son conjoint, a décou-vert le Svalbard, l’Islande, puis le Groenland. L’appellationd’«itinéraireGrand-Nord»qu’elle emploiepourdénommersonséjourest témoinde laréflexionmenéeenamontdecegrandvoyage.C’estunevisionexhaustiveetreprésentativedeshauteslatitudes,uneimmersiontotale.

La nature : un désir unanime, des valorisations différentesMalgrél’arrivéedesThuléensauXIesiècle(Canobbio,2007:20)etdeleurscontemporainseuropéenslesVikings,lespaysa-gesduGroenlandressemblentimmanquablementàdesterressauvages. qu’ils soient croisiéristes ou touristes de terrain,routardsoupas, lamotivationprincipaleà ladécouverteduGroenlanddemeurelamême.Lefroidattire.Laglacefascine.

Lesicebergsémerveillent.Lesformesducryotropismepolairesedessinent.Àcetattraitpourlespaysagesdufroids’ajoutela quête d’espaces vierges de toute empreinte humaine afind’errer intellectuellement et physiquement dans des terrae incognitae.Xavier, routarddurant l’été2011, synthétise avecjustessecefacteurpull.Ilsouhaitait«admirerlesglaciersetlesicebergsimmenses,marchersurl’inlandsis!Êtredansunpaysencorebiensauvage,avecpeud’infrastructures».

Méconnus des touristes occidentaux, les paysages duGroenland sont réduits à des images emblématiques de lapenséeoccidentale : les icebergset lesglaciers (voir illustra-tion 2). Cette représentation demeure encouragée par lesmédiasqui focalisent leurattentionsurces témoinssymbo-liques de la vulnérabilité des zones polaires face au change-ment climatique. Le cheminement intellectuel des touristesobéitalorsauxrèglesdefonctionnementdel’imaginationqui«décomposetoutelacréation,[et,]aveclesmatériauxamassésetdisposés suivantdes règlesdontonnepeut trouver l’ori-ginequedans leplusprofondde l’âme,ellecréeunmondenouveau, elle produit la sensation du neuf» (Baudelaire,1868 : 265). L’imagination n’existe pas ex nihilo. Elle s’ap-puiesurnotrecorpusdeconnaissances,surnotrerapportaumondepourenconstruireunereprésentation(Fleury,2006).L’icebergetlesglacierscréentleGroenlandjusqu’àluienleversa substantifique richesse : sa diversité paysagère et conduitparfoisàenoublierseshabitants.

Comment comprendre cette aspiration? Si la singularitédespaysagesapparaîtcommeuneraisonsuffisanteàladécou-verte de l’île, n’existe-t-il pas au plus profond de nous uneautreexplication?Éricdardel,géographefrançaisdelapre-mièremoitiéduXXesiècle,insinue,danssonouvragemajeurL’homme et la Terre(1952,réed.1990),quetoutindividuestliéàlaTerre:la«géographicité».Parcettenotion,fondéesurla même racine que l’historicité qui qualifie notre existence

ILLUSTRATION 2 : Les paysages du froid focalisent l’attention des touristes (photo : Antoine Delmas).

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temporelleetnousinsèredanslaflèchedutemps,ilinterpellenotre appartenance à l’espace. À cette considération décon-textualisée des mondes polaires s’en ajoute une autre, plusspécifiqueàcesespacessauvagesetviergesdetouteempreintehumaine.L’attraitquecesderniersexercentennousrenvoieaux affres de la culture occidentale qui aurait perdu le lienà la Terre. Le séjour au Groenland devient alors un moyend’exorcisercetteperteetderétablirlarelationentrel’humainetl’espacegéographique.

Toutefois,àcedésirdenature,communàtouteslesexpé-riencestouristiques,s’opposel’engagementdesroutards.Pourcesderniers,leGroenlandn’estpasunedestinationordinaire,maisunedestinationquidonnel’occasiondevivreuneaven-ture,unterraindejeuidéalpourdestouristesenmaldesensa-tions.L’engagementdesroutardslesamèneàsillonnerdurantune dizaine de jours le chemin qui relie Kangerlussuaq àSisimut.Populariséparunguideanglophoneetparsonpointdedépartsituéàladescentedel’avionàKangerlussuaq,l’actuelle«ported’entrée»internationaledel’île,cesentierpermetdes’immergerdanslanaturesauvage.danslesud,denombreuxtrekkingsdonnentl’occasiondegravir,delonger,d’arpenterlesfjordset les lignesverticalesdesmontagnesquiplongentdanslamer.PlusenclinsàrecouvreruneattacheaveclaTerre,les routardséprouventunbesoinexistentiel avec l’«intimitématérielledel’“écorceterrestre”,unenracinement,unesortedefondationdelaréalitégéographique»(dardel,1990:20).L’éclairageapportéparÉricdardel (1990)rested’uneéton-nante actualité. Il faisait, au regard de l’essor de l’alpinismedanslasociétédesannées1950,l’exégèsedu«tellurisme»;cebesoin irrépressible «de se mesurer avec l’espace tellurique,aveclesarêtesetlescimes,lespentesenneigéesetlesglaciers»(dardel,1990:22-23).Aujourd’hui,cebesoinrésonneaveclespratiquesdesroutardsquidécouvrent lemondepar l’effort,

l’aventureetlerisque(Elsrud,2001;Larsenet al.,2011:693-694).dansl’île,lesconditionsmétéorologiquesvariablesetle«côtébiensauvage»deladestination,commeseplaisentàlerappelercertainsroutards,permettentdefairesurgirensoidetellesémotions.ToutescesconsidérationssesynthétisentdanslesproposdeBastian,voyageursolitaireallemand,pourquilaconfrontationavaitunsenstrèsintime:«J’avaisenvied’êtreseul,dememesureràmoi-même.Savoirquesij’aiunsoucijenepeuxcompterquesurmoi.Ilyaeudesmomentsintenses,notammentàl’occasiondefranchirdesgués.Maistouts’estbienpassé.»

L’art de la rencontreSi le Groenland attire avant tout pour ses paysages, le tou-risme culturel est la deuxième raison invoquée comme fac-teur pull. La rencontre avec les Groenlandais et leur cultureestunmoyenpourtouslestouristesdedécouvrirl’exotismeetl’authenticitédeladestination.Cettequêteestintimementliée à l’identité des Kalaallits — les Inuits du Groenland.L’adaptabilité des populations à leur environnement a favo-risél’essord’unmodedevierichedesesproprestraditionsetcoutumes.Lalittératurescientifiqueconsacrel’idéequecetterechercheestproportionnellementplusmarquéechezlesrou-tards(Noy,2004;Maoz,2007:1013;PearceetFoster,2007).Ceconstatseconfirmedansl’écoutedesproposderoutardscommeClaude:«J’aienviederencontrerlapopulationlocaleetdevoircommentellevitaujourd’hui,êtreaucalme,loindenotresociétédeconsommation.»

Le refus du tourisme traditionnel amène les routards àdéconsidérer les activités proposées par les bureaux de tou-rismeprivés.Lenourrissagedeschiensdetraîneau,lesvisitesdevilleoulaparticipationàunkaffemik—unrassemblementconvivial autour de boissons chaudes et de sucreries, une

ILLUSTRATION 3 : Le navire Sarffak Ittuk dans le port d’Ilulissat (photo : Antoine Delmas).

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pratiquecadredelaviesocialelocale—sontautantd’expé-riencesàfuirenraisondeleurinstitutionnalisation.Rienn’estplus contradictoire entre une entrevue organisée et l’enviededécouvrirl’authenticitédel’île.Alors,lesroutardstententdeprovoquerlarencontre,celle-làmêmequileurpermettrade partager un vrai moment avec les locaux. Certains solli-citent sans succès les pêcheurs pour effectuer une sortie enmer. Cependant, à la barrière linguistique se juxtapose unecontrainterèglementaire.Officiellementpourdesraisonsdesécuritéet inévitablementpourpréserver l’activitédescapi-taines de bateaux touristiques, il est interdit aux pêcheursd’emmenerdesvisiteurs.

désireuxdeseconfronterauvraiGroenland,lesroutardsmultiplientlesexpériencesàl’écartdessitesetcircuitstouris-tiques.Pourserendreversdetellesdestinations,cesvisiteursprivilégientl’ArticumiaqLine,unecompagniedetransportmaritime (voir illustration 3) qui assure la desserte hebdo-madaire des villes et villages situés entre qaqortoq au sudet Ilulissataunord.Enraisonduserviceassuréetdes tarifspratiqués,lenavirequieffectuelaliaison,leSarffakIttuk,jouitd’unerenomméeauprèsdeshabitants,aupointd’êtrel’undesemblèmesdel’île.

Pour les routards, ce navire respecte leur aspiration auséjour bon marché et leur offre la possibilité d’être avec lesGroenlandais. Si, dans le discours, les touristes évoquent lapossibilitédefairedesrencontres,ellessontloind’êtreeffecti-ves.Artdefaire,letourismederoutardestaussiunartdedire,unartdesereprésenterleschoses.IllustréeparTorunElsrud(2001) dans la création de l’aventure ou par Chaim Noy(2004)danslatransformationdesoi,lanarrationestprimor-dialedanslaconstructiondecetourisme.Alors,mêmesilesrencontresne sontpas fréquentes, les routards retiennent lapossibilitéquileurestdonnéed’enfaire,unedistinctionentre

lesroutardsetlesautrestouristesquisemblentnesefairequedanslediscours.

les routards acteurs de la mise en tourismeFaceàl’arrivéedenouveauxvisiteurs,lesacteurstouristiquesse sont adaptés. Ils proposent dorénavant des prestationsde qualité, susceptibles de séduire la clientèle non routarde,commel’illustreletarifdeschambresd’hôtelsquioscilleentre100  € et 200  € la nuit. Les routards ne trouvent à Ilulissatqu’uneseuleaubergebonmarché.Sonexistenceest liéeà laréhabilitationfortuitedulieud’hébergementdestravailleursemployésàlaconstructiondel’aéroportdanslesannées1980.Lebâtiment,quinedevaitexisterquepourladuréeduchan-tier,estdevenu,25ansplustard,l’aubergedelavillegéréeparleplusimportantbureaudetourisme:WorldofGreenland.Toutefois,laprestationofferteparl’aubergeresteprohibitiveen l’absencedeconcurrence. Jusqu’à l’été2010,uncampingoffraitunealternativeàcethébergement.Parmanquederen-tabilitépourlebureauquienassuraitl’intendance,WorldofGreenland,etdurefusdelapartdelamunicipalitéd’attribuerlescrédits suffisants, le sitea fermé lamêmeannée.depuis,lecampingyrestetoléré.Parcontre,nilamunicipaliténilesbureauxdetourismenemettentàladispositiondesroutardsdes infrastructures satisfaisantes, comme en témoigne l’ab-senceprolongéedesanitaires.Enréalité,ilyenadetempsàautre,maisleurinstallationcoïncideplusavecl’affluxmassifde croisiéristes qu’avec l’arrivée des routards. Cet aménage-ment est primordial au regard de la localisation du site decampingàproximitédufjordglacéd’Ilulissatetdesonglacier,périmètreclasséaupatrimoinemondialde l’uNESCO(voirillustration4).

Certainsroutardsdéplorentcedésintérêt,àl’imaged’Anke,unetouristeallemande:

ILLUSTRATION 4 : Le camping d’Ilulissat à l’entrée du site classé par l’UNeSCO (photo : Antoine Delmas).

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quandjesuisvenuepourlapremièrefois,en2002,ilyavaitbeaucoupplusd’infrastructurespourlescam-peurs.Aujourd’huiiln’yarien.C’estvrai,notrevenuerapporte moins d’argent que les croisiéristes ou lestouristesquiutilisentleshôtels,doncçasecomprend.Noussommesmoinsintéressants.danslesbrochuresilyapourtantdestouristesquicampent,quirandonnentdanslanature,maisenréalitéiln’yarienpournous.Pasd’eau.Pasdetoilettes.Loin d’être anodin cette indifférence prouve l’intérêt

marqué des acteurs locaux pour une clientèle plus lucrativequigénèred’importantesretombéeséconomiques.Toutefois,certains acteurs du tourisme, malgré leurs évidents intérêtséconomiques, semblent aussi déplorer la perte d’influencedes routards. Le dirigeant du bureau de tourisme IlulissatTouristNatureregretteluiaussicechangementdeclientèle.Ilrested’ailleursl’undesseulsàtoujoursproposerdesactivitésengagées:séjourdanssoncampd’Ataasituésuruneîleisolée,randonnéeenkayakaudépartdececamp,etc.

quandjesuisarrivéicidanslesannées1980,c’étaitunbon tourismemême si les visiteurs étaientpeunom-breux.Ilsvenaientaveclesweatpolaireetpartaientavecletraîneaupouruneexpéditiondanslenord.Lestou-ristesvenaienticiavecbeaucoupderêves.Aujourd’huicesontseulementdestouristesquiviennentàl’hôtel,ils mangent du caviar, du saumon et ils boivent duchampagne.C’estseulementuntourismedeluxe(diri-geantdubureaudetourismeIlulissatTouristNature).

L’aventure au camp EqiPours’immergerpleinementdanslespaysagesduGroenland,lebureaudetourismeWorldofGreenlandproposedecourtsséjoursàPortVictor.Àquelquesheuresdenavigationaunord

d’Ilulissat,cesite,sansêtreunport,permetledébarquementdepersonnesetdematériel.EnfaceduglacierEqipSermia,ildoitsonnomàl’illustreexplorateurfrançaisPaul-ÉmileVictor(voirillustration5).AulendemaindelaSecondeGuerremon-diale,cedernierchoisitcesitecommecampdebasepoursesexplorationsdel’inlandsis.devenulecampEqi,labeautédufrontglaciaire et lesvestiges laisséspar les équipes scientifi-quesattirentlestouristesquiviennentressentirl’ambianceetl’engagementphysiquedescampagnesd’exploration.Siquel-quesbateauxdecroisièresmouillentàproximité,lecaractèrespartiatedes infrastructuresn’attirait jusqu’en2011quedestouristes prêts à concéder un peu de leur confort quotidienpourmieuxvivrel’aventure.danslescabanes,onneretrouvepasd’eau,d’électricité,dechauffage,maisunevueimprenablesurleglacierEqi.

Au début de la mise en tourisme, seuls des néo-aventu-riers, des routards, venaient se plonger dans ce lieu chargéd’histoire. Conditionnés à ressentir les émotions des pion-niersd’autrefois,surlecheminquilesmenaitàl’inlandsis,ilsnemarchaientpasdanslespasdesautrestouristes,maisbelet bien dans ceux de Paul-ÉmileVictor! Cependant, l’envied’aventure se propage. Elle se diffuse. Nombreux sont ceuxqui veulent s’identifier à Paul-ÉmileVictor.Vouées initiale-mentauxroutards,lespremièresinfrastructuresducampEqiontétérepenséesetréaménagées.Ellesdoiventcontenteruneclientèleplusregardantesurlesconditionsd’hébergement.

Aux premières cabanes se sont ajoutés deux cabanes deluxeavecdouches,panneauxsolairesettoiletteshumides,ettoujours la vue imprenable sur le glacier Eqi. Inaugurés endébutde saison2012, cesnouveauxaménagementspermet-tentd’accueillird’autrestouristes.Ilsaccroissentlarentabilitédusitemaisdéçoiventlesroutards.Finil’entresoi,bienvenueauxtouristes.

ILLUSTRATION 5 : Front du glacier eqip Sermia (photo : Antoine Delmas).

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Les instigateurs de la mise en tourismeAu camp Eqi, l’arrivée des routards a suggéré une mise entourismeprogressivedeslieux.Latransitionamorcéeparlesroutardsétayel’idéequecetteclientèleestl’instigatricedelamiseentourisme.L’aspirationdesroutardsàvisiterdesespa-ces toujours plus vierges et authentiques les incitent à allerversdeslieuxjusqu’alorsàl’écartdescircuitstouristiques.Cetinexorablemécanismereprendlescaractéristiquesdesfrontspionniersquine trouventde limitesquedans lafinitudedel’espacegéographique.

À Ilulissat, 30 ans après l’arrivée des premiers touristes,l’organisationconfuseacédésaplaceàunagencementstruc-turé;lecaractèreinopiné,àunedimensioninstitutionnalisée.dorénavantclefdevouteduséjourauGroenland,lavillejoueunrôledepivotà l’échellede labaiededisko.Le tourismea introduit de nombreux changements faisant perdre, auxyeuxdesroutards,l’authenticitéespérée.Ilseraitimpropredeparlerd’unedésaffectionroutardepourIlulissattantilssontencorenombreuxàyvenir.Cependant,cetteclientèleconsi-dèrecetteexpériencecommeinsuffisante,nonreprésentativedu Groenland. Alors pour retrouver le caractère pionnier,les routards se sontorientésun tempsversOqaatsut.Situéeaunordd’Ilulissat,accessibleàpiedouenbateau,cevillaged’unecinquantained’habitantsaétélelieuderencontreavecl’identitégroenlandaise:lesicebergs,lesmaisonscolorées,laquiétude,leseauxcristallinesetlesmontagnes.L’arrivéespo-radiquedevisiteursyaintroduitletourisme.dorénavant,unpetitrestaurant tenuparuncoupled’Allemandspermetd’ymangeret,plusrécemment,en2011,unhôteldecinqcham-bresaouvert(voirillustration6).

Confrontéàcetterécentemiseentourismeetàlaproxi-mité géographique d’Ilulissat, le site a toujours connu untourisme balbutiant. Si la plupart des touristes restent dans

la ville pour suivre les excursions organisées, les routardspréfèrent s’en éloigner, comme pour mieux exorciser uneenvied’aventure.Situéesàplusieursheuresdemer,Aassiaat,qasigiannguit,qeqertarsuaqouSaqqaqséduisentdorénavantlesroutards.Enraisondeleuréloignement,lafréquentationdecesvillesetvillagesyestfaible,etce,malgrélaprésencedemodestesinfrastructuresd’hébergementcollectif.Lesroutardspropagent la mise en tourisme. Ils défrichent de nouvellesdestinations(voirillustration7).Ilsouvrentlavoieàd’autrestouristes plus conventionnels. Tout le paradoxe réside alorsdansceprocessusparlequell’actiondesroutardsrattacheleslieuxauxmaillonsdeladynamiquetouristiqueetfaitperdrelaspontanéitéetl’originalitéqu’ilsrecherchent.L’expérienceroutardesembleporterenellesapropreannihilation.

À l’échelle du Groenland, il est plus difficile d’identifierdetellesdynamiquesspatiales.Cependant,l’analysedesdiffé-renteséditionsduguideLonely PlanetconsacréauGroenlanddélivreunindicenotoire.Aufildeséditions,lesauteurstémoi-gnentdeleurdésintérêtprogressifpourlavilled’Ilulissatquiauraitperdudesoncharmeetdesonauthenticité.Àl’inverse,ilsvalorisentlapartiesuddel’îlequi,outrelesbeauxpaysages,présentel’indéniableavantagedenepasêtretroptouristique(delmas,2012).

conclusionAppréhenderlaforceheuristiquedutourisme,c’estlerelierauxmotivationsetàlavaleursocialeduséjour.Cetteatten-tionestessentielledansuneétudefocaliséesurletourismeroutard,carc’estcelienquiluiconfèretoutesasingularité.Toutefois,auGroenland,quellequesoitl’expérienceconsi-dérée,lesaspirationsauséjoursont,semble-t-il,lesmêmes.Lesroutardsnesontpaslesseulsàattribueràlanatureunevaleurderefugeetàyplaceruneespérance.d’ailleurs,bien

ILLUSTRATION 6 : Le restaurant H8 du village d’Oqaatsut (photo : Antoine Delmas).

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plus qu’une spécificité groenlandaise, c’est une aspirationsociétale qui traverse le temps si l’on en croit les proposd’Éric dardel écrits en 1952. «Blessé par la société, déçupar la facilité morale du siècle, l’homme se tourne vers lanature,vers l’exotisme,pourychercherune réponseà soninquiétude, un complément à son incomplétude» (dardel,1990:113).N’était-cepascequecherchaientdéjàlesartistesromantiquesdesXVIIIeetXIXesiècles?Pourtouslestouris-tes, leséjourauGroenlandapparaîtalorscommeuneéchap-patoire. Renforcé par la déliquescence sociétale, le séjourpermettraitdetrouverdanslanatureetdansl’authenticitélesforcesnécessairespourseréconcilieravecsescontempo-rainsetpourmieuxcomprendrelemonde.dansunesociétéoùleschangementsdesituation,qu’ilssoientsociaux,tech-niques,professionnels,s’accélèrent(Rosa,2010),letourismedevientunexcellentrévélateurdudésirderupture.Alorslasingularité du routard ne réside-t-elle pas davantage dansl’oppositionplusmarquéeàunmodèledesociétéquedanslesformesmêmesd’uneexpériencetouristique?

Pourautant,cetteprudencenedoitpasocculterletourismeroutardcommeinstigateurdenouvellesdynamiquesspatiales.Bienplusqu’unespécificitépropreàcetteexpérience,laquêted’authenticité et d’aventures habite tous les visiteurs. Outrel’exemple du camp Eqi, la politique de promotion engagéeparl’officenationaldutourismedémocratisel’aventure.SonsiteInternetproposedechoisirsonséjournonpasauregard

d’enviesdifférenciéesdenature,deculture,derepos,decroi-sièresoud’activitésmultiples,maisparunoutilquimesureledegréd’aventure.Lechoixentrequatre seuilsd’engagementdifférentsprocèdeàunesélectiond’offrestouristiqueslaplusàmêmedeconveniràlademande(voirillustration8).Alors,quecesoitlescroisiéristes,lestouristesdeterraintraditionneloulesroutards,ledénominateurcommunauséjourdevientlecurseurdel’aventure.

Àtraversl’exemplegroenlandais,ladistinctionquisem-blait exister entre touriste traditionnel et routard apparaîtmoinsfortequecequelaisseprésagerlapenséecommune.demeureledésirdedistinctionquianimelesroutardsetren-voieàcequeMartinheideggercaractérisecommelavolontédeseretirerdesautres,des’échapperau«on».Cependant,refuserlapenséedominantesoulèveunparadoxeétonnant.Vouloir adhérer à la conformité des pratiques marginales,tout en voulant s’échapper de l’uniformité, revient à sesoumettreàunenouvelledictature,celledu«on»desmar-ginaux.Ainsi,sil’expérienceroutardepermetdesedifféren-cierdestouristes,elleétablituneautrenormalité,normalitédont ces touristes chercheraient alors encore à s’éloigner.Pris dans ce cercle, le routard apparaît comme un éternel«fugitif»,condamnéàinnoveretàserenouvelerpournepastomberdanslanormalité.Cecercle,sansremettreencausel’existencedesroutards,inviteàenrepenserlesfondementsetàeninterrogerlesformes.

B a i e d e D i s k o

Î l e d e D i s k o

Qeqertarssuaq ILULISSAT

Aasiaat Qasigiannguit

Oqaatsut

Glacier Eqi

Saqqaq

Ville

Village

Site touristique0 25km

N

Ataa

Ilimanaq

ILLUSTRATION 7 : Les fronts pionniers du tourisme (source : Antoine Delmas).

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