deux siecles de la rethorique revolutionnaire
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Deux Siecles de la Rethorique RevolutionnaireTRANSCRIPT
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Observatoire du Management AlternatifAlternative Management Observatory
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Fiche de lecture
Deux sicles de rhtorique ractionnaireAlbert O. Hirschman
1991
Brice Jeullin - Mai 2012Majeure Alternative Management HEC Paris 2011-2012
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 1
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Deux sicles de rhtorique ractionnaire
Cette fiche de lecture a t ralise dans le cadre du cours Histoire de la critique donn par ve Chiapello et Ludovic Franois au sein de la Majeure Alternative Management, spcialit de troisime anne du programme Grande cole dHEC Paris.
Fayard, Paris, 1991.Premire date de parution de louvrage : 1991.
Rsum : Dans son livre de 1991, qui est aussi une contribution personnelle au progressisme, Albert O. Hirschman tudie en dtail les techniques rhtoriques utilises par les conservateurs pour sopposer aux rformes progressistes. Il retrace lutilisation et les origines intellectuelles de trois procds rhtoriques jusquau dix-huitime sicle : leffet pervers, linanit et la mise en pril. En outre, il souligne le fait que le discours progressiste nchappe pas ce phnomne et suggre ainsi des moyens damliorer la qualit du dbat public dans les socits dmocratiques.
Mots-cls : Argumentation, Histoire des ides politiques, Progressisme, Changement
The Rhetoric of Reaction: Perversity, Futility, Jeopardy
This review was presented in the Histoire de la critique course of Eve Chiapello and Ludovic Franois. This course is part of the Alternative Management specialization of the third-year HEC Paris business school program.
Fayard, Paris, 1991 Date of first publication : 1991
Abstract : In his 1991 book that was also a personal contribution to progressivism, Albert O. Hirschman details the various rhetorical devices which conservatives have used to prevent progressive reforms. Hirschman traces the use and the intellectual origins of three rhetoric patterns, perversity, futility and jeopardy, back to the 18th century. Moreover he highlights the fact that progressive speech is not immune to this phenomenon and thereby suggests ways to improve the quality of public debate in democratic societies.
Key words : Argumentation theory, History of political ideas, Progressivism, Change
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Table des matires
1. Lauteur et son uvre...........................................................................................................4
1.1. Brve biographie...........................................................................................................41.2. Place de louvrage dans la vie de lauteur.....................................................................6
2. Rsum de louvrage.............................................................................................................7
2.1. Plan de louvrage.........................................................................................................7 2.2. Principales tapes du raisonnement et principales conclusions...................................7
3. Commentaires critiques......................................................................................................17
3.1. Avis dautres auteurs sur louvrage...........................................................................17 3.2. Avis de lauteur de la fiche........................................................................................18
3.2.1. Les apports.............................................................................................................183.2.2. Les limites...............................................................................................................23
4. Bibliographie slective de lauteur ...................................................................................26
4.1. Ouvrages :..................................................................................................................26 4.2. Articles :.....................................................................................................................26
5. Rfrences............................................................................................................................27
5.1. Ouvrage :....................................................................................................................27 5.2. Articles :.....................................................................................................................27
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1. Lauteur et son uvre
1.1. Brve biographie
N en 1915 Berlin, Albert Otto Hirschman quitte lAllemagne suite larrive au pouvoir
des Nazis. Il arrive en France o il poursuit ses tudes HEC et la Sorbonne. Il tudie aussi
la London School of Economics puis dcide, en 1936, de rejoindre lEspagne pour
combattre le Franquisme. En 1938, tudiant lUniversit de Trieste, il obtient son doctorat
dconomie. Contraint de quitter lItalie, il retourne en France o il se porte volontaire pour
rejoindre larme franaise. Aprs la dfaite, il participe lexfiltration vers lEspagne de
personnes menaces. En 1940, il quitte lEurope pour les tats-Unis o il obtient une bourse
de recherche de la Fondation Rockefeller et travaille lUniversit de Berkeley. En 1943, il
repart en Afrique du Nord et ensuite en Europe avec larme amricaine puis en tant que
responsable pour lEurope de lOuest et le Commonwealth de la rserve fdrale amricaine,
dans le cadre du Plan Marshall. En 1952, il devient conseiller conomique de Conseil national
de la planification de la Colombie. Il retourne vers luniversit en 1956, et travaille
conscutivement Yale, Columbia, Harvard et lInstitute of Advanced Studies.
Les premiers travaux reconnus dHirschman datent des annes 1960 et concernent le Tiers-
Monde et la problmatique du dveloppement, avec des voyages en Amrique Latine et en
Afrique. Le positionnement quil adopte dans ces travaux peut tre considr comme
htrodoxe : il clbre son objet, le dveloppement, comme une pope ; il multiplie le
recours des disciplines comme la psychologie, la philosophie ou la linguistique et se donne
pour but la formulation de prconisations de politiques publiques1. Ses travaux aboutissent
un cadre conceptuel, celui de la croissance dsquilibre qui suggre que, puisque la
croissance est un processus complexe, discontinu et htrogne lchelle dune conomie, il
faut privilgier linvestissement dans des secteurs fort effet dentranement, tels lindustrie
lourde. Les travaux dHirschman comme ceux de lconomiste franais Franois Perroux
1 Edey-Gamassou Claire, Albert O. Hirschman : aperu de ses apports aux sciences de gestion en gnral et au management public en particulier, Contribution au sminaire du RECEMAP sur les Grands Auteurs en Management Public, juin 2005
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ouvrent la voie la thorie des industries industrialisantes dont sinspireront des pays comme
lAlgrie nouvellement indpendante.
Les travaux dHirschman se poursuivent avec ltude du dclin dans les firmes, tats et
organisations et la formulation du modle qui est sa contribution intellectuelle la plus
fameuse, savoir le triptyque Exit, Voice, Loyalty 2. Cette contribution sera perue en
France comme essentiellement sociologique tandis quelle nourrira aux tats-Unis des
analyses se rattachant aux sciences de gestion et au marketing. Un exemple de cet apport,
fourni par Frdric Dromby, est celui de lExit slectif des clients exigeants [qui] diminue
lincitation au maintien de la qualit dans un contexte o une entreprise en situation de
monopole se voit confronte larrive dun produit innovant3. Cette grille de lecture des
comportements dun acteur face la dgradation perue dune organisation, qui laisse le
choix entre la dsertion (exit), la protestation (voice) ou la loyaut (loyalty) reste
abondamment reprise et enseigne dans le champ des sciences sociales.
Un troisime et dernier apport intellectuel de luvre dHirschman concerne lhistoire des
ides et, nouveau, la sociologie des organisations. Cette branche de luvre dHirschman, la
plus proche du livre dont il est question ici, est marque par deux ouvrages relatifs aux
microfondements dune socit dmocratique 4 : Les passions et les intrts : justification
politiques du capitalisme avant son apoge, publi en 1977 et Bonheur priv, action publique,
publi en 1982. Le premier concerne lvolution du regard port sur lintrt individuel et la
faon dont il est devenu lun des fondements du capitalisme et lune des choses les plus
lgitimes dans lordre social. Le second ouvrage sintresse, lui, aux arbitrages raliss par les
individus entre poursuite de leur intrt individuel et action au service du bien public. Dans
les deux cas, il sagit donc denvisager la profondeur de lindividu dmocratique, qui ne se
rsume pas un acteur rationnel optimisateur et de mieux comprendre les conditions de
possibilit dune socit dmocratique en termes de rgulation du comportement des
individus qui la composent. On peut considrer que Deux sicles de rhtorique ractionnaire
prolonge cette rflexion car, comme cela sera explicit plus loin, cet ouvrage sintresse aussi
aux conditions de possibilit du dbat dmocratique. Mais cela ne doit pas masquer le fait que
cet ouvrage sautonomise fortement au sein de luvre dAlbert O. Hirschman.
2 Hirschman A. Exit, Voice, and Loyalty: Responses to Decline in Firms, Organizations, and States, Harvard University Press, 19703 Dromby F. Albert O. Hirschman, telle un clible mouvante, Revue franaise de gestion, 2007/8, n177, P174 Hirschman A. Un certain penchant lautosubversion, 1995, p 195, cit par Ceratton C. et Frobert L. LEnqute inacheve : Introduction lconomie politique dAlbert Hirschman , PUF, 2003, p204
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1.2. Place de louvrage dans la vie de lauteur
Deux sicles de rhtorique ractionnaire occupe, dans luvre dHirschman, une position
part. Cet ouvrage conserve certes plusieurs traits de luvre dHirschman, parmi lesquels le
recours une grande varit dinspirations disciplinaires : le livre est ainsi marqu par
linfluence de lhistoire des ides, mais aussi par celle de lconomie politique et de la
psychologie sociale. Comme une importante partie de luvre dHirschman, cet ouvrage est
aussi imprgn par la volont de donner des outils pour laction, en loccurrence pour laction
politique et le dbat dides, plus que par un got pour la formalisation de modles exhaustifs
ou pseudo-scientifiques dintelligibilit de problmes sociaux.
Pour autant, ce livre qui parat en 1991 est, plus que le reste de luvre dHirschman, un
ouvrage qui tient beaucoup aux circonstances de lpoque laquelle il a t crit. Lobjectif
dHirschman, qui se dfinit lui-mme comme un progressiste, est essentiellement de dminer
la rhtorique des conservateurs et de librer le progressisme des chanes dun discours
conservateur qui paralysent les propositions progressistes et les empchent de prosprer dans
le dbat public. Ce livre se prsente donc autant comme une contribution intellectuelle,
notamment lhistoire des ides, que comme une uvre engage contre ce que Hirschman
considre comme le danger du moment : le tournant nolibral et sa remise en cause de ltat-
providence.
Louvrage, par son caractre particulirement personnel, semble marquer en dfinitive une
transition dans luvre dHirschman vers des crits dimension plus fortement
autobiographique et qui questionnent le positionnement du scientifique et de lhomme engag
la fois par rapport la connaissance et par rapport laction au service du bien public.
Quatre ans aprs le livre tudi ici, Hirschman publie Un certain penchant lautosubversion,
qui, poursuivant le livre de 1991 consacr des ides reues, se penche sur le got de lauteur
pour le processus qui conduit se faire une opinion en doutant et en questionnant les ides
prconues, avant de soumettre nouveau lopinion adopte un examen critique. Cest en
dfinitive cette posture intellectuelle qui fait chez Hirschman le lien entre lengagement
progressiste du citoyen et lengagement intellectuel du chercheur.
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2. Rsum de louvrage
2.1. Plan de louvrage
Avant-propos
Chapitre premier - Deux sicles de rhtorique ractionnaire
Chapitre 2. La thse de leffet pervers
Chapitre 3. La thse de linanit
Chapitre 4. La thse de la mise en pril
Chapitre 5. Les trois thses dans lhistoire : comparaisons, combinaisons
Chapitre 6. De la rhtorique de la raction la rhtorique du progrs
Chapitre 7. Au-del de lintransigeance
2.2. Principales tapes du raisonnement et principales
conclusions
Louvrage dbute par un avant-propos qui permet de comprendre lintention de lauteur.
Hirschman regrette que le sentiment inquitant dtre coup non pas simplement des
opinions, mais de lexprience vcue dune trs grand nombre de ses contemporains [soit] un
trait caractristique des socits dmocratiques modernes 5. Cest notamment entre
conservateurs et progressistes que lauteur diagnostique une telle incapacit communiquer,
qui dbouche sur une incomprhension radicale de lautre.
Cette incapacit communiquer, Hirschman crit lavoir ressenti face la monte en
puissance des noconservateurs dans les annes 1980. Soucieux de ragir cet assaut ,
Hirschman se donne pour objet non pas un suppos temprament conservateur quil sagirait
de dnoncer mais les types de discours conservateur. Avec cette dcision de [s]en tenir
la surface des choses de [s]essayer une analyse froid , purement historique et logique,
des types de discours, de raisonnement et de rhtorique utiliss par les conservateurs,
Hirschman espre viter lcueil que constituerait une essentialisation de ladversaire. Plus 5 Hirschman A. Deux sicles de rhtoriques ractionnaire, Fayard, 1991, p9
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prcisment, il se donne pour objet ce quil appelle les impratifs du raisonnement dans le
discours conservateur, cest--dire un ensemble de briques de sens se prsentant comme des
relations logiques mobilises par les conservateurs pour structurer et appuyer leurs discours.
Lintuition dHirschman est que le recours ces impratifs du raisonnement ossifie le
discours conservateur autant quil le sert et quil obre, in fine, les chances de pouvoir tablir
un vritable dialogue dmocratique entre conservateurs et progressistes.
Dans un premier chapitre, Hirschman fixe le cadre de sa rflexion, fort substrat
historique : pour structurer son propos, il recourt au modle squentiel dvelopp par le
sociologue britannique T.H. Marshall dans sa confrence de 1949 sur le dveloppement de
la citoyennet en Occident. Cet auteur distingue trois dimensions de la citoyennet quil
associe trois phases historiques : le dix-huitime sicle aurait vu linstauration des droits
civils (libert de parole, de pense, de religion, etc. assimilables aux droits de lhomme) puis
le dix-neuvime sicle aurait t celui de la conqute des droits politiques et plus
particulirement du droit de vote ; le vingtime sicle, enfin, tant celui de la conqute des
droits conomiques et sociaux. Hirschman ajoute ce modle lide que chaque avance
progressiste se serait heurte un mouvement de raction qui aurait tent de sy opposer.
Sappuyant sur cette grille de lecture historique emprunte T.H. Marshall, Hirschman
apporte sa propre grille de lecture de la rhtorique ractionnaire laide de laquelle il va
examiner chacune des ractions associes aux phases historiques identifies. Cette grille de
lecture ne doit pas tromper, elle ne vise pas lexhaustivit : elle fournit plutt un outil pour
dceler travers les ges des motifs similaires dans le discours conservateur. Elle se prsente
sous la forme dun triptyque : leffet pervers, linanit et la mise en pril. A chaque avance
progressiste, les conservateurs mobiliseront une ou plusieurs de ces thses pour discrditer
les propositions progressistes. Ce sont ces trois thses qui donnent leur structure louvrage,
avec un chapitre consacr chacune.
Avant den venir aux dveloppements relatifs leffet pervers, il convient ici de prciser
un point de vocabulaire : Hirschman explique en cette fin de premier chapitre son choix du
terme de raction et du qualificatif de ractionnaire qui est prsent jusque dans le titre de
louvrage. Le choix dHirschman sexplique par limportance conceptuelle du couple action-
raction dans sa vision de lhistoire. Lauteur a conscience du caractre pjoratif qua pris le
terme de raction, notamment la suite de la Rvolution franaise. Il dplore que le terme ait
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pris une telle connotation ngative mais ne renonce pas lutiliser, au contraire de ce que
nous faisons ici6.
Le second chapitre est donc consacr la thse de leffet pervers. Cette ide relve, au
mme titre que linanit ou la mise en pril, de ce que Hirschman appelle lanalyse des effets
non voulus des actions humaines. Il sagit donc dune astuce par laquelle les conservateurs
nattaquent pas de front les desseins des progressistes, dont ils peuvent mme louer la puret,
mais au contraire les effets induits par les rformes progressistes. En loccurrence, leffet
pervers suggre que les rsultats de ces actions seront linverse des progrs attendus. Chacune
des grandes tapes de Marshall a vu la mise en place dune rhtorique des effets pervers :
La premire phase voit la formation de la thse de leffet pervers dans les crits
notamment dEdmund Burke, dans ses Rflexions sur la Rvolution en France de
1790. Burke formule pour la premire fois lide que certaines tentatives
dinstauration de la libert conduisent immanquablement la tyrannie 7. Cette ide,
qui semblera confirme par la Terreur, les guerres et lmergence de la dictature de
Napolon, se rpandra rapidement en Europe, notamment dans les textes de Schiller et
Mller. Particulirement intressante est lanalyse que fait Hirschman des origines
intellectuelles de cette thse : Burke, inspir par les philosophes cossais du dix-
huitime sicle, aurait puis lide de la Main invisible chez Adam Smith et laurait en
quelque sorte retourne. Sous la plume de Burke, ce ne sont ainsi plus les vices privs
qui ont un effet vertueux pour la collectivit mais la vertu progressiste qui se trouve
assortie deffets pervers.
Une autre origine importante de la thse de leffet pervers se trouve chez Joseph de
Maistre, qui dans ses Considrations sur la France en 1796 estime que la Providence
condamne les responsables (progressistes) de la Rvolution tomber sous les coups
de leurs complices . Cette image dune Providence vengeresse, prenant plaisir
djouer les projets de lhomme et dont les desseins ne seraient accessibles qu un
petit nombre dinitis accrdite lorigine clairement religieuse de la thse de leffet
pervers.
6 Le choix des termes conservateur et conservatisme en lieu et place des termes ractionnaire et raction dans le cadre de cette fiche sexplique par plusieurs raisons. Il sagit notamment de mnager le lecteur qui pourrait se sentir en porte--faux si lon employait le vocabulaire choisi par Hirschman. Il sagit en second lieu de prendre en compte la spcificit franaise, reconnue par Hirschman lui-mme, qui a vu le terme de raction se charger de connotations particulirement ngatives dans notre pays (on soulignera toutefois que ce choix na pas t opr par le traducteur). Il sagit enfin de prendre la distance critique ncessaire par rapport au texte de Hirschman qui dcrit, en dernire analyse, des discours qui sont ni plus ractionnaires que conservateurs .7 Hirschman A. Deux sicles de rhtoriques ractionnaire, Fayard, 1991, p2
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La rhtorique de leffet pervers se dploie aussi lors de la deuxime phase, celle qui
voir la conqute du droit de vote. La contribution la plus importante la rhtorique
conservatrice est celle de Gustave Le Bon, qui, dans sa Psychologie des foules publie
en 1895, sinspire des travaux de lpoque dans le domaine de la mdecine et de la
psychologie pour tablir une stricte distinction entre lindividu, le plus souvent
accessible la raison et la foule : Peu aptes au raisonnement, les foules sont au
contraire trs aptes laction , voire au dbordements criminels si on les y incite. Ce
faisant, Le Bon apporte un argument ceux qui sopposent lextension du droit de
vote aux masses populaires, fondamentalement dangereuses.
Linstauration de droits sociaux sest aussi heurte la rhtorique de leffet pervers.
Lexemple canonique est celui des effets pervers attribus au salaire minimum. Milton
Friedman a ainsi pu crire que les lois sur les salaires minimaux [] constituent
sans doute lexemple le plus parlant que lon puisse trouver dune mesure dont les
effets sont exactement loppos de ceux quen attendaient les hommes de bonne
volont qui la soutenaient8 . Mais lapparition de la thmatique de leffet pervers en
matire conomique et sociale remonte pour Hirschman au dix-neuvime sicle et aux
dbats sur les Poor Laws anglaises : pour les opposants ces lois, comme Burke,
Malthus ou Tocqueville, et les partisans du Poor Law Amendment Act de 1934 qui a
remplac les mesures dassistance des Poor Laws par des mesures denfermement
dans des workhouses, lassistance conduisait au dveloppement de la pauvret car elle
incitait loisivet. La thmatique de leffet pervers des mesures conomiques et
sociales sera au vingtime sicle au cur de la critique de ltat-providence telle que
la mneront des auteurs comme Charles Murray, Jay W. Forrester ou Nathan Glazer.
Hirschman conclut cet important chapitre sur leffet pervers par une srie dobservations
sur cette thse. Il revient dabord sur la nature de leffet pervers pour prciser quil ne sagit
pas simplement dune variante de la consquence non voulue ou dune consquence ngative
parmi dautres consquences dune action : leffet pervers ne laisse place aucun doute sur
les rsultats de la rforme et sur le bilan en tirer. La rforme progressiste conduira
immanquablement un recul. Cest ici que lon peut dceler un saut cognitif : dsormais, il ne
sagit plus dune dmarche rationnelle de prvision des consquences possibles dune action ;
il sagit dun procd rhtorique par lequel on jette le discrdit sur une ide sans lexaminer
plus avant. Hirschman revient ensuite sur les origines religieuses du concept deffet pervers,
quil fait remonter au couple Hubris-Nmsis : la volont pour lhomme de slever au rang
8 Friedmann M. Capitalisme et libert, 1971, P225 cit par Hischman, p 51
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du divin (Hubris), le condamnant la vengeance divine (Nmsis). Une autre remarque
intressante concerne le prestige et la fiert quprouvent ceux, comme de Maistre, qui la
Providence a permis de dchiffrer ses desseins vengeurs. Lorsque de Maistre crit qu il est
doux, au milieu du renversement gnral, de pressentir les plans de la Divinit 9, Hirschman
y voit un sentiment de leur supriorit quprouveraient les conservateurs et que lon
pourrait rapprocher de lide de distinction.
Le troisime chapitre aborde la thse de linanit. Cette thse est pour les progressistes
la plus mortifiante selon Hirschman car elle postule que quelles que soient les actions
quils puissent entreprendre, rien de changera lordre du monde. Il est nouveau possible de
retracer la gnalogie de cette thse selon les tapes du dveloppement de la citoyennet de
Marshall :
La premire expression de la thse de linanit mentionne par Hirschman
concerne une interprtation rtrospective de la Rvolution franaise, celle de
Tocqueville. Dans LAncien Rgime et la Rvolution, Tocqueville entreprend en
effet de souligner la large part de continuit entre lAncien Rgime et la
Rvolution, notamment en ce qui concerne le processus de constitution de ce que
lon peut dsigner sous le terme dtat moderne. Hirschman voit dans cet apport
de Tocqueville une premire expression de la thse de linanit teinte toutefois de
progressisme, puisque les volutions dcrites sont considres comme Tocqueville
comme invitable.
La seconde expression de la thse de linanit, dans le domaine des droits
politiques, trouve son origine dans les travaux des thoriciens de llite que
sont Gaetano Mosca et Vilfredo Pareto qui lvent au rang de rgle immuable le
fait que les socit se divisent entre gouvernants et gouverns, entre une lite
dirigeante et ce qutant donn le prisme thorique des deux auteurs on pourrait
appeler le reste . Cette thorie a permis Mosca de prophtiser avec un certain
succs le devenir du projet communiste: les socits communistes et
collectivistes seraient sans aucun doute gres par des fonctionnaires 10. Pareto
donnera lui naissance ce qui sera appel la loi de Pareto qui prtendra dfinir
une relation immuable dingalit dans la distribution des revenus. Les travaux de
Roberto Michels viendront complter lapport thorique des deux auteurs avec
9 De Maistre J. Considrations sur la France, 179610 Hirschman A., op. cit, p 92
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lnonciation en 1911 dune loi dairain de loligarchie qui pose que les
organisations de masse sont invariablement domines par des oligarchies qui
poursuivent ainsi leur intrt propre.
Concernant les droits sociaux et ltat-providence, la thse de linanit trouvera
sappliquer en dclinant dans le domaine de lconomie politique les thories de
llite de Mosca, Pareto et Michels. La contribution la plus remarquable de ce
point de vue est celle de George Stigler, prix Nobel dconomie et membre de
lcole de Chicago, qui formula en 1970 la loi de Director sur la distribution des
revenus publics qui pose que les dpenses publiques servent principalement les
intrts des classes moyennes. Cette frange de la population aurait russi vincer
les pauvres du jeu politique et, matrisant le pouvoir donc le systme fiscal,
chercherait financer les dpenses en prlevant des impts importants sur les
riches. Cette analyse, reprise et dcline par Milton et Rose Friedman et Gordon
Tullock sera applique pour dnoncer par exemple, notamment dans les travaux de
Martin Feldstein, la tromperie que constitue le rgime dassurance chmage
lorsquil prtend aider les pauvres. Si Hirschman ne nie pas quune politique
publique puisse occasionnellement profiter dautres que ses destinataires
affichs, il replace ce fait dans un contexte plus large et contredit ainsi la thse de
linanit : dcrivant les volutions des politiques du logement dans les pays en
dveloppement, il met en vidence le fait que les politiques publiques sont
soumises un processus continu qui questionne leur pertinence comme leur
efficacit et roriente le plus souvent laction quand celle-ci natteint pas la cible
vise.
Hirschman procde nouveau en donnant quelques lments danalyse gnraux de cette
thse de linanit. Linanit est tout dabord compare leffet pervers : la diffrence de
leffet pervers, elle se distingue par une volont de nier ou minimiser le changement. Elle
participe, contrairement leffet pervers qui insiste sur limprvisibilit des consquences des
actions humaines pour le plus grand nombre, dune vision dun monde qui serait rgi par des
lois immuables. Tandis que leffet pervers tait ptri de religiosit, linanit est
fondamentalement une rhtorique scientiste. Par ailleurs, linanit apparat bien plus blessante
que leffet pervers pour le progressiste : Hirschman mentionne comme exemple ce sujet
lmergence de la nouvelle conomie classique qui, par le jeu des anticipations rationnelles, a
conclu linanit des politiques keynsiennes, dont les effets pouvaient tre immdiatement
annuls par les agents.
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Hirschman semploie ensuite critiquer cette thse de linanit : il dfend lide que les
tenants de cette thse concluent trop tt linanit des rformes progressistes, cartant la
possibilit dun apprentissage et dun redressement. Il met aussi en vidence le fait que
linanit sexpose particulirement des phnomnes dautoralisation (lorsque les
progressistes se dmobilisent la socit devient, comme prvu, moins progressiste) mais aussi
dautorfutation (lorsque la thse de linanit conduit une mobilisation accrue ayant pour
but de faire mentir la rgle honnie).
Hirschman rvle enfin la convergence des discours conservateur et dextrme gauche
autour de la question de linanit, les membres de lextrme gauche considrant eux aussi le
systme de domination comme quasi-immuable. Pour lauteur, cette vision ignore quil existe
ncessairement une diffrence entre les objectifs dune action et ses consquences et peut
mme, trop faire le portrait dun ordre immuable, se rvler dangereuse.
Le quatrime chapitre est consacr la thse de la mise en pril. Cette thse soutient
lide que le progrs dans les socits humaines est si problmatique que tout nouveau
pas en avant porte gravement atteinte une ou plusieurs conqutes (droits, liberts,
garanties) antrieures 11, quon ne pourrait donc construire dun ct sans dtricoter de
lautre. Passe au crible du modle de Marshall, cette thse se traduit de deux manires :
La premire mise en pril est celle de la libert, mise en danger par la dmocratie au
cours de la seconde phase de Marshall. Cette thse est plus particulirement exprime
par Benjamin Constant qui, dans son Discours sur la libert des Anciens compare
celle des Modernes de 1819, formule lide que la libert des Anciens, libert-
participation, est difficilement compatible avec celle des Modernes, dfinie comme la
scurit dans les jouissances prives. La thse de la mise en pril des liberts par la
dmocratie trouvera plus particulirement sappliquer dans les rformes lectorales
anglaises de 1832 et 1867. En 1832, lintroduction dun suffrage censitaire suscita
linquitude des Whigs et des Tories craignant lanantissement de la Couronne et
des Pairs et se rfugiant dans ce que lhistorien J.R.M Butler, cit par Hirschman, a
appel le culte de la constitution britannique . En 1867, au moment dun nouvel
largissement du droit de vote, cette fois aux classes populaires, les mmes arguments
seront utiliss par des hommes politiques comme Robert Lowe pour lutter contre cette
nouvelle vague de dmocratisation alors mme, comme le souligne Hirschman avec
malice, que la rforme de 1832 navait eu aucun effet dsastreux.
11 Hirschman A., op. cit, p141
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Hirschman signale aussi une importante variante de cette thse avec la premire
application de la thse de la mise en pril dans le domaine conomique. Largument,
dvelopp la fin du dix-neuvime sicle en Angleterre, consistait suggrer que si la
dmocratie progressait, le peuple sopposerait la fois au libre-change qui tait
considr comme la source de la prosprit britannique et au progrs technique, la
manire des Luddites.
Prolongeant lide dune mise en pril, lide dincompatibilit entre diffrentes
liberts et caractristiques nationales va se dvelopper en Europe. Constant, ainsi que
Fustel de Coulanges, contribueront opposer libert des Anciens et libert des
Modernes. Puis les intellectuels nationaux europens seront amens faire le choix
dune libert plutt que de lautre dans la dfinition des supposs caractres
nationaux, renforant cette ide dincompatibilit: prix de sa grande propension la
libert intellectuelle, lAllemand serait ainsi, pour un auteur comme Max Scheler, peu
prdispos la libert politique.
La seconde mise en pril est celle de la dmocratie, ou de la libert, voire des deux,
par ltat-providence. Ce motif est notamment dessin par Friedrich Hayek en 1944
dans La Route de la servitude et surtout dans The Constitution of Liberty en 1960. Il y
dcrit ltat comme une perptuelle menace pour la libert et la dmocratie anime par
un projet socialiste qui, sil a perdu la visibilit du planisme, nen reste pas moins
luvre au sein de ltat. Il considre que ds lors que ltat est en situation de
monopole pour une activit, la libert est gravement menace 12.
La poursuite de lattaque de ltat-providence verra des auteurs originaires de la
gauche comme James OConnor essayer de souligner les contradictions du
keynsianisme avant que la thse de la mise en pril se stabilise autour de la notion de
surcharge (overload) supporte par ltat du fait des politiques sociales. Samuel
Huntington, dans un rapport de 1973 la Commission trilatrale intitul The Crisis of
Democracy conclura ainsi une crise de la gouvernabilit engendre par
lexpansion de laction de ltat. Si cette notion a, selon Hirschman, disparu aussi vite
quelle tait apparue, lide que le trop dtat menace ltat lui-mme, la
dmocratie et la libert, reste donc au cur de la critique de ltat-providence.
Les commentaires gnraux que Hirschman rserve la thse de la mise en pril
concernent dabord son statut cognitif : Hirschman considre la mentalit de somme nulle
comme une survivance atavique emprunte de superstition et finalement peu loigne de la
12 Hayek, F. The Constitution of Liberty, 1960 p289-290, cit par Hirschman p185
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 14
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croyance en lHubris et la Nmsis. Il sattache ensuite montrer quil existe entre la mise en
pril et son antithse, le soutien rciproque entre deux rformes, un grande diversit de
possibilits intermdiaires et quen consquence il y a quelque chose de grossier conclure
immdiatement la mise en pril quand les effets de lintrication de deux rformes sont le
plus souvent ambigus.
Dans un chapitre 6, Hirschman sintresse la comparaison des thses exposes
prcdemment (et rappeles dans le tableau ci-dessous) et leur articulation, notamment
dans le temps :
Hirschman souligne quil apparat que leffet pervers, dide neuve lorigine est
devenu un argument rflexe mobilis tout moment.
En termes de compatibilit, Hirschman relve que malgr leur incompatibilit de
principe, les thses de leffet pervers et de linanit sattirent mutuellement et sont
invoqus par les mmes acteurs au mme moment alors mme que des combinaisons
plus intuitives sont mobilises moins souvent.
Hirschman dtaille aussi dautres modes darticulation plus complexes car inscrits
dans le temps, notamment entre inanit et mise en pril.
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012
Argument mergence des liberts individuelles
mergence de la dmocratie
mergence de ltat-Providence
Mise en pril G. CanningR. LoweH. MaineFustel de CoulangesM. Scheler
F. HayekS. P. Huntington
Effet pervers E. BurkeJ. de MaistreA. Mller
G. le BonH. Spencer
Adversaire des Poor LawsPartisans nouvelle Poor LawJ. W. Forrester, N. GlazerC. Murray
Inanit G. MoscaV. ParetoJ. F. Stephen
G. StiglerM. FeldsteinG. Tullock
15
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Louvrage se conclut avec des chapitres 6 et 7 qui traitent de la rhtorique progressiste et
du dialogue dmocratique.
Hirschman trouve dans le discours progressiste lexistence de procds rhtoriques
apparents ceux dcrits jusquici. Il sagit notamment de la synergie ou du soutien
rciproque qui suppose a priori un effet globalement positif de linteraction entre deux
rformes progressistes. La thse du pril imminent, qui obligerait adopter la rforme
sans prendre le temps de peser le pour et le contre soppose elle aussi ce que
Hirschman qualifie d attitude mre . La certitude dtre du ct de lhistoire et de
percevoir les lois du mouvement de lhistoire humaine, cest--dire lhistoricisme,
ferait aussi parti des effets rhtoriques de prdilection des progressistes.
Lescalade enfin, rhtorique de la fuite en avant qui dcide dignorer radicalement
la possibilit deffets pervers est le dernier effet rhtorique recens par Hirschman
dans le discours progressiste.
Dans un chapitre conclusif intitul au-del de lintransigeance , Hirschman propose
enfin de replacer les rhtoriques quil a identifies dans le cadre plus gnral du dbat
public. Elles apparaissent alors comme des variantes extrmes des positions
conservatrices et progressistes, des rhtoriques de lintransigeance qui empchent
le dialogue. Face cela, Hirschman appelle de ses vux un dpassement des positions
extrmes et un dbat public plus philodmocratique , objectif auquel concourt la
meilleure comprhension du rle darguments conus pour interdire tout dialogue.
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 16
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3. Commentaires critiques
3.1. Avis dautres auteurs sur louvrage
Louvrage dAlbert O. Hirschman a bnfici ds sa sortie dune large reconnaissance,
notamment du fait de son apport de la distinction entre les trois thses de la rhtorique
ractionnaire. Stanley Hoffman a ainsi pu saluer un livre dune intelligence admirable,
original et provocateur, o se retrouvent lagilit intellectuelle et lengagement au service
des ides de progrs que lon connat Hirschman 13.
Au moment de sa parution, le livre dAlbert O. Hirschman a suscit un dbat dans les
cercles intellectuels franais. Lincursion dHirschman dans le domaine de lhistoire de la
Rvolution franaise ne pouvait que susciter des ractions tant la question de lhritage
rvolutionnaire occupait une position centrale dans les recompositions idologiques luvre
dans le milieu intellectuel, la suite des travaux de Franois Furet notamment. En 1992, la
revue Le Dbat a ainsi accueilli la publication du livre dHirschman avec un article de
Raymond Boudon auquel a rpondu Albert Hirschman lui-mme.
La rception du livre dHirschman par Boudon14, intellectuel reprsentatif dune certaine
partie des milieux intellectuels franais, peut tre qualifie dexcrable tous points de vue.
Confondant leffet non-intentionnel et la consquence ngative avec leffet pervers, procd
rhtorique qui peint en noir une ralit fondamentalement grise, Boudon entreprend de
rhabiliter leffet pervers et den trouver des traces dans luvre dHirschman. Il se lance
ensuite dans des explications caractre pistmologiques ayant pour but de dfendre les
lois mises mal par Hirschman. Sil souligne ensuite, raison, que le triptyque propos
par Hirschman peut paratre simplificateur, il caricature nouveau le propos en ignorant
largement les dveloppements que Hirschman rserve aux rhtoriques progressistes et va
jusqu nier quil y ait une spcificit de la rhtorique conservatrice. Hirschman dans sa
rponse15 crira se sentir face au texte de Boudon comme le fameux moustique dans un
camp de nudistes , ne sachant pas par o commencer.
13 Hirschman A.. op. cit. Quatrime de couverture14 Boudon R. La rhtorique est-elle ractionnaire ? Le Dbat, 1992/2, n69, p87-95.15 Hirschman A. Largument intransigeant comme ide reue, rponse Raymond Boudon , Le Dbat, 1992/2, n69, p96-102.
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3.2. Avis de lauteur de la fiche
3.2.1. Les apports
Les apports pour le dmocrate
Lapport principal dHirschman est de proposer des outils pour dbarrasser le dbat public
dartifices rhtoriques qui empchent de penser les problmes publics. Leffet pervers de
ces outils rhtoriques tant abondamment document, il serait envisageable dengager une
lutte contre lutilisation de ces formules au nom de la qualit du dbat public.
Derrire ce quil faut liminer, Hirschman propose aussi une vision particulirement
qualitative et attractive du dbat public et de la prise en compter des problmes publics. Cest
une vision fonde sur la rationalit et le dialogue qui nest pas sans voquer les thories de
Jrgen Habermas. Cest aussi une vision de la prise en compte des problmes publics
empreinte dune conscience du besoin de rflexivit et dun dsir damlioration perptuelle.
In fine, Hirschman propose de rompre avec le manichisme et la vision agonistique du
dbat public ce qui semble particulirement opportun lheure o cest plutt la vision de Lo
Strauss, fonde sur la dsignation dun adversaire et lentretien dun sentiment daltrit
radicale, qui semble inspirer certains discours publics.
Les apports pour le progressiste
Rinventer un progressisme rformiste et lui redonner linitiative
Louvrage dAlbert O. Hirschman sattache dminer la rhtorique qui soppose aux
avances progressistes. Ce positionnement mme est rvlateur dun certain contexte
historique, o lon pouvait encore penser que le mouvement tait du ct du progressisme. Si
louvrage avait t crit aujourdhui, il est probable que lobjet dtude dHirschman aurait t
la rhtorique ractionnaire non seulement dopposition de nouvelles avances progressistes
mais de remise en cause des avances existantes.
Si loptimisme qui transparat dans le texte dHirschman ne semble pas naturel
aujourdhui, tant le progressisme sest retrouv dans une position dfensive depuis le tournant
libral, il nen reste pas moins que peuvent tre dduits de lanalyse dHirschman un certain
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 18
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nombre dlments de nature refonder le progressisme, le librer des piges rhtoriques
dans lequel il est parfois tomb et, in fine, lui faire regagner lavantage.
Ce qui apparat la lecture du texte dHirschman, cest que le progressisme sest laiss
captiver par la rhtorique ractionnaire, et notamment celle des effets pervers. Les critiques du
progressisme ont russi faire passer le cot des rformes progressiste pour leur bilan global,
cest--dire la partie pour le tout. Leffet de ce doute jet sur les rformes progressistes a t
de les bloquer, ce qui a fait perdre linitiative aux progressistes. Hirschman donne la cl pour
remdier cela : cette cl est extrmement simple mais, pour autant, elle est souvent oublie.
Il sagit du bilan cots-avantages. Hirschman ne nie en effet pas quune rforme progressiste
puisse avoir un cot. Ce quil dnonce, cest le raccourci qui est opr lorsque ce cot, quil
faudrait comparer lavantage retir, se transforme par le jeu de leffet pervers en bilan
globalement ngatif de la mesure. A contrario, lattitude adopter devrait donc tre de faire
srieusement le bilan cots-avantages des mesures proposes, sans se laisser obnubiler par des
cots grims en effets pervers. Pour dire les choses plus simplement, lenseignement que livre
Hirschman aux progressistes est le suivant : Remettez toutes les options sur la table ! . Il
sagit en effet de ne plus tre a priori effray par les effets pervers possibles dune
augmentation du salaire minimum, des minima sociaux, par la diminution de la dure du
travail, par la nationalisation dune entreprise ou par le fait pour la banque centrale de prter
ltat mais denvisager sereinement lopportunit quil y a conduire de telles rformes dans
un contexte donn et de peser le pour et le contre. Ce nouvel esprit du progressisme que le
texte dHirschman engage imaginer serait de nature donner un nouvel lan un
progressisme rformiste critiqu pour son manque dambition et qui, parfois, a pu faire passer
des prsupposs de nature ractionnaire pour une thique de responsabilit.
Les consquences de ce changement de moteur du progressisme dans le jeu politique
pourraient se rvler intressantes : tant donn quil nest peu probable que les tenants du
rformisme parfois qualifi de gestionnaire , qui a longtemps prvalu, ne puissent ni ne
veuillent adopter lattitude intellectuelle ncessaire la pratique de ce progressisme
dcomplex, une des consquences possibles de lmergence du nouveau progressisme
pourrait tre de transfrer ltiquette du progressisme de nouveaux acteurs. Des acteurs
autrefois considrs comme contestataires ou critiques pourraient tre les mieux placs et les
mieux disposs intellectuellement pour agir avec le pragmatisme radical requis par le nouveau
progressisme. Concrtement, et pour sessayer la politique-fiction, le jeu politique pourrait
tre boulevers comme il vient de ltre en Grce o les lecteurs ont mis en tte du camp
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 19
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progressiste au cours des rcentes lections lgislatives un parti originaire de la gauche
radicale diffrent du parti de gouvernement progressiste historique.
Rexaminer avec un regard critiques les propositions progressistes contemporaines
Lun des apports de Hirschman est quil conduit sinterroger sur les prsupposs des
propositions de rformes qui peuvent tre formules aujourdhui. Dans quelle mesure
certaines dentre elles sont elles, derrire leur apparence progressiste, inspire par la
rhtorique conservatrice ? La question peut se poser tant le parallle est vident entre le
discours conservateur sur les Poor Laws anglaises et le discours sur les trappes pauvret ou
inactivit, appliqu en particulier aux minima sociaux et lindemnisation du chmage. Ces
mcanismes qui ont pour cur leffet pervers sont au centre de rformes visant par exemple
lactivation des dpenses passives dans le domaine de lemploi ou encore la
responsabilisation des chmeurs ou des bnficiaires des minima sociaux par la
conditionnalit des aides. Si elles se parent dune forme de scientificit, mme si les effets de
telles rformes restent sujet dbat, le livre de Hirschman rappelle que leur origine
intellectuelle nest pas ncessairement aussi rationnelle que leurs partisans pourraient le
prtendre.
In fine, la lecture dHirschman conduit un rexamen critique des mesures prsentes
comme progressistes. Sont-elles les rponses les plus rationnelles aux besoins sociaux ou
sappuient-elles en fait sur des prsupposs conservateurs comme celui du chmage
volontaire ? Le texte dHirschman engage oprer un tel droit dinventaire dans la gamme
des propositions progressistes et considrer avec une plus grande circonspection celles qui
semblent avoir pour cur des prjugs conservateurs pour la simple raison qutant issue
dune rflexion peu soucieuse de la ralit, elles pourraient tre de fausses rponses de faux
problmes. Le revenu de solidarit active (RSA), qui accorde une place centrale lincitation
financire au retour lemploi, nchapperait par exemple pas un tel examen critique.
Raliser le cot de linertie induit par un esprit du temps conservateur
Le mouvement naturel qui conduit chercher actualiser lanalyse dHirschman conduit
un certain sentiment daccablement. Alors quHirschman pouvait en 1991 encore esprer que
la raction nolibrale finisse par refluer comme avaient reflu avant elle les ractions aux
diffrentes phases de progrs de la citoyennet dfinies par Marshall, un tel optimisme parat
aujourdhui dplac. Le tournant nolibral sest vritablement install, il a conquis jusquaux
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 20
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forces politiques reprsentant le progressisme, comme lillustre la transformation du Labour
Party en New Labour par Tony Blair en 1997. Dans le sillage de ce triomphe du
conservatisme, dautres conservatismes que le conservatisme socio-conomique se sont
renforcs. Tandis que le noconservatisme tait ractionnaire et cherchait faire refluer ltat,
dautres formes de conservatisme centres sur les valeurs ont assis leur influence.
Dans la vie politique franaise, on peut rattacher cette volution le dbat sur la lacit :
cest bien sr largument de la mise en pril que sollicitent certains dfenseurs de la lacit
lorsquils tendent sacraliser telle ou telle part de lhritage rpublicain. Comme chez
Hirschman, une telle sacralisation empche de penser au sujet de la lacit autrement que sur
le mode de la clbration incantatoire de la loi de 1905 qui nest pas sans voquer le culte de
la constitution britannique dans lAngleterre du dbut du dix-neuvime sicle. Une attitude
progressiste au sens dcrit plus haut consisterait mettre sur la table les diffrents
arrangements envisageables autour de la question des liberts religieuses, peser le pour et le
contre de chacun et refuser ceux qui, lissue de cet examen, se rvlent avoir un bilan
ngatif. Une telle faon de procder, si trangre au dbat public franais contemporain, est
celle qui inspire la politique publique des accommodements raisonnables mise en place au
Qubec et qui est dfendue en France notamment par le spcialiste de la lacit Jean
Baubrot16.
Un autre exemple de glaciation induite par la rhtorique conservatrice pourrait tre
trouv dans le rcent dbat sur la transition nergtique et lopportunit de renoncer, terme,
lnergie nuclaire. Lorsque certains sont tents de formuler lalternative soit le nuclaire,
soit la bougie , ils empchent ainsi une comparaison rationnelle des avantages et des
inconvnients du nuclaire avec des scnarios alternatifs base dnergies renouvelables et
fossiles et de sobrit nergtique comme le scnario ngaWatt . L aussi, la rhtorique
mise en place par les conservateurs se rattache la mise en pril, en loccurrence celle dun
mode de vie auquel les Franais sont supposs tre attachs. Elle rejoint les craintes des
conservateurs britanniques ou celles de Gustave Le Bon, la fin du dix-neuvime sicle,
sopposant la dmocratisation car elle tait suspecte dtre un facteur que lon qualifierait
aujourdhui d anti-progrs .
Une dernire srie dexemples de progrs potentiels que le triomphe de la rhtorique
conservatrice a empch ne serait-ce que dexaminer peut tre trouv dans le domaine
conomique et social auquel Hirschman accorde une importance particulire. Des rformes
comme le revenu universel, la dcroissance ou la diminution du temps de travail ont t
16 Bauberot J. Une lacit interculturelle : le Qubec, avenir de la France ?, Editions de lAube, 2008
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 21
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rendues indicibles par un esprit du temps rsolument ractionnaire, alors mme quelles ont
leur cohrence et peuvent prtendre produire quelques effets positifs. Un progressisme rnov
la Hirschman pourrait remettre leur examen lordre du jour.
Les apports pour l(apprenti) intellectuel
Le livre dHirschman recle au moins deux enseignements pour qui sintresse la
production dides et lconomie des savoirs.
Le premier enseignement tient aux dynamiques de distinction lies la notion de
dvoilement des logiques luvre derrire une ralit donne. Le prestige tir dune telle
analyse, sil peut sembler attractif pour qui a des vellits de production intellectuelle, sera
sans-doute regard aprs la lecture du livre dHirschman avec une plus grande perplexit :
dans quelle mesure relve t-il non pas dune logique de lgitime reconnaissance mais dune
logique de distinction et de recherche de ce qui est rare, et donc prcieux ?
Immdiatement la suite de cette question en vient une seconde : les logiques luvre
dans cette conomie des savoirs ne conduisent-elles pas tordre la pense pour en faire de
beaux modles qui, sils permettent dobtenir une forme de reconnaissance ou de prestige,
trahissent nanmoins largement la ralit et prosprent au dtriment de lhonntet
intellectuelle ? La grande rticence dAlbert Hirschman produire des modles exhaustifs et
prtendant la scientificit ainsi que son got pour la remise en question des prsupposs et
avis figs rappelle en quelque sorte que les facults de conceptualisation esthtisante , si
prises en France, ne sont pas indispensables la production dune pense de qualit.
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 22
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3.2.2. Les limites
Lefficacit du propos
Albert Hirschman a manifestement tent datteindre plusieurs objectifs avec ce livre. Le
premier est de documenter lhistoire de la pense et surtout du discours conservateur. Un
second objectif serait darmer les progressistes pour lutter contre lenvahissante et
engourdissante pense noconservatrice qui domine au dbut des annes 1990. Or, ce livre,
sil fait uvre drudition et sil se rvle clairant de nombreux points de vue, nest pas le
guide de rsistance la pense conservatrice quil aurait pu tre.
Cette relative inefficacit du propos en termes de renforcement des capacits du camp
progressiste sexplique notamment par un choix, celui de ne pas recourir lhumour.
Hirschman revient lui-mme sur ce choix loccasion de dveloppements sur lhumaniste
F.M. Cornford, auteur dune Micro-cosmographica Academica17 qui moque les murs
universitaires et dfinit des homologues humoristiques aux trois thses dHirschman : le
Principe de la Porte Ouverte qui commande de sabstenir aujourdhui dagir avec
justice de crainte de susciter lespoir quon agira demain avec plus de justice encore et le
Principe du Dangereux Prcdent qui commande de sabstenir daccomplir aujourdhui un
acte que lon sait tre juste de crainte de manquer du courage ncessaire pour en faire autant
demain dans un cas qui, pour diffrer fondamentalement de la situation prsente, nen
prsente pas moins avec elle une ressemblance superficielle 18. Hirschman juge que
Cornford semble tre le seul partager son intrt pour la rhtorique conservatrice mais que le
sujet lui a paru mriter autre chose quun traitement purement humoristique . In fine,
mme si lon ressent que lauteur sest amus dcortiquer la rhtorique conservatrice et
placer les conservateurs face leur contradiction, le ressenti qui se dgage la lecture du texte
est celui dune prose qui tend parfois sgarer dans les digressions rudites l o elle aurait
pu sadonner un jeu de massacre jubilatoire de la rhtorique conservatrice.
17 cit par Hirschman A. op. cit., p13818 Cornford, F.M. Micro-cosmographica Academica, 1908, p 30-31, cit par Hirschman A., op. cit. p139
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 23
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Le cadre danalyse
Le cadre de lanalyse dHirschman peut lui aussi tre critiqu. Le recours au modle de
Marshall, amend par lajout dun mouvement de raction la suite de chaque avance
progressiste, peut apparatre excessivement simplificateur. Il rsume en effet la marche du
progrs au jeu de deux acteurs, dont lun incarnant la critique caractre ractionnaire. Or, il
est aussi possible de trouver trace, notamment durant la troisime phase de Marshall, de
configuration trois acteurs o lavance progressiste peut en partie tre attribue
linfluence, voire la force menaante, dun acteur poussant les progressistes passer
vritablement laction. Ce rle que lon peut attribuer aux partis communistes ou cet objet
plus insaisissable quest la rue , voire lUnion Sovitique pour ce qui est de la
reconnaissance des droits sociaux au niveau international, parat dans certains cas tre plus
raliste que le modle deux acteurs de Marshall. Les implications dune telle configuration,
qui suggre que des progressistes de gouvernement peuvent tre soumis une contrainte
progressiste radicale, sont mal prises en compte par Hirschman qui, lorsquil aborde le cas des
discours dextrme gauche, les cantonne un rle qui sapparente celui dun idiot utile
qui sert le conservatisme. Hirschman ignore ainsi les dynamiques positives qui peuvent tre
gnres lorsque les progressistes sont correctement incits mettre en uvre les rformes
souhaites. Pour aller plus loin, on peut aussi considrer que la rduction du dbat que tend
oprer Hirschman un dialogue (souvent de sourds) entre progressistes rationnels et
conservateurs rous la rhtorique manque une dimension des rapports entre camps
politiques quest le rapport de force. Il est surprenant que ce rapport de force, abondamment
pratiqu par le tiers acteur suggr prcdemment, noccupe presque aucune place dans un
livre qui retrace les volutions de controverses politiques si importantes. En dfinitive, le livre
sintresse peut-tre trop peu limportance du rapport entre les discours et les actes qui
dtermine, autant sinon plus que la forme et les artifices du discours, les rsultats des batailles
politiques.
Une autre faiblesse attribuable au cadre danalyse tient au principal apport du livre,
savoir le triptyque entre effet pervers, inanit et mise en pril. Cette classification, si elle ne
prtend pas tre exhaustive, semble sujette certaines imperfections. Ainsi, la ligne de
sparation entre leffet pervers et la mise en pril peut apparatre tnue lorsque lon ralise
que leffet pervers lest toujours au dtriment de quelque chose qui est considr comme un
bien et quil ne sagit jamais simplement dun effet rebours : le plus souvent, il y a donc
mise en pril de quelque chose et cest uniquement parce que cette chose nest pas nomme
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 24
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que leffet pervers peut passer comme une catgorie part dans la typologie de Hirschman.
Par ailleurs, si le triptyque sappuie sur des mcanismes logiques, il fait passer au second plan
des grilles danalyses de lhistoire des ides qui peuvent paratre aussi pertinentes que la
typologie propose. Il sagirait notamment de la dichotomie dj signale entre thses
dinspiration religieuse et thses dinspiration pseudo-scientifiques. Les discours de
justification auxquels donnent lieu ces thses, quils utilisent un argumentaire thologique ou
quils cherchent naturaliser des phnomnes sociaux, sont des objets rhtoriques
ractionnaires qui mriteraient aussi examen.
Il nen reste pas moins, malgr ces rserves, que lanalyse propose par Hirschman dans
cet ouvrage se rvle particulirement prcieuse et riche, limage de luvre diverse dun
auteur curieux et critique.
Jeullin Brice - Fiche de lecture : Deux sicles de rhtorique ractionnaire Mai 2012 25
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4. Bibliographie slective de lauteur
4.1. Ouvrages :
1958 - The Strategy of Economic Development, New Haven, Conn. Yale University
Press (trad. : Stratgie du dveloppement conomique, Paris : ditions ouvrires,
1964)
1970 - Exit, Voice, and Loyalty: Responses to Decline in Firms, Organizations, and
States. Cambridge, MA. Harvard University Press (trad. : Face au dclin des
entreprises et des institutions, Paris, ditions ouvrires, 1972 ; Dfection et prise de
parole, Paris, Fayard, 1995)
1977 - The Passions and the Interests: Political Arguments For Capitalism Before
Its Triumph. Princeton, NJ. Princeton University Press (trad. : Les passions et les
intrts, Paris, PUF, 1980)
1991 - The Rhetoric of Reaction: Perversity, Futility, Jeopardy. Cambridge, MA:
The Belknap Press of Harvard University Press (trad. : Deux sicles de rhtorique
ractionnaire, Paris, Fayard, 1991)
1995 - A propensity to self-subversion. Cambridge, Mass. Harvard University Press
(trad. : Un certain penchant lautosubversion, Paris, Fayard, 1995)
4.2. Articles :
1992 - Largument intransigeant comme ide reue : En guise de rponse
Raymond Boudon , Le Dbat, n69.
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5. Rfrences
5.1. Ouvrage :
Ceratton C. et Frobert L. (2003) LEnqute inacheve : Introduction lconomie
politique dAlbert Hirschman, PUF
5.2. Articles :
Boudon R. (1992/2) La rhtorique est-elle ractionnaire ? Le Dbat, n69, p87-95.
Dromby F. (2007/8) Albert O. Hirschman, telle un clible mouvante , Revue
franaise de gestion, n177
Edey Gamassou C. (juin 2005) Albert O. Hirschman : aperu de ses apports aux
sciences de gestion en gnral et au management public en particulier , Contribution
au sminaire du RECEMAP sur les Grands Auteurs en Management Public
Hirschman A. (1992/2) Largument intransigeant comme ide reue, rponse
Raymond Boudon , Le Dbat, n69, p96-102.
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