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[RA 68-1974]
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DEUX TEXTES ÉLAMITES DU IIIe MILLÉNAIRE*
par Maurice LAMBERT
D'un lot de tablettes conservé au Musée du Louvre et provenant des fouilles de
Suse, sont tirés les deux documents reproduits plus loin.
Le plus ancien est de cette écriture magnifique des scribes d'Agadé pour lesquels
certains signes sont motif à broderie, in par exemple. L'autre, à l'inverse du précédent,
offre la graphie sèche et brève - minimum de traits, minimum de longueur des
traits - qui caractérise certains écrits de l'époque d'Ur III, peut-être plus précisé-
ment du tout début de cette période ; la graphie rappelle en effet celle des documents
économiques de Gudéa l .
Mais l'intérêt de ces deux textes est ailleurs, dans le fait qu'ils sont écrits en
langue élamite. Si l'on excepte le traité dit de Naramsin, que son caractère officiel
place un peu à part e , et si l'on écarte le fragment de brique provenant de Bouchir dont
la date est discutée 3 , ces documents en élamite sont les premiers connus à remonter
au Ill e millénaire.
Plusieurs pages de cette étude sont dues à l'efficace collaboration de Mme Françoise GRILLar à laquelle
nous sommes redevable d'une appréhension plus assurée des formes nominales en -n et -1. Qu'elle en soit
remerciée ici.
1. Publiés par THUREAU-DANGIN dans RTC 192-198.
2. Sch 88 = EKI, n° 2 = W. HiNZ, ZA 58 (1967), pp. 66-96. - Les textes sont cités d'après KÔNiG,Die elamischen Inschriften (EKI) et/ou d'après ScHEIL, Mémoires de la délégation en Perse, t. 3 (n os 1-64),5 (n os 65-87) et 11 (n os 88-105) on se trouve la reproduction photographique du texte.
3. EKI, no 1. Cf. Erica PEINER, The Earliest Elamite Inscription?, JIVES 24 (1965), 337-340. Nous faisons
abstraction, puisqu'ils appartiennent à un domaine écrit différent, des documents de Puzur-Inshushnak récem- .
ment interprétés par W. HINZ, Zur Entzifferung der elamischen Strichschrift, IrAn 2 (1962), pp. 1-31, et parP. MERIGGI, La Scritlura Proto-elamica (1971), pp. 184-220.
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MAURICE LAMBERT
[RA 68
No 1.
Dimensions : 82 x48 mm. Sb 11249
Face
sin-me-in
ki-ki-in
3 zu-ùr-zu-ùr-ru-un
ha-la-a [t]
mu-ru-it
6 [pâ]-at-pà-at-[t]ù-ut
Revers
[
-t]à-ri
[ ]-ri na-hu-te
9 [ ]-al-ah
[ ]-a â "s-s[i - i]t
ou : âs-ù(?)-si(?)
[ ]-na-ni-i
12 [h]a-te-ù-te
ku-te-it
ki-ri-i[t]
9
12
Apparemment liste de mots, ce texte à en juger par les désinences -n et -f peut
toutefois représenter une ou plusieurs phrases. On reconnaît facilement :
LIGNE 1 : situe (variante situe) prolongé par la désinence -n. Ce terme est très
ancien ; il est connu par le nom du septième roi d'Awan, Kikku-sime-temti l et plus
1. La tablette, qui donne la liste des rois d'Awan et celle des rois de Simashki, est de l'époque d'Isin-Larsa.
Le prince Kikku-sime-ternti est situé cinq règnes avant Puzur-Inshushnak, cf. SCnEIL, RA 28 (1931),
p. 2 = Mém 23 (1932), p. iv. De façon plus précise, il y est le prédécesseur de Luhhishan attesté comme contem-
porain de Sargon (HIRSCH, AfO 20, 47). Eu égard à la longueur du règne de ce dernier roi, Kikku-sime-temti
peut se situer au début de l'époque d'Agadé ou à la fin de l'époque présargonique, voir le tableau dressé par
R. M. BoEHMER dans Orienlalia 35 (1966), 375.
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DEUX TEXTES ÉLAMITES DU Ill e MILLÉNAIRE
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tard, au temps de Hammurapi, par celui du roi Sime/Siwe-palar-huhpak l que les
scribes de Mari présentent sous la forme rapide She-plar-pak 2 . Ici le rapprochement
de sime et de kik « ciel » qui suit en ligne 2, et qui se trouve aussi dans le premier
nom personnel ci-dessus cité, fait penser à un sens comme « atmosphère », « souffle »,
sinon même à « voûte céleste » 3.
LIGNE 2 : kiki « ciel », lui aussi prolongé par la désinence -n. Le sens est assuré
par na-ap-pi-ip ki-ki-ip a-ak mu-ri-ip « dieux du ciel et de la terre »4. On n'affirmera
pas cependant qu'il convient de voir ce mot dans le nom personnel e-ki-ki qu'il
faudrait alors traduire « 0 ciel ! »5
LIGNE 3 : zurzurun, formé de zur redoublé et prolongé également de la dési-
nence -n. De sens inconnu, ce terme semble, de par son opposition avec pal «inférieur»
de la ligne 6, pouvoir signifier « supérieur »6.
LIGNE 4 : hal « argile » (?), prolongé de la désinence -1. Le signe ha, certain
malgré sa mutilation, sera comparé aux ha du traité de Naramsin'. Un mot halai,
au He millénaire, désigne la brique crue, plus exactement la matière - brique crue
ou pisé - dont, aux dires des rois bâtisseurs eux-mêmes, sont faits les sanctuaires
des rois anciens qu'ils reconstruisent en erenlum, en « briques cuites ». Mais cette signi-
fication est sans doute secondaire ; à considérer le mot suivant il est probable que
nous avons ici le terme hal + 1.
LIGNE 5 : muru «terre ». A toutes les époques ce mot se présente sous la racine mur
dans le verbe composé mur...la « fonder » (_ « placer en terre ») 8 . Au He millénaire
il prend diverses finales : muri (cf. ci-dessus à LIGNE 2), muru (textes de Shutruk-
1. Cf. M. HUTTEN, Mém 31 (1949), p. 152 et p. 162.2. Georges DossiN, Syria 20, 109 et HA 64 (1970), 97.3. sime est dans les noms de personnes suivi d'un terme honorifique: temhi « seigneur » et palar « chef »
ou « dominateur ; cf. ce titre de Nahhunté : dnah-hu-un-te te-im-li pà-la-ri (Sch 92 I, 5).4. Sch 85 C, 2, texte de Shutruk-Nahunté II.5. On comparera les noms personnels a-ki-ki (Mém 23, 174, 15), e-ki-ki (Mém 14, p. 4 = DELAPORTE,
CCO, S. 443), i-ki-ki (Mém 7, 117 ; Mém 22, 111, II, 2 ; 23, 262, 3) et za-ki-ki (Mém 28, 446, 7). Ce derniernom peut être accadien (cf. CAD Z, zagiqu) et donner la vraie lecture du premier qui serait à corrigeren za (!)-ki-ki. D'autre part - et surtout - nous n'aurions plus, pour un même nom, la variante graphique ki/ki
qu'imposent a-ki-ki et e-ki-ki, cette variante pouvant avoir une signification morphologique, comme nouscherchons à le montrer plus loin, p. 7, avec kt-ri et ki-ri. Une tablette de Suse, de l'an 23 de Rimsin, a l'em-preinte d'un cylindre d'un certain i-gi 4-gi4 ir ri-im- dsîn, P. AmiET, Arts asiat. 26 (1973), pl. VIII, 44 et p. 37.i-gi4-gi4 est l'équivalent des deuxième et troisième noms ; l'orthographe gi4 est de l'école d'Agadé. C'est cetteorthographe qui apparaît dans la liste royale pour le nom du premier des quatre petits rois d'Agadé qui ontsuccédé rapidement à Sharkalisharri (JAc0BSEN, AS 11, p. 112). - Rapprocher aussi W. von SODEN, Iraq 28
(1966), 141.6. Rapprocher peut-être le su-ru-nie-na de Shutruk-Nahunté II (Sch 85 A, 4) que l'on traduira alors
« de la partie supérieure ».7. Mém. 11, pl. I, col. II, 5 et pl. II, col. III, 17.8. J.-M. STÈVE, Mém 41, p. 123 (lexique) et K&NiG, EKI, p. 204 (lexique).
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Nahunté) 1 et murun 2 . Sous les Achéménides il a toujours l'orthographe murun3 . Ici,
au III e millénaire, nous le voyons avec la désinence -t.
LIGNE 6 : pat « inférieur », « profondeur ». Le sens est assuré par un passage
d'un texte du potentat Hanni : AN-ME "s uk-ku-mi-na ki-le-en xI-MES pâ-at-mi-na
ki-le-en « ... dans le sommet du ciel, ... dans la profondeur de la terre »4 ; c'est géné-
ralement la traduction admise ; au vrai, « largeur », « étendue » conviendrait tout aussi
bien ici.
LIGNE 8 : na-hu-le « soleil ». En accord avec le contexte général, la traduction
« soleil » paraît convenir après les mots « ciel » et « terre ». Toutefois le passage d'un
texte de Shutruk-Nahunté : a-ak ku-us ku-tu-ki-in a-ak na-hu-li-ir-ma su-su-un
le-en-ki-ih « et ... et dans ... à Suse je l'ai transportée (cette stèle) »5, peut suggérer
un sens plus large pour nahule et sa décomposition en na + hule (variante huti)6 .
LIGNE 9 : la graphie rompue [ ] -al-ah ne surprend pas à cette époque ; on en
trouve des exemples dans le traité de Naramsin, ainsi ha-ùs-ak-èn, cité plus loin,
p. 13.
LIGNE 12 : ha-te-ù-le est, apparemment, formé de hale. ù.le. Que ù soit le
personnel « moi » est probable, car dans la suite des textes du Ile millénaire, l'ortho-
graphe u semble avoir précédé l'orthographe û ; du moins celle-ci domine nettement
à la fin de la période alors qu'elle ne domine pas au début. La difficulté provient du e
terminal. On pourrait le considérer comme un élément grammatical : l'hypothèse a
contre elle le fait qu'on ne voit pas quel pourrait être l'élément en question. Le sens
de hale, si nous l'acceptons de l'achéménide, est « étendue » en espace et en temps 7 .
Sans doute est-il, comme l ' indique R. T. Hallock, à l'origine de halima « dans », ou
plus exactement « dans l'intérieur de ». Le terme a été étudié spécialement par
W. Hinz8 qui lui accorde le sens général de « liebhaben ». A peu près dans la même
direction nous lui donnerions en certains cas la signification « coeur ».
1. Sch 70, 22 et 27.
2. KONic, EKI, p. 204.
3. Passim dans la titulature des rois perses : mu-ru-un (WicissBAcx, VAB 3, 82, 86, 88). R. T. HALLOCx
émet toutefois une restriction en écrivant au sujet de murun « perhaps connected with mur » (OIP 92, p. 735).
4. EKI, n° 75, 2 ; W. Hirez, Locust's Leg, p. 106. Nous laissons sana traduction ki-le-en que Kônig rend
par « Schiksalbestimmung » et Hinz par « Bann » (domaine ; juridiction).
5. Sch 69, 8 = EKI, n° 20, IV. Trop de possibilités de traduction se présentent pour kus et ki. Ainsi kinpeut être une forme passive présent-futur d'un verbe ki noté par R. T. HALLOCK (OIP 92, p. 713) ; le sens
« to follow » pourrait être le secondaire de s'unir », la racine étant ki « un » discutée plus bas, p. 7. Mais aussi
kulukin, par sa finale -in, peut être un substantif désignant un lieu, un espace.
6. na-hu-li-ir se retrouve dans la stèle de Atta-hamit-Insushnak : [ ]-i4 na-hu-li-ir (Sch 58, 13 = EKI 86,
XIII).
7. B. T. HALLOCK, OIP 92, p. 694.
8. ZA 58, pp. 70-71.
l' oz
ten
fic<
est;
l' w
l'ai
non
R.
pro
Pin
con
de
et
prê
dis,
ki
con
non
bili
int:
syr
mo
Ige
-na
ssi
onunun
•er')s
en.n,
le
x
n
[ssi
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DEUX TEXTES ÉLAMITES DU III e MILLÉNAIRE
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LIGNE 13 : tuile, plus souvent au He millénaire écrit kuli. Il apparaît dansl ' onomastique : ku-te-er-si-il-ha-ha l , ku-le-er-dnahunte 2 , ai-ta-ku-le-er-ra3 ; se trouve autemps de Untash-Napirisha dans le nom d 'un bâtiment, le a-i-in-ku-le-en4 . La signi-fication la plus probable est « protéger », et l'on traduit les noms ci-dessus « Protecteurest Silhaha », etc. Un rapprochement avec kulu est assuré par deux phrases similaires,l'une de Shilhak-Insushnak, l ' autre de Hallutush-Insushnak, portant l ' une ku-tu-un-ki,
l'autre ku-ti-in-kis .
LIGNE 14 : kir(i) « l ' unique/le premier » et « déesse » ou « prêtre ». Le r est lenominalisant et le i final une voyelle neutre ; de là, la présentation kir de ce mot parR. T. Hallocks . Le sens « l'unique/le premier » est certain. La signification « déesseproposée par Erica Reiner' convient pour les noms de divinités féminines commePini-kir et Kiri-risha ; cette dernière serait « la déesse-Grande » et s'accorderait biencomme parèdre à Napi-risha, « le dieu-Grand ». Toutefois il nous semble nécessairede distinguer entre les graphies gi-ri et ki-ri afin d'éviter, même si l'on transcrit ki-ri
et ki-ri, de ne voir qu'un seul et même terme. Il est possible - et les textes s'yprêtent - que nous ayons deux homonymes distingués par une orthographe dedissimilation. L'un, certain, est kir écrit avec ki « le premier » ; l'autre, écrit avecki (GI) serait peut-être « déesse » ou, mieux nous semble-t-il, « prêtre », « hommeconsacré » ; c'est d'ailleurs à peu près la traduction de F. W. Kônig : « (Feuer)priester »8.
La finale -t peut, comme dans le mot précédent, représenter une désinencenominale ou une terminaison verbale de deuxième personne. Cette dernière possi-bilité - si l'on admet que la graphie ki-ri appelle le sens « prêtre » ou « saint » -introduit la signification « tu as béni/sanctifié ».
Tout autant que le vocabulaire, l'organisation du texte est remarquable. Lasymétrie des six premières lignes est évidente ; les trois premières présentent desmots à finale -n, les trois autres des mots à finale -19 . Deux groupes ainsi ressortent,
1. ScHEIL, Mém 28, 409, II, 2.
2. Ibid., 408, 8 et 426, 28 ; écrit aussi ku-ti-ir- dnahunte.
3. Mém 4, 171: 2, 19.
4. Sch 15 = EKI, 8. Voir M.-J. STÈvE, Mém 41, no 38, 2.
5. Sch 77, IV, 7 et Sch 62 bis, 6 (dans Mém 5, 93). M.-J. STÈVE a rapproché le mot kitin (Mém 41, p. 122).6. OIP 92, p. 714.7. JCS 7 (1953), 35.8. K0siG dans EKI, p. 196 et p. 30, n. 8 : (Feuer)priester » d'après un passage du traité de Naramsin :
na-pi5-ip, ki-ri-ip, zu-ki-ip « les dieux, les prêtres (et) les rois ». L'accord toutefois n'est pas réalisé. W. Hinzavance pour la racine kiri le sens de «jurer » et traduit le passage ci-dessus « Den Gôttern leisten ihren Schwur »(ZA 58, pp. 68-69).
9. La forme murut de la ligne 5, confrontée à la forme murun que l'on a plus tard, permet l'hypothèsesuivante : la désinence -t a disparu au profit de la désinence -n, sans doute parce que le morphème [n] a connuun grand développement dans les formes nominales comme l'a montré Fr. GnuLLOT, Journal asiatique,
1970, p. 215.
plkcm
et
n'
d'
«
tr
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parallèles ou contraires, qui, de plus, s'opposent ou se ressemblent en utilisant l'un
et l'autre en finale un mot à redoublement :
simen kikin1 zurzurun
halat munit patpatut
« La voûte céleste, le ciel (sont) mes hauteurs ;
l'argile, la terre (sont) mes profondeurs (ou : largeurs). »
Dans zu-ùr-zu-ùr-ru-un et [pci]-at-pd-al-[1]ù-ul, le r de ru et le 1 de lù sont simples
consonnes de ligature, et grammaticalement l'on construira donc : zurzur.un et
palpai. ul. En considération d 'une part de simen et kikin et d ' autre part de halai et
murul, on dégagera les désinences -n et -l et l'on décomposera ainsi :
zurzur. u . n et palpai. u .1.
Mais si dans le premier de ces termes le dernier u peut représenter une voyelle
neutre de ligature passée à u par harmonie vocalique, cela ne peut se dire pour le u
correspondant de palpai. u. t. Donc, l'on admettra que le u est, ici et là, une particule
grammaticale. Or une particule de cette sorte ne peut être vraisemblablement que le
personnel « moi ». C'est sur ce raisonnement que se base la traduction proposée
ci-dessus.
On comparera évidemment la forme pâ-al-pu-up2 , grammaticalement palip. u. p« les inférieurs miens » où le u « moi » est traité de façon identique.
N02. _ Dimensions : 85 X 67 mm. Longueur originelle : environ 90 cm. Sb 11250
1ku-ul
me-en
su-ri-na
2pi-ir-ra-ah
3si-is ki
me-e[ns]u-ri-na
4kà-za-ah
5ha-ra-at
me-en
su-[ri-n]a
6ha-at-ta-[ah]
7hu-ut-ra-ah
8me-enu-ri-na
9mas-si-i-ah
'°[ ]-su-un tà
11-12[
]
13[ ]-at-ta-[ ]
14i-kà-at-[
]15i-ha-ra-an
16ha-al-ma-ah
Le caractère élamite du texte est assuré par les finales verbales en -h, première
personne d'un temps passé ; est assuré aussi par les lignes 1-2 qui préfigurent deux
passages, l'un d'une stèle de Shilhak-Insushnak, l'autre d'une inscription du
1. Précisons que kikin n'est pas un redoublement ; le mot est kik modifié par la désinence -n ; le second
est la voyelle neutre de ligature.
2. Sch 92, I, 90 = EKI 54, § 17.
le
d'
OT
kt
vi
le
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prince Hanni, où l'on trouve le même verbe et un même substantif. Ce sont : a-ak
ka-ra-âs-û-me a-ak tà-ra-an-ku-lz-me ku-ul le-im-ma a-ha-an pi-ir-ra-al-né « et que par
mes troupes et mes campagnes (de guerre) tu soumettes là la force orgueilleuse »1 ;
et ku-el sir-mu in-ni pi-ir-ràk 2 ; ce dernier texte reste obscur car in-ni peut être, ou
n'être pas, une négation. Dans le second cas, in-ni serait la finale adjective de sirmu3 .
LIGNE 1 : ku-ul « force », tc gloire » (?). Nous rattachons ce mot à /cula qui apparaît,
d'une part, dans le traité de Naramsîn : na-pi5-ip ki-ri-ip zu-ki-ip kug(GÛ)-la sa-an
« les dieux, les prêtres (et) les rois seront promenés en gloire »4, et, d'autre part, au
1. Sch 92, I, 67 = EKI 54, § 8. karak et taranku sont les mots accadiens karalu et daraggu. Kônig netraduit pas ku-ul.
2. Sch 63, 9 = HiNZ, A Locust's Leg, p. 108 = EKI 75, § 12. Hinz a lu ku-lam ce qui ne lui a pas permisle rapprochement avec le texte de Shilhak-Insushnak. Kônig lit ku-el et propose « Schekel (`!), mais p. 197,dans son lexique, à ku-ul, il note : « cf. ku-el ?
3. Il ne paraît pas possible de ramener sir-mu à le-im-ma.
4. Sch 88 = HINz, ZA 58, 69 et 92-94. W. Hinz, le premier, a lu avec raison grz-la au lieu de tik-la. Maisle rattachement de ce mot à la racine kulla, « prier », qu'il propose p. 78, paraît peu satisfaisant. Au tempsd'Agadé, les consonnes doubles ne sont pas marquées généralement et, donc, kux 1a peut correspondre à uneorthographe ultérieure kulla. Mais cette situation ne saurait être reportée à la fin du IIe millénaire ; les formeskola et kulla que l'on trouve alors nous semblent de deux mots différents. Ce n'est pas, il est vrai, un point devue généralement admis, cf. J.-M. STÈVE, Mém 41, 121-122 ; KSNIG, EKI, p. 197 et E. REINER, EL, p. 100 où
le double Il est même supprimé : Nahunie kulan-k kola-a.
Revue d'Assyriologie, L?ZVIII
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temps de Untash-Napirisha dans la formule : dsîn ku-ul-la-an-ka ku-la-a ur-lu-um-
pa-an-ra « le dieu Sîn qui pour moi, qui toujours le prié, toujours accomplit sa gloire »1.
- kul apparaît encore, semble-t-il, dans l'un des exemples qui suivent, le troisième,
sous la graphie kuli.
men « direction », « gouvernement ». Sous sa forme nue ce mot est peu attesté :
me-en ha-lama li i-si-ra-cis-pi-n[a(1) x x ]-âs-pi-na « qu'ils soient ceux que le gouver-
nement d'Elam élève et [ ] »2 ; le plus souvent il est prolongé des indices du locutif
ou du délocutif, -k ou -r : me-ni-ik ha lama li ki a-ak su-se-en-ki « conducteur d'Elam
et de Suse »5 ; me-en-ku-li-ik-ki ha-lam a-li-ik « conducteur glorieux d ' Elam »3 ; me-ni-ir
ha-lama li-ir a-ak assu-.fe en ri « conducteur d ' Elam et de Suse »4 ; me-ni-ip ha lama li ip
« conducteurs d'Elam »s.
su ri na « ... ». Par sa position devant le verbe, par sa finale -na, par son aspect
général, l'expression rappelle les ki-ri-na et li-na du He millénaire. Si l'on accepte le
sens proposé plus haut pour ki-ri (p. 7), ki-ri-na pourrait signifier « pour sacrifice » ;
li-na est généralement traduit « pour don »'. Mais nous ne savons à quel terme récent
rattacher suri. Peut-être pensera-t-on à sir-5ma qu'on trouve aussi devant un verbe
et que Kônig traduit « gewaltig »8. La finale -ma pour -na ne fait pas de difficulté
puisque, si Untash-Napirisha ne connaît que les graphies li-na et ki-ri-na, on relève
parfois dans les textes de ses successeurs, les graphies li-ma et Jsi-ri-m.a9. - L'équation
su-ri-na = sirs ma exclue, un rapprochement avec su-ru est possible ; ce mot, de
1. Sch 13. Le -a qui suit kula est compris comme le possessif. Le sens de lumpa est adopté de
Stève « accomplir/réaliser », Mém 41, p. 127. Le préfixe verbal ur- « à moi-lui » rappelle le locutif -ka de ku-ul-
la-an-ka. Pour le sens de cette dernière forme, où le -n-k- est rendu par « toujours-je », voir Fr. GRILLOT,
JA 1970, pp. 218-219, « toujours rendant l'aspect inaccompli du thème verbal en -n.
2. Nous restituons n[a], comme déjà K0NIG (EKI 54, § 12), bien que le signe ressemble à h[uj, cf. ScxEIL,
Mém 11, pl. IV, ligne 67 ; deux signes ont disparu dans la cassure.
3. Sch 50, 7 ; 53, 2 ; 55, 8 ; 92, I, 9. Sur les indices grammaticaux, cf. E. REINER, EL, p. 77.
4. Sch 84, 3. Dans kuli, rattaché à la racine kul (voir p. 9, n. 4), le i est voyelle neutre de ligature.
5. Sch 98, 1 ; 99, 2. On rapprochera, bien que tardif, le nom personnel me-en-ra-hal-ki (ScuEin, Méru 4,
177, 5, 26 ; 188, 12, 6) dans lequel me-en-ra correspond à i-kl « frère » dans i-ki-hal-ki, à le-em-Ii « seigneur »
dans te-em-li-hal-ki (Sch 96, 31 et Mém 23, 173). Le substantif menra est compris comme men pourvu de l'indice
du délocutif singulier : men + r ; ce serait l'équivalent, dans un contexte syntaxique différent, de menir ;
l'absence d'une finale a a développé la voyelle neutre i de ligature.
6. Sch 92 I, 94.
7. M. LAMBERT, IrAn 5 (1965), p. 32; J.-M. STÈVE, Mém 41, p. 123.
8. KONIG, EKI, p. 218 et pl. 40 ; sa lecture sirs est à corriger en sir8 . Nous tenions à indiquer le rappro-
chement sire/suri bien qu'il paraisse improbable depuis qu'un texte de Tchoga-Zanbil a montré que la valeur sire
du Ils millénaire recouvre la valeur si-ir du III e, cf. J.-M. STÈVE qui souligne l'équation dkir-wa-si-ir (traité
de Naramsîn) = dkir-ma-sir8 (Mém 41, ne 30) ; voir aussi W. HINZ, ZA 58, p. 91, n. 70. Ce si-ir = si-ir est
connu par l'onomastique, cf. si-ir-si-mu-ut (Mém 28, 447, 2), si-ir-li-pi-en (Mém 10, 97, 14), et si-ir-uk-luh,
nom d'un prince dont la variante si-ir-uk-luh est significative (Sch 95, 17 ; 71, I, 12).
9. li-ma sous Kutir-Nahunté (Sch 28, 5 et 29, 6) et sous Shilhak-Insushnak (Sch 48, 19) ; ki-ri-ma sous
Shilhak-Insushnak (Sch 92, 1, 33) ; comparer les lexiques de J.-M. STÈVE dans Mém 41 et de KÔNIG dans EKI.
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DEUX TEXTES ÉLAMITES DU III e MILLÉNAIRE
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signification mal assurée, « descendance », « héritiers », a peut-être un sens plus
général'.
LIGNE 2 : pirra « détruire » est de signification assurée s .
LIGNE 3 : siski « ... ». On comparera le verbe siski du He millénaire dont le sens
serait « enfermer », « déposer »s, et le substantif seski(p) « ouvrier(s)) des temps
achéménides4.
LIGNE 4 : kaza « frapper », « détruire », bien connu aussi sous la graphie kazza5 .
LIGNE 5 : haral. Ce substantif à désinence -l rappelle le verbe hara « frapper »
qui, à basse époque, a souvent pour complément le mot « sceau » et signifie « appliquer
un sceau O. Un aspect de cette racine peut apparaître déjà dans le traité de Naramsin :
ha-ar a-ni a-ha-al li-kà-in « que le martelage (= la destruction d'objets sculptés)
ne soit pas projeté à leur encontre »7.
LIGNE 6 : halla « détruire », « dégrader » est de signification assurée8 .
LIGNE 7 : hulra. Ce verbe qui devrait - d'après le présent contexte - avoir un
sens proche des trois précédents, pirra, kaza, halla, donc « ruiner/abattre », a fourni
certainement la base du nom divin Hutran. A l'époque achéménide, existe une forme
hulra qui est une variante de hullara mais n'a aucun rapport avec la précédentes .
LIGNE 9 : massi « enlever », « arracher », est connu à l'époque achéménide sous
la forme mazzi lo
LIGNE 15 : i-ha-ra-an a pour racine ce verbe hara qui répond au substantif haral
de la ligne 5. Le préfixe i-, assez rare", est dans ce texte attesté à la ligne 14.
LIGNE 16 : halma est connu dès le temps de Zewe-palar-huhpak ; il est repris
par Shilhak-Inshushnak12. Le sens « repousser » pourrait convenir.
1. su-ru-ni-ka5-me «notre descendance (?) » (Sch 92, I, 91 ; I, 94), sens qui n'a d'autre appui que le contexte.
Suivi du -r personnalisant, le mot surur serait e héritière (Sch 47, II, 3) ou « soeur » selon KSNIG qui rend le
collectif su-ru...me par « Geschwistertum » (EKI, p. 218 et RLA 3, 230). On voit mal le lien avec le présent
texte. Toutefois, dans les exemples ci-dessus, suri pourrait être considéré comme une dérivation d'un terme dont
le sens premier serait « succès », « richesse », e récompense » ; Scheil proposait « hymne (?) ».
2. Terme rare au IIe millénaire, cf. plus haut, p. 9. Pour le sens, voir R. T. HALLOCK, 01P 92, p. 744
sous pirramak « he was destroyed ».
3. Sch 92 IV, 15 ; itératif de sika pour lequel R. T. HALLOCK propose « déposer » (OIP 92, p. 751) ; cf. aussi
si-is-si-ik-ka4at (Sch 92, I, 90 = EKI 54, § 17).
4. R. T. HALLOCK, 0IP 92, p. 756.
5. SCHEIL, Mém 9, 221 sous gaz-za et R. T. IIALLOCK, OIP 92, p. 712.
6. R. T. HALLOCK, 01P 92, p. 691 ; SCHEIL, MDP 9, 6, 10.
7. Colonne 11, 15 ; cf. W. HINz, ZA 58, pp. 92-94.
8. Cf. J.-M. STÈVE, Mém 41, np» 2, 6.
9. R. T. HALLOCK, OIP 92, p. 700.
10. R. T. HALLOCK, 01P 92, p. 729 ; KSNIG, EKI, p. 202.
11. Liste assez courte dans EKI, p. 192 ; ajouter J.-M. STÈvE, Mém 41, n° 31, 9 : pa-ar a-ni i-ku-tu4-un ;
lire ainsi, et non a-ni-i ku-tu4un accepté par KONIG (EKI 13 A, § 9).
12. M. RuTTEN, Mém. 31, 165 B, 29 et W. HINz, ZA 58, 81 ; Sch 92 I, 82 ; IV, 27.
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MAURICE LAMBERT
[RA 68
197,
Une traduction suivie de ce texte est prématurée. Comme le montrent les notes
qui précèdent, seul est connu le sens général des verbes. Du point de vue composition,
la symétrie des six premières lignes est brisée à la septième : on s'attendrait en effet
que hutrah soit le correspondant de kul, de siski et de harat des propositions précé-
dentes, donc un substantif. Mais d'autre part le groupe hallah-hutrah n'est nullement
aberrant en élamite, bien au contraire puisqu'on y retrouve la proposition biverbale
gouvernée par des verbes couplés mise en évidence par Mme Fr. Grillon.
Pour ces raisons, nous ne proposerons aucune traduction, à l'exception de celle
des verbes qui semblent se succéder ainsi : « 2J'ai détruit . . . . ; 4j'ai écrasé .... ;
6j ' ai abattu 'et renversé ; 9j ' ai anéanti ; 16j ' ai repoussé ... . »
Aussi longtemps qu'on ne pourra traduire ces textes, leur nature exacte
échappera : documents littéraires ou devoirs d'école ? Pour l'heure, en poussant à
l'extrême l'une ou l'autre de ces deux possibilités, l'on ne peut que présenter les
hypothèses suivantes :
A) Ou bien, nous avons là les essais d ' un maître bien intentionné cherchant à
mettre par écrit quelques phrases élamites qu'il a laborieusement construites sur le
même modèle, du moins en ce qui concerne le second texte. Reconnaissons que notre
ignorance de la langue, s'ajoutant aux lacunes des documents, ne permet pas d'infirmer
cette thèse apparemment exagérée.
B) Ou bien, à l'opposé, ces deux documents, espacés dans le temps, séparés
pour le moins par un siècle, sont, sans conteste, deux formulaires élamites où verbes
et substantifs se reconnaissent clairement. Ces documents prouvent que la langue
élamite était usuellement écrite dans le dernier quart du Ill e millénaire. Disons que
aussi longtemps que des textes plus clairs n ' auront pas été trouvés, cette thèse semblera
quelque peu, mais moins que . la précédente, exagérée.
Mais une chose est certaine : ces textes élargissent le domaine élamite, donnent
à celui-ci une continuité dont on pouvait, à bon droit, douter, car le traité de Naramsin
demeurait isolé, loin dans le temps, à mille ans de distance des textes d'Untash-
Napirisha. Pour le spécialiste, ils offrent une possibilité de recherche concernant les
désinences -n et -t, chapitre perdu de la grammaire élamite que dans sa thèse de l'Ecole
pratique des Hautes-Etudes, Mme Françoise Grillot a su d'avance annoncer et préparer
par son étude sur la postposition génitive -na. Ses recherches à partir des données du
lie millénaire et des temps achéménides, éclairent certaines particularités rencontrées
1. JA 1970, p. 215 et p. 220.
ici ,
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p. I
1974]
DEUX TEXTES ÉLAMITES DU Ill e MILLÉNAIRE
13
ici dans le texte n° 1, expliquent l'importance et la qualité de la désinence -n du
substantif'.
Ces substantifs en -n, déjà au IIe millénaire, sont peu courants. Ceux qui à
cette date existent encore sont figés dans leur forme mais subsisteront ainsi jusqu'aux
temps achéménides. Ce sont murun « terre », siyan « temple », huhun « forteresse »,
lelin « colonne »2. Dans un autre domaine linguistique le religieux - ces substantifs
en -n paraissent plus nombreux et, à l'inverse des précédents, semblent vivants.
Ce sont pour la plupart des appellatifs de temples. Ainsi l'on a siyan likrin «le temple
likrin », siyan kinin, siyan lalin, siyan limin, siyan hushlin 3 , siyan larin4 . On ajoutera
à la liste le ayin-kulen5 et le kilen ou kilen du dieu Inshushnak, bien connu par les
documents juridiques, et sans doute aussi le zilin du même dieu'. Enfin, dans un autre
domaine qui se rattache, par l'idée de lieu, semble-t-il, à la série précédente, il y a
des noms de villes : Shushun ou Shushen, Hupshen, Zapshan 8 , Awan, Liyan, Anzan
ou Anshan.En dehors de cet ensemble toponymique, on ne trouve guère qu 'une fois, au
He millénaire, ce -n dans un contexte non figé : su-uh-mu-là li-ku-un la-al-lu-uh ;
fait rare, les termes sont de sens connu « j'ai écrit une stèle de triomphe »».
S'il y a eu évolution, nous devons dans le traité de Naramsin reconnaître ce -n
en activité. Il semble apparaître dans la phrase hu-ur-li-pe ni-ka pe-li-in a-ha-an
ha-ds-ak-èn « que nos armées soient grandes là dans laâbataille »10 . Le mot pelin provient
de la racine pel à laquelle la voyelle de ligature -i- rattache la désinence -n ; celle-ci
aurait, ici comme souvent ailleurs, une valeur de localisation. On comparera cette
même racine pel quand elle est ligaturée à la désinence -p du délocutif pluriel : pelip
1. Etude sur la syntaxe élamite. - La postposition génitive -NA, dans DAFI 3 (1974), pp. 115-162. Voir
plus particulièrement « Lc suffixe nominal -n » (p. 125) et La postposition génitive -na » (p. 152).
2. On les trouvera dans le lexique de W. F. K(N-1a, EKI, p. 189 ss.
3. Cf. M.-J. STÈVE, Mém 41, pp. 124-125 (lexique).
4. M. LAMBERT, RA 66, p. 65, ligne 58.
5. Sch 15, 2 = EKI 8, II ; cité plus haut, p. 7, n. 4.
6. Passé en accadien, cf. von SoDEre, AHw, kidi/ennu(m), et J. KLiMA, ArOr 28 (1960), p. 27.
7. Shutruk-Nahunté II (Sch 84, 16 = EKI 72).
8. Cf. M. LAMBERT, Tablettes économiques de Lagash, p. 189 sous za-ap-sa-li, qui serait à lire za-ap-sa-èn.
L'orthographe za-ap-sal relevée par H. Sauren ne peut être retenue comme un élément contraire puisque l'on a,
pour la région voisine, les deux graphies hu-up-sa-anki et hu-up-4al qui ne peuvent en être séparées, cf. en dernier
lieu M.-J. STÈVE, Mém 41, p. 88.
9. Shilhak-Insushnak (Sch 92, IV, 11) ; quelques lignes plus haut (IV, 3) est une phrase similaire
su-uh-mu-Id li-ku-un hu-ut-lah-ni. Voir aussi peut-être Sch 70, 27. - li-ku suivi de me est le « royaume » ; la
traduction « triomphe » attribuée à likun devra être modifiée si l'aspect localisateur de -n est assuré.
10. Sch 88, XI, 17-20 = HiNZ, ZA 58 (1967), 66-96. La traduction de HiNZ, « Durch unsere Untertanen
soli das Siegesglück in Ehren gehalten werden » ne donne pas à hurtu, semble-t-il, sa vraie signification. Quant
à has, le rattachement à hassalhasa présente moins de difficulté ; cf. hassasni (HALLOCx, OIP 92, p. 696) et
azzaka (ibid., 671) d'où provient basa « adulte », « grand » (ibid., 693) ; voir aussi HALLOcx, Stud. Landsberger,
p. 124, n. 27.
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MAURICE LAMBERT
[RA 68-1974]
« les ennemis »1. Mais alors que murun, pour une raison à rechercher, conserve sa
désinence -n, pelin perdra la sienne au cours du lie millénaire : à l'époque achéménide,
« bataille » s'écrira pet2 .
Une autre phrase du traité contient un mot de même formation : zi-la-ni-e
a sill in a-ha-ar ha-écs-ak-èn 3 de traduction difficile, mais la construction et la forme
verbale répètent celles de la phrase précédente ; au possessif nika « nos », répond le
possessif e « son ». Aussi l'on peut admettre que a-sin in, correspondant formel de pelin,
est formé de la racine as à laquelle la voyelle de ligature -i- attache la désinence -n.
Ces quelques notes, ces quelques indications de travail qu'on ne peut multiplier
sans verser dans l'hypothèse pure, montrent combien ces deux textes, si sibyllins
soient-ils, annoncent de faits nouveaux.
1. pè-li-ip (WEISSBACH, VAB 3, 42 = D BA II, 71, § 35).
2. I û pè-ut-hi ha-ti-ma (VAB 3, 60 = D BA III, 60, § 53). A cette époque la voyelle d'un syllabogramme
V(oyelle)-C(onsonne) est - sauf quelques cas discutés du type CV-V-CV, ex. : za-u-mi-in (HiNZ, AMI 1972,
248) - une voyelle morte disparaissant sous la voyelle finale du syllabogramme CV qui précède ; on a vu plus
haut, p. 9, ku-ul et ku-el. Ici, une transcription pè-tx serait plus près de la réalité. La différence entre petin et pet
pourrait être représentée dans la traduction par n, champ de bataille » et rc hàtaille si la finale -n avait un sens
de localisation.
3. Cf. W. Huez, ZA 58, p. 83 et p. 94.
REVUE D'ASSYRIOLOGIEET D'ARCHÉOLOGIE ORIENTALE
PRESSES UNIVERSITAIRES DE FRANCE
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