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DÉVELOPPEMENT LOCAL, INSTITUTIONS et CHANGEMENT CLIMATIQUE au BURKINA FASO Analyse de la situation et Recommandations opérationnelles Draft final Janvier 2010 Département du Développement Social Institutions sociales et changement climatique BANQUE MONDIALE

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DÉVELOPPEMENT LOCAL,

INSTITUTIONS et CHANGEMENT CLIMATIQUE

au BURKINA FASO

Analyse de la situation et Recommandations opérationnelles

Draft final

Janvier 2010

Département du Développement Social

Institutions sociales et changement climatique

BANQUE MONDIALE

DEVELOPPEMENT LOCAL, INSTITUTIONS ET CHANGEMENT CLIMATIQUE AU BURKINA FASO :

Analyse de la situation et recommandations opérationnelles

TABLE DES MATIERES AVANT PROPOS iv Carte 1 : Le Burkina Faso et ses régions administratives v Liste des acronymes et abréviations vi Résumé analytique vii 1. INTRODUCTION 1

2. LE CONTEXTE GENERAL 2 2.1 PROFIL DU PAYS 2

2.1.1 Superficie 2 2.1.2 Population 2 2.1.3 Contexte économique général 3 2.1.4 Domaines climatiques 3 2.1.5 Zones agro-écologiques 3

2.2 ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE NATIONALE DU DEVELOPPEMENT LOCAL 7 2.2.1 Principaux organes ministériels 7 2.2.2 Les structures de la déconcentration : Région, Département et Arrondissement 7 2.2.3 Les structures de la décentralisation : Région, Commune et Communauté rurale 8 2.2.4 Les commissions villageoises de développement 8 2.2.5 Les institutions communautaires 8

2.3 LES CADRES DE POLITIQUE GENERALE 9 2.3.1 Développement local 9 2.3.2 Décentralisation 10 2.3.3 Lutte contre la pauvreté 10 2.3.4 D’autres politiques sectorielles 11

3. VULNERABILITES AUX RISQUES ET STRATEGIES D’ADAPTATION LOCALES 11 3.1 LES UNITES D’ANALYSE 11 3.2.RISQUES, INCERTITUDES ET VULNERABILITES 13 3.3 STRATEGIES D’ADAPTATION AUX CRISES 16

3.3.1 Stratégies d’adaptation des ménages : études de cas 16 3.3.2 L’agro-pastoralisme comme stratégie capitale d’adaptation 20 3.3.3 Les autres stratégies d’adaptation à long terme 22 3.3.4 Les stratégies de ‘sortie’ ou de ‘survie 24

3.4 INSTITUTIONS LOCALES ET VULNERABILITES AUX RISQUES 24 4. ACQUIS ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL DECENTRALISE 27 4.1 AU NIVEAU DES POLITIQUES 27 4.2 AU NIVEAU DU DISPOSITIF INSTITUTIONNEL NATIONAL 28 4.3 AU NIVEAU DE LA MAITRISE D’OUVRAGE COMMUNALE 29 4.4. AU NIVEAU DES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES 30 4.5 CONTRAINTES PROPRES AU DEVELOPPEMENT LOCAL 32 4.6 DECENTRALISATION ET CYCLE DE PLANIFICATION DU DEVELOPPEMENT LOCAL 33

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4.7 LES ACQUIS DES PROGRAMMES DE LA BANQUE MONDIALE 34 4.7.1 Le Programme National de Développement Rural Décentralisé 34

4.7.2 D’autres projets de la Banque 35

5. PERSPECTIVES DE POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT LOCAL 36 5.1 Perspectives générales 36 5.2 Initiatives spécifiques 37

I. Mise a jour des cadres politiques et des stratégies opérationnelles 37 II. Consolidation du dispositif institutionnel 38 III. Renforcement des capacités des acteurs 39 IV. Mise à niveau du processus de planification 40 V. Consolidation et élargissement du dispositif financier 43

5.3 Vue d’ensemble 44 6. CONCLUSION 44 PRINCIPALES REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 47 ANNEXES 49 Annexe 1 : Architecture institutionnelle du développement local au Burkina Faso 50 Annexe 2 : Aperçu historique des principaux textes du cadre législatif au Burkina Faso 51 Annexe 3 : Les principaux programmes de la Banque mondiale au Burkina Faso 69 Annexe 4 : D’Autres cadres politiques, programmes et approches 72 Liste des Cartes, Encadrés, Figures et Tableaux Carte 1 : Le Burkina Faso et ses Régions administratives Encadré 2 : Caractéristiques des sols du Burkina Faso Carte 3 : Les sept zones agro-écologiques du Burkina Faso Carte 4 : Les principales zones à risque environnementale du Burkina Faso Tableau 5 : principales caractéristiques des zones agro-écologiques Figure 6 : Des institutions emboîtées : du ménage à l’organisation communautaire Encadré 7: Au sujet des notions de ‘risque’, ‘incertitude’ et ‘vulnérabilité’ Figure 8 : Stratégies adoptées par les ménages sénégalais face aux situations de crise Encadré 9 : Adaptation de l’agriculture aux changements climatiques Figure 10 : Initiatives recommandées concernant l’appui à l’adaptation au changement climatique Encadré 11 : Eléments concernant la mise en œuvre des initiatives

AVANT PROPOS

Ce rapport a été préparé par Angelo BONFIGLIOLI, consultant indépendant, expert en développement local.

* * *

Ce document fait partie d’une série d’études commissionnées par le Département du Développement Social de la Banque mondiale, dans le cadre du projet ‘Institutions locales et changement climatique’ (Area Based Development and Climate Change/ABDCC), mis en œuvre grâce au soutien du Programme de Partenariat Pays Bas-Banque Mondiale (BNPP) et le Fond Norvégien et Finlandais pour un développement social et environnemental durable (TFESSD).

L’objectif de base du projet est de comprendre comment les initiatives de développement local peuvent améliorer la capacité d’adaptation et la résistance des acteurs et des groupes communautaires locaux face au changement climatique.

Avant out, l’auteur désire exprimer sa reconnaissance à Robin Mearns, Nicolas Perrin, Minna Kononen et Eija Pehu (Département du Développement Social, Banque mondiale, Washington) qui lui ont assuré appui, assistance, information et suggestions tout au cours de l’étude.

Un remerciement sincère est adressé à Mathieu Ouédraogo, Joachim Ouibga et toute l’équipe du Réseau MARP pour leur hospitalité et collaboration lors de la mission effectuée au Burkina Faso en Janvier 2010, comme aussi pour l’organisation des enquêtes sur le terrain. Enfin, un grand merci à Charles Dalla, Karim Dieni, Mohammed Ouédraogo, Drissa Soulama et Dominique Zongo qui, sous la présidence de M. Jean-Baptiste Sibiri Taonda (de l’INRA, personne ressource du MARP), ont participé à un mini-atelier de validation organisé à Ouagadougou le 27 Janvier 2010

Carte 1 : Le Burkina Faso et ses Régions administratives

[Source : Banque mondiale]

LISTE DES ACRONYMES ET ABREVIATIONS

_____________________________________________________________________________________

AMBF Association des Municipalités du Burkina Faso CGCT Code Général des Collectivités Territoriales CSLP Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté CSMOD Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation CVD Commission Villageoise de Développement DCL Direction des Compétences et de la Légalité (MATD) DFL Direction des Finances Locales (MATD) DGFROP Direction générale du foncier rural et des organisations paysannes DGCT Direction Générale chargée des Collectivités Territoriales (MATD) FENU Fonds d’Equipement des Nations Unies FPDCT Fonds Permanent pour le Développement des Collectivités Territoriales LPDRD Lettre de Politique de Développement Rural Décentralisé MAHRH Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques MATD Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation MEF Ministère de l’Economie et des Finances MRA Ministère des Ressources Animales MECV Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie ONG Organisation non gouvernementale PANA Programme d’Action Nationale d’Adaptation aux changements climatiques PAPISE Plan d'actions et Programme d'Investissements du secteur de l'Elevage PEDD Plan d’Environnement pour le Développement Durable PNDRD Programme National de Développement Rural Décentralisé PNUD Programme de Nations Unies pour le Développement RAF Réforme Agraire et Foncière SAP Système d’Alerte Précoce SDR Stratégie de Développement Rural SFR Service Foncier Rural (communal) SISA Système d’Information sur la Sécurité Alimentaire TOD Textes d’orientation de la décentralisation UNDAF Plan Cadre des Nations Unies pour l'Aide au Développement

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RESUME ANALYTIQUE

INTRODUCTION Le changement climatique pose une menace de plus en plus imminente à la viabilité des ménages et des communautés de la planète, en particulier dans les zones rurales. Ceci est particulièrement vrai en Afrique, puisque les modes et les moyens d’existence de la grande majorité de ses populations dépendent des ressources d’un environnement naturel de plus en plus fragilisé. C’est dans ce contexte qu’a été produit ce rapport, qui fait partie d’un ensemble d’initiatives lancées par le Département du Développement Social de la Banque mondiale dans le cadre du projet ‘Institutions locales et changement climatique’. En analysant la situation spécifique du Burkina Faso, ce rapport identifie, avant tout, les principales caractéristiques économiques, écologiques et climatiques du pays. Par la suite, il présente les principaux acteurs institutionnels impliqués dans le développement local, avant d’esquisser les caractéristiques essentielles du paradigme du développement local et les principaux cadres politiques et opérationnels, ainsi que les aspects essentiels de la planification et la gestion du développement. Après une analyse du rôle des institutions (à la fois publiques et privées, formelles et informelles, nationales et locales) par rapport à la gestion des crises de toute nature et l’appui aux stratégies locales d’adaptation, ce rapport formule un certain nombre de recommandations opérationnelles à l’intention des opérations de la Banque mondiale au Burkina. LES ACTEURS INSTITUTIONNELS NATIONAUX Le développement local au Burkina Faso est pris en charge par un ensemble d’acteurs institutionnels publics. Ces acteurs opèrent au niveau local, régional ou national au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe. Le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD) est actuellement chargé, entre autres, de l'administration du territoire par la coordination des affaires territoriales, l’accompagnement du développement local par le biais du développement des collectivités territoriales, et la conduite et de l'impulsions de la politique du gouvernement en matière de décentralisation. Au sein du Ministère de l’Economie et des Finances (MEF), c’est la Direction générale de l'aménagement du territoire, du développement local et régional qui a pour mission la formulation des politiques d'aménagement du territoire, de développement local et régional, comme aussi la traduction de ces cadres politiques en projets et programmes. Parmi les ministères sectoriels qui sont particulièrement concernés par le développement local, il faut énumérer les suivants : le Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH), le Ministère des Ressources animales (MRA),et le Ministère de l’Environnement et du Cadre de vie (MECV). LES ACTEURS INSTITUTIONNELS LOCAUX (DECONCENTATION ET DECENTRALISATION) Au niveau local, le Burkina Faso dispose de trois niveaux de structures de la déconcentration, à savoir : les Régions (13), dirigés par des Gouverneurs de région, et comprenant un Cadre de concertation Régional ; les Provinces (45), avec à leur tête un Haut commissaire et comprenant un Cadre de concertation Provincial ; et les Départements (350), avec à leur tête un Préfet. Pour ce qui concerne les structures de la décentralisation, les lois burkinabé de la décentralisation instituent deux niveaux de collectivité, à savoir : (i) la Commune, collectivité locale de base (administrée par un maire élu), qui se distingue en commune urbaine et en communes rurales (il y a, au total, 351 Communes (dont 49 urbaines et 302 rurales), et (ii) la Région, collectivité locale intermédiaire entre les Communes et l’Etat central (il y a au total 13 collectivités territoriales régionales). Les collectivités territoriales ont le droit de s’administrer librement et de gérer des affaires propres en vue de promouvoir le développement à la base et de renforcer la gouvernance locale. LES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES DE BASE Au sein de la Commune, il y a de nombreuses organisations communautaires, à la fois ‘endogènes’ et ‘exogènes’, qui ont un statut plus ou moins formel et qui suscitent, qui favorisent des actions collectives en matière d’adaptation aux crises de toute nature (économiques, sociales, alimentaires, écologiques et climatiques) et qui ont des relations de collaboration plus ou moins forte avec les institutions publiques.

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• Les Institutions basées sur les valeurs sociales et politiques coutumières ont contribué à faire émerger, activer et protéger les identités locales et les valeurs sociales et culturelles des différents groupes, en assurant ainsi certains équilibres locaux en matière de gouvernance. Font partie de cette catégorie les groupes à orientation religieuse, qui, de manière très différente, soulignent l’importance des valeurs de solidarité, équité et consensus dans le fonctionnement de la vie sociale locale. La chefferie coutumière continue à avoir une place politique et idéologique très importante chez la plupart des groupes, surtout par rapport à la gestion des conflits de toute nature (y compris ceux liés à la gestion des ressources naturelles).

• Les Institutions de production visent essentiellement à protéger et consolider les stratégies des ménages (stratégies d’investissement et de production, quand cela est possible, ou alors simplement stratégies d’adaptation). Elles s’organisent à partir de réseaux assez denses comportant des structures villageoises et intervillageoises (les ONG s’y greffant pour donner une dimension régionale, voire même nationale à ces réseaux).

• Les Institutions de gestion des services et des actifs intègrent des objectifs de productivité et de croissance avec les valeurs sociales locales, en assurant la gestion et le développement durable des moyens de production locaux (actifs). La plupart de ces institutions s’étendent au-delà d’un village individuel, en appliquant de manière constante des mécanismes inclusifs équitables.

POLITIQUES NATIONALES DE DEVELOPPEMENT LOCAL, DECENTRALISATION ET LUTTE CONTRE LA PAUVRETE Au cours des dernières années, le Gouvernement burkinabé a formulé et approuvé différentes lois et textes réglementaires favorisant la décentralisation administrative et politique. Il s’est agit d’un processus long, difficile et parfois très laborieux, avec des avancées et des retours en arrière. Au cours de ce processus, les cadres conceptuels et les stratégie de développement social et économique et de lutte contre la pauvreté ont pu être définis, amendés et clarifiés. Les thèmes du développement rural, de la lutte contre la pauvreté et de l’appui aux stratégies locales de production, de survie et d’adaptation aux crises ont été développés en parallèle avec la réforme démocratique de la société. Le Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) prend en compte toutes les politiques sectorielles et définit le cadre unique d’intervention du Gouvernement et de ses partenaires dans le domaine du développement social et économique local et de la lutte contre la pauvreté. La Stratégie de Développement Rural du Burkina Faso (SDR) à l’horizon 2015, adoptée par le Gouvernement en 2003, s’inscrit dans la stratégie globale de réduction de la pauvreté. Sa vision retenue est celle de l'avènement d'un monde rural moins pauvre, moins vulnérables aux crises de toutes nature, et, jouissant, en particulier, d'une sécurité alimentaire durable. Le Programme National de Développement Rural Décentralisé (PNDRD), vise à opérationnaliser la vision du développement décentralisé et à responsabiliser les communautés locales et les organisations paysannes par rapport au développement local. Ces textes sont complétés par tout un ensemble de documents et plans sectoriels. Parmi eux, le Programme d’Action Nationale d’Adaptation à la Variabilité et aux changements climatiques (PANA) s’intègre dans les stratégies de développement durable du Burkina Faso et dans le CSLP. La décentralisation occupe désormais une place de choix dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et dans toute la politique nationale de bonne gouvernance. La décentralisation au Burkina a pris la forme d’un processus changeant, graduel et circonspect. En 2004, le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) avait constitué une évolution majeure du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation (en consacrant, entre autres, ‘la communalisation intégrale’). Le Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation (CSMOD), adopté en 2006, détermine les grandes orientations pour la mise en œuvre des étapes de la réforme pour toute la période allant de 2006 à 2015. Par rapport au dispositif financier, cette politique s’appuie sur nouvel outil, le Fonds permanent pour le développement des communes (FPDC), qui est destiné à remplacer l’ensemble des instruments financiers existants, et à regrouper désormais les ressources provenant de la coopération bilatérale et multilatérale avec comme objectif le développement des communes. STRATEGIES DES MENAGES ET DES ORGANISATIONS COMMUNAUTAIRES FACE AUX CRISES Au Burkina Faso, des facteurs écologiques et climatiques ont un impact profond sur les moyens d’existence locaux en concomitance avec des facteurs externes puissants. Outre la croissance démographique, la combinaison d’une

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monétisation rapide de l’économie rurale, le transfert de la propriété de la terre et du cheptel dans les mains d’une élite minoritaire (généralement urbaine et absentéiste) et la désintégration progressive des systèmes fonciers communautaires, ont accentué la fragilisation des groupes ruraux, tout en modifiant les modes de faire-valoir et en compromettant les conditions préalables à une gestion durable des ressources naturelles.

Mais les ménages ruraux burkinabé ne se contentent pas de subir passivement les incitations et les contraintes auxquelles ils sont soumis. Unités de base de propriété de biens, de production, de consommation et de vie sociale, les ménages mettent en œuvre toute une gamme de stratégies d’adaptation vis-à-vis des risques et des incertitudes de toute nature (le plus souvent avec l’appui des organisations communautaires auxquelles les ménages adhérent). Par ailleurs, au-delà du choix ponctuel de pratiques et techniques spécifiques (cultures, outils, techniques de travail, mobilité, etc.), c’est la pratique associée et plus ou moins harmonieuse de l’agriculture et de l’élevage (agro-pastoralisme) qui est considérée comme la principale stratégie d’adaptation face aux crises de toute nature, susceptible de conférer aux ménages un niveau plus élevé de résilience. Dans les bouleversements affectant la société burkinabé actuelle, d’une particulière importance sont aussi les liens stratégiques qui s'établissent entre ménages voisins d'un même village ou entre membres d’un même groupement d’intérêt économique villageois et inter-villageois. Face aux crises écologiques, climatiques et économiques actuelles, ces liens tendent à devenir encore plus grands que ceux qui existent entre parents d'un même clan qui vivent loin les uns des autres. Dès lors, cette communauté pragmatique qui émerge au-delà de la communauté idéologique, se construit sur la base d’un nombre d’objectifs concrets et de stratégies communes relatives à la production et la survie. Pour faire face aux crises récurrentes de toute nature, les ménages, grâce aussi à leur intégration aux organisations communautaires, adoptent un ensemble de stratégie ‘de sorte’, ‘d’adaptation’ ou ‘de survie’, à plus ou moins long terme. RECOMMANDATIONS Un certain nombre de recommandations peuvent être formulées à l’intention des opérations de la Banque mondiale au Burkina. Ces recommandations concernent des initiatives proactives pour influencer les politiques et les pratiques nationales et mieux intégrer le changement climatique dans ses programmes actuellement en cours. A la lumière d’axes stratégiques précis, ces initiatives spécifiques devraient pouvoir constituer une véritable ‘feuille de route’ visant à intégrer le changement climatique dans le discours et les pratiques du développement local. Les principaux volets seraient les suivants : 1. Cadre politiques : Mise a jour des cadres politiques et des stratégies opérationnelles 2. Dispositif institutionnel : Consolidation des institutions pour une bonne gouvernance 3. Capacités : Renforcement des capacités des acteurs 4. Planification : Mise à niveau du processus de planification en fonction des problèmes créés par le changement climatique 5. Dispositif financier : Consolidation et élargissement des instruments financiers.

CONCLUSION Le Burkina Faso dispose d’un cadre de politiques de développement sectoriel assez vaste, hétérogène et complexe, mais manquant parfois d’une cohérence interne. Même si les effets du changement climatique sont déjà tangibles et réels, quoique variés selon les différentes zones agro-écologiques du pays, le thème de ‘changement climatique’ ne semble pas encore exercer une influence directe sur le débat politique et les comportements. Il existe cependant une réflexion embryonnaire au sujet des principaux paramètres écologiques, climatiques, météorologiques, sociaux et économiques du changement climatique et de l’identification des mesures correctives adéquates. L’un des principaux atouts du Burkina Faso semble être la force de son capital social (en particulier la densité du tissu associatif au sein de ses villages). En réduisant la probabilité d’être pauvre, ce capital social peut réduire aussi la vulnérabilité des ménages et des communautés vis-à-vis des crises liées au changement climatique.

Développement Local,

Institutions et Changement Climatique

au BURKINA FASO

Analyse de la situation et recommandations opérationnelles

1. INTRODUCTION

Le changement climatique pose une menace de plus en plus imminente à la viabilité des ménages et des communautés de la planète, en particulier dans les zones rurales. Ceci est particulièrement vrai en Afrique, puisque les modes et les moyens d’existence de la grande majorité de ses populations dépendent des ressources d’un environnement naturel de plus en plus fragilisé. Mais les risques climatiques actuels ne peuvent pas être séparés de l’ensemble des risques de nature écologique, économique, alimentaire et sociale auxquels déjà doivent faire face les populations africaines. En fait, les risques climatiques ne font qu’exacerber la vulnérabilité de leurs systèmes socio-économiques. Croissance démographique, sécheresses récurrentes, stagnation de la production agricole et dégradation de l’environnement ont suscité, d’une manière combinée, une spirale descendante de la pauvreté. Tout au cours des dernières années, la plupart des pays africains, avec l’appui de la communauté internationale, ont défini des politiques novatrices et proactives de lutte contre la pauvreté et mis en œuvre des programmes de développement local soucieux de répondre aux besoins prioritaires des populations les plus vulnérables. Des processus institutionnels démocratiques ont permis de renforcer le rôle des partenaires locaux et leur conférer la capacité de gérer leurs ressources productives. C’est dans ce contexte qu’a été produit ce rapport, qui fait partie d’un ensemble d’initiatives lancées par le Département du Développement Social de la Banque mondiale dans le cadre du projet ‘Institutions locales et changement climatique’.1

En analysant la situation spécifique du Burkina Faso, ce rapport identifie, avant tout, les principales caractéristiques économiques, écologiques et climatiques du pays. Par la suite il présente les principaux acteurs institutionnels impliqués dans le développement local, avant d’esquisser les caractéristiques essentielles du paradigme du développement local et les principaux cadres politiques et opérationnels, ainsi que les aspects essentiels de la planification et la gestion du développement. Il analyse, par la suite, le rôle des institutions (à la fois publiques et privées, formelles et informelles, nationales et locales) par rapport à la gestion des crises de toute nature et l’appui aux stratégies locales d’adaptation.

1 Area Based Development and Climate Change/ABDCC), mis en œuvre grâce au soutien du Programme de Partenariat Pays Bas-Banque Mondiale (BNPP) et le Fond Norvégien et Finlandais pour un développement social et environnemental durable (TFESSD). D’autres rapports similaires concernent le Sénégal et le Niger, comme aussi trois pays d’Amérique latine (Mexique, République Dominicaine et Pérou). Voir : http://web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/TOPICS/EXTSOCIALDEVELOPMENT/0,,contentMDK:22187478~pagePK:210058~piPK:210062~theSitePK:244363,00.html.

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Enfin, après avoir présenté les forces et faiblesses du modèle burkinabé de développement local, ce rapport formule un certain nombre de recommandations pour les opérations de la Banque mondiale au Burkina. Cela concerne des initiatives proactives visant à la fois à influencer les politiques et les pratiques nationales et à mieux intégrer le changement climatique dans ses programmes actuellement en cours. En d’autres mots, en répondant aux questions essentielles du qui fait quoi et comment en matière de développement local au Burkina Faso, ce rapport vise finalement à identifier les principaux facteurs et les principales conditions qui, d’un point de vue institutionnel, favoriseraient l’adaptation des ménages aux risques climatiques, la réduction de leur vulnérabilité face aux effets de ces risques et la promotion de modes et moyens d’existence durables par le biais d’une plus grande résilience climatique. La conclusion est simple et problématique à la fois : l’adoption de pratiques soutenables de lutte contre les risques climatiques ne sera possible à l’échelon local que par l’existence d’institutions efficaces et durables régissant la gouvernance environnementale et des modèles d’action collective contre les risques. Et en cela, ce rapport donne à la notion d’institution la double signification de structure organisationnelle (les acteurs institutionnels ou ‘les joueurs’) et cadre normatif et réglementaire (normes, mécanismes et ’règles de jeu’ permettent aux acteurs d’opérer individuellement et collectivement).

2. LE CONTEXTE GENERAL

2.1 PROFIL DU PAYS

2.1.1 Superficie Le Burkina Faso est un pays enclavé au cœur de l’Afrique de l’Ouest, il est limité au nord et à l’ouest par le Mali, à l’est par le Niger, au sud par le Bénin, le Togo, le Ghana et la Côte d’Ivoire (Voir Carte 1). Il a une superficie de 274.000 km2. 2.1.2 Population D’après les résultats du ‘Recensement général de la population et de l'habitation’ (RGPH) de 2006, la population du Burkina Faso s'établit à 13,7 millions d’habitants, les femmes représentant 51,7% de la population globale contre 48,3% d'hommes. Ainsi, du dernier recensement (1996) à celui de 2006, il en résulte un accroissement annuel moyen d'environ 341.765 personnes. La répartition géographique de la population présente des inégalités selon les régions. Ainsi, la région du Centre renferme 11,1% de l'ensemble de la population. Elle est suivie des régions de la Boucle du Mouhoun (10,5%) et des Hauts-Bassins (10,3%). En revanche, la région des Cascades est la moins peuplée (3,8%), suivie dans l'ordre croissant par les régions du Sud-Ouest (4,6%) et du Centre-Sud (4,7%). Les résultats du RGPH 2006, indiquent également que plus de 80% de cette population vit en milieu rural. Par rapport aux régions, le Centre affiche le plus fort taux d'urbanisation (77,5%). Il est suivi par la région des Hauts-Bassins avec 34,7% de sa population totale. Ces deux régions abritent les deux plus grandes villes du pays, Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. Les populations de ces deux grandes villes enregistrent respectivement 42,7% et 15,7% de la population urbaine totale. Par contre, les régions du

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Sahel et de l'Est sont celles dont les populations urbaines sont les moins importantes avec respectivement 6,5% et 6,3%. La population burkinabé comporte de nombreux groups sociolinguistiques, dont les principaux sont les Mossi (environ 48%) et les Peul (10%) suivis par les Lobis, Bobos, Mandés, Sénoufos, Gourounsi, Gourmantchés et Kel Tamasheq (Touareg). La densité moyenne est relativement faible, de l’ordre de 40 habitants au km2. 2.1.3 Contexte économique général L’économie du Burkina est fortement tributaire des exportations de coton et est, par conséquent, vulnérable aux chocs exogènes (faible prix du coton et conditions climatiques défavorables). En 2007, le revenu réel par habitant se chiffrait à US$430 Cela constitue une progression de 50 % depuis 1994, mais est un niveau inférieur à la moyenne de 578 dollars pour les pays à faible revenu et de 592 dollars pour l’ensemble des pays d’Afrique subsaharienne). 2

D’après le Rapport sur le Développement Humain de 2009, le Burkina Faso est parmi le groupe des pays les moins avancés et est placé au 177 rang

rang sur 182 pays d’après les indices de développement

humain. 3 Environ 44% de la population vivrait en dessous du seuil de pauvreté et 20% au-dessous du seuil de l’extrême pauvreté.4

2.1.4 Domaines climatiques

Le climat, sous l’influence de climats tropicaux secs, est soumis à l’alternance saisonnière d’air humide de mousson venant des hautes pressions océaniques et d’air sec provenant des latitudes sahariennes. Ses principales caractéristiques sont une saisonnalité bien marquée par deux périodes très contrastées, la saison des pluies (encore appelée hivernage) et la saison sèche; une courbe ombrique unimodale; une saison sèche au moins aussi longue que la saison des pluies; l’absence totale de saison fraîche (température mensuelle moyenne minimale > 18°C); et une aridité croissante du sud vers le nord. 5 Au Burkina Faso, comme dans la plupart des pays sahéliens, la pluviométrie et la température constituent les deux paramètres climatiques qui ont le plus grand impact sur les ressources et les principaux secteurs d’activités du fait de leur tendance évolutive et surtout de leur variabilité interannuelle et intra-saisonnière. Plus concrètement, ces paramètres se manifestent par : Un raccourcissement de la saison pluvieuse, une augmentation des sécheresses, des inondations, de la variabilité climatique (temporelle et spatiale) et des températures, et une fréquence des vents violents. 6

2.1.5 Zones agro-écologiques Les secteurs phytogéographiques, définis d’après des critères climatiques et floristiques, tiennent lieu de zones agro-écologiques. La Carte 4 présente les quatre zones agro-écologiques du pays : nord-sahélien; sud-sahélien; haut-soudanien; et sud-soudanien. Le tableau 3 synthétise les caractéristiques générales de chacune de ces zones, en distinguant des climats sahéliens arides au nord et des climats soudaniens moins xériques au sud (voir aussi le Tableau 5). La Carte 4 présente les principales zones à risque environnemental.

2 web.worldbank.org/WBSITE/EXTERNAL/ACCUEILEXTN/PAYSEXTN/AFRICAINFRENCHEXT/BURKINAFASOINFRENCHEXTN/ 3 Le Sénégal est au166 rang et le Niger au dernier rang (voir : http://hdr.undp.org/en/media/HDR_2009_EN_Indicators.pdf). 4 PNUD, 2000. 5 www.fao.org/ag/AGP/AGPC/doc/Counprof/BurkinaFaso/burkinaFfrench.htm. 6 Réseau MARP/Burkina (2009).

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La répartition des terres par rapport à l’ensemble du territoire national est la suivante: • Les terres cultivées constituent 13% • les terres arables environ 40% • les aires protégées (forêts classées, réserves, parcs nationaux) constituent environ 16% • les terres de terres de parcours de saison des pluies environ 61%. Cependant, cette répartition de l’espace n’est pas statique et le taux de progression du front agricole est généralement estimé à 3,6 % l’an au détriment des terres de parcours (les terres de parcours étant, en pratique, constituées par les jachères, les terres marginales et les terres non encore mises en culture).7

Encadré 2 : Caractéristiques des sols du Burkina Faso

Le pays compte plusieurs types de sols. Parmi eux, les suivants présentent le plus grand nombre de risques par rapport au changement climatique: • Les

sols ferrugineux lessivés, localisés essentiellement dans la partie méridionale de la pénéplaine précambrienne, au sud du 13èmeparallèle, ont un régime hydrique imparfait, en rapport avec de mauvaises propriétés physiques (porosité et perméabilité).

• Les sols peu évolués d’érosion, situés dans la moitié nord du pays, présentent un horizon sableux en surface (15 à 20 cm) et un horizon argileux au-delà (dont la compacité et imperméabilité jouent un rôle néfaste pour l’alimentation hydrique et l’enracinement).

• Les sols bruns eutrophes sont caractérisés par une fraction argileuse importante. La présence d’argile gonflante leur confère une forte capacité d’échange et un taux de saturation élevé. Ce sont des sols généralement bien drainés. Leur structure de surface est variable, de grumeleuse à prismatique. C’est cette propriété qui règle leur fertilité. Ils sont répartis sur l’ensemble du territoire, par tâches de faible étendue.

• Les vertisols, particulièrement développés dans le sud-est et le centre-ouest (vallée du Sourou), possèdent la même parenté texturale que les sols bruns, mais sont beaucoup moins drainés..

• Les sols minéraux bruts sont des sols pauvres, avec une végétation est tantôt clairsemée ou au contraire dense à cause de leur faible aptitude agricole qui les met à l’abri de toute intervention humaine.

• Les sols halomorphes ou salés sont installés au nord du pays. De texture variée, ces sols ont une structure franchement dégradée (sols pauvres qui supportent des steppes arbustives extrêmement lâches).

[Source: www.fao.org/ag/AGP/AGPC/]

7 Ministère des Ressources Animales.

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Carte 3 : Les zones agro-écologiques du Burkina Faso

[Source : www.fao.org/ag/AGP/AGPC/doc/Counprof/BurkinaFaso/burkinaFfrench.htm]

Carte 4 : Les principales zones à risque environnementale du Burkina Faso

[Source: http://www.fao.org/countryprofiles/Maps/BFA/04/ec/index.html]

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Tableau 5 : Principales caractéristiques des zones agro-écologiques

[Source : www.fao.org/ag/AGP/AGPC/doc/Counprof/BurkinaFaso/burkinaFfrench.htm]

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Au Burkina, l’une des contraintes à la production agricole est le faible niveau de fertilité naturelle des sols. Les roches mères sont parmi les plus anciennes du monde et sont couvertes en général par des sols très anciens et lessivés. Le taux de matière organique des sols est très faible (< 1 %) et les carences en azote et en phosphore limitent fortement la production agricole. Ce qui a pour conséquence : • Une sensibilité élevée des sols à l’érosion hydrique et éolienne, • Une diminution de la capacité de stockage de l’eau du sol, • Une faible efficacité de l’utilisation de l’eau par les plantes, • Une diminution de la capacité de production des pâturages, • Une baisse de la production agricole, animale et forestière, • Une accentuation du phénomène de désertification.8

2.2 ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE NATIONALE DU DEVELOPPEMENT LOCAL 9

2.2.1 Principaux organes ministériels Le développement local au Burkina Faso est pris en charge par un ensemble d’acteurs institutionnels publics. Ces acteurs opèrent au niveau local, régional ou national au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe (se référer aussi au graphique de l’Annexe 1).

Le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD) est actuellement chargé, entre autres, de l'administration du territoire par la coordination des affaires territoriales, l’accompagnement du développement local par le biais du développement des collectivités territoriales, et la conduite et de l'impulsions de la politique du gouvernement en matière de décentralisation. Au sein du MATD, trois directions sont particulièrement importantes par rapport au développement local, à savoir : la Direction Générale chargée des Collectivités Territoriales (DGCT), la Direction des Finances Locales (DFL) et la Direction des Compétences et de la Légalité (DCL.

Au sein du Ministère de l’Economie et des Finances (MEF), c’est la Direction générale de l'aménagement du territoire, du développement local et régional qui a pour mission la formulation des politiques d'aménagement du territoire, de développement local et régional, comme aussi la traduction de ces cadres politiques en projets et programmes. Les Directions Régionales de l’Economie et de la Planification (DREP) constituent les structures déconcentrées du ministère. Le Ministère des Finances a un rôle particulièrement important sur le plan de la décentralisation opérationnelle, surtout par rapport à la gestion et le fonctionnement de la chaîne fiscale auprès des collectivités.

Parmi les ministères sectoriels qui sont particulièrement concernés par le développement local, il faut énumérer les suivants

Le Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH) est chargé de l'application de la politique définie par le Gouvernement en matière agricole. Au sein de ce ministère, particulièrement pertinente au développement local est le mandat de la Direction générale du foncier rural et des organisations paysannes’ (DGFROP)

8 www.napa-pana.org/files/workshops/burkina/29_Risques_climatiques_et_agroecologie_au_Sahel.pdf. 9 Pour une analyse détaillée du dispositif institutionnel du développement local, voir l’Annexe 1 (en particulier la Figure 1).

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Les principales attributions du Ministère des Ressources animales (MRA) concernent entre autres : la réorganisation de l'élevage traditionnel travers la formation et l'encadrement des éleveurs. Le Ministère compte certaines directions, dont les suivantes : la Direction des Etudes et de la Planification (DEP) chargée, entre autres, de coordonner l'élaboration des politiques, des programmes et des projets sectoriels, et la Direction des Aménagements Pastoraux et du Foncier (DGAEP) pour l’application de la politique nationale en matière d’identification, d’aménagement, de valorisation et de sécurisation du foncier pastoral.

Le Ministère de l’Environnement et du Cadre de vie (MECV) assure la mise en œuvre et le suivi de la politique du Gouvernement en matière d’environnement et d’assainissement du cadre de vie, chargé, entre autres, de la protection de l’environnement.

2.2.2 Les structures de la déconcentration Depuis 2004, le Burkina Faso dispose de trois niveaux de structures de la déconcentration, à savoir : les Régions (13), dirigés par des Gouverneurs de région, et comprenant un Cadre de concertation Régional ; les Provinces (45), avec à leur tête un Haut commissaire et comprenant un Cadre de concertation Provincial ; et les Départements (350), avec à leur tête un Préfet. 2.2.3 Les structures de la décentralisation : les collectivités territoriales Les lois burkinabé de la décentralisation instituent deux niveaux de collectivités, à savoir : La Commune, collectivité locale de base qui se distingue en commune urbaine et en communes

rurales. Il y a, au total, 351 Communes (dont 49 urbaines et 302 rurales). Toute commune est administrée par un maire élu. Onze domaines de compétences ont étés confiés aux collectivités territoriales, y compris le foncier, l’aménagement du territoire, la gestion du domaine foncier et l’environnement et la gestion des ressources naturelles., c’est-à-dire des domaines qui peuvent potentiellement protéger, consolider et renforcer les communautés locales par rapport à l’ensemble de leurs stratégies concernant l’adaptation de leurs modes et moyens d’existence au changement climatique.

La Région, collectivité locale intermédiaire entre les Communes et l’Etat central (il y a au total 13 collectivités territoriales régionales).

Aux termes de la Constitution et des lois de la décentralisation, les collectivités territoriales ont le droit de s’administrer librement et de gérer des affaires propres en vue de promouvoir le développement à la base et de renforcer la gouvernance locale. La tutelle technique des Collectivités territoriales est assurée par le Ministère de l’Administration Territoriale et de la décentralisation alors que la tutelle financière est assurée par le Ministère de l’Economie et des Finances. Le ‘contrôle de légalité’ est exercé par les représentants de l’Etat (Gouverneur vis-à-vis du Président de la Région et Préfet vis-à-vis du Maire).

2.2.4 Les commissions villageoises de développement (CVD ) Désormais, surtout depuis 2007, les CVD ont pu acquérir un véritable statut légal et une personnalité morale propre. Par loi, ainsi, elles participent à l’élaboration des plans communaux, développent leurs propres plans d’investissement annuel et ont droit à des transferts financiers de la part des conseils communaux auxquels elles sont rattachées. 2.2.5 Les institutions communautaires Au cours des siècles, la plupart des groupes sociolinguistiques burkinabé ont pu préserver au niveau local des mécanismes de solidarité et d’entraide informels très développés. Cela concerne, en premier lieu, les nombreuses formes d’entraide, de solidarité, de travail communautaire, d’invitation aux travaux

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agricoles (sur le style du système du susoaaga chez les groupes Mossi), d’associations d’entraide (comme le yewole ou songtaab chez les jeunes Bissa), de prêts d’animaux (comme le habbana.e chez les Peul). Mais cela concerne aussi le système de la chefferie traditionnelle, dans la mesure où ‘les chefs de village’ (en charge de solutionner les conflits de toute nature et des affaires administratives locales), et ‘les chefs de la terre’ (en charge des rites religieux et agraires et, des rapports des communautés avec la terre nourricière) continuent à disposer d’un énorme capital moral. De cette manière, la notion d’’institution communautaire’ comprend l’ensemble d’institutions locales, à la fois ‘endogènes’ (c’est-à-dire qui se forment à l’intérieur de la communauté) et ‘exogènes’ (c’est-à-dire, qui se forment en vertu de l’action d’intervenants extérieurs). Il s’agit d’institutions qui ont un statut plus ou moins formel et qui suscitent, qui favorisent des actions collectives en matière d’adaptation aux crises de toute nature (économiques, sociales, alimentaires, écologiques et climatiques) et qui ont des relations de collaboration plus ou moins forte avec les institutions publiques. 2.3 LES CADRES DE POLITIQUE GENERALE 10

Au cours des dernières années, le Gouvernement burkinabé a formulé et approuvé différentes lois et textes réglementaires favorisant la décentralisation administrative et politique. Il s’est agit d’un processus long, difficile et parfois très laborieux, avec des avancées et des retours en arrière. Au cours de ce processus, les cadres conceptuels et les stratégie de développement social et économique et de lutte contre la pauvreté ont pu être définis, amendés et clarifiés. Les thèmes du développement rural, de la lutte contre la pauvreté et de l’appui aux stratégies locales de production, de survie et d’adaptation aux crises ont été développés en parallèle avec la réforme démocratique de la société. 2.3.1 Développement local C’est par l’ordonnance 84-050 du 4 août 1984 que le Gouvernement burkinabé avait historiquement cerné la réforme agraire et foncière (RAF). Mais ce sont les Textes d’orientation de la décentralisation (TOD), adoptés en 1998, qui ont favorisé un processus de décentralisation démocratique, avec une répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités décentralisées locales. Les TOD ont contribué à la mise en œuvre de la bonne gouvernance, dans la mesure où ils ont reconnu le principe selon lequel des groupes sociaux porteurs, en se constituant en collectivités reconnues d’intérêt public, pouvaient bénéficier du principe de ‘subsidiarité’ pour assumer des fonctions que l’Etat n’est pas en mesure d’assumer. Dans la Lettre de Politique de Développement Rural Décentralisé (LPDRD), publiée en 2002, sont définis les principes essentiels du nouveau développement local au Burkina Faso. Parmi ces principes, de particulière importance sont la maîtrise d’ouvrage confiée aux bénéficiaires et l’implication des populations à toutes les phases du développement. D’un point de vue historique, cette Lettre a servi de cadre de référence pour la conception, la mise en œuvre, la coordination et le suivi et l’évaluation de toute une génération des projets et programmes de développement rural (comme celui qui est financé par la Banque mondiale), constituant un point de référence incontournable par rapport à tous les aspects du développement local. Par la suite, la Stratégie de Développement Rural du Burkina Faso (SDR) à l’horizon 2015, adoptée par le Gouvernement en 2003, s’inscrit dans la stratégie globale de réduction de la pauvreté. Sa vision retenue est celle de l'avènement d'un monde rural moins pauvre, moins vulnérables aux crises de toutes nature, et, jouissant, en particulier, d'une sécurité alimentaire

10 Pour une analyse détaillée des politique de développement local, voir l’Annexe 2 (en particulier la Figure 1)..

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durable. Parallèlement à la SDR, le Gouvernement a formulé un programme couvrant une période de 15 ans (de 2001 à 20015), appelé Programme National de Développement Rural Décentralisé (PNDRD) visant à opérationnaliser la vision du développement décentralisé. Le Programme appuie l’idée de réforme institutionnelles visant, entre autres, à responsabiliser les communautés locales et les organisations paysannes par rapport à la définition des priorités du développement local and leur mise en œuvre. Entre autres, la stratégie associe étroitement sécurisation foncière et préservation de l’environnement, en mettant l’accent sur la promotion de systèmes de production qui garantissent la durabilité et la pérennité des écosystèmes ainsi que sur la généralisation des mesures antiérosives des terres et de restauration de la fertilité des sols. 2.3.2 Décentralisation A la différence de pays comme le Sénégal ou le Mali par exemple, la décentralisation au Burkina a pris la forme d’un processus changeant, graduel et circonspect. Cette caractéristique a été différemment interprété par les observateurs : gage de politique durable pour les uns ou alors attitude politique limitant les droits démocratiques des citoyens pour les autres. En 2004, la loi N°055-2004 portant Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) a constitué une évolution majeure du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation. En effet, cette loi consacre ce qu’il est convenu d’appeler ‘la communalisation intégrale’, par le fait que désormais la décentralisation est devenue une réalité pour tout le territoire national. Cette loi est porteuse d’un certain nombre d’innovations. Au niveau local, le Code institue les CVD/Commissions Villageoises de Développement. Enfin elle tranche en faveur de deux niveaux collectivités décentralisées, à savoir la Région et la Commune (urbaine et rurale) – en dépassant une orientation qui visait les deux niveau de la Commune et de la Province. Enfin, le Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation (CSMOD), adopté par le Gouvernement burkinabé en juin 2006, détermine les grandes orientations pour la mise en œuvre des étapes de la réforme pour toute la période allant de 2006 à 2015. La décentralisation occupe désormais une place de choix dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et dans toute la politique nationale de bonne gouvernance. La communalisation, qui avait initialement concerné seulement une poignées de communs urbaines, touche l’ensemble du territoire national. La politique de décentralisation au Burkina Faso est effective sur le terrain depuis l’organisation des premières élections communales du 12 février 1995, qui ont permis la création de 33 communes urbaines de plein exercice. En 2000, lors des deuxièmes élections municipales, 16 nouvelles communes sont rajoutées, portant ainsi à 49 le nombre total de communes urbaines. Il faut aussi ajouter que, par rapport au dispositif financier, cette politique s’appuie sur nouvel outil, le Fonds permanent pour le développement des communes (FPDC), qui est destiné à remplacer l’ensemble des instruments financiers existants, et à regrouper désormais les ressources provenant de la coopération bilatérale et multilatérale avec comme objectif le développement des communes (et notamment la mise en œuvre de leurs PDC). 2.3.3 Lutte contre la Pauvreté La lecture de tous les textes législatifs et réglementaires est désormais faite en parallèle avec celle du document du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) (adopté par le Gouvernement en 2000 et révisé en 2003-04 pour introduire la dimension régionale). En fait, ce Cadre, en prenant en compte toutes les politiques sectorielles, définit le cadre unique d’intervention du Gouvernement et de ses partenaires dans le domaine du développement social et économique local et de la lutte contre la pauvreté. Ce document, qui comporte plusieurs objectifs immédiats, souligne fortement le principe de

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la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités décentralisées. Le CSLP établit un lien étroit entre lutte contre la pauvreté et gestion durable de l’environnement et des ressources naturelles. D’autre part, il souligne l’importance de la sécurisation foncière dans la perspective d’une lutte efficace contre la pauvreté. 2.3.4 D’autres politiques sectorielles Le dispositif juridique et légal est complété par une pléthore de dispositifs de planification sectorielle. Particulièrement importante est la Politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural, pour la mise en place une administration foncière à même de gérer le foncier et de réguler les conflits fonciers. Pour pouvoir s’exercer, la maîtrise locale a besoin d’institutions locales représentatives, légitimes et reconnues, représentées par des personnes élues à la base et dotées des pouvoirs nécessaires leur permettant d’agir valablement. La Politique nationale d’aménagement du territoire, adoptée en 2007, établit une politique d’organisation de l’espace visant à assurer un développement harmonieux du territoire national. Entre autres, cette politique précise le rôle des différents acteurs (y compris les collectivités territoriales, la société civile et le secteur privé). En matière environnementale, c’est le Plan d’Environnement pour le Développement Durable (PEDD) qui, en définissant les axes directeurs et les repères pour un développement durable concerté pour tous les secteurs, détermine en quelque sorte la stratégie autour de laquelle peut être bâti un cadre de lutte contre la pauvreté et de développement durable qui tienne compte de l’environnement. Ce plan détermine pour chaque secteur les compétences, les données socio-économiques, écologique et juridiques, définit les modalités de participation de tous les acteurs et partenaires du développement durable (pouvoirs et institutions publiques ou privés, société civile, ONG). Le Programme National de Gestion des Ressources Forestières explicite les objectifs et les options communes et spécifiques de la Politique Forestière Nationale (PFN), Enfin, en matière de changement climatiques, la vision du Programme d’Action Nationale d’Adaptation à la Variabilité et aux changements climatiques (PANA), élaboré sous la supervision du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie en novembre 2007, s’intègre dans les stratégies de développement durable du Burkina Faso et dans le CSLP. Ses objectifs prioritaires sont, entre autres : l’identification des besoins, activités et projets urgents et immédiats pouvant aider les communautés à faire face aux effets adverses des changements climatiques; la recherche de synergie et de complémentarité avec les moyens existants et les activités de développement ; et l’intégration et la prise en compte des risques liés aux changements climatiques dans le processus de planification nationale. Le PANA fait aussi un recensement assez complet des besoins essentiels en matière d’adaptation aux changements climatiques et identifie les critères de sélection des actions considérées prioritaires.

3. VULNERABILITES AUX RISQUES ET STRATEGIES D’ADAPTATION LOCALES 3.1 LES UNITES D’ANALYSE Au Burkina Faso, le ménage ou groupe domestique constitue une unité de base de propriété de biens, de production, de consommation et de vie sociale. En tant que cellule socio-économique élémentaire, c'est le ménage qui commande la division du travail entre ses membres, les modèles de consommation et les choix techniques et productifs. C'est lui aussi qui met en œuvre les principales stratégies d’adaptation vis-à-vis des risques et des incertitudes de toute nature.

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Les ménages sont composés, en moyenne, de 6,5 personnes et ceux du milieu rural sont de plus grande taille que ceux du milieu urbain (taille moyenne de 6,7 contre 5,6). 11 Cependant, la taille est presque deux fois plus élevée dans les ménages pauvres que dans les ménages non pauvres (10,0 et 5,4, respectivement). En d’autres termes, ce sont les familles les plus nombreuses qui apparaissent les plus démunies.12

Cependant, les ménages individuels font partie d’unités plus vastes sur la base des liens de sang (groupes de parenté) et/ou de co-résidence (communauté villageoise). En fait, dans les bouleversements affectant la société burkinabé actuelle, d’une particulière importance sont les liens qui s'établissent entre voisins d'un même village ou entre membres d’un même groupement d’intérêt économique villageois et inter-villageois. Face aux crises écologiques, climatiques et économiques actuelles, ces liens tendent à devenir encore plus grands que ceux qui existent entre parents d'un même clan qui vivent loin les uns des autres. Dès lors, cette communauté pragmatique qui émerge au-delà de la communauté idéologique, se construit sur la base d’un nombre d’objectifs concrets et de stratégies communes relatives à la production et la survie. Le village constitue ainsi l'entité sociale la plus immédiatement visible de ces communautés pragmatiques. Au sein d'un village, les différences entre les unités domestiques individuelles ne sont pas, en principe, très marquées (tous les ménages vivant, travaillant et se nourrissant de la même manière). Ainsi, des mécanismes de coopération et d’action collective s’établissent directement. (voir Figure 6). Figure 6 : Des institutions emboîtées : du ménage à l’organisation communautaire D'autre part, devant la multitude de forces de changement exogènes, aucun village ne peut vivre en isolation. Ainsi, la membres de la communauté villageoise tendent de plus en plus à faire partie d'un ensemble de relations qui s'étendent au-delà du village et même de autres villages proches, à une région géographique tout entière, surtout par le biais de l’intégration des membres du village à route une multitude d’institutions locales ou organisations communautaires.

11 INSD, (2003). 12 J.-P. Lachaud, 2009.

Ménage

Communauté villageoise

Réseau de villages

Organisation communautaire

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Les crises de toute nature, y compris les crises climatiques, sont ressenties au niveau des unités domestiques individuelles et par les groupes villageois dont elles font partie. Elles déclenchent des réponses d’adaptation adéquates au niveau des membres individuels.

Mais les solutions les plus durables sont celles qui sont recherchées au niveau des

réseaux plus vastes dans lesquelles la communauté villageoise est intégrée à partir de critères géographiques et/ou sociologiques, sur la base d’intérêts de production et de survie communs.

3.2. RISQUES, INCERTITUDES ET VUNERABILITES Les modes et les moyens d’existence des ménages, des communautés villageoises et des organisations communautaires burkinabé sont extrêmement instables et précaires. L’existence est comme rythmée par l'expérience de crises plus ou moins sévères et par l'effort constant pour lutter contre leurs effets, se réhabiliter, reconstituer les réserves des greniers et les troupeaux, continuer à reproduire la société ou, tout simplement, survivre. Encadré 7 : Au sujet des notions de ‘risque’, ‘incertitude’ et ‘vulnérabilité’

• ’objet d’un risque concerne conceptuellement quelque chose de connu (soit par une estimation préalable soit par à la suite de conclusions empiriques) et le risque peut être prévu d’une manière plus ou moins objective.

• ar contre, l’objet d’une incertitude est inconnu, du fait qu’il est singulier, voire même unique, et qu’il est lié à toute une multitude des situations possibles imprévisibles. Devant une incertitude il n’y a que des estimations, des intuitions subjectives. Cette distinction est pertinente par rapport à l’analyse des comportements des ménages et des communautés, du fait qu’un ensemble de choix stratégiques leur permet d’aligner et adapter leurs modes et moyens d’existence aux risques et aux incertitudes.

• ans cette perspective, la vulnérabilité est une conjonction de risques et d’incertitudes et définit le degré selon lequel un système est plus ou moins capable de faire face aux conséquences des risques et aux effets des incertitudes. L’opposé de vulnérabilité est sécurité (ainsi, les antonymes de ‘vulnérabilité alimentaire et vulnérabilité climatique’ sont respectivement ‘sécurité alimentaire’ et sécurité climatique’). Dans cette perspective, un ménage est vulnérable (i) s’il est à risque par rapport aux variations économiques, écologiques et climatiques; (ii) s’il est susceptible de ressentir, d’une manière plus ou moins directe, les effets d’événements externes de nature économique, commerciale, épizootique, démographique et climatique, et (iii) s’il ne dispose pas de stratégies d’adaptation (ou s’il n’est pas à même de les adopter) lui permettant de réduire l’incidence des risques, de limiter les dégâts et de profiter des opportunités.

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L’exposition des populations rurales aux nombreux risques liés au climat et à la dégradation des sols ne fait que croître. Leurs activités productives souffrent de précipitations instables et imprévisibles, de manques d’eau répétés et chroniques, d’inondations, de phénomènes de déforestation, d’épuisement des nutriments des sols, de leur acidification et de leur érosion, de la baisse des rendements, de la dégradation des parcours, de l’épuisement des stocks de poissons, de la perte de biodiversité et ainsi de suite.

Par exemple, la Boucle du Mouhoun est considérée l’une des plus pauvres des 13 régions du Burkina Faso (selon un rapport du PNUD de 2005). Pourtant, elle est la principale région productrice de coton. La taille moyenne des ménages est de 7,8 personnes, ce qui constitue la moyenne la plus élevée du pays. De manière paradoxale, malgré le fait que la région est la mieux arrosée du pays, plus de 66 % de la population n'a pas accès à l'eau potable. Plusieurs indicateurs sociaux (datés 2005) démontrent la précarité générale de cette province, qui compte plus de 235.000 habitants. Dans cette situation, environ 65 % des ménages vivent dans des logements rudimentaires (maisons coiffés de terre); environ 32 % des ménages vivent loin des services de santé ; 56% disposent d’un matériel agricole archaïque ou très peu performant. 13

Au Burkina, d’une manière générale, la vulnérabilité des ménages et des communautés aux changements climatiques résultent de la combinaison de divers facteurs dont : la pauvreté généralisée; la fragilité des écosystèmes; la grande sensibilité des principaux secteurs économiques au climat; le faible niveau d’infrastructures et d’institutions spécialisées en lien avec la gestion des risques climatiques ; le faible accès aux services de base et à l’éducation. Ainsi, les secteurs de l’eau, de l’agriculture, de l’élevage et de la foresterie sont considérés comme étant les plus vulnérables. Les ménages ruraux, les petits exploitants céréaliers ainsi que les éleveurs sont les groupes les plus vulnérables.

14

C’est la conscience du risque qui détermine les techniques d'exploitation du milieu naturel et les stratégies de production de la part des ménages.

C’est la réduction des risques et la minimisation des incertitudes qui semble être

l’objectif fondamental des ménages pour la croissance, la reproduction ou la simple survie.

Par rapport aux causes de la vulnérabilité des ménages, il n’y a pas de modèles explicatifs linéaires. En effet, au Burkina Faso, comme pour la plupart des pays sahéliens, l’explication naturelle qui considère les changements climatiques (diminution des pluies) comme la cause fondamentale des perturbations écologiques), doit impérativement être complétée par une explication sociopolitique dans une perspective historique, qui considère les crises économiques et alimentaires à des déséquilibres structurels (engouement pour les cultures commerciales, entre autres). 15 On peut dès lors distinguer deux types de causes, imbriquées les unes dans les autres : 16

• ‘Les causes sous-jacentes’ ou ‘les causes d’origine’,17

13 Voir :

à savoir les causes de nature économique, démographique et politique, qui affectent l’allocation et la distribution des ressources, ces causes

www.fondationsemafo.org. 14 Réseau MARP/Burkina, 2009. 15 Voir C. Raynaut (ed), 1997:24. 16 En suivant P. Blaikie-T. Cannon- I. Davis- B. Wisner, 1994. 17 En anglais root causes.

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étant fonction de la structure économique, de droits, de rapports entre personnes d’âge ou de genre différent et, partant, de l’idéologie du groupe.

• ‘Les forces de pression dynamiques’,18

En d’autres mots, au Burkina, les ménages et les communautés qui sont déjà rendus vulnérables par un ensemble de ‘causes sous-jacentes’ (en vertu de leur statut social, par exemple, leur genre, âge ou marginalité politique), peuvent succomber plus rapidement à ces forces de pressions et ressentir, ainsi, d’une manière plus forte, les effets du changement climatique (et cela en fonction des caractéristiques climatiques des différentes zones agro-écologiques pu pays). Les facteurs qui affectent de manière particulière les relations des ménages à leur environnement sont :

qui traduisent les effets des causes d’origine dans des formes spécifiques de vulnérabilité et les canalisent, en quelque sorte, dans des insécurités particulières, plus ou moins constantes, en fonction des risques (y compris la pression démographique, les épidémies, les guerres et aussi les changements climatiques).

La récurrence des sécheresses et d’autres facteurs physiques et bio-climatiques, dont les effets

ont pris des proportions immenses tout au long de ces dernières décades, a des dimensions spécifiques liées à la variabilité extraordinaire des caractéristiques climatiques d'une année à l'autre et leurs fluctuations extrêmes ou changements.

Les effectifs de population avec les conséquences qu’ils entraînent par rapport à l’exploitations des ressources.

Les variations et les fluctuations du marché de céréales et de bétail qui affectent de manière sévère la vulnérabilité des ménages/communauté, par rapport à leurs objectifs fondamentaux qui sont l'autosuffisance alimentaire et le commerce.

Enfin, les effets d’une multitude de phénomènes incontrôlables et de conditions techniques et matérielles, qui contribuent à rendre instable l'environnement socio-économique des ménages et des communautés (y compris les effets de politiques gouvernementales).

En d’autres mots : l’impact des facteurs écologiques et climatiques sur les moyens d’existence locaux est aggravé par la concomitance de facteurs externes puissants.

Outre la croissance démographique, la combinaison d’une monétisation rapide de l’économie rurale, le transfert de la propriété de la terre et du cheptel dans les mains d’une élite minoritaire (généralement urbaine et absentéiste) et la désintégration progressive des systèmes fonciers communautaires ont accentué la fragilisation des groupes ruraux, tout en modifiant les modes de faire-valoir et en compromettant les conditions préalables à une gestion durable des ressources naturelles.

Une enquête menée par l’Institut des Recherche pour le Développement (IRD) a permis, en fonction d’un certain nombre d’indicateurs, de hiérarchiser les risques des ménages d’une région donnée (Gnagna). L’exercice avait abouti à l’identification de quatre zones à risque. En matière d’exposition aux crises alimentaires, les résultats de l’analyse avaient montré, entre autres, que le niveau de risque apparent est loin de correspondre au niveau réel des disponibilités en produits céréaliers. Confrontés à l’irrégularité de la production céréalière familiale et à la récurrence de la disette alimentaire, les ménages les plus exposés ont progressivement développé des stratégies d’adaptation à relativement long terme et d’anticipation saisonnière, permettant de gommer partiellement les aléas conjoncturels. 19

18 En anglais, dynamic pressures.

19 Voir : www.ird.bf.

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3.3 LES STRATEGIES D’ADAPTATION AUX CRISES

3.3.1 Stratégies d’adaptation des ménages : études de cas

Etude de cas 1 : Ménages dans la province de Namentenga 20

Les principales caractéristiques de la pauvreté des ménages de la province de Namentenga (région Centre-Nord), l’une des provinces les plus pauvres du Burkina (partie centrale du pays), sont liées à leur vulnérabilité aux crises alimentaires, la fragilité de leurs économies et la faiblesse de leurs productions agricoles.

• Le niveau d’insécurité alimentaire est très sévère, même s’il y a de fortes variations entre les zones et les systèmes de production (agriculture pluviale, agriculture irrigué, pastoralisme). La production des ménages est fortement soumise aux aléas climatiques et à un accroissement de la population à un rythme plus rapide que celui de la production alimentaire.

• Le revenu moyen annuel des ménages est d’un peu plus de 763.000 FCFA/ménage. Cependant, les écarts entre les zones ainsi que les villages au sein d’une même zone sont considérables. Avec un seuil absolu de pauvreté de 598.469 FCFA par ménage, la proportion des ménages pauvres dans la zone est de 58%.

• Les productions céréalières des ménages sont très faibles, nettement inférieures aux moyennes nationales. L’une des principales raisons est la baisse de la fertilité des sols et la faible utilisation d’intrants agricoles. La quasi-totalité de la production agricole familiale est destinée à la consommation familiale (Il est estimé que la production d’une année moyenne permettrait à la grande majorité des ménages d’atteindre une autosuffisance alimentaire pour un maximum de 7 mois.

Parmi les principales stratégies d’adaptation dont les ménages disposent pour faire face à cette situation de précarité, il faut rappeler que :

• Les ménages tentent, pour atteindre un certain niveau de sécurisation alimentaire, d’intégrer l’une des banques céréalières de la région, (depuis plus d’une vingtaine d’années, de centaines de banques céréalières ont été créées dans l’ensemble de la Province, surtout dans le cadre des activités de projets, ONG et associations de développement). 21

• Les ménages s’attellent aussi à participer activement à un large réseau social de parents et d’amis : cette participation peut être considérée comme une véritable stratégie d’adaptation, dans la mesure où elle implique le partage de larges quantités de produits céréaliers et la pratique de travaux communautaires.

• L’adoption ou l’intensification de l’élevage de petits ruminants est aussi considérée comme une stratégie d’adaptation capitale, dans la mesure où elle permet au ménage de disposer d’argent liquide pour différents besoins alimentaires et non-alimentaires.

• Enfin, la cueillette des feuilles de certains arbres et d’herbes de brousse permet aussi de compléter l’alimentation du ménage pendant la ‘période de soudure’.

20 Cette étude de cas tient compte des résultats d’une étude conduite auprès de 1.440 ménages (à partir d’un échantillon de 45 villages) par le Projet d’Appui au Développement Agro-pastoral du Namentenga (PNUD-FENU). Un ménage est défini comme « l’unité économique de base au sein de laquelle les différents membres, apparentés ou non, vivent dans la même maison ou concession, mettent en commun leurs ressources et satisfont en commun à l’essentiel de leurs besoins alimentaires et autres besoins vitaux, sous l’autorité d’une seule et même personne appelée chef de ménage ». Elle tient aussi compte des résultats une enquête rapide menée auprès de groupes de paysans dans quelques villages (Belga, Niounougou et Yalgo) (Voir A. Bonfiglioli, janvier 2003). 21 Cependant, nombreuses parmi ces banques céréalières sont peu fonctionnelles, surtout à cause de manque de capitaux.

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Etude de cas 2: Stratégies des ménages et des organisations communautaires A la fin des années 1990, la Banque mondiale a appuyé la conduite d’une enquête auprès de 959 ménages de 48 villages (20 ménages par village) dans les quatre provinces du Yatenga, Sanmatenga (dans le Nord), Houet (dans le Sud-est), et Sissili (dans le Sud-est), qui représentent bien la variété nationale en termes d’organisation sociale, climat et environnement. Les résultats de cette étude permettent, entre autres, de mieux comprendre la variété (en fonction des traditions du capital social des différents groupes), la complexité et l’évolution des interactions qui existent entre ménages, organisations locales et institutions communautaires plus vastes. 22

Dans le contexte moderne, les interactions entre ménages et organisations communautaires plus vastes semblent se développer moins sur la base de valeurs culturelles statiques et de différences économiques que dans la dynamique d’une recherche de formes institutionnelles originales. Par ailleurs, cette recherche est fortement marquée par les conditions écologiques et environnementale et les potentialités économiques locales. • L’une des principales conclusions de l’étude est que, d’un point de vue sociologique, les institutions

communautaires locales apportent une contribution effective à un développement social et économique équitable et ont un impact déterminant sur la réduction de la pauvreté et de l’inégalité.

• D’une manière générale, les organisations communautaires sont très soucieuses d’établir des normes de conduite ou des règlementations qui leur permettent de fonctionner de manière appropriée. Cette préoccupation institutionnelle peut être considérée comme une véritable stratégie d’adaptation vis-à-cris de contextes sociaux, économiques, climatiques et écologiques variables.

• Dans la province de Sanmatenga, face aux nouveaux enjeux et défis et aux crises de toute nature, l’effort a surtout porté, par le biais d’une approche participative de tous les membres, sur la construction d’institutions communautaires de base inclusives. La mise en place d’actions collectives susceptibles de bénéficier l’ensemble de la communauté et de contribuer indirectement à la productivité des ménages ont une importance particulière (cela a permis, entre autres, en collaboration ave des institutions gouvernementales, la construction de nombreux petits barrages et retenues d’eau, visant à contrecarrer les effets des sécheresses récurrentes). La province de Sanmatenga connaît ainsi une toile institutionnelle interne très dense, qui s’exprime par tout un ensemble d’activités communautaires endogènes.

• Par contre, dans la province de Houet (qui connaît une pluviométrie annuelle de plus de 1000mm et une variété de cultures agricoles commerciales), les nouvelles stratégies et les nouveaux comportements mettent davantage l’accent sur des stratégies exclusives, avec l’émergence de liens de collaboration très forts avec des forces exogènes (institutions gouvernementales et le secteur privé) au dépens de liens de solidarité internes et la création de fédérations institutionnelles plus larges, plus efficaces pour résoudre les problèmes locaux et se focalisant davantage sur des problèmes économiques.

• Dans la Province de Sissili, le développement institutionnel est fortement marqué par l’arrivée massive, au cours des dernières années, d’une population très variée de migrants à la recherche de terres fertile libérées de l’onchocercose. Ces groupes participent activement à la création et au renforcement d’organisations capables d’influencer les approches de projets de développement et

22 P. Donnelly-Roark & K. Ouédraogo K. & X. Ye (2001).

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d’avoir un rôle important dans la gestion de leurs initiatives. Il est intéressant de noter que les conseils des anciens ont un rôle crucial au niveau des mécanismes de consultation populaire.

• Dans la province du Yatenga (caractérisée par une très forte densité de population, la vulnérabilité à des sécheresses récurrentes, l’utilisation de techniques traditionnelle de gestion et protection des ressources naturelles), les ménages individuels mettent l’accent sur le capital social local et l’adoption d’une stratégies d’intégration aux organisations communautaires locales sur la base de l’unité, la solidarité et l‘apprentissage de nouvelles techniques. Cependant, la collaboration entre les organisations communautaires locales apparaît faible, même au sein d’un même village.

• Au Yatenga et au Sanmtenga, les structures politiques et morales sont encore relativement très fortes. Le chef de village garde un pouvoir moral incontournable. Le chef de terre, qui assure les rites agraires exprimant les liens entre les lignages et la terre nourricière, gardent une grande légitimité. En revanche, dans la province de Houet, ces institutions politiques et morales coutumières et ces liens traditionnels de solidarité semblent de plus en plus laisser la place à des comportements et des formes institutionnelles pragmatiques se focalisant sur la poursuite d’intérêts économiques et commerciaux.

Etude de cas 3 : Ménage et institutions face aux crises Dans le cadre du projet ABDCC (‘Institutions et changement climatique’), l’ONG Réseau MARP/Burkina Faso a mené des enquêtes auprès d’un échantillon de 120 ménages, appartenant à 23 villages rattachés à 4 Communes (dans 3 Provinces de 3 Régions). Elle a aussi conduit des entretiens avec 48 groupes de discussions homogènes (soit 12 groupes par commune).23 L’enquête a concerné à la fois des zones à haut risque climatique (comme les villages de la Province de Soum) et des zones à risque climatique moyen ou modéré (comme les villages des Provinces de Kouritenga et de Houet). Parmi toutes les informations disponibles dans un ensemble de rapports, 24

a) Perceptions des crises climatiques

on retient ici celles qui concernent les perceptions locales des crises climatiques et les stratégies individuelles et collectives des ménages face aux crises.

• La prise de conscience de l’impact des crises climatiques sur les modes et moyens d’existence locaux semble être relativement assez élevée chez les populations des zones enquêtées. Ce qui frappe c’est surtout une perception ambivalente et partagée des crises et de ses manifestations extrêmes : d’un côté, il y a en effet l’expérience dramatique des inondations exceptionnelles de juin et juillet 2007, avec tout l’ensemble de dégâts et destructions qu’elles ont signifié; d’autre côté, il y a l’expérience récurrente des années (ou périodes d’années) caractérisées par un climat imprévisible, avec de fortes chaleurs et le manque de pluie (avec des répercussions néfastes sur la productivité des activités de l’agriculture et de l’élevage).

• Les inondations ont certainement constitué un élément catalyseur majeur, qui a permis une prise de conscience dramatique de la virulence des risques climatiques. D’une manière générale, les inondations ont affecté la production agricole (par la perte massive des produits récoltés, la baisse considérable des productions, les perturbations au niveau du calendrier agricole surtout au moment des semailles). Elles ont détruit l’habitat, abîmé le réseau routier et les infrastructures physiques et fait périr le cheptel (les moutons étant particulièrement vulnérables face à de fortes pluies). Les inondations ont bouleversé les circuits commerciaux : selon les femmes de la coopérative féminine de Bama, par exemple, les inondations ont eu l’effet de ralentir les activités marchandes (commercialisation du riz blanc étuvé ou traité à la vapeur avant décorticage). Selon les services

23 Communes de Bama (Houet, Haut-Bassin); Pobé-Mengao et Baraboulé (Soum, Sahel) ; et Kando (Kouritenga, Centre-Est). 24 Voir : Réseau Marp, 2009a; Réseau Marp, 2009b; Réseau Marp, 2009c.

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techniques déconcentrés, les inondations ont aussi contribué à couper le système de communication avec les populations (pour l’animation et l’encadrement).

• Cependant, tout au moins au niveau de l’imaginaire populaire, le changement climatique semble être associé avant tout au manque de pluies, à la forte chaleur et l’assèchement du sol (concepts désignés, dans la langue des Mossi par exemple, par le terme tênkwiré, littéralement, ‘sol aride’), à la suite de vents chauds et de chaleurs fortes, constantes et inhabituelles. Pour les éleveurs Peuls de la zone de Djibo, toute saison pluvieuse comporte généralement de courtes périodes sans pluie (appelées kokke) : mais, à leur avis, une caractéristique du contexte climatique actuel est le nombre, la fréquence, la répétition et la durée inhabituelle de ces périodes ‘sèches’ au cours d’une même saison, avec des effets déstabilisateurs sur la formation du couvert végétal et la santé animale.

• Selon la croyance populaire, ces variations climatiques se manifestent soit par l’apparition de maladies inconnues (sous formes d’étranges fièvres, par exemple) soit par une fréquence inhabituelle et particulièrement virulente des maladies déjà connues (arthrites et rhumatismes). Certains évoquent aussi l’apparition des particules fines de poussière, qui, poussées par le vent chaud, imprègneraient l’atmosphère tout au cours des mois qui précèdent la saison des pluies et qui seraient à l’origine de maladies respiratoires débilitantes.

b) Les principales stratégie des ménages Devant ces crises, qui ne font qu’exacerber les conditions d’existence difficiles, les ménages burkinabé ont tendance à intensifier toute une gamme de stratégie d’adaptation :

• Stratégies alimentaires : changement et modification des habitudes alimentaires (deux repas par jours, au lieu que trois, dans le Kouritenga, par exemple, ou diminution de la ration alimentaire).

• Pratique généralisée de petits métiers : Pratique plus ou moins saisonnière de toute une gamme de petits métiers de la part des hommes et des femmes, pour subvenir au budget familial.

• Intégration de l’élevage au sein du système agricole : Dans le Kouritenga, les agriculteurs tendent à donner une importance plus grande aux activités de l’élevage (au-delà de ‘l’élevage de case’ traditionnel). Cela signifie, entre autres, des investissements pour l’achat d’animaux, l’utilisation rationnelle de sous-produits agricoles et la pratique éventuelle de cultures fourragères. Parallèlement, chez les éleveurs peuls, on considère de plus en plus l’agriculture comme un moyen susceptible d’assurer une plus grande résilience face aux crises (avec un dépassement, en ce sens, de toute inhibition ancienne).

• Changement au niveau des pratiques agricoles : Préférence donnée à des variétés céréalières hâtives (50 jours contre 70-80 jours des variétés traditionnelles) et à des semences améliorées (malgré toutes les anciennes réticences concernant le goût et la valeur de ces variétés).

• Exode rural : Départ des membres actifs du ménage vers les villes à la recherche d’un travail salarié (pour subvenir aux besoins de subsistance de ceux qui restent).

• Mobilité des familles : Abandon définitif des terres familiales et recherche de terres moins exposées aux risques climatique (surtout inondations).

Plusieurs constats montrent que, face aux crises, une forte proportion de ménages burkinabé ont tendance à se replier sur eux-mêmes, en développant des stratégies de survie individualistes. Traditionnellement, chez les Mossi, c’est la famille élargie (appelée yiri) qui assure de travaux agricoles importants sur son propre champ familial collectif (pour assurer sa propre subsistance), alors que la famille nucléaire (appelée zaka) ne cultive qu’un petite parcelle de terre (pour subvenir à ses petits besoins quotidiens). Cependant, ensemble avec d’autres facteurs de nature sociologique, les incertitudes lié au nouveau contexte climatique semblent avoir contribué à la déstabilisation de cet équilibre et conduire à une disparition croissante du champ collectif. Chez les éleveurs peuls, le système

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d’héritage ante-mortem traditionnel prévoit que le père de famille laisse la propriété de certains animaux à ses fils, tout en gardant un droit de jouissance jusqu’à sa mort. Cependant, dans le contexte actuel, les jeunes exigent, avec de plus en plus avec vigueur, une prise de contrôle absolue et complète de leurs animaux. Encore chez les Peuls, le système de prêt temporaire de bêtes laitières entre ménages proches, avec don du premier vêlage (système appelé hawtaraajii) devient de plus en plus rare, chaque ménage préférant garder toutes ses bêtes au sein du troupeau familial. Par ailleurs, sur la base des données quantitatives collectées par le Réseau MARP, en groupant les ménages en fonction de quelques variables (niveau de risques, exposition au risque, stratégies d’adaptation et accès aux institutions publiques et privées), un rapport séparé et complémentaire tire un certain nombre de conclusions très générales par rapport aux interactions entre ménages et institutions (ces conclusions préliminaires, cependant, mériteraient d’être davantage vérifiées dans le contexte spécifique du Burkina) : 25

(i) Les ménages vivant dans des zones géographiques avec une forte exposition au risque climatique semblent avoir développé des institutions locales qui les appuient;

(ii) L’accès de ces ménages aux institutions semble leur permettre d’adopter et utiliser toute une gamme de stratégies d’adaptation;

(iii) Les ménages capables d’utiliser ces stratégies d’adaptation sont aussi ceux qui sont les plus susceptibles d’avoir accès aux institutions gouvernementales et aux associations de la société civile. En revanche, les ménages qui sont peu exposés aux risques et qui montrent de faibles capacités d’adaptation, participent aussi très faiblement à la vie des organisations communautaires et ont un accès limité aux services des institutions publiques gouvernementales.

(iv) Les ménages ‘à risque’ (c’est-à-dire les ménages qui sont les plus susceptibles de ressentir les risques climatiques) sont ceux aussi qui ont des revenus bas, qui sont vulnérables aux maladies, qui pratiquent des activités économiques peu diversifiées et dont la taille est inférieure à la moyenne. Ces ménages utilisent peu les services des institutions publiques et adoptent faiblement des stratégies d’adaptation les plus communes (par exemple, la mobilité) et se trouvent dans une situation de vulnérabilité spéciale puisqu’ils ont très peu d’actifs et très peu de sources de revenus (activités agricoles et/ou pastorales seulement).

(v) Les ménages ayant le niveau le plus élevé d’adaptation, en termes de stratégies, sont aussi ceux qui retirent leurs revenus d’activités agricoles et commerciales. Dans la partie septentrionale du Burkina Faso, par exemple, plusieurs ménages pratiquent du petit commerce (boutiquiers) et pratiquent des activités complémentaires (ex. forgerons) – ces pratiques octroient à ces ménages un certain niveau d’autonomie et de résilience vis-à-vis des crises (tout au moins si on les compare aux autres ménages).

3.3.2 L’agro-pastoralisme comme stratégie capitale d’adaptation A partir des conclusions de ces études de cas et d’autres nombreuses analyses concernant la situation présente et passée, il apparaît bien que les populations burkinabé, comme toutes les sociétés paysannes sahéliennes, ne se contentent pas de subir passivement les incitations et les contraintes auxquelles elles sont soumises. En effet, elles les interprètent en fonction de leurs propres priorités, à savoir la minimisation des risques et la valorisation de la force de travail.26

25 Voir le rapport préparé par un groupe d’étudiants de l’Université de Michigan (Etats Unis) qui a participé à une partie du travail du Réseau MARP : University of Michigan (2009). Il s’agit d’un rapport qui présente de manière cumulative et comparative, des données quantitatives, qui ont été collectées au Burkina Faso, comme aussi au Sénégal et Niger, pour ce qui concerne l’Afrique, et le Pérou, Mexique et République Dominicaine, pour ce qui concerne l’Amérique latine, dans le cadre du projet ABDCC,

26 C. Raynaut (éd.), 1997:258.

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D’une manière générale, au-delà du choix ponctuel de pratiques et techniques spécifiques (cultures, outils, techniques de travail, mobilité, etc.), c’est bien la pratique associée et plus ou moins harmonieuse de l’agriculture et de l’élevage (agro-pastoralisme) qui peut être considérée comme la principale stratégie d’adaptation face aux crises de toute nature. Et il est tout à fait légitime de penser que, dans le cadre des nouveaux risques liés au changement climatique, c’est encore à l’agro-pastoralisme que les ménages feront recours. Cela démontre un engouement des agriculteurs pour un élevage spéculatif et le désillusionnement progressif des pasteurs pour une forme de pastoralisme nomade de plus en plus limité par le manque de terres à pâturages (cela étant aussi le résultat de l’encadrement des services de l’agriculture). En effet, au Burkina Faso comme dans la plupart des pays sahéliens, l’agro-pastoralisme permet aux ménages de minimiser les risques inhérents à chacune de ces formes de production et d’améliorer les conditions de vie et de production dans un contexte social et économique éminemment précaire. Complexe et varié, l'agro-pastoralisme sahélien est un phénomène difficile à saisir, parce qu'il est le résultat de l'intégration ou de l'imbrication de toute une gamme de comportements agricoles et pastoraux. Par ailleurs, les formes de cette association varient dans le temps et sont sujettes aux oscillations perpétuelles de l'histoire (il faudrait en effet distinguer, d’une part, l’agro-pastoralisme embrassé par des groupes qui pratiquaient traditionnellement uniquement des activités pastorales et, d’autre part, l’agro-pastoralisme des groupes jadis uniquement impliqués uniquement dans des activités agricoles). Ainsi, l'agro-pastoralisme apparait au carrefour d'une même recherche d'équilibre. 27

L’agro-pastoralisme, en tant que stratégie de diversification, vise à réduire les risques inhérents à une pratique séparée de l’agriculture ou de l’élevage (à condition cependant que les deux activités agricoles et pastorales gardent une certaine autonomie).

L’agro-pastoralisme est en mesure de conférer aux ménages un niveau plus élevé de

résilience, c’est-à-dire une capacité de revenir à l’état d’équilibre qui existait avant le choc.

En époque normale, en vertu des taux d'échange entre les produits de l’élevage et de l’agriculture, un ménage agro-pastoral peut obtenir un nombre plus grand de calories avec l'échange de la viande et du lait contre des céréales et peut satisfaire les besoins énergétiques de sa famille. Mais ce rapport est instable et, à court terme, les fluctuations peuvent changer en faveur des produits céréaliers. D’un point de vue technique, le recyclage des nutriments est un élément essentiel de l’intégration de l’élevage à la culture agricole, liée à la pression démographique. Aux yeux d’agriculteurs, l’acquisition de bétail est justifiée par des raisons économiques (en termes d’énergie animale, transport, embouche, épargne, lait, fumier). Dans cette perspective, les ressources nécessaires à l’élevage des animaux (résidus de récoltes, les concentrés, la pâture, les enclos, et peut-être bientôt, l’accès à des pâturages pendant la transhumance et même à l’eau) sont en train d’acquérir ou d’accroître leur valeur commerciale. Dans l’agro-pastoralisme, cependant, le problème essentiel est celui de la coexistence de systèmes de culture et de systèmes d’élevage en principe très complémentaires, mais en pratique compétitifs dans un espace où la biomasse végétale est insuffisante pour couvrir les besoins énergétiques et vivriers de la population rurale et les besoins fourragers du bétail. 28

27 Voir: A. Bonfiglioli, 1990:255.

28 Piéri, cité par C. Raynaut (ed.) 1997:184.

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3.3.3 Les autres stratégies d’adaptation à long terme A part l’agro-pastoralisme, les populations rurales burkinabé adoptent toute une gamme de stratégies d’adaptation complémentaires ou alternatives. Comme la plupart des populations vivant dans des zones arides et semi-arides, elles ont depuis fort longtemps intégré la variabilité climatique dans leurs vies et sont, en quelque sorte, bien adaptées à un environnement extrêmement imprévisible. En effet, leurs modes et moyens d’existence et leurs institutions sociales tendent à être fondamentalement orientés vers l’adaptation climatique par le biais de stratégies flexibles visant, de manière préventive, à réduire la vulnérabilité. 29

Ces stratégies sont souvent rendues possibles par l’appui des organisations communautaires auxquelles les ménages adhérent, en fonction d’une multitude d’objectifs de production et de survie. Ces stratégies se révèlent efficaces surtout quand elles sont liées aux pratiques locales.30

En milieu rural, le ménage burkinabé est confronté à des risques liés aux conditions des pratiques culturales (liés aux conditions du climat, les attaques des criquets, les dégâts des oiseaux) et à des risques économiques (incertitude des prix de vente des produits et sur la rentabilité des techniques nouvelles ou les conséquences de l’endettement).

Un risque climatique se traduit vite en risque économique, en fragilisant l’économie du ménage. Par ailleurs, et des réponses inadéquates aux risques économiques peuvent aggraver les risques des cultures et exacerber l’impact des risques climatiques.

Le changement climatique a un effet multiplicateur des formes de vulnérabilité

existantes. Il menace directement une partie substantielle des achèvements des programmes de lutte contre la pauvreté mis en œuvre au cours des dernières années. 31

Par ailleurs, les populations ne s’adaptent pas simplement à leur environnement naturel, elles le modifient en adoptant toute une gamme de technologies flexibles. Les producteurs pauvres vivant sur des terres fragilisées ont accumulé des siècles d’expérience dans la gestion d’environnements naturels à risque, ce qui les aide à identifier et à expérimenter de nouvelles options technologiques. Dès lors, les objectifs de minimisation des risques peut alors conduire les ménages à adopter des attitudes techniques et économiques multiples et parfois même contradictoires, mais qui ont une rationalité et une logique interne. Ainsi, une forte prise de conscience du risque peut conduire certains ménages à refuser toute innovation technique (rejet d’une variété céréalière plus performante que les variété locales, mais dont la résistance aux conditions arides n’est pas prouvée) ou alors à accepter des efforts économiques additionnels pour garantir un certain niveau de productivité (achat d’engrais par les producteurs de coton, par exemple). Cela conduit aussi à : • préférer des cultures vivrières plus que des cultures commerciales; utiliser des espèces céréalières

moins performantes, mais plus sûres et plus résistantes aux conditions culturales semi-arides, avec des exigences pédologiques modestes (c'est seulement le producteur aisé qui est en mesure de

29 Mearns R. & Norton A. (eds.) (2010). 30 E.B. Dialla (2005) identifie de très nombreuse pratiques, y compris dans le domaine de la gestion et protection des ressources naturelles. 31 Mearns R. & Norton A. (eds.) (2010).

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prendre la décision de pratiques novatrices, par exemple de nouvelles espèces avec des rendements plus forts, mais variables);

Figure 8 : Stratégies adoptées par les ménages burkinabé face aux situations de crise

Situation de crise temporaire

Stratégies de sortie

Situation de crise persistante

Stratégies d’adaptation

Situation de crise chronique

Stratégies de survie

Réduction du nombre de repas Modification du régime alimentaire (produits de cueillette) Recherche de travail agricole salarié Participation plus accrue aux travaux collectifs Emprunt de bêtes laitières auprès de parents Gardiennage saisonnier d’animaux d’autrui Recherche de travail salarié extra-agricole local Emprunt de petites quantités d’argent et/ou nourriture Plus grande accès aux réseaux communautaires Repli sur stratégies individualistes

AGRO-PASTORALISME Mobilité accrue des hommes et des troupeaux Recherche de travail agricole salarié permanent Gardiennage permanent d’animaux d’autrui Travail salarié extra-agricole local permanent (petit commerce) Emprunts d’argent Choix d’espèces céréalières résistantes à cycle court Plus grande diversification des espèces animales élevées Préservation de bétail âgé, mais résistant et immunisé Mobilisation des réseaux sociaux et participation à la vie associative Plus grand accès aux services des institutions publiques locales

Modification radicale du régime alimentaire Pratique de travaux dégradants Emprunt de grosses quantités d’argent Pratique accrue de la cueillette (pour la subsistance) Vente de la terre et du cheptel Départ définitif de membres actifs vers les villes Exode permanent de tout le ménages vers les villes SITUATION DE NON RETOUR

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• garder des bêtes laitières relativement peu productives, mais plus résistantes, voire immunisées vis-à-vis des principaux phénomènes épizootiques locaux;

pratiquer des modèles de mobilité très astreignants, acceptant de vivre dans un environnement rudimentaire et sommaire (habitat, équipement), pour permettre au troupeau d'exploiter des niches écologiques variées et favorables, et obtenir une production laitière régulière constante. Mais il faut aussi ajouter que certains ménages peuvent aussi être absolument incapables de gérer les situations de détresse à cause de l’accumulation de toute une gamme de facteurs qui traduisent les aléas climatique en détresse et pertes. Ces facteurs sont, entre autres, liés à des formes d’injustice et inégalité sociales, un accès inéquitable aux ressources, des infrastructures sociales insuffisantes, le manque de représentation et de systèmes appropriés de sécurité sociale.32

3.3.4 Les stratégies ‘de sortie’ ou ‘de survie’ Les stratégies d’adaptation, 33 analysées précédemment, visent à permettre aux ménages de s’ajuster aux changements à plus long terme intervenant dans l’environnement physique ou économique, en modifiant leurs modes de vie et de production. Elles s’opposent aux ‘stratégies de sortie’, 34 ou ‘stratégie de survie’, qui, quant à elles, répondent à une pénurie à court terme. Par contre, les ménages qui sont tombées en dessous d’un certain seuil de pauvreté et qui ont perdu toute résilience face aux crises, ne peuvent qu’adopter des stratégies extrêmes ‘de retrait’, 35

qui sont de véritables stratégie de ‘détresse’ (voir Figure 9).

Dans une situation de crise qui perdure, à ces stratégies alimentaires transitoires s’ajoutent, de manière progressive, tout un ensemble de stratégies de détresse: l’emprunt de nourriture chez parents et voisins, une intensification des pratiques de cueillette et d'artisanat, la vente de jeunes animaux du troupeau ‘de spéculation’, la vente de la force de travail familial, la pratique intense de travaux inhabituels voire même dégradants, l’exode saisonnier de plus en plus important et long de certains membres actifs vers les centres urbains et les ventes de détresse de parcelles de terre et d'animaux du troupeau ‘de subsistance’, qui précédent enfin l'exode permanent de toute l'unité familiale vers les centres urbains: c'est alors un point de non-retour, la fin d’un mode de vie. 3.4 INSTITUTIONS LOCALES ET VULNERABILITES AUX RISQUES

Face à une situation de précarité généralisée et face aux crises de toute nature, la plupart des ménages burkinabé, au-delà des différences coutumières et régionales, non seulement s’efforcent de poursuivre des objectifs sociaux et économiques propres, mais aussi font l’option de logiques communautaires qui soulignent l’entraide et la collaboration. Les organisations communautaires nouvelles intègrent de nombreux éléments et valeurs traditionnelles, surtout par rapport à : la gouvernance villageoise, un modèle de mobilisation des ressources approprié, les mécanismes de solidarité, la gestion des actifs communs, la prévention et gestion des conflits, etc. 36

Dans la situation actuelle, les stratégies traditionnelles des ménages, ainsi que les techniques qui leur sont associées, ne sont pas toujours en mesure de contrebalancer les impacts négatifs de la croissance démographique, des changements climatiques et de la pression anthropique sur la fertilité des sols.

32 J. Ribot, 2010 :49 33 En anglais : adaptive strategies. 34 En anglais : coping strategies. 35 En anglais : restrictive strategies. 36 P. Donnelly-Roark & K. Ouédraogo K. & X. Ye (2001).

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Certaines techniques (comme celle de maîtrise de l’eau et des sols) peuvent même aggraver la situation, en augmentant le ruissellement des eaux, entraîner l’érosion, et diminuer l’infiltration de l’eau dans le sol. Ce sont alors les organisations communautaires locales (y compris les organisations villageoises) qui peuvent jouer un rôle capital pour aider les ménages à faire face aux risques de toute nature. En fait, en fonction de leur typologie et de leur mandat, ces organisations interviennent dans des domaines différents et variés, en appuyant toute une gamme de stratégies à court et à moyen terme. D’une manière générale, au Burkina comme ailleurs, elles jouent surtout un rôle de médiation entre les réponses individuelles et collectives vis-à-vis de l’impact des crises et en canalisant, en quelque sorte, l’aide extérieure visant à faciliter les réponses d’adaptation. 37

• Les Institutions basées sur les valeurs sociales et politiques coutumières 38 : Ces institutions ont contribué à faire émerger, activer et protéger les identités locales et les valeurs sociales et culturelles des différents groupes, en assurant ainsi certains équilibres locaux en matière de gouvernance. Font partie de cette catégorie les groupes à orientation religieuse, qui, de manière très différente, soulignent l’importance des valeurs de solidarité, équité et consensus dans le fonctionnement de la vie sociale locale. La chefferie coutumière continue à avoir une place politique et idéologique très importante chez la plupart des groupes, surtout par rapport à la gestion des conflits de toute nature (y compris ceux liés à la gestion des ressources naturelles). Le but de ces institutions est de réduire les insécurités des activités agricoles, stabiliser les conditions de la production et pallier aux besoins en main d’œuvre au moment des activités agricoles : elles sont des instruments développés par les sociétés rurales pour ‘réglementer les relations’ entre leurs membres au sujet de l’accès aux moyens de production (terre et eau), le calendrier agricole, les pratiques technique et ainsi de suite. 39

La place et le rôle incontournable des autorités coutumières ont encore fait l’objet de précisions de la part d’un document officiel récente (Politique de sécurisation foncière), qui souligne, entre autres, le fait que les autorités coutumières doivent pouvoir jouer efficacement leur rôle au niveau de l’animation des Conseils Villageois de Développement (CVD) (cela nécessitant cependant des aménagements aux textes en vigueur). De nombreux facteurs tendent désormais à transformer d’une manière plus ou moins radicale le paysage institutionnel local et le fonctionnement des institutions. Parmi ces facteurs, il faut souligner la diffusion des principes démocratiques et les bouleversements produits par le retour dans leurs communautés d’une proportion relativement importante d’anciens émigrants disposant à la fois de ressources financière et de capacités ou savoir-faire technique.

• Les Institutions de production : Ces institutions (créés partout dans le pays au cours de 45 dernières années) visent essentiellement à protéger et consolider les stratégies des ménages (stratégies d’investissement et de production, quand cela est possible, ou alors simplement stratégies d’adaptation). Par rapport aux organisations coutumières, ces nouvelles organisations formelles de producteurs sont de nature différente, dans la mesure où leur fonction essentielle est d’organiser les relations avec le monde extérieur. Structures de médiation, elles peuvent être soit des moyens capables d’accélérer l’intégration des communautés rurales au marché et à la société globale soit

37 A. Agrawal (2008); Agrawal A. & Perrin N. & Kononen M .(2009) 38 En anglais : ‘Value institutions’ 39 Rondot P. & Collion M.H. (eds.) (2001).

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des moyens susceptibles d’améliorer les relations de ces communautés avec leurs environnement marchand et social. Ainsi, elles assurent une meilleure gestion des ressources naturelles et des actifs (en tant qu’associations d’usagers), améliorent l’accès aux services économiques et sociaux et permettent aux producteurs de participer aux prises de décision. En particulier, ces organisations paysannes peuvent provoquer et faciliter des changements techniques, économiques et institutionnels. 40

Les institutions locales s’organisent à partir de réseaux assez denses comportant des structures villageoises et intervillageoises (les ONG s’y greffant pour donner une dimension régionale, voire même nationale à ces réseaux). En schématisant, on trouve deux types d’organisation au niveau des villages, à savoir: (i) les Groupements Villageois (GV); et (ii) les Groupements Naam (GN), qui, ayant démarré au début des années 1970, intègrent des valeurs culturelles traditionnelles dans un système villageois de fourniture de services et se développent au sein de réseaux régionaux plus vastes. Ces deux types de groupement constituent, dans la plupart des cas, les interlocuteurs des projets agricoles initiés par le gouvernement et les bailleurs de fonds. Il faut ajouter que le Naam doit davantage être considéré comme un mouvement populaire, alors que l’Association des Six S 41

est une véritable ONG qui s’est inspirée des ‘Naam’ pour lancer de nombreux projets (dans toutes les provinces burkinabé, comme aussi à l’extérieur du Burkina) dont l’objectif est d’élimer les principaux obstacles auxquels doivent faire face les paysans.

• Les Institutions de gestion des services et des actifs 42 : Ces institutions intègrent des objectifs de productivité et de croissance avec les valeurs sociales locales, en assurant la gestion et le développement durable des moyens de production locaux (actifs). Elles sont plus récentes par rapport aux autres institutions et dérivent directement de comités de développement antérieurs en charge de puits et d’autres infrastructures hydrauliques, d’écoles ou de centres de santé, comme aussi de comités de gestion de ressources forestières, animales, hydrauliques, etc. Dans certaines zones rurales, ce type d’institution apparait au moment où les lieux d'exercice des pouvoirs anciens s'effritent. Les populations se montrent alors capables de garder leurs identités et d'inventer un ensemble de règles et de les rendre effectives, dans le cadre d'un espace clairement identifié.43 La plupart de ces institutions s’étendent au-delà d’un village individuel, en appliquant de manière constante des mécanismes inclusifs équitables (‘les comités de gestion de l’eau’ constituent un bon exemple d’une approche qui inclut l’ensemble des usagers et des points d’eau d’une zone géographique donnée). D’autres comités assument des responsabilités précises par rapport aux activités d’élevage et aux conflits qui surgissent entre différents producteurs et/ou différentes formes de production en matière d’accès aux ressources productives (on donne souvent l’exemple du comité de gestion de l’eau de la région de Sanmatenga, qui a apporté une contribution énorme à la réduction du nombre et de l’incidence des conflits entre agriculteurs et éleveurs). Certaines entités défendent les intérêts collectifs d’une catégorie de producteurs, comme l’association APESS (Association pour la Promotion de l’ Elevage au Sahel et en Savane). 44

40 Rondot P. & Collion M.H. (eds.) (2001).

Ainsi, dans l’ensemble, cette

41 Appelée ainsi de son nom complet : ‘Se Servir de la Saison Sèche en Savane et au Sahel’. L’ONG a été fondée en 1976. Pour davantage d’information sur cette ONG et ses activités, voir les sites Internet suivants: http://naam.free.fr/ALLEGE/FNGNAAM.htm; http://www.syfia.info/index.php5?view=articles&action=voir&idArticle=1418. Pour le mouvement ‘Naam , voir : http://www.social-movements.org/fr/node/view/202. Pour d’autres institutions communautaires voir : http://www.social-movements.org/fr/taxonomy_directory /view_tid/324. 42 En anglais : « Service-asset management institutions’ 43 P.J. Laurent, 2007. 44 Voir : http://www.oecd.org/document/11/0,3343,fr_38233741_38242551_42358219_1_1_1_1,00.html.

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catégorie institutionnelle joue un rôle majeur pour soutenir les ménages et les communautés burkinabé dans leur adaptation vis-à-vis des crises de toute nature.

4. ACQUIS ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL DECENTRALISE 4.1 AU NIVEAU DES POLITIQUES L’analyse concernant les acteurs (section 2 de ce rapport) et le cadre politique et institutionnel du développement local (section 3) nous permet de faire un certain nombre de constats sur les acquis et sur les principales contraintes : • Les cadres politiques placent désormais les collectivités territoriales (issues d’élections

démocratiques et libres) au cœur du dispositif institutionnel et juridique du développement local. Les lois de la décentralisation consacrent la gouvernance locale et le droit des collectivités territoriales à s’administrer librement et à gérer des affaires propres, selon leurs propres objectifs et stratégies, en vue de promouvoir le développement à la base. Cependant, force est de constater que le transfert de compétences de l’Etat central en faveur des collectivités locales n’est pas encore effectif et rencontre des problèmes d’ordre administratif, financier et logistique. Les collectivités territoriales disposent, en théorie, de responsabilités très larges. Mais cela semble être sans rapport avec la réalité. En plus, la plupart des compétences locales attribuées par les lois sont peu ou pas exercées par celles-ci. Trop souvent, le principe de la participation inclusive et de la concertation des populations semble être laissé à la discrétion des administrations déconcentrées et de leurs agents.

• La réflexion concernant un modèle décentralisé de développement local a fait beaucoup de progrès au cours des dernières années et a profondément influencé le débat politique national. Cependant, la plupart des politiques sectorielles ne semblent pas être tout à fait alignées par rapport à la décentralisation et les cadres techniques des différents ministères ne semblent pas encore avoir adopté un véritable ‘reflex’ décentralisateur.

• La définition du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation a été marquée par son

caractère graduel, progressif et changeant. Cependant, différentes lois sectorielles ou dispositions réglementaires n’ont pas été suivies par des décrets d’application ou alors sont progressivement devenues caduques et obsolètes.45

• Les dispositions institutionnelles et réglementaires concernant le développement local sont nombreuses et couvrent de domaines très larges. Cependant, il semble y avoir un fort décalage entre cet arsenal juridique et une certaine dose de pragmatisme sur le terrain (par le biais d’expériences de développement communautaire).

• Le cycle de planification du développement local historiquement souligne le rôle capital des

institutions communautaires, surtout par rapport à la gestion des ressources naturelles. Cependant, de nombreuses dispositions sectorielles (à l’exception notable de celles concernant la gestion de l’eau) ne semblent pas être encore tout à fait alignées par rapport à ces orientations.

45 Voir document GRAF (http://www.graf-bf.org/IMG/pdf/Rapport_etude_decentralisation_et_gestion_des_RC.pdf).

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2299

• Pour des raisons politiques et pédagogiques, le processus de mise en œuvre des collectivités locales a commencé dans les milieux urbains. C’est seulement par la suite, en vertu des enseignement tirés de l’expérience des communes urbaines que la communalisation a été étendue au milieu rurale. Cependant, ce passage a été problématique, dans la mesure où la réalité sociale et culturelle du milieu rural est beaucoup plus complexe, impliquant de nombreuses institutions traditionnelles (chefferies terriennes, chefferies politiques, réseaux familiaux de solidarité). Dans certaines régions du Burkina, ces institutions sont encore particulièrement vivaces et absolument incontournables (surtout par rapport à la gestion locale des ressources naturelles, l’accès à la terre et à l’eau, et la gestion du foncier en particulier). En plus, à l’intérieur de ce schéma décentralisé, les élites traditionnelles semblent avoir le plus bénéficié de la situation, ayant pu associer à leur légitimité coutumière un cachet de légalité, créant ainsi une sorte de confusion au niveau des fonctions.46

4.2 AU NIVEAU DU DISPOSITIF INSTITUTIONNEL NATIONAL Certaines analyses organisationnelles 47

ont permis de mettre en évidence plusieurs disfonctionnements au sein du MATD. Cela concerne en particulier les aspects suivants :

• Le MATD est l’un des ministères le plus déconcentré (avec des relais dans toutes les régions et départements). Cela n’empêche que ses agents déconcentrés soient confrontés aux mêmes problèmes de l’ensemble de l’administration publique burkinabé (manque de moyens d’action adéquats, de ressources humaines qualifiées, de ressources financières pour assurer le travail de contrôle et d’appui comme aussi manque de motivation professionnelle - les postes au sein du MATD ne devant pas être perçus autrement que comme ‘un lieu de passage’). Par ailleurs, au sein du MATD, la définition des rôles et des responsabilités de certaines directions n’est pas tout à fait claire (cela conduisant souvent à des chevauchements à un manque de cohérence).

• Le principe juridique de transfert des compétences est confirmé par les dispositions actuelles (avec

l’accent sur la maîtrise d’ouvrage des collectivités locales, par exemple, ou ‘le contrôle de légalité’ des représentants de l’Etat). Cependant, cela donne à plusieurs disfonctionnements. Dans la pratique, le principe de la ‘tutelle à priori’ continue à s’appliquer à de nombreuses matières qui font la substance de l’autonomie locale. Nombre de compétences transférées par les lois aux collectivités territoriales demeurent sous la responsabilité d’entreprises privées ou de sociétés d’État (ceci étant notamment le cas de l’eau et de l’électricité). Par ailleurs, les ministères techniques intervenant dans les domaines des politiques sectorielles publiques (éducation, santé, etc.), continuent à exercer une bonne partie des attributions relevant des collectivités territoriales. A côté de cela, il y a cependant de bonnes pratiques de coordination. Ainsi, par exemple, au sein du Ministère des Ressources Animales, la DGAEP entretient des rapports avec de nombreux ministères : le MECV (pour une meilleure tolérance de l’activité pastorale), le MAHRH pour la prise en compte des soucis de l’élevage dans les aménagements des bas-fonds pour la culture irriguée, et pour l’assainissement (abreuvoirs autour des points d’eau potable); le MATD pour la transhumance transfrontalière; et avec plusieurs projets/programmes du MAHRH et du MRA pour des investissements au profit des éleveurs. Cette concertation et collaboration constitue un élément de première importance dans le contexte d’une lutte contre l’impact multidimensionnel du changement climatique. 48

46 Voir : H. Ouédraogo, 2001. 47 Voir, en particulier, une étude financée par le ‘Programme de renforcement des capacités de l'administration: Département des Affaires Économiques et Financières, 2004. 48 D’après le document préparé par le Réseau MARP Burkina, 2009.

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3300

4.3 AU NIVEAU DE LA MAITRISE D’OUVRAGE COMMUNALE

Le principe de la maîtrise d’ouvrage des collectivités territoriales par rapport au développement local est désormais bien souligné par les lois. Cependant, son application est confrontée à de nombreux problèmes.49

Un document officiel recense plusieurs catégories de communes en fonction de leurs capacités opérationnelles :

(i) une catégorie de grandes communes disposant d’un service technique municipal et capables d’assurer convenablement la maîtrise d’ouvrage

(ii) une catégorie de communes moyennes disposant de services techniques embryonnaires, capables d’assumer partiellement la fonction de maîtrise d’ouvrage;

(iii) une catégorie de communes émergentes, ne disposant pas de ressources permettant de s’impliquer dans l’exercice de la maîtrise d’ouvrage. 50

Les conclusions d’un atelier qui avait regroupé un certain nombre d’élus il y a quelques années (mais qui semblent être toujours d’actualité) indiquent un certain nombre de difficultés susceptible d’entraver l’exercice de la maîtrise d’ouvrage de la collectivité communale. D’une manière générale, dans le processus de réalisation des infrastructures, les communes sont positionnées par défaut comme maîtres d’ouvrage. Mais en réalité elles n’ont aucune maîtrise de leur rôle et responsabilité par rapport à cette fonction, pas plus qu’elles ne sont représentées dans les dispositifs de conduites des travaux pendant le processus de réalisation des infrastructures. Les difficultés les plus importantes semblent s’articuler autour de éléments suivants:

• Malgré les efforts, les ressources humaines et les moyens logistiques dont disposent les collectivités

locales restent insuffisants. Cela concerne le manque de ressources humaines qualifiées comme aussi l’inadéquation des ressources financières et logistiques (avec l’absence de tableaux de bord de suivi des activités, de manuels de procédures, d’objectifs opérationnels).

• La démultiplication des cellules municipales chargées d’apporter des appuis techniques aux communes.

• Les relations entre maître d’ouvrage et maîtres d’ouvrage secondaires dans l’exercice de la maîtrise d’ouvrage sont caractérisée par une grande opacité. Au niveau local, très peu de prestataires de services et d’opérateurs sont effectivement capables d’assurer l’exécution de contrat de services et de construction. Pourtant, très souvent, ce sont les prestataires secondaires qui, au détriment du maître d’ouvrage, exercent un contrôle complet des ouvrages.

• La faible représentation des services déconcentrés de l’Etat au niveau communal, notamment les

ministères techniques clés pouvant accompagner les municipalités dans l’exercice de la maîtrise d’ouvrage.

49 En matière de développement local, la notion juridique de ‘maîtrise d’ouvrage’ (une notion originalement utilisée surtout dans le contexte de l’industrie de la construction) définit la responsabilité d la planification, de l’organisation, de la gestion et de suivi. Ainsi, la maîtrise d'ouvrage est l'entité porteuse des actions de développement et définissant leurs objectifs, leur calendrier et le budget. La notion conjointe de ‘maîtrise d'œuvre’ désigne l'entité retenue par le maître d'ouvrage pour réaliser un volet ou plusieurs volets des actions de développement, responsable des choix techniques inhérents conformément aux exigences de la maîtrise d'ouvrage. 50 Voir le site officiel: http://www.inforoute-communale.gov.bf.

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3311

• La non disponibilité des dossiers techniques relatifs aux projets à réaliser (les prestataires tendent à les conserver à leur niveau sans les mettre à la disposition des maîtres d’ouvrage) ou la discrétion observée autour des contenus des contrats des entreprises et bureaux d’études.

• Le mépris fréquent des prestataires (entrepreneurs) vis-à-vis de l’autorité municipale une fois les contrats signés avec les maîtres d’ouvrage secondaires (cas de la maîtrise d’ouvrage déléguée) : plusieurs entreprises démarrent alors les travaux à l’insu même des autorités communales.

• Le manque de synergie entre les différents instruments intervenant en faveur des collectivités (FICOM, FODECOM, SAGEDECOM, CND/GTZ) – cette situation, cependant, devrait être corrigée grâce aux nouvelles décisions concernant le dispositif financier. En effet, comme déjà mentionné, le Fonds d’appui au démarrage et au développement des communes’ (FODECOM) est devenu en 2002 le Fonds de Développement des Collectivités Locales (FDCT) (à l’origine, il était un instrument d’appui technique et financier aux communes urbaines développé par la Commission Nationale de Décentralisation en 1996).

• Enfin, la plupart des bailleurs de fonds semblent souvent imposer aux municipalités leur vision et leur structure d’accompagnement dans le cadre de la maîtrise d’ouvrage (chaque projet mettant en place sa propre structure technique au niveau des municipalités plutôt que de renforcer celles qui existent déjà).

D’après une analyse du MATD,51

Du côté des acquis, il faut cependant rappeler que l’approche du FODECOM a pu conférer une importance capitale au financement des initiatives de renforcement des capacités des communes. Il avait justement mis l’accent sur la définition des étapes fondamentales de la chaîne de la maîtrise d’ouvrage, en distinguant, entre autres : la définition et la production d’outils devant favoriser l’appropriation par les communes et leurs partenaires du contenu des différentes étapes de la maîtrise d’ouvrage; l’appui à la mise en place et au renforcement de structures locales de planification, de gestion ou de contrôle de la gestion des infrastructures locales ; la mise à la disposition des communes de personnels techniques ; la définition des principaux acteurs et de leur rôle dans l’exercice de la maîtrise d’ouvrage communale.

bien peu des bénéficiaires des investissements locaux (à savoir, entités décentralisées et groupements socioprofessionnels) possèdent les capacités leurs permettant d'assumer véritablement les responsabilités de maître d'ouvrage et de gestion convenable des réalisations acquises. L’une des rasions serait liés au fait que les partenaires financiers ne sont généralement pas disposés à prendre en compte les charges récurrentes et les besoins en provisions pour le renouvellement, le réinvestissement et l'entretien des infrastructures.

52

4.4 AU NIVEAU DES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES Par le biais des CVD (qui ont pris la place des anciens CVGT et CIVGT), le dispositif légal et institutionnel de la décentralisation burkinabé place les institutions villageoises au sein même de l’architecture institutionnelle de la décentralisation. Plus que la plupart des autres pays de la sous-région, le Burkina Faso a fait le choix d’une décentralisation descendant jusqu’aux communautés de base (unités d’action

51 Voir l’analyse du MATD dans son site Internet: Voir : http://www.matd.gov.bf/SiteMatd/ministere/projet/default.html 52 C. Ouattara , 2003.

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collective, au niveau des entités résidentielles villageoises et basées sur les réseaux d’entraide, solidarité et confiance locaux). Par ailleurs, le découpage territorial des CVD a tenu compte de critères aussi variés que l’appartenance à l’autorité d’une même chefferie coutumière, les liens de parenté, la coexistence pacifique, la co-utilisation et cogestion des mêmes ressources naturelles productives, et la co-utilisation des mêmes services et infrastructures sociales. De ce fait, la structure même des CVD s’appuie sur le capital social local, facteur crucial dans la mise en œuvre de stratégies d’adaptation dace aux changements climatiques. Cependant, il y a des ambigüités autour des CVD (et des CVGT, avant eux). En effet : • D’une part, les populations tendent à ne les considérer que comme des étapes nécessaires leur

permettant d’accéder aux ressources financières des programmes de développement.

• D’autre part, dans la mesure où les CVD font partie intégrante de l’architecture institutionnelle de la gouvernance locale, leurs membres seront de plus en plus désignés par les partis politiques et non plus par les membres des villages (cela fera courir le risque que ces membres ne représenteront plus les intérêts des villages, mais simplement ceux des partis).

La principale faiblesse des institutions coutumières et, partiellement, des organisations communautaires de producteurs, concerne les paramètres d’inclusion – ces institutions étant forcement liées à des groupes tribaux, claniques, familiaux réduits, au sein de structures sociolinguistiques précises. Ainsi, par exemple, chez les Mossi, l’invitation aux travaux communautaires appelée susoaaga n’est généralement pas élargie aux autres groupes sociolinguistiques d’une région donnée. Les modèles de prises des décisions, surtout dans les institutions à caractère coutumier, sont caractérisés par l’absence de toute forme de reddition des comptes, même s’ils n’excluent pas complètement certaines formes de participation. Ces institutions coutumières sont par ailleurs sujettes à des transformations assez radicales sous la pression de facteurs internes et externes (comme les relations changeantes entre générations, la fragmentation des familles élargis e unités nucléaires, les forces du marché, les phénomènes de la migration et du retour des émigrants et aussi l’influence des partis politiques dans les affaires locales).53

Par contre, les institutions basées sur la gestion collective des actifs et des moyens de production sont beaucoup plus inclusives et tendent à s’élargir à tous les usagers. Elles ne semblent pas dépendre des affiliations tribales, claniques, culturelles ou linguistiques de leurs membres et sont bâties sur les principes de solidarité et équité. Par ailleurs, c’est le principe du consensus qui caractérise le processus décisionnels (dans le fonctionnement, par exemple, des ‘conventions’ entre villages au sujet de ‘la gestions des terroirs’). Les objectifs de ces institutions sont relatifs à la croissance économique, la génération de la richesse, l’amélioration des sécurités (financière ou alimentaire), la lutte contre la pauvreté (dans toutes ses dimensions). Au-delà des paramètres idéologiques, ces institutions recherchent un équilibre général entre l’intérêt de la communauté et celui de l’individu. Les comités ou conseils et les assemblées visent à garantir une certaine transparence et reddition des comptes.

Comme dans la plupart des pays sahéliens, les ménages burkinabé adoptent toute une gamme de stratégies concernant leurs modes et moyens d’existence 54

53 Voir: T. Hillorst, 2008.

:

54 Voir, plus haut, la Figure 10. Pour cette section, voir : A. Bonfiglioli, (2004).

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• Rares sont les ménages qui peuvent adopter de véritables stratégies d’investissement afin d’accroître leurs possibilités génératrices de revenu et leur capital financier.

• Beaucoup plus nombreux sont les ménages qui adoptent des stratégies d’adaptation comportant des choix pouvant conduire à d’importants changements sociaux et économiques (comme une diversification des activités non agricoles, le gardiennage de cheptel appartenant à des propriétaires absentéistes vivant dans les centres urbains, la migration de tout le ménage vers des terres moins marginales, etc.).

• D’autres ménages, se trouvant dans une situation de pénurie encore plus grande, doivent par contre adopter de véritables stratégies de survie vis-à-vis de crises saisonnières ou récurrentes (en réduisant, par exemple, les dépenses consacrées à l’alimentation ou en diversifiant les activités productives.

• Au bas de l’échelle, les ménages les plus pauvres doivent se résigner à adopter des stratégies restrictives (ou de retrait) qui visent essentiellement à réduire au minimum les dépenses (alimentation, éducation, santé, etc.) et/ou à vendre des actifs productifs essentiels (terre, bétail, matériel).

4.5 CONTRAINTES PROPRES AU DEVELOPPEMENT LOCAL Le développement local burkinabé fait face à de nombreuses contraintes. Pour ne citer pêle-mêle que certains facteurs de blocage identifiés récemment par un document officiel déjà mentionné,55

on rappellera les contraintes suivantes:

• La compétition accrue et conflictuelle entre acteurs pour le contrôle et l’exploitation des terres.

• La poursuite et même l’intensification, dans certaines régions, de migrations agricoles et de transhumances pastorales.

• La multiplication et aggravation des conflits entre acteurs ruraux (au sein d’un même système de production comme aussi entre systèmes de production différents) à l’occasion de la mise en valeur des terres et de l’exploitation des ressources naturelles.

• Le développement d’un processus de concentration des terres entre les mains d'entrepreneurs ruraux dénommés agro businessmen ou ‘nouveaux acteurs’.

• La faible efficacité des mécanismes juridiques et institutionnels de gestion foncière et de gestion des conflits en milieu rural.

Il est très vraisemblable que les crises liées au changement climatique ne fassent qu’exacerber la portée de ces facteurs et leur impact sur les modes et moyens d’existence locaux.

Un autre enseignement des expériences passées concerne la difficulté de tout ciblage des groupes vulnérables. L’identification des groupes vulnérables et des malnutris et le ciblage de poches de vulnérabilité alimentaires ont constitué un problème majeur pour les programmes de sécurité alimentaire. Il est très probable que cela constitue aussi un obstacle important à la mise en place

55 Le document de ‘Politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural’.

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d’interventions et de politiques cohérentes en matière de changement climatique. En effet, le système d’information est assez fragmentaire et l’instabilité géographique des populations rurales est assez grande. 56

4.6 DECENTRALISATION ET CYCLE DE PLANIFICATION DU DEVELOPPEMENT LOCAL La répartition des tâches entre l’État et les collectivités territoriales est en principe assez claire : l’État se charge de l’élaboration et de la mise en œuvre des politiques nationales sectorielles, des réglementations et normes nationales, de la construction, de la réparation et de l’entretien des infrastructures et équipements d’intérêt national et régional, du versement du salaire du personnel technique (encadrement), etc. Les collectivités territoriales, quant à elles, sont chargées de la mise en œuvre des activités de promotion et de développement des secteurs de leur compétence conformément aux normes prescrites par l’État, de la réalisation, de l’entretien et de la gestion (réparations, gestion du personnel, soldes et accessoires de solde du personnel d’appui, etc.) des infrastructures et des équipements. 57

Mais dans la réalité, les processus sont plus complexes. En effet :

• De nombreux ministères sectoriels voient d’un œil critique la décentralisation et le transfert de compétences et de ressources aux collectivités territoriales (voire ils y sont même franchement opposés), et les politiques sectorielles ne sont généralement pas encore axées sur la décentralisation.

• Les documents de politique sectorielle ne tiennent pas toujours compte de la maîtrise d’ouvrage des collectivités locales. La méthodologie ‘participative’ décrite par le document du PANA, par exemple, mentionne les concertations entreprises avec ‘les représentants des principaux acteurs (services administratifs et techniques, ONG, projets et organisations des producteurs)’, mais néglige de mentionner les structures communales et communautaires locales. Et, en plus, si elle tient compte ‘des politiques, plans et programmes en cours d’exécution ou d’élaboration’, elle ne fait aucune référence aux plans de développement locaux.

• La valeur des plans de développement communaux est parfois fortement relativisée par l’existence parallèle de schémas d’aménagement du territoire au niveau communal, provincial, régional et national, préparés par les ministères sectoriels et appuyés par les partenaires techniques et financier.

• Les services des ministères sectoriels au niveau local n’ont pas les capacités nécessaires pour

soutenir les communes comme il le faudrait. En outre, les relations entre ces services et les communes sont problématiques, car les nouvelles collectivités territoriales limitent l’influence et les pouvoirs de décision dont disposaient jusqu’ici les services déconcentrés.

Le processus de planification du développement local a été clarifié par le biais de la production de deux guides nationaux de planification locale (communes et Régions). Ces guides capitalisent les enseignements appris des systèmes de planification développés par les différents programmes et projets de développement de la période de pré-décentralisation.

56 Voir : www.ird.bf. 57 Voir le graphique de l’Annexe 4.

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Par ailleurs, on a déjà mentionné comment les étapes clés de la maîtrise d’ouvrage communale ont bien été définies dans le cadre des procédures d’allocation de fonds d’investissement au collectivités (dans le cadre de l’ancien FODECOM). En particulier, elles concernent les aspects suivants: l’élaboration d’un plan local de développement (qui devrait constituer le fondement de l’action des partenaires de la commune); l’identification des projets retenus dans le plan local de développement; le montage de dossiers de projets; le montage de dossiers de recherche de financement ; la mobilisation des ressources; l’élaboration des dossiers d’appel d’offres; le lancement des appels d’offres; l’ouverture et l’analyse des offres; l’attribution des marchés; le suivi de l’exécution des chantiers; l’évaluation et la réception des ouvrages; l’exploitation et la gestion des ouvrages. La stratégie développée a intégré pour une large part la production d’outils pédagogiques conçus sous la forme de Guides thématiques. Cependant, la traduction de ces procédures dans des pratiques et des comportements est encore laborieuse, voire même défaillante. En effet, jusqu’à présent, il ne semble exister un système de planification harmonisé (entre différents niveaux institutionnels) ou unifié (chaque ministère suivant ses propres paramètres, chaque projet ou programme ses propres procédures). Certains rapports d’évaluation indiquent un certain nombre de problèmes spécifiques auxquels fait face le cycle de planification et réalisation des initiatives du développement local : • La faible mobilisation des ressources financières par les collectivités territoriales • L’analphabétisme et l’illettrisme de certains élus • Les insuffisances d’outils d’aménagement et de planification • La faible implication des partis politiques dans la formation de leurs conseillers • La mauvaise gestion des deniers des collectivités ;l’incohérence des textes • La méconnaissance des élus de leurs rôles. La mise en place des novelles dispositions légales et financières peut faire espérer à ce que les conditions favorables soient réunies par rapport à un système pérenne de financement de la décentralisation ni un système de fongibilité des fonds pour assurer son financement dans l’optique d’un développement local durable. Par ailleurs, des réformes au niveau du Trésor Public ont permis de sécuriser le financement des collectivités territoriales et atteindre une certaine crédibilité vis-à-vis des partenaires financier au développement par une liquidité constante au cours des deux dernières années, cela ayant contribué à diminuer les tensions de trésorerie et les lenteurs dans les paiements. En matière de ‘traçabilité’ de l‘appui financier extérieur, chaque partenaire technique et financier peut désormais retrouver les traces de son financement, avec spécification des objets de financement et les affectations géographiques des ressources

4.7 LES ACQUIS DES PROGRAMMES DE LA BANQUE MONDIALE

4.7.1 Le Programme National de Développement Rural Décentralisé (PNDRD) Au cours de sa première phase, le PNDRD avait appuyé le processus du développement local au Burkina. Son objectif principal consistait à réduire la pauvreté et promouvoir un développement soutenable en appuyant une stratégie de développement rural décentralisé et participatif basée essentiellement sur la fourniture de services et d’infrastructures socio-économique et sur le renforcement des capacités de la société civile et des institutions décentralisées. Le dispositif financier de la Phase I prévoyait deux guichets, le premier en faveur des organisations rurales de base pour le financement d’initiatives socio-économiques reflétant les priorités locales et le deuxième dans le cadre d’investissements de plus grand

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envergure identifiés par le collectivités et réalisés par les provinces. En plus, le PNDRD a initié des activités expérimentales dans le domaine du foncier. D’un point de vue quantitatif, les résultats et les acquis de cette première phase apparaissent considérables. Il suffira d’en rappeler quelques uns : Etablissement de CVGT dans environ 4.000 villages, programmes de formation des CVGT en matière de planification, gestion et suivi du développement local, réalisation d’environ 12.000 micro-projets (pour un total estimé à environ 39 millions US$), dont 40% pour des investissements l’approvisionnement en eau, 30% pour des infrastructures sociales et 16% pour la gestion de l’environnement Une évaluation interne de la fin de 2006 avait aussi mis en lumière les principaux enseignements qualitatifs du programme : • La responsabilisation effective des collectivités par rapport à l’identification, évaluation,

cofinancement et réalisation des initiatives de développement constitue une garantie d’harmonisation et d’appropriation.

• Le renforcement efficace des capacités locales, qui a permis aux CVGT d’assurer la coordination des activités de développement au niveau des villages.

• La durabilité des activités de développement est assurée par l’implication de toute la collectivité dans leur prise en charge.

• La valorisation des leaders communautaires et des formes de partenariat comme garantie du succès des différentes initiatives.

• La cohésion sociale au sein des villages fortement été renforcée par un système de gestion transparente des fonds.

La Phase II du PNDRD est fortement axée sur les acquis de la première phase, tout en tenant compte des changements récents en matière de politique de développement, qui ont permis d’accélérer le processus de ‘communalisation intégrale’ du territoire national. Désormais, ce sont toutes les 302 communes rurales qui peuvent bénéficier des initiatives du programme à la fois en matière de renforcement des capacités locales et de planification et financement du développement local.58

Dans un pays comme le Burkina Faso où plus de 80% de la population vit d’activités productives en zone rurale, la Phase II devrait davantage mettre l’accent sur les pratiques les plus soutenables de gestion des ressources naturelles. Dès lors, les plans de développement communaux devraient davantage refléter les dimensions liées à la gouvernance environnementale et la gouvernance foncière et les plans d’investissements communaux devraient donner une place grandissante à des initiatives visant à la protection, gestion et exploitation durable des ressources.

Pour prendre en compte les différents niveaux et les compétences respectives des collectivités, le programme soulignera le principe de la ‘subsidiarité’, d’après lequel les activités de planification, programmation et financement du développement local ont lieu au niveau institutionnel compétent le plus proche de la base. Si la Phase I avait donné une assistance précieuse au Gouvernement pour la mise en œuvre de la vision décentralisée du développement rural, la Phase II est davantage centrée sur l’harmonisation et la coordination des approches au niveau local, en fonction des compétences des collectivités communales.

4.7.2 D’autres projets de la Banque Le Projet de Gestion intégrée des Ecosystèmes des bas-fonds du Sahel (‘Sahel Integrated Lowland Ecosystem Management Project’, SILEM) a pour but d’améliorer de manière durable la capacité productive des ressources du milieu rural (ressources naturelles, mais aussi physiques, humaines et financières), dans certaines zones à bas-fonds. En travaillant en étroite synergie avec le PNDRD, le projet

58 En termes de financement des investissements du développement local, la Phase II prévoit un montant d’environ 68,3 millions US$.

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vise à renforcer les capacités de collectivités locales, en matière notamment de planification et mise en œuvre et suivi d’un système de ‘gestion intégrée de l’écosystème’.

5. PERSPECTIVES POLITIQUES DE DEVELOPPEMENT LOCAL

5.1 PERSPECTIVES GENERALES Au Burkina Faso, comme ailleurs, les axes stratégiques de toute politique de développement local intégrant le changement climatique devraient protéger et valoriser le capital dont disposent les ménages et les communautés rurales de base. Ainsi, il s’agira : Par rapport au capital naturel : Améliorer la résilience des ressources naturelles et de leur

productivité (par le biais d’une gestion durable des terres), de manière à pouvoir supporter les modes et moyens d’existence des ménages vulnérables 59

et renforcer les stratégies locales d’adaptation au changement climatique.

Par rapport au capital physique : Créer et gérer les infrastructures sociales et économiques collectives en fonction d’une technologie appropriée (en mettant explicitement l’accent sur la résilience de ces infrastructures au changement climatique)

Par rapport au capital économique : Identifier des activités productives extra-agricoles dans les

zones rurales permettant aux ménages pauvres et particulièrement vulnérables au changement climatique de produire un revenu pour subsister. Aussi : améliorer les synergies entre l’économie rurale et l’économie urbaine, à partir de l’hypothèse que l’amélioration des échanges entre la zone rurale et les zones urbaines (surtout villes rurales moyennes) peut contribuer à réduire la vulnérabilité des ménages ruraux.

Par rapport au capital social : Consolider les réseaux de solidarité et les modèles d’entraide locaux,

et affermir le rôle des associations de la société civile en matière de lutte contre les effets néfastes du changement climatique.

Par rapport au capital humain : Mettre en place des programmes de sensibilisation, information et

formation adéquats au sujet du changement climatique – les politiques et les stratégies ne pourraient pas produire des résultats concrets, sans une prise de conscience préalable, au niveau des populations et des décideurs, de la réalité du changement climatique et de son impact sur les modes et moyens d’existence locaux.

Par rapport au capital financier : Améliorer la fourniture de services financiers appropriés (micro-

finance) en faveur des ménages pauvres et particulièrement vulnérables aux crises climatiques (qui normalement resteraient coupés de toute approche conventionnelle).

Dans la définition et la mise en œuvre de cette politique, le rôle des collectivités territoriales est crucial en vertu du principe de leur maîtrise d’ouvrage du développement local et de leurs avantages

59 L’expression ‘modes et moyens d’existence’ sert à traduire l’expression anglaise ‘household livelihood’, à savoir l’ensemble de potentiels, actifs (ressources à la fois matérielles et sociales) et activités nécessaires pour assurer l’existence (réserves, produits alimentaires et biens monétaires pour répondre aux besoins de base).

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comparatifs. A cause même de leur nature (à la fois locale et régionale), les crises climatiques devraient permettre de mieux préciser la signification de cette maîtrise d’ouvrage, comme aussi les pouvoirs réglementaires que les collectivités exercent à l’intérieur de leurs juridictions, comme aussi les mécanismes de concertation nécessaires entre collectivités et entre collectivités et services techniques. 5.2 INITIATIVES SPECIFIQUES Les axes stratégiques devraient être traduits par tout un ensemble d’initiatives spécifiques, une véritable ‘feuille de route’ politique, institutionnelle et financière, visant à intégrer le changement climatique dans le discours et les pratiques du développement local. Les recommandations suivantes s’adressent en priorité aux programmes de la Banque mondiale 60

(voir la représentation graphique de ces initiatives dans l’Annexe 3).

I. MISE A JOUR DES CADRES POLITIQUES ET DES STRATEGIES OPERATIONNELLES : Processus de prise en compte et intégration (mainstreaming) du thème du ‘changement climatique’ dans les politiques et les pratiques de développement I.1 Intégrer la perspective du changement climatique dans la CSLP et dans le PANA

La Cadre stratégique de Lutte contre la Pauvreté, en tant que cadre de référence de toute la politique de développement social et économique du Burkina Faso devrait pouvoir intégrer le changement climatique (surtout par rapport aux initiatives appropriées destinées à affermir l’adaptation des populations vulnérables). A l’instar des réponses aux crises alimentaires, il s’agira aussi d’inscrire dans le CSLP lui-même un ensemble de ‘filets de sécurité’ appropriés. Pareillement, la réflexion du PANA sur le changement climatique et les réponses à y apporter devrait davantage tenir compte des politiques de décentralisation et du rôle incontournable des collectivités locales. Action : Concertations avec le comité interministériel et les ministères concernés.

I.2 Approfondir la méthodologie concernant les études diagnostiques sur les risques (risk

assessments), sur les vulnérabilités (vulnerability assessment) et les effets sociaux du changement climatique Les paramètres sociaux concernant l’impact du changement climatique au Burkina Faso sont connus surtout par le biais d’une réflexion sur les sécheresses et les famines. D’après les spécialistes, le changement climatique rendra encore plus probables les sécheresses, augmentera leur sévérité et leur impact sur les modes et moyens locaux d’existence.61

Des études diagnostiques socio-économiques adéquates devraient être conduites pour mieux identifier les dimensions de la vulnérabilité des ménages au changement climatique et les mesures d’adaptation locales.

62

60 Certaines de ces recommandations sont reprises du document préparé par le Réseau MARP/Burkina (2009).

61 Voir une liste des impacts attendus des changements climatique dans : Réseau MARP Burkina (2009). 62 Le document du PANA/Burkina précise la signification des deux termes ‘vulnérabilité’ et ‘adaptation’. La vulnérabilité est définie comme la susceptibilité d’un système naturel ou humain à être affecté par les effets négatifs du changement, de la variabilité ou des extrêmes climatiques. L’adaptation se réfère à tout ajustement dans les systèmes naturels ou dans les activités humaines, en réponse aux impacts réels ou prévus du changement climatique, ajustement permettant d’en atténuer les effets néfastes ou d’en exploiter les opportunités bénéfiques.

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Action : Concertation avec les cellules ‘suivi et études’ des principaux programmes actuellement en cours.

Encadré 9 : Adaptation de l’agriculture aux changements climatiques 63

Du 27 au 30 avril 2009 s’est tenu à Ouagadougou, au Burkina Faso, un Atelier international sur l’adaptation de l’agriculture ouest africaine aux changements climatiques. Cet atelier a regroupé plus de 70 experts et décideurs pour discuter et formuler des recommandations par rapport aux options d’adaptation au changement climatique dans les secteurs de l’agriculture, de l’élevage, des forêts et de la pêche en Afrique de l’Ouest. 64

L’atelier a identifié plusieurs recommandations destinées à minimiser la vulnérabilité à court et à long termes de la région ouest africaine par rapport au changement climatique. Parmi ces recommandations, les suivantes revêtent une importance particulière:

• Intégrer dans les programmes nationaux et régionaux de développement les stratégies d’adaptation et de mitigation des changements climatiques ;

• Mettre en exergue dans les politiques de développement national le rôle primordial des services et produits météorologiques et climatiques dans la recherche des solutions d’adaptation aux changements climatiques de l’agriculture ouest africaine;

• Améliorer la gestion des ressources en eau et centrer principalement celle-ci sur le renforcement de la sécurité alimentaire de la région ;

• Mettre en place une base de données globale et orientée vers l’action, la documenter et diffuser les informations auprès des petits producteurs relativement aux options d’adaptation concernant les différents systèmes d’agriculture et moyens de subsistance et zones agro écologiques y compris les mesures et politiques ;

• Mobiliser les ressources nécessaires pour renforcer la recherche sur l’impact du changement climatique sur l’agriculture dans les différentes zones agro écologiques d’Afrique de l’Ouest comme preuve empirique dans la mesure où les résultats de la recherche dans ce domaine restent largement insuffisants ;

• Faciliter un meilleur accès au crédit et aux intrants agricoles pour intensifier les systèmes de production intégrée comme agriculture-élevage et aquaculture-agriculture, à travers une gestion améliorée des ressources naturelles et l’utilisation de variétés et races d’animaux adaptées ;

• Initier et renforcer la coopération entre les institutions universitaires et de recherche, les organisations internationales et régionales, et les ONG pour offrir des opportunités en matière de renforcement institutionnel, de développement des ressources humaines et de renforcement des capacités pour

63 Voir :http://www.wmo.int/pages/prog/wcp/agm/meetings/iwacc08/documents/Ouagadougou_declaration_fr.pdf. 64 Cet Atelier avait été organisé conjointement par l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), l’Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture (FAO), l’Agence Météorologique de l’Etat espagnol (AEMET), la Banque Africaine de Développement (BAD), la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Institut International de Recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT), et l’Institut International de Recherche sur l’Elevage (ILRI) et la Direction Générale de l’Aviation Civile et de la Météorologie du Gouvernement du Burkina Faso.

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faire face aux impacts du changement climatique

II. CONSOLIDATION DU DISPOSITIF INSTITUTIONNEL POUR UNE BONNE GOUVERNANCE: Au niveau des collectivités communales et des liens horizontaux au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), des mesures peuvent contribuer à la mise en œuvre des principes essentiels de la bonne gouvernance (transparence, participation et reddition des comptes) II.1 Accélérer le processus de mise en œuvre des liens horizontaux entre communes et entre CVD

Cela pourrait favoriser, d’un point de vue juridique et institutionnel, la définition de mesures globales de lutte contre les changements climatiques (avec des mesures incitatrices financières appropriées) au-delà des limites administratives d’une commune. Action : PNDRD

II.2 Accélérer la mise en œuvre des liens horizontaux entre communes dans le cadre des EPI (avec

l’identification de toutes les mesures incitatrices de nature financière appropriées). Action : PNDRD

II.3 Contribuer à renforcer le mandat du Service Foncier Rural au sein de chaque commune par

rapport à l’impact du changement climatique sur le foncier (la sécurisation foncière étant un élément essentiel des stratégies d’adaptation des communautés et des ménages). Action : PNDRD

II.4 Définir les modalités d’un véritable système d’alerte précoce concernant les changements climatiques et mise en place d’un réseau de cellules d’alerte précoce sur les changements climatiques’ (au sein de chaque collectivité communale et des CVD). Action concertée : programmes/projets de développement, systèmes actuels d’alerte précoce. Les systèmes d’alerte précoce existants opérant surtout dans le domaine des crises alimentaires devraient être utilisés, surtout pour leur charpente institutionnelle (voir le CNSA ci-dessus, appendice de la section 4). Cela nécessitera le renforcement des capacités analytiques d’institutions gouvernementales comme le SAP et le SISA) et des synergies avec des services spécialisés (comme la Direction de la Météorologie). Un autre élément concerne les mécanismes permettant une remontée rapide des informations. Action concertée : SISA avec CNSA

III. RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ACTEURS : Information, formation, réseaux d’alerte précoce, ‘menu’ d’initiatives appropriées (mesures d’adaptation) selon les zones agro-écologiques et les systèmes de production.

III.1 Organiser des campagnes de sensibilisation des populations.

Ces campagnes devraient porter sur les problèmes généraux liés au changement climatique et à ses effets sur les modes et moyens d’existence des ménages et des communautés rurales et urbaines. Action : Appui aux Comités interministériels.

III.2 Mettre en œuvre un programme d’information adéquate des acteurs nationaux et locaux

(élus et leaders communautaires) sur le problème du changement climatique.

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4411

Le concept du ‘changement climatique’ n’est as encore entré dans le discours politique local. Pourtant l’expérience déchirante des inondations de juin-juillet 2007 et, plus récemment, du 1 Septembre 2009, ont contribué à lui donner toute son importance.65

Cette campagne d’information aurait par conséquent une importance cruciale, pour répondre aux besoins importants ressentis chez les acteurs en termes d’informations sur les changements climatiques (origine, manifestations, conséquences, etc.). Ce volet pourrait susciter, entre autres, l’organisation d’ateliers ou séminaires permettant une meilleure collaboration entre spécialistes (climatologues, environnementalistes, météorologues, hydrologues, etc.) et décideurs nationaux et locaux. Action : PNDRD avec MEVC.

III.3 Former des animateurs et des enquêteurs communautaires. Les animateurs seraient capables de gérer la mise en œuvre de pratiques communautaires appropriées pour combattre l’impact du changement climatique (par le biais, le plus souvent, de la méthode dite ‘Haute Intensité de la main d’œuvre’, HIMO). Les enquêteurs seraient à même de collecter les informations climatiques appropriées, et qui opéreraient au sein de véritables ‘cellules d’alerte précoce sur les changements climatiques’ au sein de chaque collectivité communale (ou ensemble homogène de collectivités communales). Action : PNDRD avec MEVC et MAHRH

III.4 Améliorer les capacités des communautés locales en matière d’entretien et maintenance des infrastructures socio-économiques collectives

Certaines infrastructures sociales et économiques de zones particulièrement vulnérables au changement climatique peuvent nécessiter des formes d’entretien et de maintenance particulières. Il serait opportun d’améliorer les capacités locales en cette matière. On pourrait penser, entre autres, aux infrastructures suivantes : forages et puits cimentés (équipement, abreuvoirs, voies d’accès à l’eau); marchés et abattoirs ; pompes éoliennes et solaires ; petits barrages, réservoir et retenues d’eau; bâtiments et clôtures d’écoles primaires; bâtiments et clôtures de postes de santé; etc. Action concertée au niveau de plusieurs ministères sectoriels en collaboration avec le programme/projets de développement actuellement en cours.

IV. MISE A NIVEAU DU PROCESSUS DE PLANIFICATION : Intégration des niveaux de planification et responsabilisation des acteurs (en fonction du principe de la subsidiarité)

IV.1 Améliorer les synergies entre différents acteurs institutionnels et différents niveaux

institutionnels Cela concerne une meilleure mobilisation de toutes les instances nationales en charge de la planification du développement local au sujet de la lutte contre le changement climatique. Cela ne pourra avoir lieu que grâce à une campagne adéquate de sensibilisation des populations et de formation des cadres et des ‘décideurs’. Action concertée avec tous les ministères techniques concernés.

IV.2 Intégrer la dimension climatique dans les plans de développement communaux

Grâce encore à une campagne adéquate de sensibilisation des populations et de formation des responsables des collectivités territoriales, il sera nécessaire de mieux intégrer dans les plans de

65 On rappelle, par exemple, que le 1 Septembre 2009, dans l’espace d’environ dix heures, la ville de Ouagadougou a reçu environ 263 mm de pluie, ce qui correspond à environ 35% de sa pluviométrie annuelle moyenne (qui est d’environ 750 mm).

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développement communaux le changement climatique et son impact sur les modes et les moyens d’existence locaux (avec l’identification de différentes stratégies d’adaptation). Cela nécessitera une méthode de planification intégrée et efficace qui inclut les dimensions publiques et privées. Action : Appui aux Collectivités territoriales avec le MISPD

Figure 10 : Initiatives recommandées concernant l’appui à l’adaptation au changement climatique (CC)

DISPOSITIF INSTITUTIONNEL • Meilleurs liens horizontaux entre communes et CVD • Mise en œuvre effective de l’Inter-communalité (EPI) • Renforcement du mandat du SFR au sein des communes • Définition d’un système alerte précoce de crises liées au CC

POLITIQUES & STRATEGIES • Intégration perspective changement climatique dans CSLP et PANA • Méthodologie diagnostic risques et vulnérabilités

RENFORCEMENT DES CAPACITES DES ACTEURS INSTITUTIONNELS • Campagnes de sensibilisation de la population sur le CC • Programmes d’information pour décideurs, élus et leaders

communautaires • Formation animateurs et enquêteurs communautaires sur le CC • Amélioration des capacités locales en maintenance des

infrastructures collectives (affectées par le CC)

PLANIFICATION ET PROGRAMMATION MESURES D’ADAPTATION AU CC • Améliorer les synergies entre différentes institutions et différents niveaux institutionnels • Intégrer le thème du CC dans les plans de développement communaux • Etablir un menu d’initiatives pour plans d’investissements communaux • Définir procédures et modèles d’opérations contre le CC au niveau intercommunal • Responsabiliser les institutions communautaires par rapport à la planification et la mise

en œuvre de mesures d’adaptation au CC

DISPOSITIF FINANCIER • Ligne ‘Appui adaptation au CC’ au sein du PNDRD • Ligne budgétaire consacrée dans le FPDCT • Micro-finance ciblant ménages vulnérables au CC

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4444

IV.3 Etablir un ‘menu’ d’initiatives à court terme permettant de mitiger l’impact négatif du changement climatique (actions spécifiques de lutte contre le changement climatique pour les plans d’investissements communaux) Au niveau de zones agro-écologiques homogènes - avec leurs propres caractéristiques climatiques et leurs propres systèmes ou sous-systèmes de production - il faudrait définir un ensemble de mesures permettant de réduire l’impact socio-économique des changements climatiques. Ces mesures de lutte contre le changement climatiques font partie de la lutte contre la pauvreté et doivent par conséquent éviter de creuser davantage les inégalités sociales (entre groupes et/ou entre zones géographiques). Dans cette optique, il faudra aussi mieux intégrer les connaissances et les meilleurs pratiques environnementales locales dans la formulation de stratégies d’adaptation. Action : MAHRH en collaboration avec les programmes/projets intervenant actuellement en matière de gestion durable des terres.

Encadré 11 : Eléments concernant la mise en œuvre des initiatives d’adaptation aux risques climatiques

Le cycle de planification et de mise en œuvre des initiatives d’adaptation aux risques climatiques devrait fonctionne selon un processus graduel et séquentiel qui respecte les principes essentiels du développement local : i) Conduite d’études référentielles sur les modèles de pauvreté/vulnérabilités aux crises, déterminants de la pauvreté, hétérogénéité des pauvres, comme aussi savoir-faire environnementale et stratégies d’adaptation traditionnelles. ii) Montage institutionnel des initiatives envisagées (rôle des différents acteurs, principes concernant le partage des responsabilités, cadre des normes de conduite ou ‘règles de jeu’ permettant au acteurs d’agir individuellement et collectivement). iii) Etablissement des mécanismes financiers appropriés (au niveau central et local), en insistant sur la coordination et la cohérence ; iv) Mise en place d’un système d’appui/conseil efficace capable de fournir aux collectivités territoriales l’assistance technique dont elles ont besoin ; v) Définition et mise en œuvre d’un système cohérent de suivi et d’évaluation (pour assurer la réalisation des résultats attendus et évaluer l’impact général des initiatives sur la réduction de la vulnérabilité climatique).

IV.4 Envisager la planification/mise en œuvre d’actions intercommunales de lutte contre le changement climatique. Mettre en œuvre le principe de l’intercommunalité (dans le cadre des établissements publics de coopération intercommunale, EPCI), pour lancer des initiatives de plus grande envergure de lutte contre les effets du changement climatique au niveau de plusieurs collectivités partageant les mêmes contraintes agro-climatiques.

Action : PNDRD

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IV.5 Responsabiliser les institutions communautaires Définir des mécanismes efficaces permettant aux CVD de mieux participer au diagnostic du changement climatique au niveau local et d’apporter leur savoir-faire et leur connaissance environnementale dans la définition des mesures d’adaptation appropriées.

V. CONSOLIDATION ET ELARGISSEMENT DU DISPOSITIF FINANCIER : Instruments financières V.1 A court terme, créer au niveau du PNDRD une ligne budgétaire ‘Investissements CC ‘

Créer au niveau du PNDRD une nouvelle ligne budgétaire d’investissement expérimentale (‘investissements Changement Climatique), au sein du ‘Fonds d’investissement local’ . Cette ligne permettrait aux collectivités communales de planifier et programmer des investissements destinés explicitement à réduire l’impact néfaste du changement climatique sur les groupes de producteurs, particulièrement les groupes les plus vulnérables (il s’agirait d’investissements additionnels par rapport à ceux déjà prévus, mais qui seraient également inscrits dans les plans annuels d’investissements communaux). Action : PNDRD.

V.2 A long terme, établir un fonds discrétionnaire (block grant) concernant ‘le changement

climatique’ au niveau du Fonds Permanent pour le Développement des Collectivités Territoriales (FPDCT) Etudier avec les responsables du FPDCT et les partenaires financiers qui soutiennent le Fonds la possibilité de créer un instrument financier spécialisé distinct permettant aux collectivités territoriales d’opérer des investissements dans le domaine de la lutte contre les effets sociaux du changement climatique. Action : PNDRD, FPDCT et principaux bailleurs de fonds du développement local.

V.3 Assister le Gouvernement à renforcer le système de micro-finance en faveur des ménages

pauvres et vulnérables. Cela permettrait d’aider ces ménages à adopter des stratégies d’adaptation contre le changement climatique. Action : Concertation avec des institutions spécialisées dans la micro-finance, avec la collaboration des programmes/projets de développement actuellement en cours.

5.3 VUE D’ENSEMBLE La ‘feuille de route’ présentée ci-dessus identifie les cinq composantes essentielles de toute politiques visant à affermir l’adaptation au changement climatique :

• L’affermissement de l’architecture institutionnelle appropriée, • La clarification de dispositions institutionnelles cohérentes permettant des actions collectives à

partir du principe de la subsidiarité; • Le renforcement des dynamiques que les acteurs institutionnels sont capables de générer (surtout

par rapport à la libération des énergies des groupes vulnérables). • L’élargissement du dispositif financier permettant des investissements appropriés, • La mise en œuvre, la gestion et le suivi d’un ensemble varié et coordonnée d’initiatives

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6. CONCLUSION

Ce rapport a identifié les principales institutions du développement local au Burkina Faso – donnant à la notion d’institution la double signification d’institutions/organisations (architecture organisationnelle) et d’institutions/normes (normes, mécanismes et ’règles de jeu’ affectant le comportement individuel et collectif des acteurs). Le rapport a ainsi analysé les différents cadres de politique de développement local, voire les principaux axes stratégiques, présenté les principales leçons qu’on peut tirer de la mise en œuvre de ces politiques. A un niveau concret, le rapport a surtout tenté de voir comment ce dispositif institutionnel soutient les communautés et les ménages burkinabé dans l’adoption des stratégies les plus appropriées par rapport à leurs modes et moyens d’existence. Il a enfin formulé un certain nombre de recommandations axées sur le dispositif institutionnel par rapport au changement climatique, élément nouveau du paradigme du développement local. Au-delà des résultats issus de la partie analytique, ce rapport met l’accent sur un certain nombre d’éléments généraux. L’existence d’un cadre de politique de développement local et de lutte contre la pauvreté Le Burkina Faso dispose d’un cadre de politiques de développement sectoriel assez vaste, hétérogène et complexe, mais manquant d’une cohérence interne. Cependant, avec la définition du Cadre stratégique de lutte contre la pauvreté (révisé en 2003), accompagné par le Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation (CSMOD) en 2006, le pays dispose désormais d’une vision stratégique homogène du développement social et économique.

Toute initiative visant à réduire l’impact du changement climatique sur les modes et les moyens d’existence des populations burkinabé devra nécessairement s’inscrire à l’intérieur de la vision de développement local existante et s’appuyer sur l’architecture institutionnelle décentralisée déjà en place.

Cependant, un cadre de politique de développement local qui souligne l’importance de mesures d’adaptation ne saurait pas être conçu comme une alternative à des mesures de réduction des concentrations des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Ainsi, l’adaptation ne constitue que l’une des dimensions d’une solution globale, qui est du ressort des politique énergétiques du Gouvernement burkinabé et de la communauté internationale.

Une prise de conscience grandissante de la gravité du changement climatique Même si les effets du changement climatique sont déjà tangibles et réels, quoique variés selon les différentes zones agro-écologiques du pays, le thème de ‘changement climatique’ ne semble pas encore exercer une influence directe sur le débat politique et les comportements. Il existe cependant une réflexion embryonnaire au sujet des principaux paramètres écologiques, climatiques, météorologiques, sociaux et économiques du changement climatique et de l’identification des mesures correctives adéquates.

Une plus grande prise de conscience de la réalité et de la menace du changement

climatique devrait conduire à intégrer des réponses et des mesures d’adaptation

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appropriées dans la politique de lutte contre la pauvreté et dans la stratégie de développement local.

Toute politique visant à améliorer l’adaptation des populations vulnérables au changement climatique devrait être considérée comme une priorité visant à garantir à long terme l’efficacité de toute initiative de lutte contre la pauvreté et de développement durable. L’impact négatif du changement climatique sur les modes et les moyens d’existence des populations rurale peut être exacerbé par le fait que les ressources naturelles productives font l’objet des convoitises grandissantes d’exploitants privés peu scrupuleux. La virulence et la sévérité de l’impact actuel et potentiel du changement climatique sur les modes et moyens d’existence des populations burkinabé obligent à intégrer dans le paradigme actuel du développement local de nouvelles approches et de nouveaux outils. Il s’agit essentiellement de favoriser une conciliation entre les nouveaux défis climatiques et les objectifs généraux de lutte contre la pauvreté. Un capital social élevé L’un des principaux atouts du Burkina Faso semble être la force de son capital social (en particulier la densité du tissu associatif au sein de ses villages). En réduisant la probabilité d’être pauvre, ce capital social peut réduire aussi la vulnérabilité des ménages et des communautés vis-à-vis des crises liées au changement climatique. Un dispositif institutionnel opérationnel à tous les niveaux L’émergence des collectivités territoriales a eu un rôle direct sur un modèle décentralisé de la gestion des ressources naturelles, y compris par rapport à la protection de l’environnement. Cela constitue un atout institutionnel de taille dans la définition et la mise en œuvre de mesures de lutte contre le changement climatique au niveau local. D’autant plus que les dispositifs juridiques burkinabé ont inscrit les institutions villageoises au cœur même de l’architecture institutionnelle de la gouvernance locale. Dans la dynamique de la gouvernance décentralisée adoptée par le Gouvernement burkinabé, les collectivités territoriales détiennent la maîtrise d’ouvrage du développement local. Elles doivent être considérées comme des institutions englobantes, ayant des avantages comparatifs évidents par rapport au développement social et économique local, en général, est par rapport à la lutte contre ‘impact du changement climatiques, en particulier.

La vulnérabilité des communautés et des ménages burkinabé aux crises climatiques est un problème local, qui exige une approche locale, gérée par les institutions locales. Cependant, les solutions ne peuvent pas être uniquement locales, mais doivent être le résultat d’un processus de concertation qui s’établit entre plusieurs niveaux institutionnels (ou plusieurs ‘sphères de gouvernance’).

Les progrès déjà fait en matière de gestion durable des ressources naturelles productives (grâce à l’expérience des CVGT, reprise maintenant par les CVD), d’une part, et sur les systèmes de prévention et de gestion des crises alimentaires, d’autre part, constituent ‘une porte d’entrée’ pour une réflexion particulièrement centrée sur le changement climatique. En effet, la vulnérabilité des populations au changement climatique ne fait que s’ajouter aux vulnérabilités existantes et les rendre encore plus sévères. A tous les niveaux (national, régional, communal et communautaire), de nombreux acteurs institutionnels gouvernementaux et non-gouvernementaux sont impliqués dans la mise en œuvre et la gestion du développement local. Souvent leurs interventions ne sont pas coordonnées et utilisent différentes approches, méthodologies et procédures. Les décisions récentes concernant les dispositifs

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institutionnel et financier du développement local décentralisé peuvent cependant contribuer à harmoniser les approches et créer des synergies. Dans le cadre des initiatives du développement local, en général, et des initiatives de lutte contre les effets du changement climatique en particulier, les responsables des collectivités locales, tout en ayant la maîtrise du développement local, sont tenus d’établir et soutenir des réseaux étendus de relations d’interdépendance et d’action collective impliquant les CVD, les services administratifs et techniques locaux, les chefs coutumiers et les associations de la société civile. Par ailleurs, ils doivent aussi impulser des formes horizontales de coopération avec les autres collectivités locales.

Les collectivités locales constituent un élément essentiel du paradigme du développement local et de la réduction de la pauvreté. En plus, elles donnent forme aux identités des acteurs. Au Burkina Faso, elles ont démontré d’être capables de générer des dynamiques nouvelles au niveau local et d’être susceptibles de libérer les énergies des membres les plus pauvres au sein des organisations communautaires de base. Elles peuvent aussi bénéficier du travail d’institutions communautaires fort nombreuses et actives. Elles sont ainsi susceptible de jour un rôle incontournable dans toute initiative de lutte contre les effets du changement climatique sur les modes et moyens d’existence locaux,

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5511

Annexe 1 : Architecture institutionnelle du développement local au Burkina Faso Annexe 2 : Les politiques de développement local au Burkina Faso Annexe 3 : Les principaux programmes de la Banque mondiale au Burkina Faso Annexe 4 : Le plan cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (UNDAF)

AA NN NN EE XX EE SS

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ANNEXE 1

ARCHITECTURE INSTITUTIONNELLE DU DEVELOPPEMENT LOCAL AU BURKINA FASO

I. LES PRINCIPAUX ORGANES MINISTERIELS

Le développement local au Burkina Faso est pris en charge par un ensemble d’acteurs institutionnels publics. Ces acteurs opèrent au niveau local, régional ou national au sein d’une architecture institutionnelle variée et complexe.

I.1 Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD)

Depuis 2000, le Ministère de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation (MATD) a en charge la conduite du processus de décentralisation (auparavant il était appelé ‘Ministère de l’Administration Territoriale et de la Sécurité’ (MATS), aujourd’hui le Ministère de la Sécurité étant une entité séparée).66 Le MATD est actuellement chargé de: (i) l'administration du territoire par la coordination des affaires territoriales, (ii) la gestion des problèmes de frontières, (iii) l’accompagnement du développement local par le biais du développement des collectivités territoriales, et (iv) la conduite et de l'impulsions de la politique du gouvernement en matière de décentralisation.67 L’organisation du MATD est établie par le Décret n.2007-306?PRES/PM/MATD,68

qui indique, entre autres, que les structures déconcentrées du MATD sont constituées par les Gouvernorats, les Hauts-commissariats et les Préfectures. En 2006, la nomination d’un ministre délégué auprès du MAT, chargé des collectivités locales est intervenue afin d’impulser un dynamisme à la consolidation du processus en cours.

Au sein du MATD, trois directions sont particulièrement importantes par rapport au développement local, à savoir : • La Direction Générale chargée des Collectivités Territoriales (DGCT) assume plusieurs

responsabilités, en particulier par rapport aux aspects suivants : suivi et coordination de la mise en œuvre des lois et règlements de la décentralisation; exercice de la tutelle des collectivités territoriales; suivi des affaires foncières; suivi de la gestion du patrimoine des collectivités territoriales; et promotion du développement et de la bonne gouvernance dans les collectivités territoriales.

• La Direction des Finances Locales (DFL) est compétente dans le domaine financier et budgétaire des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Elle traite, entre autres, des aspects suivants: ressources fiscales perçues par les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale; dotations de fonctionnement, d'équipement et d'investissement et des subventions versées aux collectivités territoriales et aux EPCI ; dotations attribuées par l'Etat en compensation des transferts de compétences aux

66 Voir le site Internet du ministère : http://www.matd.gov.bf/SiteMatd/index.jsp/. En novembre 2000 l’ancien Ministère de l’Administration Territoriale et de la Sécurité (MATS) était devenu Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (MATD) avec pour mission la coordination de la mise en œuvre du processus de décentralisation. 67 Dans les années 90, c’est la ‘Commission Nationale de la Décentralisation (CND), créée en 1993, par décret N°93-350/PRES/PM, qui a joué un rôle essentiel dans la conduite du processus de décentralisation, jusqu’à l’adoption des Textes d’Orientation de la Décentralisation (TOD). Commission indépendante rattachée au Premier Ministère, la CND avait pour mission la conceptualisation, le pilotage et l’impulsion de la décentralisation. Elle est aujourd’hui rattachée au MATD 68 Voir ce décret : http://www.inforoute-communale.gov.bf/docs_23.04.07/organigramme.pdf/

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collectivités territoriales; questions concernant le contrôle budgétaire, les emprunts des collectivités, les aspects financiers des achats publics des collectivités territoriales; et élaboration et de l'approbation des budgets des collectivités territoriales, des comptes administratifs et de gestion ainsi que des analyses financières périodiques.

• La Direction des Compétences et de la Légalité (DCL) traite de toutes les questions relatives aux transferts des compétences des collectivités territoriales, à la démocratie locale, au contrôle de légalité et au conseil juridique. Elle veille, entre autres, à la mise en œuvre des transferts des compétences conformément aux dispositions du ‘Code général des collectivités territoriales’ (voir ci-dessous); assurer le contrôle de légalité sur les actes et les délibérations à caractère non financier des collectivités territoriales ; assurer le contrôle de légalité relative aux sanctions des élus locaux, à leurs démissions; suivre les activités liées à l'état civil; suivre l'organisation et le fonctionnement des organes délibérants et exécutifs des collectivités territoriales; élaborer les règles du contrôle de la légalité des actes des organes des collectivités territoriales; assurer l'appui conseil juridique aux collectivités territoriales et aux élus locaux; assurer la coordination des activités des collectivités territoriales ; assurer le suivi du respect des manuels de procédures et guides pratiques de gestion des collectivités territoriales.

I.2 Ministère de l’Economie et des Finances (MEF) Au sein du Ministère,69 c’est la Direction générale de l'aménagement du territoire, du développement local et régional qui a pour mission la formulation des politiques d'aménagement du territoire, de développement local et régional, comme aussi la traduction de ces cadres politiques en projets et programmes. Entre autres, cette direction est chargée de : (i) coordonner l'élaboration et la mise à jour du schéma national et des schémas régionaux d'aménagement du territoire ; (ii) appuyer l'élaboration des schémas sectoriels d'aménagement du territoire; (iii) promouvoir les techniques, méthodes et moyens législatifs, réglementaires favorisant l'élaboration et la mise en œuvre des politiques d'aménagement du territoire ; (iv) veiller à la cohérence spatiale des programmes d'infrastructures et d'équipements structurants, des plans et programmes d'aménagement et de développement du territoire et leur conformité avec la politique nationale d'aménagement du territoire, et (v) promouvoir le développement économique des régions dans le contexte de la décentralisation.70

Les Directions Régionales de l’Economie et de la Planification (DREP) constituent les structures déconcentrées du ministère : au niveau régional and local, elles ont pour mission de mettre en œuvre la politique nationale en matière économique, financière et budgétaire. Les projets et les programmes de développement placés sous la tutelle du Ministères sont considérés comme des ‘structures rattachées’. Le Ministère des Finances a un rôle particulièrement important sur le plan de la décentralisation opérationnelle, surtout par rapport à la gestion et le fonctionnement de la chaîne fiscale auprès des collectivités. I.3 Principaux ministères sectoriels Parmi les ministères sectoriel qui sont particulièrement concernés par le développement local, il faut énumérer les suivants :

69 Voir le site Internet du ministère (avec son mandat et organigramme): http://www.finances.gov.bf/SiteFinances/archive.jsp?num=20/ 70 Placée sous l'autorité d'un Directeur général, la Direction générale de l'aménagement du territoire, du développement local et régional comprend : la Direction des Etudes Spatiales et d'Aménagement du Territoire (DESAT) ; la Direction de la Politique et de la Législation Foncière (DPLF); la Direction de la Promotion du Développement Local et Régional (DPDLR); la Direction de la Géomantique et de l'Observation des Territoires (DGOT).

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Le Ministère de l’Agriculture, de l’Hydraulique et des Ressources Halieutiques (MAHRH) est chargé de l'application de la politique définie par le Gouvernement en matière agricole.71

Parmi ses responsabilités principales, il y a l’analyse, la prévision, l’orientation et le suivi-évaluation des performances des services agricoles de l’Etat en prenant en compte les capacités du secteur non étatique (organisations paysannes, opérations privées et ONG), l’analyse et le suivi des producteurs et des filières végétales et leur protection phytosanitaire comme aussi l’appui et le conseil dont les producteurs ont besoin afin (i) d’élever leur niveau technique et de gestion, (ii) d’améliorer la productivité de leurs exploitations agricoles et (iii) de leur confier à travers leurs organisations une plus grande responsabilité dans le développement agricole. Au sein de ce ministère, particulièrement pertinente au développement local est le mandat de :

o La Direction générale du foncier rural et des organisations paysannes’ (DGFROP), en charge particulièrement de la mise en œuvre des nouvelles dispositions concernant le foncier rural (voir ci-dessous);

o Le Conseil National de Sécurité Alimentaire (voir ci-dessous).

Les principales attributions du Ministère des Ressources animales (MRA)72

concernent entre autres : la réorganisation de l'élevage traditionnel travers la formation et l'encadrement des éleveurs ainsi que la coopération entre eux et l'aménagement des zones pastorales, la promotion des industries, d'aliments de bétail, l'accroissement de la production, fourragère pour une meilleure contribution à l'élevage intensif. Le Ministère compte certaines directions, dont les suivantes :

o La Direction des Etudes et de la Planification (DEP) chargée, entre autres, de coordonner l'élaboration des politiques, des programmes et des projets sectoriels ; de suivre et de contrôler les projets du Ministère inscrits ou non dans les plans et programmes de développement et de veiller à la pérennisation des acquis des projets et programmes sectoriels.

o La Direction des Aménagements Pastoraux et du Foncier (DGAEP) comprend le Service d'Appui aux Aménagements Pastoraux (SAAP) et le Service des Affaires Juridiques et de la Législation Foncière (SAJLF). La DGAEP est chargée de concevoir et de veiller à l’application de la politique nationale en matière d’identification, d’aménagement, de valorisation et de sécurisation du foncier pastoral.

Le Ministère de l’Environnement et du Cadre de vie (MECV) assure la mise en œuvre et le suivi de la

politique du Gouvernement en matière d’environnement et d’assainissement du cadre de vie.73

A ce titre, il est chargé, entre autres, de la protection de l’environnement et du suivi des conventions internationales en matière d’environnement ratifiées par le pays; de l’élaboration et du suivi des programmes d’éducation environnementale ; et de la coordination des activités en matière de lutte contre la désertification et les autres causes de dégradation de l’environnement.

Le Ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale est chargé de mettre en œuvre et de suivre l'application de la politique sociale définie par le Gouvernement. 74

71 Voir le site Internet du ministère:

A ce titre, il a l'initiative et la responsabilité des actions suivantes : protection sociale de la famille, de l'enfance, de la jeunesse

http://www.agriculture.gov.bf/SiteAgriculture/index.jsp. 72 Voir le site Internet du ministère: http://www.mra.gov.bf/SiteMra/index.jsp. 73 Voir le site Internet: http://www.environnement.gov.bf/SiteEnvironnement/ministere/attributions.html. 74 Voir le site Internet du ministère : http://www.action-sociale.gov.bf/SiteActionSociale/ministere/attributions.html

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et des personnes handicapées, inadaptées et défavorisées ; promotion sociale des individus, des populations, des familles et des groupes ; proposition de mesures sociales en faveur des nécessiteux; et organisation des secours lors des sinistres et calamités naturels dans les limites de ses compétences.

II. INSTITUTIONS NATIONALES IMPLIQUEES DIRECTEMENT DANS LE DEVELOPPEMENT LOCAL

II.1 ENTITES ETATIQUES Parmi les structures étatiques venant en appui au développement local décentralisé, particulièrement importante est le nouveau Fonds Permanent pour le Développement des Collectivités Territoriales (FPDCT), qui est destiné à remplacer l’Agence d’Appui à la Gestion et au Développement des Collectivités Locales (AGEDECOL) et le Fonds de Développement des Collectivités Locales (FODECOL). Jusqu’à présent, en effet, ces deux entités ont exécuté des programmes d’équipement et d’investissement pour les communes urbaines. Mais, dans le nouveau contexte de décentralisation fiscale (voir ci-dessous le ‘Code’), ces deux fonds sont appelés à évoluer vers un système de transfert intergouvernemental pour financer les coûts récurrent des collectivités ainsi qu’un fonds plus large (justement le FPDCT) destiné à appuyer les investissements des collectivités en matière de développement local. II.2 ENTITES ISSUES DES COLLECTIVITES

Parmi les entités issues des collectivités, particulièrement importante pourrait être l’Association des municipalités du Burkina Faso (AMBF). En effet, cette association de tous les élus a pour but d’offrir des services à ses membres, comme aussi également de faciliter et assurer le dialogue politique entre élus et État sur les politiques de décentralisation et les procédures du développement local. III. INSTITUTIONS LOCALES III.1 LES STRUCTURES DE LA DECONCENTRATION Depuis 2004, le Burkina Faso a trois niveaux de structures de la déconcentration, à savoir : Les Régions (13), dirigés par des Gouverneurs de région, et comprenant un Cadre de concertation

Régional

Les Provinces (45), avec à leur tête un Haut commissaire et comprenant un Cadre de concertation Provincial

Les Départements (350), avec à leur tête un Préfet. L’ensemble de ces fonctionnaires déconcentrés sont chargés de coordonner l’action des services de l’Etat à ces différents niveaux administratifs et de mettre en œuvre et gérer les actions de développement local, tout en assurant la tutelle rapprochée des instances des collectivités locales respectives.(Voir le graphique des structures publiques de la déconcentration et de la décentralisation au Burkina Faso dans l’Annexe 2).

Annexe 1 , Figure 1: Présentation schématique du dispositif institutionnel d’appui au développement local au Burkina Faso

Direction Générale chargée des Collectivités Territoriales

MINISTERE DE L’ADMINISTRATION TERRITORIALE ET DECENTRALISATION (MATD)

Direction des Finances Locales

Direction des Compétences et de la Légalité

Associations villageoises Groupements de producteurs Groupements d’Intérêt Economique Associations féminines Associations de jeunes

MINISTERE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES

Direction Générale de l’Aménagement du

Territoire, du Développement local et régional

COLLECTIVITES TERRITORIALES REGIONALES

COMITES VILLAGEOIS DE DEVELOPPEMENT (CVD)

Direction Générale du Foncier rural /Organis. paysannes

MINISTERE DE L’AGRICULTURE/ HYDRAULIQUE/ RESSOURCES HALIEUTIQUES

Conseil National de Sécurité Alimentaire

Direction Générale du Fonds Permanent pour le Développement des Collectivités Territoriales

COLLECTIVITES TERRITORIALES COMMUNALES

Direction Etudes/Planification

Direction Aménagements Pastoraux / Foncier

MINISTERE DES RESSOURCES ANIMALES

MINISTERE DE L’ENVIRONNEMENT ET DU CADRE DE VIE

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III.2 LES STRUCTURES DE LA DECENTRALISATION : LES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Les lois burkinabé de la décentralisation instituent deux niveaux de collectivités :

La Commune, collectivité locale de base qui se distingue en commune urbaine et en communes rurales (il y a, au total, 351 Communes, dont 49 urbaines et 302 rurales). Toute commune est administrée par un maire élu. Selon la loi, seulement une agglomération avec « une population résidente d’au moins 5.000 habitants et une activité économique suffisante pour pouvoir disposer de ressources propres » (avec élaboration d’un budget annuel équilibré en recettes et dépenses de 5 millions de FCFA) peut être érigée en commune. Le Burkina Faso compte au total 17.956 élus locaux (dont 22 femmes maires sur les 351 maires). Onze domaines de compétences ont étés confiés aux collectivités territoriales, à savoir : (i) le foncier, (ii) l’aménagement du territoire, la gestion du domaine foncier ; (iii) l’environnement et la gestion des ressources naturelles, (iv) le développement économique et la planification, (v) la santé et l’hygiène, (vi) l’éducation, la formation professionnelle et l’alphabétisation, (vi) la culture, les sports et les loisirs, (vii) la protection civile, l’assistance et les secours, (viii) les pompes funèbres et les cimetières, (ix) l’eau et l’électricité, (x) les marchés, abattoirs et foires. 75 Il s’agit donc de domaines qui peuvent potentiellement protéger, consolider et renforcer les communautés locales par rapport à l’ensemble de leurs stratégies concernant l’adaptation de leurs modes et moyens d’existence au changement climatique.76

La Région, collectivité locale intermédiaire entre les Communes et l’Etat central (il y a au total 13 collectivités territoriales régionales).

Aux termes de la Constitution et des lois de la décentralisation, les collectivités territoriales ont le droit de s’administrer librement et de gérer des affaires propres en vue de promouvoir le développement à la base et de renforcer la gouvernance locale. La tutelle technique des Collectivités territoriales est assurée par le Ministère de l’Administration Territoriale et de la décentralisation alors que la tutelle financière est assurée par le Ministère de l’Economie et des Finances. Le ‘contrôle de légalité’ est exercé par les représentants de l’Etat (Gouverneur vis-à-vis du Président de la Région et Préfet vis-à-vis du Maire).

Les collectivités territoriales, en particulier les collectivités communales) disposent de commissions spécialisées (budget et finances, promotion féminine, etc.). La politique de sécurisation foncière a prévu la création d’un Service Foncier Rural (SFR) au sein des communes, chargé d’œuvrer de concert avec les institutions villageoises et inter villageoises de gestion foncière, pour la gestion efficace du Domaine Foncier des Collectivités Territoriales. Les SFR auront entre autres pour missions, de recenser et d’enregistrer les ressources communes, de mettre en œuvre la procédure de délivrance d’attestations de constatation de possession foncière relative aux droits individuels ou collectifs des producteurs ruraux, de superviser l’ensemble du processus de règles locales et procéder à la collecte et au reversement des taxes foncières rurales. III.3 LES COMMISSIONS VILLAGEOISES DE DEVELOPPEMENT (CVD) Les Commissions villageoises de développement (CVD) n’ont commencé à émerger qu’à partir de 2007, à la suite des élections locales de 2006 et la mise en place des organes des collectivités locales (communale). Auparavant, dans le cadre de la RAF et de l’appui au rôle des organisations paysannes dans une perspective de développement communautaire, il y avait eu la création de Commissions Villageoises de Gestion du Territoire (CVGT), couplées de Commissions Inter-villageoises de Gestion du

75 Voir le Tableau de l’Annexe 5 pour la répartition de quelques compétences entre différents niveaux de collectivité. 76 C’est ce qu’on appelle dans la littérature anglophone les ‘livelihood strategies’.

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Territoire (CIVGT) en charge de la gestion des infrastructures communautaires et des ressources naturelles, comme aussi du foncier local. Plus de 3.000 CVGT avaient ainsi pu être mises en place, grâce aussi à l’appui des autorités administratives locales et d’institutions externes (projets, ONG). D’une certaine manière, la mise en place de CVGT avait été considérée par les membres des communautés villageoises comme une condition indispensable à l’obtention de ressources financières leur permettant de réaliser des projets villageois. Désormais, surtout depuis l’adoption en 2007 du Décret 2007-032, les CVD ont pu acquérir un véritable statut légal et une personnalité morale propre, dans la mesure où, par loi, elles participent à l’élaboration des plans communaux, développent leurs propres plans d’investissement annuel et ont droit à des transferts financiers de la part des conseils communaux auxquels elles sont rattachées. III.4 LES INSTITUTIONS COMMUNAUTAIRES Au cours des siècles, la plupart des groupes sociolinguistiques burkinabé ont construit un type de société très centralisé, mais ils ont pu préserver au niveau local des mécanismes de solidarité et d’entraide informels très développés. Cela concerne, en premier lieu, les nombreuses formes d’entraide, de solidarité, de travail communautaire, d’invitation aux travaux agricoles (sur le style du système du susoaaga chez les groupes Mossi), d’associations d’entraide (comme le yewole ou songtaab chez les jeunes Bissa).77

Mais cela concerne aussi le système de la chefferie traditionnelle, dans la mesure où ‘les chefs de village’ (en charge de solutionner les conflits de toute nature et des affaires administratives locales), et ‘les chefs de la terre’ (en charge des rites religieux et agraires et, des rapports des communautés avec la terre nourricière) continuent à disposer d’un énorme capital moral.

Malgré les fortes variations culturelles qui existent entre les groupes sociolinguistiques et entre les zones géographiques, les indicateurs du capital social burkinabé semblent être très élevés partout, les variation étant basées moins sur les différences culturelles et économiques que sur les modèles de développement institutionnel. Le tissu associatif villageois est particulièrement dense (chaque village ayant de 1 à 8 associations).78

77 Voir : B.E. Dialla, 2005.

78 Voir: C. Grootaert, 1999.

Annexe 1, Figure 2 : Architecture institutionnelle de la décentralisation et de la déconcentration au Burkina Faso

DECONCENTRATION

Circonscriptions administratives

DECENTRALISATION Collectivités territoriales

REGION

Gouverneur (nommé)

Conseil consultatif régional

PROVINCE

Haut commissaire (nommé)

Conférence des cadres de la province

DEPARTEMENT

Préfet (nommé) Conseil départemental

COLLECTIVITE REGIONALE

Président de la Région (élu)

COLLECTIVITE COMMUNALE (urbaine et rural)

Maire (élu)

Conseil communal (élus)

COMITE VILLAGEOIS DE DEVELOPPEMENT

Président (élu)

Conseil de CVD (élus)

45

350

49 urbaines 302 rurales

8.000 environ

13

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ANNEXE 2

APERÇU HISTORIQUE DES PRINCIPAUX TEXTES DU CADRE LEGISLATIF ET REGLEMENTAIRE AU BURKINA FASO

I. LE CADRE POLITIQUE DE BASE Au cours des dernières années, le Gouvernement burkinabé a formulé et approuvé différentes lois et textes réglementaires favorisant la décentralisation administrative et politique. Il s’est agit d’un processus long, difficile et parfois très laborieux, avec des avancées et des retours en arrière. Au cours de ce processus, les cadres conceptuels et les stratégie de développement social et économique et de lutte contre la pauvreté ont pu être définis, amendés et clarifiés. Les thèmes du développement rural, de la lutte contre la pauvreté et de l’appui aux stratégies locales de production, de survie et d’adaptation aux crises ont été développés en parallèle avec la réforme démocratique de la société (voir graphique de l’Annexe 2). A part la Constitution de 1991, il faudra rappeler notamment des documents suivants : La Réforme Agraire et Foncière (RAF) : C’est par l’ordonnance 84-050 du 4 août 1984 que le

Gouvernement burkinabé avait historiquement cerné la réforme agraire et foncière (RAF). La réforme avait été assez radicale pour ce qui concerne le foncier, puisqu’elle avait prévu la disparition pure et simple du droit de ‘propriété’ (et, partant, du rôle des autorités coutumières), remplacé par un droit de ‘jouissance’ (cela pour favoriser une participation beaucoup plus grande des populations rurales à la gestion des terroirs). Le Burkina avait alors officialisé le concept de domaine foncier national, celui-ci comprenant le domaine public de l’Etat et des collectivités, le domaine privé de l’Etat et des collectivités secondaires, les terres faisant l’objet de titres de propriété au nom de personnes physiques et morales, les terres coutumières. Ce domaine est propriété exclusive de l’Etat. Il est, par ce fait, inaliénable. L’attribution des terrains se fait par des titres de jouissance qui sont remis à ceux qui en ont un réel besoin social. En particulier, des ‘permis d’occupation’ et des ‘permis d’exploitation’ ont été octroyés aux groupes ou aux individus qui veulent entreprendre des cultures de rente pour leur reconnaître des droits d’usage. 79

Les Textes d’orientation de la décentralisation (TOD) : En 1998, l’adoption des ‘Textes d’Orientation de la Décentralisation’ (TOD) avait favorisé un processus de décentralisation démocratique, avec une répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités décentralisées locales. Les TOD, rendus possibles par le travail de réflexion et de sensibilisation de la Commission Nationale de Décentralisation (CND), comprennent plusieurs lois.80

79 Il faut rappeler que le conseil des ministres réuni le 24 juin 2009 a adopté un décret portant création, attributions, composition et fonctionnement de la commission technique interministérielle chargée de la relecture des textes sur la Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) au Burkina Faso.

Les TOD ont contribué à la mise en œuvre de la bonne gouvernance, dans la mesure où ils ont reconnu le principe selon lequel des groupes sociaux porteurs, en se constituant en collectivités reconnues d’intérêt public,

80 En particulier, les lois suivantes : (i) La loi n. 040/98 du 03 août 1998 portant orientation de la décentralisation au Burkina Faso, la décentralisation constitue un axe central d’impulsion du développement et d’exercice de la démocratie locale (l’Etat exprimant la volonté de partager certaines compétences en définissant le rôle des services de l’Etat dans les régions); (ii) La loi n.041/98 du 6 août 1998 porte sur l’organisation du territoire et précise la représentation territoriale de l’Etat et la déconcentration des administrations de l’Etat ainsi que les compétences et les moyens des collectivités locales; (iii) La loi n. 041.98 du 6 août 1998 porte sur l’organisation et fonctionnement des collectivités locales (en définissant les organes chargés de l’administration de la province et de la commune); (iv) La loi n. 041/98 du 6 août 1998 portant programmation de la mise en œuvre de la décentralisation (fixant un calendrier de mise en place progressive des collectivités locales) ; (v) Une nouvelle loi (013-2001) de 2001 a introduit la Région comme un troisième type de collectivité locale, en plus de la commune et de la province (la loi a établi que dans un délai maximal de 10 ans après l’adoption de la nouvelle loi, les organes délibérants des Régions doivent être mis en place). Pour les textes de loi concernant la décentralisation, voir : http://www.inforoute-communale.gov.bf/ta_cadre1.htm

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pouvaient bénéficier du principe de ‘subsidiarité’ pour assumer des fonctions que l’Etat n’est pas en mesure d’assumer. Historiquement, de l’avis des responsables du MATD, ces textes auraient ‘insufflé une dynamique particulière au processus de la décentralisation du Burkina Faso’, (ministre MATD Florence 2005) en permettant notamment le renouvellement des mandats des premiers conseillers élus en février 1995. Depuis décembre 2004, les TOD ont été remplacés par le Code Général des collectivités territoriales (voir ci-dessous).

La Lettre de Politique de Développement Rural Décentralisé (LPDRD) : Préparée par le Ministère de l’Agriculture et des Ressources Animales en 2000 et publiée au Journal Officiel en 2002, cette Lettre a contribué à définir les principes essentiels du nouveau développement local au Burkina Faso, à savoir: Maîtrise d’ouvrage confiée aux bénéficiaires; Elargissement du champ des investissements; Implication des populations à toutes les phases du développement (principe de

cofinancement des projets avec des contributions locales sous diverses formes); Adoption d’approches modulaires pour la prise en compte de différents niveaux

d’intervention.

D’un point de vue historique, cette Lettre a servi de cadre de référence pour la conception, la mise en œuvre, la coordination et le suivi et l’évaluation de toute une génération des projets et programmes de développement rural (comme celui qui est financé part la Banque mondiale) et de décrire les mécanismes de coordination et suivi et évaluation des actions en matière de développement rural décentralisé. En s’inscrivant dans une vision de développement communautaire qui confère aux populations un rôle crucial pour toutes les décisions relatives aux investissements locaux (la gestion des ressources naturelles étant à la base des activités productives), la Lettre constitue un point de référence incontournable par rapport à tous les aspects du développement local (y compris, la mise en œuvre de programmes, leur coordination et suivi), en mettant l’accent sur l’harmonisation entre les programmes. La Lettre avait été complétée, d’abord, par le Document d’Orientation Stratégique à l’horizon 2010 (DOS) et, ensuite, par le Plan Stratégique Opérationnel (PSO), qui comprend un ensemble de programmes transversaux et de filières porteuses.

La Stratégie de Développement Rural du Burkina Faso (SDR) à l’horizon 2015 a été adoptée par le Gouvernement en 2003. Cette stratégie rurale s’inscrit dans la stratégie globale de réduction de la pauvreté. En effet, elle a pour objectif global d’assurer une croissance soutenue du secteur rural en vue de contribuer à la lutte contre la pauvreté, au renforcement de la sécurité alimentaire et à la promotion d’un développement durable. La vision retenue est celle de l'avènement d'un monde rural moins pauvre, moins vulnérables aux crises de toutes nature, et, jouissant, en particulier, d'une sécurité alimentaire durable. La stratégie vise également l'accroissement des productions agricoles, pastorales, halieutiques, forestières et fauniques, basé sur l'amélioration de la productivité, l'augmentation des revenus due à une plus grande intégration à l'économie de marché et à une diversification des activités économiques en milieu rural. Enfin, la SDR prône la modernisation de l'agriculture, la diversification et la spécialisation régionale des productions et la gestion durable des ressources naturelles et des écosystèmes. Il s’agit donc d’une stratégie qui émerge d’un constat très lucide des vulnérabilités des communautés rurales burkinabé et d’une volonté claire d’appuyer les priorités stratégiques locales.

Annexe 2, Figure 1 : Evolution historique des dispositions légales concernant le développement rural et la démocratisation décentralisée au Burkina

Textes d’Orientation

Lettre de Politique de Développement

Réforme Agraire et Foncière (RAF) 1984

Stratégie du Développement Rural (2003)

Programme National de Développement Rural Décentralisé 2001-2015 (2002)

Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (2001 et 2003)

Code Général des Collectivités Territoriales (2004)

Cadre Stratégique de Mise en Œuvre de la Décentralisation (2006)

Dispositif institutionnel de la décentralisation : Région et Commune avec CVD

Dispositif institutionnel de la déconcentration : Région, Province et Département

Dispositif financier pour les Collectivités : Fonds permanent pour le Développement des Communes

Loi portant Régime Foncier Rural (2009)

Commission interministériel pour la relecture de la RAF (2009)

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Parallèlement à la SDR, le Gouvernement a formulé un programme couvrant une période de 15 ans (de 2001 à 20015), appelé Programme National de Développement Rural Décentralisé (PNDRD) visant à opérationnaliser la vision du développement décentralisé. Le Programme appuie l’idée de réforme institutionnelles visant, entre autres, à responsabiliser les communautés locales et les organisations paysannes par rapport à la définition des priorités du développement local and leur mise en œuvre. La stratégie associe étroitement sécurisation foncière et préservation de l’environnement, en mettant l’accent sur la promotion de systèmes de production qui garantissent la durabilité et la pérennité des écosystèmes ainsi que sur la généralisation des mesures antiérosives des terres et de restauration de la fertilité des sols.

Désormais, cependant, la lecture de tous les textes législatifs et réglementaires mentionnés ci-dessus doit être faite en parallèle avec celle du document du Cadre Stratégique de Lutte contre la Pauvreté (CSLP) (adopté par le Gouvernement en 2000 et révisé en 2003-04 pour introduire la dimension régionale). Ce Cadre, en prenant en compte toutes les politiques sectorielles, définit le cadre unique d’intervention du Gouvernement et de ses partenaires dans le domaine du développement social et économique local et de la lutte contre la pauvreté. Ce document comporte plusieurs objectifs immédiats (dont la mise en œuvre accélérée du processus de décentralisation) est organisé autour de quatre axes : (i) accélérer la croissance et la fonder sur l’équité ; (ii) garantir l’accès des pauvres aux services sociaux de base; (iii) élargir les opportunités en matière d’emploi et d’activités génératrices de revenus pour les pauvres; (iv) élargir les opportunités en matière d’emploi et d’activités génératrices de revenus pour les pauvres (cet axe comportant une mention des la vulnérabilité des activités agricoles); et (v) promouvoir la bonne gouvernance, en particulier la gouvernance locale (à cet égard, le CSLP souligne fortement le principe de la répartition des compétences entre l’Etat et les collectivités décentralisées). Le CSLP, à travers l’axe Promouvoir la bonne gouvernance, traite de la gouvernance politique, administrative, économique et locale - la gouvernance locale constituant un des axes de la politique nationale de bonne gouvernance. Par ailleurs, il faut aussi ajouter que le CSLP, d’une part établit un lien étroit entre lutte contre la pauvreté et gestion durable de l’environnement et des ressources naturelles, et, d’autre part, souligne l’importance de la sécurisation foncière dans la perspective d’une lutte efficace contre la pauvreté : l’insécurité foncière y est présentée comme un facteur d’aggravation de la pauvreté, surtout pour les catégories sociales défavorisées comme les femmes et les jeunes. 81

Le CSLP sera revu pour prendre en compte de façon plus spécifique la dimension environnementale, par le biais d’un document de stratégie de croissance accélérée pour le développement durable.

En 2004, la loi N°055-2004 portant Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) a constitué une évolution majeure du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation. En effet, sur la base des principes juridiques et institutionnels précédents et des enseignements acquis au cours d’une première phase de décentralisation, cette loi consacre ce qu’il est convenu d’appeler ‘la communalisation intégrale’, par le fait que désormais la décentralisation est devenue une réalité pour tout le territoire national conformément aux article 143 et 145 de la Constitution du 02 juin 1991. Cette loi est porteuse d’un certain nombre d’innovations. Elle se présente comme un seul document subdivisé en quatre livres couvrant l’ensemble des matières que la loi a voulu traiter (Orientation de la décentralisation, des compétences et des moyens d’action, des organes et de l’administration des collectivités territoriales, les communes à statut particulier.). Au niveau local, le Code institue les CVD/Commissions Villageoises de Développement. Enfin elle tranche en faveur de

81 Sur le CSLP, voir aussi : UNDESA, 2003.

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deux niveaux collectivités décentralisées, à savoir la Région et la Commune (urbaine et rurale) – en dépassant une orientation qui visait les deux niveau de la Commune et de la Province. Entre autres, le CGCT définit :

• Le statut des ressources communes : l’article 79 stipule que ‘Les Collectivités territoriales

concourent avec l’Etat à l’administration et à l’aménagement du territoire, au développement économique social, éducatif, sanitaire, culturel et scientifique, ainsi qu’à la protection, la mise en valeur des ressources naturelles et à l’amélioration du cadre de vie. Les collectivités territoriales peuvent se regrouper suivant les intérêts locaux ou l’intérêt général pour des activités de développement’.

• Les modalités de la gestion de l’eau, en précisant les compétences respectives de la Région (la participation à la protection des cours d’eau, la protection de la faune et des ressources halieutique d’intérêt régional et la participation à la gestion et l’exploitation des périmètres aquacoles d’intérêts économiques, et de la Commune (participation et protection et à la gestion des ressources en eau souterraine, en eau de surface et des ressources halieutiques, de la participation à la conservation et à la gestion des ressources naturelles d’intérêt régional, de la production et distribution de l’eau potable et de la réalisation et gestion de puits, forages et bornes fontaines.82

Le Cadre stratégique de mise en œuvre de la décentralisation (CSMOD) a été adopté par le Gouvernement burkinabé en juin 2006.83

Ce Cadre détermine les grandes orientations pour la mise en œuvre des étapes de la réforme pour toute la période allant de 2006 à 2015. La décentralisation occupe désormais une place de choix dans le cadre stratégique de lutte contre la pauvreté et dans toute la politique nationale de bonne gouvernance. Le CSMOD est en effet le nouveau cadre de référence national autour duquel l’ensemble des acteurs engagés dans la décentralisation sont invités à s’insérer. Par rapport au dispositif financier, cette politique s’appuie sur nouvel outil, le Fonds permanent pour le développement des communes (FPDC), qui est destiné à remplacer l’ensemble des instruments financiers existants, comme le FODECOL, l’AGEDECOL et le FICOM. En effet, le FPDC regroupera désormais les ressources provenant de la coopération bilatérale et multilatérale avec comme objectif le développement des communes (et notamment la mise en œuvre de leurs PDC).

II. D’AUTRES POLITIQUES SECTORIELLES II.1 DISPOSITIFS LEGISLATIFS Le dispositif juridique et légal est complété par une pléthore de dispositifs de planification sectorielle. En effet, entre 1995 et 2004, plus d’une dizaine de documents de politiques et stratégies sectorielles ont été élaborés par les départements ministériels. Au-delà des textes déjà mentionné ci-dessus, il faut aussi mentionner les suivants :

• Le Plan National de Lutte contre la Désertification (PNLCD) ; • La Politique Nationale en matière d’Environnement ;

82 Pour le cadre juridique et institutionnel de la gestion de l’eau, voir : Réseau Décentralisation Burkina, 2008.

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• Le Plan d’Environnement pour le Développement Durable (PEDD) ; • La Politique Nationale Forestière ; • Les Stratégies et plans d’action de la mise en œuvre des conventions de Rio qui sont le

Programme d’Action National de Lutte contre la Désertification (PAN/LCD), la stratégie nationale et plan d’action en matière de diversité biologique et la stratégie nationale de mise en œuvre de la convention sur les changements climatiques ;

• La politique nationale de l’eau du Burkina Faso ; • Le Plan d’Action pour la Gestion Intégrée des Ressources en Eau (PAGIRE) ; • La politique énergétique du Burkina Faso; • Le Plan d’action pour la gestion intégrée de la fertilité des sols (PAGIFS); • Les textes législatifs et réglementaires constitués, au-delà de la loi RAF déjà mentionnée, par :

- la loi portant Code de l’Environnement ; - la loi portant Code Forestier ; - la loi d’orientation relative au pastoralisme ; - le code général des collectivités territoriales ; - le code minier ; - la loi d’orientation relative à la gestion de l’eau.

Il est à noter également l’élaboration d’un certain nombre de programmes pour rendre opérationnelles ces politiques et stratégies. Parmi ceux-ci, on peut mentionner le Programme National de Partenariat pour la Gestion Durable des Terres (CPP), la deuxième phase du Programme National de Gestion des Terroirs (PNGT 2) et le Programme d’Investissement Communautaire en Fertilité Agricole (PICOFA). Ces politiques et stratégies ne sont pas toujours intégrées les uns dans les autres. De manière très convenable, cependant, elles ont été reprises en quelque sorte dans la vision globale du Cadre Stratégique de Lutte contre la pauvreté. D’une manière générale, les préoccupations essentielles prises en compte dans ces différentes stratégies nationales sont : la recherche de l’autosuffisance et la sécurité alimentaires; la protection et la sauvegarde de l’environnement en termes de gestion rationnelle et durable des ressources naturelles; l’accroissement des revenus des populations; et la gestion intégrée, rationnelle et durable des ressources en eau. Etant donné le fait qu’il est le résultat de longues concertations impliquant toutes les parties prenantes, ce cadre stratégique traduit d’une manière assez raisonnable les perceptions des acteurs locaux sur les aspects multidimensionnels de la pauvreté locales , comme aussi leurs vues en termes d’initiatives prioritaires. Seulement certaines des documents politiques les plus pertinents sont présentés et analysés ici. II.2 EN MATIERE D’AGRICULTURE ET D’EAU Particulièrement importante est la Politique nationale de sécurisation foncière en milieu rural, promulguée en 2007 par le Comité National de Sécurisation Foncière en milieu rural. 84

84 Cela a conduit récemment à l’adoption de la loi N° 0034/2009/AN portant Régime foncier rural (adoptée en juin 2009). Voir la loi :

Cette politique nait essentiellement du constat que les relectures successives et techniques de la législation foncière en vigueur (RAF) n’avaient pas permis de trouver des réponses appropriées à la question de la sécurisation

http://www.agriculture.gov.bf/SiteAgriculture/plans/pnsdmr.pdf. La loi comporte de nombreuses innovations parmi lesquelles, la mise en place d’institutions de gestion foncière et un fonds national de sécurisation foncière pour la mise en œuvre de la politique. Cette loi est le résultat de plus de deux années de concertations initiées par la Direction générale du foncier rural et des organisations paysannes (DGFROP), avec les organisations de producteurs (OP), de femmes, les autorités coutumières et religieuses, les maires, l’administration déconcentrée et décentralisée, le secteur privé agricole. Voir M. Zongo, 2009. Voir aussi des informations générales concernant la loi : http://www.inter-reseaux.org/revue-grain-de-sel/41-42-l-agriculture-en-quete-de/article/la-politique-fonciere-au-burkina

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foncière rurale. Elle a ainsi pour objectif de mettre en place une administration foncière à même de gérer le foncier et de réguler les conflits fonciers. 85

Entre autres aspects, cette politique souligne fortement la notion de maîtrise locale sur les ressources de leurs terroirs de la part des Collectivités et des communautés, et cela pour une exploitation équitable de ces ressources. 86

La reconnaissance de la maîtrise locale vise à fixer les règles locales d’accès aux ressources naturelles et de leur gestion durable. La maîtrise locale doit s’exercer au niveau local à travers différents mécanismes adaptés de responsabilisation des communautés de base tels que, des délégations de pouvoirs de gestion, des protocoles d’accords locaux, ou encore, des mécanismes consultatifs. Pour pouvoir s’exercer, la maîtrise locale a besoin d’institutions locales représentatives, légitimes et reconnues, représentées par des personnes élues à la base et dotées des pouvoirs nécessaires leur permettant d’agir valablement.

II.3 EN MATIERE D’ELEVAGE Le Plan d'actions et Programme d'Investissements du secteur de l'Elevage (PAPISE), adopté en 2000, fait suite à d’autres documents stratégiques du Ministère des Ressources Animales, à savoir la Note d'Orientation du Plan d'Actions de la Politique de Développement de l'Elevage (1997)et le Document d'Orientations Stratégiques (DOS) des Secteurs de l'Agriculture et de l'Elevage à l'horizon 2010 (de 1998). Le PAPISE identifie l’ensemble des contraintes techniques, humaines, financières et institutionnelle de l’élevage burkinabé. Parmi les achèvements les plus prometteurs, le PAPISE évoque, entre autres : (i) l'adoption par le gouvernement d'une loi d'orientation sur le pastoralisme qui permettra un aménagement de l'espace pastoral et une exploitation moins conflictuelle et plus efficiente des ressources pastorales; et (ii) la tendance des opérateurs des différentes filières à s'organiser dans des associations coopératives et fédératives. Au niveau des perspectives, le PAPISE identifie ‘l’amélioration de l'implication des éleveurs dans les instances deconcentration au niveau local, départemental, provincial, régional et national et le renforcement de l'appui à l'organisation des acteurs des différentes filières ; II.4 EN MATIERE D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE La Politique nationale d’aménagement du territoire n’a été adoptée que récemment par un décret de 2007.87

L’aménagement du territoire est une politique d’organisation de l’espace visant à assurer un développement harmonieux du territoire national à travers notamment une meilleure répartition des hommes et des activités. Le défi majeur de la politique nationale d’aménagement du territoire est de contribuer à la croissance économique et à la lutte contre la pauvreté. L’aménagement du territoire est une politique au carrefour des autres politiques de développement en ce qu’il organise le déploiement sur l’espace territorial national de l’ensemble des activités économiques, sociales et culturelles.

La politique d’aménagement du territoire du Burkina Faso repose sur trois orientations fondamentales : (i) le développement économique, c'est-à-dire la réalisation efficace des activités créatrices de richesses; (ii) l’intégration sociale qui consiste à intégrer les facteurs humain, culturel et historique dans les activités de développement; et (iii) la gestion durable du milieu naturel qui consiste à assurer les

85 Le document de politique sonne à la notion de ‘sécurisation foncière’ une signification très large. En effet. il s’agit ‘de l’ensemble des processus, actions et mesures de toute nature, visant à permettre à l’utilisateur et au détenteur de terres rurales de mener efficacement leurs activités productives, en le protégeant contre toute contestation ou trouble de jouissance de ses droits’. 86 On désigne par ‘maîtrise locale’ le contrôle que les collectivités et communautés villageoises ou inter villageoises exercent sur l’aménagement et la gestion des ressources communes relevant de leurs terroirs. 87 Décret n° 2006-362/PRES/PM/MEDEV/MATD/MFB/MAHRH/MUD/MECV du 20 juillet 2006, portant adoption de la politique nationale d’aménagement du territoire (voir le texte en ligne : http://www.agriculture.gov.bf/SiteAgriculture/plans/pnsdmr.pdf.

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meilleures conditions d’existence aux populations, sans compromettre les conditions d’existence des générations futures. La politique nationale d’aménagement du territoire précise le rôle des différents acteurs. Tout en affirmant sans détour le rôle prédominant de l’Etat en matière d’aménagement du territoire, la politique d’aménagement du territoire indique de manière toute aussi claire, que l’aménagement du territoire ne peut être l’affaire de l’Etat tout seul. Les collectivités territoriales, la société civile et le secteur privé se voient reconnaître un rôle important non seulement dans la participation à la définition des schémas d’aménagement, mais également dans leur mise en œuvre. II.5 EN MATIERE ENVIRONNEMENTALE En matière environnementale, on compte au Burkina Faso toute une panoplie de plans, stratégies, convention et plans d’action. Mais c’est le Plan d’Environnement pour le Développement Durable (PEDD) qui définit davantage les axes directeurs et les repères pour un développement durable concerté pour tous les secteurs. Le PEDD détermine en quelque sorte la stratégie autour de laquelle on peut bâtir un cadre de lutte contre la pauvreté et de développement durable qui tienne compte de l’environnement dans toutes ses dimensions. En effet, le PEDD constitue une relecture du Plan d’Action Nationale pour l’Environnement (PANE), avec l’intégration de tous les facteurs environnementaux. A cet égard, en définissant les liaisons avec d’autres outils de planification, il détermine pour chaque secteur les compétences, les données socio-économiques, écologique et juridiques, définit les modalités de participation de tous les acteurs et partenaires du développement durable (pouvoirs et institutions publiques ou privés, société civile, ONG). Enfin, il identifie les enjeux, actions et instruments à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif global de développement durable.

II.6 EN MATIERE FORESTIERE Le Programme National de Gestion des Ressources Forestières explicite les objectifs et les options communes et spécifiques de la Politique Forestière Nationale (PFN) adoptée par le Gouvernement en 1995 (et prise en compte dans l’élaboration de la SDR à l’horizon 2015). Ce Programme constitue, sur le plan sectoriel, un outil de négociation et un cadre de référence quant aux concertations avec les partenaires au développement, pour la coordination et l’harmonisation des interventions menées dans le secteur forestier. La PFN s’est fixé des options communes aux sous - secteurs forêts, faune et pêches et des options spécifiques à cet effet. Les options communes aux trois sous-secteur sont : (i) la valorisation des ressources par des méthodes rationnelles d’aménagement et d’exploitation; (ii) la génération d’emplois et de revenus stables en milieu rural; (iii) la conservation de la diversité biologique; (iv) l’amélioration du cadre de vie; et (v) l’amélioration continue de la connaissance et de l’information sur les ressources naturelles, en particulier sur l’utilisation des techniques modernes les plus appropriées. II.7 EN MATIERE DE CHANGEMENT CLIMATIQUE Sous la responsabilité du Ministère de l’Environnement et du Cadre de Vie, le Programme d’Action Nationale d’Adaptation à la Variabilité et aux changements climatiques (PANA) a été élaboré en novembre 2007 par une équipe pluridisciplinaire, en utilisant une approche inclusive et participative. 88

88 Voir le texte en ligne :

La vision globale du PANA s’intègre dans les stratégies de développement durable du Burkina Faso comme le CSLP et épouse les objectifs du millénaire pour le développement. Les objectifs prioritaires du PANA pour le pays sont :

http://unfccc.int/resource/docs/napa/bfa01f.pdf

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• Identifier les besoins, activités et projets urgents et immédiats pouvant aider les communautés à faire face aux effets adverses des changements climatiques;

• Rechercher la synergie et la complémentarité avec les moyens existants et les activités de développement, tout en privilégiant le volet sur les impacts des changements climatiques;

• Favoriser l’intégration et la prise en compte des risques liés aux changements climatiques dans le processus de planification nationale.

Le PANA fait aussi un recensement assez complet des besoins essentiels en matière d’adaptation aux changements climatiques et identifie les critères de sélection des actions considérées prioritaires. III. ASPECTS DE LA POLITIQUE DE DECENTRALISATION

La décentralisation au Burkina Faso a été consacrée par la constitution du 02 juin 1991, qui stipule, entre autres, que : le Burkina Faso est organisé en collectivités territoriales (article 143), les collectivités territoriales sont crées par la loi (Article 144) et la loi organise la participation démocratique des populations à la libre administration des collectivités territoriales (Article 145).89

Mais, à la différence de pays comme le Sénégal ou le Mali par exemple, la décentralisation au Burkina a pris la forme d’un processus changeant, graduel et circonspect, voire même

précautionneux. Cette caractéristique a été différemment interprété par les observateurs : gage de politique durable pour les uns ou alors attitude politique limitant les droits démocratiques des citoyens pour les autres.

Lancé sur l’initiative du gouvernement, après l’adoption de la constitution du 2 juin 1991 qui mettait fin à une longue période d’Etat d’exception, le processus de décentralisation a permis la publication de cinq lois, qui limitaient cependant le processus à une opération de simple réorganisation administrative du territoire. Ce n’est qu’au moment où le gouvernement a mis en place en 1994 une Commission nationale de la décentralisation chargée de réfléchir sur le profil et les caractéristique de la ‘décentralisation burkinabé’ que de nombreuses recherches, études et actions de communication ont permis d’aboutir à l’adoption progressive des textes d’orientation de la décentralisation. De l’avis même des responsables, tout cet ‘échafaudage repose sur l’édification de l’Etat de droit, induit l’élargissement du champ d’exercice des libertés collectives et individuelles mais aussi et surtout de nouveaux espaces d’organisation de la vie en commun’. 90

C’est avec la promulgation du Code Général des Collectivités Territoriales (mentionné précédemment), suivie des élections municipales de mai 2006, que le processus de décentralisation au Burkina Faso a amorcé un tournant important dans sa mise en œuvre. Désormais, la communalisation, qui avait initialement concerné seulement une poignées de communs urbaines, touche l’ensemble du territoire national – processus que le discours commun caractérise par l’expression ‘communalisation intégrale’. Les dernières élections municipales du 23 avril 2006 ont consacré cette forme de communalisation de tout le territoire burkinabè, avec la création de 302 nouvelles communes rurales et aussi de 13 Conseils régionaux qui viennent s’ajouter aux 49 communes urbaines déjà existantes. La politique de décentralisation au Burkina Faso est effective sur le terrain depuis l’organisation des premières élections communales du 12 février 1995, qui ont permis la création de 33 communes urbaines de plein exercice. En 2000, lors des deuxièmes élections municipales, 16 nouvelles communes sont rajoutées, portant ainsi à 49 le nombre total de communes urbaines.

89 Bien que la décentralisation actuelle soit basée sur une récente série de lois, elle fait partie intégrante d’une dynamique historique et devrait prendre en considération un contexte institutionnel préexistant (T. Hilhorst et G. Baltissen, 2003). 90 Voir une communication du Ministre du MATD (Florence, 2006) : http://www.euroafricanpartnership.org/contributi/ 15_03_06/EXPOSE_MATD.pdf

Annexe 3 : Cycle de planification des initiatives de développement local au niveau de la Collectivité communale

Appui/conseil des Services techniques

déconcentrés

Institutions communautaires

Commissions communales

Validation et priorisation de projets sur la

base du Plan de Développement Communal

Maire (ordonnateur du budget)

Dégagement des fonds (provenant du FPDCT)

Réalisation des ouvrages

Opérateurs / prestataires de services / maîtres d’œuvre

Appels d’offre, Signature de Contrats

CVD

Conseil communal

Elaboration du Budget communal (approuvé par la tutelle)

Approbation de projets et Elaboration du Plan Annuel d’Investissement Communal

Préparation du Plan d’investissement (en fonction des allocations

budgétaires de la Commune)

Soumission de projets

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ANNEXE 4 : Répartition de quelques compétences entre différents niveaux de décentralisation

DOMAINE DE COMPETENCE

COMMUNE

REGION

Aménagement du territoire, foncier et urbanisme

• Avis sur le schéma d’aménagement

urbain • Etablissement et exécution de plans de

lotissement • Participation à la gestion des terres du

domaine foncier national

• Elaboration avec l’Etat du schéma

provincial d’aménagement du territoire • Construction et entretien des chemins

ruraux

Environnement et gestion des ressources naturelles

• Elaboration de plans d’action pour

l’environnement • Participation à la protection des

ressources hydrauliques et halieutiques • Création de bois et forêts • Avis sur l’installation d’industries

polluantes

• Création de bois et forêts • Gestion et protection des forêts classées

et protégées, des cours d’eau • Détermination des zones de culture et

aménagement des pistes à bétail • Protection de la faune et des ressources

halieutiques

Développement économique et planification

• Elaboration du plan de développement

communal en cohérence avec le plan national

• Elaboration du plan de développement

régional en cohérence avec le plan national

Santé et hygiène

• Médecine préventive et

approvisionnement pharmaceutique • Hygiène, salubrité et qualité de l’eau

• Réalisation et gestion de centres de

santé primaire dans les localités non communalisées, des centres de santé développés

• Organisation de l’approvisionnement pharmaceutique

• Hygiène, salubrité

Education, formation professionnelle et alphabétisation

• Alphabétisation, enseignement

préscolaire et primaire, réalisation et gestion des établissements secondaires

• Formation professionnelle

• Alphabétisation, enseignement

préscolaire et primaire, dans les zones non communalisées

• Réalisation et gestion des établissements secondaires non nationaux

Culture, sport et loisir

• Equipement, gestion et promotion au niveau communal

• Equipement, gestion et promotion au

niveau régional

Protection civile, assistance et secours

• Promotion et protection sociale • Prévention, lutte contre les sinistres et

assistance aux sinistrés et déshérités

• Promotion et protection sociale • Prévention, lutte contre les sinistres et

assistance aux sinistrés et déshérités

[Source : Loi n.055-2004/AN portant Code général des collectivités territoriales au Burkina Faso (décembre 2004)

- Développement local, institutions et changement climatique au Burkina Faso -

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ANNEXE 5 LES PRINCIPAUX PROGRAMMES DE DEVELOPPEMENT

I. LES ACQUIS DES PROGRAMMES DE LA BANQUE MONDIALE I.1 LE PROGRAMME NATIONAL DE DEVELOPPEMENT RURAL DECENTRALISE (PNDRD) Les leçons et les acquis de la Phase I Au cours de sa première phase, le PNDRD a appuyé le processus du développement local au Burkina. Son objectif principal consistait à réduire la pauvreté et promouvoir un développement soutenable en appuyant une stratégie de développement rural décentralisé et participatif basée essentiellement sur la fourniture de services et d’infrastructures socio-économique et sur le renforcement des capacités de la société civile et des institutions décentralisées. Le dispositif financier de la Phase I prévoyait deux guichets, le premier en faveur des organisations rurales de base pour le financement d’initiatives socio-économiques reflétant les priorités locales et le deuxième dans le cadre d’investissements de plus grand envergure identifiés par le collectivités et réalisés par les provinces. En plus, le PNDRD a initié des activités expérimentales dans le domaine du foncier. D’un point de vue quantitatif, les résultats et les acquis de cette première phase apparaissent considérables. Il suffira d’en rappeler certains : • Etablissement de CVGT dans environ 4.000 villages, • Programmes de formation des CVGT en matière de planification, gestion et suivi du développement

local, • Réalisation d’environ 12.000 micro-projets (pour un total estimé à environ 39 millions US$), dont

40% pour des investissements l’approvisionnement en eau, 30% pour des infrastructures sociales et 16% pour la gestion de l’environnement

Une évaluation interne de la fin de 2006 avait aussi mis en lumière les principaux enseignements qualitatifs du programme : • La responsabilisation effective des collectivités par rapport à l’identification, évaluation,

cofinancement et réalisation des initiatives de développement constitue une garantie d’harmonisation et d’appropriation.

• Le renforcement efficace des capacités locales, qui a permis aux CVGT d’assurer la coordination des activités de développement au niveau des villages.

• La durabilité des activités de développement est assurée par l’implication de toute la collectivité dans leur prise en charge.

• La valorisation des leaders communautaires et des formes de partenariat comme garantie du succès des différentes initiatives.

• La cohésion sociale au sein des villages fortement été renforcée par un système de gestion transparente des fonds.

Du point de vue de politique générale, la Phase I du PNDRD a apporté une contribution cruciale à la formulation et la mise en œuvre de la révision du Code Général des Collectivités Territoriales (mentionné précédemment comme étant le point de référence incontournable de la vision burkinabé en matière de

- Développement local, institutions et changement climatique au Burkina Faso -

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gouvernance décentralisée) et la mise en place des Communes rurales (faisant suite aux premières élections locales en avril 2006). Les perspectives de la Phase II La Phase II est fortement axée sur les acquis de la première phase, tout en tenant compte des changements récents en matière de politique de développement, qui ont permis d’accélérer le processus de ‘communalisation intégrale’ du territoire national. Désormais, ce sont toutes les 302 communes rurales qui peuvent bénéficier des initiatives du programme à la fois en matière de renforcement des capacités locales et de planification et financement du développement local.91

Pour prendre en compte les différents niveaux et les compétences respectives des collectivités, le programme soulignera le principe de la ‘subsidiarité’, d’après lequel les activités de planification, programmation et financement du développement local ont lieu au niveau institutionnel compétent le plus proche de la base.

Du point de vue du dispositif financier, le défi principal semble consister à intégrer les instruments financiers de la Banque mondiale au nouveau Fonds Permanent pour le Développement des Collectivités Territoriales (FPDCT), qui remplace tous les instruments précédents. La mise en place des organes exécutifs dans toutes les Communes rurales (en particulier du Secrétaire Général) et la tenue d’élections libres et démocratiques en 2012 pour le renouvellement du mandat des conseillers communaux constituent les deux éléments principaux permettant à la Banque d’envisager la troisième et dernière phase du PNDRD. Les leçons apprises La conception de la Phase II a fortement tenu compte d’un certain nombre d’acquis et d’enseignements, pas seulement ceux qui peuvent être tirés de la Phase I, mais aussi, d’une manière générale, ceux qui dérivent de l’évolution de la politique burkinabé et des résultats des programmes de la Banque en appui à la gouvernance décentralisée dans d’autres pays de la sous-région. • Si la Phase I avait donné une assistance précieuse au Gouvernement pour la mise en œuvre de la

vision décentralisée du développement rural, la Phase II est davantage centrée sur l’harmonisation et la coordination des approches au niveau local, en fonction des compétences des collectivités communales.

• Dans un pays comme le Burkina Faso où plus de 80% de la population vit d’activités productives en zone rurale, la Phase II devrait davantage mettre l’accent sur les pratiques les plus soutenables de gestion des ressources naturelles. Dès lors, les plans de développement communaux devraient davantage refléter les dimensions liées à la gouvernance environnementale et la gouvernance foncière 92

et les plans d’investissements communaux devraient donner une place grandissante à des initiatives visant à la protection, gestion et exploitation durable des ressources.

• Enfin, la nouvelle phase du PNDRD vise aussi à soutenir l’émergence d’une société burkinabé libre, démocratique et décentralisée, à la lumière des perspectives politiques des derniers textes législatifs (en particulier le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qui est un élément majeur du cadre juridique et institutionnel de la décentralisation).

91 En termes de financement des investissements du développement local, la Phase II prévoit un montant d’environ 68,3 millions US$. 92 L’aspect de gouvernance foncière est géré par la Direction Générale du Foncier Rural et des Organisations Paysannes (DGFROP).

- Développement local, institutions et changement climatique au Burkina Faso -

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• A noter aussi que l’un des outils de la mise en œuvre du PNDRD est le deuxième programme

national de gestion du terroir (PNGT2).

I.2 D’AUTRES PROJETS DE LA BANQUE • Le Projet de Gestion intégrée des Ecosystèmes des bas-fonds du Sahel (‘Sahel Integrated Lowland

Ecosystem Management Project’, SILEM) Le but de ce projet (approuvé en 2004) est l’amélioration durable de la capacité productive des ressources du milieu rural (ressources naturelles, mais aussi physiques, humaines et financières), dans certaines zones à bas-fonds. En travaillant en étroite synergie avec le PNDRD, le projet vise à renforcer les capacités de collectivités locales, en matière notamment de planification et mise en œuvre et suivi d’un système de ‘gestion intégrée de l’écosystème’(an anglais : ‘integrated ecosystem management’, IEM). La justification de ce projet réside dans le fait que dans les pays sahéliens, l’eau constitue une ressource rare et inadéquatement exploitée. Le projet vise aussi à mettre à disposition des collectivités et des organisations villageoises des mesures incitatrices financières : un fonds ayant deux ‘guichets’, dont l’un destiné à financer des sous-projets de gestion des bassins versants au niveau des villages ou des groupes de villages, et l’autre destiné aux provinces (ou régions) pour des ouvrages de plus grande envergure.

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ANNEXE 4

D’AUTRES CADRES POLITIQUES, PROGRAMMES ET APPROCHES

I. LE PLAN CADRE DES NATIONS UNIES POUR L'AIDE AU DEVELOPPEMENT (UNDAF) Le ‘Plan Cadre des Nations Unies pour l'Aide au Développement’ (appelé généralement UNDAF - de son acronyme anglais) 93

couvre la période allant de 2006 à 2010. En parfaite cohérence avec le CSLP, le processus commun de programmation de l’UNDAF a abouti, suivant une démarche participative sous le leadership du Gouvernement à l’identification de cinq domaines prioritaires. à savoir: (i) Elargir les opportunités d’emploi et d’activités génératrices de revenus ; (ii) Garantir l’accès des pauvres aux services sociaux de base et à la protection sociale; (iii) Promouvoir la bonne gouvernance ; (iv) Réduire la vulnérabilité de l’économie rurale et l’insécurité alimentaire pour les groupes vulnérables et promouvoir une gestion durable de l’environnement ; et (v) Stabiliser la tendance du VIH.

En reconnaissant le fait que l’économie du pays repose sur le développement du secteur agricole, et que les activités agricoles sont confrontée entre autres aux aléas climatiques, à l’insuffisance des terres fertiles, à l’accroissement insuffisant de la productivité , à la faible diversification des revenus et du niveau de formation des producteurs. l’UNDAF considère l’insécurité alimentaire du pays comme l’une des conséquences de la pauvreté massive des populations rurales. Les objectifs spécifiques visent, entre autres, à :

• accroître les productions agro- sylvo-pastorales, fauniques et forestières au cours des prochaines

années ; • contribuer à la croissance des revenus des exploitants agricoles et des éleveurs de manière à

améliorer leur niveau de vie et à réduire l’incidence de la pauvreté en milieu rural par la diversification des activités ;

• généraliser et renforcer la gestion durable des ressources naturelles par les communautés rurales ; • responsabiliser et renforcer les capacités des populations rurales en tant qu’acteurs de

développement. Parmi ses axes d’intervention, l’UNDAF souligne l’établissement d’un dispositif de prévention et de gestion des crises dues aux aléas climatiques et aux catastrophes. En particulier, il recommande l’élaboration d’une cartographie de la vulnérabilité à l’insécurité alimentaire et du plan prévisionnel de gestion de crise, l’appui à la mise en œuvre d’un plan d’action du système d’information du secteur agricole et la mise en œuvre d’activités de prévention et de gestion des crises alimentaires.

II.PROJETS D’APPUI AU DEVELOPPEMENT LOCAL DECENTRALISE D’après les observations du MATD,94

l'essentiel des financements effectués au profit de la décentralisation au Burkina Faso se caractérise par la faiblesse des collectivités locales et leur dépendance des financements extérieurs. Les éléments sont soulignés :

• Faible capacité de maîtrise d'ouvrage des collectivités exposant celles-ci aux mécanisme d'assistance ou de délégation de la maîtrise d'ouvrage,

93 United Nations Development Assistance Framework. 94 Voir l’analyse du MATD dans son site Internet: Voir : http://www.matd.gov.bf/SiteMatd/ministere/projet/default.html

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• Faible capacité d'auto-financement des collectivités locales, • L’importance de l'aide extérieure (plus 70 % des investissements des collectivités locales), • L'existence de plusieurs procédures et mécanismes d'intervention. Ces procédures sont en effet

propres à chaque bailleur de fonds. A l'exception du collectif des bailleurs de fonds ci-dessus mentionné, aucune tentative de coordination des interventions n'a été tenté par l'Etat, encore moins les collectivités locales et les partenaires techniques et financiers de la décentralisation.

Beaucoup de ces disfonctionnements seraient corrigés à court terme par la mise en place d'un système pérenne de financement des investissement des collectivités locales . De nombreux partenaires techniques et financiers, à la fois bilatéraux et multilatéraux, appuient la décentralisation.95

Parmi les volets de ces projets, il faut rappeler : (i) le renforcement des capacités institutionnelles des collectivités locales ou des administrations d'accompagnement ; (ii) l'appui au développement local par la réalisation d'infrastructures: publiques (routes, ponts, etc.), sociales (écoles, CSPS, maisons de jeunes, puits, etc.) et marchandes (gares routières, marchés, parcs et marchés à bétail, etc.); la construction de pistes rurales; la réalisation d'équipements divers ; et la formation des élus et agents locaux des communes

La tendance au choix des zones privilégiées d'intervention reste forte chez tous les bailleurs (ex. Dori, Dédougou pour la coopération allemande, Bobo pour la coopération française, Dori, Sebba pour la coopération danoise, Fada N'gourma, Ouahigouya Koudougou pour la coopération suisse etc.). Une tendance à la concentration sectorielle (secteurs d'intervention) vient s'ajouter à cette concentration géographique ( zones de l'Est et du Sud Ouest pour la coopération allemande, identification de région d'intervention en cours pour le Canada etc..)

APPENDICE: Systèmes d’information et prévention des crises : produits vivriers et ressources en eau a) Le Conseil national de sécurité alimentaire (CNSA) 96

Le Conseil national de sécurité alimentaire (CNSA) a été créé en 2000 dans le but de superviser la mise en place de la stratégie de sécurité alimentaire. Il s’agit d’une instance de réflexion et d’orientation qui assure la supervision de la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Sécurité Alimentaire. Il œuvre à l’implication effective de tous les acteurs et responsabilise les collectivités locales et la société civile dans la gestion de la sécurité alimentaire au plan structurel et conjoncturel.

Les missions du Conseil National de Sécurité Alimentaire sont, entre autres, les suivantes :

• Offrir un cadre permanent de concertation sur la Stratégie Nationale de Sécurité Alimentaire conformément à la Politique du Gouvernement du Burkina Faso en la matière ;

• Donner des orientations en vue d’éclairer toutes décisions utiles se rapportant à la conduite de la Stratégie, dans le sens surtout du renforcement des actions déjà mises en œuvre ou à mettre en œuvre.

Dans cette perspective, un fonds d'appui à la sécurité alimentaire (FASA) a vu le jour pour financer les activités du CNSA avec la mise en place d'un stock alimentaire de 35.000 tonnes de céréales locales, d'un stock financier représentant la contre valeur de 25.000 tonnes de céréales et d'un stock d'intervention destiné à lutter contre la pauvreté en milieu rural entièrement financé par l'Etat burkinabè.

Le Conseil National de Sécurité Alimentaire comprend les organes suivants :

• Le Comité Technique (CT-CNSA), organe technique chargé de l’étude des dossiers soumis au CBSA

95 Pour une liste de ces partenaires et de ces projets, voir : Voir : http://www.matd.gov.bf/SiteMatd/ministere/projet/projet.pdf 96 ‘Accord Cadre général des coopération état-partenaires en matière de sécurité alimentaire. Voir : http://www.membres.lycos.fr/.../burkina /cadre%20general%20de%20cooperation.doc).

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• Le Secrétariat Exécutif (S/E CNSA) , composé d’une équipe légère, ayant, entre autres, pour rôle la préparation et la diffusion des dossiers soumis à l’examen du CNSA

• Les Structures Déconcentrées du CNSA au niveau local (région, province, département, commune et village) dont les attributions, l’organisation et le fonctionnement sont définis par Arrêté interministériel en cohérence avec les organes prévus dans le cadre de la décentralisation.

Parmi les structures rattachées au CNSA, il y a le Comité National des Secours d’Urgence et de Réhabilitation (CONASUR), structure chargée de la mise en œuvre des secours d’urgence et des réhabilitations. b) Le Système d’Information sur la Sécurité Alimentaire (SISA) 97

En parallèle, le plan d’action Système d’Information sur la Sécurité Alimentaire (SISA) est une initiative commune du Gouvernement et des Partenaires Techniques et Financiers pour renforcer et développer les structures qui vont approvisionner le Système d’Information sur la Sécurité Alimentaire. La vocation du SISA est de mettre à la disposition du Gouvernement des informations fiables et pertinentes sur la base desquelles les décisions politiques et techniques pourront être fondées dans le cadre de la Stratégie Nationale de Sécurité Alimentaire (SNSA).

La Coordination Nationale du Système d’information sur la Sécurité Alimentaire (CN-SISA) est un instrument de coordination, d’animation, de facilitation entre d’une part les dispositifs et d’autre part entre les acteurs impliqués dans la sécurité alimentaire. Pour donner corps aux enjeux fixés par le plan d’action Système d’Information sur la Sécurité Alimentaire, la CN-SISA est dotée d’une cellule d’animation qui a pour mandat de dynamiser les quatre instruments de coordination suivants : le forum technique, la centrale d’information, l’alerte précoce (CAP), et l’analyse structurelle (CAS). c) Ressources en eau Les questions de l’information et de la connaissance des ressources en eau sont dévolues à la Direction Générale de l’Inventaire des Ressources Hydrauliques (DGIRH) qui, pour ce faire, s’est dotée d’un certain nombre de moyens techniques pour mener à bien sa mission. L’ensemble de ces données et informations est stocké de manière plus ou moins élaborée sur les divers outils informatiques (centrales d’informations) comme BEWACO. Dans le cadre de la sécurité alimentaire, la DGIRH entretient des rapports institutionnels avec la Direction de la Météorologie Nationale et la DG-PSA. Le dispositif de collecte et de traitement de l’information sur les ressources en eau fait face à des difficultés d’ordre institutionnel, financier, matériel et humain. Il s’agit, entre autres, de : mauvaise qualité des données, la non fonctionnalité du dispositif de collecte, les difficultés de collaboration entre niveau central et niveau décentralisé, le cloisonnement entre les structures productrices de l’information, l’absence de modèle éprouvé pour la prévention des catastrophes, comme aussi la faiblesse de l’utilisation des informations sur les ressources en eau pour l’analyse et la gestion des crises alimentaires.

97 Voir : http://www.sisa.bf/sisa/spip.php?article52