dialogues du maître

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- Maître, maître, j'ai trouvé l'illumination ! - Alors, pourquoi t'en vanter ?

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Spiritual


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- Maître, maître, j'ai trouvé l'illumination !- Alors, pourquoi t'en vanter ?

- Maître, peut-on rester dans l'éveil ?

- Aussi facilement qu'on peut rester dans la lueur de l'aube. Il Faut être sans arrêt en chemin.

- Maître, dans l'éveil, le monde n'existe plus !- Alors rendors-toi !

- Maître, pourquoi faut-il accepter les choses telles qu'elles sont ?- Pour ne pas s'y résigner. Pour avancer, tu marches sur

le sol tel qu'il est.

- Maître, dans l'éveil, je suis le monde !- C'est que tu te prends pour l'horizon au lieu d'être un guetteur d'aube.

- Maître, comment rester attentif ? - Soit en toute chose immobile, comme

le vol de l'aigle.

- Disciple, dis-moi, quelle est la vraie nature de la chenille ?- Maître, ne te moques pas de moi, je connais la réponse, la vraie nature de la chenille est d'être papillon.- S'il en est ainsi, quelle est ta vraie nature, être un ange avec ses ailes ou un homme qui va sur ses pieds ? Sois ce que tu es avant d'être ce à quoi la mort te prépare !

- Maître, comment découvrir ma vraie nature ?

- Le balai apprend sa vraie nature de la poussière et du vent, apprends ta vraie nature du balai et de ce que te souffle le temps."

- Maître, comment être maître de soi ? - Avec la patience du dompteur face au fauve .- Le soi est donc une bête féroce qu'il convient de mâter.- Le soi est donc cet être farouche que la peur rend hargneux. Ce n'est que lentement, en prenant soin de lui avec douceur que tu le prépares à ta présence.- Après cela, il m'obéira ?- Après cela, tu connaîtras sa nature et tu sauras lui demander ce qu'il sait faire de mieux pour toi.

- Maître, le monde sera-t-il un jour en paix ?- Disciple, seras-tu- un jour en paix ?- Je ne saurais être totalement en paix, ni en moi dans mon imperfection, ni dans ce monde et sa cruauté.- Attendre la paix pour être en paix ou attendre d'être en paix pour faire naître la paix, c'est attendre demain pour faire naître l'aube d'aujourd'hui. Il faut être sans attendre, non dans la paix, mais dans la pacification.

- Maître, maître, est-ce vrai, la fin du monde approche ?- Mais le monde est déjà fini pour ceux qui croient en être séparés.- Veux-tu dire que, malgré notre ignorance, nous sommes dans le monde comme la goutte est dans l'océan ?- Je veux dire que c'en est fini déjà pour l'homme séparé comme pour l'arbre déraciné. A ne pas plonger ses racines intimement dans le monde pour s'ancrer et se nourrir, l'homme confond sa propre fin et celle du monde.

- Maître, est-il bon de souhaiter santé, bonheur, réussite ou amour une fois par an ?- Souhaiter n'est pas promettre et rien n'est permanent.- Ainsi, présenter ses voeux n'est que vaines paroles.- Si ce voeu n'est pas renouvelé tous les jours, accompagné des gestes qui aideraient ses prophéties à se réaliser, oui. Tous les jours commencent un an nouveau et les voeux engagent celui qui les prononcent à les rendre le plus réels possibles.

- Maître, est-ce que nous croyons en Dieu ?

- La question est peut-être davantage de savoir ce qu'il croit de nous.

- Maître, pourquoi la richesse et la pauvreté ?- A cause du manque de générosité et de gratitude; là où il faudrait donner, on prend, là où il faudrait tendre la main, on serre le poing.- Peut-on y changer quelque chose ?- En nourrissant nos faims de ce qu'il faut de pain et d'être.

- Maître, le monde est fou et fonce la tête baissée dans le mur.- C'est qu'au lieu de regarder les choses, il ne regarde que son nombril et les images qu'il a dans la tête.- Mais peut-on arrêter cette ronde infernale ?- En prêtant attention à ce qui est dans l'instant et dans le coeur.

- Maître, dois-je me contenter de ce que j'ai ? Le bonheur est-il dans le peu, et dans ce cas les pauvres devraient être les plus heureux, ou bien la félicité est-elle à posséder ce qu'on désire et je comprends que beaucoup rêvent ainsi ?- Vois d'abord comment te contenter de qui tu es. Tu pourras ensuite te reposer la question de ce que tu as.

- Maître, y a-t-il une vie après la mort ?- Comment le saurai-je, moi qui cherche à savoir quelle est le vie avant la mort.

- Maître, le corps nous retient prisonnier dans le désir et la souffrance. La seule sagesse, c’est de s’en détacher.- L’esprit autant que le corps ont à se libérer du désir et de la souffrance. Tu penses qu’il faut s’en détacher, mais si tu coupes la fleur de sa racine, elle perd sa force, son parfum, sa beauté et sa nature de fleur n’est plus qu’une illusion.

- Maître, qu'est-ce que le non agir ?- C'est recevoir la fleur sans avoir tiré le bourgeon.- Est-ce simplement laisser faire ?- Si tu laisses faire le vent sans que ta voile soit prête, ce n'est pas un voyage, mais juste une toile agitée.

- Maître, quel autre maître dois-je rencontrer ?- Le jardinier.- C'est un sot qui ne sait même pas lire et à peine parler. Pourquoi lui ?- Lui pourtant, mieux que quiconque, allie sans cesse la contemplation et l'action. Quand il faut planter, il plante et quand il faut récolter, il récolte. Il sait attendre longtemps, sans impatience, les bonnes saisons et s'affairer dès que le temps est favorable. Il taille quand il faut tailler, il admire quand il faut admirer, mais surtout, sans arrêt, il nettoie, il nettoie, autant son ouvrage que ses outils.

- Maître, peux t-on vivre sans désir ?- Non. Il faut apprendre à désirer ce qui nous manque vraiment, l'être plus que l'avoir.- Mais le manque est une douleur !- Dans l'avoir, oui. Dans l'être on l'appelle vacuité.

- Maître, est-ce que vivre n'est pas apprendre à mourir ?- Seulement pour ceux qui ont appris à vivre. - Mais n'est-il pas plus difficile encore de mourir quand on aime la vie ?- Ceux qui n'ont plus peur de manquer de vie ne craignent pas la mort. C'est pourquoi il ne faut pas manquer de vie, en toute circonstance.

- Maître, vous êtes un bon maître.- En es-tu sûr, pourquoi dis-tu cela ?

- Parce que vous m'éclairez comme un feu dans la nuit. - Je ne devrais pas être feu, mais étincelle qui permet à ton feu de prendre. Le bon maître est celui que peut quitter son disciple parce qu'il cherche et sais de lui-même. Nous avons encore tous les deux à progresser.