diplÔme en ostÉopathie (d.o.) · par mlle ludivine rigaud, née le 25/11/1988 à compiègne pour...
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en partenariat avec le
Federal European Register of Osteopaths
PROMOTION 2015
présenté et soutenu publiquement le ………..……… à Paris
par Mlle Ludivine Rigaud, née le 25/11/1988 à Compiègne
Pour l’obtention du
DIPLÔME EN OSTÉOPATHIE (D.O.)
ACCIDENTOLOGIE ET MANIPULATIONS CERVICALES
a tre de mémoire : M. MOULIN
Co-tuteur :
Membres du jury :
Président :
Assesseurs :
Accidentologie et manipulations cervicales
2
Remerciements
Je tiens tout d’abord remercier mon directeur de mémoire Mr Moulin pour son
aide, ses recherches actives, ses relectures et sa disponibilité tout au long de la
rédaction de ce mémoire.
Je souhaite aussi remercier mon binôme de bibliothèque Melle Savois qui m’a
accompagnée durant ces longues heures de recherche et d’écriture. Ainsi que pour
ses avis et conseils qui m’ont aidée lors de la conception et la rédaction du
mémoire.
Enfin je remercie les ostéopathes et personnels médicaux et paramédicaux ayant
participé à mon étude, ainsi que les personnes ayant lu et relu ce mémoire afin
qu’il soit présentable.
Accidentologie et manipulations cervicales
3
Abréviations :
HAS : Haute Autorité de Santé
ROF : Registre des Ostéopathes de France
HvBa : Haute vélocité Basse amplitude
T.O.G : Traitement Ostéopathique Général
AVB : Accident Vertébro Basilaire
AVC : Accident Vasculaire Cérébral
SO.F.E.C : Société Franco-Européenne de Chiropratique
SCOM : Sterno-Cléido-Occipito-Mastoidien
INSERM : Institut National de la Santé Et de la Recherche Médicale
AINS : Anti-inflammatoires Non Stéroïdiens
Accidentologie et manipulations cervicales
4
Sommaire -I- Introduction ................................................................................................................. 6
-II- Cadre législatif ............................................................................................................ 8
1. Législation ............................................................................................................. 8
2. La difficile différence entre manipulation et mobilisation ..................................... 9
3. La consultation en première intention .................................................................. 11
4. Le contexte du décret ........................................................................................... 11
-III- Principales pathologies liées aux manipulations cervicales ...................................... 13
1. Analyse des facteurs de risques spécifiques aux Accidents Vertébro Basilaires . 14
2. Facteurs de risques liés aux manipulations .......................................................... 17
3. Principal risque : la dissection de l’artère vertébrale ........................................... 19
Rappels anatomiques ................................................................................................ 19
Physiopathologie des dissections .............................................................................. 24
Symptomatologie des dissections .............................................................................. 27
4. Autres pathologies et facteurs de risques ............................................................. 28
-IV- Accidentologie et risques encourus ........................................................................... 30
1. Revue des chiffres ................................................................................................ 30
2. Difficultés ............................................................................................................ 31
3. Décisions de justice.............................................................................................. 33
-V- Méthodes et moyens ................................................................................................. 34
1. Questionnaire ostéopathes ................................................................................... 35
2. Questionnaire personnels médicaux..................................................................... 36
-VI- Résultats .................................................................................................................... 38
1. Partie ostéopathes................................................................................................. 38
2. Partie médicale ..................................................................................................... 41
-VII- Discussion ................................................................................................................. 43
1. Résultats et limites ............................................................................................... 43
2. Comparaison aux autres professions .................................................................... 46
3. Le manque d’études ............................................................................................. 48
4. Comment ne pas traiter la zone ............................................................................ 50
-VIII- Conclusion ................................................................................................................ 54
-IX- Bibliographie : .......................................................................................................... 57
-X- Annexes : .................................................................................................................. 61
Accidentologie et manipulations cervicales
5
Table des illustrations Figure 1 : Fréquence des symptômes associés aux manipulations cervicales ................. 14
Figure 2 : Vue du tronc brachio-céphalique..................................................................... 20
Figure 3 : Artère Vertébrale. ............................................................................................ 21
Figure 4 : Passage dans l’Axis de l’artère Vertébrale. ................................................... 22
Figure 5 : Polygone de Willis. .......................................................................................... 23
Figure 6 : Tuniques composant les artères. ...................................................................... 24
Figure 7 : Schéma des dissections ischémique et hémorragique. ..................................... 25
Figure 8 : Dissection de l’artère vertébrale Droite en V2, image 3D. ............................. 25
Figure 9 : signes d’insuffisance vertébro-basilaire SOFEC. ............................................ 28
Figure 10 : Profils des répondants. .................................................................................. 38
Figure 11 : utilité des manipulations cervicales. .............................................................. 39
Figure 12 : Fréquence des consultations en première intention. ..................................... 40
Figure 13 : l'ostéopathe exclusif est il capable selon vous de manipuler les cervicales en
première intention? ........................................................................................................... 41
Figure 14 : répartition professionnelle des répondants. .................................................. 42
Figure 15 : Première intention et manipulations cervicales. ........................................... 42
Figure 16 : Dangerosité des manipulations cervicales .................................................... 43
Accidentologie et manipulations cervicales
6
-I- Introduction
L'ostéopathie est une profession connaissant un essor considérable. Ainsi, bien
que nouvelle sur le plan juridique, l’ostéopathie est d’abord reconnue et mars
2002 par la loi Kouchner1 relative aux droits des malades et à la qualité du
système de santé, la profession bénéficie d'un succès en constante augmentation
auprès des patients. En effet, le nombre de consultations en France en 2014
avoisinait les 20 millions : une consultation démarre toutes les deux secondes.
La démocratisation de l'ostéopathie a permis de faire évoluer les mentalités et
a aussi engendré la nécessité d'avoir un cadre juridique bien précis et propre à
notre profession. C'est dans cette optique que la loi de 2002 a été complétée par
les décrets d'application de mars 20072.
J'ai voulu étudier plus précisément l'article 3 de ce décret autorisant les
manipulations du rachis cervical uniquement "après un diagnostic établi par un
médecin attestant de l'absence de contre-indication médicale". En effet, ce passage
a considérablement modifié la pratique des ostéopathes du fait des limitations
qu’il pose sur le traitement du rachis cervical. La consultation en première
intention pour une cervicalgie, la limite entre mobilisation et manipulation, la
difficulté d'obtenir un certificat fait par un médecin et même tout simplement la
dangerosité des manipulations sur cette zone sont autant de sujets sensibles
associés à la mise en pratique de ce décret.
L'un des fondements de base de l'ostéopathie consiste à envisager le patient
dans sa globalité : il existe des interrelations entre chaque système du corps. Le
rachis cervical est le parfait exemple de cette globalité, c'est une zone de passage
d'éléments musculaires et vasculo-nerveux (notamment les nerfs crâniens, artères
carotides et vertébrales), à destination du thorax, de l'abdomen mais aussi du
crâne. Comment éviter de manipuler cette région ? Comment et pourquoi ne pas
pouvoir, s'il existe des restrictions de mobilité, traiter cette zone?
1Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
2 Décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie
Accidentologie et manipulations cervicales
7
A travers ce mémoire, je souhaite m'intéresser aux raisons de la
publication de l'article 3 du décret de mars 2007: pourquoi les ostéopathes
exclusifs qui représentent en janvier 2015 56% des ostéopathes en France3, soit
12497 praticiens, seraient-ils plus dangereux que d'autres professionnels lors des
manipulations cervicales? Quels sont les risques liés à ces manipulations ?
Peuvent-ils être évités ou tout du moins limités? Y a-t-il plus d'accidents en
ostéopathie? Je voudrais aussi mettre en évidence les problèmes et limites que
pose cet article, à commencer par la définition du mot manipulation. Tous ces
points afin de tenter de répondre à la question suivante : cet article et par
extension le décret d'application de mars 2007 doit-il et peut-il évoluer?
Tout d'abord, je vais présenter plus en détails le cadre juridique en rapport
avec l'ostéopathie, traiter des facteurs de risques et pathologies principales en lien
avec les manipulations du rachis cervical. Puis exposer les revues d'accidentologie
et risques encourus liés aux manipulations.
Ensuite, je traiterai des méthodes et moyens utilisés lors de la rédaction de
ce mémoire en abordant les étapes de conception et de diffusion de mon enquête
auprès d'ostéopathes et personnels médicaux afin de déterminer quel est leur
jugement concernant cette loi. Les résultats obtenus seront analysés et donneront
lieu à une critique.
Enfin, les différents aspects problématiques de ce décret et la comparaison
de la situation des ostéopathes exclusifs, par rapport à d'autres professions
utilisant des techniques manipulatives, seront abordés.
3 Démographie des ostéopathes, news du jeudi 9 avril 2015, ROF
Accidentologie et manipulations cervicales
8
-II- Cadre législatif
1. Législation
L’ostéopathie est une profession relativement nouvelle de par son cadre
juridique très récent. En effet, les ostéopathes ont longtemps été considérés
comme des rebouteux; la seule loi concernant de loin l'ostéopathie datait du 6
janvier 19624 où il était précisé que seuls les médecins pouvaient pratiquer des
manipulations vertébrales. Il aura fallu attendre 2002 et la loi Kouchner relative
aux droits des malades et à la qualité du système de santé, avant qu’elle soit
reconnue et admise par tous. Cette première loi était déjà une avancée
considérable car elle reconnaissait l'ostéopathie en tant que profession de soins.
Elle permettait aux ostéopathes d'être reconnus et d'entrevoir une ouverture dans
le cadre de la formation de la profession. Cependant, cette loi ne définissait pas les
devoirs, obligations et interdictions encadrant notre profession, seules les
conditions d'obtention du titre d'ostéopathe y étaient précisées.
C’est en 2007, que les décrets d’application sont venus définir notre
profession à travers ses devoirs, obligations et interdictions. Un décret
d'application est un acte pris au nom du chef de l'état qui précise les modalités et
conditions d'application d'une loi : c’est "un règlement destiné à assurer
l'exécution d'une loi"5. Ainsi, les ostéopathes ne sont autorisés qu'à effectuer des
manipulations qui relèvent d'un champ de compétences qui a été déterminé par
une commission réunissant des experts ostéopathes mais aussi médicaux.
L'article 3 du décret n°2007-435 relatif aux actes et aux conditions d'exercice
de l'ostéopathie détermine une partie des restrictions qui interviennent dans la
pratique de l'ostéopathe :
4 Arrêté du 6 janvier 1962 fixant liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou
pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses
médicales non médecins
5 Lexique des termes juridiques 2011, 18ème édition, Dalloz
Accidentologie et manipulations cervicales
9
« II. - Après un diagnostic établi par un médecin attestant l'absence de contre-
indication médicale à l'ostéopathie, le praticien justifiant d'un titre d'ostéopathe
est habilité à effectuer les actes suivants :
1° Manipulations du crâne, de la face et du rachis chez le nourrisson de moins de
six mois ;
2° Manipulations du rachis cervical. »
Le décret d’application qui complète la loi Kouchner définit donc ce qu’est
l’ostéopathe et quelles sont ses limites. Cette mise en application suit les
recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS)6, qui au moment de la
publication de ce texte déplorait le manque d'études et d’expérimentations
concernant la pratique de manipulations sur le rachis cervical. En effet, le manque
de données concernant la dangerosité possible sur cette zone, semble avoir fait
prévaloir le principe de jurisprudence. Cependant cette recommandation apparait
comme modifiable si tant est que des données soient un jour exploitables en ce qui
concerne les manipulations du rachis cervical.
2. La difficile différence entre manipulation et
mobilisation
Le terme de manipulations pose ici un problème quant à sa diversité de
définitions en ostéopathie. Au sens commun du terme7 c’est « une technique
thérapeutique médicale, chirurgicale, ou de certaines médecines parallèles,
consistant à mobiliser avec les mains une partie du corps, en général une
articulation ». Le terme manipulation interviendrait donc dès que le praticien
touche et mobilise le rachis cervical si l'on considère la définition commune.
Si l'on opte pour une définition plus ostéopathique et professionnelle, les
manipulations sont considérées comme un sous type de mobilisation, mais toute
mobilisation n'est pas considérée comme une manipulation. Pour tenter de définir
6 Avis du 17 janvier 2007 sur deux projets relatifs à l’ostéopathie, HAS.
7 http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/manipulation/49185
Accidentologie et manipulations cervicales
10
ostéopathiquement la manipulation il convient d'abord de verbaliser quelles sont
les différences entre manipulation et mobilisation.
En suivant la définition donnée par le ROF sur son site internet8, les
mobilisations "sont effectuées lentement avec une grande amplitude" alors que les
manipulations sont réalisées avec une "haute vélocité et basse amplitude". On ne
se focalise alors que sur les techniques Haute Vitesse Basse Amplitude définies
par Robert Maigne9 : « La manipulation est un mouvement forcé, appliqué
directement ou indirectement sur une articulation qui porte brusquement les
éléments articulaires au-delà de leur jeu physiologique habituel, sans dépasser la
limite qu'impose à leur mouvement l'anatomie. C'est une impulsion brève, sèche,
unique, qui doit être exécutée à partir de la fin du jeu passif normal. Ce
mouvement s'accompagne en général d'un bruit de craquement." Les techniques
myotensives ou fasciales, ainsi que le traitement articulaire (TOG) ou bien même
les tests de mobilité ostéopathiques de la zone ne rentrent donc pas dans le terme
de manipulation.
On peut aussi se référer au ROF qui dans son guide de bonne pratique des
cervicales propose la définition de son groupe de travail 10
" la manipulation est un
geste spécifique et contrôlé qui restaure la mobilité du ou des mouvements
mineurs perturbés dans les limites des amplitudes physiologiques et restaure les
qualités fonctionnelles des tissus mous en relation". Cette abondance de
définitions propres à chaque profession semble un peu confuse par rapport a
l'application de l'article 3 du décret.
Le terme de manipulation n'est pas clair et il n'existe pas vraiment de
consensus sur sa définition. Ce qui amène à se demander ce que peut réellement
faire ou non l'ostéopathe : peut-il simplement tester le rachis cervical sans risque
8 ROF : Qu’est ce que l’ostéopathie? http://www.osteopathie.org/documents.php?url=qu-est-ce-que-l-
osteopathie_3535.pdf
9 Maigne R : Diagnostic et traitement des douleurs communes d’origine rachidienne Paris : Expansion
Scientifique Française ; 1989
10 Javerliat P, Orliac JP, etc. : Expertise et analyse critique des manipulations du rachis cervical, Livret I :
Analyse critique des risques attribués aux manipulations du rachis cervical et recommandations de bonne
pratique
Accidentologie et manipulations cervicales
11
de poursuite? Par extension, ne devons-nous pas du tout toucher le rachis cervical
ou pouvons-nous le mobiliser tant qu'aucun geste HvBa n'est envisagé? Si l'on se
réfère à la définition européenne du terme donnée par Bourdillon11
, les
manipulations ne concernent que les techniques haute vélocité basse amplitude.
3. La consultation en première intention
Cet article pose aussi le problème de la consultation ostéopathique en
première intention. Car le patient ne devrait donc pas aller voir son ostéopathe s’il
a une cervicalgie, qu’elle soit commune, aiguë ou chronique. Ou bien se faire ré-
adresser à son médecin afin d’avoir un certificat médical avant de pouvoir être
touché et traité. Ce qui implique trois consultations à régler dans le cas où le
médecin accepte de faire un certificat de non contre-indications.
Or en pratique, les médecins pouvant être réfractaires à l’ostéopathie il
reste rare qu’un praticien de santé conseille à ses patients de consulter un
ostéopathe et mette en jeu sa crédibilité de médecin en faisant un tel certificat. Car
si le patient avait ensuite un dommage, il n’en irait plus de la responsabilité civile
de l’ostéopathe mais de celle du médecin ayant fourni le certificat. Cela pose aussi
un problème de confiance envers l’ostéopathe, car le médecin ne connait pas
forcément la façon de pratiquer de celui chez qui il renvoie son patient se faire
manipuler. Pourquoi donc risquer de se décrédibiliser en fournissant un tel
certificat? D’autant que certains syndicats de médecins dont l’ordre des médecins
ont donné, à l’époque de la publication du décret, pour consigne de ne pas
renvoyer les patients chez un ostéopathe car c’est une tierce personne qui
manipule12
.
Enfin, le praticien perd lui aussi de la crédibilité alors qu’il est formé pour
détecter les risques potentiels liés à de telles manipulations.
4. Le contexte du décret
Pour comprendre cet article il suffit peut-être de se replacer dans le
contexte de la création de ce décret, en 2007. En effet, les décrets relatifs aux 11 Bourdillon JF, Day EA, Bookhout MR. Spinal Manipulation.5th éd. Oxford : Butterworth-Heinemann,
1992-6
12 Barry C, Falissard B : Evaluation de l’efficacité de la pratique de l’ostéopathie, INSERM U669
Accidentologie et manipulations cervicales
12
heures de formation en ostéopathie viennent juste de paraître fin 2014. Il parait
donc évident qu’en 2007 devant la multiplicité des écoles de formation (il en
existait pas moins de quarante sept agrées en 2010), il était difficile de statuer. Le
nombre d’école est alors record en France où il atteint le nombre d’écoles de
formation en ostéopathie de l’Europe entière. « Résultat : on est confronté à une
hétérogénéité dans la formation – cela va du médiocre à l’excellent – et à un
problème d’emploi. On recense aujourd’hui 14000 ostéopathes en France, contre à
peine 4.000 en Angleterre pour une population équivalente 2500 nouveaux
ostéopathes sortent de formation par an », ajoute Philippe Sterlingot13
le président
du Syndicat Français des Ostéopathes. Chaque école en ostéopathie présentant
chacune des programmes d’étude différents n’ayant aucun consensus de
formation, les législateurs ont dû faire un choix.
Car le statut d’ostéopathe pouvant à l’époque être distribué en 3, 4 ou 5
ans d’études, toutes les formations n’étaient pas égales et ne formaient pas de la
même façon les ostéopathes en devenir. C’est ce qui est reproché par la plupart
des textes médicaux et paramédicaux sur l’ostéopathie. La diversité des durées de
formation, le trop plein d’écoles et l’absence de consensus sur la formation ne
faisaient que décrédibiliser la profession.
Ce point semble, grâce au décret n° 2014-1505 du 12 décembre 2014
relatif à la formation en ostéopathie14
, en voie d’amélioration et permet
d’harmoniser les formations. Ainsi chacune des écoles remplissant les conditions
pour réobtenir son agrément, les commissions d’études des agréments
commençant tout juste en 2015, seront contraintes à un cahier des charges allant
de la qualité des infrastructures données aux étudiants à un programme précis de
formation des futurs ostéopathes dans le but que chacun ait la même formation de
base. De plus, le délai d’obtention du diplôme d’ostéopathe est fixé à cinq ans
d’études pour les ostéopathes exclusifs.
13 http://www.letudiant.fr/educpros/actualite/ecoles-dosteopathie-le-bal-des-agrements.html -consulté le
10avril 2015 14 Décret n°2014-1505 du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie
Accidentologie et manipulations cervicales
13
-III- Principales pathologies liées aux manipulations
cervicales Si les manipulations cervicales sont soumises à de nombreuses
controverses et sont très strictement réglementées, cela est dû d’une part au
manque d'études prouvant leur efficacité par rapport à d'autres traitements tels que
les mobilisations ; ainsi les études comparant les deux traitements ont échoué à
prouver une plus grande efficacité15
de l'un ou l'autre. De même, les études sur le
sujet ne parviennent pas à un consensus concernant une plus grande dangerosité
des manipulations par rapport aux mobilisations. En effet, selon l'étude de
Hurwitz16
publiée en 2005, les manipulations cervicales engendraient plus d'effets
secondaires, alors qu'une étude réalisée en 2010 par Gemell17
semblait prouver le
contraire.
D'autre part, les manipulations cervicales peuvent être incriminées comme
étant à l'origine du déclenchement de pathologies graves et dont les effets
secondaires peuvent être très invalidants pour le patient. En résumé, les bénéfices
des manipulations cervicales ne sont pas établis et les risques sont jugés
considérables18
.
En effet, les effets secondaires19
peuvent aller du simple mal de tête, aux
radiculalgies et enfin à la dissection artérielle pouvant entraîner jusqu’à la mort du
patient. Il me semble donc important d'étudier les facteurs de risques et les
pathologies liées aux manipulations avant d'amorcer dans la partie suivante une
tentative de bilan de ces différents accidents. Ci-dessous sont recensés les
principaux symptômes évoqués par les patients vus par un médecin ou neurologue
15 Cassidy JD, Lopes AA, Yong-hing K : The immediate effect of manipulation versus mobilisation on pain
and range of motion of cervical spine. J Manipulative Physiol Ther 1992, 15 :570-575
16 Hurwitz EL, Morgenstern H, Vassilaki M, Chiang M-L : Frequency and clinical predictors of adverse
reactions to chiropractic care in the UCLA neck pain study.Spine 2005, 30 :1477-1484
17 Gemell H, Miller P :Relative effectiveness and adverse effects of cervical manipulation,mobilisation and
the activator instrument in patients with sub-acute non-specific neck pain : results from a stopped randomised
trial : Biomed Central ;2010
18 Bronfort G, Haas M, Evans R, Leininger B, Triano J : Effectiveness of manual thérapies : the UK evidence
report ; Chiropractic& osteopathy : october 2010,18 :3
19 Stevinson C, Ernst E. Risks associated with spinal manipulation. AM J Med 002 ;112 : 566-71
Accidentologie et manipulations cervicales
14
à la suite de manipulations du rachis cervical dans les 134 cas étudiés dans
l’article publié en 2012 par Puentedura20
, pratiquées soit par un chiropracteur, soit
un ostéopathe, soit par un physiothérapeute. Ce graphique tend à montrer que les
principaux symptômes décrits suite aux manipulations cervicales sont les atteintes
des racines nerveuses suivies de sensations vertigineuses et nausées. A savoir que
la pathologie la plus fréquemment recensée dans cette étude de cas était la
dissection artérielle à 37,3%.
Figure 1 : Fréquence des symptômes associés aux manipulations cervicales
1. Analyse des facteurs de risques spécifiques aux
Accidents Vertébro Basilaires
Ici seront surtout étudiés les facteurs de risques propres à la dissection des
artères vertébrales et carotides qui diffèrent des risques cardio-vasculaires.
20 Puentedura EJ, March J and al. Safety of cervical spine manipulation : are adverse events preventable and
are manipulations being performed appropriately ? A review of 134 cases reports. Journal of Manual and
Manipulative Therapy, Vol 20 n°2 ; 2012.
0 10 20 30 40 50 60
état de confusion
perte de connaissance
troubles de la parole
symptômes visuels
céphalées
vomissements
nausées
ataxies
vertiges
augmentation de la douleur
paresthésies
sensation de faiblesse généralisée
Fréquence des symptômes
Accidentologie et manipulations cervicales
15
Les dissections représentent 20% des accidents ischémiques chez les
patients de moins de 45 ans21
. Cette prévalence chez le sujet jeune est constatée
dans toutes les études. Le sujet jeune serait plus à risque du fait de sa plus grande
laxité en termes de rotation cervicale qui tend à diminuer passé les 50 ans.
Rothwell22
évalue le risque d'accident vertébro-basilaire comme étant cinq fois
plus élevé chez les sujets dont l'âge est inférieur à 45 ans.
D'autre part, contrairement à ce qui est communément pensé, s’il n'existe
pas d'étude prouvant que les femmes sont plus touchées que les hommes23
, il est
cependant prouvé qu'en règle générale les femmes sont sujettes aux accidents
vertébro basilaires plus tôt que les hommes. En effet, les accidents arriveraient
chez les femmes en général cinq ans avant les hommes. Il en est de même pour la
prise de contraceptif oral, il n'est prouvé dans aucune étude récente qu'il
augmenterait de manière significative le risque d'AVB. L'étude de Micheli24
,
souligne que cette pathologie est aussi plus fréquente dans les pays développés où
elle touche 19 à 30% des sujets de moins de 45 ans.
Chez 40% des patients ayant eu un AVB, on retrouve à l'anamnèse
l’évocation d'un traumatisme mineur dans la vie courante. Ce traumatisme se
produit quelques jours à quelques heures précédant l'accident25
. Par traumatisme
mineur on entend le simple fait de tourner la tête pour faire un créneau, le fait de
tousser. En ce qui concerne les manipulations qui entrent dans la catégorie des
microtraumatismes, aucun consensus n'est fait. Les différents travaux d'études de
21 Dziewas R, Konrad C and al. Cervical artery dissection – clinical features , risk factors, therapy and
outcome in 126 patients. Journal of Neurology 2003 ; 250 : 1179-1184
22 Rothwell DM, Bondy SJ and al. Chiropractic manipulation and stroke. A population based case control
study. Stroke 2001 ; 32 :1054-1060
23 Schievink WI, Mokri B and al. Recurrent spontaneous cervical artery dissection. Neurology English
Journal Med 1994 ; 330 : 393-397
24 Micheli S, Paciaroni M and al.Cervical artery dissection : emerging risk factors. The open Neurology
Journal, 2010, 4, 50-55
25 Guillon B, Bousser M.G. Epidémiologie et physiopathologie des dissections des artères carotides
spontanées. J Neuroradiol 2002, 29, 241-49
Accidentologie et manipulations cervicales
16
chiropracteurs tels que Haynes, Terett ou encore Haldeman26
montrent qu'il existe
un lien temporel entre le moment de la manipulation et l'apparition des
symptômes. Nous étudierons les chiffres dans la partie suivante, mais la
manipulation cervicale est considérée non pas comme une cause d'AVB pour la
plupart des études mais comme un facteur déclenchant l'apparition des
symptômes.
Les AVB sont aussi liés au contexte infectieux lors du traitement du
patient. En effet, même si le lien entre AVB et infection reste encore flou,
plusieurs études, dont celle menée par Grau27
sur des patients hospitalisés
montrent une association significative entre un épisode infectieux
(particulièrement des voies aériennes supérieures) une semaine avant le
déclenchement des symptômes de dissection. Cette étude souligne aussi le lien
entre l’infection des voies aériennes supérieures et le pic d'AVB qui se situe en
octobre. Concernant le lien entre AVB et infection, il existe deux théories :
-La toux serait un traumatisme mineur qui viendrait comprimer les artères à force
d’être répété.
-Le phénomène d'inflammation viendrait se propager aux artères ce qui les
rendrait plus fragiles et donc plus sensibles au moindre traumatisme.
Ces deux théories ne font l'objet d'aucune étude poussée et restent à l'état de
supposition pour le moment.
D'autre part, il est montré que le cadre cardio-vasculaire familial reste un
bon reflet des potentiels risques de dissection chez le patient. En effet, le risque de
récurrence des AVB est maximal chez les patients dont la famille proche: père,
mère, frères et sœurs ont un terrain à risque cardio-vasculaire ou ont connu eux-
mêmes un épisode d'AVB ou AVC. Ainsi, Schievink28
estime le lien de
26 Terrett A.G.J. Current concepts in vertebro-basilar complications following spinal manipulation. West des
moins, IA : NCMIC Group 2001
27 Grau A.J and al. Association of cervical artery dissection with recent infection. Arch Neurol 1999 ; 56 :
851-856
28 Schievink W.I, Mokri B and al. Recurrent spontaneous artery dissection. Risk on familial versus non
familial disease. Stroke 1996 : 27 : 662-624
Accidentologie et manipulations cervicales
17
récurrence couplé aux antécédents familiaux à 50%. Enfin, le fait d'avoir déjà fait
un AVB entraine un risque de rechute estimé à 3% dans les 36 mois suivant et à
8% dans les 7 ans29
.
D'autres facteurs de risques sont à prendre en compte, même si leur lien
avec les AVB sont discutables. La grossesse est évoquée dans les études mais une
fois encore le lien n'est pas véritablement établi30
. Les antécédents de migraine31
sont eux aussi considérés comme un précurseur des AVB, en effet : de nombreux
patients décrivent un épisode migraineux intense quelques jours avant la
déclaration des symptômes de l'AVB.
Enfin, les facteurs de risques cardio-vasculaires tels que l'hypertension
artérielle, l'hypercholestérolémie, le tabac et le diabète32
sont considérés comme
favorisant le risque d'apparition des AVB, mais aucun lien n'est prouvé. Les
études de Konrad et Baumgartner33
indiquent que l'on peut les associer aux
facteurs de risques, particulièrement l'hypercholestérolémie.
2. Facteurs de risques liés aux manipulations
Les manipulations sont considérées comme pouvant déclencher des
dissections artérielles. Nous étudierons les chiffres concernant la survenue des
dissections artérielles dans la partie accidentologie. Cependant, il est à noter que
selon une étude menée par des chiropracteurs du Royaume-Uni34
, les symptômes
des accidents vasculaires seraient d'apparition immédiate après la manipulation
dans 1cas pour 10000 consultations et sous sept jours pour 7 cas sur 10000. Après
29 Leys D, Moulin T and al. Follow up patients with history of cervical artery dissection. Cerebrovascular Dis
1995 ;5 : 43-49
30 Majamaa K and al. Familial aggregation of cervical artery dissection and cerebral anevrysm. Stroke 1994 ;
8 : 1704-1705
31 Tzourio C, Benslamia L, etc. Migraine and the risk of cervical artery dissection : a case-control study.
Neurology 2002 ; 59 :435-437
32 Konrad and al. Protease inhibitors in stpontaneous cervical artery dissections. Stroke 2005 ; 36 :9-13
33 Rubinstein S.M. and al. A systematic review of the risk factors for cervical artery dissection. Stroke 2005 ;
36 : 1575-1580
34 Thiel H.W. and al. FRequency of complication of manipulation of the spine. A survey among the members
of the Swiss Medical Society of Medicine. Spine 2007
Accidentologie et manipulations cervicales
18
un mois, il apparait difficile d'imputer l'accident à un quelconque traitement
manipulatif.
Toutes les zones cervicales ne sont pas considérées comme ayant la même
prévalence de survenue d'AVB. Ainsi toutes les études convergent et soulignent
que les manipulations les plus à risques sont celles effectuées au niveau du rachis
cervical supérieur. Dans les revues d'accidentologie, les dissections des artères
vertébrales sont les plus fréquentes lors de manipulations de la première et
deuxième cervicale35
. Ceci s'explique par leur importante mobilité et la proximité
des structures vasculaires. Ainsi, près 50% de la rotation cervicale s'effectue au
niveau des articulations du rachis cervical supérieur36
; il apparait donc évident
que la mobilisation en rotation s'effectuera dans des barrières plus importantes que
pour le reste du rachis cervical et sera donc plus exposée aux risques.
De plus, il est mis en évidence dans de nombreux documents, y compris
les recommandations de la SO.F.E.C [annexe1], que les manipulations en rotation
sont les plus à risques. Ainsi JM Haynes estime que la mise en tension de l'artère
controlatérale à la manipulation est effective des 35°, ce qui expliquerait la
prévalence des accidents au niveau de C2. La rotation entraine une diminution du
flux de l'artère controlatérale à la manipulation, associée à une manipulation de
grande amplitude : elle suffirait à endommager l'artère. Le ROF, dans son guide
de bonne pratique concernant les manipulations cervicales37
, indique que les
paramètres de rotation et hyper extension associé augmentent d'autant plus le
risque de dissection en diminuant encore plus le flux dans l'artère controlatérale.
Ainsi, les manipulations du rachis cervical associées à une technique en rotation38
et extension seraient déclencheuses de 80% des AVC post-manipulatifs39
.
35 Klougart N and al. Safety inchiropractic practice, Part 1 : the occurrence of cerebrovascular accidents after
manipulations to the neck in Denmark from 1978-1988. J Manipulative Physiol Ther 1996 ;19 :371-7
36 Kapandji,. Anatomie fonctionnelle. Tome 3 : tête et rachis. Maloine. p.232
37 ROF. Analyse critique des risques attribués aux manipulations du rachis cervical et recommendations de
bonne pratique. Livret 1 38 Haynes M.J. Doppler studies comparing the effects of cervical rotation and lateral flexion on vertebral
artery blood flow. J Manipulative Physiol Ther. 1996 ; 19 : 378-84 39 Terrett A.G. Neurological complications of spine manipulative therapy. Principles and practice of
chiropractic. Second edition 2005, MC Graw-Hill, p 1150
Accidentologie et manipulations cervicales
19
Les manipulations en latéroflexion ne font pas l'objet d'un consensus,
certaines études tendent à prouver qu'il existe aussi un risque en latéroflexion mais
il n'est pas aussi significatif que celui en rotation. De plus, les études menées par
Haynes40
, qui a effectué des analyses par doppler vélocimétrique sur 600 patients,
tendent à prouver que la latéroflexion n'influe en rien sur le flux sanguin des
artères. En effet, le flux reste identique tête au neutre et en latéroflexion, alors
qu'il est nettement diminué en rotation.
Enfin, il est important de savoir qu'une étude menée par Symons41
met en
évidence que l'artère vertébrale, principale artère sujette à la dissection suite au
traitement manipulatif, supporte un étirement de 139 à 162% de sa longueur de
repos. Or, lors d'une manipulation haute vélocité basse amplitude, l'étirement ne
serait que de 6,2% pour les premières cervicales et de 2,1% pour les cervicales
basses. Ce qui laisserait une réserve d'étirement de 90%. Autrement dit, le risque
de rompre une artère vertébrale lors de la manipulation serait insignifiant.
3. Principal risque : la dissection de l’artère vertébrale
La rupture de l’artère vertébrale et plus rarement celle de l’artère carotide
interne constituent les risques les plus dangereux liés aux manipulations
vertébrales. Ce sont aussi les plus morbides. La rupture de l'artère vertébrale
représente 20% des accidents ischémiques chez les patients jeunes et a une
incidence de 1 à 1,5 cas pour 100 000. Tandis que l'artère carotide interne
représente 2,5 à 3 cas pour 100 000. Le taux de mortalité suite à une dissection
avoisinait en 2012 les 1 à 1,5 pour 100 000 cas par an42
.
Rappels anatomiques
L'encéphale est vascularisé par deux systèmes artériels qui se suppléent en
cas d'accident, ce sont les systèmes carotidien et vertébral.
40 Haynes M.J. Vertebral arteries and cervical movement : Doppler ultrasound velocimetry for screening
before manipulation. J Manipulative Physiol Ther Vol 25, Issue 9, p. 356-567
41 Symons B.P and al. Internal forces sustained by the vertebral artery during spinal manipulative therapy. J
Manipulative Physiol Ther.2002
42 Ali M.S and al. Intracranial vertebral artery dissections : evolving perspectives. International
Neuroradiology 18 : 469-483.2012
Accidentologie et manipulations cervicales
20
Le système carotidien43
interne nait de la bifurcation de l'artère carotide
primitive au niveau du gonion : il va se diriger vers la base du crâne en étant assez
superficiel sous le bord antérieur du Sterno Cléido Mastoidien. L'artère carotide
interne fait son entrée dans le crâne via l'espace sous arachnoïdien puis donne
naissance à l'artère ophtalmique qui va se diviser en quatre artères terminales dont
les branches divergent : la Cérébrale antérieure, la Cérébrale moyenne encore
appelée artère Sylvienne, la choroïdienne antérieure et la communicante
postérieure. Ce système artériel va vasculariser les deux tiers antérieurs des
hémisphères cérébraux, le corps calleux, les noyaux gris et la partie antérieure de
l'hypothalamus.
Figure 2 : Vue du tronc brachio-céphalique.
Le système vertébrobasilaire peut lui se diviser en 4 segments44
:
43 Melikseytan G, Hosseini H. Manipulations cervicales et risques de dissection de l’artère vertébrale. Revues
Générales de Neurologie 44 Bedouet A, Pignet R. Manipulations cervicales et accident vasculaire. Une mise au point s’impose.
Ostéopathe et urgences, p.12 à 14
Accidentologie et manipulations cervicales
21
-Segment pré-transversaire(V1): qui nait à la partie supérieure des artères Sous-
clavières droite et gauche, passe en avant du ganglion cervical inférieur et des
transverses de C7
-Segment inter-transversaire(V2): entrant dans les foramen transversaires de C6
voire parfois C5 accompagnée par le nerf vertébral, jusqu'à l'axis.
Figure 3 : Artère Vertébrale.
-Segment atloido-axoidien(V3): l'artère va se courber en avant et en dehors puis se
verticaliser au niveau de C2, elle entre dans le foramen intertransversaire de C1.
Puis de C1 à C0, elle va se diriger vers le dedans et décrire une deuxième
courbure dont la concavité épouse la masse latérale de C1. Ensuite elle va
traverser le ligament occipito-atloïdien postérieur et se diriger vers l'avant.
Accidentologie et manipulations cervicales
22
Figure 4 : Passage dans l’Axis de l’artère Vertébrale.
-Segment intracrânien(V4): l'artère fait son entrée dans le crâne via le foramen
Magnum, se dirige sur la face antérieure du bulbe jusqu'au sillon protubérantiel ou
les deux artères vertébrales fusionnent pour former le tronc basilaire. Elle va
donner en intracrânien: l'artère spinale antérieure qui va fusionner avec son
homologue et former l'axe spinal médian, l’artère spinale postérieure et l'artère
cérébelleuse postéro-inférieure.
Les artères vertébrales vont assurer la vascularisation de la partie supérieure de la
moelle cervicale, du tronc cérébral, du tiers postéro-inférieur des hémisphères
cérébraux, du thalamus et enfin du cervelet.
Accidentologie et manipulations cervicales
23
Figure 5 : Polygone de Willis.
Enfin, afin de mieux comprendre la physiopathologie des dissections, les
artères sont composées de trois tuniques45
:
-Interne: l'Intima qui est constituée d'un endothélium, de tissu conjonctif et d'une
limitante élastique interne
-Moyenne: la Média, composée de cellules musculaires lisses, de feuillets
d'élastine et d'une limitante élastique externe. Cette couche est sous contrôle du
système nerveux autonome et permet la vasodilatation ou la vasoconstriction des
artères afin de réguler le débit ainsi que la pression sanguine.
-Externe: l'Adventice, composée d'un tissu conjonctif, de fibres de collagène
permettant la protection des vaisseaux et pour les grosses artères du Vasa vasorum
qui correspond à la vascularisation de l'artère par un réseau capillaire qui lui est
propre.
45 www.snowrahm.free.fr/anat/12bis_vaisseaux_sanguins.doc
Accidentologie et manipulations cervicales
24
Figure 6 : Tuniques composant les artères.
Physiopathologie des dissections
La dissection artérielle correspond à "l'irruption de sang au sein de la paroi
de l'artère, le plus souvent par le biais d'une brèche intimale"46
. Une déchirure de
la paroi artérielle provoque l'introduction de sang en son sein ce qui peut entrainer
la rupture de ses tuniques. De ce phénomène résulte, soit un rétrécissement aigu
de la lumière du vaisseau à l'origine d'une obstruction ou sténose pouvant se
compliquer d'une thrombose soit une dilatation de la paroi artérielle aboutissant à
46 Guillon B, Bousser M.C. Epidémiologie et physiopathologie des dissections des artères cérébrales
spontannées. J Neuroradiol 2002, 29, 241-249
Accidentologie et manipulations cervicales
25
la formation d'un anévrisme47
. En règle générale, la dissection provient d'une
brèche intimale qui permet au sang de trouver un plan de clivage de la paroi.
Figure 7 : Schéma des dissections ischémique et hémorragique.
Figure 8 : Dissection de l’artère vertébrale Droite en V2, image 3D.
47 Shobha N and al. Les procédures dentaires et l’AVC : un cas de dissection de l’artère vertébrale. J Can
Dent Assoc 2010 ; 76 :a82f
Accidentologie et manipulations cervicales
26
Ces dissections surviennent dix fois plus souvent en extracrânien et sur des
territoires bien précis. Ainsi la carotide interne sera le plus souvent touchée 2 cm
au dessus du Bulbe au niveau de C2-C3 jusqu'au niveau de son entrée dans le
crane alors que l'artère vertébrale sera principalement touchée au niveau de C1-C2
en intertransversaire48
. Ces points correspondent aux zones de plus grande
mobilité des artères. Si l'on en croit l'étude de Guillon49
, il est possible que les
mouvements compriment les artères sur les structures osseuses avoisinantes, ce
qui entrainerait la dissection.
L'origine de l'hématome intra artériel reste très discutée: en effet, on ne sait
pas si la brèche est la cause de celui-ci ou si à l'inverse, il entraine la formation
d'une déchirure. Cependant, le fait que certains cas de dissections se produisent
sans qu'il y ait de brèche dans la paroi, suggère la possibilité d'un saignement qui
surviendrait de façon spontanée.
L'étude de Guillon sur les dissections spontanées se corrèle avec d'autres
travaux de recherches50
qui tendent à prouver que les dissections surviennent très
généralement sur des artères fragilisées. En effet, la plupart des patients après
examens avaient des signes en faveur d’une artériopathie sous-jacente. Parmi les
principaux arguments en faveur d'une artériopathie, on retrouve des plicatures et
boucles des artères cervicales chez 51% et 62% des patients atteints d'AVB dans
deux études distinctes, alors qu'ils ne sont que 16 et 19% chez les patients
témoins. Les dysplasies fibromusculaires sont aussi plus fréquentes ainsi que les
anomalies morphologiques. Ainsi, les mesures échographiques51
soulignent
qu'une augmentation significative du diamètre de l'aorte initiale supérieure à 34
cm est retrouvée chez 55,6% des patients avec AVB contre 15cm chez les patients
témoins. D'autres signes tels que les pathologies du tissu conjonctif52
ainsi que
48 Arnold M, Bousser M.G and al. Vertebral artery dissection : presenting findings and predictors of outcome.
Stroke 2006 ; 2499-503 49 Guillon B and al. Analysis of clinical risk factors in spontaneous cervical arteries dissections. Neurology
2001 ; 56 :162 50Barbour P.J and al. Internal Carotid artery redundoncy is significantly associated with dissection. Stroke
1994 ; 25 :1201-1206 51 Tzourio C and al. Aortic root dilatation in patients with spontaneous cervical arteri dissection. Circulation
1997 ; 95 :2351-2353 52 Van Den Berg J.S. and al. The role of type III collagen in spontaneous cervical arteries dissections. Ann
Neurol 1998 ; 43 :494-498
Accidentologie et manipulations cervicales
27
l'augmentation de la distensibilité des carotides semblent être des arguments en
faveur de l'apparition d'une dissection.
Symptomatologie des dissections
La survenue des dissections est en général accompagnée de signes
évocateurs. Chez 65% des patients on retrouvera une céphalée intense associée à
une cervicalgie en symptôme initial. Les thromboses intraluminales vont entrainer
des signes ischémiques53
qui, dans un tiers des cas, révèlent la pathologie. Ces
signes vont de troubles visuels à une aphasie, hémiplégie voire à une apraxie en
fonction des territoires touchés. Les vertiges ainsi que des troubles de la
coordination peuvent être associés. La dilatation anévrismale est parfois
responsable d'une compression ou d'un étirement des structures voisines,
principalement lors des dissections carotidiennes, qui viennent comprimer des
nerfs glossopharyngien à l'hypoglosse entrainant des symptômes tels que des
troubles de la déglutition, une dysphonie voire une paralysie des SCOM et
Trapèzes. Enfin, d'autres signes locaux peuvent être constatés dans 50% des cas
par atteinte des fibres sympathiques de la paroi artérielle, on pourra alors avoir un
signe de Claude Bernard Horner avec ptosis, myosis et enophtalmie. Ci-dessous le
résumé des signes d’insuffisance vertébro-basilaire possiblement présents chez le
patient.
53 Baumgartner, Arnold and al. Carotid dissection with and without ischemic events : local symptoms and
cerebral artery findings. Neurology 2001 ; 57 : 827-32
Accidentologie et manipulations cervicales
28
Figure 9 : signes d’insuffisance vertébro-basilaire SOFEC.
4. Autres pathologies et facteurs de risques
Outre des accidents vertébro basilaires, d'autres pathologies peuvent
survenir à l'occasion d'une manipulation cervicale. Celles-ci sont en général moins
morbides que les précédents mais peuvent laisser de lourdes séquelles. Ainsi, sur
la période allant de 1925 à 2006, ont été recensés 115 cas d'effets indésirables
imputés à la pratique de manipulations cervicales54
: 66 concernent des AVB, 20
concernent des hernies discales, 7 concernant des radiculalgies, 7 hématomes
cérébraux, 5 fuites de liquide céphalo rachidien, 3 myélopathies, 3 paralysies du
diaphragme, 2 syndromes de la queue de cheval et 2 fractures vertébrales.
Afin de prévenir le risque de déclencher ces pathologies, il convient à
l’ostéopathe d'être très prudent lors de l’anamnèse et de ne pas manipuler devant
certains signes :
-Traumatiques55
: douleurs et impotence fonctionnelle dans un cadre de
traumatisme important, en particulier s'il existe un contexte de fragilisation
osseuse.
54 Hurwitz E.L and al. Frequency and clinical predictors of adverse reactions to chiropractic care in UCLA
neck pain study.Spine 2005 ; 30 : 1477-82
55 Décret n°2011-32 du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de la chiropraxie
Accidentologie et manipulations cervicales
29
-Néoplasiques : douleurs non mécaniques à recrudescences nocturnes, d'altération
de l'état général, en particulier chez des patients atteints ou présentant des
antécédents néoplasiques.
-Rhumatologiques : douleurs non mécaniques, chroniques et récurrentes, en
particulier dans le cadre de maladies systémiques rhumatismales inflammatoires.
-Infectieux : douleurs non mécaniques à recrudescences nocturnes, en particulier
s'il existe un contexte d'infection récente et/ou de fièvre.
-Vasculaires : signes d'insuffisance vertébro-basilaire.
-Neurologiques : signes d'atteinte neurologique centrale ou d'atteinte radiculaire.
Ci-dessous, le tableau issu du Journal of Manual and Manipulative Therapy56
,
répertoriant les principaux "drapeaux rouges" à rechercher lors de l'interrogatoire
du patient et indiquant une contre-indication à la manipulation.
Previous diagnosis of vertebrobasilar insufficiency
Facial/intra-oral anesthesia or paresthesia, Dysphagia
Visual disturbances, Diplopia
Dizziness/Vertigo, Nausea
Tinnitus
Drop attack
Dysarthria
Any symptom listed above aggravated by position or movement of the neck
No change or worsening of symptoms after multiple manipulations
Liste des drapeaux rouges
56 Puentedura E.J and al. Safety of cervical spine manipulation : are adverse events preventable and are
manipulations being performed appropriately ? A review of 134 case reports. Journal of Manual and
Manipulative Therapy. 2012, Vol.20,n°2
Accidentologie et manipulations cervicales
30
-IV- Accidentologie et risques encourus
1. Revue des chiffres
En 2001, Schievink57
estimait dans son étude le risque de survenue de
complications neurovasculaires suite à des manipulations cervicales à 1 pour 20
000 manipulations. En 2007, une étude rétrospective réalisée par des
chiropracteurs anglais58
évaluait le risque majeur d'AVB suite à une manipulation
à 1 pour 200000 à 1 million de manipulations. La même année, Haldemann en se
basant sur des études effectuées par Veras, Lifeso, Bylend et Hurwitz entre 1996
et 2000 proposait une moyenne allant de 5 à 10 accidents pour 10 millions de
manipulations.
Les recherches de Cassidy en 200859
, sur la population Canadienne vivant
en Ontario, mettaient en évidence 818 AVB survenus entre 1992 et 2001, dont 32
de ces accidents se sont produits suite à une manipulation cervicale. L'étude de cas
effectuée par Puentedura60
en 2012, basée sur des dossiers de patients ayant eu un
AVB entre 1950 et 2010 recense 134 cas publiés dans 93 articles. Les pathologies
recensées sont principalement des dissections artérielles pour 37,3%. La
responsabilité d'un ostéopathe est mise en cause dans 8,2% des cas soit pour 11
patients.
L'avis des neurologues diverge61
et les études ont tendance à évaluer le
risque de dissection des artères vertébrales entre 1 cas pour 500 000 à 1 million de
57 Schievink W. Spontaneous dissection of the carotid and vertebral arteries. New English Journal Med 2001
March 22 ; 344(12) : 898-906
58 Thiel H.W. and al. FRequency of complication of manipulation of the spine. A survey among the members
of the Swiss Medical Society of Medicine. Spine 200
59 Cassidy J.D. and al. Risk of vertebrobasilar stroke and chiropractic care : results of population base control
and case crossover study. J Manipulative Physiol Ther. 2009
60 Puentedura E.J and al. Safety of cervical spine manipulation : are adverse events preventable and are
manipulations being performed appropriately ? A review of 134 case reports. Journal of Manual and
Manipulative Therapy. 2012, Vol.20,n°2
61 Ernst E. Adverse effects of spinal manipulations : a systematic review. Journal of the royal society of
medicine.Vol100, july 2007
Accidentologie et manipulations cervicales
31
manipulations. Le docteur Haldeman62
a lui effectué une étude sur la population
canadienne entre 1988 et 1997 et évalué, suite à une extrapolation, le risque
d'accident à un cas pour 5 millions 850 000 manipulations. Le ROF63
estime lui le
risque d'AVB à un pour 300 000 manipulations.
Enfin le Dr Rougemont64
, dans son rapport, publiait le nombre de 45 cas
d'accidents liés aux manipulations cervicales pour 13800 professionnels ayant eu
recours à ce type de pratique entre 1988 et 2003. Dans ces 45 cas, 9 concernaient
des dissections de l'artère vertébrale. Cependant, ces chiffres sont en dessous de
l'estimation réelle d'accidents dus à des manipulations cervicales car ils
n'impliquent pas les ostéopathes exclusifs.
2. Difficultés
La principale difficulté lors de ce travail de recherche a été de trouver des
données utilisables concernant les accidents survenus suite à des manipulations du
rachis cervical en ostéopathie. En effet, les différents contacts de compagnies
d'assurances telles que GAMM, MACSF ou encore La Médicale, sont soit restés
sans réponse, soit n'ont donné aucun chiffre exploitable. Il existe des données
concernant les médecins et kinésithérapeutes pratiquant les manipulations mais
très peu sur les ostéopathes exclusifs. Ceci est d'autant plus vrai concernant le
rachis cervical. Ainsi la base de données Pubmed ne contient qu'un article liant
l'ostéopathie et les manipulations cervicales aux risques associés : c’est l’article de
Dupeyron65
et Vautravers publié en 2003 évaluant la fréquence des accidents liés
aux manipulations vertébrales à travers une enquête réalisée dans plusieurs
départements français.
62 Haldeman S and al. Stroke, cerbral artery dissection and cervical spine manipulation therapy. J NEurol
2002 ; 249(8) : 1098-104
63 ROF. Analyse critique des risques attribués aux manipulations cervicales et recommandations de bonne
pratique. Livret 1.
64 Dr Rougemont M. Accidents vasculaires survenus à l’occasion de manipulations vertébrales et ayant fait
l’objet d’une réclamation auprès du GAMM, de GROUPAMA et d’AXA. 2003.
65 Dupeyron A, Vautravers P, Lecocq J, Isner-Horobeti ME : Complications following vertebral
manipulation-a survey of a French region physicians.Ann Readapt Med Phys. 2003 Feb;46(1):33-40.
Accidentologie et manipulations cervicales
32
Le manque de chiffres exploitables peut s'expliquer de plusieurs façons:
- le manque d'études scientifiques sur le sujet.
- le fait que les manipulations sur la zone soient considérées comme étant illégales
en l'absence de certificat de non contre-indication. Ce qui implique un nombre
revu à la baisse de manipulations.
- une volonté de la par des assureurs de ne pas divulguer les statistiques liées à ces
accidentologies de part leur caractère potentiellement illégal et pour des raisons
financières.
Cependant, un bon indicateur concernant les accidentologies en
ostéopathie est le prix des cotisations des assureurs en Responsabilité Civile
Professionnelle. Les données montrent que les tarifs ont très peu évolué en cinq
ans. Ainsi, les cotisations avoisinent les cent à deux cents euros par mois. Les
indemnisations se répercutant sur les cotisations des adhérents, on peut en déduire
que les accidents et leurs répercussions financières ne sont pas plus fréquentes en
ostéopathie. Lors de l’émission Enquête de Santé66
consacré à l’ostéopathie, en
2012, le juriste de la compagnie d’assurances La Médicale, J.Villanova estimait
que « les accidents en ostéopathie sont sous contrôle en termes de fréquence », ce
qui explique que les cotisations des ostéopathes assurées soient relativement
faibles.
D'autre part, l'incidence et la fréquence des complications suite aux
manipulations du rachis cervical restent controversées, car il n'est pas évident de
connaitre le nombre de manipulations de la zone effectuée chaque jour et le
nombre d'accidents réellement imputables aux manipulations 67
.Cette constatation
est aussi transposable aux études concernant les chiropracteurs. Ainsi, l'étude de
Gouveia en mai 200968
conclut en l'absence de données fiables sur la prévalence
66 Enquête de santé. Ostéopathie qui nous manipule ? 25/09/2012. France 5. 31min 46 sec 67 Haneline H.T et al. Association of internal carotid artery dissection and chiropractic manipulation.
Neurology 2003 ; 9(1) : 35-44.
68 Gouveia L.O. Safety of chiropractic interventions : a systematic review. Spine 2009 ; 34(11) : E3405-13
Accidentologie et manipulations cervicales
33
des effets indésirables survenus après une manipulation effectuée par un
chiropracteur.
De ce fait, les principaux chiffres avancés résultent de travaux de
recherche principalement effectués avant la mise en application du décret de 2007,
d'estimations basées sur des études internationales concernant chiropracteurs et
ostéopathes, et enfin de données rétrospectives d'assureurs concernant
l'ostéopathie.
3. Décisions de justice
Comme pour les chiffres il n'existe que très peu de rapports de décisions
de justice concernant d'éventuels accidents survenus suite aux manipulations
cervicales. Cet acte étant illégal chez les ostéopathes exclusifs il n'y a pas de
littérature les concernant, les seules données concernent des médecins ou
kinésithérapeutes. Une des plus hautes indemnisations concerne un
kinésithérapeute ayant manipulé le rachis cervical d'un patient et s'élève
à
1 658 951 euros.
Lors des réclamations des patients, différents tribunaux peuvent être mis
en cause :
-la juridiction pénale, s'il y a décès ou de lourdes séquelles, l'ostéopathe intervient
alors en tant que témoin assisté ou bien peut être mis en examen.
-la juridiction civile: il passe alors devant la Commission Régionale de
Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux et infections
nosocomiales, cette commission a été créée suite à la loi Kouchner de 2002.
Dans tous les cas, le praticien aura recours à son assureur de
Responsabilité Civile Professionnelle. Une fois les poursuites engagées, le
praticien devra pouvoir justifier du choix de la technique incriminée grâce au
diagnostic qu’il aura préalablement posé, au respect des contre-indications
éventuellement liées à ce diagnostic, et tout simplement, à l’état du patient au
moment de la consultation. Le praticien est dans l’obligation de conserver et de
Accidentologie et manipulations cervicales
34
pouvoir fournir le dossier du patient où il doit avoir scrupuleusement noté les
diagnostics, tests d’exclusion effectués et les manipulations pratiquées.
Ensuite, il faut que le professionnel ait bien informé le patient sur tout le
traitement effectué et obtenu son accord sur le traitement proposé : « l’information
doit être intelligible pour le patient, exacte, exhaustive et mentionner tous les
risques exceptionnels et non exceptionnels ». Le juge se saisissant de l’enquête
nomme ensuite un expert qui a pour charge d’évaluer les effets du traitement si
celui-ci était bien indiqué lors du traitement du patient. Il faut savoir que l’expert
n’est pas forcément un ostéopathe et qu’il peut être réfractaire à la pratique. Il
convient donc d’être très scrupuleux lors des tests effectués sur le patient et de
tout consigner dans le dossier qui est la seule preuve du traitement reçu.
Lors d’un entretien téléphonique, Mr Alain Arnaud expert en assurance en
ostéopathie pour AXA, contacté sur la question des indemnisations nous explique
que s’il y a litige, il existe deux cas de figure. D’une part certains effets
secondaires sont considérés comme n’étant pas forcément dus à l’ostéopathe : il
s’git d’une « responsabilité sans faute ». L’ostéopathe étant assuré, le juge aura
tendance à se mettre du coté du patient. La majorité de ces cas entrainent de
« petits recours », les indemnisations allant de 5 à 20 000 euros. Ces
indemnisations sont prises en charge par les compagnies d’assurances.
D’autre part, les litiges bien plus importants entrainant pour le patient des
dommages physiques ou moraux considérables. Dans ce cas, les indemnisations
peuvent être supérieures à 100 000 euros. De plus, si la responsabilité du praticien
est reconnue en fonction des réclamations, il peut s’en suivre une peine de prison.
Dans le cas spécifique des manipulations cervicales, le praticien n’est pas
assuré pour ce genre d’actes, il est donc évident que si sa responsabilité est
reconnue, l’assureur ne prendra pas en charge les frais d’indemnisation.
-V- Méthodes et moyens
Ce formulaire [Annexe2] a été réalisé en deux parties : une destinée aux
ostéopathes quels qu'ils soient et la seconde réservée aux praticiens de santé
Accidentologie et manipulations cervicales
35
(médecins, neurologues, radiologues..) pouvant être au contact de patients ayant
eu des complications suite à des manipulations cervicales effectuées par un
ostéopathe. Le questionnaire a été envoyé aux ostéopathes de toute la France via
les annuaires professionnels et personnels médicaux d'Ile de France par internet et
par courrier. Certains ostéopathes et centre d'imagerie ont été contactés par
entretien téléphonique.
1. Questionnaire ostéopathes
Cette partie du questionnaire a pour but de connaitre le sentiment de tous les
ostéopathes concernant les manipulations cervicales. Les ostéopathes exclusifs et
ceux détenant un autre titre se sentent-ils dangereux dans leur pratique? Se
pensent-ils à même de déceler des facteurs de risques d'accidents? Se jugent-ils
suffisamment bien formés?
1) La première question a été posée afin de savoir si la personne répondant était
ostéopathe exclusif ou non. Cette question est importante car les ostéopathes
exclusifs ne sont pas habilités à manipuler les cervicales sans certificat de non
contre-indication. Elle permet aussi de faire un bilan et dresser un portrait des
personnes ayant répondu au questionnaire.
2) Cette question permet de juger de l'importance des manipulations cervicales,
savoir si elles sont peu utiles ou indispensables selon les praticiens. Pour ce faire,
j'ai choisi l'utilisation d'une échelle numérique allant de 1 à 5, 1 considérant les
manipulations cervicales comme strictement inutiles dans le cadre d'un traitement
ostéopathique, 5 jugeant comme indispensables ces manipulations.
3-4) La question est posée afin de connaitre le ressenti des ostéopathes à propos
de leur formation sur la dangerosité des manipulations cervicales. Le choix était
binaire : oui ou non, si la réponse était négative, je souhaitais savoir les raisons de
ce manque de connaissances à travers une réponse ouverte, était-il imputable à la
formation des ostéopathes, à un manque de documentation ou autre.
5-6) Ces questions sont liées aux deux précédentes et ont le même format un
choix binaire puis une réponse ouverte en cas de réponse négative. Car sans
connaissance des facteurs de risque les manipulations ne peuvent être effectuées
Accidentologie et manipulations cervicales
36
en toute sécurité. Il apparait donc important de savoir si les ostéopathes se sentent
suffisamment bien formés à les déceler et la raison si la réponse était négative.
7) L’intérêt est de savoir par quels moyens d'anamnèse ou de tests le praticien
arrive à déceler des risques potentiels au traitement cervical.
8) Cette question est essentielle afin de déterminer le nombre de consultations
pouvant impliquer directement un traitement cervical. Ce chiffre sera évalué
comme un minimum de consultation nécessitant un travail sur la zone car si l'on
se tient au principe de globalité un tout autre motif de consultation peut nécessiter
une libération cervicale.
9) Cette question est posée pour deux raisons : la première étant de savoir si les
patients passent par le médecin avant d'aller chez l'ostéopathe pour un motif de
consultation concernant des cervicalgies. La seconde étant si ce n'est pas le cas de
souligner la confiance des patients en l'ostéopathe en tant que référent en première
intention.
10-11) La question est essentielle afin de connaitre l'auto-jugement que font les
ostéopathes d'eux-mêmes concernant leur technicité sur cette zone à risque et
quelles peuvent être les raisons qui font qu'ils ne se jugeraient pas à même de
manipuler cette région : est ce par manque de confiance ou autre?
12-13) Cette question est liée à la précédente mais plus générale, elle sert à
connaître le jugement que font les ostéopathes d'eux-mêmes dans le cadre de leur
pratique de tous les jours et à déterminer s'il existe des différences fondamentales
entre les ostéopathes exclusifs et ceux justifiants d'un autre titre. Ainsi que les
raisons qui peuvent les pousser à répondre oui.
13-14) Le but de ces questions est de connaître non plus le ressenti des
ostéopathes en général mais des professionnels de santé par rapport à la pratique
des ostéopathes exclusifs.
2. Questionnaire personnels médicaux
Cette deuxième partie sert à connaitre le point de vue des personnels soignants
qui peuvent être en contact avec des patients ayant eu des manipulations
cervicales effectuées par un ostéopathe (qu’il soit exclusif ou non). Quel est leur
jugement par rapport au décret ? A quelle fréquence ont-ils à diagnostiquer des
accidents post-manipulations effectuées par des ostéopathes?
Accidentologie et manipulations cervicales
37
16) Sert à effectuer des statistiques et connaitre la profession des répondants.
17) Question essentielle afin de savoir si la personne ayant répondu est au fait de
la législation concernant l'ostéopathie.
18-19) Cette question est utile afin de connaitre le ressenti des personnels
médicaux sur la formation des ostéopathes et leurs capacités à pouvoir manipuler
une zone telle que le rachis cervical. Les réponses à ces questions sont à comparer
avec les questions 9 et 10 afin de savoir s'il existe un consensus ostéopathes-
monde médical sur le sujet.
20) C'est une des questions les plus importantes car elle entre dans le vif du sujet,
à savoir est-ce que le monde médical rencontre des patients qui suite à des
manipulations sont venus les consulter.
21) Cette question est posée afin de savoir par quel ostéopathe ont été effectuées
les manipulations.
22) Elle fait suite aux deux précédentes et est essentielle car elle touche à la
justification du décret. Les personnels soignant ont-il ou non à diagnostiquer des
pathologies qui peuvent être imputées à des manipulations cervicales effectuées
par un ostéopathe quel qu'il soit?
23) Quelles sont ces pathologies? Afin de déterminer un ordre de fréquence et de
gravité.
24) Cette question sert à savoir si les ostéopathes exclusifs peuvent être plus
impliqués que les ostéopathes justifiant d'un autre titre dans les accidents post-
manipulations. Les ostéopathes au sens large du terme sont-ils tous égaux devant
les accidents?
25) Sert à déterminer si le diagnostic de pathologies post-manipulation est
fréquent dans la pratique médicale ou si cela reste de l'ordre de l'occasionnel.
26-27) Ces questions servent à connaître l'opinion et le jugement que porte le
monde médical sur le décret et sur la capacité des ostéopathes à effectuer des
manipulations cervicales.
Accidentologie et manipulations cervicales
38
-VI- Résultats
1. Partie ostéopathes
Le total des ostéopathes ayant répondu à ce questionnaire s'élève à 160, sur
ces 160 personnes, 63% sont des ostéopathes exclusifs, les 37% restants se
divisant entre en grande majorité médecin ou kinésithérapeute. Les sages-femmes,
infirmiers, podologues ou autres professions représentant 8,2% des personnes
ayant répondu au questionnaire.
Figure 10 : Profils des répondants.
La seconde question consistait à évaluer l'intérêt des manipulations
cervicales pour les praticiens. Pour se faire ils devaient cocher le chiffre
correspondant à leur jugement, les chiffres allant de 1 à 5. 72% des praticiens ont
sélectionné 4 ou 5 évaluant donc les manipulations cervicales comme étant sinon
indispensables majoritairement nécessaires. Alors que seulement 2 personnes soit
1,25% des répondants les jugent inutiles.
Accidentologie et manipulations cervicales
39
Figure 11 : utilité des manipulations cervicales.
La majorité des ostéopathes se juge assez bien informée des risques liés
aux manipulations cervicales, ainsi 86,25% des répondants pensent avoir une
bonne connaissance de ces risques. Parmi les explications des 13,75% restants on
retrouve le manque d'informations précises et objectives sur le sujet, le manque
d'études scientifiques rigoureuses sur les risques attribués aux manipulations
cervicales ; ces griefs seront plus amplement étudiés dans la partie suivante.
Certains reprochent aussi le fait qu'entre ostéopathes, on "dédramatise" les
potentiels risques liés aux manipulations.
82% des ostéopathes exclusifs se considèrent comme étant assez bien
formés pour déceler les potentiels facteurs de risques aux manipulations
cervicales. Les éléments pour détecter ces risques allant des signes cliniques
décrits par les patients à l'anamnèse aux tests orthopédiques effectués lors de la
suite de la consultation. Cependant, il est à noter que les tests orthopédiques ne
font pas consensus et la majorité des praticiens citent d'avantage les signes
cliniques comme diagnostic d'élimination.
Concernant la fréquence des consultations ayant pour motif les
cervicalgies il est très aléatoire et ne donne pas lieu à de vraies statistiques si l'on
se réfère aux réponses obtenues dans le questionnaire. Il est toutefois à noter que
la majorité des ostéopathes disent être consultés pour cervicalgies dans des
Accidentologie et manipulations cervicales
40
fréquences allant de un tiers à la moitié des cas. D'autres restent plus vagues,
abordant une fréquence allant d'une consultation par semaine à une par mois pour
ce motif.
Sur les 160 répondants, 139 disent être consultés pour le motif cervicalgie
en première intention, c'est-à-dire que 69,37% des ostéopathes rencontrent des
patients ayant des cervicalgies et n'ayant pas été consulte leur médecin au
préalable.
Figure 12 : Fréquence des consultations en première intention.
La majorité des ostéopathes se jugent aptes aux manipulations du rachis
cervical. Ainsi 86,88% s'estiment compétents et suffisamment formés pour
manipuler la zone. Pour les 21 répondants ne se sentant pas aptes aux
manipulations, les raisons évoquées vont du manque de confiance dans ces actes,
au manque de pratique et enfin au fait que ce soit illégal.
Dans un cadre beaucoup plus général et englobant les pratiques sur toutes les
zones du corps, il n'y a que 5,62% des ostéopathes qui se sentent ou se sont sentis
dangereux dans leur pratique de tous les jours.
Enfin pour clore la partie strictement ostéopathique de ce questionnaire,
parmi les 59 personnes ayant répondu disposant d'un autre titre que celui
Accidentologie et manipulations cervicales
41
d'ostéopathe exclusif, 49 jugent que les ostéopathes devraient pouvoir manipuler
les cervicales en première intention.
Figure 13 : l'ostéopathe exclusif est il capable selon vous de manipuler les
cervicales en première intention?
2. Partie médicale
Au total, 53 personnes ont répondu : parmi elles on distingue 24 médecins,
13 radiologues, 9 neurologues et 7 autres personnels médicaux ou paramédicaux
n'ayant pas donné leur profession.
Accidentologie et manipulations cervicales
42
Figure 14 : répartition professionnelle des répondants.
Sur ces 53 personnes, elles n'étaient que 7 à ne pas connaitre le décret concernant
les manipulations cervicales en ostéopathie. 58,5% jugent les ostéopathes à même
et suffisamment bien formés pour manipuler les cervicales en première intention.
Figure 15 : Première intention et manipulations cervicales.
Parmi les répondants, ils sont 33 à avoir eu des retours de patients suite à
des manipulations cervicales effectuées par des ostéopathes, la majorité de ces
manipulations était effectuée par des ostéopathes exclusifs, mais certains citent
aussi des médecins et kinésithérapeutes, cependant aucune fréquence n'est
Accidentologie et manipulations cervicales
43
quantifiable. La plupart des motifs de consultation étant la récidive des
symptômes de la cervicalgie et donc l'échec du traitement ostéopathique. 64,15%
des personnels médicaux n'ont jamais eu à diagnostiquer de pathologie suite aux
manipulations. Sur les 33,85% autres, les diagnostics impliquaient des hernies
discales et conflits disco-radiculaires. La fréquence de diagnostics post-
manipulations cervicales est estimée par tous comme très rare et évaluée au
maximum à deux par an.
Enfin à la question, « les manipulations cervicales sont-elles dangereuses
pour le patient ? », 58,50% répondent négativement. Sur les 22 interrogés jugeant
qu’effectivement les manipulations cervicales en ostéopathie peuvent être
considérées comme dangereuses, les raisons évoquées sont la mauvaise technicité
des praticiens, les risques mineurs existants dans n'importe quel acte médical ainsi
que la grande diversité des techniques manipulatives.
Figure 16 : Dangerosité des manipulations cervicales
-VII- Discussion
1. Résultats et limites
Lors de la première partie du questionnaire concernant l’avis des
ostéopathes sur les manipulations cervicales, la majorité des répondants étaient
Accidentologie et manipulations cervicales
44
ostéopathes exclusifs, ceci peut s’expliquer par le fait que sur les personnes
contactées, la majorité était des ostéopathes exclusifs. Cependant, cette tendance
permet de mieux comprendre les chiffres qui se dégagent dans la suite de l’étude.
Parmi les résultats prêtant à discussion, il aurait été intéressant de spécifier
la catégorie professionnelle des répondants lorsque leur jugement était demandé
concernant leurs connaissances des risques liés aux manipulations, leur jugement
quant à leur formation mais aussi et surtout par rapport à leur capacité de
manipuler les cervicales. Ainsi, les chiffres auraient pu dégager de nouvelles
tendances, à savoir est-ce que tous les ostéopathes se sentent en grande majorité
confiants et surs de leur technicité et connaissances ou bien les personnels
médicaux et paramédicaux se sentent ils plus confiants que les ostéopathes
exclusifs ?
Parmi les 16,95% ne jugeant pas les ostéopathes à même d'effectuer ces
manipulations cervicales plusieurs raisons sont dégagées :
- pour certains, cela dépend de la formation reçue et des écoles ayant
dispensé ces formations, ce qui renvoie au problème de la disparité des
enseignements et de la trop grande abondance d'écoles de formations en
ostéopathie, ce point sera développé dans la partie suivante.
- pour d’autres, c'est l'impossibilité de faire des examens complémentaires
pour l'ostéopathe ce qui renvoie à la nécessité de consulter un médecin en
première intention.
Cette première partie de résultats soulève plusieurs points prêtant à
discussion. Tout d'abord, il est évident que ce questionnaire se base sur le
jugement personnel des ostéopathes et n'est donc pas forcément objectif. Ensuite,
il révèle des problèmes et jugements liés aux formations suivies, et au manque
d'études scientifiques concernant les manipulations cervicales et par extension sur
les traitements ostéopathiques en général.
Lors de la partie médicale, il aurait fallu de même préciser pour chaque
tendance si les différentes catégories de personnes répondant étaient tous du
même avis.
Accidentologie et manipulations cervicales
45
Concernant la capacité des ostéopathes à manipuler les cervicales, les
personnes répondant négativement considèrent que la diversité, la disparité dans
l’enseignement ne permettait pas de répondre positivement à la question. De plus
certains émettent une réserve, la capacité étant donnée à la grande majorité des
ostéopathes mais pas tous. Ce qui pose le problème de la technicité propre à
chacun. Ces données sont à comparer avec les résultats obtenus en posant la
question aux ostéopathes. On remarque que dans les deux cas le "oui" est
majoritaire mais fait beaucoup plus consensus chez les ostéopathes que chez les
personnels médicaux et paramédicaux. Ceci peut s’expliquer par le fait que la
profession d’ostéopathe est encore nouvelle, le manque de preuves scientifiques
mais aussi car l’ouverture des personnels médicaux à cette profession est encore
limitée.
Lorsque les questions des retours de patients suite à une manipulation
cervicale et des pathologies diagnostiquées ont été posées, il aurait fallu pour
rendre ce questionnaire encore plus pertinent faire préciser pour chaque cas
diagnostiqué par qui était effectuée la manipulation en cause, quels étaient les
symptômes post-manipulations et quelles ont été les conséquences de ces
pathologies.
De plus, si l’on considère la fréquence du « Oui » concernant le jugement
du monde médical sur la capacité des ostéopathes à pouvoir manipuler les
cervicales en première intention, nous pouvons constater que cette question est
toujours autant problématique et qu’il n’existe pas de consensus à ce sujet. Or, si
l’on associe cette réponse à celle concernant la fréquence des motifs de
consultations pour cervicalgies en première intention ostéopathie, de nos jours le
patient considère l'ostéopathe comme un choix de premier recours. Il est donc
nécessaire que le praticien soit assez bien formé pour déceler des risques de
pathologies sous jacentes aux plaintes des patients.
Ces résultats, bien que peu représentatifs devant la petite proportion de
personnes répondantes par rapport à la démographie de personnels médicaux et
d’ostéopathes, mettent en évidence certains problèmes déjà évoqués quant à la
technicité des ostéopathes et à leurs différents cursus. Il serait intéressant d'aller
Accidentologie et manipulations cervicales
46
beaucoup plus loin et faire une étude à grande échelle afin d'évaluer si ces
résultats font consensus. Il s'en dégage tout de même quelques chiffres qui
peuvent montrer une petite ouverture à l'ostéopathie. Ainsi, la plupart des
répondants ne jugent pas les manipulations cervicales comme étant plus à risque si
elles sont pratiquées par un ostéopathe. Cependant, cette constatation est à
relativiser en fonction de l’état de la technicité du praticien, de sa formation et tout
simplement de son rapport aux patients et au monde médical.
2. Comparaison aux autres professions
Une des questions posées par la mise en place de l’article 3 du décret
d’application est : pourquoi ne concerne-t-il que les ostéopathes ? En effet, les
chiropracteurs aussi pratiquent les manipulations vertébrales et ils ne sont pas
concernés par un tel article dans leur législation. Ainsi, dans l’article 3 du 7
janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de la chiropraxie69
il est
précisé :
« III. ― Les actes de manipulation du rachis cervical sont réalisés, par le
praticien justifiant d'un titre de chiropracteur, sous réserve des restrictions
prévues en annexe ».
La liste des contre- indications en annexe du décret étant la présence de signes
cliniques évoqués lors la première partie de ce mémoire auxquels s’ajoutent des
pathologies interdisant la manipulation :
-Fracture, tassement, déchirure ligamentaire avec instabilité articulaire.
-Tumeurs malignes (primitive ou secondaire, tumeurs méningées), tumeurs
bénignes fragilisant la structure osseuse.
-Spondylodiscite, ostéomyélite.
-Pathologie rhumatismale systémique avec laxité majeure.
-Signes d'insuffisance vertébro-basilaire.
-Ostéopénie majeure, myélopathies.
-Compression radiculaire.
-Méningite.
69
Décret n°2011-32 du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de la chiropraxie
Accidentologie et manipulations cervicales
47
On peut se demander pourquoi les ostéopathes qui sont formés à
reconnaitre les pathologies et signes cliniques listés ci-dessus ne peuvent
prétendre au même traitement. Surtout que les chiropracteurs qui sont reconnus
par le monde médical sont régis par des fondements considérés comme non
prouvés tout comme les ostéopathes. Les ostéopathes devraient donc au moins
bénéficier des mêmes libertés que celles données aux chiropracteurs.
Une des possibles réponses est la date de publication du décret, les
chiropracteurs ont bénéficié de plus de temps pour « faire leurs preuves ». De
plus, contrairement à ce qui est reproché à l’ostéopathie, les études concernant les
manipulations cervicales en chiropraxies sont très documentées, ainsi Pubmed
référence 413 articles concernant les termes « cervical spine manipulation »
associées au « chiropractic treatment » alors que la recherche Pubmed « cervical
spine manipulation and osteopathic treatment » ne comprend que 42 articles dont
seulement sept traitant des conséquences possibles des manipulations.
Ensuite, les chiropracteurs bénéficient d’une formation jusqu’alors
beaucoup plus réglementée70
que celle encadrant les ostéopathes. Ainsi, il n’existe
en France qu’une seule école agréée enseignant la chiropraxie alors qu’il y en a 28
encore agréées pour dispenser la formation permettant de devenir ostéopathe. « En
France, la formation des ostéopathes est encadrée par des textes de loi, mais reste
très hétérogène, fonction des nombreuses écoles qui l’enseignent, fonction
également du cursus initial des étudiants qui s’y forment ». Cet extrait du rapport
de l’INSERM71
visant à évaluer l’efficacité de la pratique ostéopathique, résume
très bien la situation.
De plus, la formation pour devenir chiropracteur dispose de référentiels
mondiaux, les enseignements sont homogénéisés et les chiropracteurs bénéficient
tous des mêmes connaissances en termes de théorie et pratique. Les chiropracteurs
ont d’ailleurs la possibilité de prescrire des examens et imageries si nécessaire à
leurs patients dans de nombreux pays comme les Etats-Unis et la Suisse. Ils font
70
HAS. Etude documentaire sur les professions d’ostéopathe et chiropracteur en Europe. 16/06/2006 : 2005-
188. 71
Barry C., Falissard B. Evaluation de l’efficactié de la pratique de l’ostéopathie. INSERM U669 : 2012.
Accidentologie et manipulations cervicales
48
office de praticiens de santé alors que les ostéopathes restent en marge avec un
statut qui leur est propre.
Pour en revenir aux différents décrets entre ostéopathie et chiropraxie, le
fait que la formation soit homogène, que les connaissances en théorie, pathologies
et pratique soient identiques ont forcément permis aux chiropracteurs d’obtenir
plus de « libertés » dans le cadre de la réglementation juridique concernant leur
profession. On peut toutefois espérer que le nouveau décret de décembre 2014
relatif à la formation en ostéopathie qui va aboutir à la diminution du nombre
d’écoles formant à l’ostéopathie et surtout à l’harmonisation des protocoles de
formation pourra à terme entrainer des modifications et peut être une ouverture
concernant l’article 3 du décret d’application de 2007. D’autre part l’augmentation
des intégrations dans les milieux médicaux ainsi que des publications concernant
la recherche en ostéopathie sont autant d’arguments permettant d’envisager une
reconsidération future des décrets encadrant la profession.
3. Le manque d’études
Tout comme évoqué précédemment, un des principaux problèmes posés
avec la reconnaissance de l’ostéopathie est le manque de documentation et
d’études scientifiquement rigoureuses sur le sujet. Là où la chiropraxie publie de
nombreuses études concernant l’efficacité des traitements, les ostéopathes sont en
reste et il n’y a encore que très peu de preuves de l’utilité de la pratique par
rapport aux traitements médicaux ou autres thérapeutiques. Ainsi le rapport de
l’INSERM indique que « la comparaison des nombres de publications permet de
constater le manque de dynamisme en terme de volume de publication scientifique
de l’ostéopathie par rapport à de nombreuses autres disciplines comme par
exemple, l’acupuncture (3632 articles), et même la chiropraxie (411) qui sont
pourtant elles aussi des disciplines assimilées comme étant du même domaine de
recours en terme de parcours de soins […]. L’ostéopathie souffre de son manque
d’évaluation qui ne permet pas d’établir de recommandations et donc de l’insérer
dans le paysage de soins conventionnel. » . La relative jeunesse de la profession
d’ostéopathe est à la foi un atout et son principal ennemi dans le sens où le
manque de données ne lui permet pas d’être reconnue scientifiquement.
Accidentologie et manipulations cervicales
49
De plus, il faut aussi considérer la difficulté de mettre en place des études
scientifiquement rigoureuses dans le cadre des pratiques ostéopathiques et qui ne
puissent pas être trop discutées. En effet, le cadre d’une pratique exclusivement
manuelle doit nécessiter d’une évaluation rigoureuse et méthodique afin d’obtenir
des résultats significatifs.
Au Royaume-Uni, les ostéopathes ont commencé depuis 2007 à construire
des bases de données pour suivre les effets à long terme des manipulations ainsi
que les réponses des patients à la suite de traitements ostéopathiques dans le but
de prouver ou non l’efficacité de la profession en fonction des motifs de
consultation. Aucune recherche comparable n’est effectuée ou n’est à l’état de
projet en France. Il convient de faire avancer la recherche si l’on veut pouvoir
obtenir des avancées dans la reconnaissance de la profession d’ostéopathe.
Une étude est aussi à évoquer : les manipulations sont considérées comme
trop dangereuses et à risque pour les patients et fait prévaloir le principe de
jurisprudence. Cependant, l’étude menée par Cassidy72
compare les statistiques de
survenue d’accidents vertébro-basilaires suite aux manipulations du rachis
cervical par rapport aux effets secondaires et lésions engendrées par la prise
d’anti-inflammatoires non-stéroïdiens largement prescrits par les personnels
médicaux dans le cadre de nombreuses pathologies. Cette étude est
particulièrement révélatrice : on recense 1 AVB pour 1 300 000 manipulations
avec un taux plus élevé pour le rachis cervical supérieur de 1 accident pour
900 000 alors que les anti-inflammatoires entrainent un accident pour 1000
patients. Les prescriptions d’AINS sont beaucoup plus fréquentes que les
manipulations du rachis cervical. Il existerait donc moins de risques aux
manipulations qu’à la prise de certains traitements médicaux. Or il n’est en aucun
cas envisagé de proscrire l’utilisation d’anti-inflammatoires.
Le manque de données est un frein considérable à l’évolution des
mentalités concernant l’ostéopathie. Cependant partant du constat que ces
manipulations peuvent être libératoires et soulager un grand nombre de patients,
pourquoi ne pas d’une part chercher à prouver de façon plus rigoureuse leur
efficacité et leur relativement faible dangerosité ? Les chiropracteurs ayant le droit
72
Cassidy J.D. et al. Should we abandon cervical spine manipulation for mechanical neck pain ? No. BMJ
2012 ; 344 :e3680
Accidentologie et manipulations cervicales
50
de pratiquer ces manipulations, pourquoi ne pas ré évaluer le statut des
ostéopathes ou tout du moins permettre l’élaboration de tests cliniques à grande
échelle permettant d’évaluer l’efficacité et la dangerosité des manipulations
cervicales en ostéopathie et donc à fortiori de déterminer si l’article 3 du décret de
2007 doit être réviser ou non ?
4. Comment ne pas traiter la zone
La question principale posée par l’article 3 du décret d’application de 2007
reste comment ne pas manipuler la zone du rachis cervical ? Comment éviter
d’avoir à le faire si l’on n’a pas de certificat de non contre-indication aux
manipulations ? Nous avons déjà évoqué la difficile différence entre manipulation
et mobilisation en termes juridiques, ici nous allons considérer qu’une différence
est établie et donc que le praticien peut toucher la zone cervicale sans risque. Si le
patient présente des lésions ostéopathiques, les différentes techniques de
mobilisations du rachis sont envisageables telles que le traitement ostéopathique
général consistant en mobilisations des cervicales en rotations, inclinaisons,
tractions et autres paramètres. Les techniques tissulaires et d’énergie musculaire
sont autant de mobilisations permettant d’obtenir un réajustement de la
biomécanique cervicale.
Il est important de se rappeler qu’aucune étude73
n’arrive à faire un
consensus sur la meilleure efficacité d’un traitement manipulatif par rapport à un
traitement fait de mobilisations sur la zone cervicale. Il convient aussi de nuancer
cette approche car aucune étude ne prouve que les mobilisations sont moins à
risque que les manipulations. En effet on peut même se demander si les
mobilisations du fait qu’elles présentent une répétition de mouvements qui
engagent plusieurs étages vertébraux et les tissus mous environnants ne sont pas
plus à risque que des techniques structurelles utilisant mono segmentaires,
n’engageant pas l’intégrité du système vasculo nerveux. Il conviendrait donc
avant d’interdire que ce soit les manipulations ou les mobilisations de faire des
études dans ce domaine afin de discriminer s’il existe plus de risques à pratiquer
l’une ou l’autre de ces techniques ostéopathiques.
73
Gross A.R. et al. Clinical practice guidelines on the use of manipulation or mobilizations in the treatment
of adults with mechanical neck disorders. Man Ther. 2002 ; 7(4) : 193-205
Accidentologie et manipulations cervicales
51
Une autre optique de traitement repose sur le principe de globalité qui est
un des fondements de la pratique ostéopathique. En effet, si l’on veut essayer de
traiter les cervicales sans y toucher, on peut se baser sur les différentes insertions
musculaires et penser à manipuler le complexe gléno-huméral ou le rachis
thoracique par exemple. Le rachis cervical est une courbure secondaire acquise
lors de l’apprentissage de la marche, il est dans la pratique ostéopathique
considéré comme étant le plus souvent adaptatif soit à des traumatismes soit à des
dysfonctionnements de la colonne thoracique. Certaines restrictions cervicales
peuvent donc être traitées via des manipulations de la courbure primaire.
De plus, via les différents fascias cervicaux, les passages vasculo-nerveux,
il est envisageable d’effectuer des techniques aussi bien sur le rachis que sur
différents éléments tels que le muscle diaphragme dans le but de redonner de la
mobilité aux cervicales. Une étude de 2014, menée par des ostéopathes et
physiothérapeutes74
visait à évaluer l’efficacité d’une manipulation des
thoraciques supérieures à moyennes par rapport à une technique dite de recoil
thoracique dans le traitement des cervicalgies chroniques. Les résultats ont prouvé
qu’il n’y avait pas de différence majeure dans les gains de mobilité obtenus avec
les deux traitements et que tous deux redonnaient de la mobilité et diminuaient la
souffrance des patients.
En l’absence de certificat de contre-indication, il convient donc au
praticien d’adapter ses traitements afin de pouvoir soulager le patient. Les
techniques de T.O.G, fasciathérapie, énergie musculaire permettent la
mobilisation de la zone mais il convient aussi de libérer les structures en lien avec
le rachis cervical pour tenter de redonner de la mobilité aux cervicales du patient.
Cependant on peut se demander si ces techniques du fait qu’elles engagent
beaucoup plus de segments anatomiques ne sont pas plus à risque de réveiller une
pathologie sous-jacente. Les techniques manipulatives sont considérées comme
étant les plus dangereuses mais aucune étude ne permet jusqu’à maintenant de
mettre en évidence une différence significative entre manipulation et mobilisation.
74
Puntumetakul R .et al. A cute effects of single and multiple level thoracic manipulation on chronic
mechanical neck pain : a randomized cntrolled trial. Neuropsychiatr Dis Treat. 2015 ; 11 : 137-144
Accidentologie et manipulations cervicales
52
De ce fait pourquoi interdire l’une sous couvert d’un manque d’étude et autoriser
ou tout du moins tolérer l’autre ?
5. Question du statut des ostéopathes :
Le décret d’application pose enfin le problème du statut parfois
difficilement identifiable des ostéopathes. En effet, à travers les interdictions et
devoirs relatifs à la profession se dessine un vrai problème de fond : quel statut
donner aux ostéopathes ? Malgré la reconnaissance de la profession, il reste de
nombreux points qui semblent stagner depuis 2007. L’article 3 en est une des
représentations : certes le manque de données concernant les manipulations est un
frein mais pourquoi, alors que les différentes études menées dans le monde
tendent à prouver que la dangerosité des manipulations reste relative et peu
fréquente, ne pas autoriser au moins cette pratique sous couvert d’une anamnèse
fournie et de tests avant la manipulation ? Pourquoi autoriser les kinésithérapeutes
ostéopathes à pratiquer de telles techniques et l’empêcher aux ostéopathes
exclusifs ? Faut-il appartenir au monde médical ou paramédical à proprement
parler pour être jugé compétent ? Et dans ce cas pourquoi autoriser les
chiropracticiens et pas les ostéopathes à manipuler ?
Une question principale se pose à l’heure actuelle : les avancées dans la
réglementation de la formation en ostéopathie se basant sur cinq ans de formation
et de nombreuses heures de pratique vont-elles permettre à terme une réévaluation
des décrets d’application concernant la profession ? Car si le principe de prudence
était de mise en 2007, les considérables évolutions dans la pratique ostéopathique,
l’augmentation des recherches cliniques ainsi que la croissante intégration dans
les milieux médicaux qui étaient jusqu’alors réfractaires à la profession prouvent
que les mentalités évoluent, il conviendrait donc d’en faire de même avec les lois
concernant l’ostéopathie.
Les ostéopathes n’étant pas plus dangereux que les autres professionnels
de soin, il conviendrait de continuer à revendiquer le droit de pouvoir pratiquer
notre « art » de la façon dont nous l’avons appris, en pouvant juger par nous-
mêmes du traitement qui convient au patient et évidemment le ré adresser si l’on
détecte une pathologie organique sous-jacente. Il faut pour cela continuer à se
battre pour faire évoluer les mentalités et poursuivre les revendications en parlant
Accidentologie et manipulations cervicales
53
d’une même voix afin d’être entendus. Car il est évident qu’il faudrait obtenir une
reconsidération des droits et devoirs en ostéopathie ainsi qu’une reconsidération
des ostéopathes et envisager un passage de professionnels de soin à celui de
profession de santé.
Accidentologie et manipulations cervicales
54
-VIII- Conclusion
Ce travail de recherche a permis de mettre en évidence la difficulté de
légiférer en ostéopathie. En effet, à travers l’article 3 du décret de mars 2007 sont
soulevées plusieurs questions majeures relatives à cette profession dont le cadre
juridique est naissant.
Tout d’abord concernant l’ostéopathie en général, il est évident à travers
ce mémoire qu’il existait au moment de l’élaboration du décret un manque
significatif du public de connaissances sur la profession. Entre les nombreuses
écoles, les différents niveaux d’études nécessaires pour l’obtention d’un diplôme,
les formations qui ne suivaient aucun référentiel précis, les législateurs ont dû
faire un choix, lorsqu’ils ont eu à déterminer quels seraient ou non les champs de
compétence, les droits et interdictions liés à la pratique de l’ostéopathie. Et devant
la multiplicité des praticiens, et certainement aussi car l’ostéopathie n’appartient
pas au milieu médical et ne bénéficiant pas forcément de l’adhésion de celui-ci, ils
n’ont laissé aucune place au bénéfice du doute
De plus, concernant les manipulations cervicales le problème est encore
plus important car il est reproché à l’ostéopathie d’être dangereuse pour le patient.
Ici encore, le problème de la responsabilité des manipulations est posé. Aucune
étude n’arrive à mettre en évidence avec certitude que les manipulations puissent
à elles seules être responsables d’une dissection artérielle. Aucune revue de cas, ni
aucun chiffre ne parviennent à être en accord et déterminer quel est le réel
potentiel de risque des manipulations cervicales. Et ceci est vrai pour toutes les
professions utilisant les manipulations alors pourquoi ne l’interdire qu’en
ostéopathie ?
Ainsi, dans ses recherches Cassidy concluait « We found no evidence of
excess risk of vertebro basilar arteries stroke associated with chiropractic care
compared to primary care ». En somme, il semble bien que les manipulations
puissent parfois être liées aux accidents mais en aucun cas ne nous pouvons
affirmer qu’elles en soient à elles seules la cause. Cependant, devant le risque et
l’absence de chiffres et d’études fiables sur le sujet, il est considéré que les
manipulations peuvent entrainer ou tout du moins favoriser l’apparition de
Accidentologie et manipulations cervicales
55
dissections artérielles, entre autres. Ceci a donc convaincu les législateurs de faire
preuve de prudence devant les possibles complications entrainées par de telles
pathologies allant de troubles neurologiques à la possible mort du patient. Le
risque est évidemment présent et en aucun cas remis en question mais pourquoi ne
pas autoriser ces techniques mono articulaires qui dans la grande majorité des cas
sont bénéfiques pour le patient ? Si les questions de la technicité du praticien ou
encore de la diversité des techniques manipulatoires sont posées, dans ce cas
pourquoi ne pas envisager de statuer sur les techniques considérées comme « à
risque » et interdire leur apprentissage ?
Ce décret pose aussi un problème de définitions, en effet, si on en suit le
cadre légal, le praticien manipulant est dans l’illégalité. Si son patient décide de se
retourner contre lui, l’ostéopathe sera en tord s’il est prouvé qu’il a bien manipulé
les cervicales de son patient sans autorisation médicale. Or, il est très difficile de
trouver une définition exacte du terme « manipulation ». Alors comment prouver
qu’il y a eu ou non manipulation ? Faut-il se référer à la dénomination commune,
à la définition ostéopathique et différencier manipulation et mobilisation ?
De l’avis général, le plus important problème mis en évidence lors ce
travail est le manque de littérature associé d’une part à l’efficacité de l’ostéopathie
en règle générale et d’autre part, plus précisément ici à l’efficacité ou non des
techniques manipulatives sur le rachis cervical ainsi qu’à la fréquence de survenue
d’accidents liés à ces manipulations. Car ce qui ressort des avis de l’HAS donné
est 2007 est bien que s’il y a des preuves de non dangerosité, la preuve donnée de
l’efficacité des techniques de manipulation sur les cervicalgies, alors les choses
pourront évoluer.
Il difficile d’imaginer comment faire de telles études sachant que les
manipulations ne peuvent être réalisées que si les patients bénéficient d’un
certificat de non contre-indication. Cependant, avec l’ouverture des hôpitaux à la
pratique ostéopathique, la curiosité du monde médical envers notre profession, il
est peut-être imaginable de pouvoir mener une étude scientifique de grande
échelle associée à des neurologues afin de mesurer d’une part les effets
secondaires et la fréquence de survenue d’accidents suite aux manipulations
Accidentologie et manipulations cervicales
56
cervicales. Et d’autre part, d’évaluer l’efficacité des manipulations du rachis
cervical sur les motifs de consultations ayant pour cause une cervicalgie.
A travers cet article du décret d’application de 2007 se reflète toute la
difficulté d’intégration dont souffre l’ostéopathie. En effet, si l’on donne la chance
à d’autres professions de pouvoir exercer leur art sans contraintes, la notre doit se
référer à des codes l’empêchant d’utiliser la totalité de ses compétences. Il faut
toutefois espérer que l’augmentation des travaux de recherche ainsi que le
meilleur encadrement de la formation puisse à terme mener à une révision du
décret d’application ainsi qu’à une meilleure reconnaissance du milieu médical et
paramédical.
Accidentologie et manipulations cervicales
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Références juridiques : Arrêté du 6 janvier 1962 fixant liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou
pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses
médicales non médecins
Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé
Décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie
Décret n°2011-32 du 7 janvier 2011 relatif aux actes et aux conditions d’exercice de la chiropraxie
Accidentologie et manipulations cervicales
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Décret n°2014-1505 du 12 décembre 2014 relatif à la formation en ostéopathie
Vidéo : Enquête de santé. Ostéopathie qui nous manipule ? 25/09/2012. France 5. 31min 46 sec
Références internet : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/manipulation/49185 -page visitée le 04 octobre 2014
www.snowrahm.free.fr/anat/12bis_vaisseaux_sanguins.doc -page visitée le 10 janvier 2015
www.letudiant.fr/educpros/actualite/ecoles-dosteopathie-le-bal-des-agrements.html -page visitée le 10 avril
2015
Table des illustrations : Figure 1 : Puentedura E.J and al. Safety of cervical spine manipulation : are adverse events preventable and
are manipulations being performed appropriately ? A review of 134 case reports. Journal of Manual and
Manipulative Therapy. 2012, Vol.20,n°2
Figure 2 : M.P.McKinley and al. Anatomie et Physiologie une approche intégrée. Partie 4 p. 950. Maloine
2013.
Figure 3 : Kapandji,. Anatomie fonctionnelle. Tome 3 : tête et rachis. Maloine. p.243
Figure 4 : Kapandji,. Anatomie fonctionnelle. Tome 3 : tête et rachis. Maloine. p.238
Figure 5 : M.P.McKinley and al. Anatomie et Physiologie une approche intégrée. Partie 4 p. 950. Maloine
2013.
Figure 6 : M.P.McKinley and al. Anatomie et Physiologie une approche intégrée. Partie 4 p. 912. Maloine
2013.
Figure 7 : K.W.Park and al. Vertebral Artery Dissection. Natural history, Clinical Features and Therapeutic
Considerations-J Korean Neurosurgery Soc 44 :109-115, 2008.
Figure 8 : R.Mattox and al : Recognition of Spontaneous Vertebral Artery Dissection Preempting Spinal
Manipulative therapy :A Patient Presenting With Neck Pain and Headache for Chiropractic Care. Journal of
Chiropractic Medicine 2014-13,90-95.
Figure 9 : Recommandations de la SO.F.E.C. sur la prévention du risque sur les artères vertébrales. p.2-2007
Accidentologie et manipulations cervicales
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-X- Annexes :
ANNEXE 1 : Recommandations S.O.F.E.C :
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ANNEXE 2 : Questionnaire mémoire :
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Résumé
Les manipulations cervicales en ostéopathie sont soumises à l’article 3 du
décret d’application de mars 2007. Les ostéopathes exclusifs ne peuvent donc pas
effectuer de manipulations du rachis cervical sans avoir obtenu au préalable un
certificat médical de non contre-indication à la manipulation. Quels sont les
principaux risques imputés à la pratique de ces manipulations ? Existe-t’il des
chiffres et données permettant de prouver ou non la dangerosité de ces
techniques ? Quels sont les avis des professionnels de santé et ostéopathes
concernant cet article ? Peut-on et doit-on espérer une modification de cet article ?
Ce mémoire a pour objectif de comprendre les raisons et enjeux mis en cause lors
de la rédaction du décret ainsi que d’effectuer une recherche critique concernant la
dangerosité des manipulations cervicales en ostéopathie.
Mots-clés : ostéopathie, législation, décret d’application 2007, manipulations
cervicales, dissection artère vertébrale, danger des manipulations.
Abstract
Cervical spine manipulations in French osteopathy are subject to Article 3
of the decree of March 2007. Exclusive osteopaths can not therefore perform
cervical spine manipulations without obtaining a prior medical certificate of non-
contraindication to manipulation. So, what are the major risks attributed to the
practice of these manipulations? Are there any figures and data to prove or
disprove the safety of these technics? What are the points of views of health
professionals and osteopaths about this article? Can and should we expect a
change in this article? This dissertation aims to understand the reasons and
issues involved in the writing of the decree as well as perform critical research on
safety of cervical manipulations in osteopathy.
Keywords :osteopathic, legacy, decree 2007, cervical spine manipulations,
dissection of vertebral artery, safety of manipulations.