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Diplomatie publique et stratégie de sécurité
nationale aux États-Unis, de la Guerre froide à la
Guerre contre le terrorisme
Par Laurence Saint-Gilles
“Notre lutte est semblable à celle de la Guerre froide”. George W. Bush, discours présidentiel,
Académie militaire de West Point, 1er juin 2002.
Après le 11 septembre 2001, la politique de communication de l’Administration
Bush a été caractérisée par de fréquentes références à la Guerre froide et la mise en avant
de ses analogies avec la “Global War on Terror”. Une telle comparaison explicite a suscité
outre-Atlantique des débats parfois passionnés sur le rôle de la “diplomatie publique” dans
l’accomplissement des objectifs stratégiques des États-Unis au cours de ces deux époques
décisives de leur histoire.
La public diplomacy est communément définie comme “l’ensemble des moyens
qu’utilisent les gouvernements pour comprendre, informer et influencer les opinions
publiques étrangères, afin de promouvoir leurs intérêts nationaux”.1 Cette expression a été
forgée au milieu des années 1960 par des professeurs de Tufts University dans le souci de
bien démarquer la “politique culturelle”, au sens large incluant l’“information honnête”, de
la “propagande” qui avait acquis au cours de la Guerre froide une connotation nettement
péjorative.2 Selon le Département d’État, la diplomatie publique “exclut la propagande
noire, la guerre psychologique et autres formes d’action clandestine”.3 Traditionnellement,
elle se distingue aussi des public affairs, catégorie réservée à une audience intérieure. Or,
depuis la création en octobre 1999 de la nouvelle fonction d’Under-Secretary for Public
Diplomacy and Public Affairs, les frontières entre la première et les secondes sont
devenues beaucoup plus floues.
La mise en œuvre formelle de la diplomatie publique aux États-Unis est apparue,
dans le cadre de la définition et de la mise en œuvre de l’endiguement (containment) en
1947, avec le vote la loi Smith-Mundt en janvier 1948. Elle conditionna la réussite du Plan
Marshall et la formation d’une identité occidentale sous l’égide des États-Unis. Elle
participa de l’arsenal idéologique qui contribua à leur assurer la victoire finale. Mais,
paradoxalement, elle fut victime de son succès puisque la Guerre froide terminée,
l’Administration Clinton décida, en 1998, au titre de la réorientation de sa stratégie, de
1 Cette définition figure sur le site Internet du Département d’État, à la rubrique “Public Diplomacy” :
www.usdiplomacy.org/diplomacytoday/contemporary /public.php, et sur celui des anciens de l’USIA, “What
is Public Diplomacy ?” : http:// www.public.diplomacy.org/1htm . 2 Keylor, 2004.
3 US Department of State, “Public Diplomacy”, op.cit.
Published/ publié in Res Militaris (http://resmilitaris.net), vol.5, n°1, Winter-Spring/ Hiver-Printemps 2015
Res Militaris, vol.5, n°1, Winter-Spring/ Hiver-Printemps 2015 2
supprimer l’organe (United States Information Agency : USIA) chargé de centraliser
l’action culturelle extérieure des États-Unis, organe désormais considéré comme une
couteuse relique de la Guerre froide.
En révélant au public et aux dirigeants américains l’impopularité insoupçonnée de
leur pays à l’étranger, les attaques terroristes du 11 septembre ont donné une actualité
saisissante aux propos du général Eisenhower, selon qui “ par rapport à la sécurité relative
que donnent les armements, la sécurité réelle ne peut exister que par la connaissance et la
compréhension mutuelles”.4 L’idée s’est alors généralement imposée que la tragédie du 11
septembre était d’une certaine manière imputable au désarmement unilatéral de l’Amérique
dans le domaine de la conquête des cœurs et des esprits au cours de la décennie précédente.
Après des années de désintérêt, la diplomatie publique retrouva les faveurs des
médias et de l’opinion américaine, qui virent en elle un moyen pacifique de contrer la
propagande malveillante afin de favoriser l’entente internationale et de combattre le
terrorisme. Alors qu’au cours des années précédentes, l’Administration et le Congrès
avaient minimisé l’importance de la diplomatie culturelle, la nécessité d’étendre et
d’intensifier son utilisation fut soudain réaffirmée par l’Administration républicaine de
George W. Bush.
Désormais rattachée au Département d’État, la public diplomacy ne pouvait être
dissociée des objectifs de la politique étrangère américaine ni échapper aux impératifs de la
“Global War on Terror” (GWOT) définie comme la nouvelle priorité stratégique de
Washington. Il était évident que la perception des États-Unis dans l’opinion publique aurait
des répercussions sur la contribution internationale à la lutte engagée et qu’elle pourrait
même en déterminer l’issue. Après les attentats, l’Administration Bush n’est donc pas
seulement entrée en guerre militairement contre le terrorisme, elle s’est aussi engagée dans
une vaste entreprise de mobilisation des opinions publiques internationales. En novembre
2002, la GWOT fut officiellement définie comme une “war of ideas” par le Président Bush
– expression qui faisait écho à ce que le Sénateur Mundt avait appelé “the war of words”
du lors du vote de la loi qui porte son nom. Au cours des semaines et des mois qui suivirent
les attentats, on assista de la part de l’Administration et du Congrès à un véritable effort
pour faire revivre la diplomatie culturelle à laquelle on attribuait désormais la victoire
ultime des États-Unis dans la Guerre froide.
Il y aurait donc bien eu en matière de public diplomacy un avant et un après 11
septembre. Toutefois, l’idée alors communément partagée d’un revival de la diplomatie
publique alimenta les controverses : les travaux de nombreux think tanks et des rapports
parlementaires soulignèrent les insuffisances et les incohérences de la communication
gouvernementale. La réapparition de la rhétorique (“hearts and minds”) de la Guerre froide
appliquée à la GWOT ne constituait nullement un retour au combat idéologique de la
4 Déclaration du général Dwight Eisenhower devant les membres du Congrès lors des débats du vote de la loi
Smith-Mundt en 1947.
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Guerre Froide, elle visait au contraire à dissimuler à l’opinion publique la rupture
stratégique fondamentale qui s’opérait avec la doctrine Bush.
La “Guerre des mots” (1947-1948) et ses antécédents
La diplomatie publique est inséparable de l’histoire des États-Unis depuis leur
fondation. C’est en utilisant avec talent leurs réseaux d’influence que les premiers
diplomates américains, à l’instar de Thomas Jefferson, surent gagner à leur cause le élites
françaises et les convaincre de soutenir leur Révolution. En revanche, la diplomatie
culturelle fédérale ne s’est institutionnalisée que tardivement : si l’on en perçoit les
prémices lors de la Première et surtout de la Seconde Guerre mondiales, elle ne prend
officiellement naissance qu’avec les débuts de la Guerre froide, en 1948, dans le cadre de
la mise en œuvre de la nouvelle doctrine de la politique étrangère américaine : celle de
l’“endiguement”. Dans l’esprit de son concepteur, George Kennan, ce containment
comportait un volet économique et financier, le Plan Marshall, annoncé en juin 1947. Mais
il comportait aussi une dimension idéologique résolument offensive. Le renforcement des
liens culturels transatlantiques et le développement d’un programme d’information en
direction des États européens étaient le corollaire de l’aide Marshall.
La loi Smith-Mundt de 1948 fut l’acte de baptême de la politique culturelle
américaine.5 Elle consacrait l’existence juridique des services culturels du Département
d’État. Pour surmonter les réticences de l’opinion et du Congrès, le Sénateur Mundt sut
persuader ses collègues que la réussite du Plan Marshall était conditionnée par un effort en
matière d’information et de diffusion culturelle en Europe, comme il l’expliqua dans un
article intitulé “Nous sommes en train de perdre la guerre des mots en Europe”.6 Car s’il
était nécessaire de faire des efforts pour l’Europe, il s’agissait aussi et surtout de lui faire
connaître l’étendue des sacrifices consentis par les Américains pour lui venir en aide :
Jusqu’ici, nous autres Américains nous sommes pour l’essentiel contentés
d’efforts visant à remplir les estomacs européens pendant que la Russie se
concentrait ses efforts sur la conquête des esprits. […] Nous pouvons toujours
soulager la famine en Europe et contribuer à l’avènement d’une génération
d’Européens sains de corps et vigoureux, mais leur esprit est prévenu contre
l’Amérique et séduit par l’étoile rouge russe (ibid.).
La loi Smith-Mundt visait à la fois à développer l’information sur les États-Unis à
l’étranger et à intensifier les échanges dans le domaine de l’enseignement pour coopérer
avec les autres nations. Un nouvel organisme, l’Office of International Education (OIE),
était créé au sein du Département d’État. Afin de remplir cette double mission, il
comportait deux sections, l’Office of International Information, chargé des medias (OII) et
l’Office of Educational Exchange (OEX) qui assurait le lien avec l’UNESCO, gérait les
bibliothèques à l’étranger et s’occupait des échanges. Cette dualité résultait d’un
5 US Information and Educational Exchange Act, 27 janvier 1948, Public Law 402, 80
th Congress.
6 Mundt, 1947.
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compromis entre ceux qui, au Département d’État, considéraient l’information comme une
priorité et ceux qui s’inquiétaient de sa montée en puissance.
À partir d’avril 1950, en réponse à la campagne pour la paix orchestrée par le
Kominform, le Président Truman lança la Campaign of Truth. Avec le déclenchement de la
Guerre de Corée, deux mois plus tard, l’OIE reçut enfin les crédits qui lui avaient jusque-là
manqué pour mettre en œuvre une campagne d’information à grande échelle. De fait, les
échanges culturels furent alors clairement intégrés dans les plans de guerre psychologique.
Ainsi, les deux services de la culture et de l’information furent réunis au sein de
l’International Information Administration (IIA). Comme cette fusion provoqua l’émoi des
milieux éducatifs qui s’inquiétaient de voir les échanges culturels assujettis aux impératifs
de la propagande, la nouvelle Administration Eisenhower créa à la fin de l’année 1953 une
agence indépendante intitulée United States Information Agency (USIA). Dans les
ambassades, c’est au personnel de l’USIA que revenait la conduite de la politique
culturelle, alors qu’à Washington l’International Educational Exchange Service du
Département d’État (IES) gérait les programmes d’échanges.7 De 1953 à sa disparition en
1999, c’est l’USIA qui fut en charge de la conduite de la public diplomacy à l’étranger.
L’histoire de la diplomatie publique paraît donc inséparable de celle de la Guerre
froide, période qui marque incontestablement son apogée. De fait, la Guerre froide
terminée, rares furent ceux qui au gouvernement ou au Congrès, s’élevèrent contre la
disparition de l’USIA. Ce n’est qu’à la suite des événements du 11 septembre 2001 que le
rôle de la politique culturelle fut de nouveau mis en lumière, et que l’USIA devint le
symbole de la lutte victorieuse des États-Unis contre le totalitarisme, au point que l’histoire
récente de la public diplomacy s’est souvent confondue avec celle de l’USIA. Or, comme
le rappellent certains historiens, cette histoire doit être replacée dans le cadre de
l’édification du “National Security State” à la fin des années 1940. Elle serait une
composante de la “guerre politique” de Guerre froide, définie comme…
une forme de conflit entre États dans laquelle chaque protagoniste cherche à
imposer sa volonté par des moyens autres que le recours à la force armée. Au
plan pratique, l’arme principale de la guerre politique peut se décrire comme un
mixte opératoire de diplomatie et de propagande.8
Ainsi, à la diplomatie publique reviendraient en principe les activités “visibles” de
“guerre politique”, laquelle comporte aussi des activités secrètes, voire subversives. À
l’appui de cette thèse, Liam Kennedy et Scott Lucas rappellent que dans les premiers mois
de son existence, le National Security Council (NSC) a pris deux directives essentielles : la
première, NSC 4, confiant au Département d’État la direction des activités de diplomatie
publique telles que Voice of America ou les échanges Fulbright, et une seconde, NSC 4-A,
qui réservait à la nouvelle CIA la tâche de diriger des opérations de guerre psychologique
7 L’IES est devenu partie intégrante du Bureau of International Cultural Relations (1959) puis du Bureau of
Educational and Cultural Affairs (1960). 8 Cité par Scott-Smith, 2005.
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de nature à contrer la propagande initiée ou inspirée par les Soviétiques.9 Ces deux
directives du NSC constituaient ainsi les deux faces d’une même politique, celle du
containment, décrit comme un Janus présentant un visage défensif à l’avant et offensif à
l’arrière. La loi Smith-Mundt érigeait la public diplomacy en héraut de la doctrine Truman.
Mais pour ces auteurs, cette diplomatie culturelle officielle n’était en réalité qu’une façade
dissimulant des activités moins avouables.
Dans son article de Foreign Affairs de 1947, Kennan avait expliqué qu’il comptait
endiguer le communisme au moyen de “contre-forces” qui, à ses yeux, ne devaient pas être
de nature militaire, mais faire appel aux forces locales de résistance au communisme.10
Les
propositions formulées en mai 1948 par George Kennan en vue de l’organisation d’une
“guerre politique” comportaient effectivement des dispositions offensives comme la
“création de comités de libération” et des activités subversives dans les pays situés au-delà
du rideau de fer, mais destinées également aux milieux anti-communistes des pays du
“Monde libre” menacés par la propagande soviétique. Ces propositions adoptées en
novembre 1948 par le NSC ont notamment débouché sur la création du National
Committee for a Free Europe, dont les directives provenaient du Département d’État mais
qui était financé par la CIA et dirigé par des anciens des services secrets. C’est au NCFE
qu’on doit notamment le lancement de Radio Free Europe en 1951.11
Avec le lancement
de la Campaign of Truth, on assista aussi au développement à grande d’échelle d’une
diplomatie privée présentée comme l’émanation du volontarisme du peuple américain,
mais où l’on découvrit plus tard le rôle des services secrets et de la CIA, comme en
témoigne le cas du Congrès de la Liberté de la Culture.12
À partir de 1956, le projet
“peuple à peuple” du Président Eisenhower encouragea des organisations privées
américaines à établir des contacts avec leurs homologues étrangères.13
Chacune des
grandes batailles idéologiques de la Guerre froide s’accompagna d’une nouvelle éclosion
d’organisations privées officiellement indépendantes du gouvernement donnant ainsi
naissance au “State-Private Network”.
Ainsi en 1983, dans le cadre d’un regain de la Guerre froide et de la bataille contre
l’Empire du Mal, l’Administration Reagan suscite la création du National Endowment for
Democracy, fondation privée chargée de promouvoir la démocratie dans le monde. Le
succès et les limites de la diplomatie publique de Guerre froide s’expliqueraient par cette
imbrication entre “overt” et “covert activities” rendant somme toute formelle et illusoire la
distinction entre “diplomatie culturelle” et propagande. L’histoire de l’USIA n’aurait
constitué au final que la partie “présentable” d’une action gouvernementale dont
l’efficacité s’expliquerait par la création d’un State-Private Network qui survécut à la fin
de la Guerre froide.
9 Kennedy & Lucas, 2005.
10 Kennan, 1947.
11 Faure, 2004.
12 Coleman, 1989 ; Grémion, 1995.
13 Keylor, 2004, op.cit., p.195.
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La thèse de Liam Kennedy et Scott Lucas démontre de façon convaincante la
contribution décisive de la public diplomacy dans l’accomplissement des objectifs
stratégiques des États-Unis durant la Guerre froide. Elle témoigne aussi de la complexité
de la “Doctrine Truman” qui, dans l’esprit de ces concepteurs, était bien offensive en dépit
de ce que pouvait laisser augurer l’expression défensive de “containment”. Pour autant, si
la Guerre froide est bien la date de baptême de la diplomatie publique, celle-ci ne peut être
considérée comme la fille de la “guerre politique” de la fin des années 1940. Elle est, en
réalité, l’aboutissement d’un mouvement historique beaucoup plus ancien.
La public diplomacy s’enracine en effet dans des structures et des programmes
préexistant largement à la Guerre froide comme l’Office of War Information (OWI) qui
préfigura dès 1942, l’OIE créé par la loi Smith-Mundt. De même, Voice of America,
considérée comme la radio emblématique de la Guerre Froide, a lancé ses premières
émissions vers l’Asie dès 1941. Quant au Foreign Leaders Program qui acquit une
dimension internationale dans les années 1950, il fut initié en Amérique Latine dès les
années 1940. Certes, ces premières initiatives gouvernementales visaient à préparer, puis à
soutenir l’effort de guerre américain mais elles s’appuyaient en fait très souvent sur
l’expérience des universités, fondations et institutions privées fortes d’une riche tradition
en matière d’échanges culturels.
Le premier organisme chargé de stimuler et de coordonner les échanges universi-
taires entre les États-Unis et le reste du monde, l’Institute of International Education,
naquit au lendemain de la Première Guerre Mondiale, de la collaboration d’un
universitaire, Stephen Duggan, et de la Fondation Carnegie. Cet organisme devait
contribuer à développer les échanges afin de favoriser la compréhension internationale et
de préparer les Américains à tourner le dos à l’isolationnisme. À la tête de l’IIE qu’il
dirigea pendant 27 ans, Duggan milita activement auprès du Département d’État pour la
création d’un organisme gouvernemental chargé de la diplomatie culturelle.14
De même, le
rôle joué par la Fondation Rockefeller dans le développement des relations universitaires et
scientifiques transatlantiques a été maintes fois souligné. Depuis les années 1920, celle-ci
mit en œuvre une méthode de “fertilisation croisée” consistant à attirer de jeunes
chercheurs européens aux États-Unis et à envoyer leurs homologues américains en Europe
afin de contribuer à l’avènement d’une communauté intellectuelle de part et d’autre de
l’Atlantique.15
L’idéologie atlantiste qui connut une grande vogue au début des années
1950 à travers les revues Preuves ou Encounters avait des origines intellectuelles bien
antérieures. “Les partenariats public-privé sont depuis toujours au centre des relations
qu’entretiennent les États-Unis avec le reste du monde”, rappelle l’historien Giles Scott-
Smith, qui souligne que l’interaction entre acteurs publics et privés ne saurait se réduire à
quelques cas de manipulations célèbres de la CIA comme le Congrès pour la Liberté de la
Culture.16
Ces exemples ne doivent pas faire oublier l’attachement que les nombreux
14
Institute of International Education, 1994. 15
Mazon, 1982. 16
Scott-Smith, 2005, op.cit.
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acteurs privés manifestèrent à l’endroit d’une certaine tradition américaine d’intégrité et de
liberté intellectuelle expliquant la naissance tardive de la public diplomacy ainsi que les
nombreuses réticences qui se sont élevées dans l’opinion lors du vote de la loi Smith-
Mundt. Ainsi le législateur dut-il spécifier que les activités gouvernementales n’avaient pas
vocation à se substituer à l’initiative privée, mais bien à l’encourager et à la soutenir.17
Les universités américaines – qui depuis longtemps avait développé leurs propres
programmes d’échanges – n’acceptèrent de se rallier au programme du Sénateur Fulbright
que lorsqu’elles eurent l’assurance que son objectif et sa philosophie étaient conformes à
leurs idéaux. D’autre part, c’est à la suite des inquiétudes exprimées par les milieux
universitaires quant à la fusion des services chargés de l’information avec ceux de la
culture, que l’Administration Eisenhower décida de confier les programmes culturels à une
agence indépendante de Département d’État. De plus, croire que l’on pouvait assujettir des
acteurs aussi variés, entretenant des relations complexes et ayant chacun leur propre
agenda, au service de la propagande, serait méconnaître les spécificités du monde des
universités et des grandes fondations, traditionnellement soucieuses de leur indépendance.
En outre, le domaine culturel n’a pas échappé aux contingences des rivalités de pouvoir
existant au sein d’une même Administration, ce qui fait dire à Giles Scott-Smith que la
public diplomacy n’a jamais été une structure monolithique engagée de façon permanente
au service des objectifs de la politique étrangère américaine. Il existait, en effet, au sein du
Département d’Éta, une ligne de fracture séparant les “politiques” qui demandaient que
l’action culturelle produise des résultats positifs immédiats et les “faucons de la culture”
qui croyaient avant tout aux vertus des échanges à long terme.18
À partir de la seconde
moitié des années 1950, les directeurs de l’USIA abandonnèrent la guerre psychologique
agressive des années 1950 et s’engagèrent dans une stratégie gradualiste de “promotion des
idéaux américains et d’encouragement au dialogue de l’autre côté du rideau de fer”.19
Pour nombre d’experts du Département d’État, c’est au credo d’Edward Murrow – “pour
être convaincant, on doit être cru, pour être cru il faut être crédible, pour être crédible, on
se doit à la vérité” – que l’on devait bien la victoire finale des États-Unis dans la “Guerre
des mots”.
Une “Guerre des idées”
Au lendemain des attaques terroristes du 11 septembre, l’Amérique prit conscience
qu’une part significative de la communauté internationale, en particulier dans le monde
arabo-musulman, haïssait les États-Unis au point de se mettre au service des groupes
terroristes.20
Cette découverte a relancé, dans les médias et le monde politique, le débat sur
l’apport de la diplomatie publique à l’accomplissement des objectifs de la politique
17
US Information and Educational Exchange Act, 27 janvier 1948, Public Law 402, 80th
Congress. Il s’agit
d’une restriction continue dans la section 1005 (22 USC § 1437). 18
Scott-Smith, 2005, op.cit. 19
Keylor, 2004, op.cit., p.195. 20
Epstein, 2005.
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étrangère. Au moment des attentats, celle-ci était en pleine réorganisation. Le transfert
d’une partie des activités de l’ancienne USIA vers le Département d’État avait provoqué la
création d’un sixième sous-secrétariat d’État chargé des relations publiques et de la
diplomatie publique.21
Or, son titulaire n’avait pas encore été officiellement confirmé par
le Sénat et son service n’était donc pas totalement opérationnel. Si ces changements
institutionnels n’avaient guère suscité d’intérêt dans les médias, il en alla tout autrement
après les attentats qui incitèrent la presse et le public à s’interroger sur le bien-fondé de la
nouvelle stratégie de communication de l’Administration Bush.22
Lors de sa prise de fonctions en tant que Secrétaire d’État, en mars 2001, le général
Colin Powell avait annoncé qu’il entendait imprimer un nouveau style à la politique
culturelle américaine. Il avait ainsi déclaré ainsi au Congrès qu’il allait “faire venir dans le
domaine de la diplomatie culturelle des gens qui [allaient] changer la manière – celle de
l’USIA autrefois – dont nous vendions notre politique étrangère”. Un mois avant les
attentats, il affirma que son but était de vendre le Département d’État et les valeurs
américaines au reste du monde.23
Le Département d’État n’avait pas encore de stratégie clairement définie en matière
de communication. Il lui importait avant tout de rompre avec les méthodes désuètes de
l’USIA considérée comme un vestige de la Guerre froide. Bref, il ne s’agissait plus de
“distribuer des brochures”.24
Les déclarations publiques du Secrétaire d’État relatives à la
“Brand America” indiquaient cependant que la confusion entre “public relations” et
“public diplomacy”, nouvelle tendance de l’ère post-Guerre froide, allait devenir la posture
officielle du Département d’État.
La création d’un nouveau poste d’Under-Secretary for Public Diplomacy and
Public Affairs et la nomination de Charlotte Beers, une publiciste de 66 ans, confirmaient
cette orientation. Comme le souligna la presse, Charlotte Beers n’était pas une diplomate
de carrière, et elle n’avait aucune expérience en matière d’action culturelle. En outre,
depuis sa prise de fonctions, elle avait multiplié les déclarations maladroites selon
lesquelles la public diplomacy était essentiellement une activité de marketing et les États-
Unis la marque la plus prestigieuse. De nombreux commentateurs considéraient que cette
approche simpliste était non seulement inappropriée, mais contre-productive et dangereuse
dans la mesure où réduire l’Amérique à une marque risquait de renforcer son image
matérialiste et mercantile auprès des populations démunies.25
Toutefois, après les attentats, Charlotte Beers infléchit rapidement son discours.
Devant la commission des Affaires Étrangères du Sénat à l’occasion de sa confirmation,
elle inaugura un nouveau style empreint d’émotions et renouant avec la “hearts and minds
rhetoric” de Guerre froide : “La promotion des intérêts américains passe non seulement
21
Nakamura & Weed, 2009. 22
Marteau, 2003, p.181. 23
Kennedy & Lucas, 2005, op.cit., p.309. 24
Marteau, ibid. 25
Rich, 2001.
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par nos politiques, mais encore par nos convictions et nos valeurs”.26
La “New Look
Public Diplomacy” fondée sur des slogans et la promotion de la “marque Amérique”
s’éclipsa donc rapidement au profit d’une conception plus traditionnelle de la diplomatie
culturelle se plaçant avant tout sur le terrain des idées et des valeurs. Car le message de
l’Amérique ne s’adressait pas seulement à des consommateurs, mais bien à des croyants
hostiles à toute démarche supposée porter atteinte à leurs convictions.
Dans les semaines et les mois qui suivirent les attentats, les dirigeants ne cessèrent
de réaffirmer le rôle central de la diplomatie publique comme outil de sécurité nationale :
elle diffuserait au monde le message de l’Amérique en guerre totale contre la Terreur,
comme elle l’avait fait jadis dans la lutte contre le totalitarisme communiste. De fait, dans
la Stratégie de Sécurité Nationale des États-Unis publiée en septembre 2002, le Président
Bush définit la guerre contre la terreur comme une “Guerre des idées”, expression qui fait
évidemment écho à la “Guerre de mots” du Sénateur Mundt, en 1948 : “This is a struggle
of ideas and this is an area where America must excel”.27
De fait, les efforts du gouvernement allaient bel et bien contribuer à une renaissance
de la diplomatie publique. Et, au nom d’une prétendue continuité idéologique entre la
Guerre froide et la Guerre contre la terreur, la première devint une référence omniprésente
dans les discours des dirigeants américains sur la seconde, tant au plan thématique ou
rhétorique que dans la définition d’une stratégie où le recours aux bons vieux outils de la
Guerre froide culturelle figurerait en bonne place.
Le 10 octobre 2001, la nouvelle Sous-Secrétaire d’État exposa devant la
Commission des affaires étrangères de la Chambre des représentants, la contribution de ses
services à la lutte antiterroriste et présenta sa nouvelle stratégie de communication : elle
visait à clarifier l’objectif du combat des États-Unis et de leurs alliés et à mieux cibler les
destinataires du message gouvernemental.
Afin de convaincre l’opinion internationale et de rallier le plus grand nombre de
nations à la coalition antiterroriste, ce message s’évertuait à démontrer que la guerre contre
le terrorisme n’obéissait pas seulement à une considération de sécurité interne mais qu’elle
correspondait à la poursuite d’un combat pour la liberté que les États-Unis avaient déjà
dirigé et remporté deux fois. À la tête de la coalition des nations civilisées, les États-Unis
poursuivaient un combat universel contre le terrorisme identifié comme la nouvelle
menace succédant au totalitarisme communiste.28
L’opinion publique internationale devait
être consciente que si les attentats s’étaient déroulés sur le sol américain, ils visaient en
réalité l’humanité tout entière. C’est ce qu’avait rappelé le Président Bush au lendemain
des attentats : “Cette attaque a eu lieu sur le sol américain, mais c’est une attaque dirigée
contre le cœur et l’âme du monde civilisé”. Cet aspect de la communication gouverne-
26
US Department of State Archive, 2001. 27
President George W. Bush, The National Security Strategy of the United States of America, septembre
2002. 28
Beers, 2001.
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mentale fit l’objet d’une campagne de sensibilisation sur le site Internet des services
d’information du Département d’État (IIP), The Networks of Terrorism, démontrant à
l’aide de témoignages de personnalités aussi diverses que Kofi Annan, Tony Blair ou
Pervez Musharraf que le combat contre le terrorisme était bien une préoccupation de
l’ensemble de communauté internationale. Car, et c’était là un aspect essentiel aux yeux du
Département d’État, cette guerre contre le terrorisme ne devait pas être perçue comme un
combat contre l’islam ou contre les musulmans. Il importait que cette distinction soit bien
claire ou alors l’action entreprise renforcerait leur anti-américanisme. C’est la raison pour
laquelle la riposte américaine contre les Talibans, initialement baptisée “Operation
Enduring Crusade” par le Président Bush fut rebaptisée Enduring Freedom sur les conseils
d’experts qui soulignèrent combien cette appellation pouvait être jugée infamante par les
musulmans.29
Charlotte Beers reconnaissait que cette partie du discours officiel était le
plus difficile à faire passer auprès des milieux islamiques.30
Un grand nombre de
ressortissants des pays du Moyen-Orient refusaient même d’admettre que les auteurs des
attentats puissent être des Arabes et considéraient la riposte américaine en Afghanistan
comme une agression injustifiée contre les musulmans.31
Le redéploiement des activités culturelles fut une des conséquences directes de la
Guerre contre le terrorisme. Alors que depuis les années 1990, celle-ci s’était focalisée sur
les pays d’Europe de l’Est dans la perspective de leur intégration future à l’Alliance
atlantique, après le 11 septembre, elle se réorienta en direction du Moyen-Orient et du
monde arabo-musulman dont les populations devenaient ses principales cibles.32
Une des
premières initiatives de Charlotte Beers fut le lancement de la Shared Values Initiative,
vaste campagne de relations publiques, placée sous le patronage du Council of American
Muslims for Understanding, association créée en avril 2002 sous l’impulsion du
Département d’État pour promouvoir une image positive de la vie des musulmans aux
États-Unis et expliquer aux Américains les valeurs de l’islam. Cette campagne s’inspirait
des méthodes publicitaires et reposait sur la diffusion de mini documentaires sur la vie
quotidienne des musulmans américains démontrant qu’il leur était possible de pratiquer
librement leur religion aux États-Unis. Cinq millions de dollars furent consacrés à l’achat
de temps d’audience dans les médias de pays du Moyen-Orient (ces spots ne furent jamais
montrés du fait de l’opposition des gouvernements égyptien, jordanien ou libanais).33
Après cet échec cuisant, le secrétaire d’État Colin Powell renoua avec les bonnes
vieilles méthodes de la défunte USIA – programmes d’échanges et d’information, deux des
plus grandes forces de l’Amérique pendant la Guerre froide.34
Promouvoir les échanges
culturels répondait à deux préoccupations complémentaires de la lutte antiterroriste : tout
29
Epstein, 2005, op.cit., p.1. 30
Beers, 2001, op.cit. 31
Stone, 2002. 32
Epstein, 2005, op.cit., p.7. 33
Plaisance, 2005. 34
Powell, 2002.
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d’abord, permettre aux musulmans modérés de découvrir par eux-mêmes les réalités de la
vie et des valeurs américaines afin qu’ils contribuent à diffuser dans leur pays une
information honnête et, en second lieu, cimenter la coalition antiterroriste dirigée par les
États-Unis en revitalisant notamment le lien transatlantique. Ainsi, à plusieurs reprises,
Charlotte Beers affirma qu’au moins 50% des dirigeants de la coalition antiterroriste
étaient d’anciens bénéficiaires des programmes d’échanges, et Colin Powell reconnut avoir
un dialogue beaucoup plus productif avec ces derniers qu’avec ceux qui ne s’étaient jamais
rendus aux États-Unis qu’à l’occasion de voyages officiels. Charlotte Beers voulait non
seulement augmenter le nombre de boursiers étrangers de 20 000 à 40 000, voire à 4
millions, mais elle comptait aussi faire appel aux quelques 700 000 anciens bénéficiaires
afin qu’ils témoignent de leur expérience américaine.35
Devant le congrès national annuel
du National Council for International Visitors (NCIV), elle rendit hommage aux 80 000
bénévoles répartis dans 44 États du pays qui depuis 40 ans assuraient le succès du plus
prestigieux programme d’échanges américain. À cette occasion, Charlotte Beers rappela
l’importance du programme NCIV et souligna que 1500 anciens “visiteurs” avaient occupé
des fonctions dans un cabinet ministériel. Deux membres du gouvernement afghan, son
président, Hamid Karzai, et sa vice-présidente, Simar Sanar, étaient d’anciens boursiers
américains.36
Quinze millions de dollars supplémentaires furent affectés par le Congrès au
programmes d’échanges pour 2002 afin d’accroître le nombre d’étudiants en provenance
du monde arabo-musulman. De nouveaux programmes comme le Partnership for Learning
furent créés afin de permettre aux étudiants arabes ou musulmans de vivre dans une famille
américaine et de fréquenter une des nombreuses grandes universités du pays. Entre 2002 et
2005, 40 millions de dollars furent alloués à ce nouveau programme. En tout, les dépenses
du Bureau des échanges et des affaires culturelles pour la région du Moyen-Orient, entre
2001 et 2004, s’élevèrent à 140 millions de dollars. En dehors des bourses d’études, le
Département d’État multiplia les initiatives pour améliorer la connaissance des langues, de
la géographie et de la culture des mondes nord-américain et musulman : apprentissage de
l’arabe dans les écoles et les universités américaines, projets de jumelages entre des écoles
secondaires américaines et établissements similaires des pays arabes.37
Le service d’information du Département d’État, l’International Information
Program, participa à cette réorientation en triplant le nombre de ses publications en arabe.
Au Moyen-Orient, il suscita des “coins américains”, inspirés des anciens centres culturels
américains démantelés au cours des dix années précédentes. Ces centres multimédias
furent installés dans des campus universitaires, des bibliothèques, des immeubles de
bureaux, voire dans des centres commerciaux afin de les soustraire à la menace terroriste et
de toucher plus facilement le public. Au cours de l’année 2004, une soixantaine de
nouveaux American Corners furent créés en priorité dans le monde arabo-musulman. Et,
35
Beers, 2002a. 36
Beers, 2002b. 37
Epstein, 2005, op.cit.
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entre 2001 et 2005 les dépenses affectées aux activités d’information au Moyen-Orient
furent portées à 8,7 millions de dollars.38
Enfin, la radio fut, de tous les outils de la diplomatie culturelle, le plus
emblématique de la Guerre froide. Beaucoup d’hommes politiques américains jugeaient
que les programmes de Radio Free Europe destinées aux populations d’Europe de l’Est
avaient contribué à renforcer la détermination des organisations dissidentes et à fissurer le
rideau de fer. À l’instar du député Ed Royce, un certain nombre de Congressmen étaient
convaincus qu’il était possible de réitérer en Afghanistan ce qui avait fait ses preuves en
Pologne ou en Tchécoslovaquie. De fait, au lendemain des attaques du 11 septembre, la
Voix de l’Amérique intensifia ses programmes en arabe, dari, farsi, pashto et urdu et, à
l’initiative du Congrès, Radio Free Afghanistan commença à émettre en janvier 2002. Et, à
partir, de mars 2002, une nouvelle radio destinée aux jeunes Arabes de moins de 25 ans,
Middle East Radio Network, baptisée Radio Sawa, diffusa dans cinq dialectes arabes des
programmes destinés aux millions d’auditeurs des territoires palestiniens, d’Égypte, d’Irak,
du Soudan et des États du Golfe.39
Ainsi, pour la première fois depuis le milieu des années 1990, les dépenses
affectées à la public diplomacy furent sensiblement relevées : elles représentaient pour les
années 2001 et 2002, 712 et 747 millions de dollars – des chiffres qui situaient le budget de
la diplomatie culturelle au niveau de ceux des années 1980 – mais qui au regard des
proclamations officielles d’ériger la diplomatie publique en priorité de la lutte antiterroriste
pouvaient sembler dérisoires.40
Après des années de désintérêt, la public diplomacy était redevenue un enjeu tant
pour le Congrès que pour le Président des États-Unis. Ainsi, le Président de la Commission
des affaires étrangères de la Chambre des représentants, le Républicain Henry Hyde, à
l’origine du Freedom Promotion Act of 2002, la replaça au cœur de la stratégie de sécurité
nationale : “La diplomatie publique […] a un rôle central à jouer pour rendre le monde
moins hostile envers les intérêts légitimes des États-Unis, leurs citoyens et leurs alliés”. Le
vote du Freedom Promotion Act devait contribuer à renforcer les pouvoirs du Sous-
Secrétaire d’État chargé des affaires et de la diplomatie publiques, et lui attribuer un
budget de 255 millions de dollars sur deux ans afin de développer et ses programmes
d’information et d’échanges en direction des pays arabes et musulmans. Or, ce projet, voté
à l’unanimité par la Chambre des représentants, ne fut jamais approuvé par le Sénat,
soulignant ainsi l’ambivalence de l’Administration Bush ; avant d’apporter son soutien au
Freedom Promotion Act, celle-ci avait d’abord fait connaître ses craintes que cette
nouvelle loi n’entrave la liberté d’action du Président dans la gestion de la politique
étrangère.41
L’annonce par la Maison Blanche, au cours de l’été 2002, de la création d’un
Office of Global Communications démontra que la Présidence entendait bien garder la
38
Epstein, ibid. 39
Anonyme, 2003. 40
Eptsein, 2005, op.cit. 41
H.R 3969 (107th), Freedom Promotion Act, 2002.
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haute main sur la promotion de l’image de l’Amérique à l’étranger et coordonner des
acteurs de la public diplomacy qui avaient parfois tendance à agir en ordre dispersé.42
Dès ses débuts, la “Guerre des idées” a souffert d’un manque de lisibilité et de
crédibilité dû notamment à la multiplicité d’intervenants, la communication gouverne-
mentale vers l’étranger n’étant pas du ressort exclusif du Département d’État. Ainsi, le 19
février 2002, deux journalistes du New York Times révélèrent l’existence de l’Office of
Strategic Influences, un bureau très confidentiel du Pentagone créé avec l’aide du Rendon
Group. Ce nouvel organisme aurait été chargé d’orchestrer des campagnes s’appuyant sur
des activités clandestines de désinformation ou “propagande noire”.43
Malgré l’annonce,
par le Secrétaire à la Défense, de la fermeture de ce bureau très controversé, la polémique
engendrée par ces révélations jeta un discrédit sur l’ensemble de la communication d’État.
De plus, les sondages démontraient que la diplomatie publique n’avait eu aucun impact
favorable sur la perception des États-Unis dans le monde. La Goblal War on Terror ne
recevait qu’un faible soutien de l’ensemble de la communauté internationale. À partir de
2002, la nouvelle doctrine de préemption annoncée par l’Administration Bush accrut le
fossé entre les États-Unis et l’opinion publique internationale, y compris chez les plus
anciens alliés des États-Unis :
En dépit d’un déluge d’expressions de sympathie envers l’Amérique à la suite
des attaques terroristes du 11 septembre 2001, le mécontentement à l’égard des
États-Unis s’est diffusé dans l’ensemble du monde au cours des deux dernières
années. L’image de notre pays a été ternie dans les endroits les plus variés :
parmi nos alliés de longue date, dans les pays en développement, en Europe de
l’Est et, de façon on ne peut plus spectaculaire, dans les sociétés musulmanes.44
L’intervention controversée des États-Unis en Irak, en mars 2003, a contribué à
exacerber l’anti-américanisme. Les sondages réalisés après le déclenchement de la guerre
d’Irak entre mars et juin 2003 révélèrent une telle dégradation de l’image des États-Unis
que celle-ci risquait d’affaiblir la coalition antiterroriste et de compromettre le dénouement
victorieux de la Global War on Terror.45
Dans le cadre de ces controverses, plusieurs think
tanks procédèrent à une première évaluation de la politique culturelle américaine conduite
depuis le 11 septembre.46
En juillet 2002, le Council on Foreign Relations publia un
rapport accablant :
La promesse que recelait la diplomatie publique américaine n’a pas été tenue,
obérée qu’elle est par un déficit de volonté politique, l’absence d’une stratégie
d’ensemble, un manque de spécialistes, des contraintes culturelles, des défauts
structurels, et une pénurie de ressources.47
42
Nakamura & Weed, 2009, op.cit., p.32. 43
Marteau, 2003, op.cit., p.190. 44
Pew Research Center, 2002. 45
Pew Research Center, 2003. 46
Peterson, 2002. 47
Council on Foreign Relations, 2002.
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Un an plus tard, un groupe d’experts du Moyen-Orient chargé d’étudier les moyens
d’améliorer l’efficacité de la politique culturelle américaine publia un mémoire au titre
évocateur : Changing Minds, Winning Peace.48
Il déplorait l’insuffisance de moyens et de
personnel qualifié ayant une connaissance suffisante des langues et cultures des peuples du
Moyen-Orient, le manque de coordination entre les divers départements ministériels en
charge de la communication gouvernementale, et l’absence d’une ligne directrice claire
définie par la Maison Blanche. La politique de communication da l’Administration Bush
était désormais considérée, de l’avis général, comme un véritable désastre.
Les personnalités auditionnées par la Commission d’enquête sur les attentats du 11
septembre n’hésitèrent pas non plus à épingler les erreurs de communication du
Département d’État : la confusion entre public relations et public diplomacy conduisait à
considérer cette dernière comme de simples “overseas public relations”. Or, la politique
culturelle ne devait pas se réduire à un simple monologue, mais chercher à instaurer un
véritable dialogue entre les sociétés et les cultures. La commission recommandait au
gouvernement américain d’adopter une attitude plus multilatérale et de joindre ses efforts à
ceux des autres nations. Elle appelait de ses vœux la création d’un forum qui prendrait pour
exemple l’OSCE – organisation qui pendant la Guerre froide contribua à normaliser les
relations Est-Ouest – afin d’engager un dialogue culturel entre les pays occidentaux et pays
islamiques. Car seules la connaissance et la compréhension mutuelles favoriseraient
l’établissement de la confiance entre Occidentaux et Musulmans, condition déterminante
pour mettre un terme au terrorisme global :
Si nous n’entretenons pas des relations de long terme empreintes de confiance
avec les populations musulmanes, la confiance ne sera pas au rendez-vous. Sans
elle, la diplomatie publique est de peu d’utilité.49
Les conclusions des experts aboutissaient tous au même constat : la principale
erreur de la communication gouvernementale était avant tout d’ordre stratégique :
appliquer à la Guerre contre le terrorisme les concepts de la Guerre froide sans
considération des changements intervenus dans le système international. Dans ce nouveau
système, où les relations diplomatiques ne sont plus l’apanage des États et de leurs
représentants mais où de nouveaux acteurs (multinationales, ONG, mouvements et réseaux
sociaux) façonnent les opinions publiques grâce aux nouvelles technologies, il est plus
difficile de contrôler ou de filtrer l’information et de prétendre conduire une guerre des
idées. À l’époque de l’USIA, la principale difficulté à laquelle se heurtaient les services
d’information américains était le brouillage des émissions par les Soviétiques : à l’heure
d’Internet, ils rencontrent d’autres défis, tels l’émergence des stations arabes de télévision
par satellite contestant la représentation occidentale des conflits du Moyen-Orient et
unissant communautés arabes et diasporas :
48
Advisory Group on Public Diplomacy for the Arab and Muslim World, 2003. 49
House International Relations Committee, 2004.
Res Militaris, vol.5, n°1, Winter-Spring/ Hiver-Printemps 2015 15
Les choses étaient très différentes sous la Guerre froide. Les citoyens de
l’URSS et d’Europe de l’Est vivaient coupés de l’Ouest par leurs gouvernants.
Aujourd’hui, au contraire, Arabes et musulmans sont saturés d’opinions et
d’informations sur les États-Unis, souvent déformées par des journalistes ou des
propagandistes hostiles à l’Amérique.50
En outre, la révolution technologique permet d’exposer rapidement les contra-
dictions entre les valeurs proclamées et la réalité des actes politiques :
Nos valeurs et nos politiques ne sont pas toujours en accord. Souvent, notre
gouvernement soutient dans le monde arabe et musulman des régimes hostiles à
nos principes simplement parce qu’à court terme cela arrange certaines de nos
politiques.
Le débat sur la diplomatie publique, longtemps focalisé sur la forme du message
plus que sur son contenu, finit par rejaillir sur la politique étrangère. À la fin du premier
mandat de George W. Bush, les experts et membres du Congrès avaient admis que l’échec
de la public dipomacy n’était pas seulement un problème de communication, mais que la
politique étrangère elle-même était cause de ce discrédit : “Pour conclure, soyons clair :
recettes de communication, manipulations de l’opinion et propagande ne sont pas l’alpha
et l’oméga. La politique étrangère compte”.51
Dans son rapport consacré au bilan de la
public diplomacy depuis le 11 septembre, l’historienne Susan Epstein, reconnaissait que les
premiers pas de l’Administration Bush avaient eu un effet désastreux et contribué à ternir
durablement l’image des États-Unis dans l’opinion publique internationale :
Avant même les attaques de 2001, nombre de décisions de l’Administration
Bush Administration – les refus de ratifier le Traité de Kyoto, la création de la
Cour pénale internationale, l’interdiction des armes chimiques et le Traité sur
les missiles antimissiles balistiques, entre autres – avaient négativement affecté
l’opinion étrangère à l’égard des États-Unis.
Ainsi, la décision controversée de recourir à la guerre en Irak n’avait fait qu’aviver
un anti-américanisme déjà latent avant le 11 septembre dans certaines strates de l’opinion
publique. Il était illusoire de croire que la diplomatie publique puisse remédier à tout :
Certains spécialistes de politique étrangère et des membres du Congrès ont
toutefois mis en garde : la diplomatie publique n’est utile que si le message est
crédible. De récents sondages montrent que le gouvernement des États-Unis
continue de susciter le scepticisme dans une bonne partie du monde, et pas
seulement parmi les populations arabes et musulmanes. Beaucoup de ces
observateurs affirment que lorsque le message est démenti par les perceptions
ou l’expérience qu’on s’y forge par soi-même, la diplomatie publique est
inefficace. Ils ajoutent que si la politique étrangère américaine est la cause
première de la mauvaise opinion extérieure à notre endroit, alors il faut se
résoudre à l’idée que la diplomatie publique ne produira pas les effets que le
législateur en attend.52
50
Advisory Group on Public Diplomacy for the Arab and Muslim World, 2003, op.cit., p.21. 51
Ibid., p.18. 52
Epstein, 2005, op.cit., p.12.
Res Militaris, vol.5, n°1, Winter-Spring/ Hiver-Printemps 2015 16
Conclusion
À la fin de l’année 2004, si la public diplomacy était unanimement considérée par
les experts et les historiens comme “une litanie de cafouillages et d’échecs spectaculaires”,
leurs avis divergeaient sur les causes de cet échec.53
Certains soulignaient ses ambigüités
originelles, liées au contexte de sa naissance et à son utilisation comme instrument de
political warfare emprunté à la Guerre froide. L’Administration Bush aurait donc exacerbé
des contradictions déjà latentes. Toutefois, si lors de la Guerre froide la diplomatie
publique put participer à l’accomplissement des visées de long terme de la politique
étrangère des États-Unis – vaincre le communisme –, ce ne fut jamais au prix du sacrifice
de sa mission première : par le biais des échanges et de l’extension des valeurs
démocratiques et libérales, créer un environnement international pacifique. Car la Guerre
froide était considérée comme “une parenthèse retardant mais n’annulant pas du tout le
programme wilsono-rooseveltien d’un monde safe for democracy”.54
Or, il en fut tout autrement dans le cadre de la “Guerre des idées”. La référence aux
temps héroïques de la Guerre froide, était censée galvaniser une opinion publique sensible
au discours messianique de l’Amérique et la convaincre qu’elle sortirait victorieuse du
combat contre le terrorisme comme elle l’avait fait au cours de la “Guerre des mots”. Mais
elle avait aussi un autre objectif : présenter la Global War on Terror comme une doctrine
aussi claire et universaliste que l’avait été en son temps celle du containment. Or, au-delà
des analogies rhétoriques, les deux doctrines comportaient bien des différences
fondamentales : alors que l’endiguement supposait d’attendre que l’adversaire, contenu
dans son expansion, finisse par se transformer de lui-même pour résoudre ses problèmes
intérieurs, la doctrine Bush imposait cette transformation en intervenant directement chez
lui. En outre, une fois l’URSS débarrassée de son carcan totalitaire, elle pourrait redevenir
un partenaire avec lequel les États-Unis accepteraient de renouer le dialogue afin d’établir
les relations internationales sur les bases libérales imaginées par Roosevelt. Or, la Guerre
contre le terrorisme n’entendait nullement consacrer l’ordre international existant. Au
contraire, au regard des nouvelles menaces et de leur caractère inédit, l’ordre onusien qui
n’avait pas été conçu contre le terrorisme, semblait revêtir un caractère obsolète. Et, c’est
sur le droit naturel de légitime défense que reposait la justification de la doctrine de la
préemption, l’Amérique se réservant le droit de recourir à la guerre pour écarter le danger
avant qu’il ne se concrétise.
L’action préventive prendrait le pas sur la dissuasion, l’autre pilier de la Guerre
froide, qui concevait l’intervention militaire comme le dernier recours face à la menace. La
défense de sa sécurité et de ses intérêts vitaux justifiait désormais un interventionnisme
illimité au nom de “la défense de la liberté” – et non plus du monde libre ou de l’ordre
international libéral – entraînant les États-Unis dans une guerre sans fin.55
Le message de
53
Kennedy & Lucas, 2005, op.cit., p.11. 54
Soutou, 2002. 55
Tertrais, 2004.
Res Militaris, vol.5, n°1, Winter-Spring/ Hiver-Printemps 2015 17
l’Amérique était, aux yeux de tous, incompatible avec ses véritables objectifs stratégiques
et les nombreux projets visant à amender la diplomatie publique aboutissaient tous à cette
même conclusion : aucune réforme, même de grande ampleur, n’obtiendrait de résultats
tant que la politique étrangère resterait à ce point sourde aux attentes de l’opinion publique
internationale.
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