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Diplôme d’Université Thérapeutiques anti-infectieuses 2013-2014 Paléobactériologie, les bactéries de nos ancêtres, les ancêtres de nos bactéries Pr H. Dabernat Laboratoire AMIS CNRS/UPS (UMR 5288) (Anthropologie moléculaire et Imagerie de Synthèse) Université de Toulouse (III) Faculté de Médecine [email protected]

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Diplôme d’Université Thérapeutiques anti-infectieuses

2013-2014

Paléobactériologie,

les bactéries de nos ancêtres, les ancêtres de nos bactéries

Pr H. Dabernat Laboratoire AMIS CNRS/UPS (UMR 5288)

(Anthropologie moléculaire et Imagerie de Synthèse) Université de Toulouse (III) Faculté de Médecine

[email protected]

Les enjeux de la paléobactériologie

L’Homme, ses agents pathogènes, ses maladies infectieuses

- agents pathogènes - origine - évolution - spéciation - co-évolution Homo sapiens sapiens et agents pathogènes,

- bactéries - virus - parasites - prions

Oncle Vania « Back to the trees » … … trop tard !

(Cole et al, Nature 1998)

Homo sapiens sapiens et ceux qui l’ont précédé, un voyage dans le temps et dans l’espace Un monde bactérien partagé,

le microbiote

(Le Monde, 27 mars 2010)

L’histoire de l’Homme est marquée par : - sa dispersion sur la planète - son évolution culturelle - une succession de contacts et de conflits

Peuplement de la terre par Homo sapiens (sapiens), analyse par étude de ADNmt et ADN chrom Y

(http://www.nationalgeographic.fr The Genographic Project)

Out of Africa, les routes migratoires de l’Homme moderne à partir du foyer africain

Mouvements des populations et langages au néolithique (Diamond et al., Farmers and their languages: the first expansions Science 2003)

Les transitions dans l’histoire de l’Humanité

L’histoire de l’Homme est scandée par un ensemble de transitions étroitement imbriquées et parallèles :

- démographiques (mortalité globale, espérance de vie) - technologiques, poing, pierre, fer, poudre, vapeur, électricité, atome

- épidémiologique(s) : causes de la mort

- nutritionnelles (du mil à l’eau aux fast food et sodas)

transition : passage d’un état à un autre, d’une situation à une autre (changement, évolution) (Le Robert) Transition épidémiologique : processus au cours duquel

le modèle de mortalité et de maladie des origines: mortalité très élevée des nourrissons et des enfants et épisodes de famines et d’épidémies atteignant tous les âges est transformé et devient celui des maladies dégénératives et des maladies provoquées par l’Homme atteignant les sujets âgés

(Omran, Milb Mem Fund Q, 1971)

des arbres à la savane et

Out of Africa

Nouveau milieu, nouveau mode de vie, nouveaux contacts : - animaux, consommation de viande (2 M), utilisation peaux et fourrures - agents pathogènes (zoonoses) - vecteurs (insectes, tiques, …) populations dans des environnements différents, nouvelles conditions de vie, nouveaux agents pathogènes (parasites, bactéries, virus) Interactions étroites - de l’environnement - du comportement - du social

(McMichael, Phil Trans R Soc Lond B 2004)

Populations du Paléolithique « Out of Africa »,

des origines à - 10 000 av J.C.

- Chasseurs cueilleurs nomades, petits groupes dispersés - Densité de population inférieure au seuil critique pour les épidémies ravageuses - variole, grippe, rougeole, poliomyélite

- Absence (?) d’agents pathogènes provoquant des infections aiguës ou épidémiques ? - Salmonella Typhi (-15 000 à -150 000 ans) - Shigella (-35 000 à -270 000 ans) - Mycobacterium tuberculosis (-35 000 ans) - Parasites (par héritage, par infection fortuite) - Virus ? ils n’en mouraient pas moins !

La révolution néolithique

- Agriculteur sédentaire producteur - vie en petites communautés, centres « urbains » - surcharge de travail, carences nutritionnelles - domestication (chien, chèvre, mouton, bovin, porc, volaille)

- Maladies infectieuses et parasitaires - Maladies humaines - Maladies animales - Zoonoses

- Première Transition démographique

vers l’Âge des pestilences et des famines (Omran)

Âges des pestilences et des famines

Maladies infectieuses et parasitaires (épidémiques, endémiques) Famines, malnutrition, conflits Environnement (eaux usées, vecteurs et réservoirs d’agents pathogènes) Mortalité infantile (200-300 pour 1000 naissances) et maternelle Mortalité élevée (30-50 ‰) 3/4 par maladies infectieuses, malnutrition, complications du post-partum Fécondité très élevée (> 40 ‰) Croissance cyclique de la population Population jeune Espérance de vie à la naissance : 20-40 ans puis âge du recul des pandémies

La révolution industrielle

- Déclin de la mortalité par maladies infectieuses - fin XVIIème -début XIXème siècle, épidémies moins fréquentes et moins meurtrières - au milieu du XXème siècle, antibiothérapie et campagnes de vaccination (débutées en 1800, vaccine)

- Coïncide avec la révolution industrielle, milieu du XIXème - Amélioration hygiène, nutrition, conditions de vie

- Maladies de civilisation, cancer, diabète, BPCO, maladies cardiovasculaires, neurologiques - Maladies chroniques, hypertension, obésité - Allongement de l’espérance de vie

mais NOUS NE SOMMES PAS TOUS ÉGAUX

Troisième transition épidémiologique

- maladies infectieuses émergentes : légionellose, Sida, v. Ebola, v. Marburg, borréliose, vCJ (franchissement de la barrière d’espèce) - maladies infectieuses réémergentes : choléra, paludisme, grippe, tuberculose

- résistance aux antibiotiques : S. aureus (MRSA, VISA), Salmonella, S. pneumoniae, M. tuberculosis, Campylobacter

- mondialisation (globalisation) des maladies humaines

(vers la 4ème transition) : grippe (virus HxNx ?), SRAS

- maladies dégénératives

(Barrett & col, Emerging and re-emerging infectious diseases: the third epidemiologic transition, Ann Rev Anthropol 1998; Gage, Are modern environments really bad for us ? : revisiting the demographic and epidemiologic transition, Yearbook of Physical Anthropology 2005)

(Vers) la quatrième transition épidémiologique

- déclin de la mortalité et âge des maladies dégénératives retardées

- maladies infectieuses toujours présentes et risque réel de « nouvelles » maladies infectieuses (réservoir animal virus ARN)

- allongement de l’espérance de vie (> 80 ans) : nouvel outil statistique DALY (Disability Adjusted Life Year)

- début du 3ème millénaire: trois transitions uniques dans l’histoire - nombre de personnes âgées > celui des sujets jeunes - population des villes > à celle des campagnes - fécondité en-dessous du seuil de renouvellement

(Gage, Are modern environments really bad for us?, Yearbook of Physical Anthropology 2005; Olshansky & Ault, The fourth stage of the epidemiologic transition: the age of delayed degenerative diseases, Milbank Quarterly 1986; Cohen, Quel avenir pour l’humanité, Pour la Science 2005)

Les outils de la paléobactériologie Restes humains - squelettes, os secs, dents - corps momifiés - naturelle: déshydratation, corps gelés (altitude, banquise, permafrost) - artificielle - coprolithes, contenu intestinal, calculs Biologie moléculaire - ADN ancien (conservation, extraction) - PCR amplification - amorces - spécifiques - universelles - séquençage - Banques de données - Marqueurs moléculaires - Horloge moléculaire Microscopie - optique - électronique

Momie Pharaon Ramses II (- 3200 BP) Momie Chacopaya, Pérou pré-Inca

Les enfants du mont LLULLAILLACO la Doncella, la Niña del rayo, el Niño sacrifiés et inhumés au sommet du volcan inca (6730 m) (MAAM, Museo de Arqueología de Alta Montaña, Salta, Argentine)

L’Homme des glaces Ötzi conservé dans une chambre réfrigérée à - 6°C et taux d’humidité > 99% Cadavre momifié par le froid, vieux de 5300 ans, découvert le 19 septembre 1991 à 3210 m d’altitude dans le Tyrol italien

(Musée archéologique du Tyrol du sud, Bolzano, Italie)

Pharaon Ramses V (1157 av. J.C.), lésions cutanées de la face et du cou, évocatrices de variole Enfant de 2 ans mort à Naples (conservation naturelle, 156960), lésions de la face évocatrices de variole; particules virales de type poxvirus décelées au niveau des lésions (m.e.) (Behbehani, The smallpox story 1988)

Site de Larriey (XVIIème siècle), charnier de peste (Cliché M. Signoli, DR CNRS, Marseille)

Vilnius, Lituanie, « charnier de catastrophe », 1812, soldats de la Grande Armée lors de la retraite de Russie (Cliché M. Signoli, DR CNRS, Marseille)

Le Mans, site des Jacobins (charnier de catatrosphe): fosses d’inhumation collective, Les charniers des Vendéens (décembre 1793, retour de Granville, fin de la Virée de Galerne) (HD juillet 2010)

Bactéries de tous les jours, infections à germe(s) banal(s), ostéomyélite

Traumatismes par projectile (pointe de flèche) mais où est le staphylocoque ?

Néolithique final, Ossuaire de la Grotte des Treilles, Musée Fenaille, Rodez

Une maladie, Un agent pathogène

La tuberculose Mycobacterium tuberculosis

11 Juillet 2009, Ulaan Baatar (Mongolie), jour de Naadam, fête nationale

La tuberculose au présent

La tuberculose dans le passé

Statuette d’argile (h=20 cm) incluse dans un vase de terre rouge, présumée prédynastique, retrouvée dans le désert d’Assouan (Haute Égypte) aux confins de la Basse-Nubie (4500 - 3000 av JC, origine douteuse et datation incertaine !) Sujet émacié, cyphose angulaire dorsale

(Schrumpf-Pierron. Le mal de Pott en Égypte 4.000 ans avant notre ère. Aesculape 1933)

TPJ 02, sep 493, adulte: T11-L3, ankylose corps vertébraux, pédicules, processus articulaires, processus épineux; cavités d’abcès entre T11 et T12 et entre L2 et L3. Lésions de tuberculose: mal de Pott

PLP 06, sep 415, adulte: région abdominale, minéralisation « en larme » (7 cm), attribué à un abcès du psoas d’origine tuberculeuse

(Resnick & Krandsorf, 2005, Bone and joint imaging)

TLSE 03 sep 101, adulte: plaque minéralisée (4,5 cm), région thoracique; attribuée à épanchement pleural minéralisé d’origine tuberculeuse

Adaïma (Haute Égypte), nécropole prédynastique (3200 av J.-C.)

- enfant AD S 500 (4,5-5 ans): tuberculose osseuse multifocale, lésions lytiques os longs (abcès froid), réaction périostée, dactylite, spina ventosa, mal de Pott (Dabernat, Crubézy, Int J Osteoarchaeol 2010)

AD S 500 (4,5-5 ans): tuberculose osseuse multifocale, spondylolyse T12-L1, arthrite du coude (abcès froid), images pseudo-kystiques, périostite, dactylite (26 mm)

Nécropole pré-dynastique d’Adaïma (Haute Égypte)

Lésions lytiques (abcès froid, coude), réaction périostée, spina ventosa (humérus, ulna, fibula)

Iakoutie centrale, République Sahka, Sibérie orientale (Féd. Russie) Tombe gelée dans le permafrost datée de 1728 par dendrochronologie, coffre dans un tronc de mélèze, linceul écorce de bouleau Kyys Ounouogha (18-23 ans) jeune fille chamane, lésions de tuberculose pulmonaire, pleurésie, atteinte vertébrale (mal de Pott) signes de « malemort »

(Missions Archéologiques Françaises en Sibérie Orientale, MAFSO)

(Crubézy, Alexeev. Chamane, Kyss, jeune fille des glaces. Errance 2007)

L’agent pathogène : Mycobacterium tuberculosis Fin du 19ème siècle, l’âge d’or de la bactériologie 1874, Gerhard Hansen décrit le bacille de la lèpre (ne peut être cultivé) 1882, Robert Koch identifie le bacille de la tuberculose (culture et coloration) 1896, genre Mycobacterium espèces M. tuberculosis (bacille de Koch) M. leprae (bacille de Hansen) une centaine d’espèces dans famille Mycobacteriaceae synthèse d’acides mycoliques complexe Mycobacterium tuberculosis (MTBC)

- le complexe Mycobacterium tuberculosis : - M. canettii - M. tuberculosis - M. africanum - M. microti - M. bovis - mycobactéries de l’environnement : - croissance lente : M. kansasii, M. scrofulaceum, complexe M. avium, M. xenopi, M. ulcerans (ulcère de Buruli) - croissance rapide : M. fortuitum

L’agent pathogène : Mycobacterium tuberculosis (complexe Mycobacterium tuberculosis, MTBC)

- pathogène obligatoire (dérivant d’une espèce saprophyte ?) - pas de multiplication en dehors de l’organisme hôte - hypothèse d’une co-évolution des bactéries du complexe M. tuberculosis avec les hominidés pendant plusieurs (2-3) millions d’années - hypothèse que les souches modernes de M. tuberculosis (majorité des souches actuelles) résultent d’un goulot d’étranglement lors de la subspéciation il y a 20 000 à 35 000 ans

(Mathema et al, Molecular epidemiology of tuberculosis: current insights. Clin Microbiol Rev, 2006) (Kapur et al, Is Mycobacterium tuberculosis 15,000 years old ? JID, 1994) (Hughes et al, Genomewide pattern of synonymous nucleotide substitution in two complete genomes of Mycobacterium tuberculosis. EID, 2002)

(Smith et al. Myths and misconceptions: the origin and evolution of Mycobacterium tuberculosis. Nature Reviews Microbiology, 2009)

Évolution d’une espèce bactérienne à partir d’un ancêtre commun,

- diversification, - perte, - disparition, - goulot d’étranglement,

Outils et techniques de biologie moléculaire (1)

Typage, épidémiologie, évolution, biogéographie, phylogéographie de Mycobacterium tuberculosis

- RFLP fingerprinting (restriction-fragment-lenght polymorphism), distribution de la séquence d’insertion IS6110 (digestion par enzyme de restriction, hybridation, électrophorèse des fragments d’ADN), profils de restriction

- Spoligotyping (spacer oligonucleotide typing) des loci DR (direct-repeat locus) contenant 10 à 50 copies de DR de 36 pb séparées par des espaces (spacer) variables (amplification, hybridation en face de chacun des 43 spacers), génotypes

- MIRU-VNTR (Mycobacterial Interspersed Repeat Units - Variable Number of Tandem-Repeat), nombre et taille de 12 ou 15 loci indépendants (amplification, électrophorèse)

(Barnes et al, Molecular epidemiology of tuberculosis. N Engl J Med, 2003) (Mathema et al, Molecular epidemiology of tuberculosis: current insights. Clin Microbiol Rev, 2006)

Outils et techniques de biologie moléculaire (2)

- Deligotyping (deletion mapping, genomic-deletion polymorphism) (amplification, électrophorèse)

- Insite (insertion site mapping, insertion site typing) (amplification, hybridation)

- LSP (large sequence polymorphism) (hybridation)

- SNP (single nucleotide polymorphism), synonyme (s) ou non synonyme (ns) (comparaison de séquences in-silico)

Terminologie

DR : direct repeat RD : region of difference TbD1 : M. tuberculosis-specific deletion 1 SNP : gyrA codon 95 ACC ---> AGC katG codon 463 CTG ---> CGG

-Spoligotyping (spacer oligonucleotide typing) des loci DR (direct-repeat locus) contenant 10 à 50 copies de DR de 36 pb séparées par des espaces (spacer) variables (amplification, hybridation en face de chacun des 43 spacers), génotypes

(Brudey et al. Mycobacterium tuberculosis complex genetic diversity. BMC Microbiol, 2006)

(Zink et al. Molecular tuberculosis from ancient mummies and skeletons. IJO, 2007)

Profils de M. tuberculosis et de M. bovis (BCG)

SNP, single nucleotide polymorphism (synonyme ou non synonyme)

(Brosch et al. A new evolutionary scenario for the Mycobacterium tuberculosis complex. PNAS, 2002)

Le complexe Mycobacterium tuberculosis TbD1: Mt-specific Deletion 1 RD: Region of Difference SNP: Single Nucleotide Polymorphism Délétions

Complexe Mycobacterium tuberculosis - un dernier ancêtre commun dont M. canettii est le plus proche - M. tuberculosis, ancestral sans TbD 1, moderne avec TbD 1 - M. africanum avec RD 9 comme toutes les autres espèces du MTBC - M. bovis qui ne peut être l’ancêtre de M. tuberculosis Ancienneté 20 000 à 35 000 ans

Concept de Mycobacterium prototuberculosis

- Étude (gènes de ménage, gènes de l’ARNr 16S) des espèces du Complexe Mycobacterium tuberculosis et de souches de bacilles tuberculeux ayant des colonies lisses isolées chez des patients à Djibouti (Afrique de l’Est) - par analyse phylogénétique, souches colonies lisses considérées comme antérieures aux souches modernes du Complexe M. tuberculosis

- ancienneté du bacille tuberculeux ou de son prédécesseur estimée à 3 Millions d’années diffusion, propagation, co-existence avec les premiers hominidés ayant vécu dans la même région

(Gutierrez et al, Ancient origin and gene mosaicism of the progenitor of Mycobacterium tuberculosis. PLoS Pathog, 2005)

(Gutierrez et al. Ancient origin and gene mosaicism of the progenitor of Mycobacterium tuberculosis. PLoS Pathog, 2005

Ancienneté du «progéniteur» M. prototuberculosis : 3 millions d’années

(Gagneux et al. Variable host-pathogen compatibility in Mycobacterium tuberculosis. PNAS, 2006)

Structure globale de la population et distribution géographique de M. tuberculosis en six lignées principales géographiquement structurées; Indo-Oceanic East-Asian East-African-Indian Euro-American West-African 1 et 2

Indo-Oceanic : souches ancestrales (EAI, Afrique de l’Est, Asie du Sud-Est, Sud de l’Inde) East-Asian : souches famille Beijing (Chine, Russie, Afrique du Sud)

East African-Indian : (CAS, Est Afrique, Nord Inde, Pakistan)

Euro-American : souches modernes (Haarlem, LAM, T, X) (Amériques, Europe, Afrique du Nord, Moyen Orient)

West-African 1 et 2 : Mycobacterium africanum sstype 1 Présence des 6 principales lignées en Afrique, en faveur du scénario sur l’origine et l’évolution de la tuberculose humaine par diffusion et diversification de M. tuberculosis pendant sa diffusion hors Afrique de l’Est

Scénario Out-of-and-back-to-Africa

de la « phylogéographie de la tuberculose humaine » et du Complexe Mycobacterium tuberculosis

diversité génétique d’un organisme et sa distribution sous influence de: sélection naturelle dérive génétique migrations changements démographiques Diversité génétique des souches de M. tuberculosis chez l’Homme liée aux migrations humaines (Out of Africa) et aux mouvements de population des derniers siècles

A - taille de la population humaine au cours des 50 000 dernières années B - migration Out of Africa des anciennes lignées du Complexe M. tuberculosis C - augmentation récente de la population humaine (explosion démographique) D - population humaine actuelle = 6 milliards

B - migration Out of Africa des anciennes lignées du Complexe M. t Origine africaine du Complexe M. tuberculosis (Afrique seul continent avec présence des 6 lignées majeures et exclusivité des lignées West Africa) Corne de l’Afrique où présence de M. canettii et autres bacilles à colonies lisses plus proches de l’ancêtre commun, en noir Populations de chasseurs-cueilleurs faible densité, association stable hôte-pathogène et adaptation du pathogène à l’hôte Migrations terrestres il y a 50 000 ans

C - augmentation récente de la population humaine, en particulier Europe de l’Ouest, Inde, Asie du sud-est, chacune de ces régions étant associée à l’une des trois lignées modernes du Complexe M. tuberculosis Expansion clonale des trois lignées Dispersion terrestre et maritime de ces lignées: colonisation, conquêtes, migrations, lignée européenne en Amériques, Afrique, Asie, migration Inde vers Afrique de l’Est; esclaves d’Asie vers Afrique du sud puis travailleurs chinois

D - population mondiale actuelle = 6 milliards d’êtres humains Distribution actuelle des 6 principales lignées adaptées à l’Homme, reflet des migrations humaines et des étapes du peuplement

Histoire de l’évolution du Complexe M. tuberculosis

Questions: pourquoi ? où ? quand ? la tuberculose a débuté et s’est répandue 355 souches représentatives de la distribution mondiale des différentes branches du Complexe M. tuberculosis étude avec les marqueurs génétiques basés sur MIRUs (mycobacterial interpersed repetitive units) contenant des séquences VNTR (variable number ot tandem repeat) pour déterminer: le moment de divergence, la diversité des populations bactériennes, la dispersion du Complexe M. tuberculosis

(Wirth et al. Origin, spread and demography of the Mycobacterium tuberculosis complex. PLoS Pathogens, 2008)

Clades réunissant plusieurs lignées contenant différents groupes: clade 1 TbD1- M. tuberculosis sensu stricto, souches Afrique, Asie, Amérique latine-Méditerranée, Afrique-Europe clade 2 TbD1+ souches humaines (M. africanum, West African 1 et 2; EAI, East Africa India) et animales (dont M. bovis)

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Liens de parenté dans l’évolution du Complexe Mycobacterium tuberculosis à partir de Mycobacterium prototuberculosis:

- clade 2, lignées venant de l’Homme et de l’animal - infection de l’animal (du bétail) par l’Homme et non l’inverse - transition de l’Homme à l’animal (spéciation) liée à la domestication dans le Croissant fertile (13 000 ans BP) - clade 1, lignées venant de l’Homme - expansion « démographique » récente de toutes les lignées de M. tuberculosis coïncidant avec l’explosion démographique humaine des 180 dernières années associée à la révolution industrielle et l’urbanisation puis circulations intercontinentales

(Wirth et al. Origin, spread and demography of the Mycobacterium tuberculosis complex. PLoS Pathogens, 2008)

(Wirth et al. Origin, spread and demography of the Mycobacterium tuberculosis complex. PLoS Pathogens, 2008)

8 000 - 5 000 ans, à partir de clade 1: 4 - lignée Afrique 5 - lignée Asie 6 - lignée Europe migrations puis adaptation locale et diversifications

-1 - M. prototuberculosis (?) 1 - M. prototuberculosis atteint le Croissant fertile il y a 40 000 ans par terre ou mer 2 - 3 - émergence des lignées EAI (East Africa-India) et LAM (Méditerranée-Amérique latine), passage de chasseurs-cueilleurs à éleveur-agriculteurs, domestication 13 000 ans, dissémination hors de Mésopotamie il y a 10 000 ans

Scénario évolutif et dispersion de M. tuberculosis

Expansion constante depuis 180 ans en relation avec urbanisation et industrialisation

(Davies, Tuberculosis and migration. J Royal College of Physicians of London, 1995 )

18-19-20ème siècle: - marchands - militaires - missionnaires

Mouvements des Hommes et de la Tuberculose

20-21ème siècle: les mêmes ! et les migrants

(Davies, Tuberculosis and migration. J Royal College of Physicians of London, 1995 )

La lèpre

Mycobacterium leprae

KKM 148: face, effacement de l’épine nasale, érosion de l’os alvéolaire (dents 11 et 21), ovalisation de l’ouverture nasale (facies leprosa); base, perforations os maxillaire et os palatin Lèpre, syndrome rhino-maxillaire

la Lèpre

maladie (strictement) humaine, faiblement contagieuse, incubation longue, évolution lente (forme tuberculoïde et forme lépromateuse) (2011, USA contamination d’origine animale, tatous) origine présumée sous-continent indien, introduite en Europe par les soldats grecs au retour de la campagne d’Alexandre le Grand en Inde, diffusion de Grèce au pourtour méditerranéen puis en Europe de l’Ouest par les Romains, d’Inde en Chine, Japon, puis Îles du Pacifique (Nouvelle Calédonie au XIXème siècle) Europe, à partir du VIIème siècle, pic XIIème - XIIIème, déclin fin XVème avec poussée de la tuberculose (!)

Mycobacterium leprae (bacille de Hansen) identifié en 1873, pas de culture in vitro, in vivo chez armadillo à neuf bandes - génome proche de M. tuberculosis mais réduction de taille et acquisition de pseudogènes (évolution réductrice) - génome très stable (évolution aboutie), peu (pas) de différences entre souches sauf SNPs (polymorphisme mononucléotidique) - un seul clone - rareté des SNPs (1 pour 28 400 pb) - trois SNPs rares - distribution en quatre types, 1 à 4

(Monot & col, On the origin of leprosy, Science 2005)

Mycobacterium leprae : polymorphisme mononucléotidique (SNP), évolution présumée des quatre types de SNP en fonction de considérations historiques et géographiques Corrélation entre l’origine géographique des malades lépreux et le profil du marqueur SNP

(Monot et col, On the origin of leprosy, Science 2005)

Distribution géographique des malades lépreux et des souches actuelles de Mycobacterium leprae - SNP-type 1 : Asie, Pacifique, Afrique de l’Est - SNP-type 4 : Afrique de l’Ouest, Caraïbes - SNP-type 3 : Europe, Afrique du Nord, Amériques - SNP-type 2 : Ethiopie, Malawi (Afrique de l’Est), Népal, Inde du Nord (Asie centrale), Nouvelle Calédonie Diffusion mondiale de la lèpre - origine: Afrique de l’Est, SNP-type 2 - dissémination lors des migrations : vers l’Ouest: Europe (SNP-type 3), vers l’Est: Asie (SNP-type 1), à partir du type 3: Afrique du Nord, Afrique de l’Ouest (SNP-type 4) de l’Europe vers: Amériques (SNP-type 3)

Dissémination du bacille de la lèpre (M. leprae) et de la maladie, Out of Africa (?), migrations humaines, conquêtes, commerce (humain) ?

(Monot & col, Science 2005)

La syphilis (les tréponématoses)

Les espèces pathogènes du genre Treponema

Naples, momie naturelle de Marie d’Aragon (1530-1558): bras gauche (ulcère, gomme) avec bandage en lin avec feuilles de lierre, boulettes fibres végétales et soufre immunofluorescence indirecte + microscopie électronique + Mal napolitain ? (Fornaciari et al. Syphilis in a renaissance italian mummy, Lancet 1989)

Syphilis congénitale tardive: atteintes dentaires - dents de Hutchinson -syndrome syphilitique du bourgeon incisif (KGMA 15-082,15 ans) -lésions osseuses

Syphilis congénitale précoce (de la première enfance), atteinte osseuse généralisée, ostéochondrite, périostite (KGMA 15-03, 1 an)

Syphilis tertiaire, lésions crâniennes: caries sicca (KGMA 15-163, M, 30-35 ans; KGMA 15-155, 18-20 ans)

Syphilis tertiaire, localisations osseuses multiples (KGMA 13-234) (tibia, os chéri de la syphilis, A. Fournier)

KGMA 14-079 F 25-30 ans, fémurs dist ant, fémur G dist lat post

KGMA 14-383 F 30 ans, humérus dist, ant, post

Christophe Colomb (anonyme, Madrid, musée naval)

Le 3 août 1492, Espagne, port de Palos, embarquement de Christophe Colomb, départ de la nef la Santa-Maria et des caravelles la Pintá et la Niña pour une traversée de l’Atlantique et la recherche d’une route des Indes occidentales …

(Juan Cabrera Bejaro, la Rabida)

(Le premier débarquement de Christophe Colomb en Amérique, D.T. de la Puebla Tolin, Le Prado) 12 octobre 1492, terre en vue (Guanahani, San Salvador); 6 décembre, débarquement sur l’île d’Hispaniola (Haïti), découverte des Amériques

1493, retour en Espagne fin du XVème siècle, épidémie en Europe d’une « nouvelle » maladie propagée par les soldats de l’armée de Charles VIII à la conquête de la péninsule italienne

(Farnsworth & Rosen, Clin Dermatol 2006)

début XXIème siècle, distribution des tréponématoses endémiques, pian (yaws), caraté (pinta), syphilis endémique (béjel)

(la syphilis vénérienne n’a pas de frontières) Elles sont toujours toutes accessibles au traitement par la pénicilline

Caraté (pinta) Treponema carateum

Lésions hyperpigmentées (Antal & col, Microb Infect 2002)

Stade tardif, lésions mimant un vitiligo (Farnsworth & Rosen, Clin Dermatol 2006)

Stade précoce, plaque érythémato-squameuse, plaque psoriasique violacée (Engelkens & col, Clin Dermatol 1999)

- régions tropicales, Amérique centrale, nord Amérique du sud - endémique, - cutanée, contact direct, enfants

Pian (yaws, goundou) Treponema pertenue

Lésion primaire typique mamanpian (Farnsworth & Rosen, Clin Dermatol 2006)

Goundou bilatéral, squelette d’un adolescent, ostéopériostite (Musée Dupuytren, Paris) (Mafart, Lancet 2002)

Stade précoce, ostéopériostite et polydactylite (Engelkens & col, Clin Dermatol 1999)

Ostéopériostite pianique (Carmoi & col, Rev Rhumatis 2003)

- régions tropicales et subtropicales humides (tréponumide) - lésions cutanées et osseuses - cutanée, contact direct enfants

Bejel (syphilis endémique) Treponema endemicum

Stade tardif, gangosa : « nasopharyngite » mutilante (rencontrée dans le pian) (Antal , Microb Infect 2002)

Ostéite tibiale (Farnsworth, Clin Dermatol 2006)

- régions subtropicales, climat chaud et sec (tréponaride) - endémique, rurale - lésions cutanées et osseuses - cutanée, contact direct (indirect), enfants

Stomatite, crevasses (lésions rencontrées au début du pian) (Antal & col, Microb Infect 2002)

Syphilis Treponema pallidum

Syphilis tertiaire, crâne, caries sicca

Homme, 51 ans. Vue postre du squelette atteinte osseuse généralisée

Tibias, périostite

- Maladie sporadique, urbaine, mondiale - Transmission - directe par contact sexuel - indirecte - transplacentaire - Évolution, stades I, II, IIIre : lésions osseuses (périostite, ostéite, caries sicca) - Syphilis congénitale, lésions osseuses et dentaires

Des questions !

1492 découverte du Nouveau Monde Maladies de l’Ancien Monde <------> Maladies du Nouveau Monde Syphilis et Tréponématoses dans l’Ancien Monde ? Syphilis et Tréponématoses dans le Nouveau Monde ? Unicité des agents pathogènes ? Unicité des tréponématoses ? Origine de la syphilis vénérienne européenne ? Origine européenne de la syphilis vénérienne ?

Les acteurs actuels sur la scène

Syphilis vénérienne T. pallidum subsp. pallidum

Syphilis endémique (béjel) T. pallidum subsp. endemicum Pian (yaws) T. pallidum subsp. pertenue

Caraté (Pinta) T. carateum

un tréponème ou des tréponèmes ?

des tréponématoses ou une tréponématose ?

Paléopathologie et anthropobiologie

- lésions chez les adultes - enfants, syphilis congénitale

précoce (avant 2 ans) tardive (2 ans)

lésions spécifiques signant la tréponématose vénérienne

Comment en est-on arrivé là ? - hypothèse colombienne (mal de Naples) - hypothèse pré-colombienne - théorie unitaire (évolution socio-culturelle Hudson 1965): expressions différentes d’une même maladie liées à l’environnement et aux conditions de vie, transmission par contact cutané dans l’enfance et contact muqueux intime chez l’adulte - théorie non unitaire (évolution du pathogène, Hackett 1963): mutations (4) au cours de 10 000 dernières années

(Harper et col. On the origin of the treponematoses: a phylogenetic approach. PLoS Negl Trop Dis 2008)

Apport de la biologie moléculaire: pathogène humain (?) ancestral puis T. pallidum subsp pertenue (pian, yaws) Afrique, Pacifique sud T. pallidum subsp endemicum (bejel, syphilis endémique) Moyen Orient Balkans T. pallidum subsp pallidum

Maladies anciennes qui ont accompagné l’Homme au cours de ses migrations

Apport des études moléculaires - 99,8 % d’identité entre les génomes de Treponema pallidum ssp. pertenue et Treponema pallidum ssp. pallidum - recombinaison entre souches de TPA et TPE pendant une infection simultanée suggère un transfert horizontal de gènes entre subspecies de tréponèmes

- origine américaine entre 16 500 et 5 000 ans BP

Cejkova et al. PLoS Neg Trop Dis 2012; Petrosova et al. PLoS Neg Trop Dis 2012 Lucas de Melo et al. PLoS Neg Trop Dis 2009

Charnier de peste, Lariey, XVIIème siècle

1 - Peste de Justinien (6-8èmes siècles) 2 - Peste noire (1346-19ème siècle) 3 - Troisième pandémie (1894-…)

(Achtman et al, Microevolution and history of the plague bacillus, PNAS 2004)

Yersinia pestis Y. pseudotuberculosis --> Y. pestis 1500 à 20 000 ans Peste, maladie animale, vecteur (puce, pou) Pandémies de peste Peste de Justinien (541-767 AD) Peste noire (1346-19ème siècle) Troisième pandémie (1894-…) Biotypes Antiqua Medievalis Orientalis rôle des ces biotypes (biovars) dans les différentes pandémies ?

(Achtman et al, Microevolution and history of the plague bacillus, PNAS 2004) (Drancourt et al. Genotyping, Orientalis-like Yersinia pestis, and plague pandemics. EID 2004)

ADN ancien de Yersinia pestis présent dans la cavité pulpaire Y. pestis biovar orientalis (Drancourt et al. Lancet Infect Dis, 2006)

Momification artificielle: Toutankhamon (XVIIIème Dynastie, 1340 av. J.-C.) mort à 19 ans (fils de sa tante), paludisme

Apparition de la vie sur terre: 3,5 milliards d’années vertébrés 500 MA mammifères 200 MA primates 65 MA premiers hominidés 7 MA Sahelanthropus tchadensis Orrorin tugenensis Ardipithecus ramidus genre Homo 2,8-1,8 MA utilisation du feu 500 000 années Homo sapiens 70 000 A

D’autres pathogènes: Entérobactéries, dernier ancêtre commun 140 M années Escherichia coli et Salmonella enterica divergence 100 M années Shigella évolution convergente 35 000 à 270 000 ans Salmonella Typhi 15 000 à 150 000 ans Bactéries pathogènes spécifiques de l’Homme l’ont accompagné au cours de ses migrations, bien avant le Néolithique

(Lawrence et al. Molecular archaeology of the Escherichia coli genome. PNAS 1998; Pupo et al. PNAS 2000; Kidgell et al. Infect Gen Evol 2002)

Co-évolution et co-spéciation Les ancêtres communs des pathogènes actuels ont été les pathogènes des ancêtres communs des hôtes actuels

Fahrenholz 1913

(Hershberg et al. High functional diversity in Mycobacterium tuberculosis driven by genetic drift and human demography. PLoS Biology 2008)

Étude de 108 souches actuelles (99 extraites d’une collection de 875 souches adaptées à l’Homme d’origines géographiques variées et souches adaptées à l’animal) Séquences de 89 gènes (1,5 % du génome) Arbre phylogénétique anciennes et modernes clonalité diversité goulots d’étranglement 6 lignées majeures avec distribution géographique

TbD1

RD9