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DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRES CULTURELLES DE GUYANE Rapport d’étude sur la programmation radiophonique en Guyane Responsable scientifique pour la D.R.A.C. : Monsieur Philippe GOERGEN ¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤¤ UNIVERSITÉ PARIS X – NANTERRE Mémoire de Maîtrise d’Ethnologie (Certificat Ethnomusicologie) Session de Septembre 2004 La programmation radiophonique en Guyane Directeur de mémoire : Monsieur Alain BRETON Tuteur de mémoire : Monsieur Jean-Michel BEAUDET Jean-Marc POTTERIE

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DIRECTION REGIONALE DES AFFAIRESCULTURELLES DE GUYANE

Rapport d’étude sur la programmation radiophonique enGuyane

Responsable scientifique pour la D.R.A.C. : Monsieur Philippe GOERGEN

¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤ ¤

UNIVERSITÉ PARIS X – NANTERRE

Mémoire de Maîtrise d’Ethnologie(Certificat Ethnomusicologie)

Session de Septembre 2004

La programmation radiophonique en Guyane

Directeur de mémoire : Monsieur Alain BRETONTuteur de mémoire : Monsieur Jean-Michel BEAUDET

Jean-Marc POTTERIE

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Remerciements

Je voudrais adresser des remerciements particuliers à Monsieur Alain Breton d’avoir accepter dediriger ce mémoire et à Monsieur François Rodriguez-Loubet de m’avoir fait confiance poureffectuer ce rapport.J’adresse toute ma gratitude à Messieurs Jean-Michel Beaudet et Philippe Goergen pour lessoutiens et conseils qu’ils ont pu me prodiguer tout au long de cette étude.Je remercie également Monsieur Philippe Erikson d’avoir accepter de faire partie du jury desoutenance.Je ne peux oublier tous ceux sans qui cette histoire n’aurait jamais eu lieu : Les différentsresponsables des stations guyanaises qui ont accepter de me recevoir et de me faire partager leurpassion, Rudy et Sonny pour la gentillesse avec laquelle ils m’ont fait découvrir leur univers,Patrick Vincent pour la transmission de son savoir sur les musiques guyanaises, tout le personnelde la DRAC Guyane pour leur accueil chaleureux avec une mention particulière à BoubacarDiallo.Merci aux responsables des Centres Techniques Régionaux (C.T.R.) affiliés au ConseilSupérieur de l’Audiovisuel qui ont accepté de me transmettre leurs précieuses informations,mais aussi à toutes les personnes en Guyane qui m’ont permis d’élaborer cette recherche.Je voudrais enfin remercier ma famille, mes amis, mes proches et mes collègues de travail pourleurs patiences et leurs encouragements.

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SOMMAIRE

5 INTRODUCTION

10 1ère PARTIE : LES RADIOS EN FRANCE10 A.1 Historique15 A.2 Représentation des opérateurs radiophoniques en France

métropolitaine aujourd’hui18 A.3 Répartition des opérateurs dans les Dom Tom20 A.4 Conclusion de la 1ère partie

23 2ème PARTIE : LES RADIOS GUYANAISES24 B.1 Implantations et zones de diffusion26 B.2 Sous catégories30 B.3 Les radios guyanaises vues par leurs responsables44 B.4 Conclusion de la 2ème partie

48 3ème PARTIE : DES RADIOS POUR QUELS AUDITEURS ?49 C.1 La population guyanaise aujourd’hui51 C.2 Diversité culturelle et rôle éventuel des médias59 C.3 Enquête auprès d’auditeurs non ciblés63 C.4 Enquête auprès d’auditeurs hmongs65 C.5 Conclusion de la 3ème partie

68 4ème PARTIE : LA MUSIQUE69 D.1 Rôles attribués à la musique par les opérateurs radiophoniques75 D.2 Les musiques diffusées80 D.3 Les musiques traditionnelles guyanaises84 D.4 Production discographique des musiques guyanaises86 D.5 Conclusion de la 4ème partie

89 5ème PARTIE : DEUX METHODES DE PROGRAMMATIONMUSICALE

92 E.1 Les logiciels de programmation et de diffusion93 E.2 La programmation de KFM98 E.3 La programmation de RFO Guyane105 E.4 Conclusion de la 5ème partie

109 CONCLUSION114 EPILOGUE115 BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

I Annexe 1 : Répartition des opérateurs par chaîne et par département en France métropolitaine

VI Annexe 2 : Emissions dédiées à un groupe culturel de façon spécifique

X Annexe 3 : Enquête auprès d’auditeurs non ciblés

XXI Annexe 4 : Enquête auprès d’auditeurs hmongs

XXVI Annexe 5 : Rapport d’écoute des musiques sur les ondes guyanaises

XLIII Annexe 6 : Rencontres avec Sonny et Rudy, deux méthodes de programmation

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INTRODUCTION

Cette étude vient d’une volonté de la Direction Régionale des Affaires culturelles

(DRAC) de Guyane qui, « dans l'objectif d'orienter et mettre en place une politique

concertée de soutien aux expressions musicales et linguistiques guyanaises et afin

d'appréhender le paysage radiophonique local – qui en est l'un des vecteurs », cherchait

« à évaluer la diffusion radiophonique des musiques traditionnelles et actuelles

guyanaises ainsi que la diffusion d'émissions en langues régionales au sens de la charte

européenne des langues régionales et minoritaires1 ».

Les données recueillies sur place entre le mois de février 2003 et le mois de mai 2003

nous ont poussés à aller plus loin dans la démarche et à les utiliser pour rédiger ce

mémoire.

Avant toute prise de contact, nous avions déjà évalué le paysage radiophonique tel qu’il

était constitué en Guyane. La surprise fût effective alors que nous nous apercevions que

pas moins de 24 radios guyanaises émettaient des programmes (plus RFI et France Inter

qui diffusent leurs programmes sans avoir de structure sur place). Le département est

vaste mais peu peuplé et le nombre de 24 radios semblait démesuré. Mais l’était-il

réellement ? Les autres départements de France avaient-il plus ou moins de radios ? De

plus, est-ce que toutes ces radios fonctionnaient selon le même schéma ? Il existe des

réglementations précises en ce qui concerne la radiodiffusion en France, mais quelles

1 La charte européenne des langues régionales admet 12 langues régionales en Guyane, divisibles en4 sous groupes: amérindien (6 langues), businenge (4 langues), créole guyanais, hmong.

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sont-elles ? Est-ce que les radios de Guyane répondent à la même législation ? C’est à

ces premières questions que nous avons essayé de répondre dans la 1ère partie de cette

étude.

A notre arrivée sur place, nous nous rendîmes compte que la majorité des radios se

concentraient sur l’île de Cayenne. Pourquoi ? Et quelles étaient leurs zones de

diffusion ? Ne disposant d’aucune méthode ethnographique sur ce thème, la première

chose fût d’écouter ces radios. Au bout de quelques temps, nous nous aperçûmes que la

façon dont nous percevions les programmes signifiait quelque chose sur son identité, sur

les publics qu’elles souhaitaient atteindre. Des « sous catégories », comme nous les

appellions plus tard, se distinguaient. Mais cette écoute n’était pas suffisante et ce qui

attirait toute notre attention, c’était la conception que les opérateurs se faisaient de leurs

stations. Là encore, nous n’avions pas de méthode pour gérer correctement une

ethnographie sur un « terrain » aussi large avec des intervenants travaillant dans le

même milieu, mais avec des objectifs différents. Nous avons mis au point une méthode

qui s’inspire des enquêtes de sociologie, en deux parties, constituées d’un entretien libre

plus en adéquation avec les méthodes d’ethnologie classique et un questionnaire

permettant de mieux cerner les points qui auraient pu ne pas être développés

précédemment. Les réponses de ces personnes qui acceptaient de nous faire partager leur

passion furent d’une grande qualité. L’avantage de l’entretien libre résidât dans le fait

que tous ces opérateurs nous fournissaient leurs véritables préoccupations : Les façons

dont ils imaginaient leurs stations, les démarches intellectuelles qui les animaient, leurs

modes de fonctionnement, les éléments indissociables de leurs programmes, ainsi que

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leurs projets. Tous les thèmes principaux abordés lors de ces discussions sont

développés dans la 2ème partie. Là encore nous avons perçu des discours qui

convergeaient entre certaines stations. Pour transmettre le plus justement possible la

manière de penser de ces interlocuteurs, nous avons souvent choisi de conserver de

larges plages de leurs discours. Nous avons aussi, groupé certaines phrases quand nous

le jugions utile, pour renforcer les idées émises. Nous avons rarement cité le nom de

l’opérateur qui s’exprimait et ceci pour deux raisons principales : D’une part notre étude

essaie de distinguer ce qui est pertinent pour l’ensemble du paysage radiophonique

guyanais et d’autre part, dans certains cas, nous avons voulu respecter l’intimité dans

laquelle s’étaient déroulés ces entretiens. Toutefois chaque citation est entre guillemets,

en italique et séparée de la suivante par un point virgule.

Dans les 3ème et 4ème parties, nous aborderons plus précisément ce qui fût à l’origine de

notre étude sur place. Nous commencerons par essayer de savoir quelles images se font

les opérateurs radiophoniques de leurs auditeurs ? Quelles sont leurs cibles privilégiées ?

Comment envisagent-ils les différents publics qui constituent leur auditoire ? Prennent-

ils en considération la diversité culturelle du département ? Comment mettent-ils en

œuvre leurs politiques de programmes par rapport à cette spécificité ? La prennent-ils

seulement en considération ? Conçoivent-ils la radio comme un outil pouvant servir à un

meilleur rapprochement des différentes cultures ? Quelle est la place laissée aux

différents courants culturels sur leurs stations ? Quelle valeur accordent-ils à la musique

sur leurs antennes ? Comment sont conçues leurs politiques de programmation

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musicale ? Comment considèrent-ils les musiques traditionnelles, quelles sont-elles et

laissent-ils une place à ces musiques ?

Là encore nous avons voulu laisser un large écho aux discours des responsables de

stations. Mais nous avons aussi effectué une enquête auprès d’auditeurs probables pour

savoir comment ils percevaient leurs radios et prendre le pouls de ce qui constitue la

raison d’être de ces stations. Enfin, comme il n’y a pas de musiques à la radio sans

qu’elles soient auparavant placées sur un support discographique, nous avons consacré

un chapitre à la production discographique des musiques guyanaises.

La 5ème partie avait pour objectif de départ d’être plus ethnographique que le reste de

cette étude. Malheureusement entre les prévisions que l’on fait avant le départ et la

réalité sur place, il y a tout un monde. Malheureusement, car nous avions l’intention de

passer le temps nécessaire pour comprendre tous les mécanismes qui entrent en jeu dans

le cadre d’une programmation musicale. A l’intérêt ethnologique, s'associait un intérêt

personnel puisque la radio constitue mon univers professionnel depuis plus de dix ans.

Aussi aurais-je pris un grand plaisir à essayer de comprendre les modes de

programmation dans un contexte différent de la France métropolitaine. Pour utiliser une

métaphore, la musique constitue en quelque sorte l’ossature d’une émission. Enfin, c’est

la façon dont je la perçois. Comment un programmateur d’une radio guyanaise la

perçoit-il ? Comment réalise-t-il son assemblage ? Prennent-ils en considération l’aire

géographique dans laquelle ils officient ? Edgar Morin affirme que les radios donnent le

reflet de la société dans laquelle elles évoluent, que peut-on déduire de la façon dont les

programmateurs font leur travail ? Et en quoi une programmation musicale produit-elle

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un miroir ? Ont-ils une idée préconçue de leur travail ? Comment pensent-ils que cet

ouvrage est reçu par l’auditeur ?

Nous n’avons pas eu la possibilité de faire une ethnographie rigoureuse, mais nous

avons toutefois pu rencontrer deux programmateurs. De ces rencontres, nous avons

réussi à déterminer certains fonctionnements dans la pratique de leur travail. De même

nous avons pu ressentir la façon dont ils envisageaient cette pratique. A notre tour, nous

avons essayer de vous transmettre.

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1ère PARTIE : LA RADIO EN FRANCE

On ne peut parler de la radio en Guyane sans évoquer la façon dont elle évolue sur

l’ensemble du territoire français. En effet, en tant que département d’Outre-mer, la

Guyane dépend de la législation française. En matière de radiodiffusion, c’est le Conseil

Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) qui attribue les autorisations de diffuser. Avant

d’aborder le cadre juridique imposé aux différentes radios, nous allons commencer par

les grandes étapes qui ont conduit à la naissance de cette institution.

A .1 Historique

A.1.1 De l’après-guerre à la création du CSA

Après la seconde guerre mondiale et jusqu’à la fin des années 60, le paysage

radiophonique français est resté le monopole du service public2 et des radios privées

périphériques3.

C’est avec le développement de la diffusion en modulation de fréquence (FM) que ce

paysage va être considérablement bouleversé : En 1969 apparaît à Lille Radio Campus,

la première « radio libre » qui annonce l’ère des « radios pirates ». Suivra une dizaine

d’années de batailles acharnées entre les diffuseurs clandestins et l’état français.

2 En 1945 est créée la Radio Diffusion Française (RDF), qui deviendra la Radio Télévision Française(RTF) dans les années 50, pour s’appeler Office de Radio Télévision Française (ORTF) en 1964.3 L’appellation « radios périphériques » tient au fait que ces radios émettent à partir de pays situés enpériphérie du territoire français : Radio Luxembourg (qui deviendra RTL en 1965) et Europe n°1 couvrentles trois cinquièmes du territoire et émettent respectivement du Luxembourg et de la Sarre ; Radio MonteCarlo et Sud Radio qui couvrent le sud du pays émettent de Monaco et d’Andorre.

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Lors de l’élection présidentielle de 1981, François Mitterrand alors candidat aux

présidentielles, s’engage en faveur de la libéralisation des ondes. Elu, il crée en 1982 la

Haute Autorité de la Communication audiovisuelle chargée de définir une

réglementation pour l’allocation de fréquences aux opérateurs privés.

La législation qui s’ensuit ne donne le droit aux opérateurs candidats, qu’à une seule

fréquence de puissance limitée et leur interdit la publicité. « En clair, liberté locale de

communication, oui ; création d’une nouvelle puissance, non. »4 En cinq ans le nombre

de radios va tout de même croître d’une façon remarquable.

Se sentant trop à l’étroit dans les réglementations dictées par la Haute Autorité, des

radios vont désobéir en diffusant de la publicité ou en augmentant leur puissance de

diffusion. Certaines vont également contourner la loi en s’inspirant du modèle américain

de syndication de programmes : c’est le début des réseaux radiophoniques.

Devenue inadaptée, la Haute Autorité disparaît en 1986. Elle est remplacée par la

Commission Nationale de la Communication et des Libertés (CNCL), puis par le CSA

en 1989.

4 BAMBERGER, Manuel, La radio en France et en Europe, Paris, Presses Universitaires de France, 1997(« Que sais-je », n°3218).

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A.1.2 De la création du CSA à nos jours

De nouvelles réglementations visant à réguler le paysage radiophonique sont définies par

le Conseil en 1989. La notion de catégories pour les opérateurs privés fait son

apparition. Celle-ci a pour but principal une meilleure régulation de la publicité sur les

ondes et une répartition équitable5 des fréquences entre les opérateurs privés et les

institutions du service public. La réglementation mise en place interdit aux radios de

changer de catégorie pendant la durée de l’autorisation, qui est en général de cinq

années. Complétées en 1994, ces dispositions sont toujours en application aujourd’hui

(voir encadré ci-dessous).

5 En 1997, lors du rapport général n°85 du projet de loi de finances pour 1998, Jean-Claude Cluzelrapporteur spécial pour le sénat indiquait toutefois un léger avantage en ce qui concerne les opérateursprivés. Ce rapport est consultable sur le site du sénat : http://www.senat.fr .

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Les catégories des opérateurs privés définies par le CSA6

Selon les normes établies par l’institution, les opérateurs privés se répartissent en cinq catégoriesdont les particularités se résument ainsi :

Catégorie « A » : radios non commerciales dites « associatives » avec pour vocation d’être desradios de proximité, des radios communautaires, culturelles, confessionnelles ou scolaires. Lesressources provenant de la publicité doivent être inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaire etelles doivent consacrer au moins quatre heures par jour (entre 6h et 22h) à des programmesd’intérêt local.En outre, elles sont éligibles au Fonds de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER) quiattribue des aides au vu d’un dossier conforme aux règles établies par une commission7.

Catégorie « B » : radios commerciales locales ou régionales indépendantes ne diffusant pasde programme national identifié avec une zone de couverture ne dépassant pas un auditoire de6 millions d’habitants. Elles aussi doivent consacrer un minimum de quatre heures par jour, horspublicité, à un programme d’intérêt local.

Catégorie « C » : radios commerciales locales ou régionales diffusant le programme d’unréseau thématique à vocation nationale avec une zone de couverture ne dépassant pas sixmillions d’habitants. Elles doivent diffuser un programme d’intérêt local d’une duréequotidienne supérieure à trois heures, complété d’un programme fourni par un réseau thématiqueà vocation nationale.

Catégorie « D » : radios commerciales thématiques à vocation nationale sans obligation dedécrochage pour la diffusion d’émissions locales.

Catégorie « E » : radios commerciales généralistes offrant une diversité de programmeslaissant une large part à l’information. Elles peuvent effectuer des décrochages, d’un maximumd’une heure quotidienne, pour des informations locales.

NB : Suivant le décret n°94-972 du 9 novembre 1994 du CSA « sont considérés comme des programmesd'intérêt local, dès lors qu'ils sont diffusés sur une zone dont la population est inférieure à six millionsd'habitants et qu'ils sont réalisés localement par des personnels ou des services locaux directementrémunérés par le titulaire de l'autorisation, les émissions d'information locale, les émissions de services deproximité, les émissions consacrées à l'expression ou à la vie locale, les fictions radiophoniques et lesémissions musicales dont la composition ou l'animation ont un caractère local, ainsi que tous lesprogrammes produits et diffusés localement par l'exploitant dans un but éducatif ou culturel. »

6 Texte complet concernant les catégories de radios sur le site du CSA : http://www.csa.fr .7 Décrets, conditions et exemplaires de demande de subvention accessibles sur le site du Premier ministre,direction du développement des médias : http://www.ddm.gouv.fr .

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De son côté le service public n’a le droit qu’aux messages de publicité collective et

d’intérêt général8, ses sources de revenus provenant principalement de la redevance

audiovisuelle. De plus un cahier des charges établi entre les trois sociétés du service

public [Radio France, Réseau France Outre-mer (RFO) et Radio France International

(RFI)] et l’état leur donne obligation de concevoir leurs « programmes dans le souci

d’apporter à toutes les composantes du public information, enrichissement culturel et

divertissement, en fonction de la mission culturelle, éducative et sociale qui lui est

assignée par la loi. »9

La publicité ne s’étant guère développée à un niveau local, de nombreuses radios

commerciales indépendantes vont disparaître, laissant une place importante aux groupes

radiophoniques d’avant 1981. Constitués en réseaux, ils deviennent des puissances

médiatiques incontournables au coût de fonctionnement moindre : On retrouve

notamment autour du groupe Europe n°1, les réseaux Europe n°2, Skyrock et RFM ;

autour de RTL group, les réseaux RTL 2 et Fun Radio ; autour de RMC, le réseau

Nostalgie et Radio Montmartre (jusque 1998). NRJ est la seule radio née du « radio

boum » des radios libres, à pouvoir jouer dans la cour des grands. Suivant l’exemple de

ses concurrentes, elle s’organise aussi en réseaux. Naît NRJ Group avec les chaînes NRJ,

Chérie FM, Rires et Chansons ainsi que le rachat du réseau Nostalgie en 1998.

8 Radio France International a également le droit aux messages de publicité de marques destinés àpromouvoir les entreprises, produits et services qui contribuent au développement de l’économienationale.9 Cahiers des charges des sociétés de radiodiffusion du service public disponibles sur le site http://csa.fr .

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Ce groupe est devenu en quelques années un des ténors du monde radiophonique

français. Ces trois sociétés représentent à elles seules aujourd’hui l’essentiel des

opérateurs privés de catégories « C » et « D » sur le territoire français.

De même, les programmes des radios périphériques et du service public ont décidé de

dupliquer leurs programmes sur la bande FM couvrant ainsi tout le territoire.

Du côté des radios associatives, leur proportion continuera à rester à peu près constante,

malgré des difficultés de fonctionnement quasi générales.

A.2 Représentation des opérateurs radiophoniques en France métropolitaine

aujourd’hui

Le CSA a divisé le territoire en zone géographique comportant pour chacune d’entre

elles, un Comité Technique Radiophonique (CTR). Ces derniers sont entre autres

chargés de contrôler et de faire respecter les lois sur la diffusion radiophonique (voir

chapitre A1). Elles éditent également régulièrement des statistiques concernant l’état du

paysage radiophonique.

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A.2.1 Situation en France métropolitaine au 01er janvier 2003

Le tableau ci-dessous a été reconstitué à partir des données fournies par les différents

comités techniques radiophoniques du CSA. En janvier 2003, le CSA comptabilisait

1076 opérateurs privés pour 3429,5 fréquences.

2003 CAT.A CAT.B CAT.C CAT.D CAT.E

Opérateurs* 547 149 360 17 3

Proportion 50, 8 % 13, 8 % 33, 5 % 1, 6 % 0, 3 %

Fréquences 872 482, 5 677 918 480

Proportion 25, 4 % 14, 1 % 19, 7 % 26, 8 % 14 %

* Chaque opérateur autorisé par plusieurs CTR n’est compté qu’une fois

En 1996, les mêmes sources comptabilisaient 1240 opérateurs privés pour 2934

fréquences avec les rapports suivants :

1996 CAT.A CAT.B CAT.C CAT.D CAT.E

Opérateurs*

proportion

43, 7 % 22 % 33, 1 % 1 % 0, 2 %

Fréquences 26, 8 % 20, 2 % 24 % 16, 6 % 12, 4 %

* Chaque opérateur autorisé sur plusieurs CTR n’est compté qu’une fois

On voit donc qu’il y a effritement du nombre d’opérateurs privés sur le territoire. Surtout

en ce qui concerne la catégorie « B » qui a vu sa proportion passer de 22 % en 1996 à

13.8 % en 2003 et ce, malgré une part plus importante du nombre de fréquences

allouées. Cette situation relève en fait d’une concentration des opérateurs de catégorie

« B » qui cherchent à diffuser à l’échelle nationale. A noter également la relative bonne

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santé des opérateurs de catégorie « A » qui voient leur part passée de 43.7 % en 1996 à

50.8 % en 2003. Enfin une stabilité en ce qui concerne les catégories « C », « D », « E ».

Ces tableaux nous donnent une représentation du paysage radiophonique hors service

public. Pour la France métropolitaine, c’est la société Radio France qui est chargée de

sa couverture. Cinq chaînes principales (France Inter, France Info, France Culture,

France Musiques, France Bleue) diffusent sur l’ensemble des départements de la

métropole avec un nombre de fréquences au niveau national, à peu près équivalent aux

opérateurs privés.

Ces chiffres ne nous permettent toutefois pas d’avoir une vision représentative locale du

paysage puisque chaque opérateur ayant des autorisations sur plusieurs CTR n’est

compté qu’une fois.

A.2.2 Répartition des opérateurs par chaînes et par départements

Pour pouvoir établir un parallèle avec le paysage radiophonique guyanais, il nous a

semblé intéressant d’évaluer la présence des opérateurs en modulation de fréquence

(FM) sur chaque département. Le tableau de l’annexe 1 est le résultat de cette

investigation.

Cette représentation nous éclaire un peu plus sur la présence effective des différentes

chaînes au niveau départemental. Le mode de comptabilisation du CSA laissait entrevoir

au niveau national une large part réservée aux radios dites associatives. Or au niveau

départemental, en identifiant chaque programme, les résultats sont tout autre. Mis à part

les départements de la région parisienne (lignes grisées sur le tableau) qui bénéficie de la

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proximité des chaînes de la capitale, aucun département n’a son paysage radiophonique

occupé à 50 % par des radios associatives. Les plus dotées en la matière sont l’Isère et la

Haute Garonne avec plus de 45 %. Seuls 25 départements sur 78 répertoriés ont plus de

radios de catégorie « A » qu’une autre catégorie.

Les radios de catégorie « B » sont quant à elles très souvent minoritaires. Elles dépassent

rarement 1/5ème du nombre total des opérateurs présents.

Ce sont les chaînes de catégories « C » ou « D » qui sont majoritaires.

En ce qui concerne les radios de catégories « E » ou du service public, leur quantité reste

à peu près constante quels que soient les départements : entre 2 et 3 pour les

périphériques ; entre 5 et 7 pour les chaînes de Radio France (8 à Paris avec la présence

de RFI).

A.3 Répartition des opérateurs dans les Dom Tom

Le tableau ci-dessous nous indique les proportions des différentes catégories de radios

dans les Dom Tom. Pour les zones de la Réunion, Mayotte, la Polynésie française,

Nouvelle-Calédonie, les îles de Wallis-et-Futuna et Saint-Pierre-et-Miquelon (lignes

grisées) les chiffres indiqués représente le nombre d’opérateurs présents. Ne disposant

pas de chiffres pour les radios du service public, il ne nous a pas été possible d’effectuer

un pourcentage.

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Dépts A B C D E SP Nbre dechaînes

Guadeloupe

67.57% 24.32% 2.70% 0% 0% 5.41% 37

Martinique 74.36% 15.38% 2.56% 0% 0% 7.69% 39Guyane 84.61% 3.85% 0% 0% 0% 11.54% 26Réunion 33 10 2 0 0 NC NC

St Pierre etMiquelon

2 1 1 0 0 NC NC

Mayotte 10 0 0 0 0 NC NCWallis etFutuna/

Nelle

Calédonie

2 1 1 0 0 NC NC

Polynésiefrnçaise

12 4 3 0 0 NC NC

NC : données non communiquées

Comme nous le montrent ces chiffres, la part la plus importante des paysages

radiophoniques des Dom Tom appartient aux radios associatives.

La catégorie « B » est représentée pour une part non négligeable dans les départements

de la Guadeloupe, de la Martinique, de la Réunion et en Polynésie française. En

revanche, une seule radio de cette catégorie en Guyane.

Très faible représentation de la catégorie « C » dans la plupart des ces départements et

territoires d’Outre-mer ; représentation inexistante en Guyane et à Mayotte.

Les catégories « D » et « E » ne sont pas implantées dans ces régions.

Pour le service public (selon les informations en notre possession), deux chaînes pour la

Guadeloupe et la Martinique (RFO et France Inter), trois pour la Guyane (RFO, RFI et

France Inter).

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A.4 Conclusions de la 1ère partie

Le paysage radiophonique des Dom Tom est très différent du paysage radiophonique

métropolitain : Le nombre de chaînes se situe dans la moyenne nationale (moyenne de

30 radios par département10) mais avec une proportion de radios associatives beaucoup

plus importante qu’en métropole.

Le nombre total de radios semble être proportionnel à la densité de population dans ces

départements. La Guyane se situe donc tout naturellement moins bien dotée que les

départements antillais.

Les catégories « C » et « D » majoritaires en métropole sont quasi inexistantes dans ces

départements. Il faut toutefois noter que l’on retrouve certains groupes radiophoniques,

présents dans ces catégories en métropole, en catégorie « B » dans les Dom Tom : Entre

autres, NRJ en Guadeloupe et en Martinique ou encore Nostalgie en Guadeloupe et en

Guyane.

La catégorie « E » n’est quant à elle, pas représentée dans ces départements.

Pour le service public, conformément au cahier des charges défini avec le CSA11, il est

représenté par RFO dans les trois départements. France Inter, chaîne de la société Radio

France est également desservie sur ces départements. La Guyane bénéficie en outre de

la diffusion de RFI sur les zones de Cayenne et de Saint-Laurent-du-Maroni.

Que déduire de ces constatations ?

10 Moyenne concernant les départements répertoriés en annexe 1, hors banlieue parisienne et n’incluantque la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane pour les Dom-Tom.11 Radio France a pour fonction de couvrir la France métropolitaine, Radio France Outre-mer (RFO) dedesservir les Dom-Tom et Radio France Internationale (RFI) est chargée de l'action radiophoniqueextérieure.

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Le paysage radiophonique de ces départements a une vitalité qui n’a rien à envier aux

départements métropolitains : Malgré un désintérêt évident des radios commerciales,

sans doute dû à un manque de perspective publicitaire, un tissu associatif fort a su

prendre part à ce paysage. A cela, trois raisons principales :

a/ Communiquer fait partie des besoins essentiels. Et ce besoin est peut-être encore plus

important dans ces régions écartelées entre l’appartenance à une aire géographique et

l’appartenance à un pays dont les institutions sont bien lointaines. Comme le fait

remarquer Dominique Wolton, les médias de masse doivent être considérés comme un

lien social et ils « sont indispensables à la démocratie de masse. » 12

b/ La deuxième raison est le manque d’offre de programmes. Sans parler du secteur

commercial qui brille par son absence, l’offre du service public est moindre que dans les

départements métropolitains. Chaque département de métropole est couvert au minimum

par cinq chaînes du service public : une généraliste (France Inter), trois thématiques

(France Info, France Culture, France Musique) et une généraliste locale (France

Bleue). La Guyane, qui est avantagée par rapport aux départements des Antilles, ne

dispose néanmoins que de trois chaînes du service public : deux généralistes (France

Inter, RFI) et une généraliste locale (RFO)13. Cette carence en matière de programmes

tant privés que publics, provoque indubitablement l’éclosion de chaînes associatives.

c/ Enfin, la raison économique. Pour l’argumenter je prendrais exemple sur la Guyane

qui reste le centre de notre travail. La Guyane souffre d’un manque de perspectives

économiques solides. Les jeunes Guyanais (es) ont beaucoup de mal à projeter leur

12 WOLTON, Dominique, L’autre mondialisation, Mayenne, Flammarion, 2003, p.14.

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avenir professionnel dans leur département. Le taux de chômage était d’ailleurs de 26 %

en 2000.14 Cette situation contribue à donner au monde associatif un rôle prépondérant.

Mickaël Christophe qui gère une institution culturelle à Saint-Laurent-du-Maroni,

m’expliquait que cette ville de 20 000 habitants ne comptait pas moins de 400

associations : « Ici, il n’y a pas de boulot, pas de culture d’entreprise. Il faut bien qu’ils

bouffent ces jeunes. »

13 Pour les formats de radios, voir chapitre B2 « synoptique des radios guyanaises ».14 INSEE Antilles-Guyane, tableaux économiques régionaux de la Guyane, Guadeloupe, INSEE, 2002.

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2ème PARTIE : LES RADIOS GUYANAISES

La Guyane française représente une grande superficie : 83 534 km2, soit une surface

équivalente à l’Autriche. Par contre, la population y est 50 fois moins dense : 157 213

d’après le recensement de 199915. La majorité des habitants se situent dans une zone

bordant l’océan. L’île de Cayenne comprend à elle seule plus de la moitié de la

population16.

15 Source INSEE. Il est cependant régulièrement admis 200 000 habitants en vue de l’importance del’immigration clandestine.16 Recensement de 1999 : Cayenne 50 594 ; Matoury 18 032 ; Remire Montjoly 15 555

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Avant d’aborder les caractéristiques de chacune des radios présentes sur le territoire

guyanais, observons la façon dont les stations de radios se déploient sur le département.

B.1 Implantations et zones de diffusion

Sur la carte ci-dessous, figure la zone de couverture de la moitié des radios du

département (secteur noirci).

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Sur les 24 radios répertoriées17, 16 sont implantées à Cayenne, 2 à Kourou, 2 à Saint-

Laurent-du-Maroni, 1 à Mana, 1 à Matoury, 1 à Remire Montjoly, 1 à Roura. En prenant

en compte la proximité des villes de Cayenne, Matoury et Remire Montjoly, la

concentration des stations est édifiante.

La moitié des radios couvre un territoire comprenant Cayenne et ses environs, jusqu’aux

frontières de Kourou à l’ouest, Roura (voire Cacao) à l’est18. La forme elliptique de cette

zone s’explique par l’environnement exceptionnel du territoire. En dehors du littoral

c’est la forêt équatoriale qui occupe le terrain. La forêt est un absorbant pour les ondes

radiophoniques, ce qui rend difficile la réception vers l’intérieur des terres.

La vaste étendue du territoire guyanais est loin d’être couverte par toutes les radios. En

fait, RFO est la seule radio à avoir des émetteurs (ou réémetteurs) sur l’ensemble du

département. Si certaines radios semblent intéressées par le potentiel qu’offre Saint-

Laurent-du-Maroni et ses 20 000 habitants, la distance qui sépare cette ville des autres

« grands » centres urbains19 a modéré les ambitions. L’acheminement du signal est un

service qui coûte cher. Télédiffusion De France (TDF) qui est le prestataire technique

principal concernant la diffusion des radios en Guyane, représente déjà pour la plupart

d’entre elles la majorité de leurs frais.

17 Les chaînes de France Inter et RFI ne sont pas répertoriées comme des stations à part entièrepuisqu’elles ne disposent pas de structure sur la Guyane. Seuls leurs programmes sont diffusés via uneliaison satellite.18 D’après les informations fournies par Télédiffusion De France (TDF)19 St Laurent-Kourou : 204 kms ; St Laurent-Cayenne : 268 kms.

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La plupart des radios se contentent donc d’une zone de couverture sur le bassin de

population le plus dense. Aucune radio, mis à part les chaînes du service public, ne

couvre conjointement les trois villes les plus peuplées que sont Cayenne, Kourou et

Saint-Laurent-du-Maroni. Quant aux communes de l’intérieur des terres, seule RFO,

voire France Inter pour les plus chanceuses, les dessert.

B.2 Sous catégories

Les catégories de radios telles qu’établies par le CSA sont pleinement reconnues par les

opérateurs guyanais : Les différents responsables désignent leurs stations comme radio

de service public, radio privée de catégorie « B » ou encore radios associatives de

catégorie « A ». Ces catégories sont pourtant de nature administrative et le contenu des

programmes n’est abordé que de façon globale.

Un professionnel de la radio, Eric Hauville20, caractérise le média selon deux critères

principaux : le format et la couleur d’antenne. Selon lui, « Le format d’une radio découle

tout d’abord d’une cible : je veux parler à tout le monde (généraliste), aux plus jeunes,

aux moins jeunes, à une catégorie particulière. De ce choix découle (...) des choix quasi

intangibles en matière de programmation musicale. » Il définit la couleur d’antenne

par des alternatives de traitement du son, de sonals ou jingles qui constituent ce que l’on

appelle « l’habillage d’antenne ».

20 Eric Hauville, aujourd’hui gérant d’un label de musiques électroniques, fût successivement directeur desradios RVS, Maxximum et Radio Nova et présida quelques temps le Syndicat Interprofessionnel des Radioset Télévisions Indépendantes (SIRTI). Les citations sont extraites de : HAUVILLE, Eric, « La couleurd’antenne radiophonique », in Dossiers de l’audiovisuel n°101, Bry-sur-Marne, INA, 2002, p.40-41.

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Il en conclut que « la frontière entre format et couleur d’antenne est bien floue : une

bonne station réalisera une telle symbiose entre les fondamentaux de ses programmes et

la manière de les agencer que son antenne prendra bien vite une saveur inimitable. »

Si cette conception de la radio s’applique sans trop de difficultés avec les radios

professionnelles, elle est par contre difficilement transposable au monde des radios

associatives. En effet lors de notre étude, la plupart des responsables des stations

guyanaises déclaraient vouloir cibler tous les publics, quelles que soient leurs catégories

d’âge, professionnelles ou culturelles. Et cela même si leurs programmes pouvaient être

considérés comme thématiques (les radios confessionnelles par exemple). De plus, ces

stations fonctionnent généralement avec des bénévoles qui n’ont pas de consignes

particulières en matière de programmes. Enfin, elles n’ont généralement pas les moyens

de se préoccuper sérieusement de leur habillage d’antenne.

Toutefois on ne peut pas dire que les radios guyanaises soient dépourvues d’identité.

Elles pratiquent des choix de programmes dictés par une volonté éditoriale mais aussi

par les spécificités du mode de gestion des structures. Ces « sous catégories », comme

nous avons décidé de les appeler, ne sont jamais spécifiées en tant que telles par les

opérateurs. Elles se distinguent néanmoins à l’écoute des programmes :

La première concerne les stations qui voient dans la radio un moyen d’expression

engagée. On y retrouve les radios confessionnelles pour une part non négligeable. On

en dénombre en effet pas moins de cinq, sur les vingt quatre radios présentes sur le

département. En considérant le fait qu’elles soient toutes situées à Cayenne, on peut en

déduire qu’elle représente 1/3 des radios associatives cayennaises.

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Parmi ces cinq radios confessionnelles, quatre sont d’obédiences issues du

protestantisme (évangéliques pentecôtistes ou adventistes), dont une en langue

brésilienne. La cinquième est d’obédience catholique. Toutes ces stations conçoivent

avant tout leurs programmes sur le message spirituel qu’elles désirent faire passer.

La prépondérance des radios chrétiennes dont les mouvements sont issus du

protestantisme, correspond à l’essor sans précédent que ces derniers affichent depuis les

années 80 en Amérique latine. Pour Ariel Colonomos21, chargé de recherche au CNRS,

ce développement s’inscrit en corrélation avec la mutation que subissent ces sociétés

contemporaines « où s'expriment avec de plus en plus de vigueur les particularismes

ethniques, religieux, culturels ou identitaires. »

D’un genre différent, mais avec un objectif proche, les stations qui voient dans le média

la possibilité de proposer aux auditeurs une réflexion d’ordre politique, syndical ou

communautaire. On en dénombre trois en Guyane, toutes situées à Cayenne, qui

donnent soit l’exclusivité, soit une place primordiale, aux émissions engagées.

La deuxième « sous catégorie » base sa politique de programme sur l’éclectisme. La

plupart des stations n’ont pas d’émissions qu’elles considèrent comme majeures pour

l’antenne, mais offrir une pluralité dans les programmes reste prioritaire. Il arrive que

certaines d’entre elles aient une, voire plusieurs émissions d’ordre confessionnel ou

communautaire mais rarement d’émissions politiques. Certaines de ces stations

21 COLONOMOS, Ariel, « Les évangélistes en Amérique latine : De l'expression religieuse à lamobilisation sociale et politique transnationale », in Etats et communautarisme, vol.15-16 de la revueCulture & Conflits disponible sur le site http://www.conflits.org .

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bannissent même les thèmes politiques de leur antenne. Pour la plupart d’entre elles, un

partenariat est en œuvre avec la municipalité qui les héberge. Il peut s’opérer de deux

manières différentes : soit la radio est considérée comme un atelier du centre

socioculturel municipal (Cayenne, Matoury, Saint-Laurent-du-Maroni), soit la

municipalité participe aux frais en offrant les locaux par exemple (Roura, Kourou, Saint-

Laurent-du-Maroni). Quoiqu’il en soit, ces radios ont plus de possibilité pour offrir des

programmes avec présence d’animateur. Elles ont d’ailleurs pratiquement toutes un ou

plusieurs animateurs rémunérés, même s’il ne s’agit en général que de contrats emploi

solidarité.

Pour la troisième sous catégorie, nous les appellerons « radios à thématique

musicale ». Elles étaient au nombre de sept début 2003, à opter pour une diffusion quasi

exclusive de musique. C’est parfois un choix de politique d’antenne mais aussi, pour

beaucoup d’entre elles, une plus grande souplesse de gestion. Il faut savoir que de

nombreuses radios associatives ont des difficultés à équilibrer leur budget, que les

animateurs sont souvent des bénévoles à qui il est difficile de demander une rigueur

professionnelle. Dans ces conditions, la tentation de diffuser un programme musical

ininterrompu à partir d’un logiciel de diffusion est grande. Il peut s’agir également de

stations en restructuration et en attente d’une nouvelle politique de programme.

Ces « sous catégories », comme nous l’avions annoncé, résultent de l’observation du

contenu radiophonique des stations. Mais quelle perception les différents responsables

ont-ils de leur station ? Quelle conception donnent-ils à leur projet radiophonique ?

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Quelles sont les principales préoccupations de ces radios ? C’est ce à quoi nous allons

essayer de répondre dans le chapitre suivant.

B.3 Les radios guyanaises22 vues par leurs responsables

Vouloir faire une ethnographie de l’ensemble du parc radiophonique guyanais n’était pas

chose aisée. D’abord parce que le monde médiatique en général est une caractéristique

des sociétés occidentales modernes. Ces sociétés ne font pas partie des priorités de

l’ethnologie et il n’existe par conséquent que peu de travaux sur lesquels nous pouvions

nous appuyer pour adapter une méthode. Ensuite l’ethnographie se pratique en général

sur un milieu social restreint, alors que notre terrain d’enquête (les vingt deux radios

guyanaises) peut être considéré comme un milieu social éclaté : chaque radio a son

identité avec sa structure propre. De plus une observation participante sur une durée

relativement longue était difficile à mettre en œuvre avec l’ensemble des radios. Il nous

a donc fallu créer une méthode qui soit en mesure de répondre à nos attentes, tout en

laissant une liberté à nos interlocuteurs, nécessaire à une approche ethnologique. Les

ethnographes ont tendance à proscrire les questionnaires des techniques d’entretien, les

considérant « Comme antinomique avec leur propre démarche. »23 Ils leur préfèrent une

approche non structurée ou conversation de terrain.

22 Seules vingt deux stations sur les vingt quatre existantes sont traitées dans cette étude. Les responsablesdes autres stations n’ayant pas désiré nous recevoir ou n’étant pas joignable.23 LAPASSADE, Georges, « Conversations et entretiens ethnographiques », La méthode ethnographique,Babel Web, 1998. [http://www.ai.univ-paris8.fr/corpus/lapassade/ethngr1.htm#23c] Texte préparé pour leDESS d'Ethnométholodogie et informatique, année 1992-1993

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Ce type d’enquête de « terrain » associée fréquemment à une observation participante,

en communion étroite avec le groupe étudié a été à l’origine des meilleures enquêtes

ethnographiques réalisées à ce jour. Toutefois, la Direction Régionale des Affaires

Culturelles (DRAC) de Guyane souhaitait un inventaire des musiques traditionnelles et

des émissions en langues régionales diffusées sur les antennes guyanaises. Pour cette

partie de l’enquête, nous options pour deux systèmes complémentaires, l’écoute des

différents programmes et un entretien sous forme de questionnaire avec les responsables

des stations concernées. Cette méthode nous semblant la plus adaptée pour avoir une

approche équitable entre les différentes radios.

Cependant pour ne pas fermer la recherche sur ces objectifs visés, il nous importait de

laisser s’exprimer librement chacun des interlocuteurs sur ce qui lui semblait être capital

dans sa démarche d’opérateur radiophonique.

Cette double démarche s’inspire en fait des méthodes utilisées lors d’enquêtes auprès

d’auditeurs par les sociologues spécialistes en communication. C’est ce que Francis

Balle24, professeur de communication à l’université Paris II, appelle méthodes

qualitatives et quantitatives, qui ont pour principal objectif de mettre lumière les traits

communs qui marquent à la fois les différences et les ressemblances. L’entretien non-

directif, « celui qui se rapproche le plus de la conversation courante en situation de

face à face », où il faut éviter d’infléchir les réactions de ses interlocuteurs par des

suggestions est une des étapes importantes de la méthode qualitative. Tandis que les

questionnaires, utilisés dans la méthode quantitative, « sont destinés à placer les

24 BALLE, Francis, Médias et société (9ème édition), Paris, Montchrestien, 1999.

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personnes interrogées dans une même situation psychologique. » Pour Francis Balle, ils

permettent en outre « d’obtenir avec une économie d’efforts et de temps, des résultats

aussi riches et aussi pertinents que l’entretien non-directif. » Dans notre cas, les

questionnaires avaient l’avantage de concentrer les points de pertinence sur des thèmes

choisis par nos soins et ils seront particulièrement développés dans les chapitres qui

suivent à propos des choix en matière de programmes.

Avant d’aborder cette étape, chaque entretien a débuté sous une forme non directive, ou

plutôt sous une forme qu’il serait plus adéquat d’appeler semi directive, puisque nous

proposions à nos interlocuteurs de nous expliquer leur radio et tenter de définir ce qui, à

leurs yeux, caractérisait le mieux leur média. En effet, nous ne pouvions aborder les

politiques de programmation musicale des antennes guyanaises sans se soucier des

thèmes qui sont au centre de leurs préoccupations. Et même si la musique reste un des

enjeux primordiaux, nous allions voir qu’elle ne constitue que rarement à elle seule la

raison d’exister de ces stations. Quelles sont les thématiques les plus souvent abordées ?

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B.3.1 les radios associatives

L’existence justement est un des sujets les plus récurrents pour les responsables des

médias radiophoniques guyanais. Pouvoir continuer à émettre est une gageure pour la

plupart de ces radios, si l’on excepte les deux radios professionnelles que sont RFO et

Nostalgie. Cette subsistance est un enjeu de tous les jours. Nombre d’entre elles font

appel à Télédiffusion De France25 (TDF) pour permettre l’acheminement de leurs

programmes vers l’auditeur. « Le système TDF est très coûteux » nous dira un

responsable de radio associative « alors tout le monde est bénévole dans la radio. »

Pratiquement toutes les radios associatives guyanaises reçoivent des aides de l’état via le

Fond de Soutien à l’Expression Radiophonique (FSER)26. Or, la majeure partie de ces

aides sert à payer le télédiffuseur. Cet argent ne peut être investi pour les programmes.

« Quand on est pas capable de payer quelqu’un comme il faut, on fait ce qu’on peut. »

nous dira un autre. Les stations qui désirent diffuser des émissions avec animateurs sont

donc obligées de passer par le bénévolat. « Ce bénévolat nous empêche d’avoir des

programmes sérieux, de qualité » nous confesse un troisième. « Quand nous avons des

animateurs dynamiques, avec de l’ambition, ils partent pour RFO. »

25 Entreprise du service public de 1975 à 1987, TDF reste aujourd’hui le principal opérateur detélédiffusion en France.26 Le FSER est une aide « attribuée aux radios hertziennes éditées par une association et accomplissantune mission de communication sociale de proximité » qui se présente sous trois formes distinctes : unesubvention d’installation (pour les nouveaux opérateurs), une subvention de fonctionnement (renouvelabletous les ans) et une aide à l’équipement (en cas de besoin de renouvellement du matériel). Les subventionssont données après examen d’un dossier de candidature que la station demandeuse doit fournir. Pour lasubvention de fonctionnement, le montant « est fixé selon un barème établi par la commission comptetenu des produits d’exploitation normale et courante de la radio. »Plus de détails sur le FSER à l’adresse http://www.ddm.gouv.fr/fser/

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Cette obligation de bénévolat est, pour de nombreux responsables de stations,

difficilement compatible avec une antenne de qualité. « C’est dur de trouver des gens

qui souhaitent s’engager pour faire des émissions » ; « Nous avons des animateurs

bénévoles sans réelle formation de base. Pour eux, faire de la radio c’est faire de la

diffusion musicale » ; « Nous avons le matériel mais malheureusement peu de personnes

pour faire des émissions, que des jeunes » ; « Avant de fidéliser l’auditeur, il faut

fidéliser l’émission. Les bénévoles, ça ne fonctionne pas. Les jeunes ne voient pas

toujours le travail qu’il y a derrière une émission. » Ces quelques témoignages

résument assez bien les difficultés auxquelles sont soumises ces stations.

C’est pourquoi les radios doivent faire preuve d’ingéniosité pour boucler leurs

budgets. Il y a celles qui, comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, ont une

municipalité comme partenaire : « La mairie est notre premier partenaire. Elle se

charge des locaux et de TDF. C’est comme des subventions, ce qui nous laisse une

marge concernant la publicité. » Cette solution comme l’explique ce responsable, a un

double avantage. En effet, les aides de la mairie peuvent être comptabilisées dans le

chiffre d’affaire. Et comme les ressources provenant de la publicité peuvent aller à

hauteur de 20 % du chiffre d’affaire… D’autres essayent de développer des activités

parallèles : « Le fond de soutien demande aux radios de s’autofinancer. J’ai installé des

pylônes de diffusion. Je les loue. Ce qui me permet de m’autofinancer » ; « Nous

organisons des spectacles pour ramener des fonds car le FSER part à TDF. »

L’automatisation de la station est aussi un moyen de palier aux problèmes rencontrés :

« L’informatique nous a permis de mieux gérer les absences et autres problèmes

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rencontrés avec les bénévoles. Avec le logiciel “Gate Radio” nous avons en plus la

possibilité de diffuser 24h/24h » ; « On va automatiser la station. Cela permettra de

rendre les animateurs et les émissions autonomes. Ca permettra donc de mieux fidéliser,

en gérant mieux les absences » ; « Avant je critiquais les radios qui s’informatisaient.

Maintenant je suis moins dur » ; « La venue de l’informatique nous permet de souffler et

bien souvent la programmation est faite par informatique. » Et il est vrai qu’un logiciel

de diffusion peut résoudre à lui seul plusieurs problèmes : La radio peut diffuser

24h/24h sans personne derrière les commandes ; La programmation faite par

informatique est équilibrée selon les désirs du responsable d’antenne ; Les musiques

sont intégrées dans le système, ce qui évite les vols de disques dont se plaignent de

nombreux responsables ; Les absences d’animateurs sont moins contraignantes puisque

le système permet de diffuser un programme musical de remplacement, de façon

autonome. Mais la dérive peut être rapide. Certaines stations peuvent en effet voir dans

l’informatisation une solution à tous leurs problèmes. Quand la gestion d’une radio

associative devient une bataille continuelle, pourquoi ne pas se simplifier la tâche en

axant sa politique d’antenne sur la diffusion musicale assistée par ordinateur ?

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Si quelques unes ont choisi cette solution de facilité, cela ne semble toutefois pas être

devenu une généralité pour l’ensemble des radios associatives guyanaises. Le contenu

de l’antenne fût un sujet abordé de façon récurrente lors des entretiens libres. La

conception que les responsables font de leur station se situe très souvent à l’opposé d’un

projet de ruban musical continu : « L’objectif de la radio est de donner des informations

sur la vie quotidienne des gens, sur les associations » ; « C’est une radio associative.

Une radio culturelle pour la jeunesse. Dans le quartier, ils ont leur radio » ; « On essaie

de toucher tout ce qui touche la proximité. C’est l’information au quotidien qui nous

intéresse. (…) Les programmes sont faits par les locaux et au final, les gens se sentent

beaucoup plus proches de la radio. »

Cette notion de proximité est très importante pour la plupart d’entre elles. Les stations

essayent d’être au plus proche de la population qui constitue leurs réservoirs d’auditeurs.

« C’est une radio associative qui représente le paysage culturel de la commune. Six/sept

communautés s’expriment et se reconnaissent à travers la radio. C’est notre cheval de

bataille » ; « C’est une radio de proximité à vocation sociale. On essaie de

responsabiliser les jeunes. (…) Je veux que ce soit leur radio » ; « C’est une radio de

proximité essayant d’intégrer les couches sociales défavorisées. »

Nombre d’entre elles associent également une vocation sociale à leur activité. On y

retrouve naturellement les radios confessionnelles qui ciblent leur contenu

radiophonique : « Nous sommes dans une région où les problèmes endémiques sont

importants. (…) Notre radio a un rôle de rééducation. »

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Mais elles ne sont pas les seules, d’autres voient en leur radio un potentiel d’activité

pour les jeunes : « Notre radio est très jeune, ce sont essentiellement des jeunes qui y

travaillent. Il n’y a pas de lieu de rencontre pour les jeunes ici. Ils n’ont que la radio et

le foot. »

La présence majoritaire des jeunes au sein des radios associatives est un fait

incontestable. Il faut dire que la population guyanaise est, à l’encontre de la France

métropolitaine, majoritairement jeune. Selon l’INSEE27, les moins de 20 ans

représentaient 43.3 % en 1999. L’impossibilité de rémunération correcte dans les radios

associatives ne les rend pas attractives professionnellement parlant, par contre, elles sont

un moyen d’expression pour la jeunesse : « Les animateurs sont jeunes. Ils souhaitent

tous faire des émissions musicales. C’est plus abordable pour eux. (…) Quand ils

prennent le micro, ils vont plus en direction des filles ou d’une personne en particulier.

Quand c’est quelqu’un d’âge mûr le discours est tout autre. Le jour où je trouve

quelqu’un pour faire une émission sur le Reggae ou les traditions, je suis preneur. »

Cette remarque d’un des responsables de radio associative résume assez bien ce que

vivent la plupart de ces médias. D’un côté un désintérêt des adultes pour animer des

émissions. De l’autre des jeunes, principalement de jeunes hommes, qui ne cherchent

qu’à s’exprimer. Ces jeunes n’ont pas été formés pour utiliser la radio avec une rigueur

digne des médias professionnels, alors ils se contentent d’utiliser les moyens mis à leur

disposition comme moyens d’expression. Cela se traduit très souvent par une diffusion

27 INSEE Antilles-Guyane, Tableaux économiques régionaux de la Guyane, Guadeloupe, INSEE, 2002.

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de disques que les animateurs en herbe apportent avec eux, agrémentée de dédicaces.

Certains se contentent d’une programmation musicale.

La musique diffusée à l’antenne a aussi été un sujet fréquemment abordé par les

responsables de ces stations lors de l’entretien libre. Les discours la concernant reflètent

en partie les « sous catégories » abordées dans le chapitre précédent

Les radios confessionnelles : « La musique que nous diffusons est essentiellement

religieuse » ; « Nos chansons sont très orientées morale ou sont à connotation

religieuse » ; « Notre radio est chrétienne évangélique. (…) La musique fait ressortir cet

aspect » ; « On ne passe pas de musiques agressives, mais sinon on passe tous les styles.

On passe du Jazz, du Gospel… Je ne suis pas contre le Rap si ça ne va pas à l’encontre

de la morale. »

Les radios à volonté éclectique : « La musique, on est plutôt tubes, de toutes tendances.

Les tubes sont importants pour faire plaisir à tout le monde » ; « On se sent différent par

la diversité musicale que l’on propose » ; « La musique que nous diffusons est très

éclectique » ; « Les auditeurs disent qu’ils aiment notre radio parce qu’elle passe de la

bonne musique » ; « A un moment donné on était une radio connue parce qu’on passait

de la bonne musique. »

Les radios à thématique musicale : « La radio est principalement basée sur la

musique » ; « Les gens appellent notre radio, la radio de la musique guyanaise » ;

« Depuis sa création la radio a toujours été essentiellement musicale » ; « On veut

mettre en place une couleur musicale internationale. Ce créneau n’est pas occupé. »

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Une des radios “engagées”, Radio ITG : « Le fait d’avoir une radio en langue créole

dénote une ligne directrice. Les radios qui n’ont pas de ligne directrice sont obligés de

se laisser aller à une dérive musicale. »

Ces témoignages nous montre l’importance de la programmation musicale pour les

stations, ou encore l’attachement à ne pas laisser une place trop importante à la musique

comme l’indique cette dernière citation. Nous aborderons le sujet de la musique plus

profondément dans un chapitre ultérieur. Mais la radio ne s’arrête que rarement à la

programmation musicale, si l’on excepte les radios à thématique musicale. Elles

essaient de diversifier leurs programmes. Les thèmes abordés sur leurs antennes sont,

unanimement et de façon spontanée, énoncées lors de l’entretien libre. Là encore, nous

pouvons retrouver les orientations principales énoncées avec les « sous catégories » :

Les radios confessionnelles, qui se défendent de diffuser des programmes uniquement

axés sur la spiritualité : « Nous sommes une radio confessionnelle à caractère

évangélique, mais nous avons de nombreuses émissions d’information » ; « Nous avons

trois types de programmes : à caractère spirituel, à caractère familial, émissions de

santé » ; «Cette radio a été créée pour les personnes en recherche de spiritualité. Elle ne

doit pas parler qu’évangiles et prières. Il y a l’église pour ça. »

Les radios engagées qui mettent à l’honneur les émissions à contenu informatif :

« L’info est prioritaire. Nous avons des émissions politiques, sur la santé, etcetera » ;

« La radio s’intéresse à l’actualité locale et internationale avec éventuellement des

rubriques sur l’histoire locale et la vie syndicale. »

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L’éclectisme, de mise pour le contenu musical, se retrouve aussi dans les autres

programmes : « La radio se veut éclectique : Communiqués toutes les heures, la sécurité

routière qui est un thème récurrent sur l’antenne, des rubriques sur le marché... »

Certains des thèmes abordés par ce responsable de station se retrouvent de façon

commune sur de multiples radios, et pas seulement les radios associatives : Les

communiqués sont, en règle générale, très pratiqués sur les stations en partenariat avec

une municipalité. Les institutions communales y diffusent leurs communiqués

concernant les manifestations culturelles, les déclarations d’ordre administratif ou

encore les avertissements pour les coupures d’eau et d’électricité… La sécurité routière

fréquemment abordée sur les ondes est quant à elle concomitante aux nombreux

accidents de la route dénombrés en Guyane. Ces radios ouvrent aussi très souvent leurs

portes aux milieux associatifs. C’est l’occasion d’entendre sur les antennes des

émissions communautaires :

« Tous les jours on a une émission ethnique : Businenge, Amérindien, Brésilien, Haïtien.

On doit mettre une émission en créole et en espagnol » ; « Notre radio a des visées

associatives. Nous avons voulu donner la parole à des associations businenge,

amérindiennes, brésiliennes » ; « Nous accordons une tranche horaire à chaque

communauté : Brésil, Ste Lucie, Aluku, Chine. La plupart de ces émissions sont assurées

par des associations.» Ces quelques exemples d’ouverture ne doivent pourtant pas

masquer la place minoritaire laissées aux différents courants culturels qui forment la

société guyanaise.

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B.3.2 Les radios professionnelles

Pour les deux stations professionnelles que comportaient la Guyane lors de notre étude,

les sujets abordés durant l’entretien libre ne sont pas tout à fait comparables aux radios

associatives. Il faut dire qu’en matière de moyens, la situation n’est pas la même non

plus. Commençons par RFO Guyane. La station de service public fait partie du Réseau

France Outre-mer qui comprend dix sept télévisions et dix radios dans les Dom Tom.

En Guyane, la station a récemment aménagé ses locaux (2001) à Remire-Montjoly, ville

résidentielle située au sud-est de Cayenne. Ce fût l’occasion pour le réseau audiovisuel

public de lancer une station pilote pour le passage à l’ère du numérique. Le résultat

donne à RFO Guyane un bâtiment pharaonique de 4400 m² entièrement équipé en

matériels numériques à la pointe du progrès (voir photo ci-dessous).

La station de RFO Guyane située à Remire-Montjoly

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Deux exemples de radios associatives. La comparaison laisse comprendre les jalousies suscitées.

RFO Guyane emploie plus de quarante personnes et ceci, rien que pour la partie radio28.

Lors de notre passage en Guyane, c’était la seule station disposant d’une rédaction et

donc la seule station qui pouvait proposer des rendez-vous d’actualité locale aux

auditeurs. Forte de son réseau de diffusion qui, comme nous l’avons vu au début de ce

chapitre couvre la totalité du département, RFO Guyane avait un taux d’audience qui

dépassait les 50 % en 200129. « Le fait d’être leader, c’est bien » nous disait son

directeur d’antenne, « mais il faut se maintenir. Il y a d’autres radios mais aussi la

télévision, dont les chaînes diffusées par satellite. La télévision est très présente, elle

peut être allumée toute la journée. La radio, on l’écoute plutôt à des heures

stratégiques : sur le trajet du travail, au travail, au moment des infos. » Se surnommant

également « Radio Peyi » (Radio Pays en langue créole), la station conçoit ses

programmes par rapport au cahier des charges défini avec l’état (voir chapitre A.1.2).

28 Outre la station radiophonique, RFO Guyane est aussi une station de télévision que nous n’aborderonspas dans ce mémoire.29 Source Médiamétrie, voir tableaux en annexe.

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Des termes de son directeur régional, toutes les communautés de la Guyane s’y

reconnaissent « à travers de nombreuses rubriques qu’elles soient de : langues

régionales, identitaires, historique, ou bien écologique ! » Mais le directeur d’antenne

nous confiera que l’objectif est aussi « de passer à la culture monde » en faisant des

échanges avec les autres stations du réseau RFO. « Il y a [aussi] une vrai volonté de

s’ouvrir avec des émissions thématiques journalières, des émissions pédago-civiviques :

les administrations qui communiquent mieux et les auditeurs qui se retrouvent mieux.

(…) Cette grille est diversifiée : bavarde à des moments clef, aérée et riche, musicale. »

Les principales préoccupations de la radio de service public sont donc de proposer un

programme généraliste qui concerne toutes les composantes de la société guyanaise, de

conserver une place hégémonique en parts d’audience tout en restant vigilant quant au

rôle de plus en plus important que pourrait tenir la télévision.

Quant à la radio privée, elle suit la ligne directrice du réseau dont elle fait partie,

Nostalgie. « Nous sommes une radio de format adulte. Nous diffusons des musiques de

légende. » Comme nous l’explique sa responsable, le format est le même que Nostalgie

en France métropolitaine : radio principalement musicale, « on parle très peu, il n’y a

pas vraiment de programmes », avec les adultes pour cible. « On s’est adapté par

rapport au paysage radiophonique guyanais. Pour Paris, 60 à 70% des musiques

diffusées sont des années 60 à 80. Nous, on en passe 50 à 60 %. On passe plus de

musique des années 80. On diffuse aussi des musiques créoles et des musiques soleil. »

Si la station choisit d’adapter sa programmation à l’auditoire guyanais, il faut toutefois

noter que la majorité des titres diffusés sont fournis par la maison mère à Paris et que ces

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titres ont été sélectionnés sur des critères évalués en France métropolitaine pour les

métropolitains. Radio Nostalgie Guyane est une petite structure par rapport à RFO,

« L’équipe est composé de 2 animateurs, 1 producteur et 3 commerciaux ». Elle essaie

aussi de diversifier ses programmes : « On fait des jeux, des rubriques, on met en place

un canular téléphonique. » Forte de son partenariat avec le principal journal guyanais

France Guyane, elle essaie aussi d’avoir une place de premier choix dans la vie

culturelle du département : « On est partenaire d’une dizaine de concerts cette année

(Lavoine, Voulzy, Gerra, Seimoun). On est contacté par des maisons de production de

Guadeloupe, Martinique et une locale pour être partenaire. »

Comme nous le laisse entrevoir cet entretien, Radio Nostalgie Guyane est une petite

structure qui a des objectifs sérieux pour se placer parmi les médias incontournables du

département. C’est d’ailleurs le principal sujet évoqué lors de cet entretien libre

puisqu’en matière de programmes la station n’a que peu de marges de manœuvre.

B.4 Conclusion de la 2ème partie

La Guyane est un département vaste mais peu peuplé, ce qui la rend peu attractive pour

les radios commerciales : Une seule sur les vingt quatre répertoriées.

Qui plus est, la forêt amazonienne rend difficile la diffusion radiophonique en mode

hertzien : Seule la radio de service public possède les moyens d’émettre sur l’ensemble

du département.

Les radios associatives, majoritaires dans le département, avec un budget de

fonctionnement réduit se concentrent là où elles ont la possibilité de toucher le

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maximum d’auditeurs : 75 % des radios associatives sont situées à Cayenne et ses

proches environs.

Si à l’écoute des différentes stations, on peut trouver des ressemblances entre certains

programmes des radios professionnelles et ceux des radios associatives, les difficultés

budgétaires de ces dernières ont des répercussions sur les objectifs de la plupart d’entre

elles.

Tout en cherchant à capter un auditoire large les radios associatives n’ont pas,

pour la plupart, l’intention de rivaliser avec les radios professionnelles. Sans un apport

financier autre que le FSER30 (aide de la municipalité, activités externes…), le bénévolat

devient une obligation. Ce sont donc souvent des jeunes sans expérience radiophonique

qui élaborent les émissions : Les programmes musicaux agrémentés de dédicaces, plus

faciles à concevoir, reviennent de manière récurrente. La programmation assistée par

ordinateur devient également pour beaucoup un moyen de régler plusieurs difficultés

liées à cette situation : Gestion plus structurée de la programmation, possibilité de

diffusion musicale lors d’absences incontrôlées, les musiques entrées sur le système

informatique évitent le vol de disques.

Les radios associatives ont une visée de proximité, avec éventuellement une vocation

sociale, voire spirituelle. L’écoute des différents programmes de ces stations nous a

conduit à penser qu’elles pouvaient se diviser en trois grandes catégories : Les radios à

messages, les radios à vocation généraliste et les radios à vocation musicale. Les

frontières entre ces différentes catégories sont perméables, néanmoins les entretiens avec

30 Voir chapitre B.3.1

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les différents opérateurs nous ont confirmés cette intuition (sans toutefois l’exprimer

d’une façon aussi catégorique).

Certaines émissions ou thèmes se retrouvent toutefois sur la plupart d’entre elles. On

peut citer entre autres la sécurité routière, les communiqués à titre informatif ou encore

les émissions communautaires. En effet, plus de la moitié des radios associatives

étudiées ouvrent leurs antennes à diverses associations représentant différentes

communautés installées dans le département31.

L’élément incontournable et prépondérant de toutes ces stations (sauf une, Radio ITG

voir p.27) reste toutefois la musique. Suivant la ligne directrice que s’est donnée

chacune de ces stations, elle prend soit un rôle distractif, ou une possibilité de faire

passer autrement des idées, ou encore un moyen d’atteindre un auditoire large, ou enfin

une façon de se démarquer des autres.

Les radios professionnelles, et en particulier RFO Guyane, sont souvent jalousées

par les radios associatives tant leurs moyens sont disproportionnés. Ces radios

professionnelles font partie de groupes radiophoniques puissants avec des obligations

tant au niveau de l’audience, qu’en matière de programmes.

RFO Guyane avec plus de quarante employés permanents pour la radio, fait figure de

mastodonte dans le paysage radiophonique guyanais. C’est la radio leader du

département et désire le rester. Sans trop de concurrence radiophonique, c’est le média

télévision avec l’arrivée des chaînes satellites qui, selon le responsable d’antenne de

RFO Guyane, pourrait être source de désaffection des auditeurs.

31 Voir à ce sujet le chapitre C.2

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Ses programmes sont constitués de rendez-vous thématiques divers avec les deux

composants principaux que sont la musique et l’information. La notion de proximité est

aussi un enjeu pour cette station à en croire son surnom de « Radio pèyi ». Toutefois son

directeur d’antenne ne cache pas sa volonté de s’ouvrir en faisant des programmes en

collaboration avec les autres stations du groupe RFO.

Nostalgie, seule radio commerciale du département, est une structure beaucoup plus

modeste. L’équipe se compose de trois personnes qui gèrent l’antenne et de trois

commerciaux. La démarche commerciale de cette radio qui fonctionne grâce à la

publicité est visible dans la composition de l’équipe.

C’est une radio principalement musicale où la grille de programmation est définie à

Paris. Les titres qu’elle diffuse sont envoyés par la direction parisienne. On lui laisse

toutefois une petite liberté pour adapter ses programmes au contexte local.

Autre particularité de la station, sa volonté d’être partenaire des événements médiatiques

locaux.

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3ème PARTIE : DES RADIOS POUR QUELS AUDITEURS ?

La plupart des ouvrages de présentation générale de la Guyane présentent la population

de ce département comme très diversifiée. Les vocables utilisés sont particulièrement

explicites : « mosaïque de peuples », « société pluriethnique », « département

multiculturel »… De cette diversité culturelle il nous importait de connaître les

conséquences sur les politiques de programmations. Quels états les opérateurs faisaient

de cette diversité ? Est-ce qu’ils prenaient en compte les particularités culturelles et

linguistiques de leurs auditeurs potentiels ? Existait-il des stations ou des programmes

spécifiques à l’intention des divers courants culturels ? Pensaient-il enfin que la radio

pouvait jouer un rôle de médiateur culturel entre les différentes communautés ?

De même nous souhaitions recueillir les impressions des auditeurs sur la façon dont ils

percevaient le paysage radiophonique guyanais, quelles étaient leurs attentes et se

retrouvaient-ils dans les programmes offerts ?

Mais avant d’aborder ces différentes questions, il convient de considérer la réalité de

cette diversité culturelle en Guyane française aujourd’hui.

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C.1 La population guyanaise aujourd’hui

La population en Guyane d’après le dernier recensement de 1999 compte 157 213

habitants alors qu’en réalité il y en aurait plus de 170 000 (immigrés clandestins inclus).

Comme nous l’avons vu dans le chapitre précédent, plus des trois quarts de la population

vit sur le littoral. Pour les anthropologues Pierre et Françoise GRENAND, « la situation

des communautés vivant sur le territoire guyanais ne saurait être comprise sans cette

opposition majeure établie précocement entre la côte et l’intérieur. » 32 Car en effet, si la

population en Guyane a beaucoup fluctué depuis le XVIème siècle voyant de nouvelles

communautés s’installer dans le département, l’intérieur des terres reste principalement

occupé par les Amérindiens et les Businenges. Pierre et Françoise GRENAND

reconnaissent également que la Guyane d’aujourd’hui est « plus que jamais une

véritable mosaïque de langues, de religions, de couleurs de peau, de cuisines, de

niveaux de vie. »33 Ils en distinguent quatre courants culturels majeurs : les Amérindiens

avec six groupes linguistiques différents, les Noirs marrons (ou Businenges) avec quatre

groupes linguistiques différents, les Créoles dans lesquels ils regroupent « les Guyanais

de souche, les Antillais francophones et anglophones, les Surinamais et les Guyanans,

mais aussi les Libanais et les métropolitains enracinés depuis trois voire quatre

générations » et les Brésiliens qui culturellement ont un héritage amérindien plus

prégnant.

32 GRENAND, Pierre et Françoise, « Les groupes humains », in Atlas illustré de la Guyane, Cayenne,IRD, 2001, p.30.33 Ibid, p.32.

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Michel GUILLEMET directeur de l’INSEE Guyane a quant à lui, une approche plus

prosaïque de la situation. Il distingue la population en deux groupes : D’un côté la

population de nationalité française, de l’autre la population de nationalité étrangère qui

constituait en 1999 un tiers de la population totale recensée. Il note également que de

cette dernière catégorie « 21 % sont nés dans le département sans pour autant avoir

acquis la nationalité française, contre 6 % en 1990. La diversité des origines est forte

dans cette population étrangère où l’on dénombre 28 nationalités comptant plus de 50

personnes. Les résidents Surinamais sont les plus nombreux et représentent 38 % de

cette population étrangère. Suivent les Haïtiens avec 30 % et les Brésiliens pour

15 %. »34

D’autres communautés rarement citées par les spécialistes, car elles sont numériquement

inférieures, ont aussi une place d’importance en Guyane. On peut citer entre autres, la

communauté chinoise qui détient un rôle non négligeable dans l’activité commerciale et

la communauté hmong qui, concentrée principalement sur les villages de Cacao et de

Javouhey, est essentielle dans la production de fruits et légumes du département. Cette

dernière jouit d’ailleurs d’une certaine reconnaissance de la nation française, voire

européenne, puisque la langue hmong (au même titre que le créole guyanais, les langues

businenges et amérindiennes) est reconnue comme langue régionale par la charte

européenne des langues régionales ou minoritaires.

34 GUILLEMET, Michel, « La population », in Atlas illustré de la Guyane, Cayenne, IRD, 2001, p.144.

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C.2 Diversité culturelle et rôle éventuel des médias

Du constat de la diversité culturelle en Guyane, en découle un second qui est bien

résumé par Pierre et Françoise GRENAND : « Cette mosaïque apparaît

malheureusement comme une juxtaposition de communautés cloisonnées qui, malgré des

interactions économiques indispensables, restent trop étrangères l’une à l’autre. »35

Et il est vrai que, même si le métissage est de plus en plus fréquent dans ce département,

le cloisonnement des communautés fût tout de même frappant lors de notre séjour en

Guyane. Il n’y a guère que lors de la grande parade du carnaval que nous avons eu

l’occasion de voir ensemble (ou plutôt les unes après les autres) les différentes

communautés défiler. Et les groupes brésiliens dans des costumes représentant leurs

propres traditions n’étaient pas toujours du goût de tout le monde à entendre certaines

réflexions parmi les spectateurs. D’autres, comme les Amérindiens sous la parole de

Brigitte WYNGAARDE36 chef coutumier de la communauté Lokono du village de Balaté,

ne voyait dans le défilé d’Amérindiens au carnaval de Kourou qu’une « mascarade »

pour illustrer l’harmonie des peuples en Guyane. C’est une imposture, écrivait-elle, où la

folklorisation de la culture authentique tente de « faire oublier à quel point nos

communautés et notre culture ont été marginalisés dans la société et dans l’histoire de

la Guyane. »

35 GRENAND, Pierre et Françoise, « Les groupes humains », in Atlas illustré de la Guyane, Cayenne,IRD, 2001, p.32.36 WYNGAARDE, Brigitte, « Carnaval et Amérindiens », in Oka.Mag’ n°18, Kourou, AssociationOka.Mag’, 2002, p.8.

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Ces quelques exemples montrent combien la société interculturelle guyanaise, tant

souhaitée par les intellectuels et les politiques guyanais37, n’est pas achevée.

Alors quelle représentation cette diversité culturelle a-t-elle dans les médias

radiophoniques ? Quels états font les opérateurs de cet auditoire diversifié ? Pensent-ils

que les attentes de leur auditoire sont différentes suivant les communautés ? Comment

conçoivent-ils leurs politiques de programmes ? Pensent-ils qu’ils ont un rôle à jouer

dans ces « dynamiques interculturelles » chères à Serge MAM-LAM-FOUK ?

Le premier constat que l’on peut faire, c’est que sur les vingt deux radios dont traite

cette étude, la majorité est orchestrée par des Créoles guyanais. Elles ne se revendiquent

toutefois que rarement comme des stations créoles à part entière. Parmi les opérateurs

qui avancent destiner principalement leurs programmes vers une communauté, on

retrouve une radio associative haïtienne (« nous sommes une radio à dominante

haïtienne), une radio associative antillaise (« En temps qu’Antillais, je ne me retrouvais

pas dans les radios guyanaises ») et une radio associative confessionnelle brésilienne

(« Nous sommes une radio brésilienne, gérée par une communauté brésilienne, pour un

public brésilien »). Mais comme nous l’avons abordé dans un chapitre précédent, elles

souhaitent toutes avoir un auditoire le plus large possible, y compris ces trois stations.

37 Lire à ce sujet MAM-LAM-FOUK, Serge, L’identité guyanaise en question : Les dynamiquesinterculturelles en Guyane française, Kourou, Ibis rouge, 1997. Cet ouvrage relate les réflexions dechercheurs et de décideurs politiques en matière de politique interculturelle pour la Guyane, réflexions quis’exercèrent lors d’un colloque tenu à l’Université des Antilles et de la Guyane, à Cayenne, le 21 avril 95.

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Tous les opérateurs rencontrés ont conscience de la variété culturelle du département.

La majorité d’entre eux voit d’ailleurs dans leur média un outil favorisant l’intégration

des diverses communautés dans la société guyanaise :

« La radio est l’outil idéal pour un projet interculturel. Sans radio on ne peut le

faire » ; « On cible le public brésilien pour qu’il s’intègre mieux. Presque tous les

Brésiliens ont une antenne parabolique, ils regardent les programmes brésiliens, peu

parlent le français. Notre désir serait de jouer le rôle d’intégration » ; « la radio est un

outil de communication qui permet d’avoir des échanges. Ecouter l’autre peut déjà

permettre de mieux le connaître, de mieux vivre ensemble, de se rassembler » ; « La

radio devrait servir de relais pour les différentes communautés qui ne se côtoient pas

pour l’instant » ; « Il n’y a pas de meilleur outil pour faire partager sa culture » ; « La

radio doit servir à unifier, sinon ce n’est pas la peine » ; « La radio peut modifier le

comportement des gens et les aider à communiquer entre eux » ; « La vocation d’une

radio libre, c’est l’intégration. Les nouveaux arrivants ne s’intègrent pas facilement. Il y

a toujours un cloisonnement entre les différentes communautés ».

Au-delà de la conscience de la diversité culturelle guyanaise, les difficultés de

communication entre les communautés et les problèmes d’adaptation pour certaines

d’entre elles se ressentent aussi dans les discours des opérateurs radiophoniques : « Les

différentes communautés attendent que l’on ait une autre vision que le stéréotype que

l’on peut avoir d’eux : Les Guyaniens bringueurs et voleurs ; Les Guyanais fainéants

qui aiment s’amuser ; les Haïtiens sauvages, pas civilisés » ; « Parmi les populations

extérieures, certaines personnes ne parlent pas français et ne peuvent lire le français.

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C’est plus facile de se brancher sur la radio quand on souffre d’isolement. Ca vous relie

à l’extérieur. La radio a un rôle essentiel pour tous ceux qui n’ont pas le temps ou la

possibilité de fréquenter les bibliothèques » ; « Les gens qui viennent chez nous sont en

général d’une culture basse par rapport à leurs compatriotes. Les gens cultivés ne

viennent pas ici. Parmi ces gens, les anciens essaient de garder leur culture, tandis que

les jeunes sont en immersion dans la notre. Cela peut provoquer des conflits entre les

générations » ; « Il y a des cloisonnements entre les différentes communautés. Même

entre les Guyanais et les Antillais. Il y a une différence de motivation dans

l’investissement de la vie entre les Guyanais et les autres Caraïbéens. Les Guyanais ont

mauvaise réputation » ; « J’ai des Amérindiens qui viennent pour faire des émissions,

mais ils ne veulent pas parler en amérindien. Par contre, chez les Businenges, la langue

est très présente. Pourtant les Amérindiens sont moins ouverts que les Businenges » ;

« Il est tout de même incroyable que la campagne contre le sida38 ne soit faite qu’en

créole et en français, alors que le sida peut être transmis par des gens qui ne

comprennent pas ces langues. Il faudrait que l’on se mette un peu plus à la place de ces

gens qui viennent travailler et qui ont des problèmes d’adaptation. Autre exemple : il y a

de nombreux parents qui ne comprennent pas ce qui est dit lors des réunions

d’information à l’école de ma fille. Les enfants souffrent aussi de ce problème de

déséquilibre dans les classes. On pourrait à travers le média radio, expliquer le mode de

vie occidental, expliquer le système des vaccinations, etc. Aujourd’hui on a le bon rôle,

on est du côté des plus forts, mais ça peut changer » ; « Sans aucune xénophobie, je ne

38 Campagne sous forme de courts métrages, diffusée sur les chaînes de télévision guyanaise en avril 2003.

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souhaite pas d’émission d’une communauté étrangère sur ma radio. Les autres radios le

font et ces communautés font des émissions que l’on ne comprend pas. C’est comme les

Brésiliens qui font des émissions pour promotionner leurs propres manifestations. Un

Guyanais peut recevoir un Haïtien ou un Brésilien sur l’antenne, mais qu’ils ne

prennent pas la parole pour dire des choses que l’on ne comprend pas ».

Ce dernier témoignage ne reflète toutefois pas ce qui se passe en règle générale sur les

radios. Beaucoup d’entre elles ouvrent effectivement leurs portes aux associations

représentant différentes communautés39 . Et ceci pour diverses motivations :

« Les émissions communautaires de la radio, c’est parce qu’on me l’a demandé. Et ça

fait de l’audience aussi » ; « Chacun a envie d’entendre la voix de son pays. Mes choix

de recrutement tiennent compte de cette diversité » ; « Toutes les ethnies aiment qu’il y

ait une représentativité de leur culture, dans leurs langues bien à elles » ; « On a ouvert

notre porte à toutes les communautés. Le besoin spirituel est universel. La bible est la

même dans toutes les langues » ; « Nous ne pouvons satisfaire toutes les communautés

[avec les programmes de la station dont il est question], il vaut mieux leur laisser une

émission à part ».

Néanmoins s’ils voient, de façon majoritaire, leur média comme un outil incontournable

du rapprochement de ces communautés, les exemples d’ouverture aux communautés

extérieures semblent bien souvent tenir une place discrète dans l’ensemble des

programmes. Les véritables dynamiques interculturelles ne sont malheureusement qu’un

espoir évoqué au conditionnel : « Si on peut aider dans l’aspect du service public, on va

39 Voir détails des émissions « communautaires » en annexe 2

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le faire. On n’hésitera pas à faire connaître la communauté brésilienne aux autres

communautés et vice versa » ; « L’idéal serait d’avoir une radio où on pourrait

retrouver une heure de musique brésilienne, puis une émission sur la cuisine businenge,

etc. » ; « Il faudrait réussir à trouver le ciment qui pourrait réunir les différentes

communautés. Il faudrait que chaque association ait la possibilité d’intervenir sur la

même radio. A partir de cela on pourrait faire adhérer tout le monde au même plan » ;

« Les Amérindiens ici [commune de Roura], écoutent la même chose que les créoles.

Beaucoup d’enfants Palikurs parlent créole et sont réticents à parler leur langue. Les

Laotiens et les Hmongs sont conscients de leurs cultures mais sont réticents à en parler.

Il va falloir aller vers eux. »

Tout le monde n’a d’ailleurs pas la même conception des attentes de ces publics.

Certains pensent que quelle que soient ses origines, chacun attend la même chose du

média radiophonique : « les autres communautés font partie intégrante de la

communauté guyanaise. Elles sont donc autant intéressées par les musiques guyanaises

que les Guyanais » ; « Quelle que soit la communauté à laquelle on appartient, on doit

attendre d’une radio généraliste la même chose » ; « On sait que les jeunes écoutent le

même type de musique ».

D’autres, au contraire, pensent que les goûts et les attentes des auditeurs sont différents

suivant les communautés : « La communauté haïtienne n’est pas branchée sur les

émissions en langue guyanaise » ; « A chacun sa culture, chacun ses particularités.

Chacun essaie de développer un imaginaire suivant ses goûts, ses envies » ; « En

musique, les gens n’écoutent pas la même chose. Un Brésilien veut écouter de la

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musique brésilienne et un Businenge de la musique du Suriname » ; « Pour une émission

brésilienne, ce sont les Brésiliens qui appellent. Pour une émission en créole, très peu

d’Haïtiens appellent. Nous n’avons pas les mêmes valeurs ».

Une vision plus nuancée de ces attentes a aussi été évoquée par un des opérateurs :

« Les publics attendent la même chose quelle que soit leur communauté. Mais pour la

musique, les Haïtiens préfèrent le Compas, les Dominicains le Bachata ou le Merengue.

D’ailleurs dans certains quartiers de la ville, en entendant la musique, on se rend

compte des communautés qui y habitent. Par exemple, dans le quartier de "la Crique"

[quartier de Cayenne] on entend du Bachata. Ce sont des Dominicains et des Brésiliens

qui y habitent ».

La façon d’aborder les différentes composantes de l’auditoire est aussi source de débat.

Il y a ceux qui pensent que leurs programmes sont conçus pour tous les publics et que

c’est à l’auditeur de faire preuve d’ouverture : « Un étranger qui va quelque part doit

faire un effort d’adaptation. Si les personnes s’intéressent à ce qu’il y a autour d’eux et

désirent s’intégrer, ils doivent trouver leur compte sur notre radio. Nous, on travaille

pour tout le monde. Sur 18 heures d’antenne, on essaie de faire de notre mieux pour être

un acteur de la cohésion sociale. »

D’autres, à l’image des radios confessionnelles, mettent en avant le caractère

« universel » du message qu’il diffuse. Ils voient dans cette approche un moyen

d’élaborer un lien commun : « Ce que nous proposons, c’est un épanouissement

physique, mental et culturel de l’auditeur. Et nous essayons de le transmettre à tous. Si

la radio est ouverte aux différentes origines pour diffuser le même message, cela

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contribue à rapprocher les peuples » ; « Le message de l’évangile est un message

d’unité. Tous les gens peuvent se retrouver autour de ce message » ; « Toutes les

communautés qui travaillent dans la radio ont le même message à passer que les

programmes en français : conseils pratiques, côté spirituel ».

Partant du même principe, des projets d’émissions thématiques incluant les différentes

composantes culturelles sont fréquemment évoqués par les opérateurs radiophoniques :

« Par exemple, on pourrait dans une émission haïtienne, faire un flash sur la

Dominique, etc. Cela permettrait ainsi à toutes les associations de se rencontrer,

d’échanger » ; « Avec des émissions à thèmes (sur les méfaits du tabagisme ou de

l’alcool, par exemple) on pourrait aider à améliorer les relations entre les communautés

et partager les mêmes valeurs » ; « Nous pensons qu’il vaut mieux faire des émissions

qui rassemblent. Regrouper les communautés autour d’un même sujet. Pour

l’intégration et la connaissance de l’autre, je pense que c’est positif. Plutôt que chaque

groupe avec son émission, sans se connaître les uns les autres » ; « Un média pourrait

avoir un rôle de relais pour les différentes communautés avec des artistes du Suriname,

du Brésil, de France ».

Il existe d’ailleurs quelques exemples concrets d’échanges culturels, à l’image de Radio

Ouassailles à Mana qui lors de notre séjour, organisait une soirée dans le village où elle

officie, réunissant des conteurs d’origines diverses. Même si certains spectateurs

regrettaient de ne pas comprendre les contes narrés dans une langue qui n’était pas la

leur, la soirée réunissait des gens de toutes origines visiblement réjouis de l’expérience.

Le directeur de la station nous expliquait que sa volonté principale était l’expression et

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la reconnaissance, au travers de sa station, des six ou sept communautés présentes dans

la commune : « Lors des fêtes patronales, c’est nous qui assurons les liens entre les

communautés. C’est un bon lien. On essaie de faire des échanges d’émissions aussi. On

en a fait sur le mariage par exemple. Pour voir en fin de compte que les pratiques sont

très proches. »

Devant la différence de point de vue concernant l’approche de leur auditoire, nous

avons voulu connaître quelles étaient les attentes des principaux intéressés.

C.3 Enquête auprès d’auditeurs non ciblés40

Cette enquête a été réalisée un samedi après midi, à heure de grande influence, dans une

rue commerçante de Cayenne. Elle n’a pas la prétention ni la rigueur d’une enquête

sociologique ou d’une enquête ethnographique poussée. Nous n’avions

malheureusement pas suffisamment de temps pour cela. Notre ambition était de savoir

quelles étaient les motivations principales des personnes qui se branchaient sur un média

radiophonique. Pour cela, nous posions quatre questions principales aux personnes

rencontrées : « Quelle est votre radio préférée ? », « Pourquoi ? », « Que pensez-vous

des radios en Guyane ? », « Qu’attendez-vous de la radio ? ». A ces quatre questions

nous en avions ajouté une cinquième qui était plus en adéquation avec la recherche pour

la DRAC Guyane sur les musiques traditionnelles, « Aimeriez-vous plus de musiques

traditionnelles sur les ondes ? ». Avec, le cas échéant, des explications sur ce qu’ils

40 Les données recueillies ce 26 avril 2003 sont rédigées sous forme de tableau en annexe 3. Il faut insistersur le fait que cette enquête a été réalisée dans les rues de Cayenne et que les réponses sont principalementfaites par des auditeurs à l’écoute des radios diffusant sur cette zone.

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entendaient par « musiques traditionnelles ». Nous avons également noté quand cela

était possible la tranche d’âge à laquelle appartenaient les personnes rencontrées et leur

appartenance culturelle (les dénominations indiquées dans le tableau correspond à la

manière dont les personnes se sont identifiées). Cette enquête ne donne

malheureusement pas une représentativité idéale de la diversité culturelle guyanaise41

mais nous éclaire néanmoins sur certains points.

Sur 48 personnes interrogées, 21 se sont identifiées comme guyanaises (ou créoles

guyanaises), 15 comme métropolitaines (ou guyanaises d’origine métropolitaine) et 12

d’une autre façon (guadeloupéennes, martiniquaises, africaines, businenges, etc.). La

répartition des tranches d’âge est à peu près équitable en ce qui concerne les moins de 25

ans et les personnes d’un âge situé entre 25 et 50 ans. Seules 5 personnes de plus de 50

ans ont participé à ce questionnaire.

Sur l’ensemble des réponses, la radio la plus citée est RFO. Viennent ensuite par ordre

décroissant RFI, France Inter, Nostalgie et Radio 2000 pour les plus significatives42.

Les motivations d’écoute de RFO sont l’information en premier lieu, des considérations

d’ordre qualitatif en second. RFI est principalement écouté pour l’information. Tandis

que France Inter trouve majoritairement écho dans la qualité de ses programmes et

magazines, Nostalgie et Radio 2000 sont citées pour leurs musiques. Il faut indiquer

qu’un tiers des personnes interrogées ont indiqué écouter plus d’une radio.

41 On peut regretter que lors de cette enquête nous n’ayons recueilli aucune impression d’auditeursbrésiliens ou haïtiens ou encore surinamais…42 Il est à noter que Médiamétrie lors d’une enquête réalisée entre septembre et novembre 2001 auprès de1400 personnes, donnait en part d’audience cumulée 50.8 % pour RFO, 14.5 % pour RCI (qui n’existaitplus lors de notre enquête), 13 % pour Nostalgie, 9.3 % pour RFI, 8.7 % pour Radio 2000, 7.6 % pourFrance Inter, 7.4 % pour Radio Pagani (qui n’existait plus non plus) et 6.1 % pour Radio Tout’Moune.

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Quant aux sources de motivation d’écoute des radios en règle générale : 43 % des

personnes cite la musique, 36 % l’information, 21 % autres raisons (jeux,

divertissements, animateurs, faculté de réception…)

Les attentes de ces auditeurs quant à elles principalement sur la musique (49 %), puis

l’information (29 %), autres (jeux, débats, émissions culturelles) (22 %). A noter que

dans cette dernière catégorie, les informations culturelles viennent en tête des attentes

des auditeurs.

En ce qui concerne la diffusion de musiques traditionnelles sur les ondes, les réponses

sont plus mitigées : 50 % considèrent que s’il y en avait plus ce serait une bonne chose :

Un quart cite spontanément les musiques symbolisant leurs origines culturelles, un quart

désire des musiques ayant une large représentation.

Les réfractaires aux musiques traditionnelles représentent un peu plus du tiers des

personnes interrogées, tandis que les autres n’ont pas d’avis tranché.

Mais cette enquête nous apporte aussi d’autres enseignements, en particulier sur les

goûts semblables (ou non) des différents groupes culturels. Deux groupes sont

particulièrement représentatifs dans cette enquête : les personnes s’identifiant sous le

vocable « Métropolitain » et ceux se dénommant « Guyanais ». A la vue des réponses de

ces deux groupes, des particularités sont frappantes :

Les « Métropolitains » écoutent presque exclusivement les radios en provenance de

France métropolitaine. La moitié d’entre eux ne connaissent pas les radios guyanaises,

l’autre en a plutôt un avis négatif. Leurs attentes se situent de préférence vers les

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informations, les magazines, les émissions culturelles et sont en recherche de musique

diversifiée.

Les « Guyanais » à 50 % citent RFO comme une de leurs stations préférées. 50 %

trouvent également que les radios guyanaises peuvent s’améliorer. Nombre d’entre eux

souhaiteraient des émissions plus diversifiées, plus structurées, des informations

culturelles. Les désirs radiophoniques des trois quarts vont plutôt vers la musique.

Comme on peut le voir, même si ces groupes d’auditeurs ont des goûts communs

(diversification des programmes, informations culturelles), chacun va vers les radios qui

sont le plus en concordance avec ses habitudes culturelles.

Notons aussi les trois personnes originaires d’Afrique qui, chacune, citent RFI parmi

leurs stations préférées. Là aussi, on voit la nécessité des personnes à capter les stations

qui peuvent les relier à leurs origines.

Si l’on est culturellement influençable sur ses choix radiophoniques, les goûts et les

pratiques diffèrent également suivant la période de sa vie. C’est le deuxième point

instructif de cette enquête. En effet si l’on regarde les réponses des personnes de la

tranche d’âges 0-25 ans, c’est le groupe qui a le plus de mal à donner un nom de radio

précis. Ce qui laisse supposer une fidélité toute relative quant à une station particulière.

Pratiquement la moitié d’entre elles écoute la radio pour la musique. Et 80 % d’entre

elles citent la musique comme exigence principale. Tandis que 50 % des personnes de la

tranche d’âge du dessus (25-50 ans) place l’information parmi les principales raisons

d’écoute, se plaint soit qu’il y a trop de musique, soit qu’elle n’est pas assez diversifiée.

Enfin plus de 70 % d’entre elles attendent des radios, de l’information ou des magazines.

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C.4 Enquête auprès d’auditeurs hmongs43

La communauté hmong n’a, on l’a vu, aucune représentation sur les ondes guyanaises.

Quelle est donc sa perception du paysage radiophonique guyanais. Comme pour

l’enquête précédente, nous souhaitions savoir « quelle était leur radio préférée ? »,

« avec quelles motivations ? », « leur point de vue sur les radios du département »,

« quelles étaient leurs attentes du média radiophonique », « souhaiteraient-ils plus de

musiques traditionnelles sur les ondes ? ». A ces questions nous en avons ajoutée une

sixième « aimeraient-ils avoir des programmes ou une radio en hmong ?»

L’enquête a été effectuée le mercredi 30 avril 2003 au marché de Cayenne le matin entre

07 heures et 08 heures. La communauté hmong concentre son activité économique dans

le maraîchage et vend ses produits sur les marchés du département. Le marché de

Cayenne voit donc un nombre important de Hmongs tenir des stands les jours de vente.

L’heure matinale nous paraissait plus appropriée pour pouvoir questionner librement les

marchands. La double concentration géographique44 et professionnelle de cette

communauté constituait un avantage supplémentaire quant à la décision de leur proposer

cette enquête. Les réponses obtenues sont là aussi source d’éclairage.

Tout d’abord les Hmong ne semblent pas être des auditeurs assidus. Deux raisons ont été

émises à plusieurs reprises : Le manque de temps et la difficulté pour capter la radio

dans les régions où ils habitent.

43 Tableau en annexe 444 La population hmong est principalement rassemblée sur les communes de Cacao et de Javouhey.

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RFO, RFI et France Inter sont les stations les plus citées. Le fait que les zones de

diffusion de ces chaînes soient plus étendues n’y est certainement pas étranger. Le choix

de la station est pour un quart d’entre eux45 lié au fait que c’est la seule station qu’ils

peuvent capter. La moitié d’entre eux citent la musique comme raison principale

d’écoute et un peu moins d’un quart l’information. Pourtant 70 % d’entre eux citent les

informations comme attente principale du média radiophonique.

En ce qui concerne la musique, ils se sentent plus attirés par les « chansons françaises »

ou la « musique internationale ». Les critiques négatives des radios guyanaises sont

d’ailleurs souvent liées aux programmations musicales de ces dernières.

Des programmes en hmong, ils sont pour et pratiquement à l’unanimité. Même si les

plus jeunes (tranche d’âge 0-25 ans) semblent moins enthousiastes, certains d’entre eux

estiment que ce serait enviable pour les plus anciens qui ne parlent pas français.

Par rapport aux musiques traditionnelles, le groupe se scinde en deux : Si plus de 70 %

des 25-50 ans verraient d’un bon œil plus de musiques traditionnelles sur les ondes (avec

les musiques traditionnelles hmongs en ligne de mire), ils ne sont plus que 55 % parmi

les 0-25 ans et ont souvent un avis modéré sur la question.

45 L’enquête a été réalisée auprès de 17 personnes.

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C.5 Conclusion de la 3ème partie

Les témoignages des opérateurs radiophoniques nous montrent qu’ils prennent

conscience de la diversité culturelle du département et par conséquent de

l’hétérogénéité probable de leur auditoire. Avec une vison plutôt négative par rapport à

l’intégration des immigrants, liée principalement aux problèmes de communication (« ne

parlent pas français », « problèmes d’adaptation », « cloisonnement », « ne s’intègrent

pas facilement », « isolement », « attendent que l’on ait une autre vision que le

stéréotype »).

La plupart d’entre eux estiment le média radiophonique comme essentiel pour servir de

relais communicationnel entre les groupes culturels. Pourtant si les idées ne manquent

pas, elles sont souvent émises au conditionnel (« L’idéal serait… », « la radio

devrait… », « notre désir serait… », « il faudrait… », « on pourrait… », « il va

falloir… »). Concrètement, cela se traduit souvent par une tranche hebdomadaire laissée

à une association représentant tel ou tel groupe culturel. On se rend toutefois compte du

déséquilibre quant aux représentativités de ces différents courants : Les Surinamais, qui

sont la composante extérieure la plus importante de Guyane, n’ont qu’une place très

laconique sur l’ensemble des programmes ; Les Amérindiens n’ont quant à eux, droit de

cité que sur les antennes de l’Ouest du département ; Plus encore les Hmongs, qui

représentent il est vrai une toute petite proportion de la population, n’ont aucune

représentativité ; etc.

Rares sont aussi les expériences permettant une interaction concrète entre les différentes

communautés, même s’ils jugent majoritairement le média radiophonique comme un

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outil particulièrement adapté à ce type de pratique. Pour certains c’est le manque de

moyens qui les bloque. D’autres estiment que les communautés doivent s’adapter,

reprenant les principes de l’assimilation.

Les discours concernant les désirs présumés de ces publics sont également

contradictoires : Pour certains, quelque soit son appartenance culturelle on apprécie le

même type de programmes ; D’autres au contraire estiment que les attentes sont

différentes ; Un opérateur a même suggéré que les attentes sont les mêmes, sauf en ce

qui concerne les programmes musicaux.

Les résultats de nos enquêtes, même si elles n’offrent malheureusement qu’une

représentation relative des groupes culturels présents dans le département, nous éclairent

à ce sujet : Les attentes et les goûts des auditeurs en matière de choix radiophonique sont

bel et bien liés aux origines culturelles. On remarque que les métropolitains écoutent les

radios dont les programmes sont conçus en France métropolitaine. A contrario, les

personnes qui se sont désignées sous le vocable « Guyanais » écoutent plutôt les radios

du département. Enfin les personnes originaires d’Afrique se dirigent vers RFI dont on

connaît la large place réservée aux actualités du continent africain. A ces constats, on

peut ajouter les Hmongs qui verraient d’un bon œil une station avec des programmes

hmongs. Tout ceci démontre combien les personnes sont attachées, en matière de

programmes radiophoniques, à un média qui les relie avec leurs origines.

Notons tout de même les choix radiophoniques des quatre personnes d’origine antillaises

qui s’expriment en faveur des radios guyanaises, et non de Radio Média Tropique (qui

cherche dans ses programmes à cibler la communauté antillaise du département) ou des

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stations métropolitaines. On peut en déduire que les Antillais n’ont pas l’impression

d’un décalage culturel à l’écoute des radios guyanaises.

Malgré un échantillonnage trop restreint de ces enquêtes, il semblerait tout de même que

les attentes des auditeurs soient également liées : Les plus jeunes citent à près de 80 % la

musique comme attrait principal (50 % chez les Hmongs), tandis que les plus âgés citent

les émissions à caractère informatif à près de 65 % (62.5 % chez les Hmongs).

Quoiqu’il en soit, on remarque que la musique tient un rôle primordial auprès des

auditeurs. Parmi les attentes les plus souvent évoquées lors de ces enquêtes, le souhait

d’avoir des musiques plus diversifiées sur les ondes est certainement le plus récurrent.

Pour la diffusion des musiques traditionnelles sur les ondes, les avis sont mitigés. On

peut toutefois noter que plus de la moitié des personnes favorables à la diffusion de ces

musiques citent spontanément les musiques représentatives de leur groupe culturel.

Encore un indicateur du lien que cherchent les auditeurs entre leurs origines et le média

radiophonique.

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4ème partie : LA MUSIQUE

« La basse est surpuissante et ça a dû faire plaisir à vos boomers » déclamait un

animateur d’une radio guyanaise après la diffusion d’un titre de R&B. Il s’agissait en fait

d’un clin d’œil à ces jeunes conducteurs qui, fenêtre du véhicule ouverte, déversent des

flots d’infra basses à leurs passages. Ces rythmiques « surpuissantes » allant même

jusqu’à déclencher les alarmes des véhicules en stationnement. Le phénomène a pris une

telle ampleur que lors de notre séjour une association cayennaise avait créé un concours

de « tunning » où, spécifiaient-ils, le classement se ferait par rapport à la qualité des

équipements dans les voitures et non proportionnellement à la puissance.

Les véhicules ne sont pas les seuls à participer à l’animation ambiante des rues. Il suffit

de se promener dans les rues de Cayenne pour s’apercevoir que la musique est

omniprésente. Elle s’échappe des fenêtres ouvertes des maisons. En effet, il n’est pas

rare de passer devant une habitation d’où émerge le son d’un récepteur radio. De

nombreuses boutiques installent également des enceintes sur le trottoir et diffusent de la

musique aux passants. Certains bars ont un fond musical suffisamment puissant pour

qu’on puisse l’entendre depuis la rue.

La musique semble tenir une place importante dans la vie des Guyanais,

particulièrement chez les jeunes et reste le premier centre d’intérêt des auditeurs. Alors

comment les opérateurs la considèrent-ils dans leurs programmes ? Quelles attentions lui

apportent-ils ? Quelles sont les représentations principales des musiques diffusées ?

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Quelle place laissent-ils aux musiques traditionnelles ? Comment est conçue une

programmation musicale ? Est-ce que les programmateurs prennent en considération

l’aire géographique, culturelle et linguistique dans laquelle ils officient ? C’est à toutes

ces questions que nous allons essayer de répondre dans ce chapitre.

D.1 Rôles attribués à la musique par les opérateurs radiophoniques

Quand on demande aux responsables des stations quelle place tient la musique dans leur

station, beaucoup considèrent qu’elle est primordiale : « La musique représente tout

pour notre radio » ; « Sans radio la vie serait ennuyeuse. La radio avec de la musique

rend la vie plus agréable » ; « La musique c’est la vie. Il ne peut y avoir de radio sans

musique » ; « Le rôle de la musique est prépondérant » ; « La musique a une place

importante » ; « La musique fait partie de la vie. Sans musique, une radio ennuie les

gens. Quelle que soit la radio, il doit y avoir de la musique ».

Certains y voient même une obligation par rapport aux auditeurs, au risque d’une

désaffection de ces derniers : « Par rapport à ce que je connais de mes auditeurs, les

émissions à thèmes ne les intéressent pas. Par contre, dès qu’il y a une émission

musicale, le standard explose » ; « Les gens écoutent la radio dans la voiture ou quand

ils sont occupés. Après ils rentrent et ils mettent la télévision. J’ai l’impression qu’ils

mettent la radio pour la musique. Quand ça parle trop, les auditeurs réagissent ».

Et les auditeurs en question semblent être principalement les jeunes qui, on le rappelle,

sont majoritaires en Guyane46. Ce qui a pour effet d’influencer les politiques de

46 Selon l’INSEE en 1999, 43.3 % de la population avait moins de 20 ans.

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programmation de certaines stations : « A Saint-Laurent, nous sommes entourés de

jeunes. Les jeunes veulent de la musique » ; « La couleur musicale est assez jeune » ;

« La musique a pour but d’être attractive et d’augmenter l’audimat. Le fait d’être une

nouveauté est le critère principal de choix. Les styles qui plaisent aux jeunes. Au sujet de

la musique, il ne faut pas avoir de barrière. Il faut donner aux jeunes ce qu’ils aiment ».

Même Nostalgie, qui cible habituellement un auditoire d’un certain âge, s’est

adaptée : « Selon les critères de Paris, le public ciblé c’est les 35-50 ans. En Guyane, la

population est plus jeune. On ne passe pas de titres des années 50 et on met l’accent sur

les années 80 ».

Toutefois certains se défendent de cette dérive : « Dans nos propositions, nous

cherchons à ce qu’il y en ait pour tout le monde. L’auditoire est très jeune en Guyane. Si

vous suivez leurs attentes, il n’y en aura que pour les jeunes. Il faut réussir à proposer

aux gens qui ont un dégoût des radios faites par les jeunes » ; « Je refuse une radio

100 % musicale. Une radio doit faire passer des messages, les animateurs peuvent

apporter quelque chose »

La plupart des opérateurs considèrent la musique diffusée comme purement

divertissante. Ce n’est néanmoins pas le cas de tous. Là encore nous retrouvons en

partie, les clivages énoncés dans les sous catégories :

Les radios confessionnelles sont unanimes, la musique ne peut aller à l’encontre du

message spirituel qu’elles souhaitent diffuser. Elle a d’ailleurs pour la plupart d’entre

elles, un rôle de transmission au même titre que les prêches ou les émissions parlées :

« Notre but est de faire passer un message à travers la musique. Elle doit avoir une

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action de modération. (…) Nos chansons sont très orientées morale ou sont à

connotation chrétienne » ; « La musique ne sert pas seulement à combler. A travers les

musiques, les chansons, on véhicule un message. (…) En matière de philosophie

musicale, nous suivons une certaine ligne. On ne passe pas de Rock, ni de Reggae, ni de

Zouk. Le style Rock pourrait porter à confusion avec le message que nous souhaitons

véhiculer » ; « On ne passe pas de musiques agressives, mais sinon on passe tous les

styles » ; « La musique est un autre mode de communication pour passer le message » ;

« La musique a un rôle essentiellement de détente et aussi un côté spirituel, comme les

louanges. (…) Notre public étant à 90 % brésilien, la musique que nous passons est de

la musique religieuse brésilienne. Elle est religieuse par les paroles et par le style. Tous

les styles sont représentés. Dans ce domaine, les Brésiliens sont très en avance ».

Si le responsable de Radio Bonne Nouvelle, radio pentecôtiste brésilienne de Cayenne,

évoque l’avancée des Brésiliens dans le domaine des musiques religieuses, il existe

toutefois des maisons d’édition discographique française. La plus connue est Sephora47

qui fournit l’essentiel de la programmation musicale des trois autres radios dont

l’orientation religieuse est issue du protestantisme.

Les radios que nous avions qualifiées d’ « engagées » sont assez proches des radios

confessionnelles quant au rôle attribué à la musique. Elles aussi y voient autre chose

qu’un quelconque divertissement : « La musique est un art qui véhicule un message.

Dans le Compas, on retrouve un message de souffrance. Dans le Ragga-Reggae, la non

violence, la paix dans le monde. Dans le Zouk, l’amour. Le Rap est peut-être un peu plus

47 Le catalogue de Sephora est disponible sur internet : www.sephora.com

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vindicatif que le Reggae. La Soul music, c’est aussi un message d’amour en général. Le

R&B, c’est un message des jeunes qui demandent au secours » ; « La musique que nous

diffusons est généralement de la musique engagée, plutôt à textes. Les musiques les plus

souvent entendues sont des thèmes révolutionnaires et du Reggae engagé. Pas de Zouk

love sur l’antenne. »

Les opérateurs de ces deux "sous catégories" de radios ont donc un discours relativement

homogène en ce qui concerne la musique diffusée sur leurs antennes, à savoir une

possibilité de transmettre autrement le message souhaité.

En dehors de ces exemples, beaucoup de radios associatives n’ont pas vraiment de

politique de programmation musicale réfléchie. Peu d’entre elles peuvent s’offrir les

disques permettant sa mise en œuvre. La musique est peut-être considérée comme un

élément essentiel de leurs antennes, mais les programmations sont souvent laissées à

l’appréciation des jeunes qui viennent animer : « Les animateurs apportent leurs CD. Il

faut qu’ils aient une bonne connaissance musicale » ; « Les animateurs apportent leurs

disques. On a pas de budget pour ça » ; « Pour l’instant elle [la musique] est choisie en

fonction de la sensibilité des animateurs » ; « Nous n’avons pas de règle stricte

concernant la programmation. »

La seule règle que semblent respecter nombre d’entre eux, c’est la diffusion de titres à

succès ou, pour reprendre le jargon de ces derniers, « les tubes » :

« Au niveau musical, il faut être au top. Il faut aller rechercher les nouveautés. Pour les

nouveautés, on passe le titre que l’artiste désire et on change si ça ne marche pas. Les

titres internationaux, on choisit les tubes. C’est le format qui marche par rapport à la

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société guyanaise que je connais très bien. J’organise des soirées, je suis bien placé » ;

« L’objectif est d’augmenter l’audimat en ciblant les jeunes. Il s’agit de redynamiser

l’antenne. R&B, Ragga, Zouk et musique française sont les styles privilégiés » ; « La

radio diffuse un maximum de tubes. Un des animateurs est DJ, il connaît les tubes » ;

« j’aime que cette radio ne diffuse que des tubes. (…) Si l’animateur fait bien son

boulot, l’auditeur ne sera pas déçu ».

Cette volonté de diffuser des « tubes » accompagne donc un désir de capter un

maximum d’auditeurs : il faut passer les titres qui plaisent aux gens. La politique de ces

radios n’est donc pas d’offrir une programmation musicale originale mais de donner à

l’auditoire potentiel ce qu’il semble désirer. Ces témoignages apportent une seconde

révélation, la corrélation entre la politique de programmation radiophonique et la

programmation musicale dans les soirées dansantes. Deux des opérateurs évoquent le

fait qu’ils connaissent les titres qui plaisent, puisque dans un cas un des animateurs est

Disc-jockey, alors que dans l’autre l’opérateur est organisateur de soirée. Cette

association des deux milieux sera souvent retrouvée lors de nos différents entretiens.

Enfin certains choisissent d’opter pour une programmation musicale qui va à contre

courant de ce qui se fait sur la plupart des radios guyanaises. C’est le cas du responsable

de Radio loisirs qui nous expliquait sa volonté : « On veut essayer de mettre en place

une couleur internationale. Ce créneau n’est pas occupé. Vu le mélange ethnique qu’il y

a chez nous, nous avons voulu proposer autre chose que le Zouk ou la musique de

carnaval qu’on entend partout en ce moment. »

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Le responsable de Radio Média Tropique voit pour sa part la musique comme un moyen

de se « divertir mais aussi de renouer avec ses racines. » En effet, la station se veut

refléter la culture antillaise et selon ses dires 70 % de la musique diffusée serait de la

musique antillaise.

Une des préoccupations évoquée couramment par les opérateurs est le soutien aux

artistes locaux dans l’élaboration de leur politique musicale : « La musique est un

moteur culturel artistique. Nous donnons une priorité aux produits locaux » ; « Nous

avons pour objectif de soutenir aussi les artistes locaux. Si un artiste passe pour que

l’on promotionne son disque, on voit avec lui ce que l’on peut faire. »

Ces témoignages reflètent la notion de proximité chère à de nombreuses radios

associatives. L’aide à la production musicale locale fait partie de cette considération. Le

responsable de Radio 2000 (station située à Cayenne) nous expliquait qu’il aurait aimé

faire une radio diffusant 100 % de musiques guyanaises : « Quand j’ai ouvert la radio,

je trouvais qu’on ne passait que de la musique antillaise en Guyane. Moi, je n’ai passé

que de la musique guyanaise pendant 15 jours. (…) Mais il n’y a pas assez de

production et ça ne tenait pas la route par rapport à la diversité de la population. »

La notion de proximité et la promotion des artistes locaux ne sont pas l’exclusivité des

radios associatives. C’est aussi une volonté de la radio de service public comme nous l’a

expliqué son directeur d’antenne : « On essaie de valoriser la musique locale. Etant

leader, il y a pression des artistes locaux. » Toutefois RFO ne pense pas sa

programmation musicale uniquement par rapport aux artistes locaux même si c’est un

élément inéluctable de sa politique d’antenne : « le rôle de la musique est essentiel.

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C’est un élément culturel incontournable. C’est le reflet de notre société. Je n’imagine

pas de radio sans musique. Ce sont des respirations à l’intérieur des émissions et une

ouverture sur les autres. »

Pour Nostalgie, la musique « représente tout ». Cette station musicale de catégorie B a

d’ailleurs adapté sa programmation au contexte local même si « la grille de calibrage est

faite sur Paris. »

D.2 Les musiques diffusées

Si l’on consulte le site du linguiste Jacques LECLERC48 consacré à l’aménagement

linguistique dans le monde, à la page consacrée aux médias de Guyane française on peut

lire : « Des stations locales privées diffusent en français et en créole guyanais, mais

90 % de la musique diffusée est du zouk. »

Notre étude sur place a montré une réalité beaucoup plus subtile. L’écoute détaillée des

programmes des radios guyanaises49 démontre en effet que le Zouk a toujours une place

privilégiée sur la plupart des ondes guyanaises, mais sans toutefois atteindre les 90 %

annoncés par Jacques LECLERC .

48 LECLERC, Jacques, « Guyane française », in L’aménagement linguistique dans le monde, TLFQ,Université Laval, 24 mars 2004. [http://www.tlfq.ulaval.ca/axl/amsudant/guyanefr.htm]49 Enregistrements effectués entre le 12/02/03 et le 17/04/03. Voir rapport d’écoute en annexe 5

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* Ne sont pas comptabilisées les radios confessionnelles et Radio ITG. Pour les modalités de calculs, voiren annexe 5.

Certaines radios diffusent des programmes consacrés presque exclusivement au Zouk,

mais uniquement à certains moments de la journée. Prenons par exemple Radio Litto

Mega, une radio de Saint-Laurent-du-Maroni, qui à certains moments de la journée,

diffuse 75 % de Zouk ; A d’autres périodes, elle n’en diffuse pas.

RADIO LITTO MEGA 7H-8H

0%

0%

75%

0%

0%

0%

8%

0%

0%

0%17% VF

VI

ZOUK

R&B

BRESIL

HAITI

REGGAE

AFRIQUE

LATINE

RAP

AUTRES

RADIO LITTO MEGA 14H-15H

29%

43%

0%

21%

0%0%0%0%0%0% 7%VF

VI

ZOUK

R&B

BRESIL

HAITI

REGGAE

AFRIQUE

LATINE

RAP

AUTRES

POURCENTAGES PAR STYLE MUSICALréalisés pour l'ensemble des radios guyanaises*

13%

14%

28%12%

2%

6%

11%

1%

2%

4%

7%

VF

VI

ZOUK

R&B

BRESIL

HAITI

REGGAE

AFRIQUE

LATINE

RAP

AUTRES

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Radio Media Tropique est sans conteste la radio diffusant le plus de Zouk. Tous les

après-midi sont essentiellement réservés à ce style musical. Seulement il s’agit ici d’une

radio qui se veut représentative de la culture antillaise. Le Zouk, qui a vu le jour dans les

années 80 en Guadeloupe avec le groupe Kassav’, est certainement aujourd’hui le style

musical le plus représentatif des Antilles françaises.

Un autre style musical prend de plus en plus d’ampleur en Guyane : Le Rythm and

Blues (R&B). Ce style né du Gospel dans les années 40 aux USA, a connu un renouveau

commercial interplanétaire après son rapprochement du Rap dans les années 90. Cette

musique afro-américaine, comme le Zouk, décline des thèmes « romantiques, sensuels,

utopiques, pour aborder l’amour sous tous les angles. »50

En Guyane, l’arrivée des chaînes de télévision par satellites voici trois ans, a semble-t-il

modifier les goûts musicaux, en particulier chez les jeunes. Une chaîne américaine

« BET TV » (BET pour Black Entertainement television) réputée pour la diffusion de

50 L’historique du R&B est très bien détaillé sur le site www.musique-rnb.com

RADIO MEDIA TROPIQUE

0%5%

70%

9%

0%5%

7% 2%0%0%2%

VF

VI

ZOUK

R&B

BRESIL

HAITI

REGGAE

AFRIQUE

LATINE

RAP

AUTRES

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musique noire américaine, a notamment la faveur du jeune public. Monsieur Nogara,

disquaire à Cayenne, nous confiait « Les jeunes qui viennent dans le magasin veulent du

R&B. Il y a un véritable phénomène avec les jeunes. (…) Les boîtes qui produisent du

Zouk sont en train de fermer. Derrière la machine américaine avec les clips, le combat

est inégal. (…) Dans un premier temps les Guyanais se sont faits bouffer par les

Antillais, dans un second temps par la musique américaine. »

La musique américaine n’est pas la seule à utiliser la télévision ou le web comme moyen

de promotion. Il en est de même pour la variété française. Nous avons été frappés lors de

l’écoute des différents programmes par les choix effectués en matière de variété

française. Les titres majoritairement diffusés sont ceux des artistes de la Star Académie

(émission de TF1) ou de Pop Star (émission de M6). La machine à fabriquer des

« tubes » qu’est la télévision influence les programmateurs des radios51 qui influencent à

leur tour, les goûts des auditeurs. Signalons d’ailleurs que pour de nombreuses stations,

c’est en début d’après-midi, qu’elles privilégient la diffusion de variété internationale et

française. Contrairement au Zouk et d’une certaine manière le R&B et le Reggae, ces

musiques ne prédisposent pas forcément à la danse. Elles trouvent donc une place de

choix dans ces créneaux horaires, les programmateurs souhaitant diffuser de la musique

douce pour accompagner la sieste.

Le Reggae et son dérivé le Raggamuffin (Ragga) sont aussi des styles musicaux qui ont

le vent en poupe auprès des jeunes Guyanais. Si le Reggae a connu ses heures de gloire

avec les artistes jamaïcains, il semblerait qu’au Suriname il soit devenu un emblème

51 Voir chapitre D5 sur les méthodes de programmations.

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national. Cet engouement pour le Reggae aurait traversé le fleuve Maroni pour se

développer en Guyane. Michaël Christophe, qui se définit comme « promotionneur »

d’artistes de l’ouest de la Guyane52, estime les musiciens Noirs Marrons comme porteurs

de ce nouveau souffle donné au Reggae : « Quand les Jamaïcains viennent ici, ils

veulent jouer avec nos jeunes. Le besoin de racine est retrouvé ici plus qu’en Jamaïque.

(…) Ici ils viennent rechercher l’authenticité. C’est une dynamique différente de

l’Europe qui fait le trajet inverse. »

Enfin la musique haïtienne : Principalement représentée au travers du Compas, elle

arrive loin derrière parmi les choix de programmation musicale des stations. Les 6 %

dénombrés sur l’ensemble des stations selon nos modes de calculs sont d’ailleurs à

relativiser si l’on considère qu’un tiers de ce chiffre est détenu par Radio Mozaïque, une

station à destination de la communauté haïtienne.

Ces estimations ont été conçues sans tenir compte des radios confessionnelles qui

utilisent une discographie spécifique pour leur programmation. Dans ces stations le

message diffusé au travers des paroles est plus important que le style musical. On

constate toutefois que la plupart des titres diffusés sont, d’un point de vue stylistique,

comparables aux musiques de variété internationale. La radio catholique, Radio Saint

Gabriel, se démarque néanmoins en diffusant des styles musicaux comme le Blues, le

Jazz et la musique classique. C’est d’ailleurs la seule station guyanaise à diffuser cette

catégorie musicale.

52 Voir le site www.transamazoniennes.com pour le détail des artistes produits.

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La programmation musicale de Radio ITG, est également très spécifique puisque que les

titres diffusés ont pour seul objectif d’illustrer les reportages diffusés. Les titres sont

choisis en fonction de l’engagement textuel des chansons.

D.3 Les musiques traditionnelles guyanaises

La représentation des musiques traditionnelles constituait l’axe principal de notre

recherche pour la DRAC Guyane. L’administration cherchait à savoir quelle

transmission culturelle offraient les médias radiophoniques au travers des musiques

guyanaises. Toutefois le problème était de savoir quelle signification donner à la

dénomination « musiques traditionnelles » pour la Guyane.

Au terme « tradition », qui vient du latin tradere « remettre, transmettre », le

dictionnaire Petit Robert donne la définition suivante : « manière de penser, de faire ou

d’agir, qui est un héritage du passé. »

Le Dictionnaire de l’ethnologie et l’anthropologie de BONTE-IZARD ajoute une nuance

à cette définition : Il faut que la tradition « demeure agissante et acceptée par ceux qui

la reçoivent. »53

Pour l’ethnomusicologue Jean-Pierre ESTIVAL54, « Nul ne se risquerait à donner une

définition générale de « la tradition » ou de « la musique traditionnelle ». Si le terme

« tradition » est étymologiquement lié à la notion de transmission, il serait sans doute

53 POUILLON, J., « Tradition », in Dictionnaire de l’ethnologie et de l’anthropologie, Paris,Quadrige/Presses Universitaires de France, 2000, pp.710-712.54 ESTIVAL, Jean-pierre, « Eléments de la politique de la direction de la musique, de la danse, du théâtreet des spectacles en faveur des musiques traditionnelles », in Les musiques du monde en question, Arles,Babel, Maison des cultures du monde, 1999, pp. 69-85.

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plus judicieux de considérer les musiques et danses traditionnelles comme des processus

de réappropriation, tant du point de vue sociologique que d’un point de vue cognitif. »

Mais alors, dans une société aussi disparate la Guyane Française, quelles sont les

musiques que l’on peut qualifier de traditionnelles ? Doit-on utiliser ce vocable pour les

musiques où chaque groupe communautaire « accepte » la notion de tradition ? Doit-on

essayer de trouver une musique qui serait représentative d’une culture guyanaise ? Le

contexte historique, culturel et sociologique de la Guyane rend difficilement limpide la

caractérisation de ses musiques traditionnelles. Et d’ailleurs qu’entend-on réellement par

« musiques traditionnelles » ?

A la rubrique des musiques de la Guyane française du New Grove Encyclopedia,

Jean-Michel BEAUDET55 distingue les musiques du département en trois groupes

culturels distincts : les Amérindiens, les Créoles et les Noirs Marrons. Pour la

musique créole, il la subdivise en deux larges catégories : D’un côté la musique

folklorique (« folkloric music ») constituée de danses accompagnées par le chant et

menée par des ensembles tambourinaires qui jouent des rythmes d’inspiration africaine,

telles les gragé, lérol, kamougué, kaseko ; De l’autre, la musique caractéristique des

créoles (« typical music »), musique à danser avec des origines européennes plus

prononcées mais ayant subi des modifications locales, jouée par des groupes composés

d’instruments divers suivant les époques et les classes sociales. On y retrouve entre

autres les mazurkas, valses, biguines, merengues...

55 BEAUDET, Jean-Michel, « French Guyana », in The New Grove encyclopedia, année ??,pp.230-233.

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L’ethnomusicologue ne mentionne pas l’expression « musiques traditionnelles » dans

son article. Il distingue néanmoins trois groupes culturels majeurs pour illustrer ce que

l’on pourrait appeler la culture musicale guyanaise.

Pour aborder la question de la diffusion des musiques traditionnelles de Guyane, nous

avons voulu en premier lieu savoir quelles représentations se faisaient les opérateurs

radiophoniques guyanais de ces musiques ? Avaient-ils la même approche que Jean-

Michel BEAUDET ? Quelles étaient leurs politiques de programmation ?

Sur l’ensemble des réponses obtenues, seuls trois opérateurs ont spécifié les musiques

amérindiennes, businenges et créoles comme constituantes des musiques traditionnelles

guyanaises. Les trois quarts d’entre eux ne citent que la musique folklorique créole

comme constituante de la musique traditionnelle guyanaise. Le Kaseko a été le plus

communément évoqué. Certains d’entre eux y intègrent les Lérol, Kamougué, Gragé,

voire les « musiques carnavalesques » ou encore le Zouk. Un opérateur nous faisait

remarquer à cet effet que « la vision créole de la Guyane est assez restrictive. »

Pour leurs diffusions, ils n’appliquent pas une politique extrêmement volontariste. Elles

sont inexistantes des programmes des radios confessionnelles (sauf peut-être

exceptionnellement sur la radio catholique Radio Saint Gabriel). Elles ne correspondent

pas à l’objectif fixé par ces radios comme nous le confiait l’opérateur de Radio Voix

dans Le Désert, radio évangélique de Cayenne : « Les musiques traditionnelles en

Guyane sont plutôt tournées vers la vie rurale. Ce qui ne correspond pas trop à notre

message. »

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Les autres stations diffusent à doses homéopathiques certains titres de musique créole.

Les musiques businenges ne sont diffusées que sur de rares stations et presque

exclusivement lors d’émissions thématiques. Quant aux musiques amérindiennes, il n’y

a, à notre connaissance, que deux stations susceptibles d’en passer lors d’émissions

thématiques hebdomadaires : Radio Vinyle à Kourou et Radio Ouasailles à Mana.

Certaines stations comme Radio Mozaïque et Radio Média Tropique préfèrent consacrer

des émissions hebdomadaires à l’intention de leur communauté cible : de la « musique

vaudoo » pour la radio haïtienne Radio Mozaïque et de la « musique traditionnelle

antillaise » pour la radio antillaise Radio Media Tropique.

Il faut dire, à la décharge des stations, que la production discographique des musiques

traditionnelles n’est pas forte. Et une musique pour être diffusée sur les ondes se doit

d’être enregistrée. Monsieur Kouyouri, animateur Kali’na de l’émission hebdomadaire

consacrée à la culture amérindienne sur Radio Vinyle, nous expliquait son désarroi

devant le manque de productions discographiques en musiques amérindiennes et sa

difficulté à construire un programme musical. Il en est de même pour les musiques

businenges et les musiques folkloriques créoles.

La seule musique représentative de la Guyane qui est diffusée abondamment sur la

majorité des ondes guyanaises (à l’exception des radios confessionnelles et de une ou

deux autres stations), c’est la musique de carnaval (encore appelée « musique

carnavalesque »). Musique traditionnelle ou non (les styles musicaux de son répertoire

sont originaires d’Europe, en général des mazurkas ou des valses), on peut néanmoins la

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considérer comme typiquement guyanaise, ne serait-ce que par les textes des chansons

qui abordent des thèmes liés au réputé carnaval.

La production discographique de ces musiques jouées dans les dancings du département

pendant le carnaval, est sans conteste la plus abondante de Guyane. De véritables

vedettes locales ont émergé, tels les groupes Les Mécènes ou les Blue Stars. Pendant la

période de carnaval, et uniquement cette période (ce qui fait débat auprès des médias

locaux56), les radios bouleversent totalement leurs programmations musicales avec, en

sus des émissions spéciales consacrées à l’événement, des taux de représentation

dépassant les 50 % de la totalité des titres diffusés. A l’instar de toute la société

guyanaise57, la période de carnaval devient le phénomène musical incontournable.

D.4 Production discographique des musiques guyanaises

Mis à part les musiques carnavalesques qui représentent le gros de la production

discographique en Guyane (la plupart des artistes s’auto produisant nous confiait

Monsieur NOGARA, disquaire à Cayenne), les autres musiques à tradition guyanaise

(créoles, businenges et améridiennes) sont pratiquement inexistantes des étals des

disquaires. L’un d’eux nous a même affirmé qu’il n’en existait pas. Pourtant un disque

de musique kali’na se trouvait dans son magasin… A la rubrique « musique du monde »

et pas à la rubrique « musique locale ».

56 Voir à ce sujet le chapitre E3.57 Le quotidien d’information de la Guyane » France Guyane, consacre la moitié de ces pages locales aucarnaval, de même pour l’hebdomadaire La semaine guyanaise ; La télévision locale donne un large échoà l’événement ; Les vitrines des commerces sont aux couleurs du carnaval ; Les discussions quotidiennestournent autour de ce rassemblement populaire annuel…

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A Saint-Laurent-du-Maroni, on peut trouver des copies de disques de musique

businenge sur le marché, mais aucune trace de ces musiques chez le disquaire. Le seul

disquaire à se distinguer, c’est « Musique-Music » à Cayenne. On ne trouve pas quantité

d’opus mais toutes les musiques ont le mérite d’être représentées. Nous fûmes toutefois

étonnés de trouver les musiques wayãpi, kali’na ou wayana classées dans « musiques du

monde- Amérique du sud » et pas « Guyane ».

Le reste de la production discographique locale est en grande partie Zouk, puis Reggae.

Une distinction régionale semble exister sur la répartition de ces productions. Sur

Cayenne le Zouk est dominant tandis les artistes de l’Ouest guyanais préfèrent le

Reggae. Un responsable de station nous expliquait que leur préférence serait liée au fait

« que c’est une musique plus facile à jouer. » Quoiqu’il en soit, cette distinction

culturelle entre l’ouest et l’est du département n’est pas singulière à la musique.

Monsieur Gontrand, le directeur de radio UDL à Saint-Laurent-du-Maroni, nous

transmettait son ressentiment ainsi : « On aimerait que l’Ouest soit un peu plus écouté

de l’autre côté. On aimerait que ça change un peu. Dans l’Ouest, on a l’impression

d’être oublié. Les marchandises circulent de l’Est vers l’Ouest, il n’y a que les

personnes qui font le sens inverse. »

La production discographique souffre des mêmes carences que les produits

manufacturés communs en Guyane. Mickaël CHRISTOPHE qui produit des artistes de

l’ouest guyanais, en est conscient : « Beaucoup de production musicale, peu de public.»

De plus en plus d’artistes locaux décident donc d’interpréter sur un même disque, un

Zouk love, un Compas, un R&B, un Reggae pour essayer de toucher un large auditoire.

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Comme la démarche discographique est une démarche commerciale, certains musiciens

sont prêts à opérer des syncrétismes dans l’espoir d’une meilleure accessibilité aux

médias. Monsieur Kouyouri n’écartait pas l’idée pour les Kali’na : « On est ouvert à ce

genre de chose pour être plus moderne. Le fait de devenir commercial n’est pas en

contradiction avec notre façon de penser. C’est une façon d’être autonome. Avoir de

l’argent, évite d’en demander. »

D.5 Conclusion de la 4ème partie

La musique très présente dans l’univers urbain guyanais, paraît également

incontournable, et même majeure, dans les programmes radiophoniques du département.

Elle occupe deux rôles principaux suivant les stations : La plus commune est la musique

comme source de divertissement ; Néanmoins certaines radios (confessionnelles pour la

majorité d’entre elles) utilisent la musique, et principalement les paroles des chansons,

pour diffuser le message correspondant au courant intellectuel auquel elles adhèrent.

Elle peut aussi servir de marqueur culturel et cibler plus particulièrement une

communauté culturelle précise : Radio Media Tropique qui vise la communauté

antillaise, Radio Mozaïque la communauté haïtienne. Ou à l’inverse, essayer de toucher

un large éventail d’auditeurs : Radio Loisirs qui, avec sa programmation axée sur la

variété internationale, espère bien plaire à un maximum d’auditeurs d’horizons

différents.

La règle, qui semble prévaloir pour la majorité des stations, est la diffusion de succès

commerciaux : les « tubes ». Celles-ci se tournent donc plus facilement vers les jeunes

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auditeurs qui représentent la part la plus importante de la population guyanaise et

certainement aussi les plus gros consommateurs de musique. Un lien s’instaure alors

avec les programmations des boîtes de nuit ou celles des émissions de télévision

destinées aux jeunes publics (Pop star, Star Academy, et les chaînes MCM, Bet TV). Le

succès du R&B en Guyane (phénomène qui n’est pas unique au département) semble

principalement dû à l’émergence des médias américains via la télévision satellite. Mais

dans ce cas pourquoi le R&B et pas le Rock ? Nos hypothèses sont multiples et

mériteraient une étude à elle seule : D’abord parce que c’est une musique qui se danse

(les liens existant entre les programmations des radios guyanaises et les boîtes de

nuit n’y sont pas étrangers) ; Ensuite les thèmes abordés par cette musique (« fondu de

ritournelles parlant d’amour toujours »58) sont proches du Zouk ; Enfin peut-être une

identification à la culture noire américaine où le R&B (après la Soul et le Rythm and

Blues des années 60) fait office de représentant.

La variété française diffusée sur les ondes guyanaises (qui ne représente que 10 % des

musiques diffusées59 si l’on excepte Radio Nostalgie) suit la même règle d’inspiration :

La télévision, française cette fois.

Le Zouk reste toutefois le style musical le plus diffusé par les stations guyanaises.

Comme pour le Reggae et le Raggamuffin (qui trouvent aussi un écho auprès des jeunes

du département plus particulièrement à l’ouest du département), ce sont les liens

58 Citation d’un journaliste de France télévision qui définissait cette musique de la sorte (France3, journaldu 19/20 le 02/11/03)59 Pour les modalités de calculs voir en annexe 5

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historiques et (ou) géographiques qui semblent être la principale cause de ces

préférences : Antilles pour le Zouk et Suriname pour le Reggae.

Les musiques traditionnelles ne font pas l’objet d’un intérêt particulier de la part des

radios. Et à vrai dire, peu ont conscience de la richesse musicale du département. Les

lois du marché en matière de production discographique n’aide pas à promotionner ces

musiques. Même la musique de carnaval, qui représente la part la plus importante de la

création discographique du département, souffre d’une carence en terme d’acheteurs

potentiels : Nombre de disques sont auto produits et il n’est pas rare de voir les artistes

sur les marchés du département pour essayer de vendre leurs disques.

Les musiques traditionnelles ne sont pas les seules à être diffusées avec parcimonie. Il y

a également une désaffection presque totale des radios pour la musique classique : Seule

Radio Saint Gabriel, la radio catholique du département, en diffuse. Le Jazz n’est pas

vraiment à meilleure école : Mis à part le rendez-vous quotidien sur RFO entre 23h et

24h, il n’y a que peu de possibilité d’écouter ce type de musique.

Notons enfin une particularité qui démontre combien les radios font partie prenante de la

société dans laquelle elles officient : La règle tacite, suivie par de nombreuses stations, à

ne diffuser en début d’après midi que des titres aux tempos lents pour être en harmonie

avec la période de la sieste. C’est d’ailleurs à cette heure que sont diffusées le plus de

variétés françaises qui, contrairement au Zouk ou au R&B, ne sont pas formellement

assimilables à la danse.

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5ème partie : Deux méthodes de programmation musicale

Dans ce chapitre nous aborderons plus précisément le travail de deux programmateurs.

D’un côté Sonny , un des programmateurs de RFO, la radio de service public ; de l’autre

Rudy, le programmateur de Radio Kikiwi, une radio associative de Cayenne qui allait

devenir KFM deux jours après notre rencontre.

Pour situer le contexte, nous rencontrions Sonny un mercredi matin, dans l’une des

nombreuses pièces qui constituent l’immense bâtiment flambant neuf de RFO. Cette

pièce, réservée à la programmation, était équipée de matériel informatique devant lequel

était assis Sonny, occupé à faire la programmation musicale d’émissions du week-end.

Pour Rudy, nous le rencontrions un samedi matin dans les locaux de Radio Kikiwi

constitués de deux pièces d’environ 15m2 chacune. Accompagné de Jean-Emile, le futur

animateur de KFM, il faisait fer à souder à la main les derniers préparatifs techniques

pour la prise d’antenne du lundi suivant.

Sonny était animateur de radio associative, quand il fût recruté par RFO. Depuis

quelques années, il cumulait les fonctions de programmateur et d’animateur.

Quand à Rudy il travaillait à feue Radio Caraïbes International (R.C.I.) de Cayenne, et à

sa fermeture il décida avec un de ses collègues, de se mettre à son compte. Ils montèrent

une société de sous-traitance radiophonique. Ils proposent en fait leurs services aux

radios désireuses d’améliorer leur fonctionnement. Quelques jours avant notre rencontre,

ils étaient allés à Mana pour informatiser la programmation musicale de Radio

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Ouassailles. Ils s’apprêtaient maintenant à redonner vie à Radio Kikiwi en améliorant

l’antenne : Nouvel habillage et émissions avec animation.

Les réflexions sur les méthodes de programmations sont essentiellement inspirées des

discussions avec ses deux personnes, discussions intégralement retranscrites en

annexe 660.

Les objectifs et les modes de fonctionnement de ces deux radios sont différents. Elles ne

peuvent toutefois, à elles seules, représenter l’ensemble des radios du département. En

effet, RFO est La radio de service public guyanaise avec des moyens considérables par

rapport aux nombreuses radios associatives. KFM, de son côté, a décidé de mettre les

moyens pour sa restructuration en engageant du personnel qualifié pour essayer de

« redynamiser » la station, comme le dit son directeur. Ceci reste une particularité dans

le monde des radios associatives.

60 Ces discussions ont été intégralement retranscrites dans le soucis de mieux préserver ce qui fût dit etpour mieux transmettre au lecteur les nuances du discours.

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Avant d’entrer dans le vif du sujet, il faut savoir qu’en matière de programmation

musicale, ces deux stations sont soumises (comme toutes les autres d’ailleurs) à des

règles strictes dictées par le CSA. Nous vous proposons de prendre connaissance de ces

règles, même si elles ne représentaient visiblement pas de gênes particulières à nos deux

interlocuteurs. Les différents responsables de stations rencontrés ne portaient pas plus

grief aux quotas en matière de programmation, contrairement aux quotas liés à la

publicité.

Quotas de chansons francophones à la radio

Aux termes de la loi du 30 septembre 1986 modifiée, les stations de radio sont tenues dediffuser une certaine proportion de chansons francophones.

L'article 28-2 bis de la loi est ainsi rédigé :

"La proportion substantielle d'œuvres musicales d'expression française ou interprétées dans une languerégionale en usage en France doit atteindre un minimum de 40 % de chansons d'expression française, dontla moitié au moins provenant de nouveaux talents ou de nouvelles productions, diffusées aux heuresd'écoute significative par chacun des services de radiodiffusion sonore autorisés par le Conseil supérieurde l'audiovisuel, pour la part de ses programmes composée de musique de variétés.

Par dérogation, le Conseil supérieur de l'audiovisuel peut autoriser, pour des formats spécifiques, lesproportions suivantes :

- soit, pour les radios spécialisées dans la mise en valeur du patrimoine musical, 60 % de titresfrancophones dont un pourcentage de nouvelles productions pouvant aller jusqu'à 10 % du total, avec auminimum un titre par heure en moyenne ;

- soit, pour les radios spécialisées dans la promotion de jeunes talents, 35 % de titres francophones dont25 % au moins du total provenant de nouveaux talents."

En application de ces dispositions, les stations ont choisi l'option qu'elles souhaitent appliquer. Ainsi, lesréseaux Fun Radio et Vibration, et la station lilloise Contact FM, ont choisi de diffuser 35 % de titresfrancophones dont 25 % du total provenant de nouveaux talents ; les radios Nostalgie et MFMprogramment, quant à elles, 60 % de titres francophones dont un pourcentage de nouvelles productionspouvant aller jusqu'à 10 % du total.

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Comme l’indique ce texte de loi61, le « minimum de 40 % de chansons d’expression

françaises » intègrent les titres interprétés dans les langues régionales. Aussi les Zouks

chantés dans l’un des créoles reconnus par l’état peuvent-ils contribuer à ces 40 %. Il en

est de même pour tout titre chanté en kali’na, par exemple, en respect de la chartre

européennes des langues minoritaires et régionales abordée dans le 2ème chapitre.

Mis à part cette contrainte, KFM peut gérer sa programmation comme elle l’entend,

tandis que RFO se doit, selon le cahier des charges défini entre l’état et la société de

radiodiffusion de service public, d’avoir une vocation généraliste et de cibler « toutes les

composantes du public ». Ce dernier point a des influences sur la programmation comme

nous le verrons ensuite.

E.1 Les logiciels de programmation et de diffusion

Les deux stations dont nous étudions les méthodes de programmation dans ce chapitre

possèdent des logiciels pour les assister à cette tâche. Pour RFO il s’agit du système

Music Hall développé par la société Netia, tandis que pour KFM il s’agit de Gate Radio

Pro (cette deuxième station de travail est sans doute la plus commune parmi les

différentes stations guyanaises qui utilisent la programmation assistée par ordinateur).

Dans les deux cas les musiques diffusées sont en format MPEG 3 (Motion Picture

Expert Group layer 3) plus communément appelé MP3. Il s’agit du format de

compression de données le plus utilisé pour la musique qui permet un gain de place

considérable quand on désire entrer une discothèque sur disque dur informatique. Pour

61 Texte contracté sur le site du CSA : www.csa.fr .

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donner une idée, lorsqu’un CD audio comporte en général 10 à 20 titres, un CDR de

même capacité peut comporter entre 160 et 200 titres en format MP3. Naturellement

cette compression altère quelque peu la qualité du signal, mais l’avantage de ce format

est dans sa capacité de donner un rendu à l’écoute très proche de l’original.

Les deux logiciels fonctionnent également selon les mêmes principes : les titres sont

classés selon certains paramètres qui permettront au logiciel, suivant la configuration

souhaitée, d’exécuter la fréquence de diffusion pour chaque titre.

E.2 La programmation de KFM

A l’époque de notre étude la banque de données de KFM comportait 1363 titres répartiscomme suit :

15 nouveautés zouk23 nouveautés internationales23 nouveautés françaises18 playlists zouk17 playlists internationales18 playlists françaises147 récurrents zouk280 récurrents internationaux152 récurrents français238 gold zouk256 gold internationaux176 gold français

A quoi correspond cette typologie ? En fait, outre les dénominations du nom de l’artiste,

du titre du morceau, de l’année de sa sortie, les musiques sont ordonnées selon deux

grandes classifications :

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Genres• Playlist (« gros tube que le public demande et redemande encore »)• Nouveauté (< 1 an)• Récurrent (1 an < > 2 ans) (« Tubes récents mais trop anciens pour être en

nouveauté »)• Gold (> 2 ans) (« tubes anciens, souvenir, mais attention sur KFM pas de tubes

antérieurs à 1990 »)

Catégories• International (« anglais ou français qui chante en anglais »)• Français (« titre chanté en français ou en créole »)• Zouk (« Zouk, musique brésilienne, Compas, Salsa »)

NB : un Zouk chanté en français sera classé en « Zouk » et non en français

A ces classifications sont ajoutées des desideratas de « rotation » :

Nombre de passage par jour (le chiffre indiqué correspondant au maximum souhaité)Minutage entre deux passages (le nombre de minutes indiqué correspondant aumaximum souhaité)

Le programmateur choisit donc la fréquence à laquelle les titres vont passer à l’antenne.

Plusieurs déductions évidentes ressortent de la composition de la discothèque de KFM et

de la classification adoptée par Rudy :

Premièrement, plus de la moitié des titres sont antérieurs à deux ans et les titres

les plus anciens ne vont pas au-delà des années 90. Ceci démontre la volonté de la

station de cibler les plus jeunes avec des musiques récentes.

Deuxièmement, malgré une relative équité entre les différents « genres » pour les

titres les plus récents, les chansons anglo-saxonnes représentent plus de 40 % de la

totalité des titres. Cela ne démontre aucune suprématie quant à la diffusion mais une

assise indéniable de la musique anglo-saxonne en Guyane. En tous cas chez les jeunes

puisque qu’ils sont la cible de la station.

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Troisièmement, la classification « Zouk » regroupe naturellement le Zouk, mais

également la musique afro-cubaine, la musique brésilienne et haïtienne. Deux éléments

peuvent être déduits de ce regroupement : une certaine considération géographique de la

Guyane, expliquée de la sorte par Rudy : « On fait partie de la Caraïbe même si on est

situé en Amérique du sud. On est baigné par les Antilles et par le Zouk » ; Ainsi qu’une

certaine reconnaissance de la diversité culturelle de la Guyane : « On est aussi un pays

pluriethnique, il y a beaucoup de Brésiliens, beaucoup d’Haïtiens, beaucoup de

Surinamais. Il y a aussi des Cubains, des Dominicains… Donc il faut que tout ce petit

monde retrouve ses tubes. »

Une question s’impose toutefois. Le Reggae est représentatif de la Jamaïque qui

fait partie des Grandes Antilles, comme Cuba ou Haïti. Alors pourquoi le Reggae est

classé en « International » (ou « Français » s’il est chanté en français), alors qu’un Zouk

chanté en Français est classé en « Zouk » ?

Quoiqu’il en soit c’est à partir de cette trame que Rudy effectue son « canevas »

musical. Il a mis au point un type de programmation pour la journée (06h-19h) et un

autre pour la nuit.Sa technique de programmation, inspirée de celle de Patrick

FALEDAM l’ancien directeur de R.C.I., se résume ainsi : 1/3 « International », 1/3

« Français », 1/3 « Zouk ». La nuit est plus axée sur les titres anciens (« C’est reposant

la nuit d’avoir des petits souvenirs »), alors que la journée la radio « bombarde » des

nouveautés (« 80 %, mais attention des tubes, des nouveautés qui cartonnent »).

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« Tubes » est certainement le mot qui est le plus souvent revenu lors de notre

conversation. Pour Rudy, il est hors de question de passer des titres qui ne sont pas des

succès commerciaux. D’ailleurs, un nom existe pour ces musiques : Ce sont des

« dachines »62.

Pour être sûr de suivre la « tendance » du moment, un travail de recherche s’impose :

Pour la variété française, il s’inspire des classements des radios de métropole qui ciblent

les jeunes (NRJ, Fun radio, Skyrock). Il y a aussi le « Top 50 » et « Hit Machine »,

classements des meilleures ventes de disques en France fait par les chaînes de télévision

MCM et M6 (« les titres qui marchent en métropole marchent aussi ici »).

Ces mêmes classements pourraient être utilisés pour la variété internationale, mais la

France a un retard de « 2 ou 3 mois » sur les U.S.A. ; Rudy s’inspire alors des

classements des chaînes de télévision américaines diffusées sur le câble ou encore

consulte le classement des meilleures ventes aux U.S.A., le Billboard63. Pour Rudy, la

radio doit être « d’avant-garde » : il doit percevoir ce qui a du succès aux U.S.A. et s’il

le diffuse avant les autres médias, le pari est gagné.

Pour la musique brésilienne et la musique latino, même chose : il regarde les

classements concernés comme celui de la chaîne brésilienne TV Globo.

Pour le Zouk, outre les contacts avec les maisons de disques, il y a les boîtes de nuit :

« Le Zouk, comment tu sais si ça fonctionne bien ? Grâce aux boîtes de nuit. »

62 La dachine est une légumineuse dont on mange le tubercule en Guyane. Le mot « dachine » est ici, ànotre humble avis, utilisé comme le mot « navet » pour les films qui n’ont pas de succès.63 le classement est disponible via internet à l’adresse www.billboard.com

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La production locale ? Seuls les succès commerciaux auront la possibilité d’être

diffusés.

En Guyane le nombre d’auditeurs n’est pas suffisamment important pour influencer les

ventes de disques d’artistes nationaux ou internationaux. Rudy se doit donc de suivre

« la tendance ». Il utilise pour cela les médias télévisuels ou internet. Pour lui, les jeunes

cherchent à retrouver ce qu’ils voient à la télé.

Une fois la tendance repérée, à l’époque le R&B et le Two step (« mélange de R&B et de

Soul »), il ne lui reste plus qu’à soumettre les titres « qui cartonnent » en métropole ou

ailleurs à l’appréciation de ses auditeurs. La radio leur propose de voter pour leurs titres

préférés et suit leur choix : « Le public veut ça, tu lui donnes. » Pas question d’aller à

l’encontre des goûts du public.

Enfin il procède à ce qu’il appelle l’ « endoctrinement » : Le but est de passer les titres

les plus en vogue régulièrement sur l’antenne (une fois par heure), de manière à ce qu’ils

ne puissent échapper à l’écoute. Ils doivent devenir rapidement familier à l’auditeur.

S’ils n’apprécient pas une chanson au départ, le « matraquage » doit briser cette

réticence. Pour cela les titres classés en « playlist », qui représentent les « gros tubes »

du moment, ne doivent pas être trop nombreux. Sinon Gate Radio Pro qui les diffuse,

l’un après l’autre, ne peut satisfaire la volonté d’un passage par heure.

En suivant les méthodes utilisés par les radios jeunes de métropole, Rudy estime sa radio

plus professionnelle que les autres radios associatives de Guyane et espère bien

concurrencer certaines d’entre elles. Et pourquoi pas Nostalgie ? Il ne se fait pas

d’illusions quant à une concurrence sérieuse à la radio de service public, même s’il

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considère que RFO ne peut faire une bonne programmation musicale puisqu’elle est

tenue de contenter toutes les composantes de la société guyanaise et que « son rôle est

de passer de la musique locale. »

E.3 La programmation de RFO Guyane

La station de service public dispose de deux programmateurs pour la partie musicale de

ses programmes. Il y a Marc Makaia surnommé « Sonny » et Fabrice Juste dont le

surnom est « Cheick ». Tous deux sont également animateurs : Sonny d’une émission

quotidienne (« Soirée Privée » de 20h à 22h du lundi au vendredi) et Cheick d’une

émission hebdomadaire (« Underground » le samedi de 20h à 22h). Ce dernier en

vacances lors de notre passage était remplacé par Hervé. Avant de rencontrer Sonny

pour qu’il nous explique sa méthode de programmation, c’est Hervé qui nous initia au

logiciel développé par Netia. Les critères de classification sont les suivants :

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• Titre• Auteur compositeur• Editeur• Année de parution• N° de plage• Référence

Fiche artistique• Groupes : Antilles ; Guyane ; Caraïbes ; Latin ; National ; International• Sous-groupes : Zouk ; Reggae ; Ragga ; Variété ; Soca-Jump up ; R&B-Soul ;

Instrumentaux ; Jazz-Classique ; Tradition ; Kompa ; Fêtes des mères-des pères ;Rap ; Musique du fleuve ; Autres

Temporalité• Nouveauté (< 4 mois)• Récurrent (4 mois < > 10 ans)• Gold (> 10 ans)• Noël• Carnaval

Tempo• Lent (« slow »)• Medium (« Zouk Love »)• Rapide (« Carnaval, jump up »)

Mood• Triste• Gai• Neutre

Origine• International• National• Antilles• Guyane

Live• Fort• Moyen• Faible• Tube

LangueDate de mise à jourRotation (nombre de passages minimums et maximums, en jours et heures)

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Nous n’avons malheureusement pas le détail pour chacune des catégories mais à

l’époque de notre visite, la banque de données comportait 6394 titres dont 591 classés

dans le groupe « Guyane » soit près de 10 % de la totalité des titres.

A RFO, chaque émission possède une grille spécifique de programmation musicale

élaborée par rapport à l’heure de diffusion et la thématique développée : Par exemple,

l’émission « Solfège » du début d’après-midi (14h30-16h) destinée à accompagner la

sieste, comportera des morceaux lents. Les Zouks, Kompas et autres R&B jugés trop

dansants en sont écartés ; Autre exemple, l’émission « Soirée Privée » plutôt destinée

aux jeunes comportera plus de nouveautés ; Ou encore certains titres jugés trop joyeux

ou trop tristes écoperont d’une interdiction de diffusion avant et après la rubrique

réservée aux avis de décès…

Un programmateur dispose de cinq heures pour faire la programmation musicale d’une

journée. En fait comme certains animateurs gèrent eux-mêmes la programmation de leur

émission, il leur reste sept heures à programmer (pour une journée de la semaine), plus

les émissions sans animation comme « solfège » de 14h30 à 16h et les émissions de nuit

(de 22h à 05h). Comme nous l’expliqua Sonny, cinq heures seraient suffisantes s’il n’y

avait qu’à vérifier ce qu’a mis en œuvre l’ordinateur. Mais « les critères de sélection

sont tellement compliqués » que sur certaines émissions il est obligé de modifier « 80 %

de la programmation. »

Alors pourquoi la machine ne réussit-elle pas, selon Sonny, à répondre aux besoins qui

lui sont demandés ? Voici l’interprétation de Sonny.

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Tout d’abord le logiciel ne met pas à jour automatiquement les données. Cela nécessite

l’intervention humaine. Visiblement ce n’est pas toujours le cas puisque lors de notre

entretien un titre sorti deux ans auparavant était toujours classé en « Nouveauté »,

catégorie réservée aux titres de moins de quatre mois.

Ensuite les critères trop précis entrés dans la machine font que celle-ci manque de

souplesse. Sonny cite l’exemple d’un « National » (musique française), Récurrent

(4 mois < > 10 ans), « Medium » (tempo moyen) d’une durée minimum de quatre

minutes. Pour lui, même si le logiciel trouve un titre ayant les propriétés recherchées il

n’est pas sûr qu’il convienne harmonieusement à l’émission.

Enfin une machine reste une machine et elle ne peut appliquer ce que Sonny essaie de

transmettre quand il fait une programmation.

D’abord faire plaisir aux auditeurs est son principal credo. Il lui faut toujours avoir en

tête quels peuvent être les auditeurs qui écoutent en fonction de l’heure et du type

d’émission (« on est censé savoir qui écoute la radio, ce que veulent les gens. ») Il

s’identifie à cet auditeur alpha et se pose la question « Est-ce que j’ai vraiment envie

d’écouter ça ? » C’est donc une opération de séduction de l’auditeur, mais aussi de

l’animateur. Il doit y avoir complicité entre le programmateur et l’animateur. Sonny

cherche à connaître la sensibilité de chacun, pour adapter au mieux sa programmation.

Favoriser la bonne humeur entre les animateurs au passage d’antenne fait aussi partie

des choses que l’auditeur apprécie selon Sonny.

Ce qui est plus important selon lui pour mener à bien cette tâche ce sont une grosse base

de données et une solide culture musicale.

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Concrètement, cela se traduit comment ?

Au moment de notre rencontre, Sonny terminait la programmation du dimanche

suivant. Il en était à la dernière demi-heure de l’émission du matin (5h30-9h) qui

comporte beaucoup de rendez-vous sous formes de rubriques et d’information. En

discutant avec l’animateur, ils avaient décidé de rendre plus dynamique la

programmation musicale de la seconde partie de l’émission. Sonny reprend donc tous les

titres proposés par la machine. Deux critères principaux retiennent son attention : Les

choix se font « en fonction que c’est un tube et en fonction du rythme. » Dans cette

dernière demi-heure, il va donc chercher des tubes, des titres que « tout le monde

connaît », qui donnent envie de fredonner. Cela se traduira par, dans l’ordre, une

nouveauté française, une nouveauté internationale, une nouveauté africaine et un

standard international.

Pour les hits internationaux, il s’inspire du Billboard américain et des chaînes de

télévision américaines.

Pour la seconde émission qui traite de l’actualité en Guyane (« Toute la Guyane

en parle » de 10h à 11h) et où seulement quatre titres seront diffusés durant l’heure,

même principe : « Il faut vraiment des choses que tout le monde connaît. » Ses choix

portèrent sur une nouveauté française, un international, un guyanais et une nouveauté

brésilienne.

Attardons-nous un instant sur le titre guyanais. La règle à RFO est de passer un à deux

titres de production locale par heure. En effet, ils essaient d’être partenaire des

productions locales. Il faut dire qu’en temps que radio de service public leader en

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Guyane, la pression est forte. Surtout pendant la période de carnaval où la musique

jouent un rôle important dans les différents dancings. La musique de carnaval est la

première production discographique du département, alors « pendant le carnaval, le

téléphone sonnait toutes les cinq minutes » chez les programmateurs. Sonny estime qu’il

y a trop de disques de carnaval à cette période et qu’en temps que radio généraliste, RFO

« ne peut mettre que du carnaval. » Il comprend mal d’ailleurs que nombre d’artistes

guyanais ne sortent un disque que pour le carnaval.

Un débat fait rage au sein des médias radiophoniques guyanais : Ne faudrait-il pas

diffuser ces musiques en dehors de la période de carnaval ? Jusqu’à présent, le sujet était

tabou. La musique de carnaval ne devait être diffusée qu’à cette période64. Comme pour

l’interdiction de sortir s’amuser pendant la période de carême, certains voient une

incongruité vis-à-vis de la religion si ces règles ne sont pas respectées.

Des responsables de radio locales, favorables à la diffusion hors période, arguent le fait

que peu de personnes se posent ce genre de questions avec les musiques carnavalesques

en provenance du Brésil ou de Trinidad. En tous cas, le débat est ouvert et l’affaire est à

suivre… Sonny aussi a des principes quant à la diffusion de ces musiques. Par exemple,

il ne programme pas de musiques de carnaval durant l’heure de la sieste. Il s’interdit

aussi de programmer ces musiques le lundi. Les gens font la fête du mercredi au

dimanche et pour lui, s’il s’autorisait à en diffuser le lundi ce serait comme relancer la

machine festive. Il estime qu’il a une responsabilité vis à vis de la société et qu’il y

aurait une sorte d’indécence de sa part. « On se faisait pratiquement lyncher par les

64 Le carnaval de Guyane commence après l’épiphanie pour se terminer le mercredi des Cendres.

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producteurs. Ils m’ont appelé, ils m’ont harcelé. Je leur ai dit « non, je suis désolé. Le

lundi je n’en passe pas du tout. »

La troisième émission « Service compris » (13h-14h30) est une émission où le

contenu du point de vue de l’animation se résume à la lecture de communiqués. Sonny

décida donc de ne pas s’impliquer dans la programmation concoctée par l’ordinateur. Il

changea toutefois le titre de Gainsbourg « je t’aime, moi non plus » placé avant les avis

de décès. Il programma également des titres plus rythmés en fin d’émission car la

tranche suivante « Solfège » est exclusivement réservée aux titres à tempo lent : Un gold

Zouk (« les gens dès que je le passe, ils adorent »), Bob Marley (« c’est clair que ça, ça

passera tout le temps, à n’importe quelle heure »), une nouveauté Zouk (parce qu’après

il n’y aura « pas de Zouk pendant pratiquement trois heures »).

Pour les émissions non accompagnées, Sonny vérifia seulement les éventuels

manque d’incohérence. Cette phase de vérification se fit très rapidement. Les

enchaînements des titres du programme de nuit étaient fait au regard des formes d’ondes

sur son écran d’ordinateur, sans écouter le rendu sonore (« je sais à peu près, je ne vais

pas l’écouter. C’est là par contre où on doit aller vite. »)

Pour son émission du soir, là aussi la programmation s’est faite rapidement sans

l’aide du logiciel. On sentait qu’il maîtrisait bien son émission (« je sais déjà ce que je

vais passer »). Son émission cible les « 13-40 ans » alors il ne diffuse pratiquement

« que des tubes » de l’année. Sa programmation était construite comme suit : Un R&B,

deux « Antilles » (« compas ou zouk »), un Ragga, un national, un Zouk (« mais en

Guyane cette fois »), un « Antilles » (« un tube mais un gold »), un « Antilles ». Pour les

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nouveautés « Antilles », il tire l’inspiration de son expérience de Dj. Enfin il composa

son hit international (diffusé tous les soirs de 20h45 à 21h), élaboré à partir du Billboard

et des clips des chaînes de télévision BET TV et MCM (« c’est un hit inter, c’est que du

R&B »).

E.4 Conclusion de la 5ème partie

Les deux programmateurs ont une vision différente de leur travail avec toutefois certains

points convergents. Commençons par ce qui les distingue :

Tout d’abord, les moyens de KFM et de RFO ne sont pas comparables. Ne serait-ce que

du point de vue des locaux, du matériel, des moyens humains : Deux personnes pour

faire fonctionner KFM et quarante six pour RFO ; Une discothèque pratiquement cinq

fois plus importante pour RFO que pour KFM.

Les fonctions des deux programmateurs sont multiples mais différentes : Rudy fait

office de programmateur, de technicien, mais aussi de technicien de maintenance ;

Sonny a la fonction de programmateur et d’animateur.

Au niveau de la programmation, la technique de Rudy est relativement simple : « 1/3

Zouk, 1/3 Français, 1/3 International. » En fait il serait préférable de dire 1/3 Français,

1/3 Anglosaxons, 1/3 musiques des Antilles et de l’Amérique du sud avec une

dominante Zouk.

Sa deuxième obsession, ce sont les « tubes » : Les titres diffusés doivent être ou avoir

été des succès commerciaux. Comme la station s’adresse principalement aux jeunes,

priorité est faite aux titres récents. La programmation se décompose en deux partie : De

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06h à 24h (période où le nombre d’auditeurs est censé être plus important) la diffusion

se concentre sur les nouveautés ; Et une plus grande place aux titres anciens pour la nuit.

Autre particularité de sa méthode de programmation, le « matraquage » : Les titres les

plus récents doivent passer à l’antenne le plus souvent possible (jusque 7 fois dans la

journée) de manière à fixer la musique dans l’esprit de l’auditeur. C’est ce qu’il appelle

« l’endoctrinement ».

Enfin, la production locale est traitée de la même façon que les autres musiques : Si c’est

un tube ça passe ; Sinon c’est une « dachine », aucune chance de diffusion.

Pour Sonny, la programmation évolue suivant les heures de la journée mais aussi par

rapport au type d’émission. La musique fait partie prenante d’une émission et doit être

en harmonie. On remarque qu’il met une attention plus particulière aux programmations

d’émissions avec animateur : « Il faut que lui aussi se retrouve dans la musique qu’on va

lui proposer. » Mais avant tout, il lui faut s’identifier à l’auditeur type de chaque

émission : « C’est la question que je me pose. Je suis chez moi, qu’est-ce que j’ai envie

d’écouter à cette heure ci ? » C’est ici la véritable divergence avec KFM : KFM cible

plus particulièrement une catégorie de la population (les jeunes), tandis que RFO en tant

que radio généraliste, cherche à cibler tous les publics : Ils ont une émission à

destination des créolophones le matin, une autre à destination de la gente féminine, une

programmation spécifique pour l’heure de la sieste, l’émission de Sonny qui cible plutôt

les jeunes… Il suffit de regarder les critères concernant la base de données du logiciel de

diffusion pour se rendre compte qu’il y a une recherche de précision dans la

programmation : Là où les musiques sont divisées en trois catégories chez KFM, RFO

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les subdivise en 6 groupes et 14 sous groupes. Pourtant Sonny estime qu’une

programmation assistée par ordinateur manque de souplesse et que rien ne vaut la

sensibilité d’un programmateur avec une solide culture musicale.

Contrairement à Rudy, il essaie aussi de ne pas diffuser le même titre deux jours de suite

dans la même émission et évite de diffuser le même titre trop souvent.

Enfin, même si ce n’est par un choix délibéré il passe une production locale toutes les

heures, mission de service public oblige.

Néanmoins, ces divergences mises à part, le discours des deux programmateurs sur les

titres qu’ils diffusent semble très proche. Sonny affirme que « le plus important pour la

programmation, [ce] n’est pas que ce soit un tube ». Les termes utilisés lors de ses

recherches restent toutefois équivoques : « un gros tube », « une grosse nouveauté »,

« qui tourne bien en ce moment », « un bon gros Gold », « des choses que tout le

monde connaît »… Le discours de Rudy n’est pas très différent : « gros tube que le

public demande et redemande », « tendance du moment », « cartonne bien en ce

moment », « gros tube »… Ils ont également les mêmes sources d’inspiration : Le

Billboard, BET TV, MCM et les boîtes de nuit.

De fortes ressemblances sont aussi visibles dans la typologie utilisée par les deux

logiciels : les termes « nouveauté », « récurrent » et « gold » sont utilisés dans les deux

systèmes pour indiquer le taux d’ancienneté du titre. Ceux-ci fonctionnent également

tous les deux avec des critères de « rotation » qui déterminent la fréquence de passage

des titres sur l’antenne.

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Il n’est bien sûr pas question de démontrer que KFM et RFO font la même chose. Cela

serait totalement erroné. Néanmoins on peut distinguer une vision de la musique qui est

proche. Il suffit pour cela d’écouter « Soirée privée », l’émission de Sonny qui cible les

mêmes auditeurs que KFM pour en être convaincu : Dans le CD encarté, nous avons mis

à la suite un extrait d’émission de Sonny et le début de la première émission de KFM.

En se concentrant sur la programmation musicale, nous pourrons constater de

nombreuses similitudes quant aux musiques diffusées et leurs taux de représentation.

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CONCLUSION

Le premier constat que nous inspire cette étude c’est la vitalité du paysage

radiophonique guyanais. Le nombre total de radios n’a rien d’exceptionnel par rapport à

la moyenne nationale, il y en a 24. De nombreux départements en France métropolitaine

en ont un nombre équivalent, voire supérieur, sur leur territoire. Le plus étonnant, c’est

que plus de 80 % de ces stations soient des radios associatives. Curieusement ce

phénomène se retrouve également dans les autres départements d’Outre mer (67 % pour

la Guadeloupe, 74 % pour la Martinique, au moins 70 % pour la Réunion). Pourquoi ?

La première raison est le manque d’ambition de l’état français en matière d’offre

radiophonique de service public pour les départements d’Outre mer. La Guyane est

toutefois l’un des départements d’Outre mer les mieux distribués avec la diffusion des

programmes de trois chaînes radiophoniques publiques (RFO Guyane, RFI, France

Inter). A titre de comparaison les départements de France métropolitaine disposent de

cinq à sept chaînes publiques.

Plus encore, le désintérêt presque total des groupes radiophoniques privés : En 2003, une

seule radio commerciale privée en Guyane, Nostalgie (peut-être bientôt une deuxième).

Où sont passées les grosses radios telles RTL ou Europe 1 qui arrosent toute la France

métropolitaine ?

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La désaffection des groupes radiophoniques puissants a des raisons multiples :

En premier lieu, la France « éprouve une difficulté à se situer face à ces collectivités »65

lointaines. La totale reconnaissance de ces départements au sein de la société française

n’est pas encore aboutie, surtout en matière de communication de masse. Il suffirait de

comptabiliser le temps accordé à ces départements dans les journaux d’actualité

nationale pour le démontrer.

En second lieu, l’environnement écologique de la Guyane est ingrat pour la diffusion par

voie hertzienne des ondes radiophoniques. La forêt absorbe ces dernières et une

diffusion large sur le département coûte cher.

Enfin la Guyane n’est pas un département fortement peuplé. Les enjeux ne sont pas très

intéressant pour les radios. Le nombre d’auditeurs ne pourra jamais être conséquent et

les perspectives économiques liées à la publicité (pour les radios privées)

proportionnellement faibles.

C’est certainement ce manque de perspectives économiques qui est à l’origine du

fleurissement des radios associatives. La vocation sociale de ces dernières a souvent été

mise en avant lors de nos rencontres avec les différents responsables des stations. La

Guyane est un département où les jeunes sont majoritaires et la radio peut constituer un

centre d’intérêt. Le responsable de Radio Ouassailles à Mana ne disait-il pas que les

jeunes du village n’avaient que le football et la radio. La radio peut également constituer

un projet professionnel dans un département où les industries se font rares.

65 WOLTON, Dominique, L’autre mondialisation, Paris, Flammarion, 2003, p.123.

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Toutefois les capacités économiques de ces stations sont souvent déficientes. « Elles

survivent » me confiait un opérateur. Les frais liés à la diffusion hertzienne sont élevés

et les radios qui n’ont pas anticipé ces dépenses avec des moyens complémentaires sont

souvent dans des situations difficiles. C’est pour cela que le bénévolat prévaut dans le

milieu associatif. C’est aussi une des principales raisons du désir de ces stations de

passer à la programmation assistée par ordinateur : Diffusion jour et nuit, diffusion

même en cas d’absence incontrôlée, vols de disques évités.

A côté des radios professionnelles dont une est à vocation généraliste (RFO) et l’autre

plutôt musicale (Nostalgie), ces vingt deux radios associatives proposent des

programmes qui s’orientent vers trois angles principaux : Les programmes délivrant des

messages (spirituels ou politiques), les programmes musicaux et les programmes plus

éclectiques s’inspirant du mode de fonctionnement de la radio de service public.

La notion de proximité est un argument qui revient souvent chez les responsables des

stations guyanaises. Ils sont d’ailleurs, pour la majorité d’entre eux, bien conscients du

contexte culturel dans lequel ils évoluent. Ils sont par contre divisés quand ils s’agit

d’évoquer ce qu’attendent les auditeurs. La diversité culturelle du département revêt de

l’importance à leurs yeux, mais bien souvent ils ne savent ou ne peuvent l’aborder

sereinement dans le cadre de leur activité radiophonique.

Certaines attentes d’auditeurs semblent pourtant claires :

La musique est le premier centre d’intérêt, surtout chez les plus jeunes. Or même s’il

existe de nombreuses émissions diffusant de la musique, il existe peu d’émissions

honorant véritablement la musique. Dans la plupart des cas, ce sont les succès

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commerciaux qui sont source d’inspiration principale. Pourtant Jean-Claude Ho Tin

Noe, un ancien collaborateur de RFO Guyane, ne disait-il pas que « dans toute culture

syncrétique, la musique est l’élément qui fédère le mieux et constitue un excellent

vecteur des langues régionales. »66 La diversité musicale fait partie des attentes les plus

référencées lors de nos enquêtes. Or les programmations reflètent le plus souvent ce que

les médias télévisuels où les boîtes de nuit diffusent. Ce qui est peut-être à regretter,

c’est que rares sont les radios à proposer des programmes pour les auditeurs, au sens

noble du mot. Les programmes réalisés sont souvent faits pour accompagner ces

derniers. La règle, qui paraît alors la plus suivie, est d’offrir à ces personnes ce qu’ils

veulent. C'est-à-dire ce qu’ils connaissent déjà avec d’autres médias. C’est souvent la

valeur distractive qui est mise en avant dans la musique diffusée et rarement la valeur

culturelle.

Lors de nos enquêtes, nous avons relever aussi que les auditeurs sont à la recherche de

ce qui les relie avec leur culture. Nombreux sont les responsables de radios qui estiment

leur média comme un outil indispensable du rapprochement entre les différentes

communautés. Malheureusement elles n’ont, pour la plupart, pas les moyens de mettre

cette capacité en œuvre. Beaucoup se contentent donc, ce qui n’est déjà pas si mal,

d’ouvrir leurs antennes pour un rendez-vous hebdomadaire, à des associations

représentant certaines communautés culturelles du département.

66 HO TIN NOE, Jean-Claude, « Radio guyane, entre modernité et tradition », in La France et les Outre-mers : L’enjeu multiculturel, Paris, CNRS, 2002 (« HERMÈS », n° 32-33), pp. 255-261.

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Le paysage radiophonique guyanais est riche et ne demande qu’à évoluer.

Malheureusement la diversité des radios est encore trop éloignée de la diversité

culturelle du département. Mais ce constat peut s’appliquer aussi au niveau national.

Rares sont les programmateurs qui diffusent du zouk sur les antennes nationales. Il est

donc difficile de vouloir chez les autres ce qui ne s’applique pas chez soi. Pourtant la

Guyane et les Outre mers semblent être, comme le clame Dominique WOLTON, une

chance pour la France face au défi de la diversité culturelle. Les responsables des radios

sont demandeurs. Ils souhaitent participer plus intensément pour relever ce défi. Il ne

reste plus qu’à les encourager à servir de lien.

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EPILOGUE

• En Août 2003, la préfecture de Guyane diffusait les résultats de l’étude deMédiamétrie portant sur l’audience de la radio en Guyane, étude effectuée enjuin 2003 et ayant concerné 943 personnes de plus de 15 ans :

RADIO France OUTRE MER RFO46,6 %NOSTALGIE7 ,2 %RADIO 20006 ,3 %RADIO GABRIELLE8,9 %RFI4,3 %FRANCE INTER4 ,5 %RADIO UDL4,6 %LITTO MEGA2 %MOSAIQUE2 ,4 %

[www.guyane.pref.gouv.fr/presse/pdf/infopref_0803.pdf]

• Le 14 janvier 2004, le CSA publiait cet article : « A la suite de sa réunion, le 25novembre 2003, avec le Haut Conseil à l’intégration, le CSA a écrit au ministrede la Culture et de la Communication pour lui demander d’inscrire dans lescahiers des charges des chaînes publiques une disposition préconisant ladiversité des origines et des cultures des personnes intervenant à l’antenne, àl’instar des stipulations qui figurent dans les conventions des chaînes privées. »(Assemblée plénière du 16 décembre 2003)

• Le 14 juin 2004, le CSA publiait cet article : « En application de l'article 90 dela loi du 30 septembre 1986 modifiée, le CSA a décidé de consulter le conseilrégional de Guyane sur la liste des candidats admis à concourir dans le cadre del'appel aux candidatures lancé le 11 mars 2003 en Guyane.(Assemblée plénière du 25 mai 2004)

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demande de subvention.• www.sephora.com : Le catalogue des musiques spécialisées dans le domaine spirituel.• www.musique-rnb.com : Site expliquant l’historique du R&B• www.billboard.com : Le classement des meilleures ventes de disques aux USA.• http://www.blada.com : Le petit journal de Kourou.• http://www.amarc.org/ : Association pour le développement des radios communautaires.• http://www.terresdeguyane.fr/ : Portail avec de nombreuses informations sur la Guyane.• http://www.top-album.com : Comme son nom l’indique, un classement d’albums mais

spécifique à la Guyane.