diu de pedagogie medicale alban zarzavadjian le bian · 2019-07-15 · diu de pedagogie medicale...
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DIU DE PEDAGOGIE MEDICALE
Paris V, VI, XI, XII
Alban ZARZAVADJIAN LE BIAN
Chirurgie Digestive et Viscérale
CHU Avicenne, Université Paris XIII, Bobigny.
Orientations du programme pédagogique
des études médicales
en fonction
des profils souhaités par les futurs interlocuteurs :
Analyse à partir de données de la littérature.
Année Universitaire 2017-2018
RESUME :
Objectifs :
Identifier les traits principaux à développer ou permettant de sélectionner les étudiants en médecine
afin d’orienter les programmes pédagogiques des études de médecine
Méthodes :
En partant du postulat que les métiers accessibles au décours des études de médecine sont basés sur
des interactions, nous avons sélectionné les interlocuteurs principaux des futurs médecins. Puis, en
nous appuyant sur une analyse des données de la littérature, nous avons dessiné le médecin idéal en
fonction de l’interlocuteur.
Résultats :
Nous avons identifié cinq interlocuteurs aux futurs diplômés en médecine : les patients, les
professionnels de santé, l’Industrie, l’Etat, la Faculté. Pour chaque interlocuteur, nous avons identifié
les traits principaux : l’humanisme pour les patients, la compétence (composée du Savoir, d’un
Savoir-Faire et de qualités interpersonnelles) pour les professionnels de santé, des qualités de
chercheur (imagination, méthodologie, organisation, management) visant le profit pour le chercheur
employé par l’Industrie, la confiance pour le médecins prescripteurs des biens produits par
l’Industrie, la malléabilité et l’adaptabilité pour la majorité des médecins vus par l’Etat avec une élite
disposant de capacité organisationnelle, et des capacités de chercheur (imagination, méthodologie,
organisation, management) ciblant le bénéfice du patient et d’enseignant pour la Faculté.
Conclusions :
Des profils de médecins idéaux différents apparaissent en fonction de l’interlocuteur. Toutefois, ces
profils ne sont pas incompatibles. Les programmes pédagogiques devraient intégrer le
développement et l’orientation en fonction de ces profils de façon à favoriser la réussite et
l’épanouissement des étudiants dans leurs futures fonctions.
A) INTRODUCTION :
L’influence majeure de la pédagogie sur le devenir des praticiens est parfaitement illustrée par
l’exemple de l’Evidence-Based Medicine (1).
Prenant ses racines à l’Université de McMaster, Ontario, Canada, l’Evidence Based-Medicine est issue
d’une mutation des méthodes d’enseignement datant des années 70 (2) : les enseignants
souhaitaient que leurs étudiants se dédouanent des dogmes et imposèrent une justification à toute
action (thérapeutique ou diagnostique). Secondairement, la publication la plus récente s’est faite
justification, les statistiques ont quantifié le degré de preuve de cette justification, la Database
Cochrane a recensé et centralisé les publications qu’internet a finalement rendu accessibles. Or, les
étudiants d’hier sont devenus les praticiens (parfois les enseignants) d’aujourd’hui : l’Evidence-based
Medicine est passée d’une méthode pédagogique confidentielle au mode d’exercice le plus répandu
en Occident, renversant les autorités, stimulant la recherche et révélant ses propres travers et
limites. La méthode d’enseignement a modelé le praticien de demain, démontrant donc l’influence
d’une pédagogie réfléchie.
Pourtant, la question du médecin idéal devant être formé reste ouverte. Quelles sont les aptitudes et
les qualités devant être mises en avant et développées chez les étudiants en médecine ? Existe-t-il
des traits dont l’absence est rédhibitoire à la formation d’un bon médecin ? Ce sont ces
interrogations qui doivent permettre d’orienter un programme pédagogique formant des médecins
adaptés à leurs fonctions.
Cet exposé vise à dessiner ce médecin idéal, adapté à ses fonctions, afin d’orienter le programme
pédagogique. Pour ce faire, nous avons opté pour une approche originale mais pragmatique : définir
les interactions du médecin et, en nous appuyant sur la littérature, étayer l’argumentaire quant au
médecin idéal pour chacune de ces interactions. Ainsi, nous avons isolé pour chaque interaction les
qualités requises en fonction des attentes des différents interlocuteurs rencontrés par le praticien,
menant à des profils. Nous présentons ici les résultats.
B) LES DIFFERENTS INTERLOCUTEURS ET LES ELEMENTS DE REFLEXION :
1) Le projet pédagogique définit selon les futurs interlocuteurs du futur médecin.
Le métier de médecin est une profession de services, sociale, basée sur des interactions. Ces
interactions nécessitent des qualités distinctes, menant à un médecin idéal pour chaque facette, qui
doivent permettre de définir le projet pédagogique. Nous avons identifié cinq types d’interlocuteurs
différents :
_ le médecin idéal vu par les patients.
_ le médecin idéal vu par les professionnels de santé.
_ le médecin idéal vu par l’Industrie.
_ le médecin idéal vu par l’Etat.
_ le médecin idéal vu par la Faculté.
Pour chaque type d’interlocuteur, nous avons réalisé une analyse des données bibliographiques
permettant d’identifier le médecin idéal en fonction des interactions. Si certaines de ces visions
peuvent paraître redondantes, c’est au travers du prisme spécifique de l’interlocuteur que nous
avons voulu cette analyse (par exemple, la « Compétence en Recherche » comme caractéristique
peut être vue via le prisme de la Faculté ou celui de l’Industrie, et nous verrons que les différences
sont majeures).
2) Le médecin idéal vu par les patients : la notion d’humanisme.
Plusieurs études ont positionné les malades au cœur de la discussion en interrogeant les
patients quant aux qualités souhaitées chez les médecins (3-6).
Ces études semblent toutes concorder vers des qualités humaines supérieures aux qualités
diagnostiques/thérapeutiques.
Dans le cadre du DU de pédagogie médicale (3), le Pr Carmoi retrouvait comme qualités souhaitées
l’entretien des connaissances (75%), les solides connaissances (75%), l’écoute du patient (75%), le
respect de la confidentialité (66%), les bonnes connaissances des antécédents du patient (66%),
l’expérience (62%) et une expression claire (60%). Inversement, la bonne présentation, l’écriture
lisible, la proximité géographique, la réputation et l’utilisation d’un langage scientifique n’étaient pas
vues comme des éléments de preuve de la qualité d’un médecin. Parallèlement, dans le même
échantillon, lorsqu’on demandait aux patients d’isoler les qualités essentielles, on retrouvait l’écoute
(64%) et la bonne prise en charge (60%).
D’autres études ont mis en évidence des résultats proches avec comme qualités recherchées la
compétence, l’humanité, le temps accordé, l’implication du patient dans la décision (4), l’écoute, les
compétences diagnostiques et de soin (5). Une étude européenne montrait que les malades
mettaient en avant l’humanité, puis la compétence et la performance mais souhaitaient disposer
d’un temps suffisant a la consultation et obtenir une information détaillée sur leur maladie de la part
de leur médecin généraliste (6). Ces résultats sont confortés par la réaction unanime du grand public
envers des témoignages de « violence médicale » (7) et les initiatives d’enseignement d’humanisme
voyant le jour comme le Module d’Humanisme Médical Transdisciplinaire de la Faculté de Médecine
Paris Descartes (8).
Le médecin idéal vu par les patients est donc un interlocuteur à l’écoute, empathique, qui doit
surtout briller pour ses qualités humaines.
3) Le médecin idéal vu par les Professionnels de la santé : la notion de compétence.
En Médecine, la « compétence » est une notion largement débattue. En effet, elle implique une
grande part de subjectivité (le bon chasseur…) menant à l’absence de définition consensuelle.
Plusieurs attirent toutefois l’attention.
Aux Etats-Unis, l’Accredication Council for Graduate Medical Education a défini la compétence en
fonction de six critères (9) : le soin au patient (comprenant le raisonnement clinique), les
connaissances médicales, l’apprentissage et les progrès basés sur la pratique (comprenant la gestion
de l’information), les capacités interpersonnelles et de communication, le professionnalisme et la
pratique collective (comprenant l’économie de santé et le travail en équipe).
Horsley et al ont émis pour le Royal College of Physicians and Surgeons du Canada (10) une définition
schématique montrant que l’expert médical joue plusieurs rôles : le communicateur, le
collaborateur, le gestionnaire, le promoteur de la santé, l’érudit et le professionnel.
Epstein et Hundert (11) définirent la compétence comme étant « l’utilisation habituelle et judicieuse
de la communication, du savoir, des compétences techniques, du raisonnement clinique, des
émotions, des valeurs et de la réflexion dans la pratique quotidienne et pour le bien de l’individu et de
la communauté devant être servis », puis évaluèrent les critères issus de cette définition en
s’appuyant sur une analyse rigoureuse de la littérature.
En France, la Haute Autorité de Santé (12) s’est penchée sur le sujet sans proposer de définition.
Toutefois, elle pointait des difficultés, principalement de Savoir-faire (déficit de connaissance
théorique, pratique, technique), de Savoir-être (difficulté de travail en équipe, dans la relation
médecin-patient) et de comportement des praticiens (comportement malveillant, addiction, les
problèmes de santé).
Si ces différentes définitions semblent converger, les méthodes d’évaluation de la compétence
médicale sont largement insuffisantes. C’est ce que les travaux de Epstein et Hundert (11) ont mis en
évidence, principalement en ce qui concerne l’intégration des connaissances et compétences, le
contexte de soin, la gestion de l’information, le travail en équipe, l’économie de la santé et la relation
médecin-patient. Dans le même sens, les étudiants ne sont que trop rarement observés dans des
conditions réelles, avec les retours de pairs et de patients, et une évaluation des résultats cliniques
(11).
De ces résultats se dessine un médecin idéal vu par les professionnels de santé et disposant d’un
Savoir, d’un Savoir-Faire et de qualités interpersonnelles lui permettant de travailler en équipe (avec
les professionnels, avec les patients).
4) Le médecin idéal vu par l’Industrie : le profit et le bénéfice.
La médecine moderne a entraîné dans son sillage un ensemble d’activités industrielles. Celles-ci
comportent de façon non-exhaustive l’industrie pharmaceutique (toute la pharmacopée) et
l’ingénierie (logiciel informatique, imagerie médicale, appareillage chirurgical à énergie).
Cette intégration s’accompagne d’avantages importants : les progrès technologiques peuvent
trouver leur expression dans le domaine médical, au profit du patient ; les industriels participent
alors financièrement au progrès médical.
La recherche de profit liée à l’activité médicale répond aux règles économiques élémentaires : l’offre,
la demande, la pérennisation du produit. Une prestation médicale idéale d’un point de vue
économique est une prestation à reproduire/à prendre à vie, quotidiennement, stabilisant la
pathologie sans la guérir, pour une pathologie fréquente. Or, ces objectifs peuvent diverger des
intérêts scientifiques et éthiques liés à la pratique médicale : le bénéfice du patient.
L’exemple des nouveaux traitements contre l’hépatite virale C est intéressant (13): si la pathologie
est fréquente, le traitement est rapidement efficace, curatif, amenant à diminuer considérablement
le nombre de patients atteints et donc les « clients » potentiels. D’un point de vue médical, il s’agit
d’une découverte majeure (l’hépatite C étant la deuxième cause mondiale de cirrhose et de cancer
du foie, après l’alcool) mais d’un point de vue économique, ces traitements ont un intérêt limité.
Or, ce sont les industriels qui contribuent de façon prépondérante aux financements de la recherche
médicale, la rendant possible mais avec des dérives déjà signalées (14) (refus de communiquer les
résultats négatifs, manipulation des facteurs confondants, intégration de nombreux biais
méthodologiques).
De ces constations, on dessine donc les deux profils de médecins idéaux souhaités par l’Industrie.
Pour l’Industrie, le médecin idéal peut endosser deux costumes : celui (plus rare) de chercheur et
celui (très fréquent) du prescripteur. D’une part, l’Industrie souhaite employer un médecin
chercheur compétent. Celui-ci présentera alors des qualités d’imagination, de méthodologie,
d’organisation et de management des équipes de recherche. Ce médecin devra toutefois être
capable d’orienter ses recherches vers le profit quand le profit et le bénéfice du patient divergeront.
D’autre part, l’Industrie désire des médecins prescripteurs qui consomment les produits de
l’industrie. Ceux-ci doivent donc avoir confiance dans ces produits, l’excès de méfiance (15) ou un
esprit critique trop développé contre les méthodologies employées (14) menant à une diminution
des prescriptions et donc des profits.
5) Le médecin idéal vu par l’Etat : une question de politique sociale.
De façon caricaturale, l’Etat peut jouer deux rôles distincts par rapport aux activités sanitaires : l’Etat
providence (comme la France) et l’Etat libéral (qui se contente de ses fonctions régaliennes : Justice,
Police, Défense). En effet, en fonction de multiples facteurs (idéologie dominante, moyens
économiques disponibles), celui-ci aura une implication variable dans la santé de ces citoyens et de
sa population. Au minimum, un Etat assurera la prévention, le contrôle des épidémies et des
produits et dispositifs médicaux mis sur le marché (exemple de l’Etat libéral) ; au maximum, il
assumera lui-même une majorité des soins, ainsi que le contrôle des épidémies et de la prévention et
l’efficience de son système de soins (exemple de l’Etat Providence, donc de la France).
Le modèle de l’Etat Providence connote des institutions s’impliquant dans la qualité et l’accès aux
soins pour tous. Parmi les questions déclinées par la problématique de l’accès aux soins, on retrouve
celle du nombre de médecins (numerus clausus du concours d’entrée en médecine, puis du concours
de spécialité), celle de la répartition des médecins sur le territoire (gérée par l’ARS pour ce qui est
des effectifs médicaux des établissements publiques, par la concurrence pour les professionnels
libéraux), celle de la tarification des actes médicaux (en particulier dans le cadre d’une prise en
charge majoritaire de l’Etat). Or, le numerus clausus est aussi potentiellement garant d’une sélection
(à l’entrée, lors du choix des spécialités) qui peut théoriquement garantir la qualité des praticiens
formés et donc la qualité des soins prodigués. A l’inverse, la non-intervention entraîne une
autorégulation dans l’Etat libéral, le soin devenant un bien de consommation ; le nombre des
médecins, leurs compétences, leurs tarifs et les sites d’installation s’équilibrent par le fait de la
concurrence. Il ne reste à l’Etat qu’a assurer les situations extrêmes, par le biais de la prévention et le
contrôle des épidémies, et le contrôle des produits et dispositifs médicaux. Les problématiques
d’accès aux soins se portent alors sur les plus démunis [pouvant s’étendre aux classes moyennes
secondairement, comme en Angleterre, avec Poor Laws et les Workhouse entre le XVIIème et le
XIXème siècle, (16)], un système libertaire visant majoritairement vers la rentabilité et le profit
rapide (bien loin de la gratuité des soins).
Pourtant, le modèle de l’Etat Providence ne donne aucune garantie. Tout d’abord, l’Etat n’a aucune
prise sur le nombre et la qualité des candidats à l’entrée du cursus médical ; et si les conditions
d’exercice et les rémunérations deviennent moins attractives, on peut attendre une baisse des
vocations entraînant une chute du nombre et de la qualité des médecins formés. Or, si le nombre des
médecins peut être corrigé par l’intégration de médecins étrangers (intra- ou extra-
communautaires), il s’agit d’éléments qui n’ont pas été formés par la Faculté Française. Ce constat
du choix de la profession de médecin peut s’étendre au choix de la spécialité médicale ; il est
reconnu que certaines spécialités sont plus difficiles à maîtriser que d’autres, moins rémunératrices,
plus ciblées par les plaintes des patients et éprouvantes physiquement et psychologiquement. Dans
le système actuel, il est impossible d’imposer une spécialité à un futur praticien. Des pans entiers de
la médecine peuvent voir ainsi leur démographie péricliter.
Parallèlement, la majorité des soins prodigués en France relève de pathologies mineures, dont l’issue
sans traitement tend vers la guérison spontanée (pensons à l’homéopathie en France) et les
ajustements de pathologies chroniques (arthrose, hypertension artérielle, hyperlipidémie, etc.)(17).
Or, la prise en charge de ces pathologies ne nécessite pas dans l’extrême majorité des cas un degré
d’expertise considérable. Si on prend l’exemple de la chirurgie digestive et viscérale, la majorité des
actes chirurgicaux réalisées comprennent la cure de hernie et la cholécystectomie mais le spectre de
la discipline s’étend jusqu’a la très complexe transplantation hépatique; dans le cadre de la santé
publique, c’est la maîtrise de la cure de hernie et de la cholécystectomie qui représente un véritable
enjeu. Donc, le niveau d’expertise de la majorité des praticiens formés ne doit pas être très
important, avec une minorité élitiste.
Se dessine donc le médecin idéal vu par l’Etat. Plus l’implication de l’Etat est forte dans les activités
sanitaires, plus celui-ci sera enclin à désirer un médecin-type qui appliquera son programme. Pour
l’Etat Providence, deux profils seront nécessaires : une élite présentant une expertise dans des
domaines restreints et acceptant de participer à l’organisation du soin sur le territoire, et une
majorité composée de médecins compliants, mobiles sur le territoire, acceptant d’exercer pour une
rémunération faible, dont le degré d’expertise est limité, appliquant les recommandations de l’Etat
permettant de mettre en œuvre les politiques de santé.
6) Le médecin idéal vu par la Faculté : les médecins universitaires.
La Faculté de Médecine dispose de personnels (chercheurs, administratifs, etc…) et de médecins
ayant une valence universitaire (CCA, MCU-PH, PHU, PU-PH). C’est à ces médecins que reviennent
principalement les missions d’enseignement et de recherche de la Faculté, objets de prestige et de
légitimité pour l’institution.
L’enseignement prodigué va influer sur la réputation de la Faculté auprès des étudiants, que ce soit
dans la qualité intrinsèque de l’apprentissage ou, de façon plus pragmatique, avec le classement à
l’Examen National Classant désignant les futures spécialités (18). Cet enseignement nécessite des
médecins pédagogues, impliqués dans les cours théoriques mais aussi les stages, organisant les
validations des examens magistraux et l’acquisition des compétences.
La recherche, qu’elle soit clinique ou fondamentale, s’exprime au travers de communications en
congrès et de publications, donnant notoriété et financement aux chercheurs et à sa Faculté. Le
médecin chercheur doit être capable d’organiser la structure de recherche, son mécénat, tout en
produisant l’idée directrice de la recherche, sa méthodologie, et la rédaction « vendeuse » des
résultats.
La Faculté de Médecine attend d’un médecin idéal qu’il organise et prodigue un enseignement de
qualité, que les étudiants souhaitent suivre, tout en assurant une production scientifique
internationale reconnue et si possible, rémunératrice.
C) DISCUSSION ET CONCLUSION
Avant d’évaluer l’intérêt des profils établis, il convient de justifier la méthodologie de cet
exposé. Cette analyse fut menée afin de permettre d’orienter un programme pédagogique vers des
objectifs pragmatiques. Nous avons opté pour l’identification des traits recherchés par les
interlocuteurs principaux des médecins, en partant du postulat que les métiers accessibles au
décours des études médicales sont tous basés sur des interactions : interactions avec les patients,
avec les médecins, avec l’Industrie, avec l’Etat, avec la Faculté. Après avoir défini ces interactions,
nous nous sommes appuyés sur les données de la littérature et sur une analyse contextuelle
rigoureuse de façon à dessiner les médecins idéaux pour chaque interaction : les patients
recherchent des qualités humaines, les industriels souhaitent des médecins/chercheurs acceptant
d’orienter les recherches en fonctions des bénéfices et des médecins/prescripteurs enclins à
consommer, l’Etat préfère une majorité de médecins enclins à appliquer les recommandations,
gérant la masse de pathologies bénignes, et une élite l’aidant à orienter les politiques de santé, la
Faculté privilégiera des médecins chercheurs et enseignants, nourrissant sa renommée.
Si ces profils sont différents, ils ne sont pas tous incompatibles; par exemple, le profil du médecin
idéal pour les patients est tout à fait assimilable aux autres profils. Les oppositions plus profondes
peuvent se retrouver entre le chercheur de la Faculté et le chercheur de l’Industrie, l’un privilégiant
toujours le bénéfice du patient, l’autre, toujours le profit. Cette opposition se retrouve bien plus sur
l’objectif des recherches, les qualités nécessaires aux bons chercheurs (imagination, méthodologie,
etc) étant globalement les mêmes. Or, puisqu’il n’existe pas d’incompatibilité majeure entre les
différents profils, on peut parfaitement imaginer un programme pédagogique qui permettra de
développer l’ensemble des qualités requises. En effet, il convient d’écarter tout sentiment critique
stérile que cette analyse pourrait laisser transparaître. Il est évident qu’un médecin présentant des
qualités exceptionnelles d’ordre technique, diagnostique et/ou de recherche peut présenter des
qualités humaines moins marquées, sans qu’on puisse remettre en question sa valeur pour la
communauté. On sait aussi que si l’industrie pharmaceutique cible le profit avant le bénéfice, la
recherche médicale se ferait au ralenti sans elle, ses moyens logistiques et financiers. Enfin, quand
l’Etat Providence s’implique dans la santé de ses ressortissants, imposant les politiques de santé et
traitant ces médecins comme les minuscules pions d’un gigantesque échiquier, on garde à l’esprit
que l’accès aux soins y est plus facilement assuré que dans un système libéral, en particulier pour les
plus défavorisés. Il existe donc une place pour chaque médecin, en fonction de ses qualités et de ces
aspirations, qu’elle soit dans un laboratoire, un bloc opératoire, un amphithéâtre ou auprès des
patients. Ainsi, les programmes pédagogiques et les sélections des étudiants en médecine devraient
dévoiler et s’appuyer sur les profils que cet exposé a mis en avant. Car c’est à la Faculté, au travers
de programmes pédagogiques repensés, d’orienter ses étudiants vers des métiers leur permettant
d’exprimer leur plein potentiel que ce soit dans le secteur privé ou publique, dans l’activité clinique
ou la recherche.
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quelles-facs-de-medecine-preparent-le-mieux-a-l-ecn-12360s.html