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Dossier de presse La Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie 15 ans de recherche et d’actions en faveur des personnes qui souffrent d’épilepsie Service de presse : MHC Communication Marie-Hélène Coste / Véronique Simon 71bis rue du Cardinal Lemoine - 75005 Paris Tél. : 01.55.42.22.10 [email protected]

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Dossier de presse

La Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie

15 ans de recherche et d’actions en faveur des personnes qui souffrent d’épilepsie

Service de presse :

MHC Communication Marie-Hélène Coste / Véronique Simon

71bis rue du Cardinal Lemoine - 75005 Paris Tél. : 01.55.42.22.10 [email protected]

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Sommaire

Bernard Esambert : « Il y avait des montagnes de préjugés et de réticences à franchir : il fallait renverser des montagnes pour aider les malades » ___________________ 3

Claire Cachera : « Lutter contre les peurs est la première mission sociale de la Fondation »____________________________________________________________ 6

Le Pr. Pierre Jallon se félicite de l’enthousiasme des jeunes chercheurs _________________ 9

Marion Clignet ou le combat d’une championne hors du commun contre l’épilepsie et l’exclusion _____________________________________________________ 12

Le Dr Anna Kaminska explique comment le nouveau registre Grenat facilitera la recherche _______________________________________________________ 15

Le Pr. François Mauguière présente les 4 voies de la recherche sur l’épilepsie ___________ 19

Le Pr. Olivier Dulac : « Il est urgent de briser les croyances qui nous empêchent de bien soigner les enfants » __________________________________________________ 24

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Bernard Esambert : « Il y avait des montagnes de préjugés et de réticences à franchir : il fallait renverser des

montagnes pour aider les malades » Polytechnicien, ingénieur au Corps des mines, ancien conseiller du Président Pompidou, Bernard Esambert a découvert concrètement l’épilepsie à travers la maladie de son fils. Pour vaincre les obstacles que les malades et leur famille doivent affronter, l’ignorance aussi, et la peur de la maladie, il décide de mettre son énergie, ses compétences d’homme d’affaires et son réseau de relations au service de la cause des personnes souffrant d’épilepsie, en créant la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie. Pour quelles raisons avez-vous souhaité la création d’une fondation entièrement dédiée à l’épilepsie ? Bernard Esambert : D’abord parce l’épilepsie de mon fils m’a fait prendre conscience du poids d’une maladie méconnue et méjugée. Il y avait des montagnes de préjugés et de réticences à franchir. J’ai pensé qu’il fallait faire quelque chose pour aider les malades en favorisant toutes les recherches (fondamentale, clinique, sociale) et en sortant la maladie de l’ombre. Il y a eu, ensuite, les rencontres : celle avec Pierre Jallon, grand épileptologue, alors médecin militaire à l’hôpital du Val de Grâce, avec qui j’ai partagé le projet de m’engager en faveur de la recherche et des personnes qui souffrent d’épilepsie. Et Pierre Jallon m’a présenté ceux qui ont constitué le noyau de départ du Conseil d’Administration de la Fondation : Jean-François Dehecq, PDG de Sanofi-Aventis (Sanofi à l’époque), Philippe Lazare, Directeur de l’INSERM, et qui a soutenu le projet, au nom de l’INSERM, le couple Cachera, Claire, qui allait jouer un rôle majeur dans la Fondation et Jean-Paul, le grand professeur en chirurgie cardiaque, sans oublier Jacques Glowinski, professeur de neuropharmacologie au Collège de France et premier président du conseil scientifique de la Fondation et Didier Pineau-Valencienne. J’ai choisi de créer une fondation de plein exercice, entièrement dédiée à l’épilepsie – qui ne soit pas abritée par la Fondation de France ou la Fondation pour la Recherche médicale - une fondation reconnue d’utilité publique, avec une représentation des pouvoirs publics au sein du conseil d’administration, afin d’avoir plus de poids et plus de chances de parvenir à franchir des montagnes. En effet, je venais d’en créer une en faveur de Polytechnique et bénéficiait de l’appui du bureau des fondations au ministère de l’intérieur. Bien sûr, il y avait déjà des associations, mais l’objectif des associations était avant tout de soutenir les malades dans leur quotidien. Et puis les associations n’avaient pas suffisamment de moyens financiers pour s’engager dans la recherche : l’épilepsie était une cause peu médiatisée, sans porte-parole, parce que jugée, dans l’imaginaire collectif, comme un peu honteuse ; d’où la difficulté rencontrée par les associations pour récolter des fonds. En créant la Fondation, nous espérions lever ces obstacles, pour travailler ensuite en collaboration avec les associations déjà sur le terrain. C’est ce que nous faisons depuis 15 ans.

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Quels sont les buts de la Fondation ? Bernard Esambert : Le premier but, c’est le développement de la recherche. C’est pourquoi la première de nos actions a été d’organiser, en 1991, un colloque sur l’état de la recherche en épileptologie, qui a réuni près de 150 chercheurs de tous horizons – INSERM, CNRS, Pasteur. Le colloque a permis à ces chercheurs de se rencontrer et d’échanger des idées dans un contexte qui stimulait l’imagination ; il a créé un état d’esprit nouveau et permis un nouveau départ, ensemble. Quelques mois plus tard, nous avons édité un livre blanc sur l’état de la recherche en épileptologie. A partir de cet état des lieux, nous avons pu définir les axes prioritaires. Quinze ans après, nous allons d’ailleurs renouveler l’expérience lors d’un colloque qui se tiendra en 2007 de dresser le bilan des 15 ans de travaux en épileptologie et de choisir de nouveaux axes de recherche. A partir de 1991, notre objectif a été d’organiser un colloque environ tous les deux ans sur des thèmes tant purement médicaux (« Les épilepsies pharmaco-résistantes », 1995, « Plasticité cérébrale et épilepsie », 2003, ou encore « Traiter la personne épileptique : quoi d’autre que les médicaments et la chirurgie ? », 2005 que sur des thèmes plus sociaux (« Epilepsies : quelles peurs », 1994). C’est en nous appuyant sur la recherche sociale que nous avons engagé des actions dans le but de changer l’image de la maladie et l’accueil réservé aux malades à l’école, dans l’entreprise, voire dans les milieux sportifs – le témoignage de Marion Clignet en est une magnifique illustration. Ainsi, en 1996, nous avons organisé une campagne d’affichage avec le concours de l’Union des Publicités Extérieures – que j’avais sollicité et qui nous a offert les espaces publicitaires. Nous avons placardé à Paris et dans toutes les grandes villes de France 3.500 affiches mettant en scène le mot « Epilepsie » de manière cinématographique : cette campagne très spectaculaire a servi de coup de projecteur pour sortir la maladie de l’ombre. Et de nombreux malades nous ont exprimé leur reconnaissance d’avoir pu lire, voire dire leur épilepsie : le mot soudain leur paraissait moins infâmant. Et Jean-Marie Cavada a fini par céder à mes amicales pressions pour organiser une Marche du Siècle sur l’épilepsie, suivi quelques années plus tard par Patrick de Carolis qui nous a réservé une place importante dans son émission « Des racines et des ailes ». Dans les deux cas, le sujet a été traité avec pudeur et lucidité. Changer les mentalités, faire avancer les droits des personnes souffrant d’épilepsie, cela signifie aussi rencontrer des décideurs pour plaider la cause des malades ? Bernard Esambert : Absolument, c’est le deuxième objectif de la Fondation. C’est en activant les réseaux, en occasionnant des rencontres que l’on arrive à changer la condition des malades. J’illustrerai mon propos par deux exemples : le premier concerne l’action menée auprès du Préfet de Police de Paris afin de remédier à l’arrestation des épileptiques en crise dans les lieux publics. Nous avions reçu beaucoup de courriers de familles qui nous signalaient qu’un adolescent avait été menotté et emmené au poste de Police, à la suite d’une crise d’épilepsie, dans la rue. Il faut savoir qu’une crise donne lieu, parfois, à des manifestations désordonnées, à des cris qui peuvent être mésinterprétés, d’où l’intervention malencontreuse des forces de l’ordre.

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Et lorsque l’épileptique se réveille de sa crise, lorsqu’il sort de son de son inconscience et se voit contenu et menotté par des agents, il ne comprend pas ce qui lui arrive, et il se débat ; et plus il se débat, plus on le contient, parfois avec violence, d’où quelques blessures. Tout cela était dû naturellement à une méconnaissance de la maladie. Je suis allé donc voir le Préfet de Police pour lui exposer le problème et lui proposer une solution : organiser un apprentissage qui permette aux policiers de reconnaître une crise d’épilepsie et d’éviter ce type d’erreur. C’est ainsi que des neurologues spécialistes de l’épilepsie ont apporté leur concours aux services de la Préfecture de Police de Paris, afin d’élaborer des fiches et un module vidéo, projeté dans toutes les casernes de police et de sapeurs pompier de Paris afin de former ces professionnels. Depuis, si les problèmes n’ont pas totalement disparu, la situation s’est améliorée et nous avons reçu beaucoup moins de signalements. Il est souvent possible de trouver des solutions à force de discussion et de rencontres. La fondation nous donne une visibilité et une reconnaissance qui nous permet ce type d’actions. Autre exemple, celui de l’inscription de l’épilepsie grave parmi les maladies donnant lieu à une exonération du ticket modérateur. Nous avons fait le siège du Haut Comité médical de la Sécurité Sociale, durant deux ou trois ans : nous avons fait du lobbysme auprès du Professeur Jean-Louis Touraine, au Ministère de la Santé, le Président du Haut Comité, qui nous a apporté son appui ; puis, devant les problèmes administratifs soulevés par notre demande, nous nous sommes attelés à trouver des solutions pour parvenir à intégrer l’épilepsie dans le cadre légal existant – ainsi nous avons rédigé, avec Michel Revol, membre du Comité Scientifique de la Fondation, le texte modifiant le décret sur les trente maladies graves prises en charge à 100 %. Et nous avons finalement eu gain de cause en 1999. A l’avenir, je souhaiterais personnellement intervenir en faveur de l’insertion des personnes qui souffrent d’épilepsie dans le milieu du travail. J’ai le projet d’envoyer un document aux PDG et DRH des entreprises du CAC 40 : ce document, réalisé à partir des travaux effectués en collaboration avec les médecins du travail aurait pour but de leur expliquer ce qu’est l’épilepsie et comment, concrètement, les choses se passent, en les invitant à être plus tolérants, plus compassionnels et aussi plus lucides : parce que dans la grande majorité des cas, les personnes qui souffrent d’épilepsie peuvent travailler en milieu ordinaire, sans que cela pose le moindre problème. Chercher, expliquer, rencontrer : ce sont finalement les 3 objectifs clefs de la FFRE ? Certainement, et j’insisterai surtout sur les rencontres : c’est grâce aux appuis des uns et des autres que nous avons pu progresser, c’est grâce au travail en réseau avec les associations qui mènent des actions sur le terrain que nous avons pu avancer, grâce aux échos dans les médias que la cause de l’épilepsie a progressé, durant ces 15 dernières années, et qu’elle continuera, je le souhaite, de progresser.

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Claire Cachera : « Lutter contre les peurs est la première mission sociale de la Fondation »

Secrétaire Général de la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie, Claire Cachera a participé, depuis le début, à tous les combats de la Fondation. Elle revient sur 15 ans d’engagement en faveur de l’insertion sociale des personnes avec une épilepsie. Claire Cachera, pour quelles raisons avez-vous souhaité vous engager, avec votre époux, aux côtés de Bernard Esambert, dans la Fondation Française pour La Recherche sur l’Epilepsie ? Claire Cachera : Parce que nous avons été touchés personnellement et douloureusement par la maladie. Nous étions donc bien placés pour savoir l’ignorance et les peurs associées à l’épilepsie et mesurer l’ampleur du travail à réaliser. C’est pourquoi, en 1989, nous avons contacté Bernard Esambert, sur le conseil de Pierre Jallon, pour parler de son projet, et nous avons souhaité nous engager à leurs côtés Qu’attendiez-vous de cet engagement ? Claire Cachera : La Fondation était une ouverture vers la recherche. Et la recherche, c’était, bien sûr, la possibilité d’accomplir des progrès en matière de traitement de l’épilepsie, mais pas seulement : c’était aussi la recherche sociale, sur la vie des malades et leur place dans la société. Pour moi, il était évident que l’on ne s’intéressait pas suffisamment à cette maladie dans les conséquences qu’elle avait pour les malades, y compris et surtout, les conséquences sociales. Et tout était problématique pour une personne avec une épilepsie : le dire à la famille, aller en classe, avec le risque d’avoir une crise, se faire accepter dans le monde du travail comme un salarié à part entière, etc.

Et si tout était si difficile, j’en étais convaincue, c’était parce que, partout, il y avait de la peur : peur des malades de faire une crise, de la montrer, d’être jugés, etc. ; peur des parents, inquiets pour leur enfant, parfois protecteurs à l’excès, perdus, sans

interlocuteurs, à l’école, capable d’entendre les besoins de leur enfant ; peur du public aussi, marqué par l’image de la crise tonicoclonique, impressionnante

et redoutée, et par toutes les représentations culturelles péjoratives de l’épilepsie. D’ailleurs, le premier colloque organisé par la Fondation après celui sur l’état de la recherche, s’intitulait : « Epilepsie : quelles peurs ». Il a réuni, en 1994, au Sénat, patients, médecins épileptologues, neuropsychiatres, psychologues, sociologues autour de la question de la peur et des conséquences de la maladie.

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Cette manifestation a été, en quelque sorte, le point de départ de nos missions sociales, parce qu’elle nous a permis d’identifier les axes prioritaires de notre action. Elle a été le fondement sur lequel nous nous sommes appuyés ensuite pour développer nos missions sociales. Quels axes le colloque a-t-il permis de dégager ? Claire Cachera : D’abord, il y a eu le travail effectué sur la peur de dire l’épilepsie. Le témoignage de Marion Clignet, dans Tenace, illustre bien la problématique : il était souvent conseillé aux patients de taire leur épilepsie afin d’éviter d’avoir à affronter le rejet, voire l’exclusion. Mais comme on le voit à travers l’histoire de Marion, taire la maladie n’est pas toujours utile ni pertinent. Par ailleurs, cela peut aussi contribuer à renforcer le silence et l’ignorance. Nous avons donc cherché à savoir dans quelles circonstances, il fallait dire l’épilepsie, et surtout comment la dire. Et nous sommes arrivés à la définition d’une sorte d’algorithme de décision : Est-il dangereux de taire l’épilepsie (à l’école, au travail) ?

o Si non, il n’était pas nécessaire de la dire. o Si oui, il fallait la dire.

Nous avons réfléchi à la façon de dire son épilepsie :

o A qui ? En choisissant un interlocuteur de confiance. o Comment ? En expliquant concrètement et simplement l’épilepsie.

Et nous nous sommes attelés à la réalisation d’outils et d’ouvrages destinés à favoriser le dialogue ; je pense notamment au CD-Rom « Marie, Sophie, Christian et les autres » édité en 2000, et qui présente de manière ludique et pédagogique l’épilepsie, en s’attachant à combattre les idées reçues, et illustrant le propos de témoignages filmés de patients et familles. Je pense aussi à Epilepsie en classe, un ouvrage pédagogique qui informe clairement en dédramatisant autant que possible. Toutes ces actions ont été menées en faveur de l’intégration des élèves en milieu scolaire ordinaire. Si dans la très grande majorité des cas, les enfants avec épilepsie peuvent suivre une scolarité normale, il faut savoir que dans certains cas, elle n’est pas possible, parce que l’épilepsie peut s’accompagner de problèmes neuropsychologiques ; et ces déficits cognitifs sont un handicap pour l’élève. C’est pourquoi nous nous sommes lancés dans la création d’un Service d’Education Spéciale et de Soins à Domicile pour enfants avec épilepsie (SESSAD), basé à Paris. Une crise, c’est une agression pour le cerveau. Et la multiplication des crises, même les plus discrètes (comme certaines absences) agit comme une succession d’agressions. Chez les enfants, dont le cerveau est en plein développement, ces agressions peuvent être délétères : elles occasionnent parfois fatigue, problèmes de mémorisation, etc. Lorsque les problèmes sont trop importants, il devient alors impossible de maintenir l’enfant dans un milieu scolaire ordinaire. Le SESSAD propose des solutions adaptées qui permettent

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la poursuite de la scolarisation à domicile, accompagnée d’une rééducation qui vise à aider l’enfant à compenser ou dépasser ses problèmes neurocognitifs. C’est une solution temporaire, une transition avant le retour à l’école, l’essentiel étant d’offrir à l’enfant toutes les chances d’avoir une scolarité qui lui permette, ensuite, d’entreprendre des études et de parvenir à une bonne insertion dans le milieu du travail. Et j’en viens enfin à nos missions autour de l’insertion professionnelle des personnes avec épilepsie : en 1995, en collaboration avec la FFMT (Fédération Française des Médecins du Travail) et un groupe de neurologues, nous avons réalisé une enquête intitulée « Epilepsies et médecine du travail ». Elle a été suivie de la publication de « Travailler avec l’Epilepsie », et qui vient d’être réédité. Quel est votre bilan de ces 15 années ? Claire Cachera : Je suis heureuse si nous avons pu contribuer à faire reculer la peur et à changer la vie des patients. Mais je suis consciente qu’il reste encore beaucoup à faire. Tout ce que nous avons accompli, jusqu’à présent, nous avons pu le mettre en œuvre grâce au soutien des uns et des autres : tout d’abord, au travail quotidien de l’équipe, du secrétariat et des bénévoles les entreprises qui ont accepté de soutenir l’aventure de la FFRE les donateurs les chercheurs les laboratoires qui ont accepté de financer certains de nos projets

Nous l’avons réussi grâce au travail mené en réseau avec les associations et La Ligue Française contre l’Epilepsie. On ne réussit rien seul. Et forts de ces 15 ans, je souhaite que nous continuions longtemps à travailler ensemble à cette grande cause qu’est l’épilepsie. C’est, je pense, le devoir que nous avons envers eux.

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Le Pr. Pierre Jallon se félicite de l’enthousiasme des jeunes chercheurs

Professeur de neurologie au centre hospitalo-universitaire de Genève, grand épidémiologiste, Pierre Jallon est l’un des premiers à avoir cru au projet de la Fondation et à s’être engagé auprès de Bernard Esambert. Il raconte comment, en 15 ans, la FFRE est parvenue à s’imposer comme le catalyseur de la recherche en épileptologie. Quelles sont les motivations de votre engagement dans la FFRE ? Pr. Pierre Jallon : Lorsque j’ai rencontré Bernard Esambert et qu’il m’a parlé de son projet de Fondation dédiée à l’épilepsie, j’ai été convaincu à l’idée de favoriser toutes les recherches sur l’épilepsie : c’est-à-dire aussi bien la recherche épidémiologique, à laquelle je m’intéresse tout particulièrement, que les recherches fondamentale, clinique, ou sociale. C’est la raison de mon engagement. Aujourd’hui, en ce 15ème anniversaire de la Fondation, alors que nous parrainons le lancement de GRENAT, je sais que la relève est assurée, grâce à l’enthousiasme et à l’énergie de jeunes chercheurs comme Anna Kaminska, et je suis très heureux que la Fondation ait trouvé sa place. Ce n’était pas évident car il y a avait d’autres acteurs – comme la Ligue Française contre l’Epilepsie et les Associations, mais nous avons su nous répartir la tâche et travailler en réseau au progrès de la lutte contre la maladie. Notre tâche à nous, a consisté à catalyser les énergies autour de la recherche, grâce au financement de bourses, d’enquêtes, de colloques, afin d’améliorer la connaissance et le traitement de la maladie, ainsi que les conditions de vie des patients. Aujourd’hui la jeune génération prend le relais et nous savons que tout ce que nous avons ébauché, réalisé ou projeté sera continué : c’est une grande satisfaction. La Fondation est un socle durable sur lequel peuvent s’appuyer et s’appuieront des générations de chercheurs. A vos yeux, quels ont été les temps forts de ces 15 ans de recherche ? Pr. Pierre Jallon : La Fondation a été à l’origine de la réflexion sur un certain nombre d’enquêtes et de colloques, qu’elle a parrainés. L’enquête CAROLE, réalisée à partir de 1994, sur le thème des épilepsies pharmaco-résistantes, ou le colloque organisé, sur le même thème, en 1995, ont certainement été des moments forts. Le but de CAROLE était de déterminer les facteurs prédictifs de la pharmaco-résistance.

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L’enquête a été confiée à une association, l’Observatoire de l’Epilepsie, fondée pour l’occasion, et parrainée par la Fondation, qui n’a pas, elle-même, vocation à gérer directement ce type de projet. C’est une enquête prospective qui a nécessité le suivi sur le long terme d’un grand nombre de malades : il s’agissait en effet de déterminer dans quelles proportions et selon quels critères (âge, type d’épilepsie, traitement, etc.) les crises des patients disparaissaient, s’espaçaient, ou bien persistaient. Cette étude qui a suscité l’intérêt de nombreux investigateurs (260, au départ), a permis de suivre près de 2 000 patients, enfants, adultes et sujets âgés pendant 10 ans. Elle est considérée en France et, plus encore, outre-Atlantique, comme une enquête cohorte de référence – ce qui a certainement valu à la Fondation la reconnaissance du monde de l’épileptologie. Mais le problème de ce type d’enquête prospective –outre le fait qu’elles sont très onéreuses– est qu’elles nécessitent de motiver des moyens humains dans la durée ; avec le temps, certains investigateurs s’essoufflent et quittent l’enquête, d’autres prennent leur retraite, et il est difficile de poursuivre. Or, lorsque l’on dispose d’une belle cohorte de patients, comme celle que l’on avait établie pour CAROLE, on dispose d’un terreau de recherche, d’un champ de données, qui peut, si l’on garde le fil des contacts, servir dans le cadre d’autres investigations. C’est ce que l’on a souhaité faire, en exploitant les données recueillies, lors de CAROLE, pour la réalisation de deux autres enquêtes, rétrospectives cette fois-ci : une enquête concernant le devenir social des patients épileptiques, une autre, plus récemment, consacrée à l’étude de la mortalité des sujets avec

épilepsie. Cependant, lorsque l’on a repris contact avec les investigateurs de départ, parfois au bout de 10 ans, afin de réaliser ces études rétrospectives, on s’est souvent heurté à des dossiers perdus, des médecins qui ont cessé d’exercer, des patients qui ont disparu. Les études rétrospectives sont excessivement difficiles à réaliser. L’épidémiologie est une discipline qui se projette dans l’avenir. Les enquêtes prospectives comme CAROLE sont plus satisfaisantes d’un point de vue méthodologique, et permettent des résultats plus sûrs ; de ce point de vue, CAROLE est le prototype même d’enquête que nous aimons soutenir à la Fondation. Après CAROLE, l’Observatoire de l’Epilepsie reprend aujourd’hui de l’activité avec le lancement de GRENAT, le premier registre de l’épilepsie en France : c’est un nouveau souffle pour les études prospectives comme CAROLE ? Certainement. Le lancement de GRENAT sera l’occasion de recruter une cohorte relativement importante, constituée de patients avec des syndromes épileptiques totalement différents, et de les suivre dans le temps, pendant 10, 20, voire 30 ans ; car les médecins à l’origine de ce projet sont jeunes, et ils disposent de beaucoup de temps pour faire des études prospectives. Par surcroît, GRENAT étant un réseau informatique partagé, il favorisera la transmission des études en cours aux prochaines générations.

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GRENAT sera une sorte de relais. Ainsi, depuis 15 ans, la FFRE a contribué à lancer des idées, elle a soutenu des actions, trouvé sa place au sein du paysage de l’épileptologie française, gagné la confiance des jeunes chercheurs qui s’adressent à elle pour les aider à concrétiser des projets comme GRENAT : nous avons, en quelque sorte, assuré les conditions de pérennité de notre action en faveur de la recherche. Plus qu’une commémoration, ce quinzième anniversaire de la Fondation est finalement une ouverture sur l’avenir.

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Marion Clignet ou le combat d’une championne hors du commun contre l’épilepsie et l’exclusion

Partenaire de la Fondation depuis le début, la championne olympique de cyclisme Marion Clignet est la seule personnalité à avoir accepté de s’engager dans la lutte contre l’épilepsie en témoignant publiquement de sa maladie. Elle livre aujourd’hui le témoignage de son parcours exemplaire dans Tenace, un livre co-écrit avec Benjamin C. Hovey, dont les bénéfices seront entièrement reversés par la FFRE, au profit de la recherche. C’est la même année, en 1984, que Marion Clignet découvre le vélo et son épilepsie. Elle vit alors aux Etats-Unis, où elle étudie l’horticulture, à l’Université du Maryland. C’est une jeune fille solide et sportive. A côté de ses études, elle s’est engagée comme coursier sur son vieux vélo vert, dans l’espoir de gagner l’argent nécessaire pour acquérir la bicyclette de ses rêves. Et c’est justement après une longue course à vélo, par une chaleur étouffante, qu’elle est, un jour, saisie, dans un magasin, de vertiges, de raideurs, de convulsions, avant de perdre connaissance. Le diagnostic tombe quelques heures plus tard, de la bouche du Dr. Davis, médecin au Washington Hospital Center : elle a une épilepsie. Le médecin rédige son ordonnance et prodigue quelques conseils : jamais Marion ne devra parler de sa maladie, sous peine de ne pas trouver de travail, de voir partir ses amis, d’être regardée comme une bête curieuse. Jamais non plus, elle ne devra faire de sport. Ses conseils suscitent la colère de la jeune femme, une colère dont Marion se nourrit pour combattre la maladie et les préjugés. Provocante, elle change d’orientation, et choisit l’éducation physique, à l’université. Au lieu d’abandonner le vélo, alors qu’elle vient d’acheter la bicyclette de ses rêves, elle intensifie l’entraînement, puis s’inscrit dans une équipe féminine de critériums cyclistes. Elle roule avec acharnement et ne se laisse pas décourager par les crises, dont certaines, même, la saisissent sur son vélo. Peu importe. Marion se relève toujours. Ce faisant, elle prend peu à peu conscience de la difficulté de se faire accepter, avec sa maladie, dans un milieu sportif. Alors, au lieu de se cacher, elle décide de se battre contre l’ignorance, et se fait le serment de ne jamais taire sa maladie. Et si elle regrette que l’épilepsie soit une maladie de l’ombre, sans porte-parole, qu’à cela ne tienne, elle sera ce porte-parole. C’est ainsi que, mue par son courage, elle franchit les étapes qui la mènent, de l’équipe nationale contre la montre américaine (en 1991) à la compétition française. C’est en France qu’elle rencontre Claire Cachera, Secrétaire Général de la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie, qui la comprend et la soutiendra toujours dans

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les moments difficiles. De cette amitié naît l’engagement de Marion aux côtés de la Fondation. Les victoires s’accumulent, comme autant d’encouragements et Marion rêve de plus en plus grand, elle rêve d’Olympisme. En 1991, elle gagne le championnat de France de poursuite féminine, contre l’imbattable Jeannie Longo. Marion a 28 ans. C’est la consécration : elle qui ne devait jamais faire de sport est sélectionnée pour concourir aux jeux de Barcelone, en 1992. Malheureusement, un accident à l’entraînement (sans lien avec son épilepsie) provoque la perforation de l’un de ses poumons. A quoi s’ajoute une malencontreuse erreur de traitement : le médecin prescrit une pénicilline contre-indiquée avec son traitement anti-épileptique, ce qui précipite les crises. Pourtant, Marion ne renonce pas et se remet obstinément en selle avant l’ouverture des Jeux : à l’épreuve cycliste des Jeux Olympiques de 1992, elle termine 10ème de l’épreuve cycliste, une performance incroyable étant donné son état de santé, qui fait dire à son père : « Ce qui s’est passé à Barcelone témoigne de la façon dont Marion est capable de se donner au maximum, quel que soit son état. ». De retour à l’entraînement, elle est plus motivée que jamais. En 1993, elle chute, à la suite d’une violente crise, lors de l’échauffement pour le Tour du Finistère. Encouragée par le médecin de la course, elle concourt malgré tout et remporte la compétition. Mais le rêve de Marion, ce sont les Jeux. Et elle se prépare pour Atlanta. En 1996, malgré un entraînement difficile, ponctué de très nombreuses crises, la cycliste remporte la médaille d’argent olympique de poursuite. « Rien ne pouvait plus m’arrêter », commente-t-elle dans Tenace. La même année, elle devient championne du monde sur piste en pulvérisant le record mondial de vitesse – un record qu’elle détient pendant 5 ans. Marion est d’autant plus heureuse que les victoires comptent double pour elle : car derrière l’incroyable performance sportive, il y a la bataille contre la maladie, menée au vu et au su de tous. C’est sans doute sa plus grande récompense : elle a vaincu l’anathème du Dr. Davis. Mais les épreuves ne s’arrêtent pas là pour Marion, et il semble qu’elle doive toujours prouver plus. Ainsi, à la fin de 1996, alors qu’elle est au sommet de sa réussite, elle commence à souffrir de douleurs au dos ; des douleurs qui, peu à peu, finissent par gagner toutes les articulations. Pourtant, elle n’abandonne ni sa carrière de cycliste, ni sa fonction de porte-parole de la Fondation pour la Recherche sur l’Epilepsie. En 1997, elle participe, à l’émission La Marche du siècle, consacrée à l’épilepsie : et c’est une autre victoire, car ses médailles lui permettent désormais de faire entendre la cause des patients atteints d’épilepsie.

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Les années témoignent de son acharnement à lutter : malgré l’arthrite inflammatoire, malgré l’épilepsie, elle garde courage. Et en 1999, elle remporte deux médailles aux championnats du monde de cyclisme, à Berlin. Dans la foulée elle se prépare aux Jeux de 2000 : grâce à sa détermination, et malgré une baisse de forme, elle remporte la médaille d’argent. Elle a 36 ans. Marion est une battante : elle est sur tous les fronts. Forte de ses succès, en 2001, elle crée « womensport » une association en faveur du développement du sport féminin. Ce faisant, elle continue de s’entraîner et de remporter des courses, rivée sur Athènes. Pourtant, à quelques semaines des Jeux Olympiques, la recrudescence des crises, associée à l’observation, à l’électro-encéphalogramme d’une activité épileptique inédite, la contraint à renoncer. Marion a 40 ans, quand elle décide finalement d’abandonner la compétition cycliste. Cependant cette femme hors du commun n’abandonne pas les défis : aujourd’hui, coach, et consultante, elle met son expérience et sa combativité au service des autres, tout en luttant, dans son association, pour une meilleure reconnaissance du sport féminin. Elle s’engage aux côtés de la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie en apportant son témoignage dans Tenace, pour faire reculer l’ignorance et la peur chez ceux qui ne savent pas la maladie, et redonner force et courage à ceux qui la vivent. Une leçon de vie pour tous.

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Le Dr Anna Kaminska explique comment le nouveau registre Grenat facilitera la recherche

Parrainée par la FFRE, l’Association Observatoire de l’épilepsie a été fondée en 1995 afin de gérer la réalisation de l’étude CAROLE sur le devenir des patients après une première crise. Elle servira désormais de cadre aux études prospectives lancées via GRENAT : GRENAT est le premier registre informatisé français dédié à l’épilepsie ; il pourra être partagé par les médecins de toutes régions qui suivent des patients avec épilepsie, et souhaitent mettre en commun leurs données et leurs connaissances dans le cadre d’études prospectives pour faire avancer la Recherche. Le docteur Anna Kaminska, neuropédiatre à l’hôpital Saint-Vincent-de-Paul et Necker Enfants malades (Paris) a participé à l’élaboration de ce projet. Elle en explicite les enjeux et invite les médecins qui suivent des patients épileptiques à participer à cet outil collaboratif. Qu’est-ce que GRENAT ? Dr Anna Kaminska : GRENAT signifie « groupe registre épilepsie national ». L’idée de départ est venue d’un groupe de neurologues et neuropédiatres qui s’occupent de patients, adultes ou enfants, avec épilepsie. A la suite de la conférence de consensus de l’ANAES en 2004, sur la prise en charge des épilepsies partielles pharmaco-résistantes, ces médecins, basés dans différentes régions de France, ont souhaité disposer d’un outil qui leur permette de travailler ensemble, en réseau, à des études cliniques multicentriques sur l’épilepsie. GRENAT est un registre partagé via l’Internet, qui permet de mettre en commun les données nécessaires à la mise en place de ce type d’études. Quel est l’intérêt des études multicentriques ? Dr Anna Kaminska : L’épilepsie n’est pas une maladie unique : il existe de nombreux types d’épilepsie où les causes et le retentissement de la maladie sur le patient sont très variables. De sorte que lorsque l’on se lance dans une étude, il est difficile de trouver un nombre de patients suffisant, avec le même type d’épilepsie, pour que les observations aient une portée scientifique significative. Par exemple : l’épilepsie myoclonique bénigne du nourrisson représente moins d’une centaine de cas recensés en France. Si un médecin veut avoir une idée de l’évolution, de la réponse au traitement, voire du pronostic, dans le cadre de ce type particulier d’épilepsie, il a très peu de chance d’obtenir seul suffisamment de données pour se faire une idée. Encore moins pour se lancer dans une étude. GRENAT est un moyen qui nous offre la possibilité de trouver des groupes homogènes de patients, à travers toute la France, en nombre suffisant pour réunir des données statistiques fiables et exploitables à des fins de recherche.

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Dans quel type de recherche ? Dr Anna Kaminska : Il est utilisable dans de multiples recherches, cliniques ou sociales, par exemple : afin d’évaluer l’efficacité des traitements, pour mesurer le retentissement de l’épilepsie sur le développement psychomoteur de

l’enfant, ou encore l’insertion sociale du patient, afin d’étudier le pronostic de telle ou telle forme d’épilepsie, ou tout simplement pour mieux établir les critères de diagnostic, etc.

Car GRENAT est un registre qui permet de recenser les patients avec épilepsie en fonction de tous ces critères. Concrètement, comment cela fonctionne-t-il ? Dr Anna Kaminska : L’outil informatique est doté de fiches, qui permettent d’entrer un nombre de critères limité concernant le patient, des critères essentiels pour le retrouver. On entre ainsi : le type de l’épilepsie, la cause quand on la connaît (lésion, malformation, prédisposition génétique), le traitement (médicaments, chirurgie), des données sur l’évolution (par exemple : l’épilepsie est-elle stabilisée, guérie ?), les maladies associées (par exemple, accident vasculaire cérébral), si le patient a un travail ou non, s’il est scolarisé, lorsque c’est un enfant.

Ces données sont très simples mais elles vont servir de mots clefs pour accéder au patient, lorsqu’il s’agira de retrouver des sujets présentant tel ou tel type d’épilepsie pour les inclure dans une étude. Elles sont en nombre limité pour des raisons pratiques : l’outil doit être opérationnel pendant la consultation. Le formulaire doit être rapidement rempli (2 minutes) pour ne pas allonger la consultation. Par ailleurs, on s’est aperçu avec le temps que les bases de données qui comportent trop de critères d’entrée sont moins opérationnelles. Ici, on a voulu un outil pratique, facile d’utilisation et qui nous aide concrètement. Quelles garanties GRENAT offre-t-il du respect de la vie privée du patient et du secret professionnel ? Dr Anna Kaminska : Grenat est un outil enregistré auprès de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) et respecte l’exigence de protection des données privées (les informations sont cryptées). Dans les faits, le médecin demande d’abord à son patient s’il accepte d’être inscrit dans le registre. Puis il remplit la fiche de renseignements avec le nom du patient ; mais ce nom n’est accessible que pour lui. Et lorsque le patient est inclus dans une étude, le recueil des données le concernant est effectué par le médecin traitant l’épilepsie, dans le respect de l’anonymat. Si je lance une étude, et que je cherche des patients pour les y inclure, je n’aurai pas accès directement à eux, mais quelques informations clefs extraites du registre me conduiront à leur

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médecin. Je pourrai alors contacter ce médecin pour lui proposer de participer à mon étude. Cependant, au cours de l’étude, c’est lui qui se chargera du recueil des données, et à aucun moment je ne saurai qui est ce patient. Pour moi, il demeurera un ensemble de données anonymes. Une fois le repérage effectué, en quoi GRENAT est-il un outil collaboratif de recherche ? Dr Anna Kaminska : Chaque étude qui va se greffer sur le registre donnera lieu à la création d’une fiche informatique spécifique sur le réseau, qui stipulera le protocole de recherche. Le médecin à l’origine de l’étude pourra lancer un appel à collaboration grâce à un Forum de communication sur le site de GRENAT. Pour chaque patient inscrit dans cette étude, par l’intermédiaire de son médecin, une nouvelle fiche de suivi sera créée (en plus de la première fiche ayant servi au recensement). Ainsi, les données de l’étude seront recueillies via le réseau ; cependant, elles seront analysées, hors réseau, par les médecins. Car GRENAT n’est pas un outil de traitement des données, c’est un outil qui facilite la mise en place de collaborations multicentriques, sur toute la France. Il proposera aussi un Forum qui permettra d’échanger sur les études en cours, voire de demander un avis thérapeutique à un confrère (par exemple, lorsqu’un médecin sera confronté à un type d’épilepsie qu’il n’a jamais vu), dans le but d’améliorer la prise en charge du patient. Qu’attendez-vous de GRENAT ? Dr Anna Kaminska : D’abord, GRENAT va changer ma pratique quotidienne. En effet, personnellement, aujourd’hui, je n’ai pas les moyens de repérer mes patients. Je ne dispose pas d’une base de données qui me permette d’avoir accès, ne serait-ce qu’au nombre de patients que je suis, encore moins de repérer chacun en fonction du type d’épilepsie qu’il présente. GRENAT va me permettre de travailler plus efficacement, grâce à des ressources

mieux gérées. Et si certains médecins ont déjà à leur disposition les bases de données mises en place par leur service, elles ne sont pas standardisées, ces bases n’étant pas inter opérationnelles, d’un hôpital à l’autre.

GRENAT, lui, sera interopérationnel, parce que chaque médecin recueillera le même

type de données grâce à un outil partagé. Il offrira la possibilité de monter plus facilement et plus vite un projet de recherche avec plus de patients, et donnant lieu à des résultats statistiquement plus significatifs. Et comme on sera plus nombreux à travailler ensemble, on avancera plus vite dans nos recherches.

GRENAT permettra aussi d’optimiser l’utilisation des données recueillies en consultation : actuellement, dans mon travail quotidien, je note des données, j’entreprends des traitements qui ne seront jamais intégrés dans aucune étude clinique ou sociale, dans aucune évaluation des traitements et resteront des informations perdues. Avec un outil informatique qui facilite la réalisation des études (par exemple des protocoles thérapeutiques), je pourrai plus facilement inclure des patients dans une étude qui évaluera par exemple l’efficacité d’un traitement. Cela représente un gain pour les patients qui auront, plus vite, plus de chances d’être soignés avec un traitement adapté et bien évalué.

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Enfin, si GRENAT est largement adopté et qu’il permet de recueillir les données concernant la plupart des patients avec épilepsie, il sera aussi un outil épidémiologique qui permettra de mieux connaître la prévalence de chaque type d’épilepsie, la répartition par région et toutes sortes d’informations qui contribueront à une meilleure connaissance des syndromes épileptiques, sous tous leurs aspects.

C’est pourquoi j’invite tous les médecins qui sont intéressés par l’épilepsie à collaborer au projet. Car, plus nous serons nombreux, meilleurs seront les résultats. Comment participer à GRENAT ?

Tous les médecins (pédiatres, neurologues) traitant un nombre significatif de patients avec épilepsie sont invités à rejoindre GRENAT.

Le réseau est accessible via internet (PDA pour les médecins qui ne disposent pas d’un

ordinateur équipé d’un accès Internet dans le cadre de leur consultation).

Ceux qui souhaitent le faire doivent d’abord adhérer à l’Association Observatoire de l’Epilepsie.

Il faut signer la charte de l’association, c’est-à-dire :

o s’engager à ne pas communiquer les données à l’extérieur du réseau, o adhérer à des règles concernant les publications scientifiques, o se conformer aux règles établies pour le traitement des données, o déclarer formellement ne pas travailler pour quelque laboratoire

pharmaceutique, o participer à certaines études multicentriques pour lesquelles le médecin est

concerné, o entrer régulièrement les données dans le registre.

Pour adhérer à l’Observatoire, vous pouvez envoyer une demande à : Association Observatoire de l’épilepsie 9 avenue Percier 75008 Paris

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Le Pr. François Mauguière présente les 4 voies de la recherche sur l’épilepsie

Chef du service de neurologie fonctionnelle et d’épileptologie à l’hôpital neurologique P. Wertheimer et Directeur du laboratoire « Activation et dysfonctionnements des réseaux neuronaux » à l’université Claude Bernard, à Lyon, le professeur François Mauguière dirige depuis 1998 l’Institut Fédératif des Neurosciences de Lyon, un centre de recherche, doté d’un équipement perfectionné de neuro-imagerie, à la pointe de la recherche en épileptologie. Engagé au sein de la FFRE, il vient de prendre la suite du professeur Olivier Dulac à la tête du comité scientifique de la Fondation. Comment se porte la recherche sur l’épilepsie ? Pr. François Mauguière : Depuis 10 ans, la recherche a beaucoup progressé. Elle a bénéficié d’efforts considérables en termes de ressources, grâce à des initiatives comme celles de la Fondation. En effet, la Fondation Française pour la Recherche sur l’Epilepsie a contribué à la recherche, non seulement par l’organisation de colloques ou l’attribution de bourses, mais aussi par la visibilité qu’elle a donnée à la maladie. Grâce à ses efforts conjugués à ceux des associations de patients, l’épilepsie est désormais identifiée et reconnue par le grand public comme une maladie du cerveau parmi d’autres. Cette reconnaissance a été déterminante dans l’attribution de fonds à la recherche, car l’on ne donne qu’aux maladies connues, reconnues et qui suscitent suffisamment d’intérêt et de compassion chez le public. Cela n’a pas toujours été le cas pour l’épilepsie. Mais les actions menées par la Fondation en faveur de la connaissance de la maladie et de l’insertion des malades ont contribué à faire admettre l’épilepsie ; le travail d’enquête sociale a retenti aussi sur toute la recherche médicale. La deuxième raison est liée aux moyens dont dispose aujourd’hui la recherche sur l’épilepsie, en particulier :

Les avancées de l’imagerie médicale, avec l’arrivée d’équipements comme : le Pet-Scan (Tomographie par Emission de Positons) qui a permis de mieux connaître

les origines neurochimiques de l’épilepsie, grâce à l’exploration des anomalies de la neurotransmission ;

l’IRM cérébrale fonctionnelle qui permet de localiser les aires fonctionnelles cérébrales éventuellement impliquées dans la production des crises d’épilepsie ;

la magnéto-encéphalographie qui permet d’enregistrer les champs magnétiques émis par l’activité cérébrale normale ou pathologique.

Le développement des modèles animaux de certaines épilepsies qui permet d’étudier les modifications des circuits neuronaux liés à la production de crises épileptiques, de créer des modèles génétiques de la maladie épileptique et d’en aborder les mécanismes moléculaires.

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La mise en place d’études de cohortes des formes d’épilepsies humaines pour lesquelles un mécanisme génétique est probable et l’identification des mutations génétiques qui en sont responsables.

Quels sont les différents angles de la recherche en épileptologie ? Pr. F. Mauguière : Cette recherche s’organise selon quatre thèmes majeurs, qui représentent en fait les quatre niveaux essentiels de la genèse des épilepsies. la génétique la différenciation cellulaire et la maturation des circuits neuronaux la neurotransmission et les mécanismes moléculaires de l’activité électrique neuronale la mécanique des crises elles-mêmes

Voyons d’abord la génétique. Elle concerne toutes les épilepsies, parce qu’elle se situe en amont de toutes les autres causes, il s’agit en quelque sorte d’une cause première, qui détermine la cascade des autres désordres qui concourent à l’expression clinique de la maladie (anomalies de la maturation du cerveau, problèmes neurochimiques, crises).

Les épilepsies généralisées sont les premières concernées par cette recherche : parce que l’origine génétique de certaines d’entre elles est aujourd’hui connue et

prouvée ; parce que la reproduction de modèles d’épilepsie généralisée chez le petit animal, très

comparables à l’épilepsie humaine, a permis d’avancer dans ce domaine. Mais l’exploitation thérapeutique de cette piste ne peut être envisagée que sur le très long terme. En effet, la première difficulté tient au fait qu’il y a très peu de modèles où une seule mutation génétique suffit à expliquer l’ensemble des phénomènes pathologiques. L’épilepsie met le plus souvent en jeu plusieurs gènes (on parle de maladie polygénique). Par ailleurs, entre le gène et la maladie, le lien essentiel est la protéine. Il y a souvent une ou plusieurs protéines, produite(s) en quantité anormale ou morphologiquement anormale(s) qui vont être potentiellement liées à l’épilepsie. L’identification de ces protéines potentiellement pathogènes (protéomique) et le mécanisme par lequel elles déterminent les anomalies de l’excitabilité neuronale propres à l’épilepsie, représentent un champ immense de recherche.

Enfin, ce peut être une prédisposition à l’épilepsie, et non la maladie elle-même, qui est génétiquement transmise. Face à une même agression cérébrale (traumatisme, anoxie, accident vasculaire cérébral, tumeur…) la probabilité de développer une épilepsie varie d’un sujet à l’autre en fonction de « l’équipement » génétique de chacun. Et si, du point de vue thérapeutique, la piste génétique conduit logiquement à envisager de modifier le génome, cette perspective demeure très éloignée.

Le deuxième axe que j’ai cité concerne la recherche sur la maturation du cerveau : C’est un axe très important si l’on se souvient que 80 % des épilepsies, qu’elles soient partielles ou généralisées, débutent avant 20 ans. Et la plupart débutent pendant la petite enfance, alors que le cerveau est encore en pleine maturation.

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Il faut savoir que la maturation du cerveau procède de deux mécanismes : la migration et la différenciation des cellules : La migration, c’est la progression des cellules souches situées au voisinage des

ventricules du cerveau vers la surface pour aller former le cortex cérébral. Les cellules souches, en migrant vers la surface du cerveau, se différencient et

deviennent des neurones : c’est ce qu’on appelle la différenciation. Les anomalies de la maturation du cerveau peuvent se rapporter à un défaut de la migration (lieu de migration), à un défaut de la différenciation, ou bien encore aux deux conjugués. Or, l’on sait aujourd’hui que ces malformations du développement cortical sont des lésions très épileptogènes. Il est probable que beaucoup des épilepsies dites « cryptogéniques », c’est-à-dire dont on ne trouve pas la cause, sont provoquées par ce type de malformation. Les progrès de l’imagerie permettront sans doute de mieux les comprendre et les nommer et les progrès réalisés dans ce champ de la recherche en épileptologie, de mieux les soigner. On peut ainsi imaginer qu’il sera un jour possible de réparer les petites malformations du développement cortical à l’origine d’épilepsies partielles à foyer très limité, grâce à la chirurgie, à l’électrocoagulation locale ou à la radiothérapie (Gamma knife1). Mais ce pan de la recherche demeure expérimental et les perspectives thérapeutiques sont encore lointaines. Plus proches sont les débouchés thérapeutiques de la recherche sur la neurochimie de l’épilepsie chez l’homme. Les anomalies génétiques sont à l’origine d’anomalies des neurotransmetteurs et de dysfonctionnements de la neurotransmission. La recherche en neurochimie s’attache à analyser les mécanismes de la neurotransmission et à observer leurs dysfonctionnements chez le sujet atteint d’épilepsie. Depuis une quinzaine d’années, la recherche a étudié l’hypothèse selon laquelle des anomalies de la libération des neurotransmetteurs ou de leurs récepteurs pourraient être à l’origine de l’épilepsie. Grâce à l’utilisation du Pet-scan, on a pu comparer la neurotransmission chez les sujets atteints d’épilepsie à celle des sujets sans épilepsie afin de repérer les éventuelles anomalies causes de la maladie. Les observations ont permis de noter de nombreuses anomalies au niveau du foyer épileptogène – chez les sujets souffrant d’épilepsies partielles. Elles concernent notamment les récepteurs du GABA, de la sérotonine, ou encore des endorphines.

1 C’est-à-dire à la radiochirurgie stéréotaxique intracrânienne sans incision réalisée à partir de la convergence de rayonnements.

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Pourtant, si l’on connaît bien ces anomalies, on n’a pas, jusqu’alors, établi leur lien avec la maladie, et l’on n’est pas capable de dire si elles sont la cause de l’épilepsie, ou bien, par exemple, si elles sont dues à des comorbidités ou à d’autres pathologies. Et l’on n’est pas parvenu à trouver une et une seule anomalie qui soit clairement à l’origine de l’hyperexcitabilité des neurones corticaux, observée dans l’épilepsie. La recherche en neurochimie a cependant ouvert la porte à la recherche pharmacologique et à l’élaboration de molécules qui puissent corriger les anomalies de la chimie du cerveau en agissant : sur la neurotransmission, en particulier la neurotransmission gabaergique ; sur le fonctionnement des canaux ioniques, en modifiant l’activité électrique des

neurones. Et la piste pharmacologique est, aujourd’hui encore, la voie thérapeutique la plus tangible, dans l’attente de traitements plus radicaux, qui s’attaquent aux causes premières de la maladie. En cela, les laboratoires pharmaceutiques ont un rôle capital à jouer et ils sont des interlocuteurs essentiels pour la Fondation. Enfin, il y a la recherche sur les mécanismes des crises, c’est-à-dire sur leur origine électrophysiologique. Les travaux récents s’appuient sur l’analyse de l’électro-encéphalogramme et ils ont bénéficié des apports de la magnéto-encéphalographie qui permet de localiser les anomalies épileptiques à partir de capteurs situés à l’extérieur du crâne. Les études portent notamment sur ce qui se passe entre les crises, et en particulier sur le repérage de signaux intercritiques qui permettraient de détecter les modifications de l’activité des neurones qui précèdent la survenue d’une crise. On peut imaginer que, dans le but thérapeutique d’éviter la crise, il devienne possible, au moyen d’un dispositif implanté dans le cerveau, d’identifier automatiquement ces modifications pré-critiques et de bloquer l’activité des circuits neuronaux impliqués dans la genèse de la crise.

Si pour l’instant un tel dispositif autorégulé de stimulation cérébrale déclenché par les signaux pré-critiques demeure un objectif de recherche, l’idée d’utiliser la neurostimulation électrique pour prévenir les crises a déjà fait son chemin. C’est ainsi que la stimulation, au niveau du cou, du nerf vague qui se projette sur les zones du cerveau impliquées dans certaines crises, grâce à un stimulateur implanté sous la peau est une technique déjà utilisée pour diminuer la fréquence des crises, et qui vient d’obtenir une autorisation de remboursement par l’Assurance Maladie, en France.

Un deuxième type de neurostimulation vise à corriger le dysfonctionnement électrique de la zone épileptogène en stimulant directement, par une électrode implantée dans le cerveau, soit la zone du cortex cérébral, responsable des crises dans les épilepsies partielles, soit des noyaux plus profonds qui modulent l’activité corticale.

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Les moyens technologiques conditionnent la recherche : quels efforts sont prévus pour aller dans le sens d’un meilleur équipement ? Pr. F. Mauguière : Dans un proche avenir, la France devrait se doter de 3 ou 4 grands centres spécialisés dans l’épilepsie, disposant de tous les moyens techniques et humains nécessaires à toutes les recherches génétiques, neurochimiques, recherche sur la maturation du cerveau ou sur le mécanisme des crises. La Fondation soutient ce projet. A côté de ces grands pôles, la mise en place d’outil comme le réseau GRENAT, auquel la FFRE a contribué, permettra des études multicentriques, seules capables de réunir des cohortes importantes de patients souffrant de la même forme d’épilepsie. Il s’agit là d’un enjeu majeur pour toutes les études génétiques, épidémiologiques et thérapeutiques de cette maladie protéiforme.

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Le Pr. Olivier Dulac : « Il est urgent de briser les croyances qui nous empêchent de bien soigner les enfants »

Pédiatre, président du conseil scientifique de la FFRE, le professeur Olivier Dulac reçoit, chaque jour, dans son service de neuro-pédiatrie, à l’hôpital Necker (Paris) des enfants avec une épilepsie, venus de toute la France, voire de toute l’Europe. Constatant que les progrès réalisés dans la recherche de nouveaux médicaments contre l’épilepsie ces quinze dernières années n’ont pas profité aux enfants autant qu’aux adultes, il se bat, avec l’appui de la Fondation, pour faire entendre la nécessité d’adapter la recherche pharmacologique aux besoins des plus jeunes patients. Quelle est l’incidence de l’épilepsie chez les enfants ? Professeur Olivier Dulac : L’incidence de l’épilepsie chez le nourrisson de moins d’un an est 3 fois plus importante que chez l’adulte. C’est-à-dire que les premières crises sont trois fois plus nombreuses chez le nourrisson que chez l’adulte. Après un an, l’incidence de l’épilepsie diminue progressivement, jusqu’à l’âge de 10 ou 15 ans, avant de remonter chez le vieillard. Mais chez le vieillard, les épilepsies sont beaucoup moins sévères, car elles sont plus sensibles au traitement et ne retentissent pas sur l’intelligence. Chez l’enfant, elles peuvent être très sévères parce qu’elles sont difficiles à contrôler, et retentissent sur l’intelligence avec un risque non négligeable de séquelles. Pourquoi cette fréquence et cette gravité des épilepsies de l’enfant ? Pr. O. Dulac : Elles sont plus fréquentes chez l’enfant, parce que l’immaturité du cerveau est un facteur d’épilepsie. Le cerveau est un chantier instable, en pleine construction, et lorsqu’il y a une épilepsie, c’est un peu comme si l’instabilité des matériaux de construction générait des bombardements. Et ces « bombardements » entraînent la destruction de ce qui est en cours de construction. S’ils sont trop rapprochés le chantier n’avance pas et il n’a pas le temps de reconstruire ce qui a été détruit. Cette métaphore permet de comprendre deux choses. La première est que l’épilepsie est une maladie de l’enfance : plus le cerveau est immature (en construction), plus grande est la tendance à faire des crises. Deuxièmement, le risque que ces crises retentissent sur les fonctions cognitives est plus important chez l’enfant, avec des effets qui persisteront à l’âge adulte, si l’on n’arrive pas à enrayer le processus suffisamment tôt. Si le « bombardement » touche une fonction déjà bien établie, comme le fait de prendre des objets, il va empêcher l’organisation des réseaux, voire produire une perte de neurones qui sont déjà bien spécialisés, il n’y aura pas de reconstruction. Si au contraire, c’est une fonction qui est en devenir, il peut y avoir une récupération, mais cette récupération est rarement absolument complète.

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Cette spécificité de l’épilepsie de l’enfant nécessite-t-elle des traitements différents de ceux de l’adulte ? Pr. O. Dulac : Cette spécificité nécessite effectivement le recours à des traitements adaptés. Elle nécessiterait aussi une recherche appropriée, qui tienne compte des besoins de l’enfant. On l’a bien compris, les épilepsies de l’enfant sont des maladies de l’enfance. Pourtant, depuis 50 ans, les recherches portent uniquement sur l’adulte. Ainsi, lors des phases expérimentales, on étudie l’effet des molécules sur l’animal mature, puis l’on teste le médicament sur l’adulte, après quoi, l’on adapte en appliquant une sorte de règle de trois qui tient compte de l’âge, de la taille et du poids de l’enfant. C’est un non sens ! Car ce faisant, on ne soigne pas vraiment ces enfants : on leur bricole un traitement. Et, plus grave encore, lorsque malgré tout, l’on finit par trouver une molécule qui semble convenir au traitement de l’enfant, les organismes d’enregistrement ne permettent pas l’autorisation de mise sur le marché. Pourquoi ? Parce qu’ils sont jugés selon une méthodologie qui correspond aux médicaments d’adultes. Mais la méthodologie chez l’adulte qui fait une crise par mois, consiste à étudier ce qui se passe au bout de trois mois. Si j’ai en face de moi un enfant qui fait 100 crises par jour et que j’attends 3 mois, que sera-t-il advenu de cet enfant ? Je ne peux pas attendre car ce serait trop dangereux. Il y a un travail didactique bien difficile car il faut aller à l’encontre de croyances bien différentes de la science. Ces limites reposent sur un schéma communément admis et partagé, qui n’a pas de fondement rationnel et qui empêche les remises en question, les adaptations logiques et les progrès. Et pendant que ces croyances perdurent, je reçois des enfants dont on ne parvient pas à équilibrer l’épilepsie et qui risquent d’en porter les séquelles toute leur vie... Cette situation est d’autant plus absurde qu’une meilleure compréhension des épilepsies de l’enfant entraînerait certainement une meilleure compréhension des épilepsies de l’adulte, car chez l’adulte, lorsque l’épilepsie est sévère, on observe une tendance à la régression du mode de fonctionnement du cerveau vers un état immature. Il n’est donc pas possible d’extrapoler une indication de traitement de l’enfant à partir d’études sur l’adulte. Il y a en outre des motivations économiques à la situation actuelle qui ne devraient pas résister à une réflexion approfondie : en cherchant des traitements pour l’enfant, on contribuerait à améliorer les conditions de soins de l’adulte. Il est donc urgent de comprendre les spécificités de la maladie de l’enfant pour mieux adapter la recherche de nouveaux médicaments. Nous souhaitons qu’avec l’aide de la FFRE, qui a déjà combattu beaucoup de croyances autour de l’épilepsie, nous parvenions à obtenir gain de cause auprès de l’industrie pharmaceutique et des autorités de régulation des produits de santé. Il en va du devenir de nombreux enfants.