16 février 2011
LES SÛRETÉS À L’ÉPREUVE DU DROIT DES
PROCÉDURES COLLECTIVES
Marie-Elisabeth MATHIEU
Maître de conférences à l’Université d’Evry Val d’Essonne
Membre du Centre de recherche Léon Duguit
Professeur au CFPNP (Paris)
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INTRODUCTION (1/2)
Loi n 2005-845 du 26 juillet 2005 portant réforme des procédures collectives.
Ordonnance du 23 mars 2006 sur la réforme des sûretés et réforme de la fiducie loi du
10 février 2007, loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 et ord. du 30 janvier
2009 et loi n 2009-526 du 12 mai 2009).
Ordonnance n 2008-1345 du 18 décembre 2008 portant réforme du droit des entreprises
en difficultés et décret d’application du 12 février 2009.
Loi de régulation financière créant une procédure de sauvegarde expresse.
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INTRODUCTION (2/2)
Principe : primauté du droit des procédures collectives sur le droit des sûretés
(art. 2287 du Code civil).
Conséquences :
Le droit des procédures collectives empêche la réalisation des sûretés ;
alors que les sûretés garantissent l’exécution future des obligations du débiteur ;
d’où la recherche, par la pratique, de sûretés efficaces échappant aux effets de la
procédure collective.
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PLAN
I. Les sûretés à l’épreuve des plans de sauvegarde et de redressement
II. Les sûretés à l’épreuve de la liquidation
III. De la responsabilité du banquier dispensateur de crédit
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I. LES SÛRETÉS À L’ÉPREUVE DES PLANS
DE SAUVEGARDE ET DE REDRESSEMENT
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I. PRINCIPES COMMUNS À LA SAUVEGARDE ET AU REDRESSEMENT
Principe de suspension des poursuites (L.622-21 du Code de commerce).
Interdiction de payer les créances antérieures au jugement d’ouverture
(L.622-7 du Code de commerce).
Paiement des créances postérieures suivant l’ordre de priorité de l’article L.622-17
du Code de commerce.
Interdiction de prendre des inscriptions (L.622-30 du Code de commerce).
Inventaire du patrimoine du débiteur et des sûretés qui le grèvent
(L.622-6 du Code de commerce).
Impossibilité de conclure et de réaliser un pacte commissoire
(L.622-7 du Code de commerce).
Obligation pour les créanciers de déclarer leurs créances
(L.622-24 du Code de commerce).
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I. SAUVEGARDE ET REDRESSEMENT :
SORT DU GAGE SANS DÉPOSSESSION
Paralysie du droit de rétention des gages sans dépossession :
Droit de rétention du créancier gagiste inopposable pendant la phase d’observation et
le déroulement des plans (L.622-7, I, al.2 du Code de commerce) ;
Le créancier ne peut conserver l’usage du bien alors même qu’il est censé le
posséder par le jeu de la rétention fictive ;
D’où utilisation par le débiteur des biens gagés pendant le déroulement du plan.
Exception : cession d’une branche d’activité de l’entreprise pendant le plan.
Extension de l’inopposabilité aux droits de rétention fictifs issus de textes spéciaux ?
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I. SAUVEGARDE ET REDRESSEMENT :
SORT DU GAGE AVEC DÉPOSSESSION
Le droit de rétention demeure opposable pendant la période d’observation et le
déroulement des plans :
Le créancier peut conserver le bien retenu tant qu’il n’est pas payé de sa créance.
Maintien du droit de retrait au bénéfice du créancier (art. L.622-7, II, al.2) :
paiement exceptionnel d’une créance antérieure pour assurer la poursuite de
l’activité de l’entreprise.
retour dans le patrimoine du débiteur du bien gagé une fois la créance payée.
utilité du droit de rétention matériel quand le bien, objet du gage est nécessaire à la
poursuite de l’activité.
utilité moindre pour le droit de rétention fictif.
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I. SAUVEGARDE ET REDRESSEMENT :
SORT DES CRÉANCES CIVILES ANTÉRIEURES NANTIES
(ART. 2355 ET SUIVANTS DU CODE CIVIL)
Principe : les créances nanties affectées en garantie d’une créance antérieure
demeure dans le patrimoine du débiteur.
Le créancier nanti déclare sa créance puis subit la procédure.
Exception : créances nanties et notifiées au débiteur cédé avant l’ouverture.
Les créances sont payées au créancier nanti et non aux organes de la procédure
(Cass. com., 26 mai 2010).
Le créancier nanti reçoit valablement paiement de sa créance
(art.2363 du Code civil).
Rapprochement du régime juridique de la cession civile à titre de garantie
(requalifiée en nantissement) et du nantissement de créances.
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I. SAUVEGARDE ET REDRESSEMENT : SORT DES CRÉANCES
ANTÉRIEURES CÉDÉES EN DAILLY À TITRE DE GARANTIE
(ART. L.313-23 ET SUIVANTS DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER)
Principe : les créances sont sorties du patrimoine du cédant dès la date apposée sur le
bordereau – peu importe la notification – (com. 22 novembre 2005 ; Com. 1er avril 2008 ;
Paris, 25 février 2010 CŒUR DEFENSE).
Conséquences :
Le cessionnaire échappe à la loi du concours : sécurité absolue face à la procédure
collective du cédant ;
les créances cédées sont payées à l’établissement de crédit cessionnaire et non aux organes
de la procédure.
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I. SAUVEGARDE ET REDRESSEMENT :
SORT DU GAGE-ESPÈCES (ART. 2341 DU CODE CIVIL)
Objet du gage : monnaie scripturale qualifiable de meuble fongible – inscription en
compte.
Nature du gage : avec dépossession
Conséquences : jeu des dispositions de l’article 2341 du Code civil.
(i) Le créancier individualise la monnaie gagée sur un compte spécial bloqué : droit de
rétention sur la monnaie tant qu’il n’est pas payé.
(ii) Soit, le gage l’en dispense et le créancier « acquiert la propriété des choses gagées à
charge pour lui de restituer la même quantité de choses équivalentes » : création
d’une propriété fiduciaire.
L’objet du gage est la propriété du créancier dès sa constitution.
La monnaie scripturale n’est plus dans le patrimoine du débiteur.
Le gage-espèces échappe donc aux créanciers du débiteur-constituant.
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I. SAUVEGARDE ET REDRESSEMENT :
SORT DU CONTRAT DE FIDUCIE-SÛRETÉ
A l’ouverture de la procédure : retour possible du patrimoine fiduciaire dans le patrimoine
du débiteur (art. L.622-7, II, al.2 du Code de commerce).
Pendant le déroulement du plan : gel du patrimoine fiduciaire, objet d’une convention de
mise à disposition au profit du débiteur (art. L.622-23-1 du Code de commerce).
Aucun transfert n’est réalisable au profit d’un fiduciaire ou d’un tiers bénéficiaire à peine de
nullité.
Libre disposition du patrimoine fiduciaire en l’absence de convention de mise à disposition
ou en présence d’une convention au profit d’un tiers.
L’efficacité de la fiducie-sûreté dépend des modalités d’usage du patrimoine d’affectation.
Existence d’un droit de revendication du créancier fiduciaire (art. L.624-16 du Code de
commerce).
Exceptions : ouverture d’un redressement suite à la cessation de paiements en cours
d’exécution du plan (L.631-14 al.3 du Code de commerce).
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I. SAUVEGARDE ET REDRESSEMENT : RÔLE ACCRU DU DÉBITEUR
Pouvoir de substitution des garanties (art. L.622-8 du Code de commerce) :
Faculté de proposer aux créanciers une autre garantie.
Pouvoir exclusif du débiteur si sauvegarde.
A défaut d’accord du créancier, ordonnance possible du juge commissaire imposant
la substitution.
Pouvoir de faire un acte étranger à la gestion courante
(L.622-7, II du Code de commerce)
Faculté de consentir une hypothèque, un gage, un nantissement.
Initiative appartenant au débiteur si sauvegarde.
Autorisation préalable du juge commissaire.
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I. SAUVEGARDE ET REDRESSEMENT :
SORT DES SÛRETÉS PERSONNELLES
Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle,
affecté ou cédé un bien en garantie bénéficient :
de l’arrêt du cours des intérêts sauf si ouverture d’un redressement
(art. L.622-28, al.1 du Code de commerce) ;
de la suspension des poursuites jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la
liquidation judiciaire (art. L.622-28, al.2 du Code de commerce) ;
des dispositions du plan de sauvegarde (art. L.626-11 du Code de commerce) et non
du plan de redressement (art. L.631-20 du Code de commerce) ;
faculté pour les créanciers bénéficiaires de ces sûretés de prendre des mesures
conservatoires (art. L.622-28, al.3 du Code de commerce).
Pas de protection des personnes morales :
Les créanciers peuvent poursuivre les personnes morales coobligées ou ayant
consenti une sûreté personnelle, ou encore ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
Protection des créanciers bénéficiaires d’une garantie personnelle d’une personne
morale.
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I. REDRESSEMENT : LA NULLITÉ DES SÛRETÉS DE LA PÉRIODE
SUSPECTE (ART. L.632-1 DU CODE DE COMMERCE)
Sont nuls car constitués pendant la période suspecte pour des dettes antérieures :
Les hypothèques conventionnelles et judiciaires.
Les droits de nantissement.
Les droits de gage.
Le transfert fiduciaire de biens ou de droits ou l’avenant à un contrat de fiducie pour
affecter le patrimoine fiduciaire à des dettes antérieures.
Est valable :
Le transfert fiduciaire de biens ou de droits pour des dettes concomitamment
contractées.
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II. LES SÛRETÉS À L’ÉPREUVE DE LA
LIQUIDATION
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II. OUVERTURE DE LA PROCÉDURE DE LIQUIDATION :
PRINCIPES ATTACHÉS AUX SÛRETÉS
A l’ouverture de la procédure (art. L.641-3, al.1 du Code de commerce) :
interdiction de conclure et de réaliser un pacte commissoire ;
arrêt du cours des intérêts au bénéfice des personnes physiques, garantes pour autrui ;
interdiction de prendre des inscriptions ;
déclaration des créances.
A compter du jugement d’ouverture (art. L.643-2 du Code de commerce) :
le liquidateur a trois mois pour entamer la réalisation des sûretés des créanciers privilégiés ;
si carence, renaissance du droit de poursuite de ces créanciers.
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II. RÉALISATION DE L’ACTIF :
SORT DES SÛRETÉS DOTÉS D’UN DROIT DE RÉTENTION
Principe : ventilation du prix de la cession entre les créanciers bénéficiaires de
sûreté (art. L.642-12, al.1 du Code de commerce).
Chacun aura droit à une quote-part fixée par le tribunal.
Exception : créanciers munis d’un droit de rétention
(art. L.642-12, al.5 du Code de commerce).
Opposabilité du droit de rétention du créancier sur un bien compris dans la cession.
Trois possibilités pour le paiement de sa créance :
1. Exercice du droit de retrait : le créancier est payé et le bien est un élément du patrimoine liquidé
et donc cédé (art. L.641-3, al.2 du Code de commerce).
2. Droit d’attribution judiciaire par le créancier (art. L.642-20-1, al.1 du Code de commerce)
3. A défaut, le liquidateur a six mois à compter du jugement de liquidation judiciaire pour réaliser la
sûreté. Si vente du bien, le droit de rétention se reporte sur le prix
(art. L.642-20-1, al.3 du Code de commerce).
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II. LIQUIDATION JUDICIAIRE : SORT DU CONTRAT DE FIDUCIE
Le débiteur est constituant et bénéficiaire (fiducie-gestion) :
résiliation de plein droit du contrat de fiducie et retour du patrimoine d’affectation
dans le patrimoine du débiteur (art. L.641-12-1 du Code de commerce).
Le bénéficiaire est tiers ou fiduciaire (fiducie-sûreté) :
la fiducie se réalise conformément aux dispositions légales et aux clauses du contrat ;
appropriation possible du patrimoine fiduciaire par le bénéficiaire à hauteur de sa
créance (jeu de l’art. 2372-3 du Code civil).
Sort de la convention de mise à disposition :
Pas de cession automatique de la convention de mise à disposition : nécessaire
accord du ou des bénéficiaire(s) du contrat de fiducie
(art. L.642-7, al.4 du Code de commerce).
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III. DE LA RESPONSABILITÉ DU BANQUIER
DISPENSATEUR DE CRÉDIT
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III. DE LA RESPONSABILITÉ DU BANQUIER DISPENSATEUR DE CRÉDIT
Principe : les garanties disproportionnées par rapport aux concours consentis sont
susceptibles d’être annulées ou réduites par le juge (art. L.650-1 du Code de commerce).
La notion de disproportion demeure floue.
Solution conventionnelle pour éviter la réfaction de la garantie : reconnaissance de la
proportion par le débiteur-emprunteur.