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© 2011 Mediatoon licensing
Éditions Chronique
ISBN 1090871791
Éditions Chronique
2013
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Sommaire
Introduction
1 Islam versus OccidentLa terreur djihadiste frappe tous azimuts - Pourquoi George W.
Bush voulait abattre Saddam Hussein - Les Américains se sontinstallés en Irak - L’Europe face à la Turquie : un conflit millénaire -
Le Grand Moyen-Orient américain - L’islamisme, produit d’un
islam humilié ? - Bosnie, Irak, Sahel, le rituel macabre des
décapitations - L’Afghanistan au cœur du grand jeu eurasiatique -
La géopolitique afghane dopée à l’opium - L’Iran dans le
collimateur de l’Occident - La Libye de Kadhafi sous les bombes de
l’Otan - La population européenne en question - Méditerranée :l’explosion migratoire.
2 Islamérique versus Europe
L’Otan au service de la globalisation américaine - La Russie est
redevenue grande puissance - Pôle Nord, Pôle Sud : La course est
lancée - À quoi sert le Kosovo ? - Le bouclier antimissile américain :un défi stratégique pour la Russie - Manipulations
islamo-américaines au Nord-Caucase - Des révolutions colorées
pour encercler la Russie - Les dessous de la guerre
russo-géorgienne - La guerre du pétrole et du gaz a commencé -
L’axe Moscou Téhéran du chaud au froid.
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3 Amérique versus Chine
Une Civilisation qui entre Unie dans la mondialisation - La Chineconsolide les marches de son empire - Pékin-Washington : duel
dans le Pacifique - La Chine en quête d’énergie - L’Empire du
Milieu se réveille - Les Nouveaux Barbares aux portes de la Chine -
Les vrais enjeux du nucléaire nord-coréen.
4 Islam versus JudaïsmeL’expansion territoriale d’Israël - Jérusalem, point nodal du choc
des civilisations - Israël sous le parrainage des États-Unis -
Kamikazes palestiniens et représailles israéliennes - La montée en
puissance du Hamas - L’Arabie Saoudite et l’Iran - Le djihad du
Hezbollah contre Israël.
5 Islam versus Islam
Le poids du chiisme dans le monde musulman - Le nouvel Irak
chiite - Jours de colère chiite à Bahreïn - Les Kurdes d’Irak face aux
Arabes et aux Turcs - La Turquie islamiste dans le monde arabe - Le
printemps des révolutions arabes - La Syrie est la clé de voûte du
Moyen-Orient - Le jeu trouble des services secrets pakistanais - Le
djihad à l’assaut de l’Asie centrale - Attaques islamistes en Égypte etau Maghreb - L’islam à la conquête de l’Afrique noire.
6 Islam versus Asie
L’Inde et le Pakistan : deux puissances nucléaires face à face - Un
État islamiste pour l’Asie du Sud-Est ?
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7 Asie versus AsieLe Japon entre l’alliance américaine et la tentation chinoise - Le
déclin du Japon est-il irrémédiable ? - La guerre de l’eau aura-t-elle
lieu entre l’Inde et la Chine ?
8 Fanatismes versus christianisme
La disparition programmée des chrétiens du Moyen-Orient - En
Égypte, les Coptes sont désignés à la vindicte des musulmans -
Deux cas d’éradication du christianisme : le Pakistan et les
Moluques.
9 Grandes puissances versus Afrique
La Côte d’Ivoire rattrapée par les réalités ethniques - Les richesses
stratégiques de l’Afrique convoitées.
10 Amérique versus Amérique
L’Amérique latine relève la tête - La doctrine Monroe brisée par la
Chine, la Russie et l’Iran - Le Brésil, géant de l’’Atlantique Sud etpilier de la multipolarité - Un bastion du catholicisme menacé par
les Églises américaines - L’hispanisation des États-Unis : le défi.
Conclusion
Les grands défis historiques de la multipolarité.
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Introduction
LE CHOC DES CIVILISATIONS AU CŒUR DE L’HISTOIRE
DU MONDE
Si l’histoire ne se réduit pas au choc des civilisations, lechoc des civilisations est au cœur de l’histoire… Cette vérité, le passé nous l’enseigne depuis la plus haute
Antiquité, de la bataille de Marathon à celle de Lépante, enpassant par les guerres puniques, la Reconquista espagnoleou la chute de Byzance. Et cet enseignement est précieux,car il nous permet de comprendre le présent et d’affronterlucidement l’avenir.
Pour Oswald Spengler, l’auteur du célèbre Déclin del’Occident , ce ne sont pas les nations qui constituent les
unités culturelles de base, mais les civilisations. Le thèmedu choc des civilisations est très ancien, il ne date pas de saréactualisation par Samuel Huntington, au début desannées 1990. Il hante l’Europe depuis l’aube des temps.Lépante, cette formidable bataille qui vit la Sainte Ligue, le7 octobre 1571, écraser l’armada turque à l’entrée du golfede Corinthe, dans un combat à la fois monstrueux et bref,
est l’un des grands épisodes de ce choc des civilisations. DeLépante, Fernand Braudel dit qu’elle est de « ces chocssourds, violents, répétés, que se portent les bêtespuissantes que sont les civilisations ». La bataille deLépante fut-elle une prise de conscience de la nécessité des’unir pour défendre l’intérêt commun d’une civilisation,comme le pensent des historiens aussi éminents que René
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Grousset ou Fernand Braudel ? Ou n’était-elle pas plutôt letriomphe opportuniste du Saint Empire romaingermanique sur le reste de l’Europe ?
Il est notable que la lecture civilisationnelle de l’histoire est une lecture événementielle, une ponctuation del’histoire par de grandes batailles :
La bataille de Marathon, en 490 av. J.-C., aurait étél’affrontement de l’Europe et de l’Asie.
Les guerres puniques entre Rome et Carthage, jusqu’en146 av. J.-C., « la lutte d’un peuple essentiellementmaritime et marchand et d’un peuple essentiellementterrien, guerrier et paysan » (Braudel), c’est encorel’affrontement de l’Europe et de l’Asie.
Poitiers, en 732, c’est la chrétienté qui arrête l’Islam.
Mais les Aquitains ne s’entendent-ils pas avec l’Islamcontre les Francs ? Et, plus tard, les Carolingiensn’eurent-ils pas une politique d’amitié avec les Abbassides ?
Constantinople est prise en 1453. C’est une catastrophepour la chrétienté. Les croisades retardèrent pourtant de250 ans la chute de Byzance. Mais les Byzantins nepréférèrent-ils pas s’en remettre à l’Islam plutôt qu’auxLatins ? La chrétienté, divisée, mangée par ses hainestenaces, ne fut-elle pas la première responsable dutremblement de terre turc ?
Le choc des civilisations traverse les siècles, et même,pour certaines civilisations, les millénaires ; il s’apaise,
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puis reprend, et donne à l’histoire des chocs sourds etpuissants, comme si des plaques tectoniques venaient à endécoudre, causant d’immenses secousses dans l’humanité.Faire la chronique du choc des civilisations, c’est montrerque la succession des événements s’inscrit le plus souventdans des permanences historiques. Ce livre inscritl’événement dans le temps long.
LE COMBAT POUR LA CIVILISATION DÉPASSE TOUS LESCOMBATS
Certes, l’histoire ne se réduit pas au choc descivilisations ! Point de caricature ici, ou de simplificationhistorique. Il y a le choc des peuples et des États, le chocdes grandes figures humaines, et aussi le choc des
économies. Mais comment nier que le choc descivilisations fait partie intégrante de l’histoire, qu’il estmême la toile de fond qui traverse les siècles et sur laquellel’ombre des conflits de personnalités et d’États apparaîtparfois si fugace ?
Il y a bien un univers mental de la civilisation, touchantà la conscience populaire, et cet univers mental est l’un des
moteurs essentiels de l’histoire. Mettons-nous un instantdans la tête des combattants serbes, croates ou bosniaquesdans le chaos yougoslave : ces hommes ne furent-ils pastentés d’élever la cause de leur combat au-dessus de cellede leur peuple et de se voir en guerriers de l’orthodoxie, del’Occident latin ou de l’Islam ? J’ai croisé, au Kosovo, desSerbes qui m’affirmèrent être les sentinelles de l’Europe
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face à l’Islam. J’ai eu le sentiment, en Somalie, de metrouver projeté au cœur d’un monde profondément hostileà l’Occident.
Le combat pour la civilisation dépasse tous les combats,car il ne s’inscrit pas dans l’échelle de temps d’une vie ;c’est un combat pour la lignée, au nom des pères grecs,romains et germains qui ont légué à l’Européen la liberté,la raison et la volonté de puissance. Ce combat est essentiel
; pour que l’Europe ne devienne jamais la périphériesoumise d’une Asie hyperpuissance ou que les filles deFrance n’aient pas à craindre demain la rigueur d’unepolice « du vice et de la vertu ».
La carte des États est traversée par des lignes de fractureentre civilisations, parfois en sommeil comme de vieux volcans, mais toujours susceptibles de se réveiller. Les
civilisations ont la vie très longue, solidement accrochées àleur espace géographique. Elles peuvent céder à lapuissance étrangère ; on peut les croire disparues à jamais,comme la civilisation inca en Amérique latine, puis ellesresurgissent, sous la forme des mouvements identitaires.Elles finissent toujours par balayer le vernis étranger quiles recouvre, comme ces cinq siècles d’islam espagnol
éradiqués par la Reconquista. En Méditerranée, partout oùl’héritage romain n’a pas tenu face à l’Islam, la civilisationpunique de Carthage avait marqué les terres et lespopulations durant de longs siècles et Rome n’avait rien pu y faire. Dans le nord de l’Europe, au-delà du limes, partoutoù Rome n’avait pas laissé d’empreinte profonde, lecatholicisme romain s’est effondré face à la Réforme.
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LES TROIS GRANDS DÉFIS QU’AFFRONTENT LESEUROPÉENS
La longueur de l’occupation n’y suffit pas si lescivilisations qui précèdent sont anciennes et structurées :l’Orient gréco-romain, de la conquête d’Alexandre à la finde Rome, c’est, comme le souligne René Grousset, près dedix siècles de présence – de 334 av. J.-C. à l’an 634 après
J.-C. Du jour au lendemain pourtant, l’Islam balaie tout.Songeons aussi que l’arabisation ne l’emporte pas en Iran,qui s’islamise sans s’arabiser parce que l’Iran est à la foisun vieil empire et une vieille civilisation. Quant aux Étatscroisés latins, ils durent deux siècles et s’évaporent en une bataille. Par analogie, certains se posent la question de lalongévité de l’État d’Israël ; mais Israël sait se défendre,
comme il l’a montré, il y a plus de deux mille ans, face àRome.
Le monde d’aujourd’hui est marqué par uneredistribution de la puissance entre les civilisations.L’Occident se rapproche dangereusement du moment où laprimauté qu’il détient sur les autres civilisations depuis
cinq siècles (les grandes découvertes et la Reconquista)peut lui échapper. Face à lui, un nombre impressionnantde peuples fondent sur la mémoire de l’humiliation et duressentiment leur volonté de revanche. Les Américains,héritiers des pionniers du Far-West et donc convaincusque la vie est un combat, ont compris que la roue del’histoire est en train de tourner à leur désavantage. Les
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guerres qu’ils déclenchent visent à briser l’ascension derivaux qu’ils voient naître à l’orient. À défaut d’imposer unordre mondial américain, ils créeront le désordre sur lechemin de leurs ennemis. Mais les Européens, quant à eux,semblent endormis par les beaux principes de Kant et sonrêve de « paix perpétuelle » – comme au-dehors d’unmonde où l’identité et la volonté de puissance restent leprincipal moteur de l’Histoire. Où est passée la culture du« temps long » chère à Braudel ?
L’intérêt de leur civilisation – l’Europe et non l’Occidentaméricain – devrait pourtant pousser les Européens àréfléchir face aux trois grands défis qu’ils affrontent : leréveil violent de l’islam, l’utopie mondialiste américaine, la volonté de revanche de l’Asie. Dans cette grandecompétition, la Russie et l’Amérique latine offrent des
alliances naturelles.
LE 11 SEPTEMBRE, NOUVEAU MYTHE FONDATEUR DANS
LE CHOC DES CIVILISATIONS
Le 11 septembre 2001, le choc des civilisations connaîtun nouveau rebondissement. En un temps contracté
d’environ deux heures et trente minutes, la destruction desdeux tours jumelles de Manhattan (et d’une troisièmetour), au cœur de la capitale financière du monde,l’effondrement d’une aile du Pentagone, au cœur de lacapitale politique et militaire des États-Unis, ainsi que ladisparition de quatre avions commerciaux américains,causent la mort d’environ 3000 personnes et sidèrent le
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monde entier. Ce jour-là, le peuple américain comprendque son territoire n’est plus un sanctuaire protégé, à l’abri des conflits de la lointaine Eurasie.
Nous sommes en 2001. L’URSS est tombée depuis dixans (1989 : chute du mur de Berlin ; 1991 : dissolution del’URSS) et avec elle la division du monde en deux systèmesde vérité opposés. L’idéologie américaine tente de profiterde sa victoire sur l’URSS pour s’imposer partout. La Chine
est désignée dès 1991, par les think tanks de Washington,comme nouvel adversaire géopolitique. Le mondeoccidental dominant la scène de la guerre de l’information,il sait paralyser toute analyse en usant de la puissanceémotionnelle des images et a déjà opposé avec succès lesimages qui émeuvent (faux charniers de Timisoara, «couveuses » de Koweït-City…) aux raisonnements qui
démontrent. Mais le 11 septembre 2001 offre un potentielde sidération émotionnelle des foules sans communemesure avec ce qui a précédé depuis 1989. La violence desimages d’un crime commis presque en direct sur toutes lestélévisions du monde présente toutes les caractéristiques voulues pour enraciner dans les mentalités collectives les bases « religieuses » d’un nouveau monde. Les rares
personnes qui parviennent, ce jour du 11 septembre 2001,à conserver une distance par rapport à l’événement,sentent bien que, par ce « petit » holocauste américain, lesÉtats-Unis d’Amérique viennent d’acquérir auprès despopulations occidentales un crédit de représaillesquasiment infini.
Toutefois, 2001 n’est ni 1945 ni 1989. S’affirme en effet,
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et de manière contradictoire à la tendance unipolaire enmatière d’idéologie, une tendance multipolaire en matièrede puissance. Malgré la sidération provoquée parl’événement, nombreux sont ceux qui, hors de l’Occident,mais aussi en son sein, ne croient plus à la narrationoccidentale de l’histoire. Le système de vérité occidental atellement pris l’eau, dans le siècle qui vient de s’achever,que la vérité « officielle » du 11 septembre ne parvient plusà s’imposer partout.
L’objet de cette nouvelle édition n’est pas la recherchede ce qui s’est passé réellement le 11 septembre 2001, maisd’approfondir la compréhension des conséquences, pour lemonde, de ce jour sinistre. Or, des deux interprétationspossibles des faits connus découlent deux lecturesdifférentes de la géopolitique mondiale et deux grandes
interprétations opposées de l’événement : la conspirationde l’extérieur (théorie officielle du complot) et laconspiration de l’intérieur (théorie dissidente du complot).
Selon la première interprétation, les attentats seraient lefait d’une conspiration émanant de terroristes islamistesappartenant au mouvement Al-Qaida. Cette équipe auraitréussi à frapper l’Amérique dans ses symboles les plus
forts. La géopolitique qui en découle est simple :l’islamisme radical d’Al-Qaida a remplacé le communisme.La troisième guerre mondiale du « monde libre », aprèscelle contre les nazis et les Soviétiques, est celle qui opposel’Occident et ses alliés contre les islamistes. Commel’affirmera George W. Bush, « soit vous êtes avec nous, soit vous êtes contre nous ». Une nouvelle bipolarité est née, un
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nouveau résumé du monde en une lutte entre les forces dumal et les forces du bien. De cette lecture découle la guerrecontre l’Afghanistan, puis celle contre l’Irak et, d’unecertaine façon, toutes les suivantes, jusqu’à la Libye. Seul lerefus de la France et de l’Allemagne (sanctionné dans lesdeux pays par un retour en force de l’atlantisme) departiciper à la guerre contre l’Irak permettra d’admettreque l’Amérique ait pu mentir au moins une fois, à proposdes « armes de destruction massive » de Saddam Hussein.
La seconde interprétation est de plus en plus répanduedans le monde. Elle est portée, pour l’essentiel, par lemouvement d’origine américaine Reopen911, lequelrassemble des familles américaines des victimes desattentats et des centaines de personnalités des mondesmilitaire, politique, industriel, scientifique, dont la
légitimité et la notabilité étaient parfaitement acquisesavant leur engagement sur ce sujet. Selon ces dissidents,les attentats du 11 septembre seraient un inside job,littéralement un « travail fait depuis l’intérieur ». Ils’agirait d’attentats sous « faux drapeau » (terme durenseignement définissant un acte de terrorisme qui vise à« faire porter le chapeau » à une autre entité ou à un autre
État que celle ou celui qui l’a perpétré), attentats tropcomplexes pour être le fait d’une seule équipe de piratesislamistes, et qui auraient été conçus et pilotés par l’« Étatprofond » (« Deep State ») américain. Par « Étatprofond », les dissidents entendent une structure degouvernement à la fois invisible (par rapport àl’administration officielle) et continue (qui survit aux
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changements de président), rassemblant des éléments etdes moyens du Pentagone, de la CIA et du FBI, des sociétésmilitaires privées et, plus globalement, du complexemilitaro-financier américain. Dick Cheney et DonaldRumsfeld, qui ne se sont jamais quittés, depuis RichardNixon jusqu’à Georges W. Bush, et ont occupé dansl’administration gouvernementale des fonctionsstratégiques en rapport avec le complexemilitaro-industriel américain, pourraient faire partie, seloncette hypothèse, de l’« État profond » américain.
Mais en 2011, pas plus qu’il n’existe de version officiellefigée (celle-ci n’a cessé de chercher à s’adapter auxcritiques en modif iant son récit), il n’existe de versiondissidente unique et achevée. Une seule chose, enrevanche, est aujourd’hui certaine : les événements du 11
septembre ont accéléré et radicalisé la guerre entre lesforces de l’unipolarité américaine, et celles de la multipolarité. Depuis le 11 septembre 2001, les États-Unisont repris la main sur l’histoire et sont engagés dans une vaste opération d’endiguement des forces multipolaires(Chine, Russie, Iran, Venezuela, Brésil…). Cette guerre, dedimension planétaire, entre les forces de la multipolarité et
celles de l’unipolarité, se déchaîne dans tous lescompartiments de l’affrontement de puissance, du contrôledes ressources stratégiques jusqu’au contrôle del’information, en passant par le redécoupage des frontièresétatiques, la guerre des monnaies (statut du dollar), lesfonds souverains… Qui l’emportera ? Puisse cet atlasgéopolitique donner les clés de cette guerre et ouvrir des
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horizons de prévision.
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La terreur djihadiste
frappe tous azimuts
Derrière les attentats qui frappent partout dans le mondeles intérêts ou les symboles de l’Occident se profile un rêveséculaire : l’unification d’un monde musulman pourtanttrès divisé. Mais il ne faut pas s’y tromper, le potentiel
révolutionnaire de l’islamisme radical, qui est énorme, aremplacé celui du communisme à l’époque de la guerrefroide.
L’après-11 septembre va voir la terreur djihadiste serépandre partout dans le monde, frappant indistinctementles Occidentaux et leurs alliés. Ainsi, ce sontsuccessivement la Tunisie, pays musulman mais
moderniste (attentat-suicide contre la synagogue deDjerba revendiqué par Al-Qaida le 11 avril 2002), l’ArabieSaoudite, visée pour son alliance stratégique avec Washington (attentats-suicides à Riyad le 12 mai 2003),l’Indonésie, frappée pour ses liens historiques avec les Américains et son islam syncrétique (attentat contre l’hôtelMarriott de Jakarta le 5 août 2003 revendiqué par la
Jamaah Islamiyah), l’ONU, assimilée par les islamistes à ladomination occidentale, frappée lourdement (22 morts,dont le représentant de l’ONU en personne) le 19 août2003 à Bagdad, le Comité international de la Croix-Rouge,symbole de l’humanitaire occidental, frappé à Bagdad le 27octobre 2003, qui sont visés. Puis les attentats reprennentcontre les Occidentaux en Arabie Saoudite, où Al-Qaida
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revendique des assassinats de ressortissants étrangers. Àpartir de 2004, les islamistes parviennent à étendre leursréseaux en Europe. Décidée à faire plier l’Espagne qui s’estengagée aux côtés des Américains, la composantemaghrébine de l’islam radical frappe le 11 mars 2004 àMadrid.
Le 7 juillet 2005, la Grande-Bretagne, pourtantlongtemps soupçonnée de complaisance face à l’islam
radical (on parlait du « Londonistan »), est à son tour victime de la terreur djihadiste. Quatre explosionsconsécutives dans le métro et le bus font 56 morts et plusde 700 blessés. Deux ans plus tard, durant l’été, à Londreset à Glasgow, en Allemagne et au Danemark, plusieursprojets d’attentats sont déjoués.
UNE IDÉOLOGIE POLITIQUE
Lorsque Mahomet a fait sa prédication, au début du VIIe siècle, l’islam a d’abord été le drapeau de l’affirmationarabe, puis s’est étendu à de nombreux peuples (les Turcs,les Perses, les Javanais, les Malais, et diverses ethnies desIndes ou d’Afrique noire…), dont les cultures et les langues
étaient différenciées depuis longtemps.Certes, durant des siècles, de nombreux peuples
musulmans cherchèrent à réunifier l’islam dans descalifats sur lesquels ils s’efforcèrent de conserver laprééminence (comme c’est le cas des empires omeyyade,abbasside, seldjoukide, fatimide, ottoman…), mais ils n’yparvinrent jamais, et l’islam ne fut réellement uni que sous
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Ainsi donc, à mesure que l’islamisme gagne dans l’islam,la carte de la géographie musulmane, et de ses points decontact avec les autres civilisations, s’embrase. Afrique,Caucase, Asie centrale, Maghreb, Moyen-Orient,sous-continent indien, Asie du Sud-Est, et jusqu’aux solsaméricain et européen, rares sont les territoires quiéchappent à l’affirmation de ce qu’il faut bien appeler lanouvelle idéologie anti-occidentale et tiers-mondiste.Souvenons-nous de la guerre froide et de l’Empiresoviétique. À l’époque, c’est-à-dire avant 1990, lecommunisme était le ciment transnational de tous lesmouvements identitaires qui s’opposaient à l’Occident.Puis, lorsque l’URSS envahit l’Afghanistan, l’islam sunnite,agressé par le communisme, s’allia à l’Amérique pourrésister. Au même moment, l’islam chiite iranien venaitattester qu’une voie révolutionnaire anti-occidentale étaitpossible en dehors du socialisme.
Le communisme s’effondra au début des années 1990 et,deux ans plus tard seulement, l’islamisme sunnite seretournait contre les États-Unis. Nous sommes, depuis,entrés dans l’ère d’un islamisme sunnite aussi mondial queradical, l’ère d’une nouvelle idéologie de contestation de
l’impérialisme « croisé et juif » américain et israélien (auMoyen-Orient) ou russe (en Asie centrale et dans leCaucase).
Dès lors, il se passe dans le monde musulman ce qui sepassait à l’époque de la guerre froide dans l’ensemble despays du tiers-monde : une logique globale simplificatricerécupère et instrumentalise tous les abcès locaux. En
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qualité de musulmans, séparatistes (en Tchétchénie, auKosovo ou aux Philippines) et nationalistes (Palestine)intègrent ainsi la « cause supérieure » de la révolutionislamique mondiale. La complémentarité entre local etglobal est de mise. Qui, en effet, peut apporter à cesréseaux islamistes inter nationaux, grouillant de militantsdéracinés et apatrides issus d’une immigration ratée, unmeilleur appui de terrain qu’une guérilla locale ?
Inversement, alors que, faute de parrainage soviétique,la plupart des mouvements de libération nationale sont enperte de vitesse depuis la fin de la guerre froide, qui, mieuxque l’islamisme global, peut donner à ceux-ci un secondsouffle, à la fois révolutionnaire et financier ?
À côté d’un altermondialisme stérile, car privé d’unepuissance qui le soutienne, l’islamisme apparaît bel et bien
comme le seul véritable internationalisme révolutionnairecapable de porter des coups à l’« ennemiisraélo-américain ». Or, cette nouvelle forme de bipolaritéentre un nouveau « monde libre », celui de la démocratie àl’occidentale, et un nouvel « empire du Mal » – c’est-à-direle « terrorisme international » et l’« axe du Mal » qui lesoutiendrait, pour reprendre la phraséologie américaine –
est d’autant plus explosive qu’elle n’est pas seulement uneconstruction idéologique. Elle est la traductioncontemporaine d’une constante de l’histoire : le choc descivilisations chrétienne et islamique.
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Brèves
LA LITANIE MACABRE DES ATTENTATS
11 avril 2002
Attentat devant la synagogue de Djerba, en Tunisie,revendiqué par Al-Qaida. Vingt personnes tuées.
8 mai 2002
Attentat-suicide à Karachi contre les employés françaisde la DCN. Attribué à un groupe proche d’Al-Qaida, il fait14 morts, dont 11 Français, et 12 blessés.
6 octobre 2002 Attentat-suicide revendiqué par Al-Qaida, contre le
pétrolier français Limburg au large du Yémen. Un mort.
12 octobre 2002
Dans un double attentat-suicide, la Jamaah Islamiyahliée à Al-Qaida tue 202 personnes dans une discothèque àBali et en blesse 209, principalement des Australiens.
12 mai 2003
Des attentats-suicides anti-occidentaux à Riyad, en
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Arabie Saoudite, qui ont fait au moins 34 morts et 200 blessés, sont revendiqués par Al-Qaida.
5 août 2003
Attentat en Indonésie contre l’hôtel Marriott de Jakarta,faisant 14 morts et 152 blessés et revendiqué par le réseauJamaah Islamiyah.
19 août 2003
Attentat-suicide au camion piégé contre le siège del’ONU à Bagdad : 22 morts dont le représentant de l’ONU,Sergio Viera de Mello.
27 octobre 2003
Attentat-suicide à la voiture piégée à Bagdad contre leCICR (Comité international de la Croix-Rouge).
11 novembre 2003
Attentat en Arabie Saoudite, à Riyad, contre le complexerésidentiel occidental de Mouhaya : 18 morts dont 5enfants et 122 blessés.
20 novembre 2003
Attentats à la voiture piégée à Istanbul contre le
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consulat britannique et le siège de la banque anglaiseHSBC : 27 morts, plus de 450 blessés.
Mai-juin 2004
Série d’attentats contre les Occidentaux en ArabieSaoudite, revendiquée par Al-Qaida.
11 mars 2004
Quatre attentats simultanés à Madrid, revendiqués par Al Qaida : 191 morts et 1 500 blessés.
9 septembre 2004
Attentat contre l’ambassade d’Australie à Jakarta,perpétré par la Jamaah Islamiyah : 9 morts.
7 juillet 2005
Quatre explosions dans les transports londoniens font56 morts et près de 1 000 blessés. Les Brigades Abou Hafs
al-Masri, proches d’Al-Qaida, en seraient responsables.
1er octobre 2005
Trois kamikazes de la Jamaah Islamiyah font exploserchacun un restaurant de Bali : 26 morts et plus de 120 blessés.
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29 et 30 juin 2007 Attentats manqués à Londres et à Glasgow, en
Grande-Bretagne.
4 septembre 2007
Projets d’attentats déjoués en Allemagne et auDanemark.
16 septembre 2008
Attentat contre l’ambassade américaine au Yémen : 16morts.
25 décembre 2009
Sur un vol entre Amsterdam et Detroit, un Nigériantente de faire exploser une charge dissimulée sur lui.
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Pourquoi George W. Bush
voulait abattre Saddam Hussein
Au lendemain du 11 septembre, les néoconservateursrépublicains qui conseil lent George W. Bush font de l’Irakla cible prioritaire des États-Unis. Sous cou vert de luttecontre le terrorisme et de démantèlement d’un arsenal
d’armes de destruction massive qui s’avérera inexistant, ils’agit en fait de contrôler les réserves pétrolières duMoyen-Orient et d’assurer la survie d’Israël.
La volonté américaine de réduire l’Irak est en réalité bien antérieure au 11 septembre 2001. Depuis 1991 et laguerre du Golfe, l’Irak baasiste est en effet resté dans lecollimateur de Washington et Londres, subissant non
seulement un embargo économique sévère, mais aussi desfrappes aériennes régulières.
Dès l’arrivée de George W. Bush à la Maison Blanche, en janvier 2001, le nouveau président des États-Unis prendBagdad pour cible. Un an plus tard, le 29 janvier 2002,dans son discours sur l’état de l’Union prononcé devant leCongrès, il désigne l’Irak comme faisant partie de l’axe duMal, aux côtés de la Corée du Nord et de l’Iran : la chute duprésident irakien Saddam Hussein est désormais l’objectifprioritaire de la nouvelle administration républicaine,dominée par le courant des néoconservateurs, à la fois trèsproches des intérêts d’Israël et très interventionnistes enpolitique étrangère.
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Un plan d’attaque massive de l’Irak est prêt dès juillet2002 (selon le New York Times) et, ce même mois, George W. Bush ne cache plus qu’il veut un changement de régimeà Bagdad. Le 12 septembre 2002, le président américainmenace d’intervenir unilatéralement si le Conseil desécurité n’obtient pas le désarmement de l’Irak, et ils’adresse à l’Assemblée générale de l’ONU afin de réclamerune opération visant à renverser Saddam Hussein.Quelques jours plus tard, la nouvelle stratégie de sécuriténationale permettant d’attaquer préventivement les Étatsqualifiés de « voyous » est rendue officielle. Le 11 octobre2002, c’est le Congrès américain qui autorise le recours à laforce contre l’Irak et, un mois plus tard, le présidentinaugure le sommet de l’Otan de Prague (lequel vaaccueillir sept nouveaux membres d’Europe de l’Est) parun avertissement au chef d’État irakien. La machineaméricaine est en marche, elle ne s’arrêtera plus jusqu’aulancement par les Anglo-Américains, le 20 mars 2003, del’opération « Liberté de l’Irak ».
LA CHUTE DE SADDAM HUSSEIN ET LE CONTRÔLE DES
RÉSERVES DE PÉTROLE
La réponse ne peut être univoque. Les facteurs qui ontconduit à cette intervention sont nombreux. Deux sedétachent tout particulièrement. Tout d’abord, dans lecadre de la stratégie globale des États-Unis pour préserverleur leadership au XXIe siècle, Washington doit s’assurerdu contrôle de la dépendance énergétique de son futur
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rival chinois. Or, l’Irak est au troisième rang (derrièrel’Iran) des pays en matière de réserves prouvées de pétrole,avec près de 10 %. Le seul contrôle par les Américains del’Arabie Saoudite et de l’Irak préserve un tiers des réservesprouvées de pétrole. Si on y ajoute les autres pays du Golfecomme le Koweït, les Émirats arabes unis, le Qatar etBahreïn, le chiffre dépasse la moitié des réservesmondiales. Le pétrole est donc un déterminant essentiel decette guerre, d’autant que le lobby pétrolier était trèsreprésenté autour du président Bush. Il convient decomprendre que si l’Amérique entend contrôler le pétrolede la région, c’est moins pour sa propre consommation (dumoins dans un proche avenir) que pour garantir despositions à ses pétroliers nationaux, et pour faire peser uneépée de Damoclès sur les compétiteurs asiatiques – tous deplus en plus dépendants du Moyen-Orient, tant le Japonque la Chine ou l’Inde.
Le deuxième facteur tient à Israël. Le régime de SaddamHussein était le dernier à incarner le rêve nationalistearabe, qui fut porté en son temps par Nasser. Or, lenationalisme arabe, qui vise à l’unité des Arabes dans uneseule nation, de l’Atlantique au Golfe, est incompatible
avec la survie d’Israël. Israël ne pouvait donc admettrel’existence d’une sorte de Prusse arabe, capable un jourd’unifier au moins les Arabes du Mashrek.
Saddam Hussein finançait les groupes palestiniensradicaux ; il rê vait d’offrir la puissance nucléaire aux Arabes (non en 2003, car il n’en avait plus les moyensdepuis la guerre du Golfe, mais en 1990). Il représentait
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donc un danger pour la suprématie qu’Israël s’étaitemployé à obtenir au fil de trois guerres successives contreles Arabes, en 1948-1949, en 1967 (avec la guerre dite « desSix Jours ») et en 1973. Pour les Israéliens,l’établissement d’une paix durable ne saurait être envisagésans un bouleversement profond de la carte. Finsconnaisseurs du Moyen-Orient, ils savaient quel’effondrement du régime baasiste signifierait du mêmecoup celui de l’identité nationale irakienne et la résurgencedes logiques communautaires, ethniques et religieuses. Or,seul un Moyen-Orient formé de petits États ethniques(Kurdes) ou communautaires (Arabes sunnites, Arabeschiites, alaouites de Syrie, maronites et druzes du Liban…)pourrait sortir Israël de l’isolement et lui offrir des alliéspotentiels (maronites et druzes du Liban), ou lui permettred’instrumentaliser les oppositions séculaires (chiites etsunnites).
LES NÉOCONSERVATEURS AU POUVOIR
Les néoconservateurs américains se sont imposésauprès de George W. Bush dès le lendemain des attentats
du 11 septembre 2001, le 14 très exactement. C’est ce jour-là que des intellectuels groupés autour de Paul Wolfowitz et soutenus par le vice-président Dick Cheney etle secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld ont convaincule président des États-Unis que le véritable foyer duterrorisme international était l’Irak. En fait, pour Paul Wolfowitz comme pour Richard Perle, Robert Kagan ou le
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très influent journaliste William Kristol, le but estd’imposer au monde l’« hégémonie globale bienveillante »des États-Unis (William Kristol) et de promouvoir une« politique d’action préventive destinée à empêcher partous les moyens une nation ou un groupe de nations dedéfier la primauté militaire et économique desÉtats-Unis » (Paul Wolfowitz).
Derrière ces propos belliqueux se dessine la vieille idée
messianique selon laquelle l’Amérique aurait pour vocation, pour « destin manifeste » (« manifest destiny »)de guérir l’humanité de ses démons en lui offrant, fût-cepar la force, son modèle de société, autrement dit « lemeilleur ordre des choses actuellement envisageable »(Robert Kagan).
Ce messianisme politique, qui trouve sa source dans un
fondamentalisme religieux associé à un soutien quasimystique à Israël, n’exclut toutefois pas des intérêts plusterre à terre.
Les néoconservateurs intégrés dans l’administrationBush ont en effet presque tous partie liée avec l’industriemilitaire américaine : l’épouse de Dick Cheney fait partie
du directoire de Lockheed Martin, Richard Perle a bâti safortune en faisant commerce d’armements avec la Turquieet Israël, et Paul Wolfowitz a travaillé pour NorthropGrumman… La « rallonge » budgétaire allouée auPentagone après le 11 septembre représente 150 % du budget militaire de la France !
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Brèves
LA CHUTE DE SADDAM HUSSEIN
Washington, 29 janvier 2003
George W. Bush dénonce les trois pays de l’axe du Mal :l’Irak, l’Iran et la Corée du Nord, soupçonnés d’alimenter leterrorisme et de chercher à se doter d’armes de destruction
massive.
New York, 8 novembre 2002
La résolution 1441 du Conseil de sécurité donne à l’Irakune dernière chance de s’acquitter de ses obligations enmatière de désarmement.
Washington, 30 janvier 2003
George W. Bush reçoit une lettre commune duDanemark, de l’Espagne, de la Hongrie, de l’Italie, de laPologne, du Portugal, de la République tchèque et duRoyaume Uni lui apportant leur soutien dans sa politique vis-à- vis de l’Irak.
New York, 5 février 2003
Le secrétaire d’État américain Colin Powell présente àl’ONU des « preuves » de la présence d’armes de
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destruction massive en Irak.
New York, 14 février 2005
Dans un rapport, les inspecteurs du désarmement enIrak déclarent n’avoir trouvé aucune trace d’activitésnucléaires interdites et demandent une prolongation deleur mission.
New York, 7 mars 2003
La France, l’Allemagne et la Russie rejettent l’hypothèsed’une résolution du Conseil de sécurité légitimant l’emploide la force contre l’Irak.
Washington, 17 mars 2003
George W. Bush lance un ultimatum à Saddam Hussein,lui donnant 48 heures pour quitter l’Irak. Le présidentirakien le rejettera le 18.
Irak, 20 mars 2003Lancement de l’opération « Liberté de l’Irak » par les
forces américaines et britanniques.
Bagdad, 9 avril 2003
Les forces américaines investissent Bagdad. Saddam
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Hussein a disparu.
Californie, 1er mai 2003
Sur le pont d’envol du porte-avions USS Abraham Lincoln, George W. Bush annonce la fin des « opérationsde combat majeures » en Irak.
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Les Américains
se sont installés en Irak
En 2003, les partisans de la guerre contre l’Irak affirmaientque les États-Unis venaient déloger le dictateur SaddamHussein, priver l’État baasiste de ses armes de destructionmassives et installer la démocratie. Les opposants à la
guerre dénonçaient, eux, les intérêts économiques dessecteurs militaire et pétrolier. Qui avait raison ?
Le nouveau pouvoir irakien est chiite, les chiites étantassurés, par leur poids démographique (60 % de lapopulation), de dominer leurs compatriotes sunnites. LesKurdes irakiens ont obtenu leur autonomie et commencentà négocier leurs contrats pétroliers sans l’aval de Bagdad.
Un pouvoir oligarchique, multicommunautaire, a doncremplacé le pou voir autocratique et unitaire des baasistes.Mais il ne s’agit en rien d’une démocratie à l’occidentale.Quant aux armes de destruction massive, tout le mondereconnaît qu’elles n’existaient pas.
La reconstruction des services publics (eau et électricité)reste à faire. Un Irakien sur dix dispose d’unapprovisionnement en eau via le réseau public. Ladistribution de l’électricité n’atteint pas six heures par jour.L’insécurité (officiellement 4000 civils tués en 2010)frappe particulièrement les femmes (punitions tribales) etles chrétiens (leur nombre est passé d’un million à moinsde 500000 depuis 2003). Depuis 2006, plus de 3 millionsd’Irakiens (principalement des sunnites), soit 10 % de la
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population, ont fui en Jordanie et en Syrie.
Dans le même temps, l’Irak est devenu un grand marchéaméricain. Entre 2003 et 2010, les entreprises civilesaméricaines y ont obtenu plus de 250 milliards de dollarsde marchés (pour seulement 77 milliards de PNB irakienen 2009). Kellogg Brown and Root (KBR), filiale jusqu’en2007 du groupe texan Halliburton (dont Dick Cheney a étéle PDG avant de devenir vice-président en 2001), a obtenu
le plus important contrat de fourniture aux armées detoute l’histoire des États-Unis : 150 milliards de dollars encumul depuis 2003. KBR aura construit toutes les basesgéantes américaines : Guantanamo, Bondsteel au Kosovo,Bagram en Afghanistan, Doha au Qatar, ainsi que le camp Anaconda de Bagdad, gigantesque « hub » logistique.
JUTEUX CONTRATS DE SÉCURITÉ
Les Américains ont, plus que jamais, privatisé la guerre.Les néoconservateurs, mais aussi Bill Clinton dans lesBalkans, ont fait de l’État fédéral un instrument desoligarchies industrielles et financières. Georges-HenriBricet des Vallons, spécialiste des sociétés militaires
privées (SMP), a montré en 2009 que les civils américainssous contrat de défense – les contractors – représentaient,dans tout le Moyen-Orient, jusqu’à 200000 hommes, dont170 00 en Irak. Parmi ces contractors, le nombre demercenaires dépassait les 50000 pour plus de 300 SMPdont certaines possèdent leurs propres blindés ethélicoptères de combat. L’enquête sur les tortures d’Abou
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Ghraib a révélé les responsabilités des SMP américaines(CACI et Titan) qui géraient la prison. Il ne s ’agissaitd’ailleurs pas d’un dérapage, mais d’un système assumépar le gouvernement américain, qui perdure sous laprésidence de Barack Obama et qui délègue les « bassesœuvres » (gardiennage des prisonniers et interrogatoires,obtention de renseignements par des pratiques illégales…)au secteur privé américain.
La guerre d’Irak est directement à l’origine del’explosion capitalistique des SMP. Née d’un petit contratde la CIA de 5,4 millions de dollars en 2001, Blackwater(rebaptisée Xe en 2009) pèse, grâce à l’Afghanistan etl’Irak, 1,2 milliard de dollars. En 1995, Dyn-Corp, ne pesaitque 30 millions de dollars : c’est aujourd’hui la plusimportante SMP au monde, son chiffre d’affaires
dépassant les 3 milliards de dollars.Le retrait d’Irak annoncé par le président Obama (« plus
un seul soldat américain en Irak fin 2011 ») ne doit pasfaire illusion.
L’armée américaine a engagé, dès la chute de SaddamHussein, le processus de double délégation de la sécurité,
d’une part aux SMP occidentales, d’autre part à la police età la nouvelle armée irakienne. Le problème estpratiquement le même en Irak et en Afghanistan : cesintérêts privés ont tout intérêt à entretenir le feu qu’ils sontchargés d’éteindre. On peut s’attendre, dans les années à venir, à ce qu’une insécurité de basse intensité soitmaintenue, certes insuffisante pour gêner l’exploitation du
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pétrole, mais néanmoins suffisante pour justifier lemaintien des juteux contrats de sécurité.
UNE NOUVELLE ARABIE SAOUDITE ?
L’Irak possède les quatrièmes réserves du monde(derrière l’Arabie Saoudite, le Venezuela et l’Iran) avec 115milliards de barils,. Cependant, il n’y a pas eu d’exploration
depuis des décennies à cause des guerres et de l’embargoimposé à l’Irak en 1990. La production pourrait passer de2,4 millions de barils/jour fin 2009 à 7 millions de barilsen 2015, puis assez rapidement ensuite à 10 ou 12 millionsde barils, faisant de l’Irak l’égal des plus grandsproducteurs.
En acceptant d’abaisser considérablement ses profits, la
Chine reste le premier opérateur étranger du pétroleirakien : la CNPC (China Nationa Petroleum Corporation),associée à BP, va développer Roumaila, dans le sud del’Irak, le premier champ pétrolier du pays avec des réservesestimées à 17,7 milliards de barils. Les Russes de Lukoil ontobtenu une part dominante (85 %) dans l’exploitation deQourna-Ouest 2 (12,8 milliards de barils).
Des appels d’offres lancés en décembre 2009 par legouvernement itakien de Nouri Al-Maliki pour exploiterdix champs pétroliers, les Américains, les Chinois et lesRusses sortent grands vainqueurs. En revanche, le groupefrançais Total, dont la naissance est pourtant liée à ladécouverte du pétrole de Kirkouk en 1927, n’aura obtenuqu’une part d’exploitation modeste, en coopération avec
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les Chinois.
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Brèves
MERCENAIRES ET PUITS DE PÉTROLE
27 février 2009
Barack Obama annonce le retrait des troupesaméricaines d’Irak à partir du 31 août 2010. Le plan prévoitle maintien d’une armée de 30000 à 50000 hommes
jusqu’au 31 décembre 2011, date du départ complet.
25 octobre 2009
Double attentat au centre de Bagdad : 155 morts et 600 blessés. Le plus meurtrier depuis ceux de l’été 2007 (5572morts et 1562 blessés au total).
5 novembre 2009
Pour la première fois depuis quarante ans, un géantpétrolier américain va pouvoir exploiter du pétrole irakien.Le consortium formé par l’Américain Exxon Mobil (80 %)et l’Anglo-Néerlandais Shell (20 %) signe avec legouvernement irakien pour l’exploitation du deuxièmeplus grand champ irakien (Qourna-Ouest 1), aux réservesestimées à 8,5 milliards de barils.
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Juillet 2010
Les forces de combat américaines entament leur retrait.La dernière unité de combat, la 4e brigade de la 2e divisiond’infanterie quitte le pays dans la nuit du 18 au 19 août2010 en passant par la frontière koweïtienne.
1er septembre 2010
50000 soldats américains restent stationnés en Irak. Ilsdoivent assister et former l’armée et la police irakiennes,mais ils ne seront pas impliqués dans les opérations demaintien de l’ordre. Plus de 50000 mercenaires veillentparallèlement à la sécurisation des intérêts privésoccidentaux.
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L’Europe face à la Turquie :
un conflit millénaire
La Turquie est-elle soluble dans l’Union européenne ? Lesracines grecques, romaines et chrétiennes de l’Europeposent la question de la cohérence de son processusd’unification, alors que son identité a été largement forgée
dans sa résistance à l’impérialisme ottoman. L’hostilitécroissante de l’opinion publique européenne à l’intégrationd’un grand pays asiatique et musulman dans l’Unionmarque une prise de conscience.
Durant tout le premier millénaire avant notre ère, lapoussée constante vers l’ouest (de la Mandchourieseptentrionale au lac Balkhach) des populations
prototurques et protomongoles contribue au glissementdes peuples d’origine indo-européenne vers l’Europecentrale et occidentale. De ce premier choc turco-européenrésulte, pour des siècles, l’établissement de la carte despeuples d’Eurasie. Durant l’hiver 451, Attila pénètre dansl’Empire romain. Partout en Gaule, des saints chrétiensnaissent sous les pieds des cavaliers huns. Quand surgit
l’islam au VIIIe siècle, l’impérialisme territorial de Turcsnomades se double d’un impérialisme religieux. L’Europe,défendue par l’Empire byzantin, connaît un échec àMantzikert en 1071. La réaction vient d’Occident. Lescroisades, emmenées par la chevalerie franque, offrent unsursis de trois cent cinquante ans au rempart byzantin.Empêchés au XIIIe siècle de s’étendre à l’est par la
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puissance mongole, éliminés d’Anatolie par Gengis Khanpuis par Tamerlan, les Turcs redoublent d’efforts pourforcer la porte européenne des Balkans. C’est l’Empireottoman qui, désormais, est leur bélier. Au XV e siècle, laculture issue des idées grecques, romaines et chrétiennesest chassée de la porte de l’Europe avec la chute deConstantinople (1453) et celle d’Athènes trois ans après.
Au XVIe siècle, sous le règne de Soliman, les Turcs
multiplient leurs attaques, et ils progressent enMéditerranée et en Europe. Mais l’ouverture des nouvellesroutes océaniques par les navigateurs d’Europe occidentale va accélérer le déclin ottoman. Désormais, l’islam n’estplus un intermédiaire incontournable pour le commerceentre l’Europe et les Indes. Toutefois, au tout début duXVIIe siècle, l’Empire ottoman reste encore la première
puissance mondiale. Mais il faiblit face aux nations del’Ouest qui peuvent compter sur leur créativité scientifiqueet technique, et sur leur natalité.
Choc à la fois ethnique et religieux, le conflitEurope-Turquie montre l’irréductibilité des deux logiquesgéopolitiques.
LA CONSCIENCE DE L’ENJEU IDENTITAIRE
Inscrit dans le temps de l’histoire, le débat actuel sur lesracines chrétiennes de l’Europe dépasse donc largement leconflit entre laïcité affirmée et attachement aux valeursreligieuses. Il pose la question de la cohérence du projetpolitique de l’Europe. Alors que toutes les nations et les
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empires du monde affirment leur identité ethnique oureligieuse, de la Chine à l’Amérique en passant parl’ensemble des pays musulmans, l’Union européennedevra-t-elle être la seule construction privée d’histoire ?Héritière de la Grèce, de Rome et du christianismemédiéval, l’Europe est pourtant de soucheindo-européenne et chrétienne. L’affirmation islamique enterre d’islam comme à l’intérieur de l’Europe (immigrationmassive) pourrait néanmoins conduire de plus en plusd’Européens à considérer que l’enjeu identitaire est l’enjeu vital du XXIe siècle. Ces dernières années, les engagementsrépétés du Vatican pour souligner les racines chrétiennesde l’Europe dans la Constitution européenne comme ceuxd’une grande partie de l’opinion publique européennecontre l’entrée de la Turquie dans l’Europe illustrent cettemontée d’une conscience européenne.
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Brèves
LA POSITION DU VATICAN
14 novembre 2002
Première visite d’un pape au Parlement italien.Jean-Paul II réaffirme son souhait de voir mentionnél’héritage religieux et chrétien de l’Europe dans la future
Constitution de l’Union.
3 octobre 2005
Ouverture des négociations avec la Turquie pour sonéventuelle adhésion à l’Union européenne.
12 septembre 2006
Discours de Benoît XVI à Ratisbonne (Allemagne), aucours duquel il cite un texte médiéval sur l’islam et la violence, ce qui provoque des actes de violenceantichrétiens dans les pays musulmans.
27-30 novembre 2006
Visite de Benoît XVI en Turquie. La veille, 20 000 Turcsont manifesté à Istanbul contre sa venue, en raison despropos tenus à Ratisbonne.
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Avril 2007
Nicolas Sarkozy, candidat à l’élection présidentielle,s’engage à s’opposer à l’entrée de la Turquie dans l’Unioneuropéenne.
27 août 2007
Trois mois après son élection, le président Sarkozy
accepte finalement que les négociations d’adhésion de laTurquie à l’Union européenne se poursuivent.
9 juin 2010
Selon le secrétaire à la Défense américain Robert Gates,la réticence des Européens à intégrer la Turquie serait à
l’origine de la détérioration des relations entre Israël et Ankara.
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Le Grand Moyen-Orient américain
Le Moyen-Orient est certainement l’un des chantiers lesplus importants de la politique globale des États-Unis.Comme le montrent les cartes de la page suivante, ce queles Américains projettent d’y faire est considérable. Ets’inscrit dans une stratégie visant à conserver dans ce siècleleur rang de première puissance mondiale, notamment
face à l’émergence de la Chine. La Chine a besoin des hydrocarbures produits par le
Moyen-Orient, où se trouvent les deux tiers des réservesmondiales. En contrôlant les pays du Golfe, l’Amériquetiendra par conséquent sous sa dépendance son adversairestratégique principal. Déjà, depuis 1945, l’alliance entre
Washington et Ryad (Arabie Saoudite) a donné auxÉtats-Unis le contrôle d’un quart environ des réserves dumonde. En 2003 La conquête de l’Irak a augmenté cesréserves de 10 % et, si l’Iran redevenait un allié desÉtats-Unis dans les années à venir, quelque 10 %supplémentaires seraient encore placés sous leur coupe.
Le pétrole n’est toutefois pas le seul moteur de la
politique américaine dans la région, même s’il est undéterminant essentiel face à la Chine et pour les intérêtsdes grandes compagnies américaines. Un autredéterminant de la politique américaine au Moyen-Orientest la sécurité d’Israël. L’Amérique est la garantie d’Israël,et ce soutien, dont les limites touchent à la politiquepétrolière, est quasiment sans faille depuis la guerre de
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Corée en 1950, lorsque les Américains eurent besoin auMoyen-Orient d’un allié fiable face à l’URSS.
Officiellement partisans d’un État palestinien, les Américains n’ont cependant jamais été à l’encontre desintérêts d’Israël, sauf peut-être lorsque, au début desannées 1980, Ariel Sharon tenta d’engager au Liban uneprofonde refonte des frontières de la région dans le butd’« achever » les transferts de Palestiniens opérés en 1948
et 1967.La sécurité d’Israël passait également par l’élimination,
en 2003, du dernier véritable régime nationaliste arabe, lerégime baasiste de Saddam Hussein, qui s’était montré lesoutien le plus fiable de l’OLP et des groupes palestiniensplus radicaux.
Aujourd’hui, c’est la question de l’Iran qui est posée par Washington et Tel-Aviv. Selon la doctrine stratégiqueisraélienne, Israël doit rester la seule puissance nucléairede la zone. Or le nucléaire iranien remettrait en cause cettesupériorité stratégique et aurait un effet négatif surl’immigration juive vers la Terre promise.
LE PACTE DE BAGDAD
Le traité d’organisation du Moyen-Orient, pluscommunément appelé pacte de Bagdad, a été signé le 24février 1955 par l’Irak, la Turquie, le Pakistan, l’Iran et leRoyaume-Uni. Idéalement, les États-Unis auraient intérêtà la reconstitution d’une telle alliance comprenant les
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L’islamisme, produit
d’un islam humilié ?
Pour beaucoup de musulmans, l’islamisme n’est pas leproduit de l’islam en tant que tel, mais d’abord celui des blessures infligées par l’Occident à l’honneur musulman,en particulier arabe. D’où la nostalgie d’un âge d’or, celui
du prophète Mahomet, que les fondamentalistes rêvent derétablir. Il est vrai qu’en s’opposant au nationalisme arabeet aux régimes laïques et modernisateurs duProche-Orient, les États-Unis et leurs alliés européens ontfavorisé l’émergence de l’islamisme politique, y compris enPalestine.
Le « colonialisme » est un mot qui revient souvent chez
les musulmans du Maghreb, tandis que le Proche-Orientarabe entretient du ressentiment contre ces Anglais et cesFrançais qui n’ont pas su tenir leurs promesses de laPremière Guerre mondiale. Il y a surtout l’humiliationmajeure : la « Nakhba », la « catastrophe » de la créationd’Israël. Depuis soixante ans, l’Occident, écrasé par lepoids de sa culpabilité à cause de l’Holocauste des Juifs
d’Europe, n’aurait pas voulu trouver de solution auproblème palestinien. Le lien inconditionnel, à la foisstratégique et idéologique (peut-être même religieux),entre les États-Unis et Israël en serait la cause première, bien au-delà des divisions arabes et des incohérencespalestiniennes.
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QUAND ISRAËL FAVORISAIT LE HAMAS
Pour les nationalistes arabes, l’Amérique a soutenu lesmouvements islamistes afin de faire échec audéveloppement arabe et faire obstacle à l’influencesoviétique. En plein processus d’Oslo, au début des années1990, l’État d’Israël lui-même a favorisé l’implantation duHamas en Cisjordanie pour faire contrepoids à l’OLPd’Arafat. Le coup de grâce donné à l’État irakien baasiste
en 2003, après une première guerre en 1990, puis plus dedix années d’embargo, n’est que l’aboutissement d’undemi-siècle de politique israélo-américaine auMoyen-Orient qui aura visé à détruire le projet d’unitéarabe et à saper le développement, renforçant de ce fait lesentiment d’unité islamique.
Pour les islamistes, l’humiliation infligée au monde
musulman, ce sont ces régimes autoritaires, inspirés desfascismes européens et « infiltrés » par l’idéologie de lalaïcité, que l’« Occident perfide » a soutenus durant laguerre froide : le régime du shah d’Iran, l’Irak de SaddamHussein. Après tout, pour conquérir l’Égypte en 1798,Bonaparte n’avait-il pas fait croire aux musulmans que laRévolution française était leur amie et l’ennemie du
christianisme ? Et à la fin du XIXe siècle, l’Allemagneimpériale, aidée de ses alliés turcs, ne chercha-t-elle pas àpersuader les musulmans de l’Inde, qu’elle v oulait soulevercontre les Anglais, que Guillaume II s’était secrètementconverti à l’islam ?
Selon cette logique, l’Occident serait responsable des
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échecs du monde musulman et de la corruption de sesdirigeants. L’Amérique avec ses pétrodollars et sacomplicité dans l’injustice faite aux Palestiniens, la Franceet ses amitiés libanaises ou dictatoriales. Quant à l’échec del’intégration des musulmans de France (70 % des détenusdans les prisons françaises sont de religion musulmane),de Belgique, d’Angleterre ou d’Espagne, il serait largementdû à la xénophobie et à l’islamophobie des Européens.Telle est la conviction de très nombreux musulmans, qu’ils vivent en Europe ou dans le monde musulman même.
La réticence d’une majorité des opinions publiques européennes face à la perspective d’une adhésion de laTurquie à l’Union européenne vient encore ajouter à cesentiment d’humiliation. Une question se pose pourtant :cette humiliation a-t-elle seulement pour origine les
agissements actuels du monde occidental ? N’aurait-ellepas en réalité une cause plus profonde ?
LA NOSTALGIE D’UN ÂGE D’OR RÉVOLU
La civilisation islamique vit dans le souvenir d’un âged’or du Prophète, celui d’une « Oumma » (nation
musulmane) unie sous les quatre premiers califessuccesseurs de Mahomet. La fierté de deux sièclesd’expansion rapide et de splendeur (omeyyade,abbasside…) reste forte dans la conscience collective desmusulmans – d’où le traumatisme du bombardement deBagdad, prestigieuse capitale des Abbassides, comparableà ce que Rome peut représenter pour les Européens.
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Au moins jusqu’au XVIe siècle, la civilisation islamique,laquelle s’étend sur des aires arabophones, turcophones,persanophones et asiatiques, est incontournable dans lesrelations internationales. Les routes terrestres qui relientl’Europe et l’Asie, ces fameuses routes de la soie,enrichissent le Moyen-Orient. Forts de leur situationgéographique centrale, les musulmans peuvent d’autantplus aisément se convaincre qu’il y a une fin de l’Histoire etque cette fin est islamique. L’islam est venu après le judaïsme et le christianisme, comme une sorted’achèvement. Le Maghreb, christianisé à la fin de l’Empireromain, n’est-il pas devenu intégralement musulman ? Cesmillions de juifs et chrétiens des territoires jadis helléniséspar Rome au Proche-Orient ne se sont-ils pas convertis ?L’islam n’a-t-il pas montré sa capacité à développer lapuissance militaire, l’art et la science ? Pourtant, à partirdu XVIe siècle, le sens de la conquête, la créativitéscientifique et technique et le dynamisme démographique,préparés par les valeurs du Moyen Âge chrétien,permettent aux Européens d’ouvrir les grandes routesocéaniques et de contourner le Moyen-Orient pour gagnerl’Asie (et du même coup découvrir l’Amérique).
Une formidable inversion de puissance se produit alorsentre l’islam et l’Occident chrétien, et en même temps unesecousse sismique de grande ampleur dans la consciencecollective des musulmans. Plus rien désormais ne vaarrêter la lente décadence dans laquelle la civilisationislamique plonge, incapable d’inventer une économiealternative à celle du seul commerce.
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Nombre d’historiens et d’islamologues ont situé làl’origine profonde de l’humiliation et du ressentiment àl’égard de l’Occident. Dans le monde musulman, laréflexion politique, à partir du XVIIe siècle et plus encoredu XVIIIe (dans l’Empire ottoman), s’attache à donner uneréponse à la lancinante question : « Pourquoi les chrétienssont-ils devenus plus forts que nous ? » Deux réponsesdiamétralement opposées se déploient alors : la réponsemodernisatrice et autoritaire qui préconise de copierl’Occident en essayant de limiter le poids de l’islam dans lasociété (on la retrouvera au XXe siècle dans les expériencesdu nationalisme arabe, de Mustapha Kemal en Turquie oude Habib Bourguiba en Tunisie) ; la réponsefondamentaliste qui propose de reconstruire l’âge d’or duprophète Mahomet en faisant remonter le temps au mondemusulman.
QUAND L’ISLAM RECULAIT
1095-1099 Première croisade. Prise de Jérusalem parles Francs. 1212 Victoire chrétienne de Las Navas deTolosa, qui décide de l’issue de la Reconquista ibérique.
1571 Défaite navale des Turcs à Lépante. 1683 Échec desTurcs devant Vienne. 1699 La paix de Karlowitz marque lepremier recul d’envergure de l’Empire ottoman en Europecentrale. 1798-1799 Expédition d’Égypte de Bonaparte1830 Prise d’Alger par les Français.
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Brèves
TORTURES ET CARICATURES
11 janvier 2002
Premier transfert de prisonniers islamistes sur la base-prison américaine de Guantanamo.
28 avril 2004
Diffusion par la chaîne de télévision CBS dephotographies montrant des tortures et mauvaistraitements infligés à des prisonniers irakiens à AbouGhraib.
30 septembre 2005
Un journal danois publie douze caricatures deMahomet. En octobre, le Premier ministre danois refuse derecevoir les ambassadeurs de pays musulmans. En janvier2006, l’Arabie Saoudite et la Libye rappellent leursambassadeurs en poste au Danemark.
En février, alors que les caricatures sont republiées enEurope, la polémique s’étend à la quasi-totalité du mondemusulman où ont lieu des manifestations violentes et desattaques contre des ambassades, lesquelles font plusieursmorts.
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12 octobre 2006
Une étude publiée par le journal britannique The Lancet estime à 650 000 le nombre d’Irakiens qui auraient péridepuis l’invasion américaine, en mars 2003.
6 décembre 2007
Révélation de la destruction de vidéos d’interrogatoires
de détenus par la CIA.
21 mars 2011
L’hebdomadaire allemand Der Spiegel publie desphotos à charge contre les soldats américains en Afghanistan accusés d’exactions sur des cadavres de
talibans.Le magazine rappelle que plusieurs soldats américains
auraient organisé « pour s’amuser », entre janvier et mai2010, des meurtres de civils. Ces faits illustrent lesdifficultés de l’armée américaine à assurer un recrutementde qualité pour l’Afghanistan comme pour l’Irak.
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Bosnie, Irak, Sahel, le rituel
macabre des décapitations
Lorsqu’elles ont été diffusées sur des sites islamiques, les vidéos montrant les décapitations d’otages américains oueuropéens ont fait frémir d’horreur l’Occident. La question
est de savoir s’il ne s’agit que de sanglants débordements,ou bien si l’assassinat d’« infidèles » trouve sa légitimitédans le Coran lui-même.
En Irak, les groupes islamistes ou des membres de larésistance irakienne multiplient les enlèvementsd’étrangers à partir du printemps 2004. Plus de 200 civils(pas seulement des Occidentaux, également beaucoup demusulmans non irakiens) sont kidnappés, et plus de trenteotages sont exécutés, certains lors de macabres rituels dedécapitation qui sont filmés puis diffusés sur Internet. Cesexécutions soulèvent l’horreur en Occident, mais aussidans les pays musulmans où beaucoup s’indignent de ceque leur religion puisse donner d’elle une telle image.
Ce ne sont cependant pas les moudjahidin irakiens quiont inventé le rituel de la décapitation filmée. Quelquesannées avant eux, les moudjahidin de Bosnie l’ont pratiquéà grande échelle face aux Croates et aux Serbes. Maiscomme l’Amérique soutenait les islamistes dans lesBalkans, les médias occidentaux ne s’y sont guèreintéressés. Pourtant, de très nombreuses vidéos
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bosniaques montrant des bourreaux usant de couteaux, dehaches ou de tronçonneuses furent diffusées dansl’ensemble du monde islamique, exerçant dans les milieuxislamistes une fascination malsaine. Dans Comment ledjihad est arrivé en Europe (Xenia, 2006), le journalisted’investigation allemand Jürgen Elsässer raconte : « Lescondamnés à mort doivent former un cercle. Le premierest décapité, la tête posée sur le plateau, et le suivant doitl’embrasser. Puis la tête circule à la ronde, de main enmain, de bouche en bouche. Puis la deuxième victime estdécapitée, et ainsi de suite. »
L’ISLAM EST UNE RELIGION DE COMBAT
L’assassinat politique, si possible ritualisé, n’est pas non
plus une invention des islamistes de Bosnie. Au mêmemoment, ceux du GIA le pratiquent en Algérie. Voici cequ’écrit en juin 1996 le « mufti » Abou El-Moundhir dans Al- Djama’a, bulletin de liaison du GIA : « Nous resteronssur cette tradition pour suivre l’exemple de Khaled, Abou-Bakr Sedik et les autres compagnons du Prophète,qui n’ont pas hésité à tuer, à mutiler et à brûler, mais nous
ne sommes pas satisfaits, car nous n’avons pas encoreatteint le même nombre de morts qu’eux. […] Le GIA netue pas de façon aléatoire ; nous tuons ceux qui se sonttournés contre nous, les apostats, donc nous ne produisonspas de nouveaux jugements, ni n’improvisons de fatwas,mais ce sont des jugements de Dieu et de son Prophète quenous appliquons. »
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Tout le problème est là. Ces crimes ne sont pas desimples débordements marginaux de l’islam. Point n’est besoin de convoquer la sempiternelle secte ismaéliennedes Assassins, qui terrorisa à partir du XIe siècle le mondemusulman, pour le démontrer. Elle est même unépiphénomène à côté de l’essentiel : le problème de la violence en terre d’islam ne tient pas aux hommes, lesquelsn’ont probablement guère été plus violents que leschrétiens au cours de l’histoire ; le problème tient à lalégitimité sur laquelle peut s’appuyer cette violence par lefait même qu’elle est portée par les textes fondateurs : leCoran et la sunna.
C’est en effet l’histoire même du Prophète à Médine, etde son comportement, qui sert de justification première àl’assassinat politique aux yeux des islamistes. Le fait que de
très nombreux musulmans se sentent étrangers à cette violence ne change rien aux textes, puisque personne, enIslam, n’a pouvoir de changer les textes. Le monde sunniten’a pas de clergé romain, et la raison n’y occupe pas lamême place que dans la Grèce et la Rome antiques ou dansle christianisme d’un saint Thomas d’Aquin. Plus de septcents occurrences de termes désignant le châtiment, la
torture ou l’anéantissement punitif se trou vent dans leCoran. Le verset 4 de la sourate 9 est explicite quant à cequ’il convient de faire à ceux qui ne se soumettent pas :« Dieu les tourmentera par votre intermédiaire. »
Dès les origines, l’islam est non pas une religiond’amour et de pardon, mais une religion de combat, ainsiqu’en témoigne le comportement du Prophète après la
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bataille de Badr. Si les Médinois ont tué 59 Mecquois, faitdes prisonniers et amassé un formidable butin, c’est,pensent-ils, avec l’aide d’Allah et des anges. Lorsqu’on jetteà ses pieds la tête de l’un de ses ennemis, Mahomet nes’écrie-t-il pas : « Cela m’est plus agréable que le plus beauchameau d’Arabie » ? Les faits abondent qui attestent une violence religieuse légitime, souvent volontairement atroceparce qu’elle est le châtiment de Dieu et que celui-ci estforcément terrible.
Comme le rappelle Antoine Moussali (un orientalisteréputé qui enseigna l’arabe à l’université d’Alger après1980), nombreux sont ceux qui, à la demande deMahomet, furent exécutés parce qu’ils avaient osé semoquer ou s’opposer à l’Envoyé d’Allah. Ainsi le pauvreOqba : « Comme celui-ci protestait du traitement qui lui
était réservé : “C’est en raison de ton inimitié envers Dieuet son Prophète”, lui répondit Mahomet. “Et ma petitefille ?” cria Oqba, “qui prendra soin d’elle ?” ; “Les dieux del’enfer” s’exclama le Prophète. À cet instant la victime futfendue jusqu’aux pieds. “Misérable que tu es”, poursuivit leProphète, “je remercie le Seigneur qui t’a tué et ainsi aconsolé mes yeux !”. » Certes, on peut objecter à juste titre
qu’il existe des sourates de concorde dans le Coran. Ainsidans la sourate 2, verset 62, peut-on lire : « Ceux quicroient, ceux qui pratiquent le judaïsme, ceux qui sontchrétiens ou sabéens, ceux qui croient en Dieu et audernier jour, ceux qui font le bien ! Voilà ceux quitrouveront leur récompense auprès de leur Seigneur. » Unpeu plus loin, cependant, toute relation d’amitié avec le juif
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ou le chrétien est proscrite. Et comme tout ce qui est écritdans le Livre participe d’une même sacralité et a même valeur d’autorité, il est inutile de vouloir rendre supérieursles éléments de concorde aux éléments de discorde (cesderniers étant d’ailleurs largement plus nombreux etexplicites que les premiers).
C’est cette violence légitime contenue dans les textes deréférence de l’islam qui permet encore aujourd’hui à de
nombreux érudits musulmans (qu’ils soient sunnites ouchiites) de justifier des crimes moralement injustifiablesaux yeux des Occidentaux. Ainsi le cheikh Youssouf alQadarawi, érudit sunnite du Qatar, qui condamna l’attaquecontre l’école russe de Beslan pour des raisons politiques(la Russie soutenant les Palestiniens, il était injuste de tuerses enfants), ajouta qu’une attaque similaire contre une
école israélienne aurait été parfaitement justifiéepuisqu’un « écolier israélien devenant un soldat, il fautl’éliminer », de même d’ailleurs qu’« une femmeisraélienne enceinte puisqu’elle porte un futurcombattant ».
À LA CONQUÊTE DES NATIONSSelon l’ayatollah Khomeyni, « l’islam impose à tout
homme adulte, dans la mesure où il n’est pas handicapé ouinvalide, de se préparer à la conquête des nations, afin queles commandements de l’islam soient partout obéis […].Ceux qui ne connaissent rien à l’islam prétendent qu’il meten garde contre la guerre. Ceux-là sont des sots. L’islam
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dit : “Tuez tous les incroyants”. »
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Brèves
DU PAKISTAN AU SAHEL
21 février 2002
Décapitation au Pakistan du journaliste américainDaniel Pearl.
11 mai 2004
Une vidéo montre la décapitation en Irak d’un jeuneotage civil américain, Nicholas Berg.
19 juin 2004
Paul Johnson, ingénieur américain enlevé en ArabieSaoudite, est décapité.
22 juin 2004
En Irak, une vidéo montre la décapitation de Kim
Sun-il, un traducteur sud-coréen enlevé.
20 septembre 2004
Eugene Armstrong, Américain sous contrat en Irak, estdécapité devant une caméra.
7 octobre 2004
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Kenneth Bigley, un ingénieur britannique, est décapitéen Irak.
2 novembre 2004
Assassinat à Amsterdam du cinéaste Theo Van Gogh.
21 octobre 2006
Ayad Tariq, un Irakien, chrétien assyrien de 14 ans, estdécapité parce qu’il avait osé dire qu’il n’était pas un «chrétien pécheur ».
19 avril 2010
Le Français Michel Germaneau est enlevé au Niger par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Il trouvera lamort en juillet dans des circonstances non élucidées.
8 janvier 2011
Deux otages français capturés à Niamey par AQMI sont
tués lors d’une intervention des forces spéciales françaises.
12 avril 2011
Les services de renseignement afghans déclarent avoirarrêté un bourreau taliban spécialisé dans la décapitationdes prisonniers. Mollah Jumah « officiait » dans le
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Helmand depuis 2009 et a décapité des dizaines depersonnes.
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L’Afghanistan au cœur
du grand jeu eurasiatique
Il est révolu le célèbre « grand jeu » afghan qui opposait,au XIXe siècle, la présence anglaise en Inde à la pousséerusse vers les mers chaudes. En Afghanistan, le jeu n’estplus réductible à l’opposition entre intérêts russes et
américains.Le nouveau grand jeu en Afghanistan est à l’image de la
géopolitique mondiale : multipolaire. Trois puissancesmondiales s’entrechoquent en Afghanistan : États-Unis,Russie, Chine. Deux puissances régionales s’y livrent, pardélégation, une guerre féroce : Pakistan et Inde. Dans cesrivalités de premier ordre interfèrent des intérêts de
second ordre, mais qui peuvent influer fortement sur le jeuafghan : les intérêts de l’Iran et ceux des républiquesmusulmanes indépendantes ex-soviétiques (en particulier,pour des raisons à chaque fois spécifiques, l’Ouzbékistan,le Kirghizstan et le Turkménistan). Combiné à ces rivalitésgéopolitiques classiques de trois ordres (rivalitésidentitaires, stratégiques, énergétiques), le jeu du
fondamentalisme sunnite est également à prendre encompte. L’islamisme est un acteur global, une créatureancienne, mais réveillée et excitée durant les années 1980et 1990 par les apprentis sorciers américains et pakistanaisde la CIA et de l’ISI (Inter Services Intelligence), au pointde finir par échapper à l’autorité de ses maîtres, sans pourautant avoir complètement rompu avec eux.
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Pour quelles raisons le grand jeu en Afghanistan est-iltriangulaire ? Tout d’abord parce que les États-Unis veulent refouler d’Asie centrale au moins autant la Chineque la Russie. Ensuite parce que la Russie veut nonseulement limiter l’influence de Washington dans sesex-républiques musulmanes soviétiques aujourd’huiindépendantes, mais également empêcher la Chine decombler le vide que les Américains laisseraient s’ilss’avisaient de quitter l’Afghanistan. Car, pour la Russie,l’influence de Pékin en Asie centrale, c’est la réalitéimplacable d’une histoire millénaire, celle des routes de lasoie. Enfin, le grand jeu en Afghanistan est triangulaireparce que la Chine ne sera la première puissancegéopolitique mondiale que lorsqu’elle aura chassé la flotteaméricaine du Pacifique et que ses trains à grande vitesseatteindront les rivages de l’Atlantique, en France, aprèsavoir parcouru des milliers de kilomètres à travers l’Asiecentrale et les plaines d’Europe.
Les États-Unis tentent aujourd’hui d’éliminer une force,les talibans, qu’ils ont contribué à amener au pouvoir àKaboul en 1997, avant de les en déloger en 2001. Lestalibans sont l’aboutissement ultime d’une stratégie de
radicalisation des mouvements islamistes entamée à la findes années 1970 par l’ISI soutenu par la CIA, au profit d’untriple djihad : contre les chiites pakistanais susceptiblesd’être influencés par la révolution islamique iranienne,contre les communistes prorusses en Afghanistan, contreles Indiens dans le Cachemire.
Après que des seigneurs de la guerre afghans sont
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devenus – c’est l’une des conséquences de cette stratégie – à la fois des seigneurs du djihad et de la drogue (cf. pages46-47), et que les Soviétiques ont reflué (1989), les Américains se sont aperçus que leur société pétrolièreUnocal n’arriverait jamais à tendre un gazoduc duTurkménistan au Pakistan à travers un territoire afghantribalisé, rançonné par des clans en lutte pour le contrôledu pouvoir politique et de l’héroïne.
Leurs amis pakistanais de l’ISI, également agacés de nepouvoir contrôler des chefs de guerre féodaux turbulents,ont alors suggéré les talibans comme solution. Desfanatiques absolus, essentiellement issus de l’ethniemajoritaire d’Afghanistan, les Pachtouns (ethnie diviséepar la ligne Durand de 1893 qui deviendra la frontièreentre Afghanistan et Pakistan), décidés à imposer la chape
de plomb d’un « islam pur des origines », au-dessus desclans, et qui présentaient l’avantage, aux yeux dugouvernement démocrate de Bill Clinton qui les soutint dès1994, d’être une solution d’ordre et un interlocuteurunique avec lequel négocier le passage des hydrocarbures.Puis les Américains se sont fâchés avec les talibans en1998, un an après leur arrivée, et c’est ainsi que s’est nouée
l’alliance entre les talibans et Oussama Ben Laden,semble-t-il également fâché depuis lors avec la CIA.
WASHINGTON DOIT PASSER PAR MOSCOU
En 2001, en se projetant en Afghanistan et, pour cela,également en Ouzbékistan et au Kirghizstan, quels
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avantages géopolitiques Washington pouvait attendre ? LeGroupe de Shanghai, alors constitué par les Chinois et lesRusses, coopérait fortement dans la lutte contre leterrorisme islamiste, mais aussi dans le domaineénergétique. L’irruption des États-Unis brisa cettedynamique eurasiatique et contribua à repousser la Chinepour quelques années.
Aujourd’hui, la Chine est revenue en force. Elle est,
depuis 2009, à la fois le premier partenaire commercial del’Asie centrale ex-soviétique et le premier fournisseur del’Iran, devant l’Allemagne qui l’avait été ces vingt dernièresannées. Or, Moscou n’entend pas voir les Chinoisremplacer les Américains. Quelle est la stratégie desRusses ? Laisser les Américains contenir l’islamisme en Afghanistan, mais devenir incontournables pour eux,
stratégie identique à celle suivie sur le dossier nucléaireiranien. D’où le soutien officiel de la Russie aux opérationsde l’Otan en Afghanistan ; d’où l’accord russo-américain detransit aérien de juillet 2009 qui, à la mi-avril 2010,permettra d’acheminer 20000 militaires occidentaux en Afghanistan (l’accord autorise une moyenne de douze volsaméricains par jour mais, un an après, la moyenne n’est
que de deux).Pour Moscou, contraindre les Américains à passer par la
Russie revient à les chasser de sa périphérie musulmane.Le 7 octobre 2001, les États-Unis avaient en effet signé unaccord antiterroriste avec Tachkent (l’Ouzbékistan partageune longue frontière avec l’Afghanistan), et les basesaériennes et l’espace aérien du pays le plus peuplé de l’Asie
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centrale ex-soviétique leur étaient ouverts. Un an plus tard,le 5 décembre 2002, Washington prenait pied égalementau Kirghizstan grâce à la base de Manas. Mais en 2005,après la répression d’Andijan (une région turbulente à l’estdu pays où les islamistes sont puissants), les Ouzbeks,refusant l’ingérence démocratique américaine, décidaientde se tourner de nouveau vers la Russie (et la Chine) etcontraignaient l’armée américaine à plier bagages. Aujourd’hui, la base de Manas, avec son corridor terrestrede 1500 km jusqu’en Afghanistan, constitue la seule basearrière solide pour les Américains. Environ 35000 soldatstransitent chaque mois entre Manas et l’Afghanistan, et la base assure aussi le ravitaillement en vol des avionsmilitaires et apporte beaucoup de sang (100 kg enmoyenne chaque nuit par des vols entre Manas etKandahar). Mais les Russes admettent difficilement cetteimplantation. Le 23 octobre 2003, le président Poutineinaugurait une base aérienne russe de soutien à Kant, àquelques kilomètres de la base américaine. Ces dernièresannées, les Kirghizes, conscients de l’inestimable valeurstratégique de cette base pour la réussite des opérations en Afghanistan, ont fait monter les enchères entre Moscou et Washington, une année supplémentaire de présence des Américains étant conditionnée par un triplement de leurloyer…
Mais plus le temps passe, moins l’action américaine en Afghanistan ne peut se faire en contournant les Russes.C’est pour Moscou une assurance devant la montée desChinois en Asie centrale ex-soviétique. Il ne faut pas
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oublier que la Russie est le premier pays à avoir soutenu Washington au lendemain du 11 septembre 2001, dans sonaction globale contre le terrorisme islamiste. VladimirPoutine ne recherchait pas seulement, comme on l’a dit,l’assurance de ne plus être gêné par les critiquesoccidentales sur la Tchétchénie. Il recherchait unpartenariat équilibré avec Washington face à la montée dePékin, partenariat qui eût été possible si Washingtonn’avait pas étendu l’Otan jusqu’aux portes de la Russie en2002, installé dans la pér