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Les instruments de la gestion durable de leau

_____________________ PRESENTATION ____________________ La politique de leau a pour objectif la gestion quilibre et durable de la ressource en eau .270 Il s'agit de la gestion la fois qualitative (la lutte contre les pollutions) et quantitative (la matrise des prlvements), tant des eaux souterraines (nappes) que des eaux de surface (rivires et plans deau). Cette politique repose sur un modle original, dfini et approfondi travers trois lois sur leau de 1964, 1992 et 2006. Sept bassins hydrographiques ont ainsi t dlimits en mtropole271 , leur gestion associant lEtat, les collectivits territoriales et les usagers. La mise en uvre de cette politique mobilise des mesures rglementaires et des incitations financires : - les premires relvent de lEtat et de lOffice national de leau et des milieux aquatiques (ONEMA), dans le cadre de la police de leau. Lorsquelles ont un impact sur leau -rejets ou prlvements- certaines activits sont soumises dclaration ou autorisation et les infractions releves peuvent donner lieu des sanctions administratives ou pnales. - les secondes incombent aux six agences de leau, tablissements publics de lEtat crs en 1964, qui soutiennent financirement des projets de protection de la ressource en eau (stations dpuration, rseaux deau uses etc.) grce au produit des redevances quelles peroivent auprs des usagers et des acteurs conomiques lorigine de pollutions et/ou de prlvements (11,4 Mdpour la priode 2007-2012).

270) Article L. 211-1 du code de lenvironnement 271) Seine-Normandie ; Rhne-Mditerrane ; Meuse ; Adour-Garonne ; Artois-Picardie.

Corse ; Loire-Bretagne ; Rhin-

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Ces instruments, tels quils ont t longtemps mis en uvre, ont certes contribu amliorer la gestion de leau en France, mais ils nont pas permis de prvenir plusieurs checs sanctionns par la Cour de justice des communauts europennes. Pour atteindre les objectifs ambitieux que poursuit la politique de leau, leur efficacit devra tre substantiellement renforce. La politique de leau est soumise par des directives communautaires des obligations de rsultats, assorties de sanctions pcuniaires qui ne psent que sur lEtat. Ces obligations ont dabord t sectorielles : teneur en nitrates des eaux destines la consommation, amlioration de lassainissement, etc. La Cour de justice des communauts europennes (CJCE) a plusieurs fois condamn la France pour ne pas les avoir satisfaites272. Les obligations sont dsormais transversales, la directive-cadre sur leau (DCE) du 23 octobre 2000 imposant aux Etats membres datteindre un bon tat des eaux273 ds 2015, avec des reports possibles mais strictement encadrs en 2021 et 2027. Les objectifs de chaque bassin ont t arrts fin 2009, en cohrence avec lobjectif national fix par la loi de programmation Grenelle 1 274 de ne pas recourir aux reports de dlais pour plus d'un tiers des masses d'eau. Tous les instruments de la politique de leau devront donc tre rapidement et entirement mobiliss au service de cette ambition. Cest dans ce contexte que la Cour a contrl lexercice de la police de leau ainsi que les comptes et la gestion des six agences de leau275. Cette enqute a mis en lumire des insuffisances pour chacun des leviers de la politique de leau. Elle conduit douter de la capacit de la France d'atteindre ds 2015 les objectifs de qualit quelle sest assigns,272) Au niveau national le juge administratif, en appel, a considr dans laffaire dite des algues vertes que eu gard leur nombre et leur importance, l'ensemble des insuffisances et retards () dans la transposition des directives () doivent tre regards () comme constituant une carence fautive de l'Etat () et augment les sommes que lEtat avait t condamn verser aux associations en premire instance (CAA Rennes, 01/12/2009, Associations Halte aux mares vertes , Sauvegarde du Trgor , Eaux et rivires de Bretagne , De la source la mer ). 273) Pour les eaux de surface, ce bon tat est cologique (cest--dire que la biodiversit aquatique doit tre prserve) et chimique (des normes ont t fixes pour 41 substances : mtaux, pesticides, etc.). Pour les eaux souterraines, ce bon tat est chimique (nitrates, pesticides,) et quantitatif (le volume deau prsent dans les nappes phratiques doit tre suffisant pour assurer leur renouvellement). 274) Loi 2009-967 du 3 aot 2009 de programmation relative la mise en uvre du Grenelle de lenvironnement (1) 275) Pour la priode correspondant leurs 8mes programmes dintervention et la prparation et lengagement des 9mes (2007-2012) conscutivement la loi sur leau et les milieux aquatiques (LEMA) du 30 dcembre 2006.

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sauf ce que des amliorations y soient rapidement apportes. En toute hypothse, lenjeu financier est trs lev puisque le respect de cette chance aura un cot qui a pu tre estim 24,7 Md pour les actions recenses dans les programmes de mesures 2010-2015.

I - Le bilan dcevant de la politique de leauLa France revendique le caractre exemplaire de la politique de leau mise en uvre ds les annes 1960, mais si ses principes ont bien inspir dautres pays, ses rsultats sont plutt dcevants, quil sagisse de ltat des ressources en eau ou du respect des chances communautaires.

A - Une amlioration trop lente de la qualit des eauxSur le plan quantitatif, si aucun risque de pnurie globale en eau nest redouter en France, lexistence de fortes disparits saisonnires et gographiques fait de la matrise des prlvements un enjeu cl dans des bassins en dficit structurel, comme Adour-Garonne. Sur le plan qualitatif, lactivit humaine, industrielle et agricole est lorigine de pollutions principalement organiques, chimiques (fertilisants, pesticides, mtaux etc.) et biologiques (bactries, virus, etc.) qui finissent par rejoindre les milieux aquatiques. Ces pollutions peuvent tre ponctuelles (exemples : rejets domestiques ou industriels, effluents dlevage...) ou diffuses (ex : pandages de pesticides et dengrais)276. Si les premires commencent tre correctement traites, il nen va pas de mme des secondes. Pour mettre en place la directive-cadre sur leau, des tats des lieux par bassin ont t raliss fin 2004 par les agences de leau. Pour les cours deau, ces bilans tendent montrer que la pollution par les matires organiques et phosphores, issues des rejets urbains et industriels, a sensiblement diminu depuis une dizaine dannes, grce aux investissements raliss par les collectivits locales et les entreprises, mais quelle atteint aujourdhui un palier. La pollution due aux nitrates, majoritairement dorigine agricole et dpendante des conditions climatiques, reste en revanche leve en moyenne. Les baisses dans les bassins les plus touchs sont compenses par des hausses ailleurs,276) Les pollutions ponctuelles conduisent un rejet identifi dans les cours deau. Il est donc possible de mesurer leur impact sur la qualit de leau. En revanche, les pollutions diffuses correspondent des produits en surplus (engrais, pesticides) qui ne sont pas absorbs par le sol et rejoignent les masses deau souterraines.

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contribuant sur certains littoraux aux phnomnes de mares vertes . En outre, bien quelle reste mal connue et ses effets mal valus, la prsence dans les cours deau dautres polluants (hydrocarbures, mtaux, polluants toxiques, mdicaments etc.) est avre. Pour les masses deau souterraines, les mmes enqutes rvlent que la concentration en nitrates tait dune qualit moyenne voire mdiocre pour prs de la moiti des points de mesure. Par ailleurs, les pesticides taient prsents dans les deux tiers dentre elles. En 2005, les tats des lieux montraient que parmi les 2 772 masses deau superficielles situes dans les bassins mtropolitains, et sans effort supplmentaire, 959 atteindraient trs probablement le bon tat en 2015, 926 prsenteraient un risque potentiel (doute ou manque de donnes), et 887 (soit prs dun tiers) un risque de ne pas atteindre ce bon tat. Parmi les 539 masses deau souterraines classes, 232 atteindraient trs probablement le bon tat en 2015, 95 prsenteraient un risque potentiel (doute ou manque de donnes) et 212 (soit 39 %) un risque fort de ne pas atteindre ce bon tat.

B - La mconnaissance par la France des objectifs fixs par des directives communautairesSi dautres Etats de lUnion europenne ont rencontr des difficults pour mettre en uvre ces directives, la France fait partie des pays les plus condamns pour ne pas les avoir appliques277.

1 - Les nitrates et le problme rcurrent des pollutions dorigine agricoleLa directive eaux potabilisables du 16 juin 1975 faisait obligation aux Etats membres de respecter un plafond de concentration en nitrates des eaux destines la production deau alimentaire de 50 mg/l au plus tard en juin 1987. En mars 2001, la CJCE a condamn la France en raison de la non-conformit aux dispositions de la directive nitrates de 37 points de captage en Bretagne. En mars 2007, la Commission europenne a saisi la CJCE, avec sursis dexcution, en raison de la nonconformit persistante de 11 points de captages. Malgr la fermeture coteuse de plusieurs dentre eux, le risque de condamnation financire de la France nest pas encore cart.277) La France a t condamne six fois pour manquement aux obligations imposes par les directives sur leau (eaux rsiduaires urbaines, eaux de baignade, eaux potabilisables, eau souterraine et nitrates). LEspagne a t condamne sept fois et le Royaume-Uni cinq fois.

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Si le cas des teneurs en nitrates des eaux bretonnes est le plus connu278, dautres parties du territoire sont galement concernes par des dpassements des normes fixes par la directive. Ainsi, selon les rsultats de la campagne de surveillance 2004-2005, 14 % des points de surveillance en eaux souterraines et 1 % des points de mesure en eaux superficielles prsentaient des teneurs moyennes en nitrates suprieures 50 mg/l. La situation pour les eaux souterraines est la plus proccupante avec un risque significatif de dgradation continue du fait des mcanismes daccumulation dans les nappes. Les rsultats dcevants constats sur les nitrates comme sur les pollutions par les produits phytosanitaires trouvent en grande partie leur origine dans une insuffisante volont de lEtat, aux niveaux communautaire et national, de remettre en cause des pratiques agricoles durablement marques par lencouragement au productivisme et le choix dune agriculture intensive. Les instruments dintervention mis en uvre pour combattre ce type de pollution sont dailleurs assez modestes. Le levier fiscal est largement inoprant, faute de redevance sur la pollution azote et de redevances levage et pollution diffuse rellement dissuasives. Certes, la loi de finances pour 2009 a plus que doubl le taux de cette dernire, mais laugmentation de la pression fiscale qui en rsulte par rapport la taxe laquelle elle sest substitue reste limite. Lefficacit de linstrument rglementaire, fond pour les nitrates sur les prescriptions de programmes daction quadriennaux (priodes d'interdiction d'pandage des fertilisants azots, limitation des apports d'effluents d'levage etc.), est limite par linsuffisance des mesures prises et des contrles de leur mise en uvre. Pour les produits phytosanitaires, les interdictions de molcules ne sont envisages grande chelle que depuis le Grenelle de lenvironnement279. Le levier financier, auquel les agences contribuent, a dabord revtu la forme de plans de matrise des pollutions dorigine agricole dans les levages qui se sont succd depuis 1993 avec un bilan mitig : effet daubaine, lenteur des travaux, faible extension des zones concernes, dfaut de suivi national etc. Ces aides lamlioration des capacits de stockage et au traitement des effluents dlevages ont dsormais t compltes par des mcanismes dincitation aux pratiques agricoles

278) Il avait donn lieu un rapport public thmatique de la Cour des comptes en 2003. 279) Pour atteindre lobjectif de diminuer de moiti en dix ans lusage de produits phytosanitaires et biocides, il est notamment prvu de retirer du march les 40 substances les plus proccupantes dici la fin de lanne 2010.

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raisonnes (mesures agro-environnementales, Plan vgtal environnement, etc.) qui, lorsquils ne sont pas obligatoires, peuvent tre financs par les agences. Or les rsultats enregistrs sur ce point sont globalement dcevants280, de sorte quun peu plus de la moiti seulement des aides prvues dans les 9me programmes pour la lutte contre les pollutions diffuses agricoles ont t consommes jusqu prsent : 90 M nont pu tre engags sur la priode 2007-2008, faute de projets. Ces rsultats tiennent certes la complexit de la gestion des mesures, inscrites dans le cadre trs contraignant du pilier dveloppement rural de la politique agricole commune, mais lexemple de Loire-Bretagne, qui reprsente plus de la moiti des surfaces contractualises en 2008, montre que les agences peuvent russir dpasser cette complexit. Au total, lEtat nest pas parvenu, avant le Grenelle de lenvironnement, susciter le mouvement de transformation qui, selon la loi Grenelle I, simpose lagriculture 281, faute dimpulsion politique et dinstruments adapts limportance de lenjeu. Les agences ont quant elle peu contribu, par la modestie de leurs interventions, lmergence de solutions. Il rsulte de cette situation une allocation non optimale des ressources de la politique de leau. Les agences financent en effet des actions sur leau potable, souvent curatives, pour des montants 1,8 fois suprieurs ce quelles consacrent laction prventive via le changement des pratiques agricoles ou la protection de la ressource : dans 282 les 9mes programmes, 1,29 Mdcontre 712 M . Ces difficults sont partages par dautres Etats membres, mais des exemples, en France et en Europe, montrent aussi quil est possible de mettre en place une politique efficace de lutte contre les pollutions diffuses agricoles : au Danemark, des quotas dazote imposs aux exploitants assortis dune taxe sur les pesticides ont permis de diminuer lazote, le phosphore et les pesticides de plus de 30 % en dix ans, alors que la production agricole augmentait dans le mme temps de 3 %. certaines rgions allemandes (et, en France, la socit des eaux de Vittel ou la ville de Lons le Saunier) ont mis en uvre des programmes bass sur le rachat de terres agricoles et la conversion280) En 2008, les MAE ont concern 16 774 ha en Loire Bretagne, 9073 ha en Seine Normandie, 3640 ha en Rhin Meuse, 264 ha en Rhne Mditerrane et Corse, 171 ha en Artois-Picardie et 68 ha en Adour Garonne. 281) Article 31 de la loi de programmation du 3 aot 2009 282) Source : annexe budgtaire agences de leau du PLF 2010

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des exploitations lagriculture biologique. Le cot du programme de la ville de Munich renchrit le prix de leau de 0,087 centimes/m3, alors que le cot de dnitrification dune eau de plus de 50 mg/l y est de lordre de 0,23 3283. Le cot du traitement est donc 2,5 fois plus /m lev que celui de la prvention.

2 - La directive eaux rsiduaires urbaines (ERU) a) Le risque de condamnations communautairesLa directive eaux rsiduaires urbaines faisait obligation aux Etats membres de traiter les eaux uses des agglomrations de plus de 2 000 habitants, entre 1998 pour les plus importantes et 2005 pour les plus petites. Les retards de la France dans ce processus ont conduit une condamnation par la CJCE en septembre 2004 pour les agglomrations les plus importantes. En janvier 2008, la Commission europenne a initi une nouvelle procdure pouvant conduire la condamnation de la France une amende et/ou une astreinte. Ces risques financiers ont conduit le ministre de lcologie, de lnergie, du dveloppement durable et de la mer (MEEDDM), dans le cadre dune bataille de leau tardivement engage, mobiliser les prfets et les agences de leau et laborer un calendrier de mise en conformit jusquen 2011, soit treize ans aprs les premires chances. Le risque de condamnation demeure cependant, pour un montant estim par la Cour 150 M Par ailleurs, de nouvelles . procdures ont t inities par la Commission concernant les agglomrations moins importantes. La France a donc largement chou assurer la mise en uvre de cette directive de 1991 en temps utile.

b) Une responsabilit partage entre les collectivits territoriales, lEtat et les agences de leauUne part notable du retard dans la mise en uvre de la directive ERU est imputable aux collectivits, qui ont souvent privilgi les investissements dans des usines de traitement deau potable. La modernisation des stations dpuration a ainsi dbut tardivement, alors que les procdures prvues dans ce domaine (modification des documents durbanisme, enqute publique,) sont trs lourdes et les risques contentieux importants. La gestion de lassainissement sous la forme de dlgation de service public et les dlais de transfert de la comptence assainissement aux intercommunalits ont galement retard la mise en

283) Source : Direction des tudes conomiques et de lvaluation environnementale, juillet 2005.

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conformit284. Enfin, les retards constats sont souvent lis aux difficults rencontres par les collectivits pour dfinir une solution de traitement des boues dpuration, chacune des trois options disponibles aujourdhui (pandage agricole, incinration, stockage) prsentant des inconvnients. LEtat porte aussi une responsabilit importante dans le retard pris dans la mise en uvre de la directive. Dune part, il a dlibrment retenu une approche restrictive, contraire aux dispositions de la directive, lors de la dfinition des zones sensibles pour lesquelles le traitement devait tre amlior en priorit. De ce fait, aprs la condamnation de la France par la CJCE en 2004, des collectivits se sont retrouves soumises lchance de 1998 et ont d engager des travaux trs importants dans un laps de temps contraint pour se mettre en conformit. Dautre part, avant 2006, les services dconcentrs de lEtat nont pas fait usage des larges pouvoirs de police dont ils disposent pour obtenir des collectivits la mise aux normes de leurs stations. Enfin, les agences ne peuvent tre exonres de toute responsabilit dans ce retard. Elles mettent souvent en avant le rle indniable quelles jouent dans la sensibilisation des lus locaux, mais elles disposaient aussi de puissants leviers daction quelles nont utiliss que tardivement. Avant 2006, seules deux agences (Loire Bretagne ds 2002 et Rhne Mditerrane Corse en 2004) avaient institu des mcanismes de dgressivit et de conditionnalit des aides. Les autres agences et notamment celle qui tait la plus concerne par le contentieux (Seine Normandie) navaient prvu que des mesures incitatives qui se sont rvles inefficaces. Elles nont pas non plus conditionn les subventions accordes sur dautres thmatiques, en particulier leau potable, des engagements des collectivits sur le respect de la directive. Quant aux 8mes programmes dintervention, ils navaient pas t dimensionns pour pouvoir mettre aux normes lensemble des stations dpuration. Il a fallu attendre la condamnation de la France et des instructions trs claires de lEtat pour que les agences appliquent des taux daides dgressives. Le contentieux de la directive ERU rvle des dysfonctionnements systmiques dans la politique de leau, dont il convient de tirer les enseignements : une dilution des responsabilits, une mauvaise coordination entre les services de lEtat, une forme dattentisme

284) Le constat de la lenteur des processus de transfert ninvalide pas le choix pertinent dune gestion de lassainissement au niveau intercommunal : aux Pays-Bas, cette comptence a mme t transfre un petit nombre dautorits rgionales (26 waterschappen) qui prlvent une taxe sur la pollution aquatique. Latteinte rapide des objectifs de la directive ERU sen est trouve facilite.

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des agences, le caractre insuffisamment rpressif de la police de leau, une anticipation insuffisante et un suivi dficient des risques contentieux.

II - LEtat et linstrument rglementaireEn mai 2003, la Cour avait constat une dfaillance peu prs totale de laction rpressive prvue par les textes lgard des pollueurs . Si des progrs ont t accomplis depuis lors dans lorganisation de la police de leau (guichet unique et coordination interservices), les sanctions demeurent trs faibles et ont mme diminu depuis 2004.

A - Une action rpressive insuffisante et mal suivieAlors que le temps consacr aux contrles par les services de police de leau, le nombre de contrles effectus et le nombre dinfractions constates ont augment significativement depuis 2005, tel na pas t le cas des sanctions administratives285, les services se contentant trop souvent de simples rappels la rglementation. Quant aux sanctions pnales, elles ont diminu de 17 % depuis 2004 : le nombre de procs-verbaux a ainsi chut de 53 % pour les dlits lis la pche286. Au total, 26 % des contrles raliss par les services de lEtat donnent lieu une rponse administrative ou pnale, mais seuls 1 % conduisent une sanction. Ce taux, extrmement faible, peut tre compar aux suites donnes ses contrles par linspection des installations classes pour lenvironnement (ICPE) : 7 % se traduisent par une sanction administrative ou pnale. En outre, les services rpressifs de lEtat ignorent les suites donnes 60 % de leurs procs verbaux, faute de retour dinformation suffisant de la part des tribunaux. Cette situation est proccupante au regard de lobligation dans laquelle la France se trouve de justifier de son activit de contrle devant la Commission. La mconnaissance des classements sans suite et des raisons qui conduisent classer un procs verbal nuit galement au pilotage de la police de leau et dmotive les quipes.285) Consignations de sommes, excutions doffice, suspensions dautorisation, et bientt amendes et astreintes avec la rforme programme de la police de lenvironnement 286) Pollution des cours deau, travaux non autoriss, vidanges sans autorisation, Daprs le ministre, les rformes intervenues en 2005 et 2006 concernant la rpartition des dlits entre police de leau et police de la pche pourraient expliquer une partie de cette diminution.

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A lheure actuelle, lorsquil est donn suite aux procs-verbaux, situation dont la frquence augmente tout en restant faible (13 % des procs-verbaux ont donn lieu condamnations en 2007), les amendes prononces sont peu dissuasives au regard des avantages conomiques que les auteurs de linfraction peuvent en retirer : 1 062 en moyenne pour les dlits, 394 pour les contraventions. Ces dysfonctionnements ayant t ports la connaissance de la secrtaire dEtat lEcologie, celle-ci a indiqu quune circulaire interministrielle serait adresse aux prfets et aux procureurs gnraux pour rappeler limportance de la politique de contrle et de sanction des infractions.

B - Une coordination insuffisante entre des acteurs disperssLa spcificit de la politique de leau tient lexistence de bassins hydrographiques dont les limites gographiques ne correspondent pas aux limites administratives. Pour sadapter cette gestion par bassin, ladministration a institu des prfets de bassin et des dlgus de bassin : il sagit des prfets et des directeurs rgionaux de lenvironnement de la rgion o se trouve le sige de lagence. Ils reprsentent les services dconcentrs de lEtat dans les organismes de bassin et coordonnent la politique de leau lchelle du bassin. Cette coordination est cependant trs perfectible et, quelques exceptions prs287, il nexistait pas de politique de leau cohrente lchelle du bassin, en ce qui concerne linstrument rglementaire. Les programmes de mesures qui viennent dtre adopts dans le cadre de la mise en uvre de la directive cadre sur leau (DCE) devraient permettre de remdier, au moins en partie, ce constat pour atteindre les objectifs de bon tat . La faiblesse de lorganisation par bassin nest pas compense par un pilotage au niveau rgional. Les directions rgionales de lenvironnement ont un rle trop effac. Au mieux, elles facilitent les changes de bonnes pratiques entre services, mais elles naniment pas rellement lexercice de la police de leau. Laffirmation de lautorit hirarchique des prfets de rgion sur les prfets de dpartement pour le pilotage des politiques publiques et la cration des directions rgionales de lenvironnement, de lamnagement et du logement pourraient permettre de renforcer la dfinition dune politique rgionale.

287) Ainsi, dans les bassins Adour-Garonne, des notes de doctrine ont fait lobjet de validation par la confrence administrative de bassin, par exemple sur la gestion des projets hydrolectriques.

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Au niveau dpartemental, la coordination entre services de lEtat a t sensiblement amliore au sein des missions interservices de leau (MISE). Les plans stratgiques et plans de contrle adopts par ces missions constituent le cadre dune vritable politique de leau, sous lautorit du prfet. Cependant, leur articulation avec lintervention des agences est dficiente. Les agences ne sont pas formellement membres de 40 MISE et le ministre ne dispose pas de donnes plus prcises sur leur participation effective. Mme lorsquelles y sont prsentes de facto, leur niveau de reprsentation et leur assiduit sont insuffisants pour assurer une bonne complmentarit de leurs interventions avec laction rglementaire de lEtat. Pourtant, une participation plus active des agences permettrait aux services de lEtat dtre associs aux valuations de leurs interventions et aux contrles diligents lors de la rception des travaux. En outre, les agences pourraient aisment apporter leur expertise pour allger les travaux de planification demands aux MISE. Au total, la politique de leau est conue au niveau du bassin en matire financire mais au niveau du dpartement en matire rglementaire. Ce dcalage est une source de dysfonctionnements, car il contraint la coordination de lusage des instruments dont disposent les acteurs publics.

III - Les agences de leau et le levier financierTandis que le contexte de leurs interventions a profondment chang, les agences de leau restent encore trop proches de la logique de la loi de 1964 : elles sapparentent toujours plus des banques mutualistes charges de faciliter des initiatives locales de gestionnaires et dusagers de leau qu des instruments dune politique nationale soumise des obligations de rsultats. Elles ajustent bien leur programmation financire et leurs mthodes dintervention aux besoins mergents, mais un rythme quil conviendrait dacclrer.

A - Un usage peu satisfaisant des instruments financiersLes agences actionnent le levier financier de la politique de leau, et disposent cette fin de puissants moyens daction. Les 9mes programmes dintervention (2007-2012) prvoyaient initialement la collecte sur six ans de 11,4 Md de redevances, pour des dpenses (principalement des interventions sous forme de subventions dinvestissement et de prts sans intrt) plafonnes par la loi 14 Md Or la Cour a constat que ces . instruments pourraient tre utiliss plus efficacement.

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1 - Les interventionsLes obligations de rsultat fixes par la directive-cadre sur leau (DCE) devraient conduire les agences faire preuve, dans leurs interventions, de slectivit pour optimiser leffet environnemental de chaque euro investi, et dincitation pour susciter ou orienter laction des matres douvrage. Si des progrs ont t constats, les ajustements des mthodes dintervention restent en-de des enjeux. Les agences ont longtemps financ guichet ouvert des projets de stations dpuration et dinstallations de production deau potable, avec deux inconvnients majeurs : un saupoudrage des aides sur un nombre excessif dquipements288 et des effets daubaine quand elles financent des projets qui auraient vu le jour mme sans leur aide. Ce nest quavec les 8mes programmes et la contrainte impose par lEtat datteindre les objectifs de la directive ERU redevances constantes, quelles ont commenc hirarchiser les demandes en fonction de leur intrt environnemental, par exemple en diffrenciant les rgles dligibilit et les taux daide en fonction de la sensibilit des milieux. Cette slectivit a toutefois t ingale selon les agences, avec des diffrences dapproche sensibles, mais une difficult partage pour rsister aux pressions des porteurs de projets non prioritaires : beaucoup de matres douvrage continuent de considrer les agences comme des guichets et leurs aides comme un droit de tirage. Il est vrai que la loi nencourage pas toujours les agences privilgier la slectivit, et contribue elle-mme une certaine dispersion des ressources. Ainsi, la loi sur leau et les milieux aquatiques (LEMA) a-t-elle dtermin un ventail trs large de priorits daction pour les 9mes programmes qui, incluant la qualit et la scurit de leau distribue, excdent la seule vocation environnementale. Ces dispositions, qui servent certes lintrt gnral, ne semblent cependant pas pouvoir justifier, dans un contexte de ressources rares et dobligations de rsultat ns de la directive-cadre sur leau (DCE), le financement du renouvellement des branchements en plomb, ou le renouvellement des rseaux dpuration et deau potable, thoriquement financs par lamortissement. La slectivit environnementale est mme implicitement carte par la loi qui fixe un plancher de 1 Md sur six ans pour les288) Cette logique damnagement et dquipement, qui se greffe sur une organisation territoriale trs clate, peut expliquer que la France compte aujourdhui 17 300 stations dpuration (dont la moiti de petite taille avec des performances techniques et conomiques dfavorables), contre 400 seulement aux Pays-Bas, soit respectivement une station pour 3 650 habitants, contre une pour 40 700. Le constat est proche pour les installations deau potable.

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interventions au titre dune solidarit urbain-rural , qui contribue la multiplication dinfrastructures de trop petite taille et lefficacit limite.La loi n2006-1772 du 30 dcembre 2006 sur leau et les milieux aquatiques (LEMA) clt prs de dix ans de dbats marqus par une succession de projets de loi et une consultation nationale. Elle est alors prsente comme devant crer les conditions pour atteindre les objectifs de la directive-cadre sur leau (DCE). Longue et complexe (102 articles, 20 codes concerns), elle affirme lexistence dun droit leau, modifie les mcanismes institutionnels et la gouvernance des agences, la planification, les rgles de police et lorganisation des services publics relatifs leau. Elle scurise le rgime juridique des redevances et modifie leur contenu. Elle accrot les pouvoirs du Parlement dans lencadrement des interventions des agences. Elle est notamment critique pour ne pas avoir suffisamment mis en uvre le principe pollueur-payeur .

Si les agences sont longtemps restes insuffisamment slectives, elles ont galement tard faire de leurs interventions les supports dune politique dincitation de nature faciliter latteinte des objectifs de qualit. Elles peuvent par exemple subordonner les aides demandes par des matres douvrage leur prise dinitiatives, en parallle, sur des thmatiques plus difficiles. Cette conditionnalit, mme tardivement mise en uvre, a facilit lacclration de la mise en conformit des stations dpuration. Les agences devraient dsormais envisager son extension des thmatiques dites orphelines , cest--dire sans matre douvrages clairement dsigns (par exemple la restauration des cours deau) ou dont les acteurs sont trop disperss (par exemple, les pollutions diffuses industrielles). LEtat les y a invites par une circulaire de juin 2009. Leur exprience de la contractualisation avec les collectivits locales constitue un atout de ce point de vue, condition que la mconnaissance des engagements pris soit mieux sanctionne quaujourdhui. Cette extension de la conditionnalit est dautant plus ncessaire que, sur ces thmatiques dcisives pour latteinte des objectifs de la directive-cadre sur leau (DCE), lexcution des 9mes programmes en 2007 et 2008 montre une sous-consommation des budgets : 50 Mont t reports dans le domaine de lindustrie, 50 M dans celui de la gestion et de la restauration des milieux et 40 M pour la gestion quantitative de la ressource. Cette situation sexplique par le manque de matres douvrage, et certains gards par le manque dingnierie comptente sur le march, mais elle rvle aussi un besoin dajustement des mthodes dintervention des agences. Si elles savent traiter les pollutions localises, en subventionnant des stations dpuration comme elles le font depuis 45

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ans289, elles peinent adapter leurs interventions pour traiter les pollutions diffuses. Cela suppose en effet de leur part le dveloppement de nouvelles comptences, pour sensibiliser et mobiliser des filires professionnelles (agriculteurs, artisanat) ou pour animer des rseaux au plus prs du terrain. La transition est importante, mais la plus-value du statut dtablissement public rside prcisment dans la souplesse et ladaptabilit quil confre. Il appartient donc aux agences de faire preuve dinnovation et de ractivit pour traiter les nouveaux enjeux. Enfin, les obligations de rsultat et la ncessit qui en rsulte dadapter et doptimiser constamment leurs instruments devraient conduire les agences suivre et valuer soigneusement limpact de leurs interventions. Or la Cour a relev des cas dabsence de suivi de certains documents de programmation (le programme territorial Seine Aval ou le contrat de performance 2003-2006 en Seine-Normandie nont fait lobjet daucun bilan final), une apprhension encore trs imparfaite de limpact des pressions sur les milieux, faute de rseaux de mesure suffisamment denses et doutils de modlisation, et le caractre encore limit de lvaluation dans les six agences, qui ont tard tirer profit des synergies possibles entre elles sur ce sujet.

2 - Les redevancesHistoriquement, les agences de leau ont collect trois types de redevances (pollution, prlvement et modification du rgime des eaux), auprs des collectivits, des industriels et des agriculteurs. La loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006 est venue complter ce dispositif. L'ensemble reprsente des ressources trs significatives : 1,8 Md en 2008, dont plus de 90 % psent sur les consommateurs, via la facture deau290. Dj en 2003, la Cour291 avait critiqu la fragilit juridique de ces redevances et relev quelles obissaient davantage une logique financire de scurisation des recettes qu un souci de modification des comportements, faute denvoyer des signaux conomiques pertinents au regard dobjectifs de prservation de lenvironnement. Or ses contrles ont confirm que cette logique a persist pendant les 8mes programmes, au cours desquels les agences nont pas suffisamment exploit les possibilits dincitation offertes par les textes antrieurs, comme la diffrenciation des taux en fonction de la sensibilit des zones ou du caractre plus ou moins prioritaire des paramtres de289) Lassainissement reprsente encore 45 % des aides des 9mes programmes. 290) En 2007, les redevances reprsentaient 13 % du prix de leau TTC pour Rhne Mditerrane, 17 % pour Seine-Normandie. 291) Rapport public annuel de 2003, insertion sur les agences de leau.

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pollution taxs. Les agences expliquent cet attentisme par les incertitudes qui affectaient alors ladoption de la loi sur leau et les milieux aquatiques (LEMA) : faute dune issue rapide des dbats, la politique de leau a donc t partiellement prive dun puissant facteur dacclration de latteinte du bon tat . La loi sur leau et les milieux aquatiques de 2006 a profondment modifi le rgime des redevances compter de 2008. La loi dfinit dsormais sept redevances : certaines sont reprises de lexistant, comme la redevance pour pollution de leau dorigine domestique, dautres sont entirement nouvelles : redevance pour stockage deau en priode dtiage, redevance pour obstacle sur les cours deau, redevance pour modernisation des rseaux de collecte, dautres enfin sont venues se substituer des taxes existantes, comme la redevance pour pollutions diffuses agricoles, qui remplace la taxe gnrale sur les activits polluantes phytosanitaires . La loi prcise les assiettes et fixe des tarifs plafonds, les instances de bassin dfinissent la politique de zonage et adoptent des taux. La loi dispose que ces redevances sont tablies en application du principe de prvention et du principe de rparation des dommages lenvironnement . Dans les faits, le caractre incitatif des redevances a progress, mais reste limit. La redevance de pollution domestique, globalise dans la facture deau et assise sur les volumes consomms, est ignore des consommateurs. Certains plafonds ont t fixs des niveaux trop bas, par exemple pour les redevances dirrigation, dautres sont forfaitiss pour tout le territoire, indpendamment du comportement plus ou moins vertueux des redevables, comme la redevance pollution dlevage. Enfin, alors que les pollutions diffuses agricoles constituent le principal enjeu de qualit des masses deau, aucune redevance na t cre sur les apports azots agricoles, la sensibilit de cette question ayant dailleurs contribu la lenteur de ladoption de la loi sur leau et les milieux aquatiques (LEMA). Les consquences des choix du lgislateur sont accentues par ceux oprs lchelle des bassins : ainsi en Rhne-Mditerrane-Corse, les nouvelles redevances ont t dtermines en application de principes dit dco fiscalit constante et dquilibre entre catgories de contributeurs, qui limitent les effets redistributifs de la rforme entre catgorie de redevables (industrie, collectivit, agriculture). Le poids de lhistoire et la pression des diffrents groupes dintrts au sein des

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comits de bassin, mentionn plus loin, ont donc contribu, avec la loi, ce que les redevances collectes par les agences soient encore loin de constituer une vritable fiscalit environnementale.

3 - Lquilibre entre secteurs conomiquesDans son rapport annuel de 2003, la Cour avait relev que des redistributions sopraient entre collectivits, industriels et agriculteurs, selon le rapport qui stablissait entre le montant des subventions reues et celui des redevances payes. Or cette logique redistributive, au demeurant conforme aux principes qui ont conduit la cration des agences, est de plus en plus mise en cause par les collges constitus au sein des comits de bassin : ceux-ci se montrent toujours davantage attachs ce quun quilibre stablisse entre les redevances perues sur les ressortissants de leur secteur et les aides quils peroivent. Ainsi, la solidarit de bassin se rduit-elle de plus en plus une solidarit de secteur. Ces redistributions nen deviennent pas moins problmatiques quand aides et redevances sont en disproportion trop manifeste. Tel tait bien le cas pour le secteur agricole aux 7mes programmes, pour lequel le ratio aides / redevances tait de 10, et aux 8mes programmes, prsents comme des transitions dans lattente de la loi sur leau et les milieux aquatiques (LEMA), o le ratio tait ramen 4,8. La construction des 9mes programmes traduit un rquilibrage supplmentaire : sous leffet de la loi sur leau et les milieux aquatiques (LEMA), les redevances progresseraient plus vite que les aides et le ratio serait ramen 2,5. Compte tenu de la sous-consommation des aides prvues pour la lutte contre les pollutions diffuses, il est possible quil soit mme ramen en excution un niveau proche de 1. Lanalyse de ces chiffres doit cependant rester prudente. En effet, la visibilit sur les nouvelles redevances est faible car elles ne sont pleinement entres en vigueur quen 2009 et la redevance pour pollution diffuse se substitue lancienne TGAP phytosanitaires , ce qui augmente en apparence le montant des redevances perues par les agences. Surtout, aides et redevances squilibreraient un niveau qui reste modeste. En dpit de leur augmentation globale qui mrite dtre releve, les redevances restent modres lchelle dune exploitation, ce qui limite leur incitation au changement des pratiques. Symtriquement, la sous-excution des programmes daides tend montrer que le dispositif peine mobiliser le secteur agricole. Au total, le dispositif ne permet encore ni dintresser suffisamment les exploitants vertueux, ni denvoyer un signal prix suffisant ceux qui le sont moins. Le besoin dajustement est donc rel.

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B - La gouvernance des agencesUne partie des faiblesses des agences tient leur situation intermdiaire entre lEtat et les comits de bassin.

1 - La pression tardive et mal ajuste de lEtatLEtat exerce sa tutelle sur les six agences, mais il est minoritaire dans leurs conseils dadministration et ne les finance pas directement. Cette situation la longtemps conduit leur laisser une grande autonomie, ce qui a eu notamment pour effet de ne pas inciter les agences dvelopper suffisamment de synergies entre elles : pas doutil commun de gestion des redevances, pas de partage des cots et des mthodes de lvaluation, etc. Depuis quelques annes, il exerce un contrle plus troit : leur programmation pluriannuelle est mieux encadre, leur performance fait lobjet de contrats dobjectifs et leurs priorits sont coordonnes avec celles fixes ses services. Toutefois ce retour de lEtat ne va pas sans excs, maladresses ni contradictions. Il nchappe pas la tentation de capter une partie des ressources des agences pour compenser la faiblesse des siennes : cest ainsi quen 2004, 210 M ont t prlevs sur la trsorerie de quatre agences, contraignant deux dentre elles souscrire des emprunts. LEtat responsabilise les agences via des contrats dobjectifs qui, tout en constituant une bonne pratique, prsentent deux faiblesses. Bien que certains objectifs, comme la protection des points de captage deau potable, chappent pour lessentiel aux agences, lEtat ne prend pas dengagement symtrique sur sa propre contribution leur ralisation. En outre, si une partie des primes attribues aux personnels des agences est fonde sur latteinte des rsultats292, leur modulation individuelle ne parat pas suffisante pour impulser une vritable gestion des ressources humaines par la performance. LEtat envoie enfin des signaux contradictoires aux agences : aprs leur avoir recommand de renoncer consentir des avances remboursables, il les incite dsormais (dans un contexte certes diffrent) en octroyer aux collectivits engages dans la mise en conformit avec la directive ERU , pour consommer une enveloppe de 1,2 Md obtenue de la Caisse des dpts au moment o les besoins en la matire taient dj en voie dtre satisfaits.

292) arrt du 11 mai 2007 relatif au rgime indemnitaire des agents non titulaires des agences de leau.

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2 - Une dmocratie de leau la recherche dun quilibre entre dialogue et efficacitLa loi du 16 dcembre 1964 a donn la politique de leau son caractre partenarial et concert, en crant des comits de bassins, parlements locaux de leau , runissant lEtat (minoritaire), les collectivits et les usagers. La justification de cette instance originale est triple : lexpression de la dimension locale dune politique nationale, la recherche dun quilibre entre intrt gnral et intrts particuliers et la mobilisation de relais pour la dfense dune ressource collective par nature. En 2006, la loi sur leau et les milieux aquatiques a renforc ce caractre partenarial en tendant leur mandat, consultatif lorigine puis largi en 1992 la conception des schmas directeurs des bassins, lmission davis conformes sur les programmes et les taux de redevances. Ils peuvent se dcliner en commissions territoriales par sous bassin. Les conseils dadministration des agences, avec leurs 34 membres (outre le prsident), obissent une logique analogue de reprsentation des intrts locaux. Les comits de bassin et les conseils dadministration ont mis en place, au fil des annes, un nombre lev de commissions et de groupes de travail qui prparent leurs dcisions en format plus restreint. Lensemble de ce dispositif est particulirement lourd (185 membres du comit de bassin en Seine-Normandie, 190 en LoireBretagne) et dans le contexte de la mise en uvre de la directive-cadre sur leau (DCE) qui a rendu ncessaire la multiplication des runions, il est apparu coteux en temps, en nergie et en crdits. Ce mode de gouvernance peut apparatre comme le prix payer pour respecter le principe de concertation. Il a dailleurs facilit lappropriation des nouveaux enjeux ns de la directive-cadre sur leau (DCE) et permis de rsoudre certains conflits dusage, comme lillustrent les schmas directeurs damnagement et de gestion des eaux (SDAGE) adopts en 2009. Toutefois, il apparat aussi, certains gards, comme un facteur de dysfonctionnement. Dune part, la dcision est gnralement prpare par des commissions au sein desquelles les groupes professionnels, par leur assiduit et leur expertise, sont mieux mme de faire prvaloir leurs proccupations dans la dure que les lus et les associations. Dautre part, la recherche systmatique du consensus peut loigner la dcision de loptimum environnemental. Ainsi, la volont du comit de bassin de Rhne-Mditerrane-Corse de contenir la progression des redevances a-tellel eu des effets malthusiens sur les interventions. De mme, le comit de bassin Seine Normandie a contraint lagence maintenir dans ses priorits des interventions curatives sur leau potable sans impact

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environnemental et lirrigation reste sous-taxe dans un bassin AdourGaronne en dsquilibre quantitatif chronique293. Lexprience montre enfin que la gouvernance actuelle ne permet pas toujours de dpasser, au niveau des bassins, les contradictions laisses pendantes au niveau national entre certaines politiques publiques (politique agricole contre gestion durable de leau, prservation des milieux contre dveloppement de lhydrolectricit), ce qui limite sa plus-value et nuance son intrt. Le rle de catalyseur du comit de bassin na pas suffisamment jou, par exemple, pour le projet de barrage de Charlas (Haute-Garonne). __________ CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS ________ A maints gards, la directive-cadre sur leau (DCE) marque une rupture pour la politique de leau, car lobligation de rsultat quelle instaure exige une action rapide et massive pour faire merger un mode de gestion durable. Or les contrles de la Cour mettent en lumire les besoins dajustement du systme original mis en place dans les annes 1960 qui, sil a permis dobtenir des avances dans le traitement des pollutions industrielles et de lpuration des eaux uses, doit maintenant traiter denjeux plus difficiles et plus diffus. Les agences de leau ont longtemps conserv une approche routinire de leurs interventions, sans que lautonomie dont elles disposent lgard de lEtat se soit traduite par une efficacit supplmentaire vidente. Au cours des 8mes et 9mes programmes, des amliorations ont certes t constates (slectivit, contractualisation etc.) mais les marges de progression restent importantes, et le besoin de rvision de leurs modes dintervention est rel pour les thmatiques orphelines. Par ailleurs, la loi sur leau et les milieux aquatiques (LEMA) na pas encore permis la dmocratie de leau , souvent prsente comme exemplaire au sein des politiques publiques, de trouver le bon quilibre entre conciliation des intrts et efficacit collective. LEtat, enfin, peine encore optimiser larticulation des instruments rglementaires et financiers de la politique de leau, et traiter de front la question des pollutions diffuses agricoles. Ces constats de la Cour, qui contrastent avec lexigence nouvelle de rsultats brve chance, ninvalident pas les principes et les valeurs sur lesquels repose la politique de leau, comme la dcentralisation et la mutualisation. Il semble en revanche ncessaire daccomplir rapidement des progrs substantiels pour en optimiser les instruments.293) Le produit de la redevance de prlvement devrait y doubler au cours des 9mes programmes pour atteindre 9,7 M en 2012 (pour plus de 30 000 irrigants), mais partir dun niveau particulirement faible. Entre 2007 et 2012, le taux applicable ne va dailleurs passer que de 30 % 50 % du taux plafond fix par la loi.

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Il sagit dabord damliorer lefficacit de chacun dentre eux. Pour les agences, il est ncessaire de renforcer et systmatiser lvaluation des effets de leurs interventions et des redevances, daccentuer la slectivit et la conditionnalit des subventions, dabandonner les aides curatives et/ou sans effet sur lenvironnement, de mieux partager les bonnes pratiques sur les nouvelles thmatiques et de donner pleinement corps la logique environnementale des redevances. LEtat devrait, quant lui, accentuer la rpression des infractions en matire de pollution des eaux, amliorer le suivi des procs-verbaux et mettre pleinement en uvre ses pouvoirs dinjonction et de substitution. Il sagit galement damliorer leur coordination. Cela suppose que lEtat, au niveau national, renforce son pilotage en prenant des engagements communs avec les agences sur les sujets partags. Au niveau local, le rle de coordination des prfets de bassin et des prfets de rgion doit tre renforc de mme que la prsence des agences dans les missions interservices de leau au niveau dpartemental. Enfin, lEtat doit assurer une meilleure articulation entre les acteurs du dispositif de collecte des donnes sur leau, qui reste stabiliser. La Cour estime que la volont de lEtat datteindre les objectifs de la directive-cadre sur leau (DCE) doit se manifester de faon plus crdible et plus forte. Outre des initiatives lgislatives et rglementaires, cela implique surtout que lEtat adopte une politique plus volontariste pour atteindre lobjectif de rduction des pollutions diffuses dorigine agricole. Les solutions incombent certes pour partie au niveau communautaire, mais lEtat dispose en propre de plusieurs leviers. Les politiques dincitation et daccompagnement restent pertinentes, mais elles doivent tre simplifies et leur attractivit renforce. Elles ne sauraient suffire elles seules changer les pratiques agricoles : les redevances devraient tre plus en rapport avec le cot de la dpollution et lEtat pourrait durcir l'encadrement rglementaire des pratiques agricoles, renforcer le contrle de son effectivit et en sanctionner davantage la mconnaissance. Lhistoire rcente montre quen matire de lutte contre la pollution de leau, lchec nest pas une fatalit : lacclration de lassainissement, pour tardif quil ait t, ou les rsultats enregistrs dans la matrise des pollutions industrielles sont cet gard porteurs despoir. Ils montrent que la conjonction de mesures rglementaires, financires et fiscales ambitieuses, impulses et fortement soutenues par lEtat, peuvent tre efficaces. La prparation des 10mes programmes dintervention des agences, qui doit commencer en 2010, offrira lopportunit de concrtement traduire ces ambitions.

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RPONSE DU MINISTRE DTAT, MINISTRE DE LCOLOGIE, DE LNERGIE, DU DVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER EN CHARGE DES TECHNOLOGIES VERTES ET DES NGOCIATIONS SUR LE CLIMAT Linsertion de la Cour des comptes sur Les instruments de la gestion durable de leau appelle de notre part les observations suivantes. En premier lieu, jobserve que, dans l'ensemble, ni lanalyse de la Cour ni ses recommandations ne remettent pas en cause ni le modle franais de gestion de l'eau, modle qui a servi de rfrence pour la directive cadre sur l'eau et inspir de trs nombreux pays, ni ses instruments qui ont t profondment rnovs au cours des trois dernires annes. A cet gard, je souhaite souligner et reconnatre aux comits de bassin et aux agences de leau davoir su voluer en permanence, depuis leur cration par la loi de 1964, au fur et mesure des nouvelles missions qui leur ont t assignes et de la monte de la sensibilit environnementale de nos concitoyens. Nous sommes cependant parvenus dans une phase o une rupture simposait par rapport aux ambitions et aux pratiques du pass. Cette rupture, elle est dabord intervenue avec le vote de la loi sur leau et les milieux aquatiques du 30 dcembre 2006, qui a profondment remani le systme de financement de la politique de leau et sa gouvernance, concomitamment la prparation des 9mes programmes qui se sont inscrits dans la mise en uvre de la directive cadre sur leau. Elle sest amplifie avec le vote par le Parlement, une quasi unanimit, de la loi du 3 aot 2009 de programmation relative la mise en uvre du Grenelle de l'environnement. Cette loi, complte par les lois de finances et le projet de loi portant engagement national pour lenvironnement, apporte des ambitions essentielles en matire de gestion de leau, de faon tendre vers lobjectif trs ambitieux de deux tiers de bon tat cologique des masses deau superficielles lhorizon 2015 : matrise des pollutions de toutes origines, en particulier toxiques et diffuses, restauration de la continuit cologique des cours deau, protection des captages menacs et des zones humides remarquables, lutte contre le gaspillage de la ressource en eau... Dans ce processus, je veux saluer laction remarquable des prsidents des comits de bassin et de lensemble de leurs membres qui ont su se mobiliser, pendant cinq ans, pour faire aboutir les 12 schmas directeurs damnagement et de gestion des eaux (les SDAGE).

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Leur adoption rcente, de trs larges majorits, dmontre que les cinq annes de concertation nont pas t vaines. Le fait que ces votes naient que rarement t obtenus lunanimit montre que certains sujets dopposition restent prgnants et que les larges compromis qui ont t trouvs nont pas galvaud les ambitions de la politique de leau. Les SDAGE ont t publis au Journal Officiel de la Rpublique fin dcembre, dans les dlais prescris par la Directive-Cadre sur leau. Ceci est un rsultat remarquable qui place la France dans le peloton de tte des Etats-membres dans la mise en uvre de la directive. Et ce rsultat me parat tout aussi important souligner que les retards que nous avons eu, parfois, dans le pass, pour mettre en uvre certaines directives sectorielles. Dans cette dmarche, dont la dernire partie sest droule en plein processus Grenelle, je veux aussi saluer la ractivit des instances de bassin. Ainsi, lautomne 2008, les comits de bassin ont adopt des additifs aux projets de SDAGE anticipant de plus de neuf mois le vote de la loi Grenelle 1. Par ailleurs, les douze prsidents des comits de bassin (mtropole et outre-mer) ont runi, le 16 juin 2009, La Baule, lensemble de leurs assembles, de manire prparer une proposition commune dans le cadre du Grenelle de la mer. Jai sign pour ma part ds le mois de juin 2009 avec les prsidents des conseils dadministration des agences des avenants Grenelle leurs contrats dobjectifs, intgrant les objectifs fixs par la loi du 3 aot. Ces initiatives et cette capacit permanente dadaptation sont le signe dune formidable vitalit des instances de bassin et finalement la meilleure garantie sur leur capacit tirer les consquences des checs du pass et poursuivre le mouvement de transformation et de progrs qui nous permettra dtre au rendez-vous des objectifs fixs pour 2015. *** Nous sommes dsormais soumis des obligations de rsultats (et plus seulement de moyens) dans un calendrier contraint. Dans ce contexte, il est bien vident que les agences de leau doivent continuer voluer pour rendre leur action plus efficace et apte rpondre aux nouveaux dfis de la politique de leau. Une premire tape de cette transformation a t franchie lors de ladoption des 9mes programmes des agences de leau (2007-2012) qui sont nettement plus slectifs que les prcdents vis vis de lintrt environnemental des projets.

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Sans attendre la prparation des 10mes programmes, jai souhait quune nouvelle inflexion soit donne mi-parcours des 9mes programmes. Dans ce but, jai rencontr ds janvier 2009 lensemble des prsidents des comits de bassin et des prsidents des conseils dadministration des agences. Je leur ai adress en juin 2009 un courrier prcisant de faon dtaille les lments nouveaux que je souhaitais insuffler dans les 9mes programmes ; notamment la ncessit, pour les agences de leau, de faire davantage appel la conditionnalit des aides, la recherche dun meilleur cot efficacit dans le choix des actions, de contribuer la fdration des diffrents acteurs de leau pour parvenir constituer les matres douvrage qui nous font dfaut, de faire appel la matrise douvrage directe de lagence pour mener bien certaines oprations particulirement emblmatiques lorsque les conditions limposent. Nen doutons pas, les agences de leau sont en pleine mutation et les services dconcentrs de lEtat galement. Comme le rapport le souligne, la coordination et mme la synergie entre les services sont indispensables la russite de notre politique. Cest dans cet esprit que jai adress en mars 2009 des instructions prcises aux prfets, communment appele feuille de route des services , qui clarifie les rles des uns et des autres sur des priorits communes et insiste une nouvelle fois sur la complmentarit de laction administrative et rpressive de lEtat avec laction financire confie aux agences. Cette coordination sera facilite par la rforme des services dconcentrs. Celle-ci porte autant sur la simplification du nombre de services que sur laffirmation du rle de pilotage de lchelon rgional vis vis du rle dpartemental, conformment aux circulaires du Premier ministre des 7 juillet et 31 dcembre 2008. La constitution des DREAL est dj effective dans la plupart des rgions, celle des DDT (ou des DDTM) est intervenue dbut 2010. Lentre en vigueur des programmes de mesures, qui instaure une vritable politique de leau a lchelle du bassin, permettra quant elle de renforcer le rle particulier des prfets coordonnateurs de bassin dont je veux aussi saluer laction efficace mene tout au long du processus dlaboration des SDAGE. Enfin, la question de la clarification des rles en matire de collecte, de bancarisation et de valorisation des donnes a justifi la mise en uvre du schma national des donnes sur leau (SNDE) pour rationaliser lensemble du dispositif de production et dutilisation des donnes (dcret publi fin 2009). Sans entrer dans le dtail technique de ce schma, il convient de citer la mise en place effective doutils partags

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entre agences et services de lEtat qui permet dsormais chacun de disposer de la mme source dinformation. Grce aux nouvelles missions confies lONEMA par la loi de dcembre 2006, la construction du Systme dinformation sur leau (SIE) est acclre. Cet outil permettra de mieux rpondre nos obligations communautaires et de mieux valuer lefficacit de la politique de leau. *** La politique de leau comporte de nombreuses interfaces avec dautres politiques sectorielles. Il nest donc pas tonnant que certains sujets soient dlicats, parfois porteurs de controverses. Il en va ainsi de la directive eaux rsiduaires urbaines, pour laquelle la France a t condamne par la Cour europenne de Justice, comme 10 autres Etats-membres de lUnion qui connaissent galement des difficults pour mettre en uvre cette politique. En lanant la bataille de leau en octobre 2007, jai fait en sorte de rattraper le retard que notre pays avait accumul en matire de traitement des eaux uses pour achever lensemble des mises en conformit dici fin 2011. Il en va ainsi galement de la conciliation des intrts lis au dveloppement des nergies renouvelables et de ceux lis la protection des milieux aquatiques qui est un sujet de dbat dans tous les pays europens. La signature, que jespre prochaine, dune charte pour lhydrolectricit durable sera le fruit du dialogue que jai entam, il y a un an, avec les producteurs dnergie dune part, les associations de protection de lenvironnement et de pcheurs dautre part, dans lesprit de concertation qui a prvalu lors du Grenelle de lenvironnement. Lampleur du sujet, la difficult relle faire concider les enjeux lis au dveloppement des nergies renouvelables et la protection de nos rivires, et enfin des dcennies doppositions, justifiaient que nous prenions le temps, au niveau national, de renouer les fils du dialogue et de reconstruire un quilibre acceptable par toutes les parties prenantes. Lannonce par Madame Chantal Jouanno, le 13 novembre dernier, du plan de restauration de la continuit cologique des cours deau sinscrit dans cette logique. Ce plan, dj traduit dans les 9mes programmes rviss va nous permettre de dynamiser les actions de restauration cologique des cours deau, en lien avec les objectifs fixs par la directive cadre et ceux viss par la trame verte et bleue cre par la loi Grenelle I.

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Enfin, le sujet des pollutions agricoles diffuses est effectivement un sujet majeur, un facteur cl pour latteinte de nos ambitions : le changement de modle agricole pour une meilleure intgration de lenjeu environnemental nest effectivement pas encore acquis, mme si des avances significatives sont intervenues depuis 2007. Ainsi, le Grenelle de lenvironnement a permis de fixer des objectifs ambitieux lagriculture pour rduire sa contribution aux pollutions diffuses (rduction de 50 % de lusage des produits phytosanitaires, contribution la trame verte et bleue, gnralisation de la couverture des sols, dveloppement de lagriculture biologique...). Ces engagements, en cours de traduction oprationnelle dans le projet de loi portant engagement national pour lenvironnement (loi Grenelle II), permettront de raliser la transformation attendue, savoir rconcilier politique agricole et politique environnementale, jusquau niveau de l'exploitation o doit se dvelopper une stratgie commune conomique et cologique. Mais cette volont politique doit avant tout tre porte au plan europen. En effet, lessentiel de la politique agricole est base sur des rglements europens, laissant une marge dinterprtation trs limite aux Etats-membres. La situation franaise nest donc pas loigne de ce qui se passe dans les autres pays europens : partout, nos voisins rencontrent des difficults analogues pour mettre en place des mesures efficaces de lutte contre les pollutions agricoles aptes atteindre le bon tat des eaux requis par la directive cadre sur leau. Un nouveau pas a t franchi avec lintroduction de la conditionnalit dans la PAC de 2003 conditionnant le versement intgral des aides, y compris directes, au respect dexigences rglementaires lies notamment lenvironnement. Le bilan de sant de la PAC de 2009 a permis dintroduire des mesures supplmentaires favorables la lutte contre les pollutions diffuses : gnralisation des bandes vgtalises le long des cours deau sur laquelle la France tait prcurseur au niveau europen (leve au niveau lgislatif dans le cadre de la loi grenelle II), pourcentage croissant dinfrastructures agro-cologiques favorables la biodiversit, aides spcifiques aux protagineux et aux prairies. Lvolution de la PAC aprs 2013 peut et doit constituer un outil puissant pour dvelopper une agriculture durable commune. Cest ce que la France dfendra devant ses partenaires europens. ***

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Je note en conclusion que la Cour fonde son analyse et ses recommandations sur les contrles effectus sur lexercice de la police de leau et la gestion des six agences de leau pour la priode 2002-2006 et le tout dbut des 9mes programmes. Or, lessentiel de son propos tient en la capacit de la France atteindre des obligations dont la dfinition mise en uvre est prvue postrieurement cette priode (notamment le programme de mesures 2010-2015 pris au titre de la directive cadre sur leau et les objectifs fixs par la loi du 3 aot 2009 de programmation relative la mise en uvre du Grenelle de l'environnement). Dans cette projection tout fait utile, il convient de tenir compte de limmense mouvement de transformation engag depuis trois ans. Chacun a bien compris que les enjeux de la politique de leau se sont dplacs. Nous sommes dsormais proches dune avance majeure sur les problmes dassainissement classiques . Paralllement, de nouveaux enjeux mergent, que ce soient les impacts de lactivit humaine sur la morphologie des milieux ou de nouvelles formes de pollution qui taient jusque l, en quelque sorte, masques par les pollutions ponctuelles. En ce sens, je souhaite que le dbat sur les quilibres instaurer pour les 10mes programmes des agences de leau dmarrent ds 2010. Jai du reste demand au prsident du Comit national de leau, le dput Andr Flajolet, de se saisir de cette question. Jai galement lintention de poursuivre le renforcement de lONEMA ainsi que son positionnement linterface des grands enjeux nationaux et internationaux et des besoins oprationnels du terrain. La cration de cet tablissement et son dveloppement sont en effet centraux dans notre stratgie pour amliorer lefficacit de la politique de leau en complment de laction des organismes de bassin. Il nous permet dores et dj de donner le fameux coup dacclrateur sur des sujets que le Grenelle de lenvironnement a mis en lumire (Trame bleue, continuit cologique, mdicaments). Il va nous permettre de structurer enfin la recherche franaise dans le domaine de leau et de nouer des partenariats avec dautres Etats de lUnion. Grce leffort considrable consenti sur le champ de la connaissance et des mthodes, il nous permettra de disposer des outils de pilotage et dvaluation qui sont ncessaires pour relever les dfis fixs par la directive cadre et le Grenelle de lenvironnement. En complment de ces rflexions gnrales, vous voudrez bien trouver, en annexe, quelques observations ponctuelles sur la nouvelle version du rapport dans lequel certaines ambiguts ou inexactitudes me semblent persister.

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Annexe : Remarques particulires sur le rapport * Selon la Cour (point II A Une action rpressive insuffisante et mal suivie) : Ces dysfonctionnement ayant t ports la connaissance de la secrtaire dEtat lEcologie, celle-ci a indiqu quune circulaire interministrielle serait adresse aux prfets et aux procureurs gnraux pour rappeler limportance de la politique de contrle et de sanction des infractions. . Il convient dabord de noter que la Cour fonde lessentiel de ses observations sur des donnes publies par le MEEDM lui-mme en mars 2009 dans le cadre du rapport dactivit annuel sur la police de leau (disponible sur son site Internet). Le terme alerte est donc inappropri. De plus, la Cour ne rend compte que trs partiellement des rponses apportes dans le courrier de Madame Jouanno, secrtaire dEtat lcologie, le 1er octobre 2009. Dans ce courrier, taient cites notamment la circulaire du 14 mai 2007 du Ministre de lcologie, de lnergie, du dveloppement durable et de la mer ainsi que la dpche du Ministre de la justice et des liberts en date du 22 aot 2007, illustrant la volont de lEtat doptimiser lexercice de la police de leau. Il tait effectivement annonc une prochaine circulaire interministrielle, lattention des prfets et des procureurs gnraux, visant rappeler limportance de la politique de contrle et de sanction des infractions afin de tenir nos engagements communautaires dans le domaine de leau. Par ailleurs tait annonc le dveloppement dun outil informatique dassistance la rdaction des procs-verbaux de police de leau autorisant un suivi uniformis de ceux-ci quel que soit le service rdacteur. * Selon la Cour (point II B Une coordination insuffisante entres des acteurs disperss) Il nexiste pas de politique de leau cohrente a lchelle du bassin, en ce qui concerne linstrument rglementaire. Comme il tait dj dit dans le courrier du 14 dcembre 2009, ce commentaire mriterait dtre nuanc pour deux raisons : - la premire est que certains bassins ont au contraire, et ce depuis longtemps, mis en place de vritables instruments de pilotage de la politique de leau. Des notes de doctrine ont ainsi fait lobjet de validation par la confrence administrative de bassin. - de plus, le lien entre la programmation au niveau du bassin et l'exercice de la police de l'eau au niveau dpartemental est dsormais totalement encadr par la mise en uvre des programmes de mesures. La mobilisation des diffrents outils rglementaires est organise en fonction des objectifs fixs par les SDAGE dans chaque sous-bassin.

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* Selon la Cour (point II B Une coordination insuffisante entres des acteurs disperss) : Les agences ne sont pas formellement membres de 40 MISE et le ministre ne dispose pas de donnes plus prcises sur leur participation effective . Cette formulation est ambigu et ne reprend pas les lments dexplication fournis dans le courrier du 14 dcembre. Il convient donc de prciser que le chiffre de 40 % reflte le nombre de dpartements o lagence nest pas formellement membre de la MISE (un bon nombre darrts prfectoraux nayant pas t ractualiss depuis 2004) et non pas le nombre de cas o lagence nassiste pas aux runions. Conformment aux instructions donnes depuis trois ans aux MISE et aux agences, la participation des agences aux MISE est dsormais effective dans la quasi totalit des dpartements. De mme, les MISE sont membres part entire des secrtariats techniques locaux qui ont t cres dans les grands bassins pour mettre en uvre les SDAGE et les programmes de mesure. Au demeurant, le dernier rapport de la Cour sur lagence RhinMeuse mentionnait le fait que d'une manire gnrale, les interventions de l'agence sont conduites en cohrence avec l'action rglementaire , constat qui semble contredire le caractre systmatique du prsent commentaire. * Selon la Cour (point III A 1 Les interventions) : Or la Cour a relev des cas dabsence de suivi de certains documents de programmation (le programme territorial Seine Aval ou le contrat de performance 2003-2006 en Seine-Normandie nont fait lobjet daucun bilan final) Comme il tait dj dit dans le courrier du 14 dcembre 2009, ce commentaire est erron : les programmes territoriaux d'actions prioritaires de Seine-Normandie font l'objet d'un compte rendu devant les commissions territoriales. * Selon la Cour (point III A 2 Les redevances): pendant les 8mes programmes, les agences nont pas suffisamment exploit les possibilits dincitation offertes par les textes, comme la diffrenciation des taux en fonction de la sensibilit des zones ou du caractre plus ou moins prioritaire des paramtres de pollution taxs Les agences expliquent cet attentisme par les incertitudes qui affectaient alors ladoption de la LEMA . La Cour ne reprend quune partie des lments explicatifs contenus dans la lettre du 14 dcembre, ce qui rend le propos peu comprhensible. Il convient donc de rappeler que les textes qui

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sappliquaient alors taient ceux issus de la loi de 1964 et que les 8mes programmes (2002-2006) se sont drouls en pleine discussion sur la politique de leau qui a maill les annes 1998-2006. Le contexte de vif dbat qui a entour notamment la rforme des redevances, mais galement lincertitude forte qui a rgn sur la sortie effective de la loi ntait effectivement pas propice une remise plat des conditions de mise en uvre des instruments issus de la loi de 1964. In fine, cette remise plat a t faite pour les 9mes programmes, dans le sens indiqu par la Cour, ds lors que les dispositions du projet de LEMA taient stabiliss. La Cour reconnat dailleurs cette volution puisquelle indique, par exemple dans le rapport quelle a tabli sur lagence RhinMeuse : le 9me programme a introduit le principe de modulation territoriale conjointe des redevances et des aides, tandis que les outils de slectivit ont volu, avec des plafonnements plus importants sur les oprations non prioritaires les taux des redevances de pollution connaissent un rquilibrage au 9me programme Cette revalorisation, qui concrtise les priorits DCE dans le sens du principe pollueurpayeur, est par consquent une volution favorable . * Selon la Cour (point III A 2 Les redevances) : ainsi en RhneMditerrane-Corse, les nouvelles redevances ont t dtermines en application de principes dit dco fiscalit constante et dquilibre entre catgories de contributeurs, qui limitent les effets redistributifs de la rforme entre catgorie de redevables (industrie, collectivit, agriculture) Comme il tait dj dit dans le courrier du 14 dcembre 2009, la rforme voulue par la LEMA navait pas pour effet ni pour objectif daugmenter le produit des redevances mis disposition des agences. Le fait que les administrateurs de lagence aient souhait travailler sur un maintien global de la pression fiscale (hors nouvelles redevances issues de la LEMA294) nest pas en soit un principe condamnable. Il ne le deviendrait que si lagence, cause de cette contrainte, ntait pas t en mesure de financer les projets prioritaires (ERU, DCE) qui se prsentaient elle, ce qui nest pas le cas. Au contraire, cette contrainte a t mise profit pour accentuer la slectivit du programme en faveur des projets les plus utiles dun point de vue environnemental, ce qui correspond trs prcisment au vu exprim par la Cour dans son rapport.

294) La mise en place de ces nouvelles redevances se traduit en ralit par une hausse de 11 % du montant global des redevances en 2012/2007.

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* Selon la Cour (point III B 1 La pression tardive et mal ajuste de lEtat) : Ainsi, la solidarit de bassin se rduit-elle de plus en plus une solidarit de secteur . Cette affirmation nest taye par aucun lment. Elle parat au contraire infirme par les volutions des aides apportes aux problmatiques nouvelles dans les 9mes programmes (restauration des milieux aquatiques) sans rapport avec les montants des redevances qui se rattachent ces thmatiques. * Selon la Cour : (point III B 1 La pression tardive et mal ajuste de lEtat) : LEtat envoie enfin des signaux contradictoires aux agences : aprs leur avoir recommand de renoncer consentir des avances remboursables, il les incite dsormais (dans un contexte certes diffrent) en octroyer aux collectivits engages dans la mise en conformit DERU, pour consommer une enveloppe de 1,2 Md obtenue de la Caisse des dpts . Comme il tait dj dit dans le courrier du 14 dcembre 2009, ce commentaire parat pour le moins inadquat car il compare une orientation gnrale, donne en 2006 dans un contexte de recherche dune meilleure utilisation des recettes issues des redevances, avec un dispositif particulier cibl sur lacclration de la mise en conformit la directive eaux rsiduaires urbaines , dans le contexte de menace de condamnation de la France. Le choix des diffrentes formes daide relve moins de stratgies politiques que dune analyse fine du contexte et de la recherche defficacit. Cette volution tmoigne donc de la ractivit de lEtat et des agences faire face des situations nouvelles. * Selon la Cour : (point III B 3 - Une dmocratie de leau la recherche dun quilibre entre dialogue et efficacit) : Le rle de catalyseur du comit de bassin na pas suffisamment jou, par exemple, pour le projet de barrage de Charlas . Comme il tait dj dit dans le courrier du 14 dcembre 2009, cet exemple est assez malencontreux puisque le Comit de bassin AdourGaronne a dlibr favorablement sur le projet de Charlas ds 1996 et confirm son engagement en 2008. Le retard pris par ce dossier est en vrit li la complexit des procdures de dclaration dutilit publique et la difficult de boucler son financement.

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La Cour aurait pu tout aussi bien sappuyer sur dautres illustrations, desquelles elle aurait pu tirer des conclusions diffrentes : Par exemple le cas de la Slune, rivire du bassin SeineNormandie, pour laquelle la CLE a vot l'arasement de deux barrages hydrolectriques quil ntait pas possible damnager pour restaurer la continuit piscicole. Par exemple la question des passes poissons sur le Rhin o un quilibre entre hydrolectricit et continuit cologique a pu tre trouv dans un contexte pourtant difficile de discussions transfrontalires ; Ou encore celle des chlorures dans la Moselle, sujet minemment complexe de conciliation entre enjeux territoriaux, conomiques, cologiques et transfrontaliers, pour lequel cest probablement le cadre mme du Comit de bassin qui a seul permis de sortir dun contexte de contentieux juridique. Dune faon gnrale, les larges majorits qui ont approuv les SDAGE lautomne 2009 montrent que des compromis ont t possibles sur de trs nombreuses dispositions, sans que les lments de dbat naient t luds. De plus, il conviendrait de replacer laction des comits de bassin, chelons intermdiaires de la politique de leau, au regard de celle des commissions locales de leau (CLE), responsables de llaboration des SAGE, qui il revient de faire merger les compromis rellement locaux . RPONSE DU MINISTRE DTAT, GARDE DES SCEAUX, MINISTRE DE LA JUSTICE ET DES LIBERTS Le rapport public annuel de la Cour des comptes voque La gestion durable de leau et ses outils en soulignant notamment une action rpressive insuffisante et mal suivie ainsi quune coordination insuffisante entre des acteurs disperss. Le ministre de la justice et des liberts tient affirmer que la protection de lenvironnement constitue un enjeu social et contemporain majeur qui se judiciarise comme la illustr ladoption le 19 novembre 2008 de la directive 2008/99/CE du Parlement Europen et du Conseil relative la protection de lenvironnement par le droit pnal. En matire de rpression des atteintes lenvironnement et notamment de pollution des eaux, les instructions gnrales de politique pnale exprimes par le ministre de la justice et des liberts dans la circulaire du 1er novembre 2009 rappellent les orientations fixes par la circulaire du Garde des Sceaux du 23 mai 2005 savoir la ncessit pour

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les parquets dentreprendre des poursuites pnales adaptes et proportionnes aux atteintes perptres lenvironnement et aux dommages qui en rsultent. La dpche du ministre de la justice et des liberts du 22 aot 2007 rappelle les axes de mise en uvre de la police de leau tels quexprims par la circulaire du 14 mai 2007 du ministre de lcologie, de lnergie, du dveloppement durable et de la mer et prconise en outre lorganisation de runion priodiques entre les parquets et les services concerns afin notamment dexaminer la bonne mise en uvre de la transaction pnale, mais galement la tenue de runions annuelles avec les parquets gnraux afin de prsenter le bilan de lactivit des services de leau et den accrotre lefficacit. Dans le mme sens, concernant la teneur en nitrates des eaux brutes de certains bassins versants en Bretagne, le protocole sign le 13 mars 2009 entre le prfet de la rgion Bretagne et le parquet gnral prs la Cour dappel de Rennes, prvoit, outre la mise en uvre dune rponse pnale gradue, des runions semestrielles pour assurer le suivi du traitement des procs-verbaux transmis aux parquets dans le cadre de ce contentieux. Se rfrant ces informations prcises sur les rponses judiciaires efficaces entreprises dans ce domaine, le ministre de la justice et des liberts continue, avec ses partenaires des autres dpartements ministriels, renseigner prcisment et rgulirement la commission europenne sur celui-ci. Par ailleurs, le ministre de la justice et des liberts a engag, en liaison avec le ministre de lcologie, de lnergie, du dveloppement durable et de la mer, le dveloppement dun outil informatique dassistance la rdaction des procs-verbaux de police de leau autorisant en outre un suivi uniformis de ceux-ci quel que soit le service rdacteur. Cet instrument permettra, par la mise en place dune numrotation commune des procdures, den connatre les suites, quil sagisse de poursuites devant le tribunal ou de mesures alternatives (paiement dune amende forfaitaire, mise en uvre dune transaction pnale ). Par ailleurs, les classements sans suites seront rendus totalement rsiduels par loptimisation de la qualit des procdures soumises lapprciation de lautorit judiciaire. La mise en place de ce projet saccompagnera dinstructions qui fixeront des objectifs quantitatifs aux services chargs du contrle, sur les thmes prioritaires (nitrates, assainissement, prservation des milieux aquatiques les plus fragiles, respect des restrictions dusage en priode de crise), et proposeront les modalits des suites donner par type

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dinfraction constate. Lobjectif est de tendre vers une suite systmatique tout constat dune infraction, que cette suite soit administrative ou judiciaire. Ainsi, la tendance croissante observe par le casier judiciaire national en matire dinfractions ayant donn lieu condamnation concernant les dversements de substances nuisibles dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer (infraction prvue et rprime par larticle L. 216-6 du code de lenvironnement) va samplifier. Enfin, le projet de loi portant engagement national pour lenvironnement relatif la mise en uvre du Grenelle de lenvironnement prvoit dans son article 102 dautoriser le gouvernement lgifrer par ordonnance afin de simplifier et dharmoniser le dispositif existant en matire de police de lenvironnement (il existe actuellement 25 polices spciales de lenvironnement, mobilisant plus de 70 corps techniques ou services de lEtat). Cette perspective vise encore poser les bases ncessaires un pilotage efficace des actions de contrle en matire de police de leau et satisfaire ainsi les exigences communautaires dans ce domaine. RPONSE DU MINISTRE DE LINTRIEUR, DE LOUTRE-MER ET DES COLLECTIVITS TERRITORIALES Linsertion de la Cour des comptes sur Les instruments de la gestion durable de leau contient un constat qui semble largement partag par les acteurs de cette politique. La Cour met en vidence que les rsultats obtenus ce jour sont en de des ambitions, notamment les obligations attaches lapplication des directives communautaires avec en premier lieu la directive-cadre sur leau (DCE) du 23 octobre 2000 imposant aux Etats membres un bon tat des eaux ds 2015. En premier lieu, le constat formul par la Cour ninvalide pas les principes et les valeurs sur lesquelles repose la politique de leau, comme la dcentralisation et la mutualisation . Si les instruments de la politique de leau ne sont pas remis fondamentalement en cause, sous rserve dajustements rendus ncessaires, lamlioration de lefficacit des acteurs, avec au premier chef les agences de leau, est pointe.

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Cela passe pour la Cour par une responsabilisation accrue des agences, la dfinition plus fine dobjectifs, une valuation relle des actions et des subventions conditionnes par lobtention de rsultats environnementaux. Linsertion met en vidence le retard pris par la France, comme par dautres Etats membres, dans le respect de la directive eaux rsiduaires urbaines (ERU) qui faisait obligation aux Etats membres de traiter les eaux uses des agglomrations. La France vient dtre renvoye par la Commission europenne devant la Cour de justice des communauts europennes (CJCE) pour nonconformit avec la directive ERU, selon un communiqu de lexcutif europen du 20 novembre 2009. La Cour prcise que les choix oprs par les collectivits nont pas t vritablement encadrs par lEtat qui porte ainsi une responsabilit dans le retard pris par la France dans la mise en uvre de la directive, les services dconcentrs de lEtat ne faisant pas usage ou tardivement des pouvoirs de police dont ils disposaient. Lattentisme des agences et la coordination insuffisante entre les services de lEtat figurent sans nul doute parmi les raisons des retards constats. Il faut toutefois noter que le plan gouvernemental daction lanc en 2007 a pris en compte la situation et que celui-ci a t assorti de prescriptions trs strictes : mise en demeure des collectivits non conformes, obligation de contractualiser avec les agences de leau, ncessit de prvoir un calendrier ainsi quun plan de financement prcis, consignation des fonds ncessaires auprs des collectivits locales qui ne satisfont pas leurs obligations. Sa mise en uvre sous la responsabilit du ministre dEtat, ministre de lcologie, de lnergie, du dveloppement durable et de la mer, avance ce jour rapidement, la France stant ainsi engage auprs de la Commission europenne mettre aux normes lensemble des stations dpuration des agglomrations non conformes dici 2011, en fonction des dlais techniquement ralisables. La Cour indique enfin que la politique de leau est soumise, en vertu des directives europennes, des obligations de rsultats, assorties de sanctions pcuniaires qui ne psent que sur lEtat. Le Gouvernement avai


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