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UniversitdeLigeFacultdephilosophieetlettres
LapriorifonctionneltudedelinfluencedeWittgensteinsurlapensedeMichelBitbol
Mmoireprsentpar
DenisPieret
envuedelobtentiondugradede
licencienphilosophie
Anneacadmique20052006
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Je tiens remercier particulirement MadameLaurence
Bouquiaux, promotrice de ce mmoire, pour sa
disponibilit et ses lectures attentives et pour la libert
quelle a accorde llaboration de la question de ce
travail. JeremerciegalementMonsieurBrunoLeclercq
pourletempsquilabienvouluconsacrerrpondre
mes questions, pour ses indications bibliographiques et
pour sa gnreuse autorisation consulter et citer ses
ouvragesencoursdeparution.Jetiensaussiexprimer
magratitudeenversMonsieurJeanRenaudSebapourses
encouragementsetpourlintrt quilatmoign mes
questionnements.
Enfin, je dsire faire part au lecteur de ma profonde
reconnaissance tous ceux, compagne, amis et parents,
quiont,dunemanireouduneautre,deprsoudeloin,
rendu possible laccomplissement jusqu leur termede
cestudestardives.
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Cequenousallonsdireserafacile,
maissavoirpourquoinousledisonsseratrsdifficile.
LudwigWittgenstein
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INTRODUCTION
Jesuisndansunenvironnementjenesaispasdo jesuisvenuniojevaisniquijesuis.Cestmasituation comme la vtre, chacun dentre vous. Le fait que chaquehommeatoujourstdanscettemmesituation etsytrouveratoujoursnemapprendrien.Toutceque nous pouvons observer nousmmes propos de la brlante question relative notre origine et notre destination, cest lenvironnement prsent. Cest pourquoinoussommesavidesdetrouversonsujettout cequenouspouvons.Voilenquoiconsistelascience, lesavoir, laconnaissance,voil quelleestlavritable sourcedetouteffortspiritueldelhomme.
ErwinSchrdinger, Physiquequantiqueet reprsentationdumonde
Laconnaissancespcialise,isoledesautresdomainesdusavoir,naaucunevaleur
enellemme,dit Schrdinger.Seulelasynthsedetouteslessciencesenaune,cellede
contribuerrpondrelaquestion: ;(quisommesnous?).1Lavaleurdes
sciences ne se mesure pas pour Schrdinger aux consquences pratiques et techniques
quelles engendrent, chacune en leur domaine, mais laction transformatrice que leurs
dveloppements exercent surnotreconceptiondelasituationhumaine. Touteladifficult
rsidedansle point devueadopt pour raliser cette synthsede toutes lessciences.
Dunepart,ilsagiradvitertouteformederalismenafquiprendunpointdevuedivinsur
lemonde,pointdevueoffertexemplairementparlaphysiqueclassique.Dautrepart,lonne
pourrasecontenterduninstrumentalismequisesatisfait demesurerlesthoriesparleur
efficacit.Etentrecesdeuxcueils,ilfaudraveillernepassendormirdansuneformede
relativismequi aurait pour slogan : Un langage, un monde, et qui essaie encore et
toujoursdedire,endpitdelemballage,quedunpointdevuedivinilnyapasdepointde
vuedivin.2DansuneconceptionainsiinspiredePutnam,latcheduphilosophepourrait
1 ErwinSchrdinger, Physiquequantiqueetreprsentationdumonde, trad.J.Ladrire, F.deJouvenel,A.BitbolHesprisetM.Bitbol,Seuil,1992,p.25.
2 HilaryPutnam,LeRalismevisagehumain(1990),trad.C.Tiercelin,Seuil,1994,p.139.
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tre darticulertouteslesperspectivessurlemondeenuneseule,sanspourcelaprtendre
adopterunpointdevuedivin,toutenreconnaissantquecetteuniqueperspectiveestinscrite
dansunepoqueetquellenepeutprtendreformulerdessolutionstouslesproblmes.3
La philosophie nest pas un sujet qui aboutit des solutions dfinitives, et ce qui est
caractristiquedutravailquandilestbienfait,cestdedcouvrirquelatoutedernirethse
quonensoitounonlauteurnedissipetoujourspaslemystre.4Unetellephilosophie
nest pas trangre celle que pratique Michel Bitbol, lorsquil sinterroge sur les
consquencesphilosophiquesdelaphysiquecontemporaine.
Ona souvent dit que la physique contemporaine sonnait le glas du kantisme. La
thorie de la relativit obligea, par exemple, reconsidrer nos conceptions proposde
lespaceetdutemps,tandisquelamcaniquequantiqueamenarevoirlanotiondecausalit.
Pourtant,lesdveloppementsdelaphysiqueauXXesicleoffrentMichelBitbolloccasion
de renouveler le geste kantien. La physique quantique ne permet plus de se tenir
confortablementdansunepositionprcritiquequiignoreraitleproblmedelaconstitution
dobjectivit etquijugeraitquelasciencedoitidentifierleslmentsduneontologieet
dcrirelemondetelquilest.Enmettantenquestion,parexemple,leconceptclassiquede
corps matrielsupport de proprits, elle heurte la conception de la ralit quavait pu
construire avec succs la physique classique, conception qui dailleurs prolongeait
lexprience quotidienne. Cette ide dunsavoir extrieur, reprsentant uneralit fixeet
dtermine,nestplustenable.Cestdelintrieurdelathoriephysiquequedepuislafindu
XIXe sicle,lacontradictionsimpose,relanantainsiledbatentreempiristesetralistes.
Cette controverse peut, selon Michel Bitbol, tre dpasse par une position de type
transcendantal qui prendrait en compte les procdures dobjectivation dune thorie. Il
qualifiegalementcettepositiondagnostiqueparcequellerefusededonnerunerponsela
questiondesavoirsilesentitsemployesdanslecadredunethorieexistentousiellesne
sontquedesoutilspermettantderendrecomptedesphnomnes.
Laphysiquequantiqueposedunemanirenouvellelaquestiondudterminismeou
3 Cf. Hilary Putnam, Dfinitions, pourquoi ne peuton pas naturaliser la raison (1983), traduction,prsentationetentretienparCh.Bouchindhomme,Combas,d.delclat,1992,p.53.
4 HilaryPutnam,Reprsentationetralit(1988),trad.C.EngelTiercelin,Gallimard,1990,p.15.
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delacausalit,maisilnefautpasattendredecettethoriequellenousfournisseunerponse
quinouspermettraitdequalifierdfinitivementlanature.Ilfaudraitpluttconsidrerquelle
nous oblige voir ce que sont les principes rgulateurs de la recherche scientifique5.
Cependant, linvitationdeBitbolreproduirelegestekantiennestaujourdhuiacceptable
quesilontientcomptedecequelathoriequantiquerfutedanslesconclusionsdeKantet
si lon renonce ainsi lide selon laquelle Kant aurait dgag une fois pour toutes les
conditionsdepossibilitdelexpriencelesplusgnrales.MichelBitbolentendtransformer
la philosophie transcendantale en une philosophie pragmaticotranscendantale et, afin
dinscrirecellecidanslhistoiredelaphilosophie,ilinvoqueWittgensteinetcertainsdeses
outils conceptuels. Il sagira pour nous dexaminer la pertinence et les limites de cette
associationquiviseoffriruncadrephilosophiqueapplicablelamcaniquequantique.
LeprojetdecemmoireestnlasuitedelalecturedeMichelBitbolquijustifie
linflexiondonnelaphilosophiekantiennepardenombreusescitationsdeWittgenstein.Le
principalapportwittgensteinienestlapriseencomptedelapratiquecollectivedanslaquelle
sinscrittouteconnaissanceet,ende,toutlangage.CelapermetBitboldeproposer un
renouvellement de la dmarche kantienne qui mobiliserait la priori et substituerait aux
catgorieskantiennesunapriorifonctionnel,cestdireunensembledeprsuppositions
fondamentales associ au mode dactivit pratiqu6, et de justifier une dduction
transcendantaledelamcaniquequantiqueluipermettantdedgageruneconceptiondela
sciencequichappeauralismenafsansseperdredansuninstrumentalismestrile7.Notre
curiositfutaussiveilleparlesemploisparfoisallusifsderemarqueswittgensteiniennespar
Bitbol. Lon sait la difficult quil y a citer Wittgenstein. Ses remarques sont parfois
sibyllines et elles peuvent sembler secontredire. Laparticularit desoncriture et desa
mthodephilosophique,quiprendsouventlaformedundialoguefictifquiviseexplicitement
nepasformulerdeconclusions,renddifficilelasynthseetlinsertiondesontravaildansle
cadredelhistoiredelaphilosophie;ellerendaussidangereuseladcontextualisationdeses
5 Cf.MichelBitbol,EnquoiconsistelaRvolutionQuantique?,inRevueInternationaledeSystmique,11,pp.215239,1997.Consultableenlignesurhttp://perso.orange.fr/michel.bitbol/revolquant.html,p.11.
6 Michel Bitbol, Laveuglante proximit du rel, antiralisme et quasiralisme en physique, Paris,Flammarion,1998,p.149.
7 Pourlediretrsvite, il sagit defaire, pourlamcaniquequantique,cequeKantluimmeafait pourNewtonoucequeCassirerafaitpourlathoriedelarelativit.
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http://perso.orange.fr/michel.bitbol/revolquant.html
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propos. Une consquence vidente de cette difficult est la diversit, et parfois
lincompatibilit,desinterprtationsquelonapuliresonsujet.Cettediversitestpourtant
unechanceinestimable:ellenousforcesortirdelassurancequoffrelefaitdesesituer
derrirelecommentaireorthodoxe,puisquilsembleneplusensubsisteraujourdhui.Ilfaut,
dune certaine manire, faire son propre commentaire. On pourra stonner, en cours de
lecture,delaprofusiondecitationsdeWittgensteinetpenserquilnyafinalementlgure
decommentaire. MaisavecWittgenstein, ilest probablequelesimplefait derecenseret
dorganiserdesextraitsdetextessoitdj, ensoi,uncommentaire.Ilfautparconsquent
aussireconnatre lerisqueinhrent cetypedetravail :celuidetravestir unepenseen
manipulantlescitations.LcrituredeWittgensteinneseprtepasaursumetsonobjectif
philosophiquentaitcertainementpasltablissementdunedoctrine.
Letextesorganiseraautourdelapensewittgensteinienneet,plusparticulirement,
decequellepeutapporteruneapprochenotranscendantalecommecellequetentede
dvelopper Michel Bitbol. Mais il faudra prendre bien des dtours. Le premier chapitre
exposeralesproblmespossparlamcaniquequantiqueauregardduparadigmeclassiqueet
inaugurera la question de la possibilit dune philosophie transcendantale adapte la
physique contemporaine. Le deuxime chapitre est une propdeutique la lecture de
Wittgenstein. Il traitera de lvolution de la notion de proposition analytique de Kant
Carnap.Sonutilitestdesefamiliariseraveccequiestlasourcedelatraditionanalytique
en philosophie dans laquelle les discussions de Wittgenstein sinscrivent. Le troisime
chapitreaborderadabordleTractatuslogicophilosophicuspuismontreracommentlapense
de Wittgenstein se transforme au cours de son questionnement. Le quatrime chapitre
valueralapertinencequilyatenterdesrapprochementsentreKantetWittgenstein.Cest
sansdoutelechapitrelepluspolmique:lesliensentrelesdeuxauteurssontdifficiles
tablir avec assurance. L encore, les carts de Wittgenstein par rapport la tradition
philosophiquesontdroutantsetlamargedinterprtationquilslaissentaucommentateurest
beaucouppluslargequeletexte. Aupointquelonenviendrasedemandersilestbien
raisonnabledentreprendreunteltravail.Maislhypothsedfendreestcellecietseratenue
jusquaucinquimeet dernier chapitre : si lairde famille entre lespenseskantienneet
wittgensteinienne est trop vague pour faire concider les chemins quils empruntent
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respectivement,lalecturedelunoffreunclairagenouveausurlautre.Lclairagemutuel
desdeuxpenseursrendpossibleunepensepropre,richededeuxtraditionsdiffrentes,mais
quinenestpasunplatsyncrtisme.Cestcequelontenteraalorsdemontrerenpoursuivant
lalecturedeWittgensteinetenrevenantlaquestionposedanslepremierchapitre:cellede
laphilosophiepragmaticotranscendantaleproposeparMichelBitbol.
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CHAPITREIUNERVOLUTIONINTERROMPUE
Cest un lieu commun : la mcanique quantique est paradoxale. Cemlange de
mystiqueincomprhensibleetderalitempiriqueindiscutable1apparatcommeunethorie
fcondedont le champdapplication est tendumais dont la comprhensionreste encore
insuffisante aux yeux de nombreux physiciens. Depuis ses dbuts avec Max Planck
lextrmefinduXIXe siclejusqusaformulationgnralelafindesannes1930,les
difficults conceptuelles se sont confirmes au point que toute tentative de sen rendre
matre laide des moyens conceptuels de la physique antrieure paraissait lavance
condamnelchec.2Parlesdoutesquelleimposaitlgarddesmodlesclassiques,la
mcaniquequantiqueproclamaitunenouvelle rvolutionscientifique. Mais traversses
deuxgrandsreprsentantsquesontBohretHeisenberg,lespritdeCopenhaguealaissla
pensephysiquedansunesituationminemmentambigu.Celleduncompromissubtil,et
jamais mis en dfaut jusque l dans ses applications pratiques, entre la critique des
reprsentationsdelaphysiqueclassiqueetleurmaintienparfragmentsstatutsymbolique.3
Larvolutionestinterrompue,selonMichelBitbol,parlimpossibilitdecoordonner
son formalisme prdictif abstrait et la persistance de certains concepts de la physique
classique. Si lon considre lhistoire de la physique, on constate quune priode
rvolutionnaire,caractriseparlamiseencausedesmodlesanciensetparunmouvement
de rflexivit opratoire, est habituellement suivie dune phase de reconstitution de
modles:lesinvariantssonthypostasisetlesentitsontologiquesantrieuressontintgres
danslenouveaumodle.Lecasdelaforcegravifiqueenestunexempleclbre.Elleest
introduite par Newton en tant quoutil danalyse mathmatique des phnomnes, et non
commeunehypothsequantauxpropritsdelamatire.Cesontlessuccsdelaphysique
newtoniennequiontensuitepousslesphysicienslhypostasier;lapriodedescience
normale,caractriseparladoptionduneattituderalistetendgnralementmettrefin
1 WernerHeisenberg, Lapartieetletout,leMondedelaphysiqueatomique (1969),trad.P.Kessler,AlbinMichel,1972.p.57.
2 Ibid.,p.87.3 MichelBitbol,Mcaniquequantique,uneintroductionphilosophique,Flammarion,1999,p.287.
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lapriodervolutionnaire. Lecasdelamcaniquequantiquefait cependantexceptioncar
aucunmodleunifinefaitconsensus.Laparticularitdelarvolutionquantiqueestdene
pouvoirrevenirlanormale.SelonMichelBitbol,lexceptionquantiquedoitnousamener
reconsidrer compltement notre conception de la science et, plus gnralement, de la
connaissance. Ilrestedoncunetapervolutionnairefranchir4quiserait,nonplusun
retouruneattituderaliste,maislaccomplissementdelarvolutioncoperniciennede
Kant:lagnralisationduretournementdelattentiondesphnomnesanticipsversles
conditionsformellesdeleuranticipation.5
1.Miseencausedesconceptsclassiquesparlamcaniquequantique
Laphysiqueclassiquereposesurcinqprincipesdebase6 : (1)lesobjetsphysiques
existentindividuellementdanslespaceetletempsdetellemanirequilssontlocalisableset
identifiables,etleurvolutionalieudanslespaceetletemps; (2)leprincipedecausalit;
(3)leprincipededtermination,cestdirelefaitquetouttatultrieurdunsystmeest
dtermin demanire univoquepar sontat antrieur; (4) le principe decontinuit selon
lequeltoutprocessuspassantduntatinitialuntatfinaldoittransiterpartouslestats
intermdiaires;(5)leprincipedeconservationdelnergie.Envertudecesprincipes,silon
connatlapositionetlaquantitdemouvementdusystmeainsiquelesforcesquiagissent
surlui,onenconnattouslestatsfuturs.Lesloisdumouvementpermettentdeprdireltat
dusystmetoutmoment.Deplus,lobservationdusystmenaffectepassoncomportement
ultrieurou,sicestlecas,ilesttoujourspossibledintgrerlaperturbationdanslaprdiction
deltatfuturdusystme.Silestvidentquunemesurepeutperturbercequiestmesurer,
ilnyaaucunerestrictionthoriquecequelaperturbationsoitrenduenulle.Lobservation
idale,indpendammentdelimpossibilitpratiquedelaraliser, doitpouvoirrvlerltat
futur du systme, tant donnes les forces qui sy appliquent. En physique classique, la
description du dispositif de mesure et celle du systme observ peuvent toujours tre
4 MichelBitbol,EnquoiconsistelaRvolutionQuantique?,art.cit.,p.1.5 Ibid.,p.15.6 Cf. Jan Faye, Copenhagen Interpretation of Quantum Mechanics, The Stanford Encyclopedia of
Philosophy(Summer2002Edition),EdwardN.Zalta(ed.).Consultableenlignesurhttp://plato.stanford.edu/archives/sum2002/entries/qmcopenhagen/,p.3.
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http://plato.stanford.edu/archives/sum2002/entries/qm-copenhagen/
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clairementdistingues.
Lindtermination
En mcanique quantique, la situation est fondamentalement diffrente. Ltat du
systme(unlectron,parexemple)nestpasdonnpardesvaleursprcisesdelapositionet
delaquantitdemouvementmaisparunvecteurdtat,quiestunobjetmathmatique.Mais
levecteurdtatnoffrepasdesvaleursdtermines,ildonnelaprobabilitquelamesure
dunevariabledonnetelrsultat(parexemplelaprobabilitdeprsencedellectrontel
endroit).Enoutre,certainesvariablessontditesincompatibleslorsquellesnepeuventpas
tredterminessimultanmentavecuneprcisionarbitraire.Lesingalits7 deHeisenberg
expriment la limitation thorique de la prcision avec laquelle on peut dterminer
simultanment de telles grandeurs, telles que la position et la quantit de mouvement.8
RappelonsparexemplequelingalitdeHeisenbergconcernantlapositionetlaquantitde
mouvementimposequeleproduitdelindterminationsurlapositionparlindtermination
sur la quantit de mouvement (m.v) soit born infrieurement par une constante.
Linterprtation traditionnelle, aujourdhui trs largement conteste, soutenait que
lincertitudevenaitdunelimitedenotreconnaissance:ilfallait,pourmesurerlaposition,
envoyerdesphotonshautefrquenceetparconsquentporteursdunenergieleve,cequi
avait pour effet de perturber la vitesse de llectron mesur; pour mesurer la vitesse, au
contraire,ilfallaitenrduirelaperturbation,etdoncaccepterunprcisionmoindrequantla
position.Lesvariablespositionetquantit demouvementsontditesconjugues
ainsiquelesvariablesnergieettemps.
Laphysiquequantiqueestsouventprsentecommeunethorieindterministe.Ilfaut
cependantsoulignerquecestlapplicationdelagrilledelectureclassiqueetlerleprivilgi
7 Je reprends lexpression de JeanMarc LvyLeblond pour la neutralit quelle possde au contraire derelations dindtermination, qui laisse entendre que le monde quantique serait indtermin, et derelationsdincertitude,qui,inversement,suggreunelimitationdelacapacitdeconnaissance.Cf.JeanMarcLvyLeblond,Quantique in Dictionnairedhistoireetphilosophiedessciences,dir.DominiqueLecourt,P.U.F.,1999,p.787.
8 Pouruneprsentationplusdtailledecettequestion,voirMichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,pp.269286.
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quecellecifaitjouercertainesgrandeurs(lapositionetlaquantit demouvemententre
autres) qui suggre lindtermination des processus dcrits. En choisissant des concepts
propres au nouveau paradigme (le vecteur dtat, par exemple), on peut retrouver une
descriptiondterministe.Ceseraituneerreurdeconclure,avecleparadigmequantique,que
lesloisdelanaturesontindterministesenbasantsonargumentationsurlimpossibilit
demaintenir lagrille delecturedterministedelaphysiqueclassique.MaisselonMichel
Bitbol,ilseraitaussierrondeconclurequellessontdterministesparcequelvolutiondela
fonction estrgieparlquationdterministedeSchrdinger.Laquestiondudterminisme
oudelindterminismedesloisdelanatureest,selonBitbol,indcidable.Maislanalysede
cettequestionmontrequelasituationprsentedelaphysiqueninterditpasdetrouverdes
niveauxdedescriptiondesphnomneseuxmmes(etpasseulementdesvariablescaches)
surlesquelspuisseencoreoprerceprincipergulateurdelarecherchescientifiquequest
celuidesuccessionsuivantunergle.Laseulechosequelonaitvraimentperdueenpassant
duparadigmeclassiqueauparadigmequantique,cestlaconfiancedansuneuniversalitsi
compltedeceprincipequonpuisseseconduiredanslessciencescommesilntaitpas
seulementrgulateurpourlarecherchemaisaussiconstitutifpoursonobjet.9SelonMichel
Bitbol,lathoriequantiquerappellelamiseengardekantienneauxphysiciensoublieuxdela
Critique.
Lacontinuitdeladescription
Lincompatibilitdesvariablesconjuguesapourconsquencelamiseendfautde
cequeBoltzmannappelaitlaloidecontinuit;cestdirelapossibilitderattacherun
point matriel une squence continue de positions dans lespace, quon appelle sa
trajectoire.10Enphysiqueclassique,lecomportementdunpointmatrielentredeuxbornes
estrgidemanireunivoqueparlesloisdumouvement.Endroit,toutpointdelatrajectoire
estreprableexprimentalement.MaislesingalitsdeHeisenbergenseignentquepluson
chercheunedterminationrapprochedespositionsspatialessuccessives,plusleurdispersion
9 MichelBitbol,EnquoiconsistelaRvolutionQuantique?,art.cit.,p.12.10 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.315.
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augmente. Et les lois de la mcanique quantique ne mettent pas en scne une unique
trajectoire dont la dtermination exprimentale serait trouble par une srie derreurs
pratiques,aucontraire,ellesmettentenjeuuneinfinitdetrajectoirespossibles.11
Aveclamcaniquequantique,ilfautdoncabandonnerunpostulatquiaaccompagn
les sicles glorieux de la physique classique : la postulat de la continuit de la
description.12Ilyaentrelesobservationsdeslacunesquenousnepouvonscombler13et
qui obligent les considrer commedes vnements discrets et regarder les particules
commedesentitsinstantanes.Laperceptionduneparticulecommeuneentitpermanente
estuneillusionquinarrivequedansdescirconstancesparticuliresetpendantunepriode
detempsextrmementcourtedanschaquecasparticulier.14 Schrdingerconsidrequela
pertedelidalclassiquedunedescriptioncontinuedanslespaceetdansletempsestplutt
unbienfait.Lhypothseducontinuestunapportdesmathmatiques,oellesembletout
faitvidente.Maislidedun domainecontinu esttoutfaitexorbitante,ellereprsente
uneextrapolationconsidrabledecequinousestrellementaccessible.Prtendrequelon
puisse rellement indiquer les valeurs exactes de nimporte quelle grandeur physique
temprature,densit,potentiel,valeurdunchamp,ounimportequelleautrepourtousles
pointsdundomainecontinu,parexempleentre0et1,cestluneextrapolationhardie.15Il
nefautdslorspasstonnerquedesproblmesseprsententlorsquenouslutilisonsdansla
perspectivedunedescriptiondumonde16.Lunedessolutionsceproblmeestofferteparla
description ondulatoire qui permet une description sans lacune, conformeau principe de
causalit. Elle revient ceci : nous donnons effectivement une description complte,
continuedanslespaceetdansletemps,sansomissionnilacunes,conformmentlidal
classique cest la description de quelque chose. Mais nous ne prtendons pas que ce
quelque chose sidentifie aux faits observs ouobservables; et nous prtendons encore
moinsquenousdcrivonsainsicequelanature(cestdirelamatire,lerayonnement,etc.)
est rellement. Enfait nousutilisons cette description (la description dite ondulatoire) en
sachantparfaitementbienquellenecorrespond aucun decestermes.17 Leformalisme
11 Cf.ibid.,pp.315316.12 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,p.46.13 Ibid.,p.47.14 Ibid.15 Ibid.,p.50.16 Cf.ibid.,p.59.17 Ibid.,p.60.
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quantiquepermetseulementdesuivrelvolutiondunvecteurdtat, instrumentprdictif
mathmatiqueauquelnecorrespondaucundoubleexplicatifdansluniversdesformes.18
Maisleproblmenestquedplac:leslacunes,liminesdeladescriptionondulatoire,se
sontrfugiesdanslaconnexionquirelieladescriptionondulatoireauxfaitsobservables.19
Individuationetidentitdesobjets
Pour le physicien du XIXe sicle, le concept de corps matriel ne pose aucun
problme; cest la substance permanente par excellence. Ce concept cl de la physique
classiquepeuttredfinidansunepremireapprochecommeunobjetoccupantchaque
instant uncertainsecteurde lespacetridimensionnel20. Il est le rsultat duneexigence
dobjectivit,quitrouvesasourcedanslaviesocialequotidienneetilesttroitementli
notre spatialit perceptive. Les succs de la physique classique ont renforc son statut
darchtypedelobjetphysique.Lephysicienpouvait,jusquaudbutduXXesicle,projeter
laformecorpsmatriel, issueduprocessusdobjectivation, sur lobjet rsultant dece
processusetletraitercommeunfaitdelanature.Lentreprisescientifique,lafinduXIXe
sicle,semblaitpresquarrivesontermeglorieux:percerenfinlesecretdelamatireet
offrir une explication acheve du monde. Grce aux lois auxquelles le corps matriel se
soumettait, on en pouvait prdire le comportement dont lvolution tait parfaitement
dtermine par ses conditions initiales. La vieille hypothse philosophique atomiste
rintroduite pour expliquer la constitution de la matire eut des effets heuristiques
considrables. Mais, alors que les expriences continuaient dattester de la fcondit du
modleatomiste,lanaturemmedesparticulesenjeudevenaitplusnigmatique.Ilpeut
paratrepresqueironiquequecesoitprcismentpendantcesannesoucesdcenniesau
coursdesquellesnousavonsrussi suivre latracedesparticulesetdesatomesisols,
individuelsetcelapardesmthodesvariesquenousavonstobligsderenoncer
lidequifaitdunetelleparticuleuneentitindividuelledontlidentitsubsisteenprincipe
18 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.32.19 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,p.61.20 MichelBitbol,LecorpsmatrieletlobjetdelaphysiquequantiqueinF.Monnoyeur(ed.),Questceque
lamatire?,Lelivredepoche,2000ethttp://philosophiascientiae.free.fr,p.1.
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http://philosophiascientiae.free.fr/
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ternellement.Bienaucontraire,noussommesobligsdaffirmerquelesconstituantsultimes
delamatirenontaucuneidentit.21Celanesignifiepas,insisteSchrdinger,quenous
sommesincapables,pourdesraisonspratiques,daffirmerlidentitdesparticulesmaisbien
que la question de lidentit, de lindividualit, na vraiment et rellement aucune
signification.22 Cest que, pour Schrdinger, la mcanique quantique met en cause
larmatureconceptuelledontelleestissue;lesentitsducadredepenseatomistesedfont
devantlexprimentateuraufuretmesurequeceluicilesexplore.23Auseinmmedes
dveloppementsdelaphysiqueauXXesicle,paralllementauxsuccsdumodleatomiste,
lesdifficultsdinterprtationnaissentduparadigmequantiqueetpoussentlephilosophe
rorientersonregardverslesprocduresdobjectivationpluttquesurlobjetquienrsulte24.
LeprsentparagrapheexposerabrivementlacrisedelatomismeauXXesicle,ense
basantsurleschapitres52et53delAveuglanteproximitdureletsurlesarticles,deM.
Bitbolgalement,intitulsCritresdexistenceetengagementontologiqueenphysiqueet
Le corps matriel et lobjet de la physique quantique. Rsumons les principales
caractristiques du cadre atomiste si longtemps fcond de la physique classique: (1) les
particulesdoiventpouvoirdcrireunetrajectoirecontinue;(2)celasupposeleconceptde
supportlocalisetridentifiablesdeproprits;(3)lesparticulessontdnombrables.Lecadre
atomisteprenddoncensonseindesconceptscentrauxtelsquepropritetidentit.
Mais la thorie quantiquestandard, qui offre uncadre prdictif unifi lensembledes
phnomnes microscopiques, sinscrit [...] enfauxcontre la possibilit dindividuer et de
ridentifier chaque particule en toutes circonstances [...].25 Elle ne permet pas, dans la
plupart des cas, de considrer quelle traite de proprits dobjets microscopiques mais
dobservables relatives un contexte exprimental26. Les thories quantiques les plus
avances,fondessurlemodleatomiste,fontclaterlepuzzledesconceptsatomistes
pournelaisserquunesortedemosaquelacunaire27.Lapossibilitdindividuerdesobjets
21 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,pp.3637.22 Ibid.,p.37.23 MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.215.24 Cf.MichelBitbol,Lecorpsmatrieletlobjetdelaphysiquequantique,art.cit.25 MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.201.26 Cf.ibid.27 Cf.ibid.,p.203.
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dchelleatomiqueestlimitedessituationsexprimentalesparticuliresetdanslasituation
gnrale,lescritresdindividuationetdidentittraversletempsnesontplussatisfaisables.
DansCritresdexistenceetengagementontologiqueenphysique,Bitbolenvisage
lecasdespreuvesdexistencedesparticuleslmentairesenphysiquedeshautesnergies,au
regarddelapreuvearchtypaledexistenceenphysique,celleduncorpsmatriel.Dansquel
mesurelecadredattenteatomisteestilremplienphysiquequantique?Lecadredattente
correspondantauconceptdecorpsmatrielcomportecinqconditions.Lapremireestla
possibilit dagrger les phnomnes en units discrtes. La seconde est la localisation
spatialedesphnomnes.Latroisimeestlapossibilitdemettreenplacedesconditionsde
reproductibilitsuffisammentsystmatiquedesphnomnespourpouvoirlestraitercomme
manifestationsdunprdicatdescorpsmatriels [cestdiretreenmesuredeconsidrer
quau corps identifi sont attaches des proprits intrinsques]. La quatrime est la
possibilitdetraiterlesrgionsspatialesosontlocalisslesphnomnescommestrictement
individuelles.Lacinquime,enfin,estladisponibilitduneprocdurederidentification,ou
plus prcisment de gnidentification comme le dit H. Reichenbach; cestdire une
procdure qui permet derattacher par la continuit spatiotemporelle dune trajectoire un
phnomnequisemanifesteenunpointuninstantdonn,unautrephnomnemanifest
enunautrepointuninstantantrieur.28
ReprenonsmaintenantlexamenduremplissementducadredattentequefaitBitbol.Il
est possible dagrger les phnomnes en units discrtes et cela se traduit, en thorie
quantique des champs, par le fait que les particules lmentaires sont assimiles des
quanta dexcitation dun oscillateur harmonique29. Mais pour autant, la thorie
quantiquedeschampsnetraitepaslessystmesphysiquesquellergitcommedesensembles
comprenantdesnombresbiendfinisdunitsdiscrtes.Engnral,lathoriequantiquedes
champsattribuesessystmesdessuperpositionsdtatspropresdelobservableNombre,ce
qui signifie que le nombre dunits discrtes pouvant tre dtectes chaque instant est
indtermin.30
La localisation spatiale des phnomnes est assure mais le propre des thories
28 Michel Bitbol, Critres dexistence et engagement ontologique en physique, Actes du colloque deBarbizon,septembre1999,http://philosophiascientiae.free.fr,pp.1011.
29 Ibid.,p.11.30 Ibid.
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quantiquesestdenepouvoirreprsentercequicepasseentredeuxphnomnescommeun
processuslocalis.Cestleproblmedeladescriptioncontinuevoquplushaut.
Laquestiondelareproductibilitdesphnomnesetdelapossibilitdattacherdes
proprits aux particules peut obtenir une rponse positive dans certains cas, ceux, par
exemple, desphnomnesrsultant dela mesuredecequil est convenudappeler les
observablessuperslectives;parexemplelacharge,lamasse,etlemoduleduspin.31Mais
lorsquil sagit demesurerdesvariables incompatibles, dont laprcisionest soumiseaux
ingalitsdeHeisenberg,ilnestpluspossibledeconsidrercetypedephnomnecomme
indpendantdesonhistoireexprimentale.Pourprendreunexempletypique,lavaleurdela
variablepositionnestpasreproductiblesi,entredeuxoccurrencesdesamesure,onintercale
unemesuredelaquantitdemouvement.Plusexactement,commeleprcisentlesingalits
de Heisenberg, une valeur de la variable position nest reproductible qu unemarge de
dispersionincompressibleprs,dontlimportancequantitativedpenddelaprcisiondela
mesureintermdiairedelavariablequantitdemouvement.32
Sur le quatrime critre, celui de lindividualisabilit des phnomnes, deux
thories sont enconcurrence. Lamcanique quantiquestandard manipule unquivalent
formelmaisnonoprantdindividualit33,sousformedelabelsindividuels.Maisparl,le
formalismevhiculedeslmentsdescriptifsenexcs,puisqueceslmentsdoiventtre
mislcartenboutdeparcourspouraboutirauxprdictionscorrectes.34Tandisquedansla
thoriequantiquedeschamps,lesensemblesdeparticulessonttraitscommedesagrgats
dequantacompltementdnusdindividualit.35Ilyalieudeprfrerlathoriequantique
deschamps,duneparteninvoquantlerasoirdOckham,puisquellefaitlconomiedentits
nonncessaireslaprdiction,etdautrepartparcequelleconduitfaireunplusgrand
nombredeprdictionscorroboresquelamcaniquequantiquestandard36.
La cinquime condition est, comme on la vu, en gnral impossible remplir,
toujours cause des ingalits de Heisenberg : il nest pas possible dobtenir un suivi
31 Ibid.32 Ibid.33 Ibid.,p.12.34 Ibid.35 Ibid.36 Ibid.
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exprimentalencontinudelatrajectoireduneparticule37.
Il existe donc des arguments qui plaident en faveur de lexistence des particules,
notamment le fait que les observables superslectives (masse, charge, module de spin)
peuventtreconsidrescommedespropritsdeparticuleslocalises.Leproblmeestque
cetteaffirmationnevautquedansdescontextesparticuliers.Dansdautrescas,onmontre
quelersultatdelexpriencenepeuttreprditquconditiondadmettrequelachargeou
la masse des entits prtendument localises est rpandue dans tout lespace de
linterfromtre.Alorsquesontexactementcesparticuleslmentaires?Desentitslocalises
etauxpropritsdlocalises?Maisquelsenscelaatil dedirequellessontdequelque
manirelocalisessiaucunedespropritsquonreconnatpouvoirentreprdiquesnest
pasellemmelocaliselaplupartdutemps?Onpeutsedemanderdanscesconditions,avec
PaulTelleretdansunespritheisenberguien,siparticulenestpaslenomquenousdonnons
unepotentialitcontinueetdlocalisedesurvenuedephnomnesquieux,eteuxseuls,
sontdiscontinusetlocaliss.38Seulelancessitdenotrelangage,bassurlaconnaissance
dobjetsmacroscopiques,semblepousserconsidrerlesparticulescommedesindividus,au
prixdetrsprcisesprcautionsdanslesdfinitions.Maislersultatresteinsatisfaisant
lgard du cadre dattente et lon est conduit se reprsenter lunivers macroscopique
comme un domaine o en dfinitive seules les prgnances grammaticales de la langue
poussent esquisser la figure de quasiindividus (les particules) aptes servir de sujets
pluriels ces prdicats singuliers39. Il a fallu changer le cadre dattente dont le
remplissement constitue la preuve dexistence. Le sens mmedu mot existence sen
trouvemodifi.CesticiquesimposelanalysedeBitbol:lesprsuppositionspragmatiques
delactionetdulangage,quijusquelnemenaientaucuneimpasse,setrouventenconflit
avec le rsultat de lexprience et cela met en avant larrireplan transcendantal de la
thorie40.Maislesconditionsdepossibilitdelexpriencenepeuventplustreconsidres
commeformantunsoclesurlequelonpeutdfinitivementsereposer,niuneindicationsurla
maniredontlaralitindpendanteguideraitnotrerecherche.
37 Ibid.38 Ibid.,p.13.39 Ibid.,pp.1314.40 Cf.MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.69.
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Reprsentationsalternativeslatomisme
Enphysiqueclassique,loppositionentreparticuleetchampestuneantinomiecarelle
correspond ladiffrenceentrecontinuetdiscontinu41. Lathoriequantiqueadpass le
dualisme:elleabolit(dansledomainequantique)lesnotionsdechampetdeparticuleetles
remplaceparuneseuleetuniquenotion42queparabusdelangage,oncontinueappeler
particule. Daprs Franoise Balibar, lorsquon parle de champ et de particule en
mcaniquequantique,ilnesagitplusdutoutdesmmesconceptsqueceux,antinomiques,de
la physiqueclassique. Et lesproblmesdinterprtationviennent peuttre deceque lon
continuedeparler,mmeavecdesguillemets,departiculesetdexistence,avecpour
arrireplannotreusagequotidienetsculairedecesmotsetlastructuredelaproposition
prdicative. Ainsi continueton parler dlectron comme sil sagissait dun objet
localisable,alorsquenralit cetobjetpossdeaussiuncaractrecontinu,ondulatoire,en
sortequecommeleditDirac,unlectronpeutinterfreravecluimme.43Cestpourtenter
deremdierceproblmequeFranoiseBalibarrecommandedabandonnerlappellationde
particule pour lui prfrer celui de quanton ou que J.M. LvyLeblond suggre
dattribuer auxparticules lmentaires le modedexistence de larcenciel44. Onpeut
toutefoissedemandersiladoptiondunvocabulaireplusadapt auformalismeetpartant,
plusloigndunepensereprsentativeetdunmodedecomprhensionspculaire,rsout
vritablementleproblmeousicelanefaitquelecontourner.Carlevritableproblmese
trouvepeuttredansleconflitentredeuxrgles:cellequigouverneleformalismequantique
etcellequigouvernenotrelangagequotidien.
Onapuleconstater,ladifficultmajeurequapportelamcaniquequantiqueestcelle
duneinterprtationquidunepart,respecteraitstrictementleformalismemathmatiquedela
thorieetdautrepart,entreraitsanstropdedistorsiondansnotrejeudelangagequotidien.
Cestcetitrequeltudeducadredattenteatomistenousintressait.Lemodleatomistefut
trs fcond pour la physique et en mme temps, trs comprhensible et facilement
visualisable. Constater dans quelle mesure on peut le conserver en mcanique quantique
41 FranoiseBalibar,ChampinDictionnairedhistoireetphilosophiedessciences,op.cit.,p.165.42 Ibid.43 Ibid.44 MichelBitbol,Critresdexistenceetengagementontologiqueenphysique,art.cit.,p.14.
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permetdemesurerlampleurduconflitentrelejeudelangagequantiqueetlejeudelangage
ordinaire.Ilsemblequecequelonattendeprioritairementdunmodlesoitunepuissancede
reprsentation visuelle, sur le mode de lobjet macroscopique; on voudrait voir le
comportementquantiquetraduitsanstrahisondansuneimageclassique.Contrairementce
quelonpourraitcroire,lesprogrsactuelsenimageriemicroscopique,malgrlapuissance
vocatrice de la description de type atomiste quelle propose, nont pas empch la
recrudescencedelacritiquedelatomisme.Celaestddesreprsentationsnonatomistes
issuesduformalismequantiqueluimme.45
Les thories de la dcohrence ont ainsi pour projet de montrer comment les
vnementsmacroscopiquesdiscontinusetmutuellementexclusifs,queloninterprtedansle
modle atomiste comme leffet de limpact dune particule, peuvent tre conus comme
structures mergentes sedgageant delvolution continuedunefonctiondondeglobale
associe la totalit de la chane de mesure et de lenvironnement.46 Dans cette
interprtation,seuleslesapparencesmacroscopiquessontdiscontinues,lultimeexplication
tantdonneparlaloidvolutiondeSchrdinger. On sait dautre part que la thorie
quantiquedeschampssubstituelanotiondunemultiplicit dencorpuscules,celleden
imeniveaudexcitationdun uniquemilieuvibrant.47Lemodleatomisteetstatiqueest
abandonnetsetrouveprivilgieuneconceptiondynamiquedanslaquellelattentionse
focalisesurleschangementsdtats.48Labandonsembleinluctable;ilsillustredansdes
articles dephysiciens aux titres provocateurs : Il nyapas desauts quantiques, ni de
particules!49etLesparticulesnexistentpas50.
2.Pouvoirprdictifetabandonduralismenaf
Rien nempche le physicien classique, mme averti par Kant, dignorer
45 Cf.MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.216.46 Ibid.,pp.216217.47 Ibid.,p.217.48 Ibid.,p.217.49 H.D.Zeh,Therearenoquantumjumps,norarethereparticles!, Phys.lett.,A172,p.189192,1993in
MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.217.50 P.C.W.Davies, Particles donot exist, in S.M. Christensen (ed.), Quantumtheory of gravity, Adam
Hilger,1984,inibid.,p.218.
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lenseignementdelaphilosophiecritiqueetdepenserlobjetdesoninvestigationcommesil
taitporteurdedterminationsintrinsques.Danscetteperspective,lexpriencepermettrait
dervlerlespropritsdecetobjetquiseconduirait,endehorsdecelleci,exactementdela
mmemanire.Latcheduphysicienestdidentifierlesloisquirgissentlecomportement
oulespropritsdelobjet.Lecasdelamcaniquequantiqueest,iciencore,problmatique:
nonseulementdoitelleprendreencompteledispositifexprimental,maissurtout,ellene
prditlasurvenuedunvnementquedanslamesureoilyaundispositifexprimental.
Elleindiquequesiunestructurerceptive,secteurappropridelenvironnementouappareil
de mesure, est installe la suite dune certaine prparation exprimentale, alors la
probabilitdepouvoirindividualisertelleoccurrencesingulire,caractristiquedelastructure
rceptiveetnonableparunepropositioncatgorique,estdonneparlargledeBorn.51
Formellement, la mcanique quantique opre comme si aucun vnement ne survenait
indpendammentdeconditionsexprimentalesquisontdonclafoiscellesdesadtectionet
cellesdesasurvenue.52Ellenoffredoncpaslareprsentationclassiquedunobjetdotde
qualitspremiresdontlobservationnousexhibelesqualitssecondes.
Lamcaniquequantiqueimpose,selonSchrdinger,derenoncer,sitantestquune
tellepositionfttenabledepuislaCritiquekantienne,auralismenaf.Lafonctionestun
instrument mathmatique dont lquation dvolution, tablie par Schrdinger, rgit
lvolution temporelle lorsque le systmenest soumis aucune mesure et dont le carr
permetdedterminerlaprobabilitdeprsencedellectrontoutmoment.Etcenestquau
momentdelamesurequellectronacquiertunepositiondtermine.Unevariablena,en
gnral,pasdevaleurdtermineavantquejenelamesure;lamesurenesignifiedoncpas
trouver la valeur quelle a.53 La mcanique ondulatoire de Schrdinger dcrit quelque
chose:lvolutiondelinstrumentprdictif.Lereversmtaphysiquedelathorieestainsi
vacu. Cest en cela quelle oblige retourner le regard vers les conditions de
lobjectivation.Silyaexplicationdunrsultatoudunecorrlationexprimentalepar
uncertainvecteurdtat, cenestaufondriendeplusquelexplicationduneprdiction
51 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.26.LargledeBorn,oualgorithmeprobabilistedeBornestlasuivante:laprobabilit quelersultatai soitobtenu lasuitedunemesuredelavariableA si laprparationexprimentaleestcaractriseparlevecteurdtat | >,estgaleaucarr dumoduledelaprojectionde| >surlaxeparallleauvecteur|ai>.Ibid.,p.149.
52 Ibid.,p.27.53 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,p.110.
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particulire de la thorie par la structure et ladquation globale de ses mathmatiques
prdictives.54
3.Physiquecontemporaineetphilosophietranscendantale
Quelquesattitudespossiblesfaceauxquestionsdelaphysiquecontemporaine
Sileprolongementdumodedobjectivationbas surlemodledelachosede
notre environnement quotidien sest longtemps rvl fcond en physique classique,
limpossibilit de reproduire les phnomnes dans le domaine rgi par la mcanique
quantiqueet lanonridentifiabilit spatiotemporelle decequeloncherchait identifier
commecorpsmatrielenmontrelalimite.MichelBitboldresselalistedesattitudespossibles
facecesdifficults.
Lapremirerponseestlinstrumentalisme.Elleconsisterefuserdeparlerdobjets
delexprienceetrevendiqueruncompletagnosticismesurlaquestiondelexistencedun
secondniveaudobjectivation.
Ladeuximeconsistelaissersinflchirleparadigmeclassiquesouslapressiondela
thorie quantique, continuer de parler commesi lexprimentation donnait accs aux
propritsdobjetsdetypevaguementcorpusculaire,maisassortircemodedexpressionde
quantitderestrictionsetdecorrectifs.55Cetterponsenepeutprtendreuneadquation
desesdescriptionsquedansdessecteurslimits.ElleemploiecequePutnamappelledes
notions large spectre, linstar de objet, proprit, rfrence,
signification,langageouraison56.Elleestcelleprfrentiellementadopteparles
physiciensdansleurpratique.Lintrtenestdouble:ellepermetdemaintenirunsemblant
decontinuit avecletypedediscoursobjectivantdelaphysiqueclassiqueetellevitela
tentation, par son confortable clairobscur57, de prendre un point de vue divin sur le
monde.Nousyreviendronsdansledernierchapitre.
54 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.33.55 Ibid.,p.319.56 Cf.HilaryPutnam,Dfinitions,op.cit.,p.61etReprsentationetralit,op.cit.,pp.2425et197.57 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.324.
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Unetroisimesolutionseraitderecourirunelogiquenonclassiqueetmodifierla
structurecatgorialedelalanguedemanirepouvoirrendrecomptedecedevantquoila
logiqueclassiqueestimpuissante.
Laquatrimeestleprojetdesthories variablescaches quisupposentunarrire
mondedontnousnaurionsquuneperceptionpartielle.Cetteattitudesupposequelchecdes
critresderidentificationspatiotemporelsnestquapparent.
La cinquime est celle que Schrdinger prconise. Elle assume le caractre
rvolutionnairedelathoriequantique:saffranchirradicalementdelarchtypeducorps
matriel;changerdetypedobjets;concevoirdesobjetsquineportentcommedterminations
quedesvariablescompatibles,etquisontridentifiablesparautrechosequunetrajectoire
danslespaceordinaire.58
Lamodificationdesformesapriorikantiennes
Loubli du geste kantien, oubli perptr tout au long du XIXe sicle dans un
dveloppementscientifiquequipouvaitsanstropdeconsquencessaffranchirducommesi,
sest rvl gnrateur de confusion dans les discussions autour de linterprtation de la
mcaniquequantique.Ilnesagitdoncpasdesedemanderdequeltypeest,ensoi,lobjet
quantique et quelles en sont les caractristiques, mais quelles sont les conditions de
lobjectivation. La premire tche affronter, ce nest pas de se demander si lobjet
quantiquevolueparsautsounon,silaousilnapasdespropritsondulatoires,silobit
ousilnobitpasdesloisdterministes;cestdesassurerquelesconditionsdepossibilit
dundiscourssurunobjetengnralsontrempliesdanslagammedephnomnesquergit
lamcaniquequantique.59
Schrdinger, dans Scienceet humanisme, indiquelavoiequeBitbol entendsuivre
pour rester fidle la philosophie transcendantale tout en prenant en compte les
dveloppementsdelaphysiquecontemporaine:modifierlapriorikantien.Jenediraipas
58 Ibid.,p.320.59 MichelBitbol,EnquoiconsistelaRvolutionQuantique?,art.cit.,p.13.
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quelidedeKanttaitcompltementfausse,maiselletaitcertainementtroprigideetellene
peutplustreacceptesansmodificationdepuislemomentosontapparuesdenouvelles
possibilits:parexemplelespacepeutfortbientre(etestprobablement)fermenluimme
etcependantsansfrontires,etdeuxvnementspeuventseproduiredetellesortequelun
quelconque dentre eux puisse tre regard comme prcdant lautre (ce qui reprsente
laspectdenouveautleplustonnantdelathoriedelarelativitrestreintedEinstein).60
Laconditionduneconnaissanceobjectiveestlapossibilitdefaireledpartentrele
sujetquiexprimenteetlobjetexpriment. Bohr,influenc parKant,pensaitquecequi
nousdonnaitlapossibilit deparlerdunobjetetduneralit objectivetaitlesconcepts
ncessaires:espace,temps,causalitetcontinuit,dontlesquivalentsphysiquestaientles
conceptsdeposition,detemps,dequantitdemouvementetdnergie.Cesconceptssont
ainsi conus comme des affinements des prconditions de toute connaissance humaine,
inscritesdanslesrglesdulangageordinaire.61Uneinterprtationdelamcaniquequantique
sedoit,pourlcoledeCopenhaguequisopposeencelaSchrdinger,denepasperdrede
vuequecesontleschosesetlesprocessusdescriptibleslaidedesconceptsclassiques,
cestdirelerel,quisontlesfondementsdetouteinterprtationphysique.62 Danscette
perspective, la prsupposition des traits spatiotemporels, substantiels et causaux reste
indispensable lexpression des rsultats exprimentaux quordonnent les nouvelles
thories scientifiques.63 Linterprtation doit donc chercher coordonner les diffrents
aspectsdesphnomnes.
Mais la difficult de runir dans un mmeobjet un caractre corpusculaire et un
caractre ondulatoire et le concept ainsi form duncorpusculedungenre particulier
poussent constamment nos esprits rclamer des informations qui nont videmment
aucunesignification64 telles queles valeurs prcises desaposition et desaquantit de
mouvement. Pour Schrdinger, lontologie corpusculaire est inapproprie car elle signale
lchecdelentreprisedobjectivationdontlarussite,aucontraire,doittremontredansun
60 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,p.68.61 Cf.CopenhagenInterpretationofQuantumMechanics,art.cit.,p.4.62 WernerHeisenberg, Physiqueetphilosophie,AlbinMichel,1971,p.188, in MichelBitbol, Laveuglante
proximitdurel,op.cit.,p.179.63 MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,1998,p.149.64 Erwin Schrdinger, What is an elementary particle?, Endeavour, IX, 109116, in Michel Bitbol,
Mcaniquequantique,op.cit.,p.388.
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discourscapablederetournerlesobstaclesdeprincipeauxquelsseheurtelaconnaissance
enautantdelimitesconstitutivesdesobjets.65Lechoixdelontologie,pourSchrdinger,ne
doit doncpastre guid parunedpendance lontologiedusenscommun, maisparsa
capacitdintgrerlesconditionsdobjectivation.
LerenouvellementdugestekantienqueBitbolentreprendncessitedeconsidrerles
formesaprioridelexpriencedanslaperspectivedelapratiquedesphysiciens.Demanire
rendre la dmarche kantienne de nouveau apte penser la physique aprs son re
newtonienne,MichelBitbolconvoqueWittgensteinpourlapportpragmatiquequilprocure.
Celaseralobjetdudernierchapitre.Ilfaudraauparavanttransiterparuncompterendude
lancrage deWittgenstein dans le sillage deFregeainsi quepar ltude de la pense de
Wittgensteinauregarddelaphilosophiekantienne.Disonsdsmaintenant,enreprenantle
vocabulairewittgensteinien,quelesrglesquiconstituentlesprsuppositionsdelentreprise
derecherchesontmouvantesetpeuventvarierlorsqueleurusageservleproblmatique.
Onpourraitsereprsentercertainespropositions,empiriquesdeforme,commesolidifieset
fonctionnanttelsdesconduitspourlespropositionsempiriquesfluides,nonsolidifies;etque
cette relation se modifierait avec le temps, des propositions fluides se solidifiant et des
propositionsdurciesseliqufiant.66
65 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.390.66 LudwigWittgenstein,Delacertitude(1969),trad.J.Fauve,Gallimard,1976,96.
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CHAPITREIILAPROPOSITIONANALYTIQUEDEKANTCARNAP
LatraditiondanslaquelleWittgensteinsinscritestissuedeladiscussionautourdes
distinctionsaprioriaposteriorietanalytiquesynthtiqueetduconstatkantienquilyades
jugementssynthtiques apriori.LouvragedeJolleProust, Questionsdeforme,offreune
perspective sur lvolution de la notion de proposition analytique de Kant Carnap. Le
rsumquenousprsentonsici,parfoisaugmentdelecturespersonnelles,visemesurerle
dplacement queBolzano, puisFregeet enfinCarnap, impriment lanalytique qui chez
Kant,paratavoirlapartdupauvre1.IlpermettraainsidinscrireltudedeWittgenstein
danslalignedeFregetoutenmontrantcommentilsendistancie,etdesituerlesoutils
conceptuelswittgensteiniensparrapportcesdistinctionscanoniques.
1.Kantetlastrilitdelapropositionanalytique
Critiquer,cestdaborddistinguer.Kantalegrandmritedavoirdistinguentreles
jugementssynthtiquesetlesjugementsanalytiques.2Lejugementsynthtiqueouextensif
peuttrededeuxtypes:aposteriori(donnparlexprience)ouapriori(necomprenantrien
dempirique).Lejugementsynthtiqueestceluiojedoissortirduconceptdonn,pour
considrer,danslerapportaveclui, quelquechosedetoutautrequecequitaitpensen
lui.3 Le jugement analytique est celui o le prdicat Bappartient au sujet Acomme
quelquechosequiestcontenu(demanirecache)dansceconceptA4.Ilnoffreaucun
accroissementdelaconnaissancepuisquilnefaitquedcomposerleconceptdusujetpar
analyseensesconceptspartiels,quitaientdjpenss(quoiqueconfusment)enlui5.Son
intrtnestdoncquedenousrendreplusconscientsdudiverscontenudansleconceptdu
1 JolleProust,Questionsdeforme,logiqueetpropositionanalytiquedeKantCarnap,Fayard,1986,p.X.2 GottlobFrege,Lesfondementsdelarithmtique,recherchelogicomathmatiquesurleconceptdenombre
(1884),trad.C.Imbert,Seuil,1969,89,p.101.3 EmmanuelKant,Critiquedelaraisonpure,trad.DelamarreetMarty,Gallimard,1980,A154/B193.4 Ibid.,A6/B10.5 Ibid.,A7/B11.
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sujet. Sagenseest secondaire puisquavant toute analyse, il doit y avoir unesynthse :
nousneconnaissonsapriorideschosesquecequenousymettonsnousmmes.6
Lexplicationdelapossibilitdesjugementssynthtiquesestunetcheolalogique
gnrale naabsolument rien faire.7 Dansla Critique de laraisonpure, Kant montre
linsuffisance de cette logique gnrale qui fait abstraction [...] de tout contenu de la
connaissance,[...]et[...]neconsidrequelaformelogiquedanslerapportdesconnaissances
entreelles,cestdirelaformedelapenseengnral.8Ellenepermetdedgageraucun
critre de vrit quant au contenu de la connaissance, prcisment parce quelle en fait
abstraction.Ellenepeutrendrecomptedeloriginedelaconnaissanceetneconsidreles
reprsentationsquesouslangledesloisdaprslesquelleslentendementlesemploieen
rapportlesunesaveclesautres,quandilpense.9Lesprincipesdelalogiquegnralesont
desjugementsanalytiques.Ainsileprincipedecontradiction:nullechoseneconvientun
prdicatquilacontredise,[...]estuncritreuniversel,quoiquepurementngatif, detoute
vrit10, est le principe sur lequel reposent tous les jugements analytiques11, principe
inviolableduquelnousnepourronsjamais[...]attendreaucunclaircissement12,
Du point de vue de la logique gnrale, le jugement est la reprsentation dun
rapportentredeuxconcepts13;ledfautmajeurdecettedfinitiondujugementtantque
cerapportnestpasicidtermin14.Endautrestermes,lalogiquegnralenepermetpas
dedistinguerlunitobjectivedereprsentationsdonnesdelunitsubjective15.Ellene
fait qutablir les rgles formelles de tout usage de lentendement16, elle nest quun
canon,quuneconditiosinequanondelavrit.Lorsquelleseprtendorganon,ellenest
plusquunelogiquedelapparence,unedialectique17.
6 Ibid.,BXVIII.7 Ibid.,A154/B193.8 Ibid.,B79.9 Ibid.,A56/B80.10 Ibid.,A151/B190.11 Cf.EmmanuelKant,Prolgomnestoutemtaphysiquefuturequipourraseprsentercommescience,trad.
L.Guillermit,Vrin,1993.Ak.IV,267.12 Critiquedelaraisonpure,op.cit.,A152/B191.CestuntelclaircissementquesattacheraFrege,silon
suit la lecturedeJolle Proust, et cest encelaquelonpeutdire quil chercheende dupouvoirdeconnaissanceaprioritudiparKantlesystmedevritsquilefonde.(Cf.infra)
13 Ibid.,B140.14 Ibid.,B141.15 Ibid.,B142.16 Ibid.,A133/B172.17 Cf.ibid.,A59/B84etA61/B85.
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La logique transcendantale, quant elle, isole lentendement, comme lesthtique
transcendantaleisolaitlasensibilitpourenexposerlesformespuresetapriori.Elletudie
les actes de la pense pure, qui ne doivent rien lintuition (pure ou empirique);
autrementdit,cestunescienceducontenutranscendantaldelentendement,unesciencede
lentendementpuretdelaconnaissancerationnelleparlaquellenouspensonsdesobjetstout
fait a priori [], qui dterminerait lorigine, ltendue et la valeur objective de telles
connaissances[]18.Seulelalogiquetranscendantale,parcequelleprendenconsidration
le contenu des jugements, peut produire lopposition entre analytique et synthtique. La
distinction est fondamentale pour Kant car elle conditionne la question qui loccupe :
commentdesjugementssynthtiquesapriorisontilspossibles?19Ladistinctionentretient
doncunrapporttroitaveclidedunfondementaprioridelaconnaissance,carcestsurles
jugementssynthtiques apriori quereposelavisefinaleentire denotreconnaissance
spculativeapriori20.
Chez Leibniz, le canon du vrai est le principe dinhrence du prdicat au sujet.
Linclusionduprdicatdanslesujetcaractrisetoutepropositionvraie,mmesi,danslecas
des propositions de fait, la constatation de cette inclusion nest pas notre porte.
Lexpositiondelavritestuncalculquisubstituedesdfinitionsauxdfinisenmaintenant
uncontenuidentique.KantcritiqueLeibniz,quinusequedunepensedentendementne
faisantquunusagediscursifdelaraison,etquimanqueainsisonusageintuitif.Rflchirsur
unconceptdemanirediscursiveestvain,cestnemmepasfaireunseulpasaudeldela
simpledfinition21.Lecaractredogmatiquedelamtaphysiqueleibniziennersidedansla
ncessit, pour trouver un fondement la connaissance, de faire appel la fiction dun
entendementdivincapablederduireanalytiquementlesvritsdefait22.Cestainsiquela
raisonoutrepassesesdroits,enignorantsonusageintuitifetdel,seslimites.Toutesnos
connaissancesserapportentendfinitivedesintuitionspossibles,carcestparellesseules
quunobjetestdonn.23 Lediscursifnepeutmenerquuneclarificationdesdfinitions
maisnapporteaucuncontenuausavoir.Sanslintuition,lejugementnestquunsymbole
18 Ibid.,A57/B81.19 Ibid.,B19.20 Ibid.,A9/B13.21 Ibid.,A719/B747.22 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.23 Critiquedelaraisonpure,op.cit.,A719/B747.
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formeletvide.Analysernepermetquedeprendreplusnettementconsciencedunecontenu
depense.Maislecontenunepeuttreapportqueparlintuition.Lalogiquegnraleest
avecKantdsormaissoumiselalogiquetranscendantale.
2.LemouvementprcritiquedeBolzano
PourKant,cesttoujourssurfonddunactedejugementquelevraiservleetse
produit.Bolzanorevientuneconceptionprcritiqueduvrai:levraiprexisteaujugement,il
rsidedanslacorrespondanceentreunepropositionetuntat dechose.24 Laquestiondu
fondement de la connaissance est poseavant toute opration de lentendement. Bolzano
dplace le sige des conditions de possibilit de la connaissance du sujet transcendantal
kantienversunpleobjet, lEnsoi.25 Cetensembleobjectif maissansexistencerelle de
propositionsetdereprsentationsquifondelaconnaissanceconstituelesoloriginairesans
lequel il ny aurait pas de propositions penses26. Au sens propre donc, proposition
signifie proposition ensoi. Laproposition ensoi bolzanienne est dj trs prochedu
Gedankefrgen:sonautonomievisvisdeceluiquipenseetquiparleassurecelledela
logiquelgarddelapenseetdulangage.LEnsoiestparconsquentcequirendpossible
lacommunicationhumaine.
Lanalyticit avait conserv, dans le travail de Bolzano antrieur la
Wissenschaftslehre (1837),lerlequeKantluiavaitdonn,celuidefairevaloirstriledu
synthtiqueapriori.Elledevienten1837unepropritremarquabledecertainespropositions
et unconceptinsparabledelamthodederepragedesobjets logiques, la variation. Le
caractre le plus remarquable de cette nouvelle conception de lanalyticit est quelle est
fonde sur la synthticit : une proposition analytique vraie est fonde sur une vrit
synthtique, plus riche de contenu. Loutil didentification dune vrit analytique est la
substituabilit salvaveritate :siunecomposantedunepropositionpeuttrevariesansen
24 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.10025 SilapprochetranscendantaleestmaintenueparBolzanoentantquilcherchelesconditionsdepossibilitde
lascienceconstitue,illuiretirelarrireplancritique:cestlontotranscendantalismedogmatiqueparlequel Proust dsigne cette problmatique philosophique qui consiste placer dans lexistenceindpendantedessencesetdevisesdessence(sens)lesconditionsdepossibilitduneconnaissanceparunsujet.(Ibid.,p.263)
26 Cf.Ibid.,p.82.
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modifierlavritoulafausset,lapropositionestanalytique.LecoupportparBolzanola
conceptiondelanalyticitestdroutant;envoicideuxexemples.
Unevrit arithmtiquetelleque7+2=9peuttretransforme7+(1+1)=(7+1)+1,2
tantdfinicommelesuccesseurde1,9commelesuccesseurde8et8commelesuccesseur
de7.27Cetnoncneditrien,ilestanalytiquecaronpeutremplacer, salvaveritate,7,
1et1suivantlaloidassociativitdeladdition:a+(b+c)=(a+b)+c.Lexpressionde
la loi dassociativit est, par contre, une proposition synthtique car plus aucun de ses
lments ne peut tre vari. Elle est synthtique parce quelle apporte un surcrot
dinformation:elleditquelquechosedeladdition.Unepropositionanalytiquenestjamais
quuneinstancedunepropositionsynthtiquegnrale.
VoiciunsecondexempledepropositionanalytiqueselonBolzano28:
Si a2
2=b ,alors a=2b
Lacomposantesubstituablesalvaveritatedanscettepropositionest2,etcestlaprsencede
cette composante substituable qui permet didentifier la proposition analytique (vraie en
loccurrence).Lapropositionalgbriquegnralise: Si a2
c=b ,alors a=cb o
lonaremplaclacomposantevariable2parcnestplusunepropositionanalytique
carellenecontientplusdecomposantesubstituable, cincluanttouteslessubstitutions
possibles.Lapropositiongnraleestunepropositionsynthtique.Profitonsdecetexemple
pourillustrerquunepropositionanalytiquepeuttoutautanttrefausse.Soitlaproposition:
Sia2=b ,alors a=2b .Lasubstitutiondelacomposante2nefaitpasvarierla
faussetdelaproposition.Cestunepropositionanalytiquefausse.
Ainsi, pour Bolzano, Un clibataire est un homme nonmari serait une
propositionidentiquesanscontenudeconnaissancepropre,unesimpleinstancedelavrit
synthtique:ToutAquiab,ab.29
27 Exemple repris de Bruno Leclercq, Les fondements phnomnologiques de la rationalit logicomathmatiques,paratre,p.6.
28 ExemplereprisparProust,op.cit.,p.12729 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.163.
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QuellienpeutonencoretablirentreKantetBolzano,auvudeladistorsionimpose
parceluiciauxnotionsdanalyticitetdesynthticit?Lesvritssynthtiquesgnraleset
fondamentales,dutypedecellesprsentescidessus,peuventellestrecomprisescomme
despropositionssynthtiquesapriori?Laquestionneseposepas,pourBolzano,entermes
dantrioritoudeposterioritlexprience30.Commentonenestarrivuneproposition
importepeu,leproblmedurapportlexprienceestrenvoylapsychologie.Ilsubstitue
la distinction entre a priori et a posteriori, une distinction portant sur les ides en soi,
indpendantesdetoutsujetpensant.Uneideoureprsentation(ensoi)est conceptuelleou
elle est intuitive. Si sa comprhension est simple et son extension singulire, cest une
reprsentationintuitive;danstouslesautrescas,cestunconcept.Ainsi,Dieuetpoint
sont des concepts, lun parce quesa comprhensionest complexe, lautre parce queson
extension est multiple. Cette distinction entre concept et intuition (qui ne sont pas des
reprsentationsmentales)permetdedfinirlapropositionconceptuelle(etparconsquentles
propositions de la logique) : uneproposition est conceptuelle si elle necontient quedes
concepts.Parcettequestion,onmesureladistancequilyaentreKantetBolzano,distance
priseparleretourunepositiondogmatique.
Enunsenstoutefois,BolzanopeuttrerapprochdeKant,pourquilanalyticittait
secondairecardpourvuedecontenu.Bolzanoeneffet, toutenoctroyant laproposition
analytiqueuncontenu,lasecondarise:ellenefaitquhriter lecontenudelaproposition
synthtiqueplusgnralequilafonde.Lanalyticitleibniziennetaittriomphante:clde
toute rationalit et terme de toute dmonstration. Celle de Kant tait enferme dans la
rptition formelle de la pense dentendement. Celle de Bolzano est la modeste et
besogneusemessagredesvritsplushautes.31
3.Leconceptcommefonction
FregegardedeBolzanolidedunrgnedevritsindpendantesetsinscritainsi
30 CfBrunoLeclercq,Lesfondementsphnomnologiquesdelarationalitlogicomathmatiques, op.cit.,p.61.
31 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.178
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dans le mouvement prcritique dans lequel stait dj engag son prdcesseur. Les
Fondements de larithmtique sont les lois logiques gnrales32 : la connaissance est
reconnaissancedunordredevritsprdonnes.AvecFrege,lalogiquegnralereprendce
que Kant avait donn la logique transcendantale : un contenu, et lanalyticit devient
constructive. Lidographiefrgenne(lcritureconceptuelle) vise rendrecomptedece
contenu. Ce langagerform transformeles raisonnements encalculs et lintuition enest
bannie:cestleprojetleibnizienquiestrepris.
LesFondementsdelarithmtique
LanalyticitestaucurduprojetlogicistedeFregedefonderlarithmtiquesurla
logique.Maislesdfinitionsdanalyticit,desynthticit,daprioricitetdaposterioricitse
voientdenouveaumodifies.SiBolzanoabandonnaitladistinctionaprioriaposteriorila
psychologie, Fregelareprend. Ladistinctionentrepropositions apriori etpropositions a
posteriori recouvrechezFregeladistinctionentrepropositionsrductiblesetirrductibles
desloisgnrales33.Lespropositionsaposteriorinepeuventtrecompltementrduitesdes
loisgnrales:Pourquunevritsoitaposteriori,ilfautquelapreuvenepuisseaboutir
sansfaireappeldespropositionsdefait,cestdiredesvritsindmontrableset sans
gnralit, desnoncsportantsurdesobjetsdtermins.34Ladfinitiondelaprioricit
estlacontraposedelaprcdente:Siaucontrairelontirelapreuvedeloisgnralesqui
ellesmmesneseprtentpasunepreuveninenrequirent,lavritestapriori.35Dans
le champ des propositions a priori, Frege introduit la distinction analytiquesynthtique
commesuit : Silonnerencontresursoncheminquedesloislogiquesgnralesetdes
dfinitions, onaunevrit analytiquetantentenduqueloninclutdanscecompteles
propositionsquiassurentlebonusagedunedfinition.Enrevanche,silnestpaspossiblede
32 LesFondementsdelarithmtique,op.cit.,Introduction,p.IV.Jesouligne.33 Jolle Proust distingueentre propositiondmontrable et indmontrable. Jai prfr employer le couple
rductibleirrductiblepourviterlaconfusionquepeutgnrerlepremier,quandonlitletextedeFrege.Eneffet,lesvritsaposterioripeuventaussitreprouves,maisdansleurcaslapreuvenesecontentepasdesappuyersurdesloisgnralesquineseprtentpasunepreuveninenrequiert(Cf.LesFondements delarithmtique,op.cit.,3,p.4).
34 Ibid.,3,p.4.35 Ibid.
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produireunepreuvesansutiliserdespropositionsquinesontpasdelogiquegnrale,mais
concernentundomaineparticulier,lapropositionestsynthtique.36
Lespropositionsanalytiquesdoiventtredrivablesdaxiomesgnrauxquisoient
des propositions de logique gnrale et non des axiomes concernant un domaine
particulier37, ce qui serait le cas de propositions synthtiques a priori. La distinction
synthtiqueanalytiquereposevisiblementsurladistinctionentredeuxtypesdegnralits,
lune sur unegnralit relative38, interne undomaine, et lautre sur unegnralit
absolue,cesvritsvalantcommeconditionsuniversellesdelapenseengnral39.
Lesvritsdelapremireespcesontbientranscendantalespuisquellesconditionnent,dans
lecasdelagomtrie,lapensedunobjetdanslespace,maisellessontdterminesparceci
quellenergissentqueledomainedecequiestobjetdintuitionspatiale40;ellesnesont
pas des conditions de la pense en gnral. Frege admet donc avec Kant41 la nature
synthtique apriori despropositionsgomtriques42.Enbref,lespropositionsquivalent
pourlaralitphysiqueoupsychologique43sontempiriques,cestdireaposteriori,tandis
quelespropositionsapriorisontsoitsynthtiques,etdanscecasellessontrductiblesdes
axiomesdundomaineparticulier, soitanalytiques, auquelcasellessontrductibles des
vritslogiques,quisontdonnesparlvidenceetnontpastreprouves.
Pourprvenirtoutcontresens,ilfautprciserque,pourFrege,lappellvidence
nestdaucunsecours:tenirpourvraieslesloisfondamentalesdelalogiquenenousassure
en rien quelles sont vraies44. Frege ne garde que la valeur de symptme que lvidence
36 Ibid.37 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.24438 Ibid.,p.24539 Ibid.40 LesFondementsdelarithmtique,op.cit.,14,p.20.41 Il faut toutefois prciser, et cest vident dans les citations du 3 des Fondements cidessus, que les
dfinitionsdanalytique, desynthtique, dapriori etdaposterioriontt modifies parFrege.IlfautladmettrecontreFregeluimmequiassuredanslemmetextenepascherchermodifierlesensdecesexpressions,etaffirmeviserprcismentcequedautresauteurs,Kantenparticulier, ontvouludireparl.(Ibid.,3,note1,p.4)
42 Enqualifiantlesvritsgomtriquesdesynthtiquesetapriori,[Kant]advoilleurvritablenature.(Ibid.,89,pp.101102)Ilsagitbienentendudesvritsde laseulegomtrie euclidienne.Lapenseconceptuellepeutsenaffranchirdunecertainemanire,lorsquelleposeparexempleunespacequatredimensionsoucourburepositive.Detellesconsidrationsnesontnullementdpourvuesdusage,maisonaquittlesoldelintuition.(Ibid.,14,p.20)
43 Ibid..44 cesujet,Wittgensteincritdansle Tractatus quilestremarquablequunpenseuraussirigoureuxque
Frege ait fait appel au degr dvidence commecritre de la proposition logique. (Tractatus logicophilosophicus(1922),trad.G.G.Granger,Gallimard,1993,6.1271)Cetteremarquepremptoiredvoilede
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possde.Lejugementnepeuteneffetrendrecomptedecequifait dunepropositionun
axiome puisque la loi est condition de possibilit du tenirpourvrai, du penser et de la
dduction, et par consquent du jugement luimme. Frege doit donc poser les axiomes
commeindmontrables:danslecasdesloislogiques,ilssontcequiconstituelidemmede
dmonstration.Laparticularitdelalogiqueetdesesaxiomes,parrapportauxaxiomesdes
sciencesparticulires,estdouble45.Premirement,lalogiqueestnormative,elleprescritcequi
estncessairepourpouvoirpenseralorsquelesautressciencesconoiventlarglecomme
rgularit. Les axiomes logiques sont conditions de possibilit et normes de la pense.
Deuximement,lobjetspcifiquedelalogiqueestlevrai.Pourcequiconcernelesaxiomes
des sciences particulires, Frege les considre comme les vrits indcomposables
constitutivesdunobjetdesciencedtermin46.
Unlangageformulairedelapensepure
La rforme du langage que Frege entend mener se fonde sur le constat dun
fourvoiement de la part des logiciens. Ils ont t tromps par lapparence tripartite de la
proposition, dcompose traditionnellement en un sujet, une copule et un prdicat. La
grammaire des langues naturelles masque la vritable structure logique de lnonc. Les
logiciens traditionnels nont pas vu que les structures qui soustendent les noncs de la
langueordinairesontlesmmesquecelles,plusvisibles,desquationsetdesexpressions
mathmatiques:lapropositionestenralitbipartite.Larticulationlogiquefondamentalede
toute proposition est celle dune fonction (un concept) et dun argument (un objet). Un
conceptestunefonctionquiprendpourargumentslesobjets dumonde.Ainsisature,la
fonctionsevoitattribueunevaleurdevritpourchaqueobjetdumonde.Lextensiondun
concept est formede tous lesarguments pour lesquels la proposition dnote le vrai. Le
tableau suivant, tabli par Frege47, rassemble les lments qui doivent guider la
lapartdeWittgensteinunecertainetendancecaricaturerlespositionsdesesprdcesseurs,quandillesnomme.
45 Cf.Proust,p.25246 Proust,p.24847 DansunelettreHusserldu24mai1891,inProust,p.196.Ilestremarquerquelestermesconceptuels
nont pas pourdnotationuneextensionmais unconcept. Le termeconceptuel possdeunsenset une
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Begriffsschrift. Silesformulessontbiencrites, lesnomspropresetlesconceptsontune
dnotation et les propositions ainsi construites livrent ltat duvrai : lanalyticit devient
fconde.
Proposition Nompropre Termeconceptuel
Sensdelaproposition(Pense)
Sensdunompropre Sensduconcept
Dnotationdelaproposition(valeurdevrit)
Dnotationdunompropre(objet)
Dnotationduconcept(concept)
objetquitombesousleconcept
Lefondement de tout ldifice deFrege, condition depossibilit de toute la drivation
smantique subsquente48 est le postulat selon lequel les noms de valeurs de vrit
dnotentquelquechose,cestdirelevraietlefaux.49Levrainepeutdoncpastreniune
conventionniunrsultat.Lesaxiomesdelalogiquesontnoncontradictoiresparcequilsont
vrais.
RsumonslesrapportsdeFregeavecsesprdcesseurs,enloccurrenceBolzanoet
Kant. Frege cherche montrer que larithmtique est fonde sur des vrits logiques
fondamentalesquisedveloppent.Ilnefautpascomprendrecesaxiomesdedpartcommeun
ensemble dhypothses arbitraires mais comme un corps primitif des propositions
absolumentvraies50.Ilslguentausystmeleurvrit,enladiffusantauxpropositionsqui
en sont dductibles. Les axiomes sont pralables lanalyticit. Lanalyticit est donc
secondairepourFregecommepourBolzano.AvecBolzanoetcontreKant,Fregereconnat
uncontenulalogique(gnrale danslaterminologiekantienne).Ellenestpaspurement
formelle:ilyadespierresdefondation,lesobjetslogiques,rsidusdesoprationsde
substitution,tellesquelevraietlesconnecteursvrifonctionnels,quiassurentlafcondit
retrouve de lanalytique. Pour ce faire, il opre le mme dplacement que Bolzano :
lentendement kantien produisait les catgories, lentendement frgenest produit par les
penses objectives. Comme Bolzano, Frege dplace les conditions de possibilit de la
dnotationentantquinsatur.Ilnestpasncessairequedesobjetstombentsouslui.48 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.21049 GottlobFrege,GrundgesetzederArithmetik,Begriffsschriftlichabgeleitet,I,31,48inibid.,p.21050 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.241.
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connaissancedusujetconnaissantlobjetconnu.Cedplacementpeuttreconsidrcomme
un mouvement dogmatique51. Le penser dpend de lexistence dun monde objectif et
indpendantdeGedankenetdednotations.LesujetrationnelestleffetdecetordreduVrai,
distinctdu tenirpourvrai.Laconnaissanceestunereconnaissanceduvrai. Ladiffrence
entreBolzanoetFregersidedanslesmoyensdaccdercettereconnaissance:lepremier
parlalangueordinaire,lesecondparlebiaisduneidographiecommeinstrumentsuprieur
aulangage.52
LadettedeFregeenversKantrsidedanslefaitdeposerlaquestiondusavoiren
termesdeconditionsdepossibilit, danslarecherchedefonderlalgitimit delascience
constitue. Fregechercheende dupouvoirdeconnaissance apriori tudi parKantle
systmedevritsquilefonde.Fregemodifieainsilesensdeconditionsdepossibilit,quine
peuventplustreconuescommedesformesetdesconceptspursdunsujettranscendantal:
ilyaunescience,lalogique,quiestrigoureuseetfconde,ilfautdoncquellereposesurla
nature indpendante du vrai qui est lorigine de lesprit humain luimme comme
raison.53Sansledomaineorganisqueconstituentlesvritsfondamentales,ilnyaurait
pas de pense. Ceci illustre nouveau le renversement ontotranscendantal de la
perspectivetranscendantalekantienne,quiconsisteposerlesconditionsdepossibilitdela
connaissancedansunrgneobjectifdevritsuniverselles,valantcommerfrentielabsolu
et constituant unrservoir depensesdavancedtermines et soustraites audevenir.
Lanalytiqueretrouveainsiunpouvoirdextensiondelaconnaissance. Lapriori frgen
sest affranchi de tout rapport au sujet. Le sujet devient produit dun apriori originaire
indpendantdetoutprocessusdeconnaissance.54 Cenestpluslafacult deconnatrequi
tablitlobjectivitduconnu.Larationalitnestpluscelledusujetmaiscelledelachose
51 Le dplacement provient, me sembletil, de ceci: Frege considre que les fondements ultimes de laconnaissancesontlessoubassementsdesvritsarithmtiques.PourKant,lespropositionsdelarithmtiquesont des propositions synthtiques a priori. Dans cette perspective, les fondements ultimes de la connaissancedoiventsetrouverdansunsujettranscendantalquioprelasynthse.MaisFregerefuseKantlideduneintuitionpure, laquelleil fautfaireappelpourdciderquelesloisdelarithmtiquesontsynthtiquesapriori(cf.LesFondementsdelarithmtique,op.cit.,11,p.18).RiennempcheplusalorsFregededplacer les fondements derniers de la connaissance vers unmondeobjectif. Cest l le gesteontotranscendantal de Frege au sujet duquel on est en droit de se demander en quoi il est encore transcendantal.
52 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,pp.25425553 Ibid.,p.256.54 Cf.Ibid.,p.262
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mme55.
4.Carnap:lesommetdulogicisme
Dans Der logische Aufbau der Welt (1928), Carnap reprend lattaque contre les
jugements synthtiques a priori entame par Frege sur le terrain de larithmtique et
prolongeparRussellsurceluidelagomtrie,poursenprendrelensembledessciences.
Ilsagitdedmontrerquelesconceptsempiriquesdessciencessontdrivablesdedonnes
dobservationpardesconstructions logiques. Lespropositionssynthtiques apriori nont
plusaucuneutilitnisignification,puisquetoutestdrivabledeloislogiquesfondamentales
etdedonnesempiriques.Ilsagiradedmarquerclairementcequidanslascienceestdu
ressortdelalogiqueetcequiestduressortdelempirique.Lasyntaxedoitpouvoirrendre
compte de tout langage, elle nest pasautre choseque la mathmatiquedes formesdu
langage.56Lelogicismeatteintsontpointculminant.
Tout nonc pourvu de sens est soit analytique et a priori, soit empirique et a
posteriori.LesquestionsmtaphysiquesserduisentpourCarnapdesquestionsdelangage.
Les questions dexistence sont soit des questions scientifiques, questions internes une
sciencequipeuventrecevoirunerponsedanscecadre,soitdesquestionsdeconventions
linguistiques,questionsexternesquiportentsurlecadreetlacommoditdyemployertelle
ou telle entit. Avec le Cercle deVienne, la logique tient dsormais toutes les fonctions
assumes auparavant par le transcendantal : la distinction analytiquesynthtique concide
maintenant compltement avec la distinction a priori/a posteriori. La fonction
architectoniqueetconstitutivedesformesaprioridelintuitionetdesconceptspurssetrouve
ainsireprisedefactoparlalogique.57.Maiscenestplustoutfaitlammeconceptionde
la logiquequecelle de Bolzanoet Frege: pour Carnap, la logiqueest sans contenu, le
contenudunepropositionanalytiqueestnul58.Lalogiqueestcoupedetoutfondement
55 Ibid.56 R.Carnap,Leproblmelogiquedelascience,inActualitsscientifiquesetindustrielles,vol.291,Paris,
Hermann,1935,p.15.57 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.274.58 RudolphCarnap,Leproblmelogiquedelascience,inActualitsscientifiquesetindustrielles,vol.291,
Paris,Hermann,1935,p.14.
42
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ontologique,ellenestquinstitutionconventionnelledesignes:Lalogique(mathmatique
comprise) ne consiste que dans des conventions qui rgissent lusage des signes et en
tautologies sur la base de ces conventions.59 Carnap rejette du mme coup la thse
transcendantale qui plaait dans le sujet transcendantal les conditions depossibilit de la
connaissanceetcellequalifieparProustdontotranscendantale,celledeBolzanoetFrege
qui les plaaient dans un rgne indpendant designifications. ChezCarnapcommechez
Frege,lapossibilitdelaccordintersubjectifrsidedansluniversalitdesrapportsformels
quiorganisentlescontenusdelascience,puisquelabaseempirique,lexprienceprivedela
sensationestpardfinitionincapabledenfournirlesupport.60Cesontlesrelationsquisont
publiquesetnonlestermes.IcialieuledplacementparrapportFrege:cestlelangage
commun, et nonunrgneobjectif et indpendant, qui soutient luniversalit des rapports
formels:lalogiqueestlacise61etsavritnereposequesursaforme.
AvecCarnap,luniversalitduvrai(lesvritsensoipourBolzano,lesloislogiques
pourFrege)estremplac parluniversalit desrglesdelasyntaxe.Lalogiqueformelle
assure dsormais, silencieusement, la fonction transcendantale, au sens o elle fournit la
conditiongnrale apriori quirendpossibleunlangagedelascienceengnral.62La
syntaxe expose les conditions depossibilit des sciences. Ladmarchereste aufond, dit
Proust,comparablecelledeKantausensoilsagitdepartirdessciencesconstitueset
denidentifierlesconditionsdepossibilit.Ilsagitdemettreaujourlesfondementsdela
rationalitetleslimitesdelaconnaissance.CommeBolzanoetFrege,Carnapdissociecet
examen du pouvoir subjectif de connatre. Il y a un medium objectif que le connatre
supposedj63,etcemedium,avecCarnap,prendsafonctionaucurdulangage.
Pour Bolzano, on la vu, le vrai a un contenu : ce sont les vrits synthtiques
gnrales qui fondent lesvrits analytiques, cellesci tant des instances decellesl. La
59 RudolphCarnap,DerlogischeAufbauderWelt,107,150inJolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.275.
60 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,pp.296297.61 Ibid.,p.268.62 Ibid.,p.407.63 Ibid.,p.408.
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propositionanalytiqueauncontenuquelleempruntelapropositionsynthtiquegnrale
quiluicorrespond.PourFregeaussi,lapropositionanalytiquehritesoncontenuetsavrit
duncorpsdobjetslogiquesfondateur.PourCarnapaucontraire,lerlefondateuresttenu
pardesrglesstrictementformellesetdpourvuesdecontenu,rglesquisemontrentdansles
expressionslinguistiquesetquisontlesconditionsdepossibilitdelarationalit.Lalogique
delasciencedlimitelepensable.
Nous avons pu constater le renversement du geste kantien, le dplacement des
conditionsdepossibilitdelaconnaissanceverslepleobjet,dansunrgnedepropositions
en soi pour Bolzano et Frege, au cur du langage pour Frege. De Kant Carnap, la
proposition synthtique a priori est vince. Toute proposition pourvue de sens est
maintenant,pourCarnap,drivabledesloislogiquesetdesdonnesempiriquesauxquelles
elles sont appliques. La logique, dpourvue en ellemme de contenu, est telle une
machinerie que lon couple aux donnes des sens pour former des propositions dont la
rectitudelogiqueestainsiassure.
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CHAPITREIIILEPREMIERWITTGENSTEIN
Ce chapitre introduira le Tractatus logicophilosophicus, ouvrage dans lequel la
logiquetientlerlecentraletoleprojetdeFregeest, mutatismutandis, reconduit.Nous
verrons comment, en mme temps quil sinscrit dans la suite du travail de Frege,
Wittgensteinsendmarque(cequiinfluenceraletravaildeCarnap)maisgalementquela
pense de Wittgenstein ne pourra tre telle quelle associe au Cercle de Vienne. Nous
suivronsensuitesonvolutionpourtenterdtablir,danslequatrimechapitre,cequipeutle
rapprocher de Kant. Le fil conducteur de cette tude est tiss des deux distinctions :
analytiquesynthtiqueetaprioriaposteriori.Cependant,afindepntrerplusavantdansla
pense de Wittgenstein, il faudra sen carter frquemment. Les louvoiements seront
invitablesetinstructifscarWittgensteinremetsanscessesonouvragesurlemtieretpose
sur ses affirmations antrieures unconstant questionnement qui le conduira notamment
renoncerauprojetillusoireduTractatus.
1.LalogiquedansleTractatus
Dans la pensedecelui quil est convenudappeler le premier Wittgenstein, trois
espacesontlammestructure:lemonde,lapenserationnelledumondeetlelangage,dont
les lments simples sont respectivement les faits, la proposition (Gedanke pense
propositionnelle)etlnoncpropositionnel.Lemondeestlensembledesfaits.Lapenseest
limage(Bild)logiquedesfaits.Limage,dontlastructure,cestdirelinterdpendancedes
lmentsquilacomposent,estlammequecelledumonde,estcommeunerglegradue
applique la ralit1. Il y a entre limageet la ralit uneformecommunequiest la
possibilitdelastructure,cequelimageaencommunaveclaralitpourlareprsenter,
cestdiresaformedereprsentation.Maissaformedereprsentation,limagenepeutla
reprsenter;ellelamontre.2
1 Tractatuslogicophilosophicus,op.cit.,2.1512.2 Ibid.,2.172.
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Lapropositionestuneimagedelaralit.Laformelogiqueestcequiestcommunla
ralit etlaproposition,etcequirendpossibletoutepropositionsurlaralit. Maisles
propositionsncessairesquesontlespropositionsdelalogiquenepeuventriendiresurle
mondecarcequi sexprime dansla langue, nous nepouvonsparelle lexprimer3. La
logiquetient lieu dapriori ; soncaractre apriori tient limpossibilit derienpenser
dillogique4.Lespropositionsdelalogiquesontdestautologies.5Lestautologiesnontpas
deconditionsdevrit6etencesens,ellesnesontproprementparlernivraiesnifausses
car,pourWittgenstein,lespropositionsdontonpeutdirequellessontvraiessontcelles
proposdesquellesonpeutsimaginerlecontraire,cellesquifigurentunesituationpossible.
Lestautologiesnentretiennentaucunerelationdefigurationaveclaralit.7 Ellesnen
figurent que lchafaudage. Leur connexion au monde rside dans le fait quelles
prsupposentquelesnomsontunesignification(Bedeutung)etlespropositionslmentaires
unsens(Sinn).8 Lepointdcisifausujetdespropositionslogiquesestquequelque
choseproposdumondedoitnoustreindiquparlacirconstancequecertainesconnexions
desymbolesquiontparessenceuncaractredterminsoientdestautologies.9
Uneproposition que lonne peut concevoir commefaussenest pas un jugement
strictosensu.Lespropositionsdelalogiquenedisentdoncrien.(Cesontlespropositions
analytiques.)10Ellessontlesseulespropositionsncessaireset apriori.Lestautologiesne
disentriensurlemondemaisellesmontrentlesprincipesdelarationalit.Etcestencelaque
la logiqueest unescience tout fait diffrente de toutes les autres qui, elles, parlent du
monde. Que les propositions de la logique soient des tautologies montre les proprits
formelleslogiquesdelalangue,dumonde.11Lecouplediremontrersarticuledansle
Tractatusladiffrencedestatutlogiquequilyaentrelespropositionsempiriquesetles
propositionsdelalogique12.Cellescinexprimentaucunepense,ellessontlesconditionsde
3 Ibid.,4.121.Voiraussi4.12:Pourpouvoirfigurerlaformelogique,ilfaudraitquenouspuissions,aveclaproposition,nousplacerendehorsdelalogique,cestdireendehorsdumonde.
4 Cf.ibid.5.4731.5 Ibid.,6.1.6 Cf.ibid.,4.461.7 Cf.ibid.,4.462.8 Ibid.,6.124.9 Ibid.,6.124.Jesouligne.10 Ibid., 6.11. Nous reviendrons sur cette caractrisation, commecelle de la proposition 6.13, au chapitre
suivant.11 Ibid.,6.12.12 Ilserviraaussidepointdappuilextensiondelalogiquelagrammaire:Ladiffrenceentredireet
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possibilitdedirequelquechosesurlemondeetconstituentlatramesurlaquellepourront
tredessineslesreprsentationsdumonde.Lalogiqueesttranscendantale.13cestade,
seuleslespropositionsdelalogiquefonctionnentcommedesrgles14.
2.AccordsetdsaccordsavecFrege
LaphilosophiecommethrapeutiqueLasyntaxelogique
Le Tractatuslogicophilosophicus sinscritclairementdanslalignedeFregeetde
Russell.Ilenreprendlidequelalogiqueconstituelecadredetoutepenseetcelleselon
laquelle ilestpossibledanalysercompltementtoutepropositionafindeluiassignerune
valeurdevrit.cettefin,ilsagiradedbarrasserlaphilosophiedesconfusionsdontelle
estpleineetquinaissentdunemauvaisecomprhensiondelastructuredelalangueusuelle.
Lunedecesconfusionsest,parexemple,cellequiestgnreparlemploidumotest,
apparaissanttanttcommecopule,tanttcommesignedgalit,tanttcommeexpressionde
lexistence. Le problmeest ici quunmmesigne (le mot est en tant quinscription
perceptible)appartientdessymbolesdiffrents(lesymboletantlesigneentantquilest
projetsurlaralit)etquelemotdnotedeplusieursmanires.Ilgnreainsidessymboles
diffrents, et la confusion vient de ce quil est employ dans la proposition de la mme
manire.15 Lexamen de la signification du mot ist rvle la possibilit dune langue
symboliquequi met envidencela diffrenceentre DieRodeist rot,o ist peuttre
remplacpar,et2mal2ist4quiquivaut2mal2=4.16
montrerestladiffrenceentrecequelelangageexprimeetcequirsidedanslagrammaire.(S