Chez le maïs de grande culture, il
semblerait que le gène qui inhibe la
transformation du sucrose en amidon ait
pu apparaître à des intervalles peu
fréquents après l'introduction du maïs
en Amérique du Nord. Le maïs doux
mexicain, un parent proche du maïs doux
d'origine précolombienne, a été cultivé
pour le sucre avant l'introduction de la
canne à sucre et du sorgho. Les Indiens
ont utilisé le maïs doux, dans certaines
cérémonies et l’auraient transmis de
génération en génération. Cependant, en
raison de la baisse de son rendement1,
le maïs de grande culture restait un des
piliers de l'alimentation indienne.
Dans le New England Farmer du 03 août 1822, un
article signé Plymotheus suggère qu’en 1779,
Richard Bagnall, un officier qui accompagnait le
général Sullivan lors de l’expédition contre la
coalition des Six Nations Indiennes, aurait
recueilli des graines de « papoon » alors qu’il
avait été envoyé pour détruire les
approvisionnements alimentaires des Iroquois dans
la vallée de Susquehanna. Il aurait ensuite
introduit ce « papoon », du maïs doux, en
Nouvelle-Angleterre.
On ne rencontre cependant la première référence
certaine à l'existence du maïs sucré, en tant que
variété bien distincte du maïs fourrager, qu’en
1810 dans le Garden Book de Thomas Jefferson qui
le mentionne sous le nom de « shriveled corn »,
maïs ratatiné. Le maïs doux possède en effet, parmi
ses caractères, un grain très ridé et translucide.
En 1821, le maïs doux semble bien installé dans
les us alimentaires des habitants de la Nouvelle-
Angleterre car Timothy Dwight, un des premiers
« touristes » américains, en parle comme d’un
légume dans son ouvrage Travel Letters. Alors
qu’il visite la région de New Haven, dans le
Connecticut, il écrit que « Le maïs du type appelé
maïs sucré est le légume le plus délicieux de tous
les pays connus2».
1 Le maïs est allogame et anémophile et exige donc de
grandes distances d’isolement de 3 à 5 kilomètres entre
les différentes variétés afin d’éviter les hybridations.
De plus, 500 porte-graines sont nécessaires au maintien
de l’entièreté du patrimoine génétique d’une variété.
Ceci explique sans doute la difficulté qu’avaient les
amérindiens à maintenir leur maïs doux.
En 1825, le maïs « sweet or sugar » possède une
popularité suffisante que pour être digne de
figurer dans le catalogue du semencier Thorburn de
New York, mais sans mention d’une variété
particulière.
Catalogue THORBURN, New York, 1825, 8.
En 1833, le catalogue du semencier Prince de New
York, rédigé en français, propose le maïs « Blé de
Turquie … ridé et sucré, le meilleur pour
bouillir ».
Catalogue PRINCE, New York, 1833, 1.
En 1846, lors de sa dix-huitième exposition
annuelle, la Massachusetts Horticultural Society
décerne la première récompense connue « Pour le
meilleurs et le plus hâtif des maïs doux, pas moins
de douze rangs, à J. Crosby, pour le 2e meilleurs,
à J. Mann, jr.3 ». En 1852 et 1860, six variétés
sont décrites dans les catalogue Comstock, ferre
& Co de Wethersfield dans le Connecticut et de
2 « maize of the kind called sweet corn is the most
delicious vegetable of any known in this country ». 3 Transactions of the Massachusetts Horticultural
Society, vol. I, Boston, Ticknor, 1847, 193 : « For the
best, and earliest Sweet Corn, not less than twelve ears,
to J. Crosby, for the 2d best, to J. Mann, jr. »
Fiche Technique
Maïs doux
Les origines
Benjamin K. Bliss de Springfield dans le
Massachussetts.
Catalogue COMSTOCK, FERRE & co, Wethersfield, 1852, 27.
‘Early Mammoth’, une
des premières
variétés de Maïs
doux. Elle est déjà
présente dans le
catalogue COMSTOCK,
FERRE & Co de 1852.
Détail d’une gravure
du catalogue
ZIMMERMAN, Topeka,
Kansas, 1908. Cette
variété est proposée
par Vilmorin dans
son catalogue de
1904, 399 : « Le M.
Mammoth, qui est
encore plus tardif,
est remarquable par
la grande longueur
de ses épis, bien
garnis de gros
grains blancs. »
Catalogue Benjamin K. BLISS, Springfield, Mass., 1860,
52.
Le maïs doux et l’industrialisation
Dès 1830, Isaac Winslow de Portland, dans le Maine,
expérimente sur la mise en conserve et en 1843,
installe une fabrique commerciale. En 1852, il
dépose ses premiers brevets pour un « processus
amélioré de conservation du maïs vert ». Malgré
des enregistrements de ventes, cette première
entreprise sera un échec. En 1860 dans l’Ohio,
Thomas Duckwall est le premier à installer une
conserverie de légumes à Locust Corner, près de
Cincinnati et le maïs doux figure rapidement parmi
sa gamme de légumes. Par la suite, le maïs doux
appertisé connaîtra rapidement un succès important
auprès des consommateurs américains.
En France
En 1856, Vilmorin fournit ces informations à
propos du « Maïs sucré » : « Plante de 2m, assez
tardive ; épi long de 0m,16 à 0m,17 ; grain blanc
verdâtre, plat, ridé et glacé, très sucré […] Cette
variété, trop tardive pour mûrir sous notre
climat, est celle qui est préférée aux Etats-Unis
pour manger en guise de petits pois ; il existe
des sous-variétés qui ne diffèrent pas très
sensiblement de celle-ci ».
Les éditions de 1883 et de 1904 proposent quelques
variétés :
« Le M. hâtif du Minnesota, plante de 1 mètre à
1m,20, très précoce.
Le M. hâtif de Crosby et le M. hâtif à huit rangs,
un peu plus grands que le Minnesota et à épi plus
allongé, mais d’une dizaine de jours moins hâtifs.
Le M. Concord, plante plus forte, d’excellente
qualité.
Le M. sucré toujours vert (Stowell’s evergreen),
plus tardif, mais à production soutenue et
conservant ses épis plus longtemps tendres et
délicats.
On cultive encore le M. early Narraganset, dont le
grain mûr est rougeâtre, et le M, sucré du Mexique,
qui a le grain noir. »
La variété ‘Stowell’s Evergreen’ ou ‘Sucré
toujours vert’ à grains blanc crème, est toujours
commercialisée de nos jours en bio (Germinance,
Sativa). Elle fut sélectionnée en 1848 par
Nathaniel Newman Stowell de Burlington, New
Jersey, par croisement entre les variétés
‘Menomony’ et ‘Northern’ et a été commercialisée
par le semencier Grant Thorburn & Co. en 1856.
Elle est toujours considérée aux USA comme la
meilleure de toutes les variétés de maïs sucré
blanc à pollinisation libre. Ce maïs mûrit
lentement et les grains restent au stade tendre
pendant une longue période avant de transformer
leurs sucres en amidons.
BIBLIOGRAPHIE
ANDREWS Richard A., A study of the Sweet Corn
Industry in the Midwest Farm Economy, University
of Minnesota, Agricultural Experiment Station,
1959, 7.
MUNRO Derek B., & SMALL Ernest, Les Légumes du
Canada, CNRC-NRC, Ottawa, 1998.
SAUER, Carl, Agricultural origins and dispersals,
New York, American Geographical Society, 1952, 64-
69.
Catalogue OLDS, Clinton, Wis., 1908, 52.
Fiche réalisée dans le cadre du projet « Réseau Meuse-Rhin-Moselle » rassemblant :
https://reseaurmrmsemences.com