Him,Maurizio Cattelan
Titre de l’Œuvre:
Nom de l’auteur (dates)
Support:
Domaine(s) artistique(s):Arts visuels
Him (lui),
MAURIZIO CATTELAN né en 1960
résine de polyester, cire, pigment, cheveux humains
et costume (101X41X53), 2001
Installation Fargfabriken, Stockholm, 10 février-8
avril 2001.
Biographie de l’artiste
Maurizio Cattelan est un artiste italien né à Padoue en 1960.Il vit et travaille à New York. Ses œuvres,
souvent provocatrices, mêlent un humour noir à une réflexion sur la mort, la place de l’être humain dans le
monde et la société où il vit, la manipulation religieuse ou politique, les grandes catastrophes humaines du
XXème siècle. Il est aujourd'hui l'un des artistes contemporains les plus collectionnés. Il n'a jamais fait d'école
d'arts, c'est un autodidacte. Au tournant des années 70, Padoue, tranquille cité catholique, se transforme en
haut lieu de la culture subversive. L’agitation donne alors naissance à de multiples groupes contestataires
dont les fameuses Brigades rouges. L' Italie sombre lentement dans les années de plomb. Issu d'un milieu
populaire, il débute par toutes sortes de petits boulots, mais sans succès. Au début des années 1980 il se met
à fabriquer des petits meubles en bois, qu'il tente de vendre, ce qui lui permet d'entrer en contact avec des
personnalités du design comme Ettore Sottsass. Cette action lui permet de faire une petite percée dans le
milieu du design et de l'art contemporain. Il décide alors de trouver sa place et de faire parler de lui par la
provocation et les détournements, ou par la surprise: il plante des oliviers dans la cour d'institutions, présente
une autruche empaillée avec la tête enterrée dans le sol, se balade déguisé en figurine avec une tête géante de
Picasso...
«J’aimerais bien être assez bon pour penser à faire quelque chose de provocateur et pouvoir le faire. J’aimerais avoir une télécommande sur laquelle appuyer pour réaliser des œuvres de ce genre sur commande. Mais ça ne marche pas comme ça. J'aime l’idée des œuvres qui te prennent et te donnent un coup de poing dans le ventre. Je n’ai jamais rien fait de plus provocateur ni de plus impitoyable que ce que je vois tous les jours autour de moi. Au regard de l’actualité, mes œuvres ne sont pas cyniques. Elles sont seulement assez fortes pour réveiller le public."»
Maurizio Catellan
Introduction:
J’ai choisi de vous présenter l’œuvre Him de Maurizio Catellan
Il s’agit d’une sculpture artistique contemporaine hyperréaliste représentant en position de prière, Hitler, chef du parti
allemand nazi au pouvoir entre 1933 et 1945 et responsable du génocide juif.
Cette œuvre d’art a été réalisée par Maurizio Catellan. C’est un artiste italien né en 1960 à Padoue, issu d’un milieu
populaire, qui après avoir effectué plusieurs petits boulots, en vient à l’art contemporain en autodidacte.
L'art contemporain rassemble toutes les œuvres d'art postérieures à la 2ème Guerre Mondiale. Il vit entre Milan et
New-York.
Catellan est un artiste dont les œuvres sont très réalistes. Il souhaite marquer les esprits, il brave les sujets tabous,
cultive la provocation et n’hésite pas à devenir lui-même le sujet de ses œuvres.
Him date de 2001 et a été installée pour la première fois dans une ancienne usine de la banlieue de Stockholm (en
Suède).
A cette époque, les mouvements néo-nazis se multiplient un peu partout en Europe.
Dans un premier temps, je vous décrirai et commenterai plus précisément cette sculpture. Dans un second temps, je
vous présenterai la portée argumentative de cette œuvre.
Enfin, dans un troisième temps, je vous proposerai le prolongement que j’ai sélectionné et vous justifierai mes
choix.(Chaque apparition du symbole signalera un prolongement possible. Attention, d’autres liens peuvent être faits!)
I. Présentation générale. a-L’œuvre.
Cette œuvre a été installée au Fargfabriken de Stockholm en 2001, dans l’angle d’une pièce,
tournée, face au mur, tournant le dos aux visiteurs. Cette sculpture est une installation in situ, c’est-à-
dire que le lieu d’exposition fait partie de l’œuvre.
Cette dernière est une installation car elle envahit l’espace de représentation et invite les visiteurs
à déambuler autour d’elle pour en comprendre le sens.
Maurizio Cattelan choisit la plupart du temps pour cette œuvre des lieux où il pourra installer sa sculpture
face à un puits de lumière.
Dans le cas de l'usine à Stockholm, le lieu fait penser à une église: nef, piliers, architecture globale, vitrail
avec lumière...
En effet, en pénétrant dans la pièce, le visiteur pense apercevoir un enfant, à genoux. Il lui faudra
donc s’approcher de l’installation, tourner autour afin de se retrouver face à cette représenta
tion afin de découvrir l’identité de ce personnage et comprendre le titre de l’œuvre: Him.
Cette œuvre est façonnée à partir de résine de polyester et de composant humains ou réels
(cheveux humains, vêtements). Ce choix de matériaux accentue l’impression de réalisme qui
se dégage de cette installation. Him, représentant un petit Adolf Hitler agenouillé comme s'il priait. Cette
œuvre a été exposée durant un mouvement néo-nazi en Suède, afin de rappeler les horreurs qu'a causées le
nazisme. Elle est l'objet d'une controverse lors de son exposition à Varsovie en novembre 2012. Une
b. L’auteur.
Maurizio Cattelan est né en 1960 à Padoue (Italie). Il est issu d’un milieu populaire. Il exerce
tout d’abord divers petits emplois et travaillera même à la morgue (ce qui peut peut‐être expliquer son goût pour le macabre). Dès le début des années 80, il commence à produire
des meubles en bois qui lui offrent la possibilité d’entrer en contact avec des personnalités
du design. Il réussit à effectuer une petite percée dans le domaine du design et de l’art
contemporain. Il choisit alors de se faire connaître par la provocation, les détournements et
la surprise. Il mêle dans ses œuvres un humour noir distancié
à une réflexion sur la mort, la place de l’être humain dans le monde et la société où il vit,
la manipulation religieuse ou politique, les grandes catastrophes humaines du XX° siècle.
c. Contexte de réalisation.
Un demi‐siècle après la Seconde Guerre mondiale, le spectre d’Adolf Hitler hante encore le
monde et l’Europe. Certes, les anciens pays de l’Est se sont libérés du joug soviétique,
mettant un terme à une scission du monde née de la guerre de 39‐45 ; le libéralisme rend le monde moderne euphorique ; et la mondialisation naissante fait croire à une possible
fraternité universelle... Mais les nationalismes refont surface, les conflits militaires voient
s’affronter les grandes puissances mondiales, en Afrique et au Proche Orient notamment, et
la mondialisation rend finalement criantes les inégalités entre les peuples. De plus, le temps
qui passe fait parfois oublier les errements humains, et il semble nécessaire de raviver le
souvenir d’une Histoire qui s’efface avec ses survivants.
II. L’analyse de l’œuvre
a. Les premières impressions ne sont pas toujours les meilleures.
On semble tout d’abord, voir un petit personnage, un enfant, agenouillé, mains jointes : en prière.
Cette pose «intime» (du point de vue religieux). Nous incite à penser qu’il s’agit d’un personnage
tout à fait inoffensif (pur): son costume est soigné, cheveux disciplinés... On ne peut pas alors
deviner qu'il s'agit en fait d'une représentation hyperréaliste d'Hitler (qui lui -même a été un enfant.) c.f: Pauvre petit garçon, D. Buzzati.
Une œuvre qui déconcerte
Maurizio Cattelan met en scène Hitler, une des plus grandes figures du pouvoir et son geste religieux.
Le choix de présenter cette œuvre in situ la rend déconcertante puisque derrière la candeur, la vulnérabilité
et la puérilité de la silhouette de l’enfant que l'on croit voir dans un premier temps se cache le visage
d’Hitler.
Le spectateur éprouve donc à la fois surprise, déconcertement et effroi: il est littéralement choqué.
Il est d'autant plus surpris qu'Hitler est représenté dans un moment d'intimité religieuse; cette surprise est
renforcée par l’hyperréalisme de la sculpture.
b. La surprise.
Mais au fur et à mesure que le spectateur en fait le tour, il s’aperçoit alors que l’enfant porte en
réalité le visage du dictateur
A. Hitler.
L’effet de surprise est double : choc de se retrouver face à ce visage symbolisant le Mal ; incomp
réhension de voir l’un des symboles du mal en train de prier.
Cet effet de surprise est encore renforcé par les moyens plastiques mis en œuvre ici : sculpture en
cire hyperréaliste (c.f: Duane Hanson), qui reproduit avec une grande exactitude la peau humaine, l
es cheveux, les sourcils...
Avec cette œuvre, M. Cattelan semble mettre le spectateur en garde contre toutes les idéologies
susceptibles d’asservir l’être humain (ici, la politique et le religieux sont mêlés, non pas pour critiq
uer bêtement la politique et la religion, mais pour montrer que, lorsqu’ils sont instrumentalisés, ces
deux moyens qu’a l’être humain de s’élever et de mieux vivre avec luimême et les autres peuvent
devenir des outils de propagande).D’autre part, il met également en garde contre toute forme de si
mplification : avant d’être le « monstre » que l’on présente, Hitler est un être
humain, qui a été un enfant : pour Cattelan, peut‐être que l’origine de la folie du dictateur est à rechercher dans cette enfance (on pense ici à la nouvelle "Pauvre petit enfant" de Dino
Buzzatti dans le recueil Le K). L’une des conclusions que l’on peut en tirer, c’est qu’un «
monstre » sommeille peut‐être en chacun de nous, et qu’il importe à chacun de rester vigilant.
« Ce travail juxtapose le vulnérable, l’apparence d’innocence d’un corps de garçon avec la face de l’adulte Adolf Hitler, qui est perçu comme une des plus mauvaises personnes du 20ème siècle » 1. Description de l’œuvre
1.Une œuvre contemporaine hyperréaliste.
A-une œuvre à découvrir par étapes
«Him» est une sculpture datant de 2001, elle appartient donc à l’artcontemporain
(rappel: l'expression art contemporainqualifie les œuvres produites depuis 1945).
Cette sculpture de 101*41*53 cm, représente de loinun enfant de dos, à genoux.
Quand le spectateur s’approche, toujours de dos, il constate que cet enfant porte un véritable costume, des chaussures
et a de véritables cheveux.
Lorsqu'il fait le tourde la sculpture, il s’aperçoit simultanément que l’enfant a les mains jointes et est donc en train de
prier, mais aussi qu'il porte le visage d’Hitler: ce n'est plus un enfant.
B-une œuvre hyperréaliste
Dans ses sculptures, Maurizio Cattelan cherche à produire un effet de réel. Ici, tout est mis en œuvre pour le produire:
une taille vraisemblable
l'utilisation de la cire pour imiter la peau
utilisation de polyester pour le costume
vraies chaussures
utilisation de véritables cheveux.
Cette œuvre représentant Hitler dans un moment de prière est donc hyperréaliste.
2.Une œuvre qui provoque
L'association de ce visage symbolisant le mal et la mort et le geste de la prière peut être perçue comme une
provocation.
Pour rappel, Maurizio Cattelanest un artiste contemporain provocateur: il n'hésite pas à s'emparer des symboles sacrés
ou des sujets tabous (la mort) pour en faire son art.
«Him» a d'ailleurs été installée en plein ghetto de Varsovie, ce qui a été perçu comme une provocation.
3.Un titre qui questionne
Le titre «Him», «lui», a plusieurs interprétations:
Celui que l’on rejette s’adresse directement au personnage d’Hilter et le désigne entièrement responsable du
massacre de la seconde guerre mondiale >le Mal incarné (d'où la majuscule)
Cependant ce titre s’adresse également au spectateur: c’est lui et pas nous cherchant à nous déculpabiliser mais
surtout implicitement à nous renvoyer à notre propre comportement > l'autre, pas nous
Une autre interprétation du titre est également possible: avec une majuscule (Him), ce pronom représente Dieu.
Hitler, dans la lumière, adopte alors une sorte de sacralité ironiquement contredite par la taille de l’enfant, minuscule
et agenouillé.
4.Une œuvre qui délivre des messages
Avec cette œuvre, Cattelan met en avant le côté diabolique de l'homme au pouvoir et rappelle donc de manière
violente que le bien peut côtoyer le mal à des degrés différents, incitant le spectateur à se méfier des apparences . Plus
généralement, le bien peut aussi côtoyer le mal chez tout être humain.
Mais il nous met également en garde contre toute simplification: avant d’être le dictateur que l'on connaît, Hitler est un
être humain qui a été enfant. Le spectateur doit donc rester vigilant sur ce qu’il fait, dit ou pense sans toutefois retirer
au personnage sa cruauté.
En juxtaposant le politique et le religieux, l’artiste met en garde le spectateur contre toutes les idéologies qui
asservissent l’être humain.
Par cette œuvre, l’artiste bouscule les consciences afin qu’elles n’oublient pas l’Histoire: c’est ce qu’on appelle le
devoir de mémoire.
Enfin, en fonction des lieux dans lesquels cette installation est placée, elle prend d'autres sens différents mais qui bousculent toujours les consciences
M. Cattelan Conclusion:
Cette œuvre contemporaine et hyperréaliste est déconcertante car derrière la silhouette de l’enfant se cache le visage
d’Hitler.
Cette installation bouscule l’ordre établi. En effet, Catellan n’hésite pas à s’emparer des symboles sacrés et à
provoquer le spectateur en associant le mal et la mort au geste de la prière.
Cette œuvre perturbe les consciences par son titre, les différents messages qu’elle délivre mais également les différents
lieux dans lesquels elle est exposée.
De ce fait, bien que cette œuvre ravive le souvenir d’un épisode tragique de l’Histoire, Him questionne le spectateur
plus qu’autre chose.
III. Des ponts vers d’autres œuvres. a. Pauvre petit garçon, D. Buzzati.
Pauvre petit garçon! POVERO BAMBINO
BUZZATI, Le K, "Pauvre Petit garçon"
Comme d'habitude, Mme Klara emmena son petit garçon, cinq ans, au jardin public, au bord du
fleuve. Il était environ trois heures. La saison n'était ni belle ni mauvaise, le soleil jouait à cache-
cache et le vent soufflait de temps à autre, porté par le fleuve.
On ne pouvait pas dire non plus de cet enfant qu'il était beau, au contraire, il était plutôt pitoyable
même, maigrichon, souffreteux, blafard, presque vert, au point que ses camarades de jeu, pour se
moquer de lui, l'appelaient Laitue. Mais d'habitude les enfants au teint pâle ont en compensation
d'immenses yeux noirs qui illuminent leur visage exsangue et lui donnent une expression
pathétique. Ce n'était pas le cas de Dolfi; il avait de petits yeux insignifiants qui vous regardaient
sans aucune personnalité.
Ce jour-là, le bambin surnommé Laitue avait un fusil tout neuf qui tirait même de petites
cartouches, inoffensives bien sûr, mais c'était quand même un fusil ! Il ne se mit pas à jouer avec
les autres enfants car d'ordinaire ils le tracassaient, alors il préférait rester tout seul dans son coin,
même sans jouer. Parce que les animaux qui ignorent la souffrance de la solitude sont capables de
s'amuser tout seuls, mais l'homme au contraire n'y arrive pas et s'il tente de le faire, bien vite une
angoisse encore plus forte s'empare de lui.
Pourtant quand les autres gamins passaient devant lui, Dolfi épaulait son fusil et faisait semblant de
tirer, mais sans animosité, c'était plutôt une invitation, comme s'il avait voulu leur dire : « Tiens, tu
vois, moi aussi aujourd'hui j'ai un fusil. Pourquoi est-ce que vous ne me demandez pas de jouer
avec vous? »
Les autres enfants éparpillés dans l'allée remarquèrent bien le nouveau fusil de Dolfi. C'était un
jouet de quatre sous mais il était flambant neuf et puis il était différent des leurs et cela suffisait
pour susciter leur curiosité et leur envie. L'un d'eux dit :
« Hé ! vous autres !... vous avez vu la Laitue, le fusil qu'il a aujourd'hui ? »
Un autre dit:
« La Laitue a apporté son fusil seulement pour nous le faire voir et nous faire bisquer mais il ne
jouera pas avec nous. D'ailleurs il ne sait même pas jouer tout seul. La Laitue est un cochon. Et puis
son fusil, c'est de la camelote !
- Il ne joue pas parce qu'il a peur de nous», dit un troisième.
Et celui qui avait parlé avant :
« Peut-être, mais n'empêche que c'est un dégoûtant ! »
Mme Klara était assise sur un banc, occupée à tricoter, et le soleil la nimbait d'un halo. Son petit
garçon était assis, bêtement désœuvré, à côté d'elle, il n'osait pas se risquer dans l' allée avec son
fusil et il le manipulait avec maladresse. Il était environ trois heures et dans les arbres de nombreux
oiseaux inconnus faisaient un tapage invraisemblable, signe peut-être que le crépuscule approchait.
« Allons, Dolfi, va jouer, l'encourageait Mme Klara, sans lever les yeux de son travail.
- Jouer avec qui ?
- Mais avec les autres petits garçons, voyons ! vous êtes tous amis, non ?
- Non, on n'est pas amis, disait Dolfi. Quand je vais jouer ils se moquent de moi.
- Tu dis cela parce qu'ils t'appellent Laitue ?
- Je veux pas qu'ils m'appellent Laitue !
- Pourtant moi je trouve que c'est un joli nom. A ta place, je ne me fâcherais pas pour si peu. »
Mais lui, obstiné :
« Je veux pas qu'on m'appelle Laitue ! »
Les autres enfants jouaient habituellement à la guerre et ce jour-là aussi. Dolfi avait tenté une fois
de se joindre à eux, mais aussitôt ils l'avaient appelé Laitue et s'étaient mis à rire. Ils étaient presque
tous blonds, lui au contraire était brun, avec une petite mèche qui lui retombait sur le front en
virgule. Les autres avaient de bonnes grosses jambes, lui au contraire avait de vraies flûtes maigres
et grêles. Les autres couraient et sautaient comme des lapins, lui, avec sa meilleure volonté, ne
réussissait pas à les suivre. Ils avaient des fusils, des sabres, des frondes, des arcs, des sarbacanes,
des casques. Le fils de l'ingénieur Weiss avait même une cuirasse brillante comme celle des
hussards. Les autres, qui avaient pourtant le même âge que lui, connaissaient une quantité de gros
mots très énergiques et il n'osait pas les répéter. Ils étaient forts et lui si faible.
Mais cette fois lui aussi était venu avec un fusil.
C'est alors qu'après avoir tenu conciliabules les autres garçons s'approchèrent :
« Tu as un beau fusil, dit Max, le fils de l'ingénieur Weiss. Fais voir. »
Dolfi sans le lâcher laissa l'autre l'examiner.
« Pas mal », reconnut Max avec l'autorité d'un expert.
Il portait en bandoulière une carabine à air comprimé qui coûtait au moins vingt fois plus que le
fusil. Dolfi en fut très flatté.
« Avec ce fusil, toi aussi tu peux faire la guerre, dit Walter en baissant les paupières avec
condescendance.
- Mais oui, avec ce fusil, tu peux être capitaine », dit un troisième.
'" Et Dolfi les regardait émerveillé. Ils ne l'avaient pas encore appelé Laitue. Il commença à
s'enhardir.
Alors ils lui expliquèrent comment ils allaient faire la guerre ce jour-là. Il y avait l'armée du général
Max qui occupait la montagne et il y avait l'armée du général Walter qui tenterait de forcer le
passage. Les montagnes étaient en réalité deux talus herbeux recouverts de buissons ; et le passage
était constitué par une petite allée en pente. Dolfi fut affecté à l'armée de Walter avec le grade de
capitaine. Et puis les deux formations se séparèrent, chacune allant préparer en secret ses propres
plans de bataille.
Pour la première fois, Dolfi se vit prendre au sérieux par les autres garçons. Walter lui confia une
mission de grande responsabilité : il commanderait l'avant-garde. Ils lui donnèrent comme escorte
deux bambins à l'air sournois armés de fronde et ils l'expédièrent en tête de l'armée, avec l'ordre de
sonder le passage : Walter et les autres lui souriaient avec gentillesse. D'une façon presque
excessive.
Alors Dolfi se dirigea vers la petite allée qui descendait en pente rapide. Des deux côtés, les rives
herbeuses avec leurs buissons. Il était clair que les ennemis, commandés par Max, avaient dû tendre
une embuscade en se cachant derrière les arbres. Mais on n'apercevait rien de suspect.
« Hé ! capitaine Dolfi, pars immédiatement à l'attaque, les autres n'ont sûrement pas encore eu le
temps d'arriver, ordonna Walter sur un ton confidentiel. Aussitôt que tu es arrivé en bas, nous
accourons et nous y soutenons leur assaut. Mais toi, cours, cours le plus vite que tu peux, on ne sait
jamais... »
Dolfi se retourna pour le regarder. Il remarqua que tant Walter que ses autres compagnons d'armes
avaient un étrange sourire. Il eut un instant d'hésitation.
« Qu' est-ce qu' il y a ? demanda-t-il.
- Allons, capitaine, à l' attaque ! intima le général.
Au même moment, de l'autre côté du fleuve invisible, passa une fanfare militaire. Les palpitations
émouvantes de la trompette pénétrèrent comme un flot de vie dans le cœur de Dolfi qui serra
fièrement son ridicule petit fusil et se sentit appelé par la gloire.
« A l'attaque, les enfants ! » cria-t-il, comme il n'aurait jamais eu le courage de le faire dans des
conditions normales.
Et il se jeta en courant dans la petite allée en pente.
Au même moment un éclat de rire sauvage éclata derrière lui. Mais il n'eut pas le temps de se
retourner. Il était déjà lancé et d'un seul coup il sentit son pied retenu. A dix centimètres du sol, ils
avaient tendu une ficelle.
Il s'étala de tout son long parterre, se cognant douloureusement le nez. Le fusil lui échappa des
mains. Un tumulte de cris et de coups se mêla aux échos ardents de la fanfare. Il essaya de se
relever mais les ennemis débouchèrent des buissons et le bombardèrent de terrifiantes balles
d'argile pétrie avec de l'eau. Un de ces projectiles le frappa en plein sur l'oreille le faisant trébucher
de nouveau. Alors ils sautèrent tous sur lui et le piétinèrent. Même Walter, son général, même ses
compagnons d'armes !
« Tiens! Attrape, capitaine Laitue. »
Enfin il sentit que les autres s'enfuyaient, le son héroïque de la fanfare s'estompait au delà du
fleuve. Secoué par des sanglots désespérés il chercha tout autour de lui son fusil. Il le ramassa. Ce
n'était plus qu'un tronçon de métal tordu. Quelqu'un avait fait sauter le canon, il ne pouvait plus
servir à rien.
Avec cette douloureuse relique à la main, saignant du nez, les genoux couronnés, couvert de terre
de la tête aux pieds, il alla retrouver sa maman dans l'allée.
« Mon Dieu! Dolfi, qu'est-ce que tu as fait ? »
Elle ne lui demandait pas ce que les autres lui avaient fait mais ce qu'il avait fait, lui. Instinctif dépit
de la brave ménagère qui voit un vêtement complètement perdu. Mais il y avait aussi l' humiliation
de la mère : quel pauvre homme deviendrait ce malheureux bambin? Quelle misérable destinée l'
attendait ? Pourquoi n'avait-elle pas mis au monde, elle aussi, un de ces garçons blonds et robustes
qui couraient dans le jardin ? Pourquoi Dolfi restait-il si rachitique? Pourquoi était-il toujours si
pâle? Pourquoi était-il si peu sympathique aux autres? Pourquoi n'avait-il pas de sang dans les
veines et se laissait-il toujours mener par les autres et conduire par le bout du nez? Elle essaya
d'imaginer son fils dans quinze, vingt ans. Elle aurait aimé se le représenter en uniforme, à la tête
d'un escadron de cavalerie, ou donnant le bras à une superbe jeune fille, ou patron d'une belle
boutique, ou officier de marine. Mais elle n'y arrivait pas. Elle le voyait toujours assis un porte-
plume à la main, avec de grandes feuilles de papier devant lui, penché sur le banc de l' école,
penché sur la table de la maison, penché sur le bureau d'une étude poussiéreuse. Un bureaucrate, un
petit homme terne. Il serait toujours un pauvre diable, vaincu par la vie.
« Oh! le pauvre petit! » s'apitoya une jeune femme élégante qui parlait avec Mme Klara.
Et secouant la tête, elle caressa le visage défait de Dolfi.
Le garçon leva les yeux, reconnaissant, il essaya de sourire, et une sorte de lumière éclaira un bref
instant son visage pâle. Il y avait toute l'amère solitude d'une créature fragile, innocente, humiliée,
sans défense; le désir désespéré d'un peu de consolation; un sentiment pur, douloureux et très beau
qu'il était impossible de définir. Pendant un instant - et ce fut la dernière fois -, il fut un petit garçon
doux, tendre et malheureux, qui ne comprenait pas et demandait au monde environnant un peu de
bonté.
Mais ce ne fut qu'un instant. « Allons, Dolfi, viens te changer! » fit la mère en colère, et elle le
traîna énergiquement, à la maison.
Alors le bambin se remit à sangloter à cœur fendre, son visage devint subitement laid, un rictus dur
lui plissa la bouche.
« Oh ! ces enfants! quelles histoires ils font pour un rien! s'exclama l'autre dame agacée en les
quittant. Allons, au revoir, madame Hitler! »
Dino Buzzati, «Pauvre petit garçon!» 1967
b. D’autres œuvres de M.Cattelan.
La Neuvième heure
(La Nona Ora), créée en 1999, une effigie, en cire et grandeur nature, du pape Jean-Paul II terrassé et cloué
au sol par une météorite.
Cattelan crée des œuvres mémorables qui font toujours scandale et donnent lieu à toutes sortes
d'interprétations, jusqu'à mettre en cause la religion et le sacré, comme
La Nona Ora, sculpture qui représente une effigie, en cire et grandeur nature, du
défunt pape Jean Paul II terrassé par une météorite.
Sélection d'œuvres
Par peur de l'amour, un éléphant en uniforme du Ku Klux Klan, 2001. M.Cattelan
M.Cattelan
M.Cattelan
09-05-2004 Il se blesse en tentant de détruire une œuvre d'art exposée à Milan
ROME - Choqué par la vision de trois enfants pendus à un arbre, une oeuvre de l'artiste contemporain Maurizio Cattelan installée dans le centre
de Milan, un homme s'est blessé en cherchant à les décrocher.Trois mannequins d'enfants en plastique ont été pendus mardi aux branches du plus vieil arbre de Milan, un chêne planté place du 24 mai, dans le centre des la ville et présentés comme une oeuvre 'ouverte' de Maurizio Cattelan,
l'un des artistes contemporains italiens les plus côtés.Mais l'un des habitants de la place, Frabrizio di Benedetto, 44 ans, ne supportait plus la
vision de ces enfants de plastiques qui lui 'semblaient vrais'. Equipé d'une échelle et d'une scie, il a décidé jeudi de mettre fin à cette 'torture
esthétique', ont raconté les témoins de la scène cités vendredi par la presse. Il a réussi a décrocher les deux premiers, mais en coupant la corde suspendant le troisième mannequin, il a chuté de plusieurs mètres et est retombé sur une barre de métal entourant la base du vieil arbre.Il souffre
de plusieurs contusions et d'un traumatisme crânien et était toujours vendredi en observation à l'hôpital Fatebenefratelli de Milan.Maurizio
Cattelan, 44 ans, originaire de Padoue, s'est déclaré 'désolé' dans un entretien au Corriere della Sera. Considéré comme 'l'héritier d'Andy Warhol',
l'artiste qui vit aux Etats-Unis a expliqué que ,,cette oeuvre est un moyen de susciter la réflexion et la discussion, car chacun peut y voir ce qu'il veut.'' ,,Chacun a la liberté de se détourner s'il ne veut pas voir l'art ou la réalité'', a-t-il souligné.Mais ses pendus, commandés et financés par la
Fondation Nicola Trussardi, ont quitté le vieux chêne. Les carabiniers et les pompiers de Milan se sont eux-mêmes chargés jeudi soir de
décrocher le troisième mannequin, par sécurité'', ont-ils précisé vendredi. (AFP)
c. Un autre artiste hyperréaliste: Duane Hanson. 1969
Caddie, Supermarket Shopper, Supermarket Lady,la femme au caddie de Duane Hanson
Duane Hanson Tourists II, 1988
Des ponts vers d’autres œuvres.
-Affiches de propagande : 1ère
guerre mondiale, Nazisme, URSS, front populaire, 2e guerre mondiale,
Régime de Vichy ….
- Bandes dessinées historiques :
- C'était la guerre des tranchées de Tardi sur la 1ère
guerre mondiale
- Maus d'Art Spiegelman sur la shoah
- Carnets d'Orient tomes 6 à 10 de Jacques Ferrandez sur la décolonisation en Algérie…
- Films :
- Films sur la 1ère
guerre mondiale : A l'ouest rien de nouveau de Lewis Milestone, Les sentiers de la
gloire Stanley Kubrick, La Grande illusion de Jean Renoir, Un long dimanche de fiançailles de Jean-
PierreJeunet
- Films de propagande : La ligne générale ou le cuirassé Potemkine d'Eisenstein, La Vie est à nous
de Jean Renoir
- Films sur la 2e Guerre mondiale : L'armée des ombres deJean-Pierre Melville, La Vie est belle de
Roberto Benigni ….
- Mon oncle de Jacques Tati …
- Œuvres picturales : tableaux d'Otto Dix, de Picasso (Guernica …), de Dali … John Heartfield
- Œuvres littéraires :
- Sur la Première Guerre mondiale : A l'ouest rien de nouveau d'Erich Maria remarque, Un long
dimanche de fiançailles de Sébastien Japrisot …
- Sur la Seconde Guerre mondiale : Le journal d'Anne Franck, Si c'est un homme de P. Levi, Matin
brun de F. Pavloff, Inconnu à cette adresse de K. Taylor …Dino Buzzati le K Povero bambino
- Œuvres musicales/chansons :
- Chanson de Craonne, Boris Vian le Déserteur, le chant des marais, le chant des partisans, Bella
ciao …
- https://www.youtube.com/watch?v=CSPW9lTN6oQ During the war Steve- Different trains Reich
- Affiches de publicité : Affiches de l'après guerre en France symbolisant la société de consommation …
- Monuments : Monuments aux morts ….
-Sculptures, installations,performances
-Him Cattelan
-Ebrea,Le mur des lamantations Fabio Mauri
- Zoé Léonard, Robert, 2001…