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Introduction
1. Pourquoi un cours dintroduction ltude du droit ? Ltudiant qui, aprs ses tudessecondaires, choisit dentreprendre des tudes juridiques, na que, linstar de tout novice,
que quelques ides vagues du droit. Il approche la matire par les professions judiciaires
(Avocat, magistrat, notaire, huissier, commissaires priseurs etc.) ou juridiques (conseil
juridique, agent daffaires etc.). Il la dcouvre aussi au travers des reprsentations quen font
les artistes par le thtre et le cinma1, les auteurs et mme les interventions des acteurs
politiques et de certains citoyens la tlvision.
Or, le droit ou ce quon pourrait dj appeler les sciences juridiques2
constitue un vaste
champ de connaissance et de pratique avec ses personnages, ses outils, son langage, ses
codes daccs. Il faut pouvoir donc en connatre lesprit en vue dune imprgnation
facilement digeste. Lobjet du prsent cours est de fournir une cl daccs lacomprhension dune discipline si vaste, si varie et en profonde et incessante mutation.
Au sens ordinaire, lintroduction nest-elle pas laction dintroduire, de faire entrer
quelquun .3
Cest ce qui prpare quelquun la connaissance dune chose, dune matire.
Cest une forme dinitiation. Liniti est appel approfondir les pr requis qui lui sont
transmis. Et dautres enseignants viendront, chacun avec sa discipline, vous conduire plus
loin dans la connaissance du droit.
On a voqu les mots code et initiation . Cest parce que le droit a son langage propre
auquel il faut ds prsent se familiariser. Une science, (si on peut dj parler de science
juridique) se construit partir dun systme dexpression et de communication. Ce langagequi recense les techniques et la pense juridique parat difficile, et, certains gards,
sotrique. Le niveau de langue est souvent relev avec lemploi frquent de mots peu usits
(dclinatoire, usucapion, grever de servitude, hypothque etc.), de verbes dfectifs, c'est--
dire les verbes dont certaines formes de conjugaison (modes, temps, personnes) ne sont plus
usites : exemple : seoir (il sied de considrer lintroduction ltude du droit comme un
cours fondamental) ; surseoir (obtenir un sursis statuer ; un sursis lexcution dune peine
etc.). Les locutions latines sont courantes. Exemples : ab initio (ds le dbut) ; ab intestat
(sans testament : succession ab intestat) ; abusus (le pouvoir de disposition), usus (le pouvoir
duser une chose) ; fructus (le pouvoir de jouir des fruits dune chose), etc. Vous vous
familiariserez galement aux aphorismes ou adages du droit. Ladage est une maxime
ancienne et populaire leve en principes de droit. Exemple : en amour, trompe qui peut(cela veut dire qualors que la tromperie est sanctionne par la loi, dans les relations
sentimentales, elle est parfois admise quand elle fait partie de la sduction). Laphorisme est
une brve dfinition, c'est--dire une formule concise rsumant une thorie et renfermant
un prcepte. Ex : En fait de meubles, la possession vaut titre (celui qui dtient un bien
meuble est prsum avoir le titre de proprit) ; Error communis facit jus (lerreur commune
devient la rgle).
1Cherchez regarder : Linconnu dans la maison de Jean-Paul BELMONDO ou encore Les inconnus dans la
maison de Henri DECOIN ; Voir aussi Music Box de COSTA-GAVRAS.2
Nous reviendrons sur chacune de ces notions dans la suite du cours.3
Le Nouveau Petit Robert 2009.
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2. Quel droit introduire ? Lorsquon observe la plante terre, cest la diversit du droit qui est
frappante : le droit amricain, le droit franais, le droit chinois, le droit bninois, le droit
sngalais, le droit espagnol, suisse ou rwandais etc. Quand on emprunte une approche
historique, on voque le droit romain, le droit babylonien, lancien droit franais, le droit
coutumier ou traditionnel africain. A la diversit ethnique, gographique et historique,
correspond une varit juridique. Cest bien en raison de ce que, Ubi societas, ibi jus : pas desocit sans droit. Mais cette diversit juridique ne contrarie-t-elle pas les droits humains,
universels parce que attachs ltre humain en tant que tel et indpendamment de son
espace de vie, de sa race ou de son ethnie ? Comment construire alors une mondialisation de
lconomie sans une universalisation du droit ? A la vrit, on assiste la disparition des
barrires de toutes sortes en vue de la formation dun ordre juridique quasi universel, fond
sur les principes progressivement tablis au profit de tous les peuples (la non discrimination,
la proprit, la libert, la protection de la vie etc.).
Le prsent cours prendra en considration cette volution. Il se construira cependant partir
des systmes juridiques qui ont produit le droit bninois. Cest donc le droit bninois quil
faut introduire, dans ses composantes, avec son hritage, en prenant en compte lacontribution historique du droit traditionnel et du droit franais dans sa formation. On
remarquera assez tt que ce droit est essentiellement ouvert toutes sortes dinfluence.
Cest parce ce que les barrires juridiques tombent progressivement, avec les barrires
politiques. Le droit communautaire (OHADA4, UEMOA
5CIMA
6etc.) sont les instruments que
les citoyens utilisent au quotidien et qui font lobjet denseignement et de recherches
approfondies dans nos facults. Mais le monde suniversalise et le droit aussi. OMC7, le statut
de Rome instituant la Cour pnale internationale, les instruments universels et rgionaux de
protection des droits humains8constituent les principaux outils dtude du droit.
Indpendamment des orientations futures auxquelles ltudiant en anne de Licence sera
confront (droit priv, droit public, sciences politiques, histoire du droit), la prsente
introduction intresse le droit dans son tendue. Elle posera les principes, c'est--dire offrira
les cls au moyen desquels la connaissance des diffrentes disciplines juridiques pourra tre
facilite.
3. Comment introduire le droit? Introduire, cest dabord prsenter les phnomnes du droit
(premire partie) avant den saisir les composantes travers le Droit objectif (Deuxime
partie) et les droits subjectifs (Troisime partie).
4Organisation pour lHarmonisation en Afrique de Droit des Affaires. Institues par le Trait de Port-Louis (Ile
Maurice), du 17 octobre 1993. Lorganisation regroupe les pays suivants : Le Bnin, le Burkina Faso, le Cameroun, la
Centrafrique, les Comores, le Congo, la Cte dIvoire, le Gabon, la Guine Equatoriale, le Mali, le Niger, le Sngal, le Tchad,
le Togo5
Union Economique et Montaire Ouest Africaine.
6 Confrence Intertatique des Marchs dAssurance.7
Organisation Mondiale du Commerce.8
Dclaration universelle des droits de lhomme, Pacte international relatif aux droits civils et politiques etc.
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Plan du cours
Introduction
Premire partie : Les phnomnes du droit
Chapitre 1 : La rgle de droit
Chapitre 2 : Les branches du droit
Chapitre 3 : Les fondements du droit
Chapitre 4 : Les particularismes du droit bninois
Chapitre 5 : La mthode juridique
Chapitre 6 : Les institutions et lorganisation judiciaires
Deuxime partie : Le Droit objectif
Chapitre 1 : Les sources du Droit objectif
Les sources formelles
Les sources relles
Chapitre 2 : Les autorits en droit civil
La jurisprudence
La doctrine
La mthode de la jurisprudence et de la doctrine
Troisime partie : Les droits subjectifs
Chapitre 1 : La cration des droits subjectifs
Les espces de droits subjectifs (droits rels ; droits personnels ; le patrimoine)Les diffrentes sources de droits subjectifs (le fait juridique, lacte juridique, la
responsabilit)
Chapitre 2 : La ralisation des droits subjectifs
La ralisation extrajudiciaire des droits subjectifs
La ralisation judiciaire des droits subjectifs
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Bibliographie sommaireI Codes et lois
1. Code civil franais, dition Dalloz ou Litec, la plus rcente.
2. Code civil franais rendu applicable aux colonies de lAfrique Occidentale Franaise.
3. Loi n2002-07 du 24 Aot 2004 portant Code des personnes et de la famille de la
Rpublique du Bnin.
II Lexiques et Dictionnaires
1. ALLAND (Denis) et RIALS (Stphane) (dir.), Dictionnaire de la culture juridique,
Lamy/PUF, 2003.
2. BALEYTE (J.), KURGANSKY ( A.), LAROCHE (Ch.), SPINDLER (J.), Dictionnaire
conomique et juridique Franais/Anglais, L.G.D.J., 5me
d., Paris, 2000.
3. CABRILLAC (Rmy), (dir.), Dictionnaire du vocabulaire juridique, 2me
d., LITEC, Paris,
2004.
4. CADIET (Loc), (dir.), Dictionnaire de la Justice, PUF, Paris, 2004
5. CORNU (Grard), Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, PUF, Paris,2007, 986 pages.
6. SAINT DAHL (Henry), Dictionnaire juridique Dahl, Franais/Anglais ; Dalloz, 2me d,
Paris.
7. GATSI (Jean), NDJOCK (Jean Aim), FOMCHIGBOU MBANCHOUT (Jean Jules),
Nouveau Dictionnaire juridique ; UNIDA, Presses Universitaires Libres, Limb, 2008
8. GUILLIEN (Raymond), VINCENT (Jean) (dir.), Lexique des termes juridiques, DALLOZ,10
med., Paris, 2009.
9. ROLAND (Henri), BOYER (Laurent), Adages du droit franais, LITEC, 4me
d., Paris,
1999.
10.ROLAND (Henri), BOYER (Laurent), Locutions latines du droit franais, LITEC, 4me
d.,
Paris, 1998.
III OUVRAGES
1. ATIAS (Christian), Philosophie du droit, PUF, Paris, 2004.
2. ATIAS (Christian), Epistmologie juridique, 1re
d., DALLOZ, Paris, 2002.
3. CARBONNIER (Jean), Droit civil : Introduction, les personnes, la famille, lenfant, lecouple, PUF, Paris, 2004.
4. CORNU (Grard), Droit civil : introduction au droit, 13me d., MONTCHRESTIEN,PARIS, 2008.
5.
CORNU (Grard), Droit civil : Introduction, les personnes, les biens, 10
me
d.,MONTCHRESTIEN, PARIS, 2001.
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6. COURBE (Patrick), Introduction gnrale au droit, Mmento, DALLOZ, 11me
d., Paris,
2009.
7. DEGNI-SEGUI (Ren), Introduction au droit, EDUCI, Abidjan, 2009.
8. DRUFFIN-BRICCA (Sophie), Lessentiel de lintroduction gnrale au droit, Gualino
lextenso 6me
d., Paris, 2009.
9. FRYDMAN (Benot), HAARSCHER (Guy), Philosophie du droit, DALLOZ, Connaissancedu droit, 2
med., Paris, 2001.
10.JESTAZ (Philippe), Les sources du droit, DALLOZ, Connaissance du droit, Paris, 2005.
11.MAGNON (Xavier), Thorie(s) du droit, ELLIPSES, Paris, 2008.
12.MALAURIE (Philippe),Anthologie de la pense juridique, CUJAS, 2me
d., Paris, 2001.
13.MAZEAUD (Henri, Lon et Jean), Leons de droit civil Tome premier, Premier
volume : Introduction ltude du droit, 12me
d. par Franois CHABAS,
MONTCHRESTIEN, Paris, 2000.
14.MILLARD (Eric), Thorie gnrale du droit, DALLOZ, Connaissance du droit, Paris,
2006.
15.SEVE (Ren), Philosophie et thorie du droit, DALLOZ, Cours, Paris, 2007.16.SOSSA (Doroth Cossi), Introduction ltude du droit, TUNDE, Cotonou, 2007.17.SOURIOUX (Jean-Louis), Introduction au droit, LITEC, Paris, 2002
18.SUEUR (Jean-Jacques), Une introduction la thorie du droit, LHARMATTAN,
Logiques juridiques, Paris, 2000.
19.TERRE (Franois), Introduction gnrale au droit, DALLOZ, Paris, 2009.
IV METHODOLOGIE
1. DEFRENOIS-SOULEAU (Isabelle), Je veux russir mon droit. Mthodes de travail etcls du succs, ARMAND COLIND, 4
med. Paris, 2001.
2. MAZEAUD (Henri), CHABAS (Franois), Exercices pratiques Droit civil, Introduction,personnes, incapacits, droits rels principaux, (sujets dexamen corrigs),
MONCHRESTIEN, Paris, 2009.
V ENCYCLOPEDIES ET PERIODIQUES
1. Encyclopdie Dalloz, Rpertoire de droit civil, 10 volumes.
2. Archives de philosophie du droit
3. Bulletin des arrts de la chambre civile de la Cour de cassation
4. Gazette du Palais
5. Petites affiches
6. Recueil des arrts de la Cour suprme du Bnin
7. Recueil Dalloz Sirey
8. Recueil Penant
9. Rpertoire du Notariat Defrnois
10.Revue bninoise des sciences juridiques et administratives
11.Revue trimestrielle de droit civil
12.Revue trimestrielle Droit et Lois
13.Juris-Classeur priodique
14.Jurisprudence bninoise (publie par la revue Droit et Lois)
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15.La Voix judiciaire (Recueil des arrts de la Cour dappel de Cotonou)
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VI Sites juridiques importantswww.legifrance.fr
www.courdecassation.fr
www.ohada.com
www.cabinet-djogbenou.org (en construction).
www.dalloz.fr
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Premire partie : Les phnomnes du droit
Nous entendons par phnomnes les manifestations du droit. Ce par quoi cette discipline merge la conscience. Ces manifestations sont de divers ordres. On pourrait retenir : La rgle de droit ; les
branches du droit ; les fondements du droit ; les particularismes du droit bninois ; la mthode
juridique ; les institutions et lorganisation judiciaires. Chacun de ces phnomnes fera lobjet dun
chapitre.
Chapitre premier : La rgle de droit
Qui quil soit, lhomme est un tre de besoins satisfaire, de prtentions exprimer, dintrts
protger. En premire anne, les tudiants sont, par exemple, plus de 2 000. A lheure du cours delintroduction ltude du droit, chacun serait certainement intress tre devant pour mieux
couter le Professeur. Or, 2000 tudiants ne pourront pas rester aux premires loges. Comment faire
accepter aux uns de rester au fond de la salle, aux autres dans les escaliers, certains autres
lentre, tout en admettant que dautres encore puissent se mettre au premier rang tout en
maintenant lordre social ?
Dans lautobus qui conduit les tudiants au cours, les places assises ne suffiront pas tous, certains
vont ncessairement rester debout. A quel titre dautres vont sasseoir ? Et au nom de quoi, le jeune
homme qui est le premier sintroduire dans le vhicule, et a pu se trouver un sige, devrait se lever
et laisser sa place la femme enceinte ou au vieil homme rest debout ?
Quand nous ouvrons le code des personnes et de la famille9
nous lisons larticle 153 : Les poux
sobligent une communaut de vie. Ils se doivent respect, secours et assistance .10
A la mosque,
lImam, et la paroisse, le Cur ou le Pasteur nous prodiguent le mme enseignement. On dit aussi,
larticle 122 du mme texte, que le mariage ne peut avoir lieu, ni avec lun de ses ascendants, ni avec
lun de ses descendants. Cest ce quon appelle un inceste : c'est--dire la relation charnelle entre
proches parents ou allis dont le mariage est prohib par la loi. On dit encore qu tout ge, lenfant
doit honneur et respect ses pre et mre (article 405 du Code des personnes et de la famille). Or, le
dcalogue enseigne aussi : tu honoreras ton pre et ta mre . Le Code pnal dispose aussi que, en
son article 295, que lhomicide commis volontairement est qualifi meurtre . Cela rappelle un
autre commandement, contenu dans le dcalogue : tu ne tueras point .
On peut retenir que dans lamphithtre (ou amphi) de la premire anne de droit et de sciences
politiques, les tudiants ont du se conformer des rgles pour se mettre en place et suivre le cours.
On peut aussi affirmer que dans le bus, des rgles ont t appliques afin que certains restent
debout et dautres assis, et quen dpit de son retard, la femme enceinte et le vieil homme ont pu
trouver une place assise. Dans une socit humaine, il faut des rgles, des normes. Au sein de notre
famille, latelier, lusine, au thtre ou au cinma, dans une entreprise, lcole ou luniversit,
tout est organis au moyen de rgles. Pour tre possible, la vie en socit appelle des prescriptions,
des commandements, un ordre, une organisation. On peut mme dire : organiser, cest ordonner,
c'est--dire, mettre en ordre ; donner des ordres, sous forme de normes et de principes.
9 Loi n 2002-07 du 24 Aot 2002, portant Code des personnes et de la famille10
La mme rgle est prvue larticle 215 du Code civil franais. Dans ce Cours, cest ldition 2010 de LITEC qui est
utilise.
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Dans les exemples cits, on peut reconnatre des rgles morales, des prceptes religieux, des rgles
de biensance, cest--dire les usages mondains, les rgles de civilit. Elles sont toutes, avec les
rgles de droit, des rgles de conduite sociale. Elles gouvernent la vie sociale. On peut aussi citer les
traditions, les rites et les pratiques dordre sectaire ou clanique. Les rgles de conduites ont pour
fonction dassurer la rgulation sociale.
Mais parmi ces rgles, il faut encore dsigner celles qui sont des rgles de droit. A quoi pourrait-on
reconnatre une rgle de droit et la distinguer des autres rgles de conduite ? Autrement dit, dans
lautobus des tudiants, dans lenceinte de lamphithtre, dans les exemples tirs de la bible, du
Code des personnes et de la famille, du Code civil franais, du Code pnal, quelles sont les rgles de
droit ?
Pour le savoir, il faut rechercher les caractres de la rgle de droit. A cet gard, il faut distinguer les
caractres gnriques (en ce quils sont communs toutes les rgles de conduites (Section premire)
des caractres spcifiques (Section II)
Section premire : Les caractres gnriques
Un important auteur11
, le Doyen Grard CORNU12
, relve avec justesse, qutymologiquement,
rgle de droit procde la fois dune mtaphore et dun plonasme. Le mot rgle vient du
latin ( regula ). Il dsigne un objet rigide et rectiligne qui empche de dvier. Le mot droit vient
direct , c'est--dire du latin directum, ou dirigere et signifie la fois en ligne droite ( en
suivant les rgle) et, au figur, conforme la rgle . Mais il nen demeure pas moins que la rgle
de droit dveloppe des caractres relevant des gnes quelle a en partage avec les autres rgles
de conduites. Il sagit du caractre obligatoire et du caractre gnral.
Paragraphe premier : Le caractre obligatoire
Une rgle se dfinit par son caractre obligatoire : elle prescrit un commandement, appelle tre
obit. Elle contient un ordre, soit en ce quelle implique une action : porter secours et assistance
son conjoint, fournir des aliments13
un ascendant dans le besoin ; soit en ce quelle interdise den
accomplir et, prescrit plutt une abstention. Exemples : interdiction de voler, de tuer etc.
Mais la rgle de droit se distingue aussi par son caractre gnral.
11On appelle auteur, une personnalit importante du monde des enseignants et des chercheurs de luniversit dont
les opinions scientifiques qui sont exposes dans les ouvrages sont respectes, et parfois, simposent tous : on dit que ces
opinions font autorit. Lensemble des auteurs font partie de la doctrine. Exemple dauteurs : Le Doyen Jean CARBONNIER ;
Lon DUGUIT, le Doyen Grard CORNU ; Raymond SALLEILLES etc.12
Grard CORNU, Droit civil : introduction au droit, Montchrestien, 13 d., Paris, 2008, p. 18.
13 Dans le langage courant, un aliment est ce qui sert de nourriture un tre humain. On pourrait alors utiliser le motsoit au singulier, soit au pluriel. Mais en droit, le mot a un sens particulier et se met toujours au pluriel : il dsigne ce qui est
ncessaire lentretien dune personne. Exemples : le logement, la sant, la nourriture etc.
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Paragraphe II : Le caractre gnral
Si on considre lespace dans lequel il est dict, la rgle de droit na pas vocation sappliquer un
seul individu. Elle envisage de rgir tous le groupe pressenti. Exemples : La Constitution bninoise du
11 dcembre 199014 sapplique lespace territorial bninois. Elle est la loi fondamentale qui
dtermine la forme de lEtat, institue des droits au profit des citoyens, fixe leurs obligations, cre des
organes principaux qui exercent le pouvoir dEtat et pourvoit leur fonctionnement. La loi bninoise
sur le code des personnes et de la famille a pour objet de rgir le statut de la personne et de la
famille en vertu de leur identification juridique au Bnin. Le Code du travail du Bnin15
organise les
rapports juridiques entre les employeurs16
et les travailleurs (encore appels employs).17
La loi sur le
Barreau du Bnin rgle lexercice de la profession dAvocat dans ce pays et simpose tous ceux qui
exercent cette profession.
En considrant que la rgle de droit a un caractre gnral, on peut donc retenir quelle nest pas
universelle. Son caractre gnral est alors relatif : aucune rgle ne sapplique, en tant que telle,
lensemble de lhumanit mme sil est vrai que les tres humains ont en partage certains droits et
principes qui sont considrs comme des droits fondamentaux. Exemples : le droit la vie, le droit
la protection de sa vie prive etc.
Le caractre gnral de la rgle de droit implique nanmoins que lorsquune loi sadresse une
personne, elle nest pas en ralit une rgle : elle est plutt une norme personnelle. Cest le cas de la
loi portant immunit personnelle qui a t adopte en 1990 au profit de lancien prsident Mathieu
KEREKOU. Il sagit plutt dune norme personnelle. Les romains parlent de disposition ad personam.
La rgle de droit est un prcepte commun, une norme impersonnelle. La rgle est gnrale
lorsquelle a vocation rgir un ensemble de sujets.
De la mme manire, le caractre gnral voudrait quune rgle de droit soit une solution pour untype de situations et non la dcision sur un cas ou une espce prcise : la rgle de droit nest pas un
jugement. Mais ici, il convient de prciser : certaines rgles constituent des principes. Exemples : Un
principe : la libert daller et venir (articles 15, 16 et 18 de la Constitution). Lexception : la garde
vue18
et la dtention prventive19
. Un autre principe : linviolabilit du corps humain. Lexception,
lintervention chirurgicale fin thrapeutique. Cependant, lexception est aussi une rgle puisquelle
entend rgir une srie de situations et non apporter la solution un cas prcis.
14
Loi n 90-32 du 11 dcembre 1990 portant Constitution de la Rpublique du Bnin15 Loi n 98-004 du 27 janvier 1998 portant Code du travail de la Rpublique du Bnin16
Un employeur est une personne physique et morale partie un contrat de travail avec un salari sur lequel il exerce
un pouvoir de direction, de contrle et de sanction.17
Au sens de larticle 2 du Code du travail du Bnin qui a prfr le mot travailleur celui de employ , le
travailleur est dsign comme toute personne qui sest engage mettre son activit professionnelle, moyennant
rmunration, sous la direction et lautorit dune personne physique ou morale, publique ou prive .18
La garde vue est la privation de la libert individuelle de mouvement avant une dcision de justice portant une
condamnation pnale. Elle est effectue par fait dun officier de police judiciaire (gendarme ou agent de police). Elle a lieu
dans lenceinte dun commissariat de police ou dune gendarmerie. La dtention prventive est la privation de libert du
fait dun juge judiciaire. Elle a lieu dans une maison darrt (la prison civile de Cotonou par exemple, qui reoit aussi bien les
personnes condamnes une peine privative de libert de mouvement, cest en cela que cest une prison ; et les personnes
dtenues titre prventif, cest en cela quelle est une maison darrt).19
La dtention prventive est la privation de libert individuelle de mouvement avant condamnation une peine. Elle
est ordonne par un juge judiciaire. Elle a lieu dans une maison darrt (la prison civile de Cotonou par exemple, qui reoitaussi bien les personnes condamnes une peine privative de libert de mouvement, cest en cela que cest une prison ; et
les personnes dtenues titre prventif, cest en cela quelle est une maison darrt).
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Enfin, lexception des prceptes religieux, aucune rgle de droit nest destine rgir la vie pour
lternit : la rgle de droit tant un outil de rgulation de la vie sociale, elle volue avec le temps et
lespace, autant que les tres humains voluent avec les conditions conomiques, cologiques,
sociales, politiques etc. Mme si elle ambitionne de matriser lavenir en constituant un acte de
prvision, elle emprunte ltre humain sa nature mortelle. Nanmoins, il faut distinguer les rgles
permanentes, tablies sans limitation de temps, des rgles de circonstances, prvues pour desvnements dtermins. Exemple : les rgles dictes pour rgir les rapports des diffrentes
institutions nes de la Confrence des forces vives de la nation pendant la priode politique appele
la Transition.
La rgle de droit ne se distingue pas seulement par ses traits gnriques. Elle se mesure aussi par ses
caractres spcifiques.
Section II : Les caractres spcifiques
La rgle de droit est aussi caractris pas un lment extrieur, sensible et par sa finalit.
Paragraphe premier : Llment extrieur : la contrainte tatique
La contrainte tatique est la marque la plus caractristique de la rgle de droit. La rgle de droit est
alors une rgle de conduite ou une norme dont le respect est assur, quand il le faut, au moyen de
lintervention de lautorit publique. Pendant longtemps, dans les socits primitives dont
lorganisation sociale tait lmentaire, cest le sujet du droit qui se fait lui-mme justice. Il assure
ainsi la sanction de la norme transgresse : cest la justice prive. Son expression la plus courante est
la vengeance. Mais dans une socit organise, les sujets renoncent au pouvoir quils tiennent de la
force de se rendre justice eux-mmes. Cest au corps social (Etat, communauts diverses etc.) quils
confient ce pouvoir, notamment travers le contrat social (la Constitution, la loi fondamentale). En
tant que corps social, lEtat dtient ainsi le monopole de la violence quil exerce en organisant la
justice, en sanctionnant les transgressions et violations de la loi, en prtant cette force au respect de
la rgle de droit.
Au sein de la socit, on imagine difficilement une justice sans recours la force publique. Le recours
la justice comprends, dune part, lexercice par le citoyen du pouvoir de faire reconnatre son droit
par une action en justice et, dautre part, le droit dobtenir lexcution force, sil y a lieu, de ce qui
aura t jug, en empruntant les voies lgales dexcution.
La rgle de droit nest donc distincte des autres rgles de conduites que par limmanence de la
sanction tatique. Dans une rgle de droit, pse toujours une sanction en cas de non respect.
Dans les cas que nous avons exposs, lenfant qui nhonore pas ses parents, qui les insulte par
exemple, pourrait tre exhrder, c'est--dire priv de droit successoraux.20
La personne qui tue sera
poursuivie pour meurtre et condamne une peine de privation de la libert individuelle (5, 10, 15,
20 ans de travaux forcs, la prison vie), ou, en droit bninois, la peine de mort. Le dfaut de
cohabitation par les poux pourra tre sanctionn par le divorce et le mariage entre parents sera
annul. Les normes qui tablissent ces rgles de conduites sont des rgles de droit.
20Lexhrdation est une action par laquelle un testateur prive les hritiers de leurs droits successoraux.
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En revanche, si dans le bus le jeune garon ne stait pas lev pour permettre la femme enceinte ou
lhomme plus g de sasseoir, il ny aura que la rprobation de sa communaut, de sa socit, de
ses camarades : son comportement tend au respect dune rgle de biensance et non dune rgle de
droit. La raison est que, sil ne se levait pas, il ny aura pas de contrainte tatique. De mme, lenfant
na pas pri avant de se coucher le soir, ou qui na pas fait sa toilette nenfreint pas une rgle de
droit. Il sagirait plutt dune rgle religieuse ou dun prcepte pour la protection de son corps. Il nyaura pas de sanction tatique pour le contraindre.
Cela dit, les sanctions qui assurent leffectivit de la rgle de droit sont caractrises par leur
diversit. Il y a des sanctions de nature prventive : un juge ordonne lapposition des scells pour
viter la disparition des pices ou des preuves loccasion dun dcs ; il ordonne le huis clos pour
viter les troubles laudience, ou pour protger la moralit et la dignit de la personne qui
comparat (mineur dans une procdure de viol ; poux dans une instance de divorce pour faute etc.).
Dautres sont de nature rpressive. Il sagit des sanctions pnales : amende, emprisonnement, peine
de mort etc. Dautres encore ont une nature rparatrice : ce sont les sanctions civiles. Exemples :
restitution, annulation dun contrat contraire lordre public
21
ou aux bonnes murs
22
, remise dunobjet ou bien dgrad dans son tat (il sagit, dans ces cas, dune rparation en nature) ; allocation
de dommages et intrt (on dit, dans ce dernier cas, quil y a une rparation par quivalent). La
sanction peut galement avoir une nature disciplinaire (rvocation dun magistrat, radiation dun
avocat etc.). Elle sadresse alors un professionnel qui a viol les rgles dexercice de sa profession
(on parle de rgles dontologiques). La sanction peut galement tre fiscale ou administrative.
Il faut nanmoins souligner que la sanction ou contrainte tatique dont la rgle de droit est porteuse
nest applique que de manire exceptionnelle, en cas de violation de la norme protge et de mise
en uvre de la procdure judiciaire de sanction. Ces cas sont peu nombreux, au regard de
limportance de la ralit conflictuelle dans une socit. Dautres mcanismes sont souvent prfrs
par les citoyens (rglement par le chef de famille, transaction, intervention dun responsable de culte
etc.). Il est mme souhaitable que la contrainte tatique reste ltat de menace (on dit que la
contrainte tatique a une vertu comminatoire). La vie humaine serait difficile vivre si le droit
devrait sappliquer toutes les situations.
Outre la contrainte tatique, la rgle de droit se caractrise aussi par sa finalit.
Paragraphe II La finalit de la rgle de droit
La vocation de la rgle de droit est de faire Reigner la paix sociale. Or, celle-ci passe par la rgulation
des rapports extrieurs que les tres humains entretiennent. La finalit de la rgle de droit est de
rgler ces relations extrieures des tres humains. Cest ce qui distingue la rgle de droit des autres
rgles de conduite, notamment la religion, la morale et les rgles de biensance. Il sera alors possible
de distinguer entre les socits juridiques et les socits non juridiques.
21Cest le caractre des rgles qui simposent tous pour des raisons de moralit et de scurit publique. Exemple :
conclure un contrat de travail qui transforme le travailleur en esclave ; tablir un rapport juridique sur la base dune
discrimination raciale, ethnique, religieuse, sexuelle etc.
22 Les bonnes murs sont des rgles imposes par la morale sociale (linterdiction de la prostitution, se montrer enpublic nu etc. la vente dun organe du corps humains, la violation de spulture ainsi que la violation du respect d aux
morts etc.) dont la violation est sanctionne, aussi bien en matire civile que pnale.
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A La rgle de droit et les commandements religieux
Lorsquune religion adresse des commandements (des prceptes ou rgles) ses fidles, cest pour
enseigner la morale vanglique et, notamment, lthique de la charit : aimer son prochain,
teindre dans son cur la convoitise, la jalousie. Mais certaines rgles religieuses concident avec les
rgles de droit : tu ne tueras point. On peut constater que la rgle de droit partage la mme finalit
que les commandements religieux : ils poursuivent la paix sociale. Sil est interdit de tuer son
prochain, cest pour protger chaque individu, ainsi que le corps social. Ces prceptes tendent
prvenir les troubles.
Quest-ce qui distingue alors les commandements religieux de la rgle de droit ?
La distinction sopre quant aux domaines dapplication des deux corps de rgles. Les
commandements religieux tablissent un lien, un rapport entre ltre humain et Dieu. Alors que la
rgle de droit sanctionne les rapports entre ltre humain et ses semblables.
La distinction saffirme aussi quant la sanction attendue de leur violation : dans le commandement
religieux, la sanction nappartient pas lEtat. Elle branle plutt lesprance dune attente
spirituelle. Exemple : la vie ternelle.
Ces distinctions devront nanmoins tre nuances : dans certaines socits, les prceptes religieux
sont levs au rang de rgles juridiques de sorte que leur effectivit est assure au moyen de la
contrainte tatique. Il sagit des Etats thocratiques ou religieux. On en compte quelques uns dans le
monde : le Soudan, Isral, lIran, lAfghanistan, etc. Ces Etats sont distinguer des Etats lacs comme
le Bnin, le Sngal, La France, au sein desquels la contrainte tatique nassure pas lapplication des
rgles religieuses.
B La rgle de droit et les rgles de morale
La rgle de droit et les rgles de morale visent aussi, avec les commandements religieux, la paix
sociale. Mais partir de cet objectif gnral, les distinctions se dclinent aussitt.
En premier lieu, la distinction est relative aux buts spcifiques : le but du droit est le maintien de
lordre social. Le but de la morale est le perfectionnement intrieur de ltre humain. La liste des
devoirs de la morale est plus tendue et les prceptes plus rigoureux que celle du droit. La rgle
morale interdit, par exemple, la tromperie sous toutes ses formes. Mais en droit, notamment en cequi concerne les fianailles et le mariage, un principe, sous forme dadage ou de maxime juridique :
trompe qui peut . Cest pourquoi on considre que le dol (la tromperie) nest pas une cause de
nullit du mariage. La justice poursuivie par le droit est relative, elle na pour objet que de maintenir
lordre social. Or, la justice recherche par la morale est absolue. Alors que la justice poursuivie par le
droit est porte par limpratif hypothtique (fais ce qui est ncessaire si cela contribue au maintien
de lordre social), celle envisage par la rgle morale est domine par limpratif catgorique (fais ce
que dois, advienne que pourra : peu importe les consquences, agis conformment la morale).
En deuxime lieu, elle (la distinction) porte sur lapprciation du mrite des actions. Le droit sen
tient, en principe, aux attitudes extrieures. Ce sont elles qui sont sanctionnes. Ainsi, dans ladultre
par exemple, ce nest pas le dsir, ni la volont dentretenir une relation charnelle avec une personnemarie qui sont rprims par la loi. Ces attitudes ne sont pas extrieures. Ce sont plutt les rapports
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physiques, les comportements extrieurs qui laissent supposer ces rapports qui sont sanctionns par
le droit aussi bien en matire civile (annulation du mariage pour faute) ou pnale.23
Or, la morale
entend pntrer les curs et, dans le cas que nous venons dexposer, la simple convoitise, le dsir et
la volont de solliciter les faveurs charnelles de la personne marie sont soumis la sanction morale.
En troisime lieu, la diffrence est notable, en ce qui concerne la sanction. La sanction de la rgle dedroit est tatique alors que celle de la rgle de morale est essentiellement extrieure : ici, cest la
voix de la conscience qui parle au sujet. La diffrence tient aussi la nature des deux corps de rgles.
Le philosophe Emmanuel KANT24
a mis en vidence cette distinction : il considre que le droit est
htronome, quon ne peut tre, la fois, juge et partie ; alors que la morale est autonome, c'est--
dire quen morale, chacun est son premier juge. Il faut nanmoins souligner que lorsque la violation
de la rgle de morale nest pas reste secrte, c'est--dire ignore des autres membres du groupe,
elle fait lobjet de rprobation de la collectivit. Elle devient alors htronome. A linverse, le droit
laisse un sentiment dautonomie aux contractants sur lesquels il exerce une contrainte : ceux-ci sont
obligs parce quils lont voulu.
Soulignons que la sparation du droit et de la morale avait t fortement critique par un clbreauteur : Georges RIPERT (1880-1958). Il a considr que la morale a fortement pntr le droit. Par
exemple, le dol (c'est--dire la tromperie) peut tre une cause de nullit de certain contrat. La bonne
foi des parties est exige dans lexcution dun contrat (art. 1134 al. 3 du Code civil).
C La rgle de droit et les rgles de biensance
Il y a de nombreuses rgles extra juridiques qui ont galement pour vocation dassurer lordre social
mais qui ne sont pas des rgles de droit. Ces rgles de biensance sont des rgles de civilit ou de
courtoisie. Elles correspondent aux codes dhonneur : sincliner devant une femme marie en lui
tenant la main ; se lever lorsquune autorit entre ; ne pas offenser dans son discours la morale enemployant des mots et expressions desquels sont exclue la trivialit, la familiarit etc.
La distinction entre les rgles de biensance et la rgle de droit ne tient pas en ce que les premires
seraient dpourvues de sanctions : la sanction existe bien dans les rgles de biensance. Tantt, cest
la rprobation du corps social, lexclusion du groupe auquel on appartient ; les reprsailles, la racle
paternelle etc.
La distinction rside en ce que les rgles de biensance sont dpourvues daction en justice. Les
rgles de biensance nont pas atteint le degr de juridicit ncessaire pour assurer leur protection
par le droit.
23 Il faut souligner ici quune dcision de la Cour constitutionnelle a rcemment dclar contraire la Constitution lesdispositions du Code pnal du Bnin relatives ladultre.
24Repris par Jean CARBONNIER dans son ouvrage vis dans la bibliographie sommaire, p. 38.
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D Socits juridiques et socits non juridiques
La rgle de droit, rempli des caractres qui prcdent, ne rgle pas la vie sociale suivant la mme
importance dans tous les Etats. Si lon considre que la contrainte tatique est le trait de caractre le
plus important de la rgle de droit, ce sont les socits dans lesquelles la formation de lEtat atteint
son degr dachvement qui consacrent la rgle de droit dans sa plnitude. La contrainte suppose
dabord la formation de lEtat. Or, il y a des socits sans Etats. Cest le cas de certaines nations : les
kurdes par exemples. Il y a des socits dans lesquels lEtat dgnre : cest le cas de la Somalie. La
contrainte suppose en outre la prsence de lEtat, mme si celui-ci est form. Or, on se rend compte
que dans de nombreuses socits africaines, lEtat nest pas partout prsent. La rgle de droit non
plus. Dans tous ces cas, ce sont dautres normes, comme les rgles de morale ou les prceptes
religieux qui assure, dans une proportion importante, la rgulation sociale. On en vient alors
distinguer les socits juridiques des socits non juridiques. Au sein de la premire catgorie, la
rgle de droit une prminence dans la rgulation sociale : ce sont les socits occidentales. Au
sein de la seconde catgorie, ce sont les rgles de morale ou les prceptes religieux qui ont la faveur
de la rgulation sociale : cest le cas des socits africaines et orientales.
Mais la distinction nest pas radicale. Il y a un mouvement important qui sobserve mme en
occident. Cest la tendance en faveur de la banalisation du droit. On recherche en effet les faveurs
des autres normes. Lune des manifestations est le dveloppement des modes alternatifs de
rglement des conflits (MARC). Il sagit de la mdiation, de la conciliation et, pour certains, de
larbitrage. Or, la mdiation et la conciliation visent carter le droit dans le rglement du conflit.
Lquit, concept valeur morale, reprend du terrain. Lautre manifestation de ce courant port par
les sociologues est la dejuridicisation (le fait de ne plus attacher de valeur juridique certaines
normes afin dviter des sanctions de mme nature) et la djudiciarisation (le fait de ne pas
rechercher la sanction judiciaire en cas de transgression dune norme). Dvelopps dans les Etats
dAmrique du Nord (Etats-Unis, Canada), cette tendance gagner lEurope, notamment la France eton a pu remarquer quen matire pnale, les tribunaux peuvent ne pas connatre de certaines
infractions lorsque la personne poursuivie reconnat lacte commis. Elle ngociera la peine avec les
reprsentant de lordre public : cest la procdure du plaider coupable, encore appele la
comparution sur reconnaissance pralable de culpabilit.25
Cest une forme de djudiciarisation.
En revanche, les socits africaines et orientales sveillent la modernit par le biais des activits
commerciales. Le droit qui accompagne ces activits gagne ces socits. Dans chaque village africain,
il y a un tlphone mobile. Linternet gagne les contres les plus recules. La rgle de droit aussi. Sur
le terrain des droits humains, cest toute lhumanit qui est saisie par la rgle de droit.
On pourrait retenir quau-del des distinctions, les normes sociales sont ncessaires lorganisationet la survie de toute socit humaine.
25Loi franaise n2004-204 du 9 mars 2004. Cette procdure est introduite en droit camerounais.
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Chapitre II : Les branches du droit
On reconnat le droit travers ses branches. Cest que le droit est un gros arbre constitu de
plusieurs branches. On pourrait galement le comparer une pice qui, si elle nest pas en lambeaux
(coupe en plusieurs, de manire non harmonieuse et incohrente) est nanmoins en rameaux(subdivise en plusieurs, de manire cohrente et harmonieuse. Chaque pice fait partie dun
systme, au sein duquel elle joue un rle important, et en dehors duquel elle perdrait toute identit,
toute spcificit et toute effectivit : il sagit du systme juridique). Le droit rpond ainsi une
division classique, c'est--dire traditionnelle (Section premire). Mais il y a lieu de souligner aussi les
divisions nouvelles (Section II).
Section premire : Les distinctions traditionnelles
On oppose dabord le droit priv au droit public (Paragraphe premier). On oppose ensuite les droitssubstantiels aux droits non substantiels (Paragraphe II).
Paragraphe premier : Distinction entre droit public et droit priv
Dans le systme juridique dinspiration et de tradition franaise, cest la division majeure. Le systme
juridique anglo-saxon, fond sur la Common Law chappe quelque peu cette division. Mais elle
traverse tout le droit bninois, avec, nanmoins, quelques attnuations sur lesquelles il convient de
revenir.
Le droit public a pour objet la forme de lEtat, lorganisation et le fonctionnement des pouvoirs
publics en son sein. Par exemple : lEtat du Bnin devrait-il tre une monarchie26
, cest dire une
Principaut27
, ou une royaut28
? Ou bien lEtat devrait-il prendre la forme dune Rpublique29
? La
Constitution bninoise du 11 dcembre 1990 dcide que lEtat bninois est une Rpublique.30
Elle
rgle ainsi la question de la forme de lEtat. Mais lEtat doit exercer des pouvoirs pour assurer la
protection, la scurit et lpanouissement de ses sujets, aussi bien lintrieur qu lextrieur
(lducation, lemploi, la sant, lconomie etc.). Ce sont les pouvoirs dEtat au sujet desquels un
penseur clbre, MONTESQUIEU, affirme quil ne faut pas les confier une seule personne, un seul
organe. Il faut les sparer : cest la thorie de la sparation des pouvoirs : le pouvoir excutif, le
pouvoir lgislatif, le pouvoir judiciaire. Mais quels organes confier ces pouvoirs et comment vont-ils
fonctionner ? Cest encore le droit public, notamment le droit constitutionnel qui rpond cette
question. Par exemple : la Constitution bninoise a dcid de confier le pouvoir excutif au Prsident
de la Rpublique qui lexerce travers son gouvernement. Elle confie le pouvoir lgislatif
lAssemble nationale compose de dputs. Elle confie enfin le Pouvoir judiciaire, au plus haut
sommet, la Cour suprme et la Haute Cour de justice.
26La monarchie est le rgime politique caractris par le commandement dun seul homme. La transmission du
pouvoir est gnralement hrditaire, notamment au sein dune mme famille.27
Une Principaut est une entit politique de faible superficie avec un gouvernement souvent de type monarchique.
Exemples : Liechtenstein, Monaco, les Emirats arabes unis.28
Cest le rgime politique dont le chef est un roi. Il prend, souvent, la forme dune monarchie hrditaire, limage
du Royaume du Maroc ou du Royaume du Swaziland en Afrique australe.
29 La Rpublique est, gnralement, la forme du Gouvernement dans lequel les citoyens dtiennent la souverainet.30
La forme rpublicaine de lEtat bninois est contenue affirme par larticle 1er
al. 1er
de la Constitution en ces
termes : LEtat du Bnin est une Rpublique indpendante .
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Le droit public organise aussi les rapports juridiques entre lEtat et les citoyens. Ces rapports sont
rgls, en grande partie, par le droit administratif.
Par contre, le droit priv rgit les rapports des particuliers entre eux. Cest le droit des relations
prives, de particuliers particuliers. Il faut bien comprendre que le particulier peut tre unepersonne physique comme il peut tre une personne morale de droit priv, c'est--dire un
groupement auquel la loi a accord les attributs dune personne juridique. Exemples : une socit,
une association.
Le droit civil est lune des branches essentielles du droit priv. Cest la branche du droit priv qui rgit
les rapports de la personne et de la famille, tant dans ses droits que dans ses obligations. Cest le
droit de la personne dans ses rapports intimes (la conception, la naissance, la famille, la mort, la
succession etc.), et surtout non professionnels. Dans ce domaine, le droit civil sapplique toutes les
fois quune disposition de la loi ne renvoie pas la solution une autre discipline juridique : on dit que
le droit civil est le droit commun. Exemple, la loi a soumis lexcution du contrat commercial au droit
commercial. Mais la formation du contrat commercial est rgie par le droit civil, travers le code dumme nom (article 1107 et suivant du code civil).
Le droit commercial est une autre branche du droit priv. Il soccupe des rapports entre les
particuliers qui exercent une activit commerciale. Cest ainsi quil rgle le statut du commerant, les
actes de commerce, les oprations commerciales, le droit des socits commerciales etc. Au droit
commercial, se substitue de plus en plus le droit des affaires, qui regroupe les disciplines voisines la
matire commerciale. Exemple : le droit du travail et de la scurit sociale, les procdures collectives
dapurement du passif, les voies dexcution. Les instruments juridiques du droit commercial et de
son substitut, le droit des affaires sont, dans les Etats membres de lespace OHADA comme le Bnin,
constitus des Actes uniformes.31
Certains soutiennent mme lexistence dun droit conomique,
avec un volet droit public. Ce droit conomique comprendrait, outre les matires du droit des
affaires, le droit des biens, celui, en droit public, des marchs publics ; le droit fiscal etc.
Paragraphe II : Distinction entre droits substantiels ou dterminateurs et
droits non substantiels ou sanctionnateurs
Certains droits sont dits substantiels ou matriels en raison de ce quils dfinissent, sans rfrence
dautres corps de rgles, la matire sur laquelle ils portent. En ralit, les auteurs ont remarqu que
parmi les rgles de droit, certaines posent des rgles de conduite sociale, dfinissent les droits et
obligations de chacun ; prescrivent ou prohibent certains comportements. Ils qualifient ces droits dedroits dterminateurs en raison de ce que ceux-ci dterminent les droits subjectifs substantiels dont
un sujet peut se prtendre titulaire. Exemple : le droit de proprit, le droit de crance etc. Ils sont
qualifis de droits substantiels parce quils touchent la substance des droits dont ils dfinissent les
conditions dexistence, dexercice, de transmission ou dextinction. Cest le cas du droit civil, du droit
administratif, du droit commercial et mme du droit pnal. Tous ces droits dfinissent des rgles de
conduite, en terme daction ou dabstention voire de prohibition comme les infractions en droit
pnal.
31On appelle Actes uniformes, les actes pris par le Conseil des Ministres de lOHADA pour ladoption des rgles
communes dans le cadre de lharmonisation du droit des affaires (article 5 du trait instituant lOHADA). A ce jour, les Actes
uniformes ci-aprs sont en vigueur : droit commercial gnral, droit des socits commerciales et du groupement dintrtconomique (GIE), droit comptable, srets, procdures simplifies de recouvrement et des voies dexcution, procdures
collectives dapurement du passif, transport de marchandises par route.
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En revanche, le droit est dit sanctionnateur ou non substantiel lorsque son objet et sa fonction
consistent assurer la sanction des droits dterminateurs. Le droit sanctionnateur na donc pas
dexistence propre. Il est laccessoire du droit dterminateur ou substantiel dont il assure leffectivit
ou la jouissance. Le droit sanctionnateur rgle lapplication du droit dterminateur ( ce titre, on
lappelle aussi droit rgulateur). Il en assure aussi la ralisation ( ce titre, on lappelle galementdroit ralisateur). Jura supra jura, les droits sanctionnateurs sont les droits sur les droits. Le droit
judiciaire priv, la procdure administrative et la procdure pnale, font partie des droits
sanctionnateurs ou non substantiels. Leur existence dpend, bien entendu, de droit substantiel
quest le droit civil, pris au sens large. Servantes des autres lois , les droits non substantiels ne
peuvent tre compris ni appliqus dans lignorance de ces autres lois . Au demeurant, le
lgislateur fixe, de plus en plus, avec les rgles substantielles, dterminatrices, les rgles de
procdure, sanctionnatrices. Exemples : Le Code des personnes et de la famille (art. 235 et s.) a,
linstar du Code civil franais (art. 247 et s.) fix les rgles relatives la procdure la suite de celles
touchant au fond du divorce (art. 220 et s. du CPF et art. 229 et s. du Code civil franais).
Au-del de cette division classique, il existe des branches dont lobjet de rflexion est le droit lui-mme, prise comme une discipline scientifique. On pourrait citer :
1) La thorie gnrale du droit. Elle tudie les concepts dont le droit se sert : la faute, la fraude, le
silence, la bonne foi, lordre public ; lEtat, la Nation, la souverainet etc. Elle fixe abstraitement la
signification des notions courantes (contrat, convention, risque etc.). Pour en avoir une premire
ide, il faut rechercher les ouvrages de thorie gnrale du droit cit dans la notice bibliographique
ainsi que le Vocabulaire juridique de Grard CORNU, ou encore ldition dernire du Lexique des
termes juridiques.
2) La philosophie juridique. Elle se propose de rechercher les fondements des dbats et des
solutions juridiques. Elle vise aussi le sens et la finalit des rflexions juridiques. Il convient de se
rfrer la documentation propose, notamment les ouvrages de philosophie du droit.
3) La lgistique ou la science de la lgislation. Comment laborer une norme juridique, une rgle de
droit ? Quels sont les outils, les mthodes utiliss. Cest lobjet de la science de la lgislation, encore
appele lgistique.
Mme si les tendances traditionnelles nont pas disparu, des divisions nouvelles simposent la
comprhension du droit.
Section II : Les divisions nouvelles
De nouvelles classifications mergent, au gr du dveloppement conomique, de la mutation des
rapports sociaux. On pourrait signaler, dune part, la classification ne de louverture des disciplines
juridiques (Paragraphe premier) et, dautre part, les classifications de lapprofondissement des
disciplines juridiques (Paragraphe II).
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Paragraphe premier : Les classifications nes de louverture des disciplines
juridiques
De nouvelles disciplines viennent au droit. Il sagit, en particulier, de la sociologie juridique, de
lethnologie juridique, de la psychologie juridique, de la linguistique juridique. Sciences sociales par
nature, elles dveloppent, en ralit, une anthropologie juridique moderne.
A- La sociologie juridique
Encore appel sociologie du droit, elle prsente les phnomnes juridiques comme des phnomnes
sociaux dont elle vise ltude. Il faut comprendre nanmoins que le sociologue du droit nest pas un
juriste. Elle tudie le droit du dehors et non de lintrieur. Elle tudie galement le droit non pas avec
les outils et la mthode juridiques mais plutt avec les outils et la mthode de la sociologie gnrale.
B Lethnologie juridique
Elle se prsente comme une sociologie juridique spcialise dans ltude des systmes juridiques des
peuples dits primitifs. Elle soccupe des droits locaux, notamment coutumiers. Dans un sens strict,
lethnologie juridique se propose dtudier le droit de chaque ethnie en ce quil a de spcifique. Elle
devient anthropologie juridique lorsquelle envisage dtudier ce quil y a dessentiel dans lhomme
juridique, c'est--dire ltre humain vivant en socit sous lautorit ou la conduite du droit.
C La psychologie juridique
Elle se propose dtudier, par lobservation ou lexprimentation (les tests), les causes psychiques des
phnomnes juridiques (Exemple : elle dcouvre quun enfant qui subit des violences au foyer
devient violent en socit et commet des infractions sur les personnes : violences et voies de fait,
viols, homicides etc.).
D La linguistique conomique
Cest la science du langage telle quelle est applique au langage du droit. Le droit son vocabulaire,
emploie des mots qui ne sont qu lui, dans les formulations qui lui sont propres. Par exemple : dans
ce cours, nous avons dj dcouvert certains : lgistique, juridicit, ordre public, bonnes murs etc.
Nous en dcouvrirons dautres. Il faut souligner que la particularit du langage juridique tient ce
que, dans lespace dinspiration juridique franaise, le droit apparat comme le gardien de la langue
franaise. Cest encore en droit, quon utilise avec frquence les modes peu ordinaire : le subjonctif,
le conditionnel ; les verbes dfectifs etc.
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Paragraphe II : Les classifications nes de lapprofondissement des disciplines
juridiques
Lapprofondissement des disciplines juridiques classiques conduit la spcialisation du droit par voie
dapparition de nouvelles branches.
On a, par exemple, le droit pnal des affaires. Son objet est dtudier les infractions pnales
auxquelles pourraient conduire lexercice dune activit commerciale : abus de biens sociaux, dfaut
de libration de parts sociales etc.
Il y a aussi le droit de la cybercriminalit, du contrat virtuel. Le droit maritime a fini par se dtacher
du droit commercial ainsi que le droit des transports ariens. On soulignera aussi le dveloppement
du droit de la proprit intellectuelle ou industrielle etc.
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Chapitre III Les fondements du droit
On a dfini la rgle de droit comme une rgle de conduite ncessaire la vie en socit. Mais il nest
pas sans intrt de sinterroger sur les fondements de cette rgle. Une question essentielle se pose :Au-del du droit, tel que nous le percevons, tel quil se dcline au travers des lois, des coutumes, de
la jurisprudence, existe-t-il un droit absolu ? Y a t il une rgle qui soit au-del de la rgle de droit ?
La question occupe encore juristes et philosophes, notamment les philosophes du droit. Plusieurs
tendances se dgagent au niveau de la pense. On peut en retenir les deux principales suivant que
lon considre que le droit se suffit et ne sexplique que par la ralit positive, au contraire, quil ne
sexplique que par des donnes, (ou des ides) qui lui sont suprieures. On distinguera alors les
tendences positivistes (Section premire) de celles idalistes (Section II).
Section premire : Les tendences positivistes
Selon les positivistes, le droit ne sexplique que par la ralit positive. Le contenu du droit se
trouverait alors dans les phnomnes par lesquels il se manifeste : la loi, la coutume, la jurisprudence
etc. Ces penseurs nient lhypothse de donnes extrieures ces phnomnes, qui justifieraient et
qui serviraient de fondements la rgle de droit. Mais comment dterminer ou fixer le contenu de
cette ralit positive ? La rponse cette question fait clater les positivistes en deux grandes coles.
Certains considrent que cette ralit positive se trouve dans le droit lui-mme ou la norme : cest le
positivisme formaliste (Paragraphe premier) ; dautres la recherche dans les faits : cest le
positivisme factualiste (Paragraphe II).
Paragraphe premier : Le positivisme formaliste
On dit du positivisme quil est formaliste en ce quil fonde la rgle de droit dans son expression
formelle, c'est--dire au travers des institutions juridiques qui lincarne. Cest un positivisme ferm
sur le droit si lon emprunte les termes du Doyen CARBONNIER. Il sagirait dun positivisme
juridique. Selon les auteurs de cette tendence, il existe un droit positif constitu par lensemble des
rgles de droit en vigueur dans un Etat un moment donn. Ainsi, lorsquon parle du droit bninois,
on dsignera lensemble des rgles de droit actuellement en vigueur dans ce pays. Ce sont les rgles
juridiques effectives. Deux sous-tendences se profilent : le lgalisme et le normativisme.
A Le lgalisme (ou positivisme lgaliste)
Le positivisme lgaliste fonde le droit dans la loi quil a pendant longtemps, considr comme ressort
exclusif du droit. Si le droit est identifi la loi, il ny a que lEtat qui produise celle-ci. Le droit
procde donc de la volont de lEtat ainsi que laffirme Thomas HOBBES qui est lun des auteurs de
cette tendence. Un autre auteur du lgalisme est le philosophe HEGEL qui identifie le droit lEtat
lui-mme, do le concept de lEtat de droit.32
Puisque cest lEtat qui proclame le droit, la rgle de
32Le concept dEtat de droit est polysmique, c'est--dire a plusieurs sens. On le dfinit comme lEtat qui agit au nom
du droit. Il est dsign aussi comme lEtat qui reconnat la supriorit du droit. A lorigine, le concept a t labor par des
juristes allemands, la fin du XIX sicle. Le Rechtsstaat (Etat de droit en allemand), tait un moyen dorganisationrationnelle de lEtat. Cest un Etat dans lequel le gouvernement et ladministration sont tenus de respecter la loi. Toutefois,
en Allemagne, lorsque les Nazis ont mis en place un Etat totalitaire, ils affirment, non sans raison, quil sagit dun
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droit, alors quil est le seul avoir le monopole de la force, un grand juriste allemand du XIXme
JHERING (prononcer IHERING) sicle a pu considrer quest la politique de la force.
Mais le lgalisme est dpass. On constate que lEtat nest plus le seul produire la rgle de droit
(Organisations internationales, droit communautaire, juridictions internationales). Par ailleurs, la loi
nest plus clbre comme lexpression exclusive de la rgle de droit, comme cela a pu tre le cas aucours de la premire moiti du XXe sicle en France avec le rgime dassemble en France.
33Cest
pourquoi une autre tendence la faveur de la doctrine contemporaine : le normativisme.
Hobbes (1588-1679)
Ce fils de Pasteur occupe dans lcole moderne du droit
de la nature une place minente. Il a pass sa vie entre une
Angleterre et une France galement trouble ; cest un
pessimiste. A lpoque dHenri IV en France et de Charles Ier
en Angleterre, il a observ la nature humaine luvre.
Lagressivit de lhomme envers ses semblables la frapp.
Ltat de nature a quelque chose dinfernal. Il est marqu par
la guerre permanente, la lutte incessante pour la possession
des choses ncessaires la survie, la scurit : par l
sexprime le trait essentiel lhomme, son instinct de
conservation. La socit nat dun besoin imprieux, n du
malheur des premiers temps, non dune heureuse propension
de lhomme sassembler. En tant que facult de
lesprit, La raison nest rien que le calcul.
Son Lviathan est divis en quatre parties : de
lhomme , de lEtat de lEtat chrtien du royaume
des tnbres ; cest une vaste thorie du pouvoir, dun
pouvoir dune nature particulire, qui se lgitime par son
existence et par sa fonction. Il ne laisse, au droit naturel, ni
porte ni intrt, car il ny a rien de bon attendre de la
nature humaine. Le droit de nature, est la libert que
chacun a duser de sa propre puissance, comme il le veut lui-
mme pour la prservation de sa propre nature, autrement
dit de sa propre vie et, par consquent, de faire, selon son
jugement et sa raison propres, tout ce quil concevra tre le
meilleur moyen adapt cette fin. Les lois de nature sont
des articles de paix . Tout est ramen cet objectif, sa
ralisation, au maintien de la paix civile. La volont prive est
sans force ; cest une puissance suprieure qui fait sa force :
Si une convention est faite o aucune des parties ne
sexcute dans linstant, mais o lune et lautre se font
confiance, dans ltat de nature en cas de suspicion
authentique Etat de droit. Cest pourquoi aprs la Seconde Guerre mondiale, pour viter toute confusion smantique, le
concept dEtat de droit ne dsigne plus un simple amnagement de lordre juridique et sa hirarchisation. Il tend plutt
identifier soumis aux rgles dun droit respectueux des liberts fondamentales.33
On appelle rgime dassemble une dformation du rgime parlementaire qui se caractrise par une prpondrance
de droit ou de fait des assembles parlementaires sur le gouvernement, connu en France au dbut des annes 40. Cergime rappelle le rgime conventionnel, encore appel gouvernement dassemble qui est un mode dorganisation des
pouvoirs publics dans lequel lexcutif est subordonn la volont des assembles.
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raisonnable, cette convention est nulle. Mais, sil y a une
puissance commune tablie au-dessus des deux, dote
dassez de droit et de force pour contraindre lexcution de
la convention, alors celle-ci nest pas nulle. De mme, dans
le procs, la droite raison laquelle les parties au litige
sen remettent, cest la raison de quelque arbitre ou jugedont elles accepteront toutes deux la sentence . Le
Lviathan, appel rpublique ou Etat (civitas en latin) nest
autre chose quun homme artificiel, quoique de stature et de
force plus grandes que celles de lhomme naturel, pour la
dfense et la protection duquel il a t conu ; il dispose de
tous les organes qui composent le corps humain. Sa matrise
est totale.
Pour Hobbes qui correspondit avec Descartes, le droit
naturel ne peut dcouler de la nature humaine ; il constitue la
rponse que la raison dcouvre la menace, toujoursprsente, dun retour cet tat de nature qui est un tat de
guerre de tous contre tous . Chacun est titulaire de la facult
dutiliser ses forces la conservation de son tre : tel est le
droit de nature . Les hommes y renoncent par contrat au
profit du souverain, en entrant en socit, pour obtenir la
paix qui caractrise la fin de ltat de nature et conditionne le
bonheur.
Hegel (1770-1831)
Dans la prsentation habituelle de lhistoire de la philosophie, Georges
Guillaume Frdric HEGEL suit et prolonge inluctablement Kant.
Hegel est assurment un philosophe de toute premire importance.
Comme Kant, Hegel sest intress au droit. Outre son tude de la
constitution de lEmpire allemand (1801-1802) qui ne paratra qu la fin du
sicle, il publie dans le journal critique de philosophie un article consacr aux
manires scientifiques de traiter du droit naturel et, surtout, les principes
de la philosophie du droit. Comme Kant, Hegel se sent pouss la science
que doit devenir notamment la philosophie.
Selon Hegel, lhomme est essentiellement esprit, et lesprit consiste
essentiellement tre pour soi, tre libre, sopposer au naturel, se
dgager de ltre immerg dans la nature, se diviser davec elle et puis, par
cette division, se rconcilier avec elle
Mme si elle se veut concrte, proche des faits et leur mouvement
propre, la pense de Hegel renvoi inluctablement le juriste dans les tnbres
extrieures de lentendement, dun droit dont il faudrait sextraire pour
pouvoir accder la rflexion philosophique.
Le droit sur lequel Hegel sefforce de rflchir est, la fois, le droit subjectif et
la loi morale. Le droit de lEtat va lemporter sur tous les droits subjectifs
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des particuliers .LEtat dtient le droit suprme contre ceux des particuliers Il
rsulte dun dpassement de lindividu sur lui-mme (et est) devenuune
ralit autonome .
JHERING Rudolf Von
Aurich (Hanovre) 1818 Gttingen (Basse-Saxe) 1892
JHERING est un auteur du XIXe sicle. De sa doctrine, on peut
retenir :
1) Aprs en avoir t quelque peu influenc, il a combattu
lEcole historique de Savigny qui considre le droit comme le
produit autonome de la culture dun peuple. Selon JHERING,
il existe une interaction entre les cultures juridiques et, cetgard, il a fortement inspir Raymond SALEILLES qui sera
prsent plus loin.
2) Pour JHERING, La paix est le but que poursuit le droit, la
lutte est le moyen de latteindre . Il relve alors que le droit
est dynamique et quil nest pas le produit de lvolution
progressive dune conscience. Le droit serait ainsi le rsultat
des rapports de force, ports vers un but : La dfense de la
personne mme et de son sentiment du droit, dune lsion
personnelle . Il ajoute que Le droit est la condition de
lexistence morale de la personne, la dfense du droitconstitue la conservation morale de la personne .
3) Il considre aussi que le but est la force motrice du droit.
A ce titre, selon lui, il ny a pas daction sans but. La rgle de
droit comme toute action humaine est domine par lintrt
et surtout par la vie en socit. Il prne ainsi lutilitarisme de
la rgle de droit : Nul nexiste par lui seul, pas plus pour lui
seul : chacun existe par dautres et pour dautres . De ce
point de vue, limpratif catgorique ne tient pas : Agir sans
intrt est un non-tre, au mme titre quagir sans but. Cest
une impossibilit psychologique . Le droit a une fonctionutilitaire. Certain reprochent ainsi JHERING son absence de
moral en justice.
4) Cet auteur lie le droit la force : Le droit est la politique
de la force Il nest que le moyen de raliser un but qui est
maintien de la socit . Il lie aussi le droit la contrainte. Or
cest lEtat qui dtient la contrainte. Il en dduit que seul
lEtat produit le droit. A la vrit, il est partisan du positivisme
juridique, encore appel positivisme tatiste.
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dduit un ordonnancement juridique que
lon a appel la pyramide Kelsenienne
e) Enfin, lordre juridique nest valable que
si elle est effective. Cette considration
lgitime les gouvernements qui arrivent
au pouvoir par la force. Il leur suffitdassurer leffectivit des normes quils
dictent.
III On attribue KELSEN le monisme juridique. Par
cette doctrine, lEtat sidentifierait au droit, le droit
objectif au droit subjectif, le droit priv au droit
public, le droit interne au droit international.
Paragraphe II Le positivisme factualiste
Dans le positivisme factualiste, on considre que le fondement de la rgle de droit nest la ralit
juridique constitue des phnomnes du droit mais, plutt, le fait social. On du de ce positivisme
quil est ouvert sur le fait. Auguste COMTE avait dj tablit que le droit, objet dune science positive,
procde de dterminismes sociaux. A sa suite, SPENCER, DURKHEIM et, notamment, Lon DUGUIT on
marqu leur diffrence avec le positivisme formaliste. Ces auteurs considrent que le droit nest pas
une volont plus ou moins arbitraire de lEtat. Le fondement du droit devrait tre recherch, selon
eux, dans le milieu social, c'est--dire les murs, les coutumes, les rgles corporatives. Ces auteurs
dveloppent, en quelque sorte, un positivisme sociologique.
DURKHEIM Emile
Epinal 1858- Paris 1917
Plus que Montesquieu et Auguste Comte, Durkheim est le
pre de la sociologie franaise. Il a enseign Bordeaux
(1887) puis Sorbonne (1912). Il a fond une revue toujours
vivant, LAnne sociologique, et publi un nombre important
douvrages : ex. : De la division du travail social (1893) (sa
thse), Le suicide (1897), Les formes lmentaires de la vie
religieuse : le systme totmique en Australie (1912).
Dune famille de rabbins, il a rompu avec le judasme lEcole
normale suprieure, sous linfluence de ses camarades Jaurs
et Bergson : il voyait dans les croyances religieuses nonseulement des erreurs, mais une forme de morale confuse et
drgle ; pour lui, tout systme religieux a t cr par une
socit donne, ce qui ne peut videmment tre admis par
aucun croyant dune religion quelconque. Mais il a toujours
parl avec tact de toutes les religions et t fascin par la
distinction du sacr et du profane, signe pour lui de la ralit
religieuse. Il a mme vu dans le fait religieux lorigine et le
fondement de toutes les institutions sociales : le contrat, la
proprit, les successions, la famille, le testament, lexcution
testamentaire, la condition juridique de la femme.
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Il a eu en son temps une autorit considrable, passablement
dogmatique et imprialiste ; pour lui, toutes les activits de
lesprit procdaient de la sociologie.
Cest un positiviste, un scientiste et surtout un rationaliste. Il
doit son positivisme Auguste Comte : Les lois des socitsne sont pas diffrentes de celles qui gouvernent la nature et la
mthode qui en permet la dcouverte nest pas diffrente de
celle des autres sciences . Mais il ne partage pas la foi
quasiment dogmatique de Renan en la science : Nous ne
faisons pas de la science une sorte de ftiche ou didole dont
les oracles infaillibles peuvent tre seulement reus
genoux (Lenseignement philosophique, Rev. philos., 1895,
p. 146).
Pourtant, il a une vision scientifique du monde et de la
morale : la socit est un organisme vivant et par consquentles mthodes de la sociologie, sans tre calques sur celles de
la biologie, doivent les rappeler. Son rationalisme est absolu :
il est trs oppos une vision mystique de la vie sociale,
comme celle de Bergson, quil qualifie de no catholique : il y
voit une menace dirrationnel.
Il affirme trs fortement la supriorit de la socit sur
lindividu, parce quelle est une condition ncessaire au
dveloppement de lhumanit : la socit nest sans doute
rien sans les individus, mais chacun deux est beaucoup plus
un produit de la socit quil nen est lauteur. Il est aussi trs
attach lindividu, qui a une dualit fondamentale, la fois
tre individuel et tre social. Il rejette tout la fois le
libralisme individualiste que, selon lui, lhistoire a
condamne et une vision mystique de lEtat o lindividu ne
serait quun instrument de lEtat. LEtat nest pas antagoniste
lindividu : il en est le librateur. Plus il est fort, plus
lindividu est libre. Ce qui, dans notre histoire contemporaine,
a souvent t une tragique erreur : souvent on a vu que plus
lEtat tait fort, moins lindividu tait libre.
Section II : Les tendences idalistes
En droit, lidalisme postule laffirmation dune valeur suprieure au droit, laquelle il est possible de
se rfrer en cas dinjustice. Cette valeur est tellement minente que le droit positif doit sy rfrer.
Lidalisme juridique est constitu de deux branches principales. Pour les uns, la nature est la valeur
suprieure au droit : cest lcole du droit naturel encore appel le naturalisme. Pour les autres il
sagirait de la raison : cest le rationalisme.
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Paragraphe premier : Lcole du droit naturel
Lcole du droit naturel part du postulat quil y a des lois non crites, immuables et suprieure aux
lois positives. Le droit positif tire sa validit en ce quil est conforme ce droit naturel, ces loisnaturelles. SOPHOCLE en a fourni une expression dans Antigone. En effet, Antigone a dsobi ldit
de Cron, en donnant une spulture son frre, et, pour se justifier, dclare : Je ne pensais pas,
scrie-t-elle, quil et assez de force, ton dit, pour donner un tre mortel, le pouvoir de violer les
divines lois non crites que personne ne peut branler. Elles ne sont pas daujourdhui, ni dhier,
mais elles sont ternelles, et personne ne sait quel est leur pass profond.34
Pour certains, les lois naturelles sont inspires de la nature cosmique. Cest ainsi que le philosophe
Romain CICERON considre que le droit a un fondement dans la nature mme 35
. Cest pour cette
raison quil prsente un caractre universel.
En revanche, pour dautres, les lois ont plutt une nature divine : elles procdent de Dieu. La
philosophie chrtienne a dvelopp cette approche. Pour Saint Augustin (philosophe du IVe sicle),
les lois profanes sont injustes car il ny a pas de justice sans adhsion Dieu. Chaque chrtien ne se
trouve li la cit des hommes que de manire prcaire. En ralit, il ressent beaucoup plus son
appartenance la cit de Dieu, cit supraterrestre et intemporelle. Saint-Augustin dduit de cette
analyse que la source authentique du droit ne peut tre cherche ailleurs que dans lEcriture Sainte.
Paragraphe II : Lcole du rationalisme
Plus tard, Saint Thomas dACQUIN (XIIIe sicle) a nuanc lapproche de son prdcesseur (on appelle
sa doctrine le thomisme). Dans la somme thologique, il a considr que face la loi divine, ternelle
et immuable, non saisissable par les sens, existe une loi naturelle prsente en chaque homme dont
doit se dduire la loi humaine. Pour lui, le droit est fond en raison. Seulement, il existe des degrs.
Cest ainsi quau sommet, la loi ternelle (lex aeterna) exprime la raison divine prsente dans
lintelligence du monde.
A un degr infrieur, Saint-Thomas situe la loi naturelle (lex naturalis) qui est accessible lhomme
par lexercice de la raison spculative. La lex naturalis marque la relation entre la raison divine et la
libert humaine, rationnelle.
Enfin, la lex humana correspond la raison humaine qui labore les rgles pratiques de vie
individuelle et sociale. Elle constitue en ralit le droit positif.
Mais le thomisme annonce plutt le rationalisme. Dautres auteurs vont faire prosprer ce courant
de penser de lidalisme. Il sagit de Emmanuel KANT, de GROTIUS et de PUFENDORF. Ceux-ci
contribueront, avec dautres, asseoir les droits fondamentaux de la personne, qui sont, par
hypothse, pr ou ant juridique, c'est--dire qui prexistent au droit positif qui doit leur tre
conforme.
34SOPHOCLE, Antigone, rapport par J. CARBONNIER, ouvrage cit, pp. 83-84.
35CICERON, De legibus, I, 6, in, B. OPPETIT, Philosophie du droit, Dalloz, 1
red., Paris, 2004, p. 39.
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Chapitre IV Les particularismes du droit bninois
Le droit bninois, tel quil apparat aujourdhui, est, comme le droit dans toute socit humaine, le
produit de lhistoire et de la culture. Il convient, ds lors, de prsenter le processus de formation dudroit bninois (Section premire) avant de relever les donnes qui influencent, de nos jours, le droit
priv (Section II).
Section premire : La formation du droit
Deux lments sont la base de la formation du droit priv bninois. Le premier est la rencontre
avec ltranger. Le second est la consolidation de lhritage colonial.
Paragraphe premier : La rencontre avec ltranger
Lespace juridique bninois est constitu de groupes ethniques et culturels varis. Avec la
colonisation franaise, le droit de tradition franaise y a t introduit. La rencontre avec ltranger
marque une certaine vitalit du droit dans ce pays. Il convient de rappeler le processus de la
rencontre avant de prsenter lun des instruments juridiques introduits : le Code civil.
A Le processus de la rencontre
Il faut considrer que les socits africaines prcoloniales ntaient pas dans lignorance du droit. Il
ny a pas de socits humaines sans rgles juridiques. Seulement, la rgle de droit tait forme
partir de lune de ses sources principales, la coutume. Chaque groupe humain tait plac sous le
rgime de plusieurs coutumes. Cest en cet tat que la colonisation est arrive.
Le droit franais avait t alors introduit dans les anciennes colonies. Cest ainsi quen droit priv, le
Code civil et le Code du commerce ont t, en partie importante, introduite dans le territoire de
lancien Dahomey. Par quelle mthode le droit franais a-t-il t introduit au Bnin ?
Le colonisateur avait le choix entre deux options. Soit assimiler le droit franais au droit de lancienne
colonie. Cela consisterait dclarer systmatiquement applicable au Dahomey tous les textes de
droit pris en France : cest le principe de lassimilation. Soit prserver le droit traditionnel africain, en
introduisant dans cet espace, au coup par coup, les textes jugs adaptables aux colonies : cest le
principe de la spcialisation.
Laissant chapper le principe de lassimilation lgislative au profit de la spcialit, la colonisation
franaise a introduit de manire partielle et parse, les textes manant de la lgislation de ce pays.
Comme le souligne M. SOSSA, En ralit, le principe de lassimilation lgislative na jamais prospr
dans les rapports coloniaux franco-africains. On a plutt assist au triomphe de la rgle de la
spcialit lgislative 36
. En vertu de ce principe, les lois ne sont applicables aux territoires doutre-
mer que si elles ont t faites prcisment en vue de les rgir, moins dtre spcialement par une
disposition contenue dans la loi elle-mme ou dans un autre texte spcifique et postrieur. MM. SOL
36D. C. SOSSA, Introduction ltude du droit , d. TUNDE, Cotonou, 2007, p. 40, n 45
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et HARANGER ont pu, dans leur note prliminaire introductive du Code de procdure civile
applicable aux colonies, dduire de cette situation que : le rglement de la procdure civile aux
colonies est une des matires des plus confuses, - on peut mme dire la matire la plus confuse de
la lgislation coloniale. La ncessit de tenir compte la fois des besoins des justiciables, de la
configuration des divers territoires, des murs particulires des habitants, des particularits de
lorganisation judiciaire, etc., a non seulement eu pour rsultat de provoquer une grande diversitdes rgles de procdure suivant les pays doutre-mer, mais encore a pouss le lgislateur, rester
dans un vague prudent, dans la crainte ddicter des rgles inapplicables ou contradictoires avec des
contingences locales .37
Mais la vrit, la spcialit est de pur droit puisquen fait, cest le principe
de lassimilation qui a prvalu. Les mmes auteurs avaient soulign cet aspect lorsquils ont affirm :
Cette situation a donn naissance non point, malheureusement, une sorte de droit prtorien
solidement tabli, mais un amas de dcisions jurisprudentielles fragmentaires, instables et souvent
contradictoires. Sous la pousse dimprieuses ncessits, les tribunaux, devant la carence des
lgislations locales, ont d, choisissant entre deux maux le moindre, faire foin du principe de la
promulgation spciale aux colonies et appliquer la lgislation mtropolitaine, invoque titre de
raison crite .38
Cette assimilation de fait prvaut encore dans certains Etats qui se sont abstenus de
lgifrer dans cette matire aprs leur accession lindpendance. Cest le cas de la Rpublique duBnin, notamment en droit des obligations civiles, en procdure civile et en droit pnal.39
B Prsentation du Code civil
On appelle Code, lensemble des lois ordonnes, regroupant les matires qui font partie dune mme
branche. Le Code civil franais a t promulgu le 21 mars 1804. Il fut luvre de BONAPARTE
(Napolon BONAPARTE ou Napolon 1er
), qui confia une commission le soin de runir en un seul
corps de rgles (un Code), lensemble de la lgislation civile franaise clate dans les diffrentes
coutumes du pays. La commission tait prside par Jean-Etienne PORTALIS (1745-1807) et
compose de : Franois TRONCHET, Flix Bigot de PREAMENEU et du Marquis Jacques deMALLEVILLE. PORTALIS et Bigot de PREAMENEU taient des avocats ; TRONCHET et MALEVILLE des
magistrats. Le projet qui a t retenu est prcd dun Discours Prliminaire, sorte dexpos des
motifs que PORTALIS a prsent. Le Code avait t baptis Code Napolon. Il a gagn lEurope,
notamment la Belgique, la Suisse, lAllemagne ; lAmrique Latine et le Qubec. Par la colonisation, il
a t introduit en Afrique.
Les principales ides du XIX sicle ont profondment marqu le Code civil, considr par certains
comme une Constitution civile. On y sent la prsence de la philosophie du droit naturel ; des ides
progressistes comme la libert, la proprit, lgalit etc. Certaines ides conservatrices sont
nanmoins maintenues dans le Code. Exemple : la protection de la famille. PORTALIS considrait
mme que le mariage na dautre objet que la procration. Il est vrai que les travaux de certainsgrands penseurs franais ont influenc luvre de la commission Portalis. Il sagit, notamment, de
Jean DOMAT (1625-1696). Il a crit : Les lois civiles dans leur ordre naturel. Il sagit aussi de
Robert-Joseph POTHIER ainsi que du Chancelier Henri-Franois DAGUESSEAU .
37B. SOL, D. HARANGER, Recueil gnral et mthodique de la lgislation et de la rglementation des colonies
franaises , Premire partie, tome 1er, Socit dEditions gographiques, maritimes et coloniales, Paris, 1930, Note
prliminaire , p. 493
38B. SOL, D. HARANGER, ibid.39
Les projets de Codes pnal, procdure pnale et procdure civile sont encore en cours dtude lAssemble
nationale.
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DomatJeanClermont-Ferrand, 1625 Paris, 1696
Avocat du roi au prsidial de Clermont-Ferrand, Domat sinstalla ensuite
Paris.
Avec les Lois civiles (cest--dire le droit romain) dans leur ordre naturel
(1689), saccomplit une systmatisation ordonne et cartsienne, la langue
claire, prcise et exacte mais un peu solennelle : lordre du grand sicle dun
jardin la franaise, elle prfigure la codification de 1804. Boileau qui,
pourtant ntait pas tendre avec les juristes (dont il avait souffert), lappelait
le restaurateur de la raison dans la jurisprudence .
Il est nourri par une ardente foi chrtienne et une spiritualit jansniste. SesPenses sont pascaliennes : Le superflu des riches devait servir pour le
ncessaire des pauvres ; mais, tout au contraire, le ncessaire des pauvres
sert pour le superflu des riches . Cinq ou si