JOHAN LAMBRECHT
L’EQUITE DANS L’ENTREPRISE FAMILIALE
L’Institut de l’entreprise familiale (IEF)
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JOHAN LAMBRECHT
L’EQUITE DANS L’ENTREPRISE FAMILIALE
2011
Liège, L’Institut de l’entreprise familiale (IEF)
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Scientists have a story of discovery to tell, dogmatists a story of obedience to
authority (Timothy Ferris)
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Sommaire
Avant-propos 6
1. Qu’est-ce que la justice? 9
2. La justice est-elle un thème pertinent pour les entreprises familiales? 18
3. Quelle justice pour les entreprises familiales? 23
4. Comment parvenir à la justice dans les entreprises familiales? 27
Références bibliographiques 47
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Avant-propos
McCain: ce nom vous est certainement familier. Cette entreprise canadienne, baptisée du nom
de ses fondateurs, fabrique des produits surgelés (frites, pizzas, légumes, etc.) depuis 1957.
Jusqu’à la fin des années quatre-vingts, les frères Harrison et Wallace McCain ont travaillé
ensemble dans une entente fraternelle (Woloschuk, 1995). Pendant une trentaine d’années,
McCain a donné l’image d’une entreprise dirigée par deux frères heureux et prospères. Ils
prenaient toutes leurs décisions par consensus, les réunions officielles du conseil
d’administration étaient donc rares. L’existence de ce lien étroit fut un jour expliquée par le fait
que les deux frères avaient dû dormir dans le même lit pendant leurs vingt premières années.
La maison de leurs parents était en effet trop exiguë pour deux adultes et six enfants. Lorsque
la société McCain Foods était devenue un géant économique, au début des années septante,
Harrison et Wallace se sont réparti les responsabilités géographiquement. Harrison a pris en
mains l’Europe et la division de transport au Canada. Wallace a dirigé les opérations en
Australie, au Canada et aux États-Unis. Même si les frères assuraient une direction conjointe, il
n’y avait qu’un seul leader aux yeux du public: Harrison, qui ne craignait pas la pression
médiatique. Wallace, au contraire, était plutôt timide. Au début, il ne s’offusquait pas de
l’attention portée à son frère. À la fin des années quatre-vingts, toutefois, les bonnes relations
entre les deux frères se sont détériorées irrémédiablement. D’après Harrison, Wallace a mis le
feu aux poudres en nommant unilatéralement son fils Michael à la tête de McCain USA, le
4 octobre 1990. Harrison a considéré cette promotion comme un acte de népotisme éhonté. De
plus, Wallace avait enfreint la tradition de décision par consensus. Wallace, quant à lui, a
soutenu que son frère était pourri par le pouvoir. Le procès qui s’en est suivi et la plume acérée
de l’épouse de Wallace montrent comment l’amitié qui a lié les deux frères pendant tant
d’années a pu se transformer en un conflit familial destructeur. En 1993, Harrison et Wallace
étaient flanqués de dix-huit avocats, dont les honoraires ont grimpé jusqu’à 19 millions de
dollars. Margaret, l’épouse de Wallace, a comparé Harrison à un monarque. Sa virulence en dit
long (Woloschuk, 1995, p. 205): « Les monarques assimilent la retraite à la mort. Les monarques
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assimilent la succession à la mort, et leur successeur à un meurtrier. La succession est un
meurtre, le successeur est le meurtrier. Au fil du temps, la personnalité des monarques finit par
se confondre avec leur création; ils ne sont plus capables de s’en distancier. Tous ceux qu’ils
considèrent comme des menaces sérieuses sont des meurtriers qu’il faut éliminer. Ils ne veulent
pas de succession, ils veulent le pouvoir. Passer la main, c’est perdre le pouvoir. Le successeur
incarne donc la perte du pouvoir. »
Le cas McCain montre que les entreprises familiales peuvent aussi être touchées par l’injustice.
La justice est depuis longtemps un thème fondamental dans la législation et dans la société au
sens large (Van der Heyden, Blondel et Carlock, 2005). Ainsi, en 384-322 avant J-C., le
philosophe grec Aristote affirmait déjà que « la plus grande injustice est de traiter également
les choses inégales. » Au cours des dernières décennies, il semble que le thème de la justice ait
été relégué au second plan. D’après l’historien et écrivain britannique Tony Judt, décédé en
2010, nous devons réapprendre à nous y intéresser. Son pamphlet « Ill Fares the Land » (« Le
pays va mal ») s’ouvre sur ces mots: « Notre mode de vie a quelque chose de profondément
corrompu. Pendant trente ans, nous avons considéré la poursuite du confort matériel comme
une vertu. Nous savons ce que coûtent les choses, mais nous n’avons aucune idée de ce qu’elles
valent. En parlant d’une décision judiciaire ou d’une démarche juridique, nous ne nous
demandons plus si elle est légitime, honnête, équitable ou juste, et certainement pas si elle
contribuera à créer une société et un monde meilleurs. Aussi difficiles que soient les réponses,
telles furent un jour les grandes questions politiques par excellence. Nous devons réapprendre à
nous les poser » (Judt, 2010, p. 1-2).
Le thème de la justice n’est pratiquement pas abordé dans la littérature sur les entreprises
familiales. Ce rapport de recherche vise à combler cette lacune. Nous répondrons à quatre
questions: (1) qu’est-ce que la justice?, (2) la justice est-elle un thème pertinent pour les
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entreprises familiales?, (3) quelle justice pour les entreprises familiales? et (4) comment
parvenir à la justice dans les entreprises familiales? Ces quatre questions sont les intitulés des
chapitres de cet ouvrage. Pour y répondre, nous avons fait usage de trois sources: (1) la
littérature, (2) quatre études de cas pratiques et (3) notre expérience personnelle en tant que
conseiller en entreprises familiales. À la demande expresse des personnes interrogées, nous
avons préservé l’anonymat des entreprises étudiées. Nous nous bornerons à citer leurs propos
et à mentionner certains traits caractéristiques (génération, taille) des entreprises et des
répondants (cédant, successeur).
Nous tenons à remercier sincèrement toutes les personnes qui nous ont apporté aide et
conseils. Nous nous permettons de nommer certaines personnes et institutions sans qui ce
travail n’aurait pas été possible. En la personne de Laurent Weerts, administrateur délégué,
nous remercions l’Institut de l’Entreprise Familiale (IEF) pour le soutien financier accordé à
notre recherche. Nous remercions également les sept répondants issus de quatre entreprises
familiales, qui ont libéré du temps pour partager leurs connaissances et leurs expériences et qui
ont osé nous offrir leur témoignage sur un sujet sensible. Puisse la contribution de toutes ces
personnes favoriser la justice dans les familles d’entrepreneurs et les entreprises familiales…
Johan Lambrecht
Bruxelles, mai 2011
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1. Qu’est-ce que la justice?
La justice est la vérité en action (Joseph Joubert)
Pour John Rawls, qui est considéré comme l’un des philosophes politiques les plus influents du
XXe siècle pour son ouvrage « Théorie de la justice » (1971), la justice est la première vertu des
institutions sociales. Une question se pose tout naturellement: « qu’est-ce que la justice? ».
Pour tenter d’y répondre, nous avons puisé dans la littérature, sans nous limiter aux écrits sur
les entreprises familiales. D’autres disciplines se sont déjà penchées sur la question du contenu
général du concept de justice. Ce chapitre exploite largement la littérature et la théorie. Cette
étape est nécessaire pour appréhender la signification de la justice dans les entreprises
familiales. Par ailleurs, nous tenons à avoir l’esprit nourri et ouvert pour observer la pratique de
la justice dans les entreprises familiales.
En 1976, Leventhal a formulé une réponse claire à la question « qu’est-ce que la justice? ». Il
cite la théorie de l’évaluation de la justice, qui suppose qu’un individu base sa perception sur
certaines règles fondamentales. Pour Leventhal (1976), une règle de justice définit les critères
qui doivent être remplis pour que la distribution des résultats ou la procédure de distribution
des résultats puisse être considérée équitable et juste. On peut déduire l’existence de deux
types de justice de cette définition: (1) la justice distributive ou justice de résultats et (2) la
justice procédurale ou justice des processus menant aux résultats (Colquitt, Conlon, Wesson,
Porter et Yee Ng, 2001; Van der Heyden et al., 2005). En d’autres termes, la justice distributive
porte sur le « quoi », la justice procédurale sur le « comment » (Kim et Mauborgne, 1997).
Pour savoir s’il est question de justice distributive, on peut appliquer trois critères ou règles: (1)
la récompense doit être proportionnelle aux efforts ou à la contribution (règle de contribution
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ou d’équité), (2) la récompense doit être proportionnelle aux besoins (règle des besoins) et (3)
la récompense doit être distribuée de manière égale (règle d’égalité) (Leventhal, 1976).
L’application de la règle de contribution ou d’équité implique qu’une personne qui fournit plus
d’efforts reçoit une récompense plus importante. D’après Adams (1965, cité dans Colquitt et
al., 2001), l’un des pionniers de la recherche sur la justice distributive, les individus ne se
préoccupent pas tant du niveau absolu d’un résultat que de son caractère équitable. Pour
évaluer l’équité d’un résultat, Adams (1965) a proposé de calculer le rapport entre les efforts
fournis par une personne et le résultat obtenu, puis de le comparer avec celui d’une autre
personne dans le même cas. Selon la règle des besoins, les personnes qui ont des besoins plus
importants doivent recevoir plus. La règle d’égalité, quant à elle, établit que chaque personne
doit recevoir la même chose, indépendamment de ses efforts ou de ses besoins.
Leventhal (1976) souligne qu’un individu applique sélectivement les trois règles de la justice
distributive et suit différentes règles à différents moments. L’importance accordée à une règle
donnée dépend étroitement du contexte. Lorsque la productivité et la réalisation d’une tâche
sont ses préoccupations principales, l’individu attache plus d’importance à la règle d’équité.
Lorsqu’il se concentre sur la qualité des relations interpersonnelles et la solidarité de groupe, il
privilégie la règle d’égalité. Dans un contexte centré sur le bien-être des autres, en revanche,
c’est la règle des besoins qui prévaut.
La règle d’équité a longtemps prédominé dans la justice distributive. Leventhal (1976) distingue
trois grands problèmes en rapport avec cette règle: (1) elle utilise une présentation unilatérale
de la justice, uniquement basée sur le mérite, (2) seule la distribution finale de la récompense
est prise en considération et (3) l’importance de la justice dans les relations sociales risque
d’être exagérée. Il identifie encore cinq autres règles susceptibles d’exercer une influence sur la
perception de la justice distributive: (1) la règle de l’intérêt personnel légitime, qui établit que
dans certaines circonstances, il est juste qu’un individu s’octroie le maximum de ce qu’il peut
obtenir, (2) la règle du respect des engagements, qui prescrit que les individus doivent recevoir
ce qui leur a été promis sous peine de violation de la justice, (3) la règle de la légalité, selon
laquelle il ne peut y avoir de justice si la distribution de la récompense ou de la sanction n’est
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pas conforme à la législation et à la réglementation existantes, (4) la règle de la propriété, selon
laquelle il est juste que les individus gardent en leur possession des récompenses et des
moyens dont ils disposent déjà et il est injuste de les en priver et (5) la règle du statut, selon
laquelle il est juste que les individus qui jouissent d’un statut social supérieur reçoivent plus que
ceux qui appartiennent à une classe sociale inférieure. Parent et Perrier (2007) font encore état
d’une règle de justice distributive supplémentaire: la justice basée sur le pouvoir, selon laquelle
le sentiment de justice est déterminé par celui ou celle qui a réussi à faire valoir le mieux ses
intérêts.
Dans une perspective critique, on peut souligner que la justice distributive, qui était
pratiquement le seul type de justice envisagé jusqu’en 1975, ne prend en considération que la
dernière étape du processus de distribution (Leventhal, 1976). La perception de justice est
exclusivement définie en termes de distribution de la récompense et les aspects procéduraux
qui mènent au résultat n’entrent pas en ligne de compte. La justice des aspects procéduraux
fait l’objet de ce que l’on appelle la justice procédurale. Thibaut et Walker ont publié
« Procedural Justice. A Psychological Analysis » en 1975. Cet ouvrage aborde les méthodes ou
procédures qui peuvent être mises en œuvre pour résoudre les conflits entre les individus et
entre les groupes. Thibaut et Walker (1975) suggèrent que pour être perçue comme juste, une
procédure de résolution d’un conflit susceptible de donner lieu à une action devant les
tribunaux doit permettre, dans une large mesure, la participation des parties disputantes. La clé
de la justice procédurale réside dès lors dans la répartition optimale de cette participation.
Leventhal (1976) précise qu’un individu évalue la justice des composantes procédurales et que
de cette évaluation va dépendre sa perception de la distribution finale du résultat. Si les
procédures sont estimées justes, la distribution finale du résultat peut l’être également, même
lorsque le résultat final est défavorable. À l’inverse, un processus injuste ou une injustice
procédurale va déclencher une résistance passive dans le meilleur des cas, et dans le pire une
réaction de justice commutative (Van der Heyden et al., 2005). Selon le principe de la justice
commutative, les individus qui jugent le processus injuste vont essayer d’annuler les décisions,
de contre-attaquer et/ou de commettre des actes de sabotage, même s’il s’agit de décisions
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bonnes au fond (Kim et Mauborgne, 1997; Lambrecht, Lievens et Beens, 2007). Un processus
injuste entraîne incontestablement une charge émotionnelle considérable. Lorsque les
individus perdent confiance dans le processus, ils perdent également confiance dans les
décisions elles-mêmes. Pourquoi les individus se réfugient-ils dans la justice commutative
quand ils estiment que les principes de la justice procédurale ont été violés? Tout d’abord,
parce qu’ils voient leur valeur intellectuelle rabaissée. Lorsque leurs capacités intellectuelles ne
sont pas appréciées à leur juste valeur, ils s’indignent et cessent de partager leurs idées et leur
expertise. Ils vont même jusqu’à refuser de reconnaître la valeur intellectuelle des autres. Leur
raisonnement est le suivant: « Vous n’avez aucune considération pour mes idées. Alors je n’en ai
pas non plus pour les vôtres, et je n’ai aucune confiance ni aucun intérêt pour les décisions que
vous prenez » (Lambrecht et al., 2007, p. 75). Lorsque leur valeur émotionnelle n’est pas
reconnue, les individus se fâchent.
La justice procédurale exerce donc clairement un effet positif sur la justice distributive. Pour
qu’il puisse être question de justice procédurale, sept règles doivent être respectées (Leventhal,
1976; Kim et Mauborgne, 1997; Van der Heyden et al., 2005; Parent et Perrier, 2007):
(1) La règle de la cohérence
Les procédures doivent être cohérentes d’une personne à l’autre et dans le temps. La
cohérence d’une personne à l’autre suppose l’application de procédures égales à tous les
bénéficiaires possibles d’une récompense et l’exclusion de tout privilège particulier. Cet
aspect de la règle s’apparente au principe de l’égalité des chances.
La cohérence dans le temps signifie que les procédures restent stables, au moins à court
terme. Des modifications trop fréquentes ou trop faciles sapent la justice procédurale.
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La cohérence implique également que les procédures soient conformes aux valeurs
familiales.
(2) La règle de l’impartialité
Pour que la justice procédurale soit respectée, l’intérêt personnel ne peut être excessif et
les idées doctrinaires ne peuvent dominer. Nul ne peut donc être son propre juge.
(3) La règle de la précision
Le processus de distribution doit être basé sur un maximum d’informations correctes et
d’opinions informées, dans le souci du calendrier défini et des méthodes employées.
Autrement dit, la transparence doit primer. La perception de la justice procédurale est
également favorisée par le recours à des méthodes précises pour la détection des
infractions.
La règle de la précision couvre aussi la clarté des attentes: lorsqu’une décision a été prise,
les responsables doivent clairement expliquer les nouvelles règles du jeu. Pour garantir la
justice du processus, l’important n’est pas tant le contenu des nouvelles règles que leur
bonne compréhension. Dans la troisième étude de cas, une grande importance est accordée
à la règle de la précision: « La justice pour moi, c’est la transparence, l’information pour
gagner la confiance. On donne beaucoup d’informations aux jeunes, mais eux ne
comprennent pas toujours (…). Ce qui n’est pas compris est une source de méfiance. C’est la
grande difficulté au sein d’une famille » (quatrième génération, grande entreprise, cédant).
Pour que chacun comprenne bien la portée de la succession, les membres de cette famille
peuvent chercher conseil auprès d’un avocat extérieur: « Il y a un avocat extérieur. Chaque
membre de la famille peut le consulter pour poser des questions concernant la succession.
Les réponses doivent ensuite être diffusées au sein de la famille. Cela aide beaucoup, évite
les peurs et aide à la clarification » (quatrième génération, grande entreprise, cédant).
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(4) La règle de l’adaptabilité
Les décisions prises dans le passé doivent pouvoir être modifiées. Les procédures qui
entraînent des atermoiements ou qui nécessitent beaucoup de temps, d’efforts et de
moyens sont considérées moins justes. Il faut toutefois prévoir une procédure claire pour la
modification des décisions.
(5) La règle de la représentativité
Les procédures doivent refléter les préoccupations, les valeurs et la vision des groupes
importants concernés. Pressés de prendre des décisions rapides, les décideurs n’ont
souvent pas ou pas assez la possibilité d’étudier une série d’alternatives. Dans ces
conditions, les informations et les avis présentés au groupe risquent de ne pas être
représentatifs. S’ils estiment que certains points de vue essentiels ne sont pas pris en
considération, les individus jugent le processus décisionnel moins juste. Les parties
intéressées doivent donc avoir voix au chapitre. Pourquoi les procédures qui prévoient de
recueillir leur avis lors de la prise de décisions sont-elles considérées comme étant plus
justes? Pour la réponse à cette question, Greenberg (1990) se réfère au modèle de l’intérêt
personnel et au modèle de la valeur du groupe. D’après le modèle de l’intérêt personnel, les
personnes cherchent à contrôler les processus parce qu’elles se soucient des résultats qu’ils
peuvent avoir. La participation favorise le contrôle des résultats souhaités. Le modèle de la
valeur du groupe suppose que les personnes valorisent les relations sociales à long terme
avec les groupes. Elles espèrent également que la manière dont le groupe les traite soit
favorable à leur estime de soi. Elles accordent de l’importance à l’adhésion au groupe et
veulent y être traitées avec respect et politesse, comme des membres à part entière.
Greenberg (1990) observe que d’après des recherches récentes, le modèle de la valeur du
groupe permet de mieux expliquer le désir de participation. Dans la troisième étude de cas,
les successeurs demandent justement à être impliqués davantage: « Les jeunes veulent être
plus impliqués; ils demandent des responsabilités. En plus, il faut longtemps avant qu’une
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proposition soit prise en compte par la troisième génération » (quatrième génération,
grande entreprise, successeur).
(6) La règle de l’éthique
Les procédures doivent respecter les valeurs morales et éthiques de l’individu et de la
famille. Cette règle fait référence à des valeurs telles que le respect mutuel, le droit de
parole, la confiance, la transparence...
(7) La règle de l’engagement
Malgré le respect des six règles qui précèdent, il peut arriver que la justice procédurale soit
insuffisante, par exemple lorsque les pratiques de justice deviennent mécaniques et ne
dénotent plus un engagement profond. Le « fair process » (la justice des processus) doit
être considérée comme un concept relatif, car la justice procédurale est un objectif qui ne
peut jamais être totalement atteint. Ayres (1990) parle de « rough family justice » (justice
approximative), qui désigne la justice et non l’égalité entre les membres du système
familial. Il soutient que les enfants n’ont jamais été traités de manière strictement égale par
leurs parents: « L’un a besoin d’un appareil dentaire, l’autre pas; l’un va à l’université,
l’autre s’engage dans l’armée; un jour vous êtes content de l’un, le lendemain vous êtes
content de l’autre; et vous semblez plus contrarié par le plus jeune que par les deux autres »
(Ayres, 1990, p. 6). D’après Ayres (1990), les enfants sont aussi tolérants que compréhensifs
envers les tentatives que font leurs parents pour parvenir à une justice familiale
« sommaire », en particulier lorsqu’ils ont pu apporter une contribution utile au processus
décisionnel. Ayres (1990, p. 15) affirme donc: « Malgré les différences entre les enfants, une
justice familiale “sommaire” peut néanmoins être juste, lorsque toutes les personnes
concernées comprennent la réalité et les limites de la situation ». Dans la première comme
dans la troisième étude de cas, on a conscience qu’il n’est pas réaliste de viser une justice
absolue:
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- « La justice dans l’entreprise familiale n’est pas quelque chose de mathématique. Par
exemple: on avait pu décider de donner à chacun des quatre enfants 25 % des actions, ce qui
aurait été mathématiquement juste. Mais dans une entreprise familiale, la justice implique
que l’on tienne compte du contexte familial. Les relations familiales ne sont pas quelque
chose de mathématique » (étude de cas n° 1, quatrième génération, petite entreprise,
successeur).
- « L’engagement est plus important que la justice. L’engagement veut dire: ne pas se sentir
exclu, avoir confiance, communiquer, etc. Il y aura toujours des injustices, des déséquilibres,
mais cela n’est pas grave » (étude de cas n° 3, quatrième génération, grande entreprise,
successeur).
Les règles de la justice procédurale sont, elles aussi, appliquées de manière sélective; des règles
différentes sont privilégiées à des moments différents et les individus leur accordent des degrés
d’importance divers. Il est probable qu’ils choisissent les règles qui leur permettent d’atteindre
les résultats escomptés (Leventhal, 1976). Par conséquent, on observe que la justice
distributive influence également la justice procédurale.
Un troisième type de justice, plus récent que les notions de justice distributive et de justice
procédurale, est la justice « interactionnelle » (Colquitt et al., 2001; Barnett et Kellermans,
2006). La justice « interactionnelle » se rapporte à la qualité des traitements reçus par un
individu dans le cadre d’une exécution de la procédure de décision. Elle repose sur deux formes
d’interaction entre les personnes: (1) la justice interpersonnelle, qui indique dans quelle
mesure l’individu est traité avec politesse, dignité et respect par les personnes chargées des
décisions et (2) la justice informative, qui se concentre sur les explications fournies à propos des
modalités d’application des procédures ou de distribution des résultats. Les travaux de Colquitt
et al. (2001) montrent que les différents types de justice (distributive, procédurale,
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interpersonnelle et, dans une mesure légèrement moindre, informative) contribuent tous à la
perception de justice.
Enfin, on trouve également le terme de « justice organisationnelle », qui renvoie au rôle de la
justice en tant qu’élément de considération sur le lieu de travail (Greenberg, 1990).
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2. La justice est-elle un thème pertinent pour les entreprises familiales?
Les entreprises familiales sont une épée à double tranchant. Leur grand avantage est que les
émotions sont présentes. Leur grand désavantage est que les émotions sont présentes (Rachel
Longaberger)
L’exemple de la famille McCain, présenté en introduction, montre que les entreprises familiales
peuvent elles aussi être confrontées à l’injustice. Les familles d’entrepreneurs doivent
essentiellement se montrer attentives aux violations des règles de justice. En effet, la
perception de justice est davantage influencée par la violation des règles que par leur respect
(Baldridge et Schulze, s.d.).
On pourrait déduire de la théorie classique de l’agence que les entreprises familiales sont, plus
que les autres, à l’abri de l’injustice parce qu’elles n’ont pas de problèmes d’agence (Jensen et
Meckling, 1976). Cette théorie distingue les agents et les principaux. Ceux qui assurent la
gestion journalière de l’entreprise, les gestionnaires, sont les agents. Les propriétaires de
l’entreprise sont les principaux. Selon la théorie, il existe un risque que les agents ou
gestionnaires privilégient leur intérêt personnel au détriment des principaux ou propriétaires
(Ghoshal, 2005). Elle préconise donc la désignation d’un organe de direction (par exemple un
conseil d’administration) chargé de contrôler les gestionnaires et de veiller aux intérêts des
propriétaires. Les coûts liés à la mise en place de ce contrôle sont les coûts d’agence. La théorie
classique ne s’applique pas aux entreprises familiales où les propriétaires et les gestionnaires
sont les mêmes personnes. Cependant, il se peut que ces entreprises doivent faire face à des
coûts d’agence en raison de l’existence de conflits d’intérêts, d’une asymétrie d’information ou
d’une asymétrie d’altruisme (Labaki, 2005).
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Une entreprise familiale peut être confrontée à des conflits d’intérêts en cas de domination de
certains membres ou d’une branche de la famille, qui peuvent prendre des décisions qui leur
sont favorables au détriment des autres. Les divergences d’opinions persistantes entre les
actionnaires familiaux actifs et passifs peuvent également provoquer des conflits d’intérêts. Si
les actionnaires passifs réagissent par un contrôle trop strict des actifs, les coûts d’agence
enregistrent une augmentation considérable et peuvent même atteindre le niveau qui prévaut
dans les entreprises non familiales. Enfin, des conflits d’intérêts peuvent survenir lorsque les
revenus de l’entreprise ne suffisent pas à couvrir les besoins financiers de la famille.
La distribution inégale de l’information ou asymétrie d’information peut également donner lieu
à des coûts d’agence. Les membres actifs de la famille peuvent détenir des informations dont
les membres passifs ne disposent pas, ou pas encore. Pour les membres actifs, il est impossible
de transmettre directement toutes les informations aux membres passifs. De leur côté, ces
derniers peuvent mettre en place des mécanismes de contrôle « coûteux » s’ils n’ont pas
confiance dans les membres actifs.
L’asymétrie d’altruisme est une autre source possible de coûts d’agence. En voici quelques
exemples:
- Les parents-actionnaires ont une confiance aveugle envers le chef d’entreprise,
uniquement sous prétexte qu’il s’agit de leur enfant.
- Les membres de la famille moins performants sont davantage « couvés » que ceux qui
fournissent un travail efficace.
- En témoignage de l’amour qu’ils portent à chacun, les parents optent pour une
distribution égalitaire des actions entre tous leurs enfants, sans se soucier de leurs
compétences et de leur intérêt pour l’entreprise.
- Seuls les membres de la famille qui ne disposent pas d’un diplôme universitaire peuvent
entrer dans l’entreprise familiale car on craint qu’ils ne parviennent pas à trouver un
emploi à l’extérieur. Les membres de la famille qui ont une formation universitaire ne
sont pas admis. Ils sont censés trouver leur voie en dehors de l’entreprise familiale.
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Comme ces exemples l’illustrent, l’asymétrie d’altruisme peut, ironiquement, désavantager les
membres de la famille qui font le plus de sacrifices pour l’entreprise familiale et qui peuvent
donc se sentir traités injustement. De ce fait, ils risquent de montrer moins d’engagement,
voire de quitter l’entreprise familiale.
Au-delà des coûts d’agence, le fait que l’entreprise familiale soit un système à part entière
permet également d’expliquer pourquoi le thème de la justice est pertinent dans ce cadre
(Lambrecht et Pirnay, 2009). Un système présente quatre caractéristiques (Laszlo, 1996), que
nous pouvons appliquer à l’entreprise familiale. Premièrement, le système est un tout
cohérent. Une entreprise familiale forme une unité; ce n’est pas la famille d’un côté et
l’entreprise de l’autre. Deuxièmement, un système est composé de sous-systèmes et des
relations qui existent entre ces sous-systèmes. Une entreprise familiale a pour sous-systèmes la
famille, l’entreprise et les membres de la famille (voir Figure 1). Troisièmement, la modification
d’un sous-système exerce une influence sur les autres sous-systèmes et sur le système dans son
ensemble. Ainsi, l’entrée en fonctions d’un membre de la famille en tant que successeur a des
conséquences pour la famille, l’entreprise et le système de l’entreprise familiale. Enfin, un
système est dynamique car ses composantes évoluent. Les différentes composantes de
l’entreprise familiale sont soumises aux changements. Les membres de la famille changent (par
exemple par leur âge), la famille change (par l’arrivée de nouveaux membres) et l’entreprise
subit des modifications de forme (croissance, crise…).
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Figure 1: L’entreprise familiale en tant que système, avec la famille, l’entreprise et les membres
de la famille en tant que sous-systèmes
Source: Lambrecht et Pirnay (2009).
Un système tel que l’entreprise familiale peut devenir tellement complexe qu’il finit par mener
une existence propre. Dans ce cas, il est davantage porté par sa propre dynamique interne que
par des facteurs externes. Pour Roeder (2011), la « quantité de mouvement » (« momentum »
ou « The Big Mo ») est devenue une dynamique interne essentielle. Elle se rapporte à la force
d’un objet en mouvement. Isaac Newton a défini la quantité de mouvement comme le produit
de la masse par la vitesse. Roeder (2011) montre que le concept de quantité de mouvement ne
s’applique pas seulement en physique, mais aussi dans l’étude d’autres aspects du monde. Il
argumente que nous sommes aujourd’hui confrontés à des questions plus importantes ou plus
« lourdes » (masse) et à un monde qui évolue à une vitesse beaucoup plus élevée, ce qui
implique une plus grande quantité de mouvement. Lorsqu’un système est suffisamment vaste
et complexe, sa quantité de mouvement interne a plus tendance à s’accélérer qu’à ralentir. Il
22
est très difficile de détecter cette quantité de mouvement interne, qui s’installe
progressivement dans le système et qui est à l’origine de risques. Premièrement, Roeder (2011)
attribue la difficulté d’identifier la quantité de mouvement et les risques pour le système au fait
qu’un système vaste et complexe compte un nombre important de variables. Deuxièmement,
les plus grandes menaces ne se situent pas à l’extérieur, mais à l’intérieur du système. Elles
l’affectent simultanément et graduellement, et leur impact négatif peut se manifester
subitement. Le moindre accroc peut avoir des conséquences désastreuses. D’après Roeder
(2011), il faut donc qu’il y ait une résistance (contre-réaction) ou une forme de régulation pour
maintenir le système en équilibre.
Pour le système de l’entreprise familiale, l’injustice peut être considérée comme une quantité
de mouvement et une menace internes. Ce qui peut sembler n’être qu’un détail ou une futilité
peut, à terme, provoquer une véritable explosion.
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3. Quelle justice pour les entreprises familiales?
Il faut recentrer la question de l’équité sur la manière avec laquelle on veut appliquer l’égalité,
soit le processus de décision plutôt que sur le résultat (Parent et Perrier)
Comme nous venons de le voir, l’individu fait partie du système de l’entreprise familiale.
Leventhal (1976) distingue quatre facteurs qui déterminent dans quelle mesure il se soucie des
questions de justice:
(1) Le rôle de l’individu
L’individu peut s’occuper activement de justice distributive ou procédurale lorsqu’il joue un
rôle social axé sur le maintien de la justice.
(2) L’importance relative des autres objectifs
S’il estime que d’autres objectifs sont plus importants, l’individu se préoccupe moins des
questions de justice.
(3) La probabilité perçue d’infraction à une règle
Un individu accorde plus d’importance à la justice distributive ou procédurale lorsqu’il
pense que les règles de justice n’ont pas été respectées.
(4) La pluralité des règles normatives dans le système social
Lorsque les dirigeants suivent certaines règles de manière constante, la justice se définit en
fonction d’elles. Au fil du temps, les procédures et les modalités de distribution des
résultats finissent par aller de soi et la justice des règles existantes n’est plus remise en
question. Dans un système plural, où l’uniformité est absente et où les dirigeants n’exigent
24
pas le respect d’un ensemble cohérent de règles, les questions de justice distributive et
procédurale sont davantage abordées.
Les rares ouvrages de la littérature sur la justice dans les entreprises familiales insistent
essentiellement sur la justice procédurale (Kim et Mauborgne, 1997; Van der Heyden et al.,
2005; Parent et Perrier, 2007; Carlock et Ward, 2010; Schulze et Gedajlovic, 2010). Nous
récapitulons brièvement les arguments en faveur de la justice procédurale dans les entreprises
familiales:
- La justice est perçue différemment dans la famille et dans l’entreprise, et la justice
procédurale est considérée comme un agent de liaison entre ces deux entités.
- La justice procédurale permet d’améliorer les performances économiques du système
de l’entreprise et renforce la satisfaction et l’engagement des membres de la famille et
des personnes extérieures.
- La justice procédurale est considérée comme le terreau de la confiance, de
l’engagement et de l’harmonie. Elle encourage les individus à faire plus que le strict
nécessaire, en partageant leurs connaissances et leur créativité.
- La justice procédurale présente favorise la justice procédurale à venir; progressivement,
un cycle d’auto-renforcement apparaît.
- La justice procédurale répond à un besoin primaire de reconnaissance individuelle.
- Lorsque la justice procédurale est présente, les individus se fient davantage aux
systèmes et y apportent spontanément leur collaboration.
- La justice est considérée comme une valeur suprême, qui influence le mode
d’expression des autres valeurs de la famille.
- Les violations de la justice procédurale déclenchent des conflits familiaux.
25
Par ailleurs, Van der Heyden et al. (2005) affirment que si la justice distributive est adéquate
pour résoudre les conflits au sein de chaque sous-système pris isolément (famille, entreprise ou
propriétaires), la justice procédurale est plus adaptée lorsqu’il s’agit du système de l’entreprise
familiale dans son ensemble. Leurs propos concernant les défauts de la justice distributive
appliquée aux entreprises familiales peuvent être illustrés au moyen des trois règles classiques:
les besoins, l’équité et l’égalité (Lievens et Lambrecht, 2010). Les entreprises familiales dont la
philosophie de base est « la famille d’abord » se laissent davantage guider par la règle des
besoins; la famille est considérée comme une institution qui doit subvenir aux besoins de ses
membres. Les entreprises pour qui c’est « l’entreprise d’abord » sont surtout attachées à la
règle d’équité; elles estiment que les ressources doivent être distribuées en fonction des
performances et du mérite de chacun. Enfin, les entreprises qui défendent « les propriétaires
d’abord » privilégient la règle d’égalité; par exemple, tous les membres de la famille doivent
recevoir un nombre égal de parts. Dans la deuxième et la troisième étude de cas, les
répondants jugent le principe de « l’entreprise d’abord » injuste dans le cadre d’une entreprise
familiale, car il n’est pas tenu compte de la famille en tant que sous-système:
- « L’entreprise est un facteur d’intégration de la famille ou un élément de rassemblement. C’est
pourquoi il est injuste d’exclure certains membres de la famille du quotidien » (étude de cas
n° 2, cinquième génération, grande entreprise, successeur).
- « La justice, c’est une place pour chaque membre de la famille » (étude de cas n° 3, quatrième
génération, grande entreprise, successeur). L’un des cédants a ajouté: « La justice veut dire
aussi que chaque membre de la famille trouve ses marques, sa place au sein du groupe familial,
mais une place honnête et méritée. »
Appliquée à un ou à deux sous-systèmes, la justice distributive risque d’engendrer une injustice
dans un autre sous-système et donc dans le système de l’entreprise familiale dans sa globalité.
De plus, dans ce cas, il est peu probable que les différentes parties prenantes du système global
(membres de la famille, collaborateurs…) parviennent à s’accorder sur le caractère juste de la
26
distribution d’un résultat, puisqu’elles appliquent chacune leur propre règle de justice
distributive. Van der Heyden et al. (2005) concluent que le recours exclusif à la justice
distributive dans les entreprises familiales génère plutôt des conflits et des désaccords que des
solutions.
Barnett et Kellermans (2006) attachent également de l’importance à la « justice
interactionnelle » dans les entreprises familiales, qui permet aux collaborateurs extérieurs à la
famille d’évaluer la justice des décisions prises par les décideurs.
27
4. Comment parvenir à la justice dans les entreprises familiales?
It is becoming increasingly difficult to speak your mind without fear of offending someone (…).
The purpose of language is to convey meaning – accurately, concisely and clearly; it is not
designed to insulate anyone from real-life experiences by painting rose-tinted views of the
world. It is supposed to bring individuals into contact with the world as it actually is. To achieve
this purpose language sometimes has to be robust and direct, especially in the context of human
relations. It is far better to be honest with your neighbour, no matter what their creed, race or
gender, than tiptoe around them behind a veil of politically correct language while suppressing
what you really need to say. It’s possible to be direct without being rude (Mark Roeder)
Nous proposons neuf instruments destinés à favoriser la justice dans les entreprises familiales.
En voici une description, formulée sous la forme de commandements.
1. Prenez conscience que l’éducation est le berceau de la justice
Les graines de la justice sont semées pendant l’éducation des enfants. En effet, l’éducation
influence le climat familial, qui influence à son tour les différentes formes de justice (Parent et
Perrier, 2007). Lorsque le climat familial est bon, les désaccords éventuels sont réglés d’autant
plus facilement car la famille a un historique de communication, d’écoute, de respect mutuel et
de confiance. Par contre, lorsque le climat familial est marqué par la rivalité, l’animosité, le
ressentiment et l’indifférence, les vieilles querelles familiales ont vite tendance à se réactiver.
Quelle éducation peut contribuer à la création d’un climat familial favorable ou défavorable?
Nous pouvons distinguer cinq apports négatifs de l’éducation: (1) la concurrence entre les
enfants, (2) la surprotection, (3) le favoritisme, (4) l’éducation dominatrice et (5) les parents
distants et absents (Lambrecht et Baetens, 2005). Premièrement, les enfants ne peuvent pas
28
être élevés dans un esprit de compétition. Le cas de l’entreprise d’articles de luxe Gucci,
autrefois familiale, l’illustre très bien (Forden, 2001). La dynastie italienne Gucci a été marquée
par d’âpres conflits familiaux, dont Guccio Gucci, le fondateur, a été l’initiateur. Il mettait
régulièrement ses fils Aldo, Vasco et Rodolfo en concurrence. Il était convaincu que la
compétition les encouragerait à produire de meilleures performances. Paolo Gucci, fils d’Aldo,
témoigne aujourd’hui: « Il les montait les uns contre les autres et les mettait au défi de se
montrer dignes du sang qui coulait dans leurs veines. »
Deuxièmement, les enfants ne doivent pas recevoir une éducation trop protectrice. Autrement
dit, les parents ne doivent pas trop les dorloter, au risque de leur rogner les ailes. La
surprotection est le reflet de l’altruisme parental, une caractéristique qui pousse les parents à
se montrer généreux envers leurs enfants, jusqu’au point de les gâter (Lubatkin, Ling et Schulze,
2007). L’altruisme parental est considéré comme un problème d’autocontrôle. Le plus beau
cadeau qu’une famille d’entrepreneurs puisse faire à ses jeunes, c’est la permission ou
l’autorisation: la permission d’être eux-mêmes, la permission de s’exprimer, la permission
d’essayer et même d’échouer, la permission de découvrir et de vivre leur propre passion
(Medici, 2004).
Troisièmement, l’éducation peut également apporter une contribution négative lorsque l’un
des enfants est favorisé par rapport aux autres (Levinson, 1971). Dans la famille McCain, la
mère accordait une attention particulière à son fils Harrison (Woloschuk, 1995), ce qui peut
expliquer en partie pourquoi le conflit entre Harrison et son frère Wallace a éclaté au moment
où Wallace a nommé son fils Michael à la direction de McCain USA. Nous laissons la parole à
Michael: « Ma personnalité et celle de mon oncle Harrison se heurtaient continuellement (…).
Harrison McCain voulait dominer les autres et cela ne marchait pas avec moi » (Woloschuk,
1995, p. 137). L’assurance de Michael était telle qu’il ne se laissait pas démonter par Harrison. Il
était passionné par l’entreprise familiale et se considérait comme son successeur naturel. Le
jour où il a terminé ses études universitaires, Michael a abattu son jeu et déclaré sans ambages
à son oncle: « Oh à propos, pour qu’il n’y ait pas de malentendu, mon ambition est de prendre
ta place un jour » (Woloschuk, 1995, p. 138).
29
Une éducation dominatrice est un quatrième point négatif (Bernhoeft et Mendoza, 2004; Ward,
2004). Elle se manifeste par exemple lorsqu’un parent dominateur fait systématiquement
cesser les disputes entre ses jeunes enfants. En agissant ainsi, il les prive de la possibilité de
régler eux-mêmes leur différend et d’apprendre à résoudre les problèmes par le dialogue.
Cinquièmement, l’attitude de parents distants et absents compromet la collaboration future
entre les enfants, comme en témoigne la famille américaine Bingham, propriétaire jusqu’en
1986 des quotidiens Courier-Journal et Louisville Times (Tifft et Jones, 1991). L’histoire des
Bingham montre comment les défauts d’éducation continuent à marquer les générations
suivantes. Bob Bingham, surnommé The Judge, avait racheté les journaux en 1918 grâce à
l’héritage de son épouse décédée, qui lui avait laissé une somme de cinq millions de dollars à sa
mort en 1917. Grâce à son précédent mariage avec Henry Flagler, l’associé de John
D. Rockefeller dans la société Standard Oil et l’une des personnalités les plus importantes pour
le développement de la Floride, elle avait été la femme la plus riche des États-Unis. De fait, elle
avait hérité de quatre-vingts à cent millions de dollars. Une fois son héritage reçu, The Judge ne
s’est plus préoccupé que de gérer sa fortune. Son attention pour ses enfants, Robert Worth,
Henrietta Worth et George Barry (alias Barry Senior), s’en est trouvée considérablement
diminuée. Pour compenser, il les gâtait sur le plan matériel; il était incapable de leur refuser
quoi que ce soit. Dans la deuxième génération, Barry Senior a lui aussi consacré tout son temps
aux journaux. Son épouse Mary, quant à elle, a préféré confier l’éducation de leurs cinq
enfants, Worth, Barry Junior, Sallie, Jonathan et Eleanor, à des gouvernantes. Elle s’occupait
également des journaux et s’acquittait de nombreuses obligations sociales. Les enfants se
sentaient exclus par leurs parents. Ils ont essayé de nouer des liens plus intimes avec eux, en
vain. Barry Senior et Mary préféraient tous les deux garder une certaine réserve dans leurs
relations avec leurs enfants. Ils avaient eux-mêmes vécu la même chose pendant leur jeunesse.
Chez les Bingham, les problèmes de communication se sont aussi transmis de génération en
génération. Dans la première génération, The Judge privilégiait un style de communication
autoritaire avec ses enfants. Son fils Barry Senior se contentait d’une allusion cachée lorsque
quelque chose n’allait pas. Ce manque de communication directe a entraîné de nombreux
30
malentendus néfastes pour la bonne collaboration entre les membres de la famille. Ces défauts
d’éducation expliquent pourquoi Barry Junior et ses sœurs Sallie et Eleanor ne parvenaient pas
à s’entendre au sein de l’entreprise familiale. En 1986, ce conflit a finalement mené à la vente
de l’entreprise.
Les apports positifs de l’éducation sont: (1) l’encouragement de liens étroits et la promotion du
dialogue, (2) l’interpreneurship, (3) l’acquisition d’une vision globale et (4) l’apprentissage de
l’empathie (Lambrecht et Baetens, 2005). En exécutant des tâches ensemble, les jeunes
membres de la famille apprennent à communiquer entre eux, à résoudre les problèmes
ensemble et à prendre des décisions communes (Aronoff, Astrachan, Mendoza et Ward, 1997).
Dans la troisième étude de cas, on observe un lien étroit entre les membres de la famille: « On
crée un esprit d’équipe, un team, de la confiance. Comme cela, on aime travailler ensemble.
Pour cela, l’éducation est importante: les mêmes valeurs, jouer régulièrement ensemble. En
plus, chez nous, des membres familiaux sont toujours grand-mère ou grand-père » (quatrième
génération, grande entreprise, successeur).
L’interpreneurship se rapporte à la transmission du savoir-faire, des valeurs, des spécificités
entrepreneuriales et de l’âme de l’entreprise familiale aux générations suivantes (Lambrecht et
Baum, 2004).
Depuis plusieurs siècles, lorsqu’il s’agit de comprendre un problème ou un système, l’usage
veut que l’on réduise sa nature complexe à la somme de ses parties fondamentales
(réductionnisme) (Roeder, 2011). La seule manière de cerner un système complexe est
cependant d’adopter une vision expansionniste permettant de considérer le tableau dans son
ensemble (« big picture »). C’est extrêmement important pour l’entreprise familiale, qui
constitue un système.
Au XVIIe siècle déjà, le prêtre français controversé Jean Meslier avait remarqué que l’empathie
devrait remplacer les commandements divins, et que la société ne s’en trouverait que plus juste
(Blom, 2011).
31
2. Communiquez, communiquez, communiquez
Ce commandement reflète la règle de précision de la justice procédurale. L’existence d’une
bonne communication au sein du système de l’entreprise familiale suppose que chacun puisse
parler librement et que les avis divergents puissent être exprimés, ce qui ne va pas toujours de
soi dans ce genre de contexte car la contradiction est parfois considérée comme un manque de
loyauté. George Orwell a pourtant affirmé: « If liberty means anything at all, it means the right
to tell people what they do not want to hear » (cité dans Ferris, 2010, p. 278). Le sénateur
américain William Fullbright a également souligné: « In a democracy, dissent is an act of faith »
(cité dans Roeder, 2011, p. 147). Par ailleurs, la liberté d’opinion prévient la pensée grégaire et
le conformisme (Roeder, 2011).
Nos études de cas mettent en évidence la valeur de la communication:
- « La stabilité familiale est importante. J’ai deux enfants: une fille de 15 ans et un fils de 12 ans.
Je parle avec eux ouvertement des problèmes. On leur montre aussi qu’on est heureux dans et
avec l’entreprise familiale » (étude de cas n° 1, quatrième génération, petite entreprise,
successeur).
- « La communication, pour que tout soit clair, clair et clair. Il faut sentir qu’ils ont confiance en
vous, montrer que vous ne cachez rien, que vous êtes transparent » (étude de cas n° 3,
quatrième génération, grande entreprise, cédant).
- « Il y a pour moi la justice morale: prendre un certain recul. C’est pourquoi je suis très sensible
à la communication vis-à-vis de mes proches (ma sœur et mes parents, qui sont aussi
actionnaires). Je veille à l’équilibre familial » (étude de cas n° 4, première génération, très petite
entreprise).
Au-delà de la communication informelle ou spontanée, les familles d’entrepreneurs doivent
impérativement mettre en place une communication formelle ou planifiée. En quelque sorte, la
32
famille doit être gérée comme une entreprise (Lambrecht et Broekaert, 2011). Dans la
troisième étude de cas (quatrième génération, grande entreprise), la famille organise
régulièrement des réunions de famille. Un successeur explique: « Le but de ces réunions, c’est
d’entretenir l’engagement. Il y a des réflexions communes et cela renforce la justice. » Dans la
quatrième étude de cas, le fondateur estime également la communication informelle
insuffisante: « Il faut une communication structurée. Je tiens des mini-conseils d’administration
avec ma sœur et mes parents » (première génération, très petite entreprise).
Dans la troisième étude de cas, on note la présence d’une communication écrite à l’attention
des successeurs: « La justice, c’est aussi l’information. Nous recevons plein de choses par e-mail:
des lettres internes, les bilans, les chiffres, des projets très importants » (quatrième génération,
grande entreprise, successeur).
3. Dans une période non critique, rédigez la charte de la famille
Une charte familiale décrit les règles du jeu qui s’appliquent aux membres de la famille, l’un
envers l’autre et envers l’entreprise. Les sujets suivants y sont généralement abordés:
(1) Qui sommes-nous?
- Valeurs familiales.
- Vision du propriétaire: quels éléments essentiels la famille veut-elle perpétuer?
(2) Que faisons-nous?
- Propriété: qui peut devenir propriétaire de l’entreprise, comment devient-on
propriétaire, quand devient-on propriétaire?
- Administration: va-t-on créer un conseil d’administration ou un conseil consultatif,
avec des indépendants?
33
- Gestion journalière et activités journalières: à quelles conditions un membre de la
famille peut-il officiellement entrer en fonctions dans l’entreprise familiale?
Dans la deuxième étude de cas (cinquième génération, grande entreprise), la charte
prévoit qu’un membre de la famille doit avoir travaillé au moins cinq ans en dehors de
l’entreprise familiale avant de pouvoir y entrer officiellement. Le successeur explique la
raison d’être de cette règle: « La motivation est plus grande, si le membre de la famille
veut quand même travailler dans l’entreprise familiale par la suite. » La charte de cette
entreprise familiale précise également que le poste de président du conseil
d’administration ou de CEO doit être occupé par un membre de la famille et que tout
membre de la famille qui pose sa candidature pour un emploi au sein de l’entreprise
sera évalué par les membres extérieurs du conseil d’administration.
(3) Transmission
Dans la troisième étude de cas (quatrième génération, grande entreprise), la charte
familiale prévoit par exemple que les membres de la famille qui souhaitent vendre leurs
actions doivent les proposer en priorité aux autres membres de la famille (droit de
préemption). Ces derniers peuvent acquérir les actions à la valeur comptable (capitaux
propres au bilan) et non à la valeur du marché. L’un des cédants explique pourquoi cette
règle figure dans la charte: « On ne prend pas la valeur du marché afin de tenir compte
de la famille, de la solidarité familiale, de l’esprit de famille. La solidarité familiale veut
dire: personne n’est perdant, personne n’est gagnant. »
(4) Rémunération et vacances
Dans la troisième étude de cas (quatrième génération, grande entreprise), la charte
familiale prévoit que la rémunération de tous les membres de la famille occupant un
poste de direction est composée d’un montant unique et conforme au marché (obtenu
auprès d’un bureau externe), qui est fixé pour trois ans et qu’ils peuvent dépenser
comme ils le souhaitent. Chacun peut donc déterminer lui-même le montant qu’il va
consacrer à son salaire, à sa voiture et à ses autres avantages extralégaux. Dans la
34
deuxième étude de cas (cinquième génération, grande entreprise), la charte signale
explicitement que la rémunération des membres de la famille ne diffère pas de celle des
autres personnes qui exercent la même fonction: « Si on favorise le familial par rapport
au non familial, on crée des problèmes. »
(5) Communication
(6) Modifications de la charte familiale
La justice procédurale trouve son origine dans les tribunaux (voir Thibaut et Walker, 1975). La
charte familiale peut être assimilée à la législation du système de l’entreprise familiale (Van der
Heyden et al., 2005). Par ailleurs, elle en assure également la réglementation. À ce sujet, nous
nous référons à Roeder (2011), qui soutient que la résistance (ou contre-réaction) est
nécessaire pour maintenir un système en équilibre.
La famille propriétaire doit se garder de toute surréglementation. Ses membres ne peuvent pas
avoir les mains liées par des règles trop strictes; la charte familiale ne doit pas être un carcan.
Dans la troisième étude de cas (quatrième génération, grande entreprise), la famille en est bien
consciente: « On ne peut pas aller trop loin dans le pacte familial, sinon on s’enferme, ce qui est
contradictoire à la souplesse de l’entreprise familiale. » La charte de cette entreprise familiale
indique qu’à moins d’être CEO, aucune personne travaillant de manière journalière dans
l’entreprise ne peut faire partie du conseil d’administration, et vice versa. La famille a compris
que cette règle était trop rigide et qu’à terme, il était à craindre que plus aucun membre de la
famille ne soit opérationnel.
La charte familiale peut-elle être une source d’injustice? C’est possible, lorsque sa rédaction
n’est pas au-dessus de tout soupçon. Cela peut notamment être le cas lorsque des successeurs
sur le point de reprendre les rênes de l’entreprise familiale participent à son élaboration. Il
existe un risque qu’ils défendent les règles qui leur sont favorables, ce qui peut entraîner une
injustice distributive. C’est la raison pour laquelle la charte familiale doit être élaborée dans une
35
période non critique. Cette solution permet également d’anticiper tout problème ou conflit
potentiel. En cela, elle déroge à la règle de la représentativité de la justice procédurale (voir
plus haut).
4. Osez mettre en place un conseil d’administration ou un conseil consultatif avec des
indépendants
Légalement, une société anonyme (S.A.) doit disposer d’un conseil d’administration. Toutefois,
on ne peut parler de conseil d’administration actif que dans 22 % des S.A. familiales belges
(Lambrecht et Molly, 2011). Le qualificatif « actif » est défini par le code Buysse II et implique la
tenue d’au moins quatre réunions par an. Sur ces 22 %, la moitié ont recours à des
administrateurs indépendants, qui ne font pas partie de la famille des propriétaires, qui ne
travaillent pas de manière journalière dans l’entreprise et qui n’ont pas de lien commercial avec
elle. Un conseil consultatif peut être décrit comme un conseil d’administration informel; on en
trouve dans 3 % des entreprises familiales (Lambrecht et Molly, 2011). Font notamment partie
des attributions du conseil d’administration ou du conseil consultatif:
- La formulation de la stratégie de l’entreprise familiale.
- Le soutien, la surveillance et, si nécessaire, l’ajustement de la mise en œuvre de la
stratégie d’entreprise.
- L’élaboration des comptes annuels et l’évaluation des budgets et investissements.
- Le contrôle du respect de la charte familiale.
- Le rôle de caisse de résonance pour la direction de l’entreprise.
- La prise des décisions relatives au recrutement des membres de la famille.
- La nomination et l’évaluation des gérants et du (top) management.
- La détermination de la rémunération des propriétaires, des gérants et du (top)
management.
- La résolution des situations de crise et des conflits.
- La prise des décisions relatives aux œuvres de charité.
- La planification de la succession.
36
Il est recommandé d’inclure des indépendants au sein du conseil d’administration ou du conseil
consultatif. Ils font office de caisse de résonance, peuvent émettre des avertissements sur les
risques qui menacent le système et apportent une certaine discipline. Bref, ils contribuent à la
sauvegarde de la justice procédurale. Par ailleurs, ils atténuent la solitude de l’entrepreneur
familial, qui présente à son tour moins de symptômes physiques et psychiques (Lambrecht,
2010).
Certaines familles ne souhaitent faire appel à des personnes extérieures que pour obtenir des
conseils ponctuels. Elles ne sont pas particulièrement désireuses de voir siéger au conseil
d’administration ou au conseil consultatif des représentants extérieurs permanents, qu’elles
considèrent plutôt comme des gêneurs. Il n’est cependant pas sans risque de remplacer des
membres permanents par des conseillers ad hoc car ces intervenants temporaires n’ont pas
une vision globale et ne connaissent pas le système de l’entreprise familiale dans son ensemble.
Par conséquent, il se peut que leurs conseils soient basés sur une approche trop réductionniste
et se révèlent insuffisants.
5. Évitez la confusion des rôles
Les membres de la famille peuvent jouer différents rôles au sein de l’entreprise familiale. Une
personne peut par exemple être à la fois propriétaire, administrateur et directeur. Il n’y a guère
besoin de longues explications pour comprendre que ce mélange des genres peut être à
l’origine de problèmes majeurs (Lievens et Lambrecht, 2008). Chacun de ces rôles
s’accompagne en effet de son lot de tâches et de responsabilités. Selon un principe empirique
essentiel, il faut jouer le bon rôle au bon endroit et au bon moment, conformément à la règle
de l’impartialité de la justice procédurale. Un actionnaire ou propriétaire intervient à
l’assemblée générale, un administrateur au conseil d’administration ou au conseil consultatif,
un directeur dans la gestion journalière. Dans la troisième étude de cas, la famille veille à se
prémunir contre la confusion des rôles: « Chacun son rôle, que chaque membre de la famille
37
trouve ses marques au sein du groupe familial, mais une place honnête et méritée » (quatrième
génération, grande entreprise, successeur).
6. Faites de la propriété responsable l’une de vos priorités
Ce commandement correspond aux règles de l’éthique et de l’engagement de la justice
procédurale. La propriété responsable repose sur deux notions essentielles: (1) le stewardship
et (2) la propriété émotionnelle ou psychologique (Lambrecht et Lievens, 2009) (voir Figure 2).
Le stewardship implique qu’il soit tenu compte des autres partenaires ou acteurs concernés
(stakeholders). Plusieurs auteurs définissent la propriété responsable par une référence
explicite aux partenaires:
- Responsible ownership is protecting and nurturing the family business and preserving it for the
benefit of the next generation of family members and for employees, customers, and the
community (Aronoff et Ward, 2002, p. 1).
- Responsible ownership is an active and long-term commitment to the family, the business and
the community, and balancing these commitments with each other (Lambrecht et Uhlaner,
2005, p. 10).
- Responsible ownership is defined as those ownership behaviors which contribute to the
collective group of owners, as opposed to behaviors that selectively serve the owner’s (selfish)
interests (Uhlaner, s.d., p. 4).
À noter que selon la définition d’Uhlaner, on peut clairement considérer comme propriétaire la
famille dans son ensemble.
La propriété émotionnelle ou psychologique, le deuxième ingrédient central de la propriété
responsable, est définie par Björnberg et Nicholson (2008, p. 3) comme « a sense of closeness
38
and belonging to the family business – what psychologists call attachment. » Leur définition
contient clairement la notion d’identification: l’entreprise fait partie de vous-même en tant que
personne. Le lien qu’un membre de la famille ressent avec l’entreprise familiale est
déterminant pour la propriété émotionnelle, même si ce lien n’éveille pas que des sentiments
positifs à son égard. La définition de Björnberg et Nicholson (2008) attache par ailleurs à cette
propriété émotionnelle une mentalité ou disposition d’esprit (spirit) qui n’est pas seulement
présente lorsque l’entreprise marche bien.
Hall (2005) définit quant à lui la propriété émotionnelle comme une attitude dans laquelle le
sentiment de solidarité psychologique avec l’entreprise prédomine. Melin, Brundin et
Samuelsson (2005) décrivent pour leur part l’actionnariat psychologique comme les
responsabilités et les droits que l’on se reconnaît du fait de ses liens avec l’entreprise familiale.
Ces responsabilités s’expriment dans des émotions telles que « vouloir se montrer protecteur »,
« être préoccupé », « être prêt à faire des sacrifices et à consacrer tout son temps et toute son
énergie à l’entreprise familiale ». Les droits peuvent se référer à la possession d’actions, à
l’exercice d’influence et à l’obtention d’information sur l’entreprise familiale.
Figure 2: La propriété responsable
Source: Lambrecht et Lievens (2009).
Propriété responsable
Stewardship Propriété émotionnelle ou psychologique
39
Un propriétaire responsable d’une entreprise familiale présente un certain nombre de
caractéristiques qui reflètent la propriété responsable telle que décrite plus haut (voir Figure 3).
Examinons d’un peu plus près ces six caractéristiques.
La première caractéristique indique ce que le propriétaire responsable n’est pas. Il n’est pas un
pur investisseur. Un propriétaire qui se contente d’apporter des moyens financiers de nature
générale et non spécifique est remplaçable. L’actionnaire responsable d’une entreprise
familiale est dès lors engagé (deuxième caractéristique) et s’identifie personnellement avec
l’entreprise. Il doit vouloir être propriétaire et entretenir la relation entre la famille et
l’entreprise. Un propriétaire familial qui ne vise que les avantages de l’actionnariat fait preuve
d’une motivation déficiente. La propriété devient alors un piège. En troisième lieu, un
propriétaire responsable est un propriétaire très bien informé des entreprises familiales en
général et de sa propre entreprise en particulier. Une quatrième caractéristique du propriétaire
responsable est son souci de l’avenir de la famille et de l’entreprise. En cinquième lieu, un
propriétaire responsable transmet ses connaissances sur la propriété responsable de
l’entreprise familiale aux nouvelles générations. La sixième et dernière caractéristique est de se
comporter en propriétaire. Cette caractéristique vise surtout les membres de la famille qui ne
possèdent pas (encore) d’actions et ne sont pas (encore) juridiquement propriétaires. En
endossant les caractéristiques précitées, un propriétaire n’ayant pas ce statut juridique peut se
comporter en propriétaire responsable.
40
Figure 3: Caractéristiques d’un propriétaire responsable d’une entreprise familiale
19
Propriétaire
responsable
EngagEngagéé((committedcommitted))
ConcernConcernéé((carecare))
≠≠ purementpurement unun investisseurinvestisseur ((remplaremplaççableable))YouYou dondon’’t t createcreate ownersowners byby givinggiving peoplepeople stock, stock,
youyou createcreate investorsinvestors
BienBien informinforméé((knowledgeableknowledgeable))
TransfTransféérerrer la la connaissanceconnaissanceconcernantconcernant unun propripropriéétairetaire responsableresponsable
Si je Si je nene suis pas suis pas unun actionnaireactionnaire au au senssens juridiquejuridique,,agiragir commecomme unun actionnaireactionnaire
Source: Aronoff et Ward (2002); Institute for Family Business (2007).
Comme nous l’avons souligné, un propriétaire responsable ne se forme pas seulement lui-
même, mais aussi les nouvelles générations (Schuman et Ward, 2009). La formation de celles-ci
comprend un premier volet général, un deuxième sur l’entreprise familiale et un troisième sur
les aspects financiers.
Le volet général est surtout focalisé sur les valeurs et les attentes réalistes. Cet aspect de la
formation doit alimenter la santé émotionnelle des enfants.
La formation sur l’entreprise familiale passe surtout par la table familiale, le jeu et les petits
jobs dans l’entreprise, les événements sociaux dans le cadre de l’entreprise familiale et les
symboles (par exemple, des publications sur l’histoire de l’entreprise). Au cours de cette
formation, la communication informelle et les contacts personnels restent toujours nécessaires
(Björnberg et Nicholson, 2008). Certaines grandes entreprises familiales disposent même d’une
41
école familiale interne, où les jeunes membres de la famille acquièrent de l’information sur
l’entreprise. Dans la troisième étude de cas (quatrième génération, grande entreprise), la
holding familiale, où sont présents cinq enfants de la nouvelle génération, est une véritable
école pour les successeurs. Ces derniers réclament toutefois encore une formation
complémentaire pour pouvoir remplir correctement leur rôle (par exemple en qualité
d’administrateur) au sein du système de l’entreprise familiale: « C’est bien de rédiger des règles,
mais il faut aussi dire qui va exercer quel rôle afin de former les gens d’une façon optimale. Il
faut investir assez tôt dans cette formation. À un certain moment, il faut avancer, il faut aller
jusqu’au bout des choses. Sinon, on peut avoir l’impression qu’on est en train de s’écarter de la
justice. »
Dans le volet financier de la formation, les jeunes membres de la famille sont initiés à la
connaissance technico-financière et communiquent avec la génération précédente au sujet du
patrimoine familial (Lambrecht, Arijs et Beens, 2004). Ce patrimoine familial fait cependant
encore l’objet d’un tabou. C’est ainsi que deux tiers des étudiants issus d’une famille nantie
déclarent ne pas participer eux-mêmes aux discussions sur le patrimoine familial. Plus de la
moitié (57 %) d’entre eux ne sont pas au courant de la manière dont le patrimoine familial leur
sera transmis. Le langage juridico-financier est également hermétique pour une bonne partie
de la jeune génération. Environ 44 % des étudiants de famille aisée et propriétaire d’une
entreprise familiale avouent que le domaine juridico-financier est pour eux un rébus. La
majorité (82 %) des étudiants interrogés n’a d’ailleurs aucun contact avec les conseillers
financiers. La formation financière des futures générations doit non seulement les préparer à la
propriété responsable, mais aussi les prémunir contre l’affluenza (contraction des mots anglais
affluent (nanti) et fluenza (grippe)). L’affluenza vise les effets psychiques pervers de l’opulence,
comme la honte, la mauvaise image de soi, la culpabilité, l’alcoolisme, les achats compulsifs, le
perfectionnisme, etc. Le problème concerne aussi bien les personnes qui vivent et grandissent
dans l’abondance que celles qui sont attirées par l’accumulation d’argent. La mauvaise
communication avec les héritiers et le manque de confiance dans leur chef sont les raisons
42
principales qui expliquent l’échec de 70 % des transmissions de patrimoine familial. Dans la
deuxième et la troisième étude de cas, l’entreprise prévoit une formation financière à
l’attention de la génération suivante:
- « La formation des actionnaires favorise leur jugement et leur connaissance, et constitue donc
un facteur de stabilité » (étude de cas n° 2, cinquième génération, grande entreprise,
successeur).
- « Une action est donnée à l’âge de 18 ans. Comme cela, les jeunes peuvent venir à l’assemblée
générale, ce qui crée de l’affectio societatis » (étude de cas n° 3, quatrième génération, grande
entreprise, cédant).
7. Pensez au pluriel
Les entreprises familiales ont un atout important: elles pensent et elles agissent à long terme.
Pour parler de « long terme », il ne suffit pas d’envisager une seule, mais au moins deux
générations ou plus. Cette approche permet de garantir le respect des règles de l’impartialité et
de l’éthique de la justice procédurale. Dans la troisième étude de cas (quatrième génération,
grande entreprise), les membres de la famille l’ont bien compris et ont inscrit dans la charte
familiale que toute action devait être obligatoirement transmise aux héritiers légaux. Certaines
familles décident que seuls les membres de la famille occupant un poste de direction peuvent
devenir actionnaires (il n’y a donc pas d’actionnaires passifs). De cette manière, elles excluent
évidemment toute branche dont aucun membre n’exerce une fonction de direction. Même si
cette branche compte un membre compétent et motivé dans la génération suivante, ce dernier
ne pourra plus entrer dans l’entreprise familiale en tant que membre de la famille (car sa
branche ne sera plus active au sein du système).
43
8. Soyez cohérent
Premièrement, les membres de la famille doivent agir conformément aux valeurs familiales.
Deuxièmement, leurs actes doivent être en adéquation avec la vision du propriétaire.
Troisièmement, toutes les actions accomplies par l’entreprise (en matière de prix, de lieu
d’implantation, de promotion, de produits et de personnel) doivent s’inscrire dans la réalisation
de sa mission stratégique. Ce commandement fait écho aux règles de la cohérence et de
l’éthique de la justice procédurale.
9. N’évitez aucun sujet sous prétexte de préserver la paix familiale
Ce dernier commandement se fonde sur les règles de la précision et de l’adaptabilité de la
justice procédurale. Certaines familles de propriétaires éludent constamment les questions
délicates par souci de maintenir la paix familiale. Elles craignent qu’un conflit n’éclate si elles
abordent ces sujets. Tels des boomerangs, ceux-ci leur reviennent cependant invariablement,
comme en témoigne la première étude de cas: « Beaucoup de problèmes chez nous sont restés
non résolus, avec la conséquence qu’on ne pouvait plus les résoudre. Le dialogue est la base de
tout, afin que la perception soit juste. Mais il est très difficile de changer la perception des
autres et la sienne » (quatrième génération, petite entreprise, successeur).
Les familles de propriétaires doivent donc oser entamer la discussion et débattre avec
intelligence des questions difficiles. Sorenson (1999) a étudié cinq stratégies de gestion de
conflit. Il distingue la compétition, l’accommodation, le compromis, la collaboration et
l’évitement.
En cas de compétition, l’une des parties réagit au conflit en faisant de la rétention
d’information et en utilisant la manipulation pour tenir tout le monde à distance. La croyance
veut qu’il n’y ait qu’un seul « gagnant » à l’issue du conflit. À l’autre extrémité du continuum,
l’accommodation implique que l’on cède inconditionnellement aux souhaits de l’autre. En
44
situation de compromis, en revanche, chacun met de l’eau dans son vin. La stratégie de
collaboration s’apparente à celle du compromis dans une certaine mesure. Il s’agit toutefois de
parvenir à une solution qui satisfasse véritablement toutes les parties et qui nécessite moins de
concessions. La dernière stratégie possible est celle de l’évitement, selon laquelle les conflits ne
sont pas réglés mais niés.
Sorenson (1999) a fait le point des principaux avantages et inconvénients de chacune de ces
stratégies. Il a établi que la compétition correspondait à un style de leadership autoritaire.
Cette stratégie permet de « résoudre » les conflits en répondant aux souhaits d’une seule
partie (le « gagnant »), ce qui peut limiter la capacité de l’entreprise à s’adapter à des
conditions changeantes. De plus, elle ne favorise pas l’harmonie au sein de la famille.
D’après la littérature, l’accommodation est rarement employée dans les entreprises familiales.
Bien qu’elle puisse largement contribuer à l’harmonie familiale, elle peut aussi reléguer le
succès commercial à l’arrière-plan lorsqu’elle se manifeste sous sa forme la plus extrême.
La collaboration consolide les bonnes relations entre les membres de la famille, mais elle peut
aussi aider l’entreprise à progresser dans la mesure où elle déclenche un processus
d’apprentissage et renforce la capacité d’adaptation. Il en va de même pour le compromis, dont
les effets positifs peuvent toutefois être moins marqués.
Enfin, l’évitement n’est recommandé que lorsqu’il s’agit de problèmes mineurs. Appliquée à
des problèmes de plus grande importance, cette stratégie provoque de vives tensions
familiales, qui peuvent se répercuter sur le fonctionnement de l’entreprise.
Sorenson (1999) a analysé 59 entreprises familiales texanes, pour parvenir à la conclusion que
la collaboration était associée aux meilleurs résultats. Cette stratégie montre une corrélation
positive significative avec les performances financières par rapport aux principaux concurrents,
mais aussi avec la réussite familiale. Suivent l’accommodation et le compromis, qui présentent
toutes les deux une forte corrélation positive avec la réussite familiale. Aucune relation
significative n’est cependant observée avec la réussite de l’entreprise. La compétition et
45
l’évitement se positionnent en dernière place, en l’absence de relation démontrable avec la
réussite de l’entreprise ou de la famille.
La figure ci-dessous récapitule les neuf instruments destinés à favoriser la justice dans les
entreprises familiales.
46
Figure 4: Les instruments qui favorisent la justice dans les entreprises familiales
Rien cacher
Education
Cohérence
Pensez au pluriel Propriétaire responsablePas de confusion des rôles
Comité avecdes externes
Charte familiale
Communication
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