2007
Ronan Ung
Etudiant en 4ième année
Promotion 2004-2008
Spécialité développeur
26/10/2007
Mémoire de spécialité appliquée
Le marketing Tribal et le rapport marques
/ tribus
2 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
Introduction
Ce Mémoire de spécialité appliquée a été réalisé dans le cadre de l’obtention du diplôme de
l’ISEME. Le choix du sujet étant libre et suivant un parcours à dominance marketing, j’ai
choisi un sujet me permettant de développer mes connaissances dans ce domaine, mais
aussi un sujet qui pourrait m’être utile dans ma future vie professionnelle.
Lors de mes premières années à l’ISEME, le professeur de Marketing Fondamental, Nicole
Tardy nous a introduit les formes alternatives de marketing, dont le marketing tribal, ce
sujet m’ayant passionné, j’ai choisi de l’exposer.
Dans cette étude nous abordons la notion de société (moderne ou postmoderne), les propos
contenus dans celle-ci ne sont pas à généraliser à toutes les sociétés. Celle qui est l’objet de
notre étude une société occidentale, française ou très similaire.
Le point de départ du marketing tribal est la mutation de la société et le passage de
comportements de consommation modernes à postmodernes.
La société moderne est celle des lumières, autrement dit celle ou les concepts établis par
ceux-ci ont été développés et ont régit les modes de pensée, les comportements sociaux et
consommatoires. Parmi ces concepts on trouve la liberté, le progrès technique et la
rationalité.
La société postmoderne, par son nom s’oppose à la société moderne dans le sens ou le
préfixe « post » signifie qu’elle vient après la société moderne. Par ailleurs, la société
postmoderne remet en cause les idées et schémas de pensée de la société moderne, c’est
donc aussi de cette manière qu’elle s’oppose au modernisme.
Outre ces aspects philosophiques, le modernisme et le postmodernisme ont eu des
conséquences sur la société de consommation et les individus la composant.
Individualisme, fragmentation sociale, développement de la téléphonie et d’Internet, ces
éléments sociologiques et technologiques permettent tous de caractériser la société
postmoderne, et leur apparition a une incidence considérable sur les modes de
consommations.
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Le marketing reposant sur l’adaptation continue de l’offre en fonction des attentes des
consommateurs, les marketeurs ont tenté de suivre les tendances sociales et leurs
implications consommatoires afin d’adapter leurs actions, en développant des formes dites
alternatives de marketing. Qu’il soit viral, sensoriel, expérientiel, relationnel ou tribal le
marketing et surtout la maîtrise de ces nouvelles techniques sont aujourd’hui des facteurs
clés de succès pour les entreprises.
Certains sociologues ont démontré une montée de l’individualisme dans nos sociétés. Ce
phénomène structurel social correspond à la mise au centre de l’individu dans la société.
D’autres sociologues ont, eux, démontré que les individus avaient tendance à se réunir en
microgroupes communément appelés tribus, communautés ou clubs dans le but de renouer
du lien social, en quelque sorte détérioré par l’individualisme. Ce phénomène de retour à la
communauté est aussi appelé fragmentation sociale.
A l’image des tribus ancestrales, ces néo-tribus ont leurs propres codes de conduite, des
leaders d’opinion, des lieux de culte qui ont obligé les marketeurs à modifier leurs stratégies
en corrélation avec ces caractéristiques tribaux. Autrement dit, les tribus sont des
regroupements de cibles potentielles hétérogènes avec des habitudes et des
comportements communs, mais dont les caractéristiques varient de l’une à l’autre. ce qui
rassemble les individus peut être une passion, une religion ou une préférence sexuelle.
Pour atteindre les tribus, les marketers ont développé une technique appelée Marketing
tribal. Cette technique vise le lien entre les membres d’une même tribu, à travers différents
moyens qui semblent avoir pour rôle de rendre la marque indispensable au lien rassemblant
les individus.
Nous avons choisis d’étudier le rapport qu’entretiennent les tribus et les marques. En effet,
les tribus semblent capables d’autogestion, et disposent généralement d’un réseau de
communication très développé.
Dans un contexte de marketing tribal, on peut se demander qui des entreprises ou des tribus
se trouvent dans une position de dépendance vis-à-vis de l’autre ?
4 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
Les phénomènes sous-jacents au marketing tribal étant assez récents, il paraît nécessaire
d’étudier les sources sociologiques, technologiques et consommatoires de celui-ci.
Puis, le marketing tribal étant une adaptation du marketing classique, les bases de se dernier
permettent de comprendre ce qu’apporte de nouveau une approche tribale et, la
connaissance de ses déterminantes est primordiale pour démontrer que la structure de la
tribu fait sa force et que la mise en œuvre des moyens dont disposent les marques leur
permet d’assurer un relatif contrôle.
5 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
Sommaire
Introduction ................................................................................................................................ 2
Sommaire ................................................................................................................................... 5
1. Les sources du marketing tribal ......................................................................................... 7
1.1. Le contexte sociologique ............................................................................................. 7
1.1.1. De la modernité à la postmodernité .................................................................... 7
1.1.2. La postmodernité ................................................................................................. 8
1.1.3. La crise identitaire de l’individu postmoderne .................................................... 9
1.2. Le contexte technologique ........................................................................................ 12
1.3. Les tendances de consommation .............................................................................. 14
1.3.1. L’hédonisme et l’éclectisme de consommation ................................................. 14
2. Du marketing classique au marketing tribal .................................................................... 18
2.1. Les concepts du marketing classique ........................................................................ 18
2.1.1. La segmentation ................................................................................................. 18
2.1.2. La pyramide de Maslow ..................................................................................... 19
2.2. Les déterminantes du marketing tribal ..................................................................... 20
2.2.1. La valeur du lien tribal ........................................................................................ 20
2.2.2. Le marketing tribal, l’intérêt de l’action tribale pour l’entreprise ..................... 21
2.2.3. Les tribus postmodernes et leurs caractéristiques ............................................ 22
3. Le rapport marque tribu : de la structure aux moyens de contrôle ................................ 27
3.1. La structure de la tribu, cause de la dépendance à la marque ................................. 27
3.1.1. Les tribus mono marque ou mono produit ........................................................ 27
3.1.2. Pluri produit –pluri marque ................................................................................ 28
3.1.3. La taille de la tribu .............................................................................................. 29
3.2. Les outils du marketing tribal pour les marques ....................................................... 30
3.2.1. Le sponsoring ou mécénat d’entreprise ............................................................ 30
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3.2.2. Faire des boutiques des lieux culte .................................................................... 31
3.2.3. Le Co-design (la Co-conception), impliquer le consommateur. ......................... 31
3.2.4. Recruter dans la tribu ......................................................................................... 32
3.2.5. Le marketing viral, utiliser le réseau interne de la tribu .................................... 32
3.2.6. Les communautés virtuelles et Blogs ................................................................. 33
Conclusion ................................................................................................................................ 36
Bibliographie ............................................................................................................................ 37
Abstract .................................................................................................................................... 38
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1. Les sources du marketing tribal
Cette partie de notre étude est consacrée à présenter et expliquer les différents mécanismes
sociologiques, technologiques et consommatoires qui ont entraîné la création, ou la
résurgence du lien tribal, aussi appelé tribalisation de la société.
1.1. Le contexte sociologique
1.1.1. De la modernité à la postmodernité
La modernité, comme les sociologues l’entendent, est une période historique et sociale qui
prend son essence dans la philosophie des lumières au milieu de l’ancien millénaire pour se
terminer dès la fin des trente glorieuses. Les principes fondateurs de la modernité ont été
érigés par les philosophes des lumières et à travers, par exemple, l’idée de Descartes :
« L’homme est maître de la nature ».
Le sens de cette phrase permet de comprendre que l’homme est capable de mettre la
nature à son service, ainsi, la croyance que Dieu est le seul maître légitime de la nature est
considérablement remise en question, et met en avant un des premiers concepts de
libérateur de l’individu, la rationalité.
Cette époque a vu l’individu se détacher de « l’obscurantisme moyenâgeux, des croyances,
de l’inculture, du despotisme… »1 (Riou, 1999) qu’il juge l’asservir, afin de laisser la place à
l’innovation, au changement et au mythe du progrès, les seuls moyens de s’émanciper et se
réaliser.
Pendant cette période, l’individu est en quête de valeurs comme le primat de la Science sur
la Religion.
Conforté dans ses « nouvelles croyances » par la Révolution Industrielle, apogée de l’idée
que le progrès libérera l’individu des tâches aliénantes du travail, l’homme moderne n’a plus
qu’à penser à avancer et à se réaliser, être maître de sa vie.
Ainsi, on peut résumer la modernité comme la période qui a vu le développement des
valeurs que sont : la liberté, la Science, le Travail, la Raison, l’Empirisme,…
1 « Pub Fiction » : Petit tours d’horizon du postmodernisme, annexe, Nicolas Riou, p169
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1.1.2. La postmodernité
Le point de départ de la postmodernité est qu’elle s’oppose à la modernité et qu’un nouveau
type de société et d’individu apparaît, les sociologues ne sont aujourd’hui toujours pas
d’accord sur les fondements de ce nouveau schéma social.
L’élément principal qui caractérise cette société postmoderne est que de plus en plus les
valeurs des lumières sont remises en question, et on commence à se demander si un jour
nous atteindrons ces idéaux, qui deviennent peu à peu des utopies…
A la fin des années 70 les premiers signes du postmodernisme se font ressentir, c’est à cette
époque que le premier ouvrage postmoderne est publié « la condition postmoderne » par
Jean-François Lyotard et à laquelle les communautés Hippies se forment. Mais étant donné
que des mouvements comme le Rock’n’roll ont eu lieux avant cette date, qu’un seul ouvrage
ne peut être considéré comme un indicateur, il est difficile d’affirmer qu’il s’agisse du point
de départ de la postmodernité.
« On arrive à un état d’incrédulité croissante vis à vis des métarécits »2 (Cova B. , 1995)
Tous les concepts de la modernité qui ont fait de la société ce qu’elle était à ce jour tendent
à être de plus en plus controversés, parmi eux, le progrès qui ne libère plus mais il pollue, ou
encore la science se heurte à l’éthique avec la question de l’IVG ou plus récemment du
clonage.
Les valeurs et repères de la société étant discutés, on assiste à une perte de logique dans les
comportements des individus, ils deviennent imprévisibles, et tendent à montrer des signes
d’un comportement hétérogène et individualiste mais ils ont aussi paradoxalement
tendance à se regrouper en micro-clans.
Ainsi, deux thèses s’opposent sur les fondements de la société postmoderne.
1.1.2.1. La montée de l’individualisme
« Selon un premier courant de recherche conduit en France par le sociologue Gilles
Lipovetski, la postmodernité se caractériserait ainsi par l’individualisme, aboutissement
2 « Pub Fiction » : Petit tours d’horizon du postmodernisme, annexe, Nicolas Riou, p175
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logique de la quête moderne de la libération des liens sociaux qu’ils relèvent des
communautés traditionnelles ou d’agrégations modernes. »3 (Cova B. , 1995)
Selon ce courant de pensée, le phénomène structurel principal caractérisant une société
postmoderne est l’individualisme, phénomène par lequel on constate que les hommes
tentent de « se » réaliser, de cultiver et d’affirmer leur singularité, sans tenir compte des
« entraves » que constituent les schémas sociaux du passé.
Il existe plusieurs sens ou manière de définir à ce concept, commençons par présenter sa
nature. L’individualisme est un phénomène structurel, autrement dit un phénomène qui est
amené à durer et qui s’oppose à un phénomène conjoncturel qui lui a une période de vie
plus courte.
Au sens courant, l’individualisme est :
« Une attitude, un état de fait favorisant l’initiative et la réflexion individuelle, le goût de
l’indépendance. »4 (Rey & Rey-Debove, 2001)
La sociologie définit l’individualisme d’une manière plus large comme une :
Doctrine selon laquelle l’explication des faits sociaux se trouve dans l’individu5 (Rey & Rey-
Debove, 2001)
Dans les faits, on constate que, libre d’agir comme il l’entend, l’individu peut assumer sa
sexualité (autrefois considérée comme déviante), quitter sa ville natale (par lui-même ou
pour sa carrière professionnelle), ou encore divorcer pour parvenir à sa recherche du
bonheur et ce avec de moins en moins de jugements et réprimandes sociales.
Mais cette liberté d’agir est à double tranchant, les familles monoparentales, et les couples
divorcés en France sont de plus en plus nombreux, on constate d’ailleurs une augmentation
du nombre de divorce depuis 1965 jusqu’à nos jours.
1.1.3. La crise identitaire de l’individu postmoderne
La recherche du lien et effets induits
«(…) la liberté de l’individu est aussi sa plus grande vulnérabilité »6 (Cova & Cova, 2001)
3 « Au-delà du marché : quand le lien importe plus que le bien » Bernard Cova, l’harmattan 1995, p. 13
4 « Le petit Robert Langue Française » sous la direction de Josette Rey-Debove et Alain Rey, fev 2001, p.1302
5 idem
6 « Alternatives marketing, Réponses marketing aux nouveaux consommateurs » Véronique Cova et Bernard
Cova, Dunod 2001, p.7
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Parmi les effets induits de l’individualisme on remarque une perte de repères et valeurs chez
l’individu et qui semble vivre une réelle crise identitaire dans la société postmoderne. En
effet livré à lui-même, alors qu’il s’est toujours défini en fonction de schémas sociaux
traditionnels, il ne sait comment progresser dans cette société et conserver sa liberté.
A cela il faut ajouter l’effondrement d’ « un ensemble de systèmes et d’utopies qui étaient
autant de repères pour l’individu : le travail, la politique, la nation, la religion, le progrès …»
L’exemple de l’Eglise Catholique traditionnelle est un des plus flagrants, les affaires de
pédophilie perpétrées par des prêtes ont créé une réelle perte de crédit pour l’Eglise, sa
morale et le pilier social qu’elle constituait, s’effondrent, elle perd de son impact sur les
individus et ceux-ci, déçus, vont peu à peu soit se diriger vers des formes de croyances
alternatives comme les secte ou l’ésotérisme, soit vers d’autres religions reconnues comme
l’islam ou soit tout simplement vers l’athéisme.
A cet exemple, on peut ajouter celui de la politique et de l’Etat, dont les acteurs passent
régulièrement devant les tribunaux, ce qui a crée un climat d’incrédulité et de méfiance du
citoyen qui perd confiance en la politique et on a constate (parmi d’autres effets) une
augmentation du nombre de partisans aux causes extrémistes et plus particulièrement
nationalistes avec notamment le 21 avril 2002 comme « apogée », on parle alors de vote
« sanction » envers les politiques conventionnels.
1.1.3.1. La fragmentation sociale
Pour Michel Mafesoli, l’individualisme n’est pas l’élément clé de la postmodernité, au
contraire, il constate un « retour aux liens » amicaux dans notre société, il parle alors
d’homosocialité. L’homosocialité est le fait que les individus qui se ressemblent socialement
ont tendance à se regrouper ou du moins à lier plus facilement des liens d’amitié, il présente
donc l’individualisme comme un simple élément déclencheur de la tribalisation de la société
et explique que les individus ne se définissent pas par eux même :
« Mais par et sous le regard des autres. Dans le temps de l’homosocialité, vous n’êtes pas
invité à penser par vous-même, mais vous êtes pensé »7
7 Le marketing des tribus, synthèses professionnelles, Chap.3
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Ainsi pour lui, la société se décline, se fragmente en microgroupes qui se rassemblent pour
des raisons telles que la sexualité, la religion, la culture ou une passion. Il avance que des
phénomènes comme l’homosexualité qui tient une place plus importante dans notre
société, seraient une forme exacerbée de la recherche du semblable, de l’homosocialité.
De plus il émet l’idée que la famille tient un rôle important dans ce retour du lien amical,
voire tribal, dans le sens ou l’éclatement de celle-ci, les enfants de plusieurs lits, les mariages
successifs change l’importance de l’amitié dans les relations entre les individus, en effet,
l’amitié est devenue un lien plus « sûr » que la fraternité ou la parentalité, ainsi les individus
ont tendance à préférer un lien d’amitié que de fraternité.
A cette thèse, on peut ajouter le constat d’un retour à un idéal communautaire, voire à une
société holiste, société dans laquelle la communauté prime sur l’individu (ex société
Chinoise)
1.1.3.2. Le retour de la communauté
Les phénomènes que sont l’individualisme et la fragmentation sociale étant relativement
récents, on ne peut objectivement dire lequel de ces deux phénomène est celui qui prime
sur l’autre si prima de l’un sur l’autre il y a. Néanmoins, à mon avis, une phase
d’individualisme a certainement eu lieu ou a toujours lieu, mais en réponse à un phénomène
trop opposé aux mœurs sociale du passé, une tentative de création de nouveaux liens
sociaux basé sur des valeurs propres à la postmodernité s’est produite, à travers le
développement des tribus postmodernes et de nouvelles communautés qu’elles soient
ethniques, nationales, religieuses ou politiques qui permettent aux individus d’assouvir leur
besoin d’appartenance sociale.
Dans un contexte postmoderne, le sens de la communauté est bien différent de celui qu’on
lui attribuait pendant la modernité. La communauté moderne est celle qui rassemble des
individus en fonction de ce qu’ils sont, de qui sont leurs parents, de leur région, et de leur
religion et ce indépendamment de leur volonté. Les communautés modernes sont par
exemple les classes sociales, les catégories socioprofessionnelles (PCS) ou encore les
segments.
La communauté postmoderne, elle est plus « permissive » dans le sens ou les individus ont
le droit d’y entrer facilement (en fonction de la communauté) et d’en sortir à leur bon
vouloir, si bien que ces individus s’attachent, se lient à des communauté en fonction non
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plus de ce qu’ils sont, mais de ce qu’ils veulent être. On parlera donc de communauté
émotionnelle.
De plus, dans un contexte de tolérance de l’autre accrue, ou d’indifférence, les groupements
sont très hétérogènes, ce qui remet en question l’approche « homosociale » de Mafesoli
1.1.3.3. La communauté émotionnelle
« Parler de communauté dans une période postmoderne, ce n’est pas non plus parler de
regroupements rationnels et contractuels, car l’individu recherche une communauté
émotionnelle pour vibrer ensemble, pour être et pas forcement pour faire »8 (Cova B. , 1995)
Par exemple la communauté des fans du film Star Wars qui se rassemble autour d’une
émotion, celle du plaisir de discuter autour du cette saga ou de se déguiser comme les héros
du film, en Luke Skywalker, Dark Vador etc., correspond au schéma de la communauté
postmoderne. A tout moment les membres de cette communauté peuvent s’en extirper sans
pour autant être rejetés par la société (au sens large), ils ne sont pas officiellement liés à la
tribu. Par contre, il peut arriver que la communauté rejette ces individus dans le cadre de la
mise en place de lien tacite. Avec cet exemple on comprend aussi que la valeur fondatrice de
cette communauté n’est pas traditionnelle comme pouvait l’être la vertu, ou la foi dans les
sociétés modernes.
1.2. Le contexte technologique
Parallèlement, il semble que les évolutions technologiques ont permis d’exacerber le
phénomène de retour à la communauté et ce grâce à deux avancées techniques : Internet et
les téléphones portables (et leur prédécesseur les pagers)
Aujourd’hui du jeune des cités, à la grand-mère de 70 ans, en passant par la ménagère de 40,
tous sont « online » avec plus ou moins d’intensité d’utilisation. Réel et quasi indispensable
outil de communication, Internet permet à tous les individus de s’interconnecter, d’échanger
ou qu’ils soient (dans la mesure ou ils ont un appareil capable d’établir une connexion) et
quand ils le veulent grâce à des programmes de messagerie instantanée (Windows Live
Messenger, Yahoo Messenger, ICQ, Skype) mais aussi grâce aux incontournables emails qui
sont même devenus indispensables au monde de l’entreprise. Et par-dessus tout Internet est
quasi-gratuit mis à part les frais de connexion (qui restent abordables en France). Internet a
8 « Au-delà du marché : quand le lien importe plus que le bien » Bernard Cova, l’harmattan 1995, p. 16
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pris un place tellement importante dans les modes de communication actuels que certains
internautes vont jusqu’à vivre une seconde vie dans des mondes virtuels (Second life) aussi
appelés communautés virtuelles9.
Par exemple, Second life est un monde virtuel dans lequel les internautes peuvent agir sur
leurs « avatars » (leur représentation virtuelle) et effectuer quasiment toutes les tâches de la
vie courante. Ce concept nécessite seulement l’installation d’un programme et la création
d’un compte. Ainsi les avatars peuvent se regrouper en clans en microgroupes et échanger,
faire du shopping pour son avatar, s’informer (QG des partis politiques en compétition
pendant les élections présidentielles 2007) et même se battre ou commettre des meurtres.
Mais la révolution Internet à aussi eu des effets néfastes sur la communication réelle, car à
force de multiplier les contacts virtuels, l’intensité des contacts réels est parfois moindre, et
certains vont jusqu’à ne vivre plus que dans ce monde virtuel.
Selon une étude du programme Digital Future Project du centre Annenberg de l’université
de Californie du Sud, 43 % des Américains, qui appartiennent à des communautés en ligne
se sentent aussi attachés à leur monde virtuel qu’à leur monde réel. Cette étude (voire la
synthèse des conclusions en .pdf), basée sur l’interview de quelques 200010
Dans le même sens, la communication grâce aux téléphones portables a permis une
interconnexion accrue des individus. Aujourd’hui, tout le monde possède un voire deux
téléphones portables, et peu se rappellent comment ils faisaient quand ils n’existaient pas.
Mais le fait est que l’utilisation des téléphones portables est remise en question et de plus
en plus on demande de ne pas l’utiliser dans certains lieu et certaines personnes les ont
abandonnés se sentant trop connectés, et ayant le sentiment d’avoir perdu leur liberté.
Toutefois, aujourd’hui les téléphones portables restent quasi indispensables et les
technologies liées à ceux-ci sont en perpétuel développement, jusqu’à intégrer les fonctions
de produits et services d’autres secteurs, comme le téléphone qui devient un lecteur MP3,
un moyen de paiement, un télévision, et un ordinateur avec gestion des emails et surf sur
Internet.
9. de cette étude.
10 http://www.internetactu.net/?p=6689
14 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
1.3. Les tendances de consommation
1.3.1. L’hédonisme et l’éclectisme de consommation
Dans « Quand le consommateur dicte les concepts marketing »11
, Patrick Hetzel aborde la
consommation de la fin du 20ième
siècle. Il y explique que le consommateur se comporte
selon deux notions principales que sont l’éclectisme et l’hédonisme de consommation.
1.3.1.1. L’éclectisme consommatoire,
Le mélange des styles et personnalisation de la consommation
La notion d’éclectisme paraît aujourd’hui être essentielle pour comprendre ce qui se passe
en matière de consommation car tout et son contraire deviennent possibles. Tous les styles,
toutes les tendances bénéficient du droit l’existence et coexistent sur le marché. Ainsi, le
consommateur est devenu « bricoleur, il mélange des styles et des éléments à son gré.12
Etant donné que les opportunités de consommation sont de plus en plus nombreuses et
variées que par le passé (consommation standardisée, ex. : FORD T), le consommateur a
aujourd’hui le choix entre une multitude de produits pour satisfaire ses besoins. Ainsi celui-ci
fait preuve d’éclectisme dans son mode de consommation et « mélange les styles à son gré »
afin d’échapper aux diktats traditionnels.
Autrement dit, le consommateur affirme sa singularité et se crée une personnalité grâce à la
diversité des produits que les entreprises lui offrent et pioche volontiers à gauche et à droite
sans réelle logique. On parlera alors de consommateur irrationnel qui ne répond plus aux
schémas préétablis de la science de la consommation. Ainsi on comprend que l’individu va
prendre différentes facettes en fonction de la situation dans laquelle il se trouve et devient
imprévisible pour les marketers.
Ainsi, cela ne surprend plus aujourd’hui de croiser un ouvrier conduisant une grande berline
allemande (le schéma inverse est plus rare). Certes cet ouvrier s’est certainement sacrifié, il
pour lui c’est cette voiture qui lui correspond et qui lui permet de se différencier.
11
Idem
12 « Comportements et attentes des consommateurs occidentaux : perspectives et réalités » Patrick Hetzel, Les
synthèses professionnelles : Marketing des tribus. Institut des cadres dirigeants p.3.
15 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
1.3.1.2. L’hédonisme de consommation
Au delà de lui permettre de consommer pour se créer une personnalité, et de se faire
reconnaître par l’autre, le consommateur va aussi consommer pour son plaisir pour la
sensation que l’achat lui provoque.
Au point de départ de ce phénomène on trouve le développement des loisirs au 20ième
siècle.
Le divertissement tient aujourd’hui une place prépondérante dans notre temps libre et nous
sommes quasi perpétuellement à la recherche de distractions afin d‘embellir notre
quotidien.
Depuis la fin du siècle dernier jusqu’à maintenant, la consommation a pris une dimension
plus ludique. En effet, celle-ci s’est vue transformée par l’abondance de temps et de choix
pour devenir un loisir à part entière, le « shopping » est aujourd’hui une institution pour un
grand nombre d’individus composant notre société de consommation.
Les consommateurs, devenus des consommateurs avertis et parfois même méthodiques,
sont de plus en plus difficile à convaincre et les marques se voient contraintes d’utiliser des
stratégies de plus en plus subtiles pour séduire le consommateur. C’est ainsi que des
méthodes marketing comme le marketing sensoriel, le marketing éthique ou tribal sont
apparues.
L’autre effet du développement des loisirs pendant le 20ième
et 21ième
siècle est la chute des
schémas rattachés à ceux-ci, autrefois, le joueur de tennis était une personne de la classe
supérieure, aujourd’hui les sports comme le Golf ou le tennis se démocratisent et s’offrent
aux individus qui ont du temps et pas forcément beaucoup d’argent indépendamment de
leur statut social.
1.3.1.3. La recherche de l’authenticité et le culte de la nostalgie
Parmi les tendances de consommation, on constate un mouvement de recherche de ce qui
est traditionnel et ce qui appartient au passé et qui rappelle aux consommateurs une
époque joyeuse et souvent leur enfance. Ainsi on voit réapparaitre des personnages de
dessins animés « cultes » comme Casimir de l’île aux enfants dont des exhibitions/concerts
ne désemplissent pas depuis l’an 2000. Il semble que les explications principales à ce
phénomène soient : la perte de repères et valeurs liées à l’individualisme, qui entraînerait un
besoin de re-formation de groupes autour de ces émotions enfantines ou traditionnelles
mais aussi le passage à un nouveau siècle qui aurait entraîné un introspection des individus
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qui recherchent des souvenirs joyeux. Au-delà du commerce lié aux concerts de Casimir, des
marques essentiellement alimentaires et automobiles ont, elles aussi, eu tendance à soit
ressortir des produits ou concepts du passé comme la New-beetle de Volkswagen ou plus
récemment la Fiat 500, soit, comme Panzani la marque de pâtes, a créer une nouvelle
marque dont le ton est très traditionnel et authentique. Pour Panzani, la marque se nomme
« Giovanni Panzani » en relation avec le créateur de la société, les axes de communication
sont basés sur la nostalgie, les bienfaits du souvenir et le retour aux sources.
17 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
Synthèse : Les sources du marketing tribal
Nous constatons donc que l’environnement de consommation et la société se sont
considérablement modifiés, la cause principale des ces changements est l’individualisme.
En effet, dans une société ou l’individu est mis au centre des relations, mais aussi ou ce
dernier se repli sur lui-même pour s’accomplir, les interactions se font de plus en plus rares.
Pour pallier ce manque on constate que les individus ont tendance à se regrouper en
microgroupes, aussi nommés Tribus postmodernes.
Parallèlement, dans le champ consommatoire, les individus ont considérablement modifié
leurs comportements, en allant jusqu’à consommer pour se faire plaisir, ou pour se faire
reconnaître par l’autre, mais aussi pour retrouver du lien social en consommant avec
d’autres consommateurs qui ont le même centre d’intérêt, la même religion, ou encore la
même sexualité.
Le contraste avec l’époque de la Ford T ou tout le monde consommait le même produit à
peu de chose près, est très prononcé et, pour s’adapter à ces nouveaux groupes de
consommation le marketing a dû modifier ses concepts et en créer de nouveaux, dont le
marketing tribal fait partie.
18 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
2. Du marketing classique au marketing tribal
Le marketing traditionnel dont les grands principes ont été mis en évidence il y a plus de
trente ans, semble bien loin des mutations des comportements de consommation que nous
constatons aujourd’hui. Bien que l’étude de celui-ci ait été un axe primordial des
fondements marketing, il semble que les stratégies classiques aient perdu une part de leur
sens face à ces changements.
Définition du marketing classique/traditionnel :
Le marketing est «L’ensemble des techniques et études d'applications qui ont pour but de
prévoir, constater, susciter, renouveler ou stimuler les besoins des consommateurs et
d’adapter de manière continue l'appareil productif et commercial aux besoins ainsi
déterminés »13
Le marketing traditionnel consiste à étudier le comportement des consommateurs et à
agencer en continu de l’offre des entreprises en corrélation avec celui-ci. Mais l’approche
classique/traditionnelle met en avant les techniques qui semblent aujourd’hui trop statiques
en comparaison avec les formes alternatives du marketing qui émergent.
Toutefois, certains anciens concepts ont pour objet des groupes sociaux et leurs besoins,
parmi eux, la segmentation et la pyramide de Maslow.
2.1. Les concepts du marketing classique
2.1.1. La segmentation
Dans un contexte d’analyse stratégique d’un marché, la segmentation est :
« Un découpage du marché total en sous ensembles appelés segments de marché,
homogènes du point de vue des besoins, de comportements, de motivations d’achat et
susceptibles de constituer des marchés potentiels distincts » 14
La segmentation peut se référer à différents critères notamment les critères
sociodémographiques (âge, revenu, PCS…), les critères psychologiques (perception,
motivation d’achat, intentions d’achat) ou encore les critères comportementaux (utilisation
des média, fréquence d’achat, choix des produits).15
13
Définition du marketing selon KOTLER.
14 « Marketing stratégique et opérationnel, du marketing à l’orientation marché » Dunod 2001, Paris
15 Cours de Marketing 1. Dr. Linxweiller, Université de Pforzheim Allemagne
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Autrement dit, la segmentation est l’utilisation de caractéristiques communes à un groupe
d’individus, dans l’optique d’utiliser ces similitudes afin d’effectuer une opération marketing,
par exemple définir un message à diffuser à un groupe d’individus homogènes ou des
actions à entreprendre pour répondre à leurs besoins.
D’après cette définition de la segmentation, on pourrait croire qu’il existe une similitude
entre la segmentation et une approche tribale des consommateurs. Mais en fait c’est dans
leurs fondements que ces deux techniques mercatiques n’ont pas le même objectif. En effet,
la segmentation va tenter d’atteindre le consommateur en fonction de ce qu’il est et à quel
groupe il appartient et ce que lui et les autres membres de son segment ont l’habitude de
faire. Cette approche semble donc plus statique car elle ne prend pas en compte la volonté
de l’individu d’être rattaché à segment homogène.
Le choix des critères diffère aussi en fonction de ces deux concepts. En effet, le groupe tribal
peut être rassemblé (ou se rassembler par lui-même) en fonction d’un seul critère : le
générateur de lien, tandis que généralement, la segmentation fait appel à plusieurs
caractéristiques de l’individu (sexe, âge, PCS…) C’est pourquoi le segment sera plus
homogène et la tribu plus hétérogène
L’approche tribale se veut plus dynamique dans le sens ou elle tente de créer ou d’utiliser un
groupe de consommateurs et qui cherchent à se lier et va favoriser ce regroupement.
De plus, la tribu apporte une dimension différente sur le plan de la taille, de la culture, de la
conscience d’appartenance dont font preuve les individus la composant.
2.1.2. La pyramide de Maslow
L’étude des besoins du consommateur réalisée
dans les années 1940 par le philosophe
Abraham Maslow a permis de fonder les futurs
concepts du comportement du consommateur
et émet déjà l’idée que le besoin
d’appartenance, en plus d’être situé en
troisième position de cette pyramide, passe
aussi avant l’accomplissement de soi, et semble
être une condition à celui-ci. Autrement dit, afin Figure 1 : www.i-com.fr/web-marketing/marketing-
tribal/130.html
20 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
de s’accomplir, se réaliser, il faut passer par l’appartenance, l’intégration à une société, à
une famille voire à une tribu, dans un monde ou les deux précédentes structures ne sont
plus une valeur sûre.
Ainsi grâce à Maslow il semble que les problématiques actuelles n’ont rien de nouveau si ce
n’est le « berceau » dans lequel elles apparaissent, autrement dit, le besoin d’appartenance,
n’était pas un problème pour les marketeurs tant qu’il se s’assouvissait à partir des schémas
traditionnels. Il semble donc que du fait de ces modifications sociales, le marketing classique
ait du s’adapter, et le marketing tribal est un résultat de ces adaptations.
2.2. Les déterminantes du marketing tribal
Nous l’avons constaté dans les parties précédentes, Le marketing tribal semble être une
réponse à la fragmentation de la société et à l’individualisme autrement dit une adaptation
du marketing classique pour faire face à ces phénomènes.
Son objectif premier est de porter l’attention non plus sur l’offre produit ou service mais sur
l’importance du produit dans le lien entre les membres de la tribu. Ainsi des lieux,
personnalités, des objets ou produits deviennent des déterminants de l’appartenance à une
tribu (phénomène de rejet de l’individualisme) et permettent à l’individu de se socialiser, se
regrouper (phénomène de fragmentation de la société) à travers sa consommation.
« La valeur de lien d’un produit ou d’un service, c’est ce que vaut ce produit ou ce service
dans la construction ou le renforcement des liens entre individus »16
(Cova & Cova, 2001)
Ainsi le marketing tribal va tenter de mettre l’accent non plus sur la relation
entreprise/client mais sur le rapport client/client/client/entreprise et, en conséquence, le
discours marketing à destination de ceux-ci est adapté non plus au consommateur seul mais
à tous les membres de la tribu et leur promet un produit ou service leur permettant de relier
leurs intérêts et passions.
2.2.1. La valeur du lien tribal
« Le produit ou le service n’isole pas mais est au contraire un vecteur de communion ; tel le
totem pour les tribus primitives, il sert de pôle d’attraction pour les tribus postmodernes et
de support de leurs rituels. »17
(Cova & Cova, 2001)
16
« Alternatives marketing, Réponses marketing aux nouveaux consommateurs » Véronique Cova et Bernard Cova, Dunod 2001, p.31
17 « Alternatives marketing, Réponses marketing aux nouveaux consommateurs » Véronique Cova et Bernard Cova, Dunod 2001, p.33
21 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
Par exemple les jeux en ligne, comme Counter Strike ou World of Warcraft, représentent
bien cette quasi mise à l’écart de l’offre et la mise en avant du lien. A l’origine, ces jeux
étaient des jeux « corrects » en termes de graphisme et de qualité. La différence avec les
autres jeux repose sur la mise en réseau ou la possibilité pour les joueurs de jouer avec des
adversaires grâce à Internet, et ce en équipes dont le nombre peut varier de 5 à 8 pour
Counter Strike) de 1 à 4 (pour World of Warcraft).
Le lien ou la rencontre sont bien plus importants que l’offre (le jeu et sa qualité) et le fait que
les joueurs ont tendance à n’utiliser qu’une partie du jeu le prouve bien. En effet, les
« gamers » passent des heures à jouer dans un seul niveau du jeu, tant que leurs équipiers
ou adversaires sont aussi en ligne. Par conséquent, la qualité de ce niveau semble n’être que
secondaire pour le joueur. L’expérience tribale est plus importante que l’offre produit.18
Les sites officiels
2.2.2. Le marketing tribal, l’intérêt de l’action tribale pour l’entreprise
Il existe trois avantages principaux à l’action tribale pour une entreprise, la différenciation, la
fidélisation et d’une marnière plus large un bénéfice sur son image. (Cova & Cova, 2001)
• La différenciation du produit
La différenciation du produit sur le plan tribal repose sur le fait que celui-ci prend une
dimension différente de celles des autres produits du marché, en effet, un produit proposant
un lien (Nokia « connecting people »), une émotion ou une preuve de l’appartenance à une
tribu, sortira du lot et sera mieux perçu. Par exemple, la publicité pour la Clio II offre une
voiture différente des autres voitures du marché. En effet, les conducteurs de celle-ci ont
tous un tatouage, une empreinte du pommeau de vitesse à l’intérieur de leur main, signe
qu’ils ont utilisé la voiture, certes, mais aussi qu’ils font partie du groupe des
consommateurs. L’idée générale de cette publicité est : « testez la voiture, vous entrerez
dans la tribu et vous ne voudrez plus en sortir».
18
Site officiels www.wgtour.com et www.cyberleague.fr et interview de membre de la tribu (connaissance
personnelles)
22 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
• La fidélisation
Le consommateur ayant le sentiment d’appartenance à la tribu il va développer une forme
de « fidélité affective »19
qui renforce la forme de fidélité dite « cognitive ». La fidélité
cognitive a lieu lorsque le consommateur ne remet plus en question sa fidélité à une marque
et ce par habitude de consommation ou par réflexe (le principal moyen de sa mise en place
étant la carte de fidélité). La fidélité affective est celle de l’émotion, en effet, le
consommateur prenant plaisir ou éprouvant une sensation agréable à acheter le produit
d’une entreprise deviendra plus fidèle.
Le marketing tribal a pour avantage de doubler la fidélité cognitive à la fidélité affective qui
procurent à la marque un consommateur quasi captif et idéalement exclusif.
• L’image
Le fait que l’entreprise adopte une méthode « éthico-sociale » lui permet de valoriser son
image (donner une valeur à son image), autrement dit l’entreprise bénéficie d’un crédit
supplémentaire dans le sens ou elle favorise les regroupements solidaires autour de son/ses
concepts et de son image. Ainsi, Salomon la marque de ski qui à la base était plutôt
traditionnelle et familiale, en menant une action de marketing tribal sur la tribu des surfeurs
et de fans de glisse a amélioré sa représentation à l’intérieur de ces groupes, et a bénéficié
d’une image « branchée »et de l’image d’un entreprise « tendance ».
En somme le marketing tribal apporte une dimension humaine, interactive et « branchée » à
l’image de l’entreprise et semble en passe de devenir un outil de fidélisation de la marque.
2.2.3. Les tribus postmodernes et leurs caractéristiques
Les tribus comme nous l’entendons dans cette étude sont souvent qualifiées de
postmodernes car elles sont la conséquence directe des mutations sociales,
consommatoires.
On peut les définir comme des microgroupes d’individus hétérogènes plus ou moins
organisés, qui se réunissent autour d’une émotion, d’un lien affectif en corrélation avec des
aspirations sexuelles, religieuses, culturelles, consommatoires etc. et qui disposent d’un
mode de fonctionnement qui leur est propre. On remarque que ces tribus sont capables
d’entreprendre des actions collectives.
19
Alternatives marketing, Réponses marketing aux nouveaux consommateurs » Véronique Cova et Bernard Cova, Dunod 2001, p42
23 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
Les tribus s’organisent autour de différents symboles d’appartenance ou de culte qui ont
pour but de différencier les membres de la tribu des autres individus de la société ainsi que
de leur permettre de se reconnaître mais aussi d’entretenir leur lien. Parmi eux on compte
des codes de langage ou d’apparence, des lieux de culte et enfin des leaders.
24 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
2.2.3.1. Le langage
Certaines tribus adoptent un langage particulier comprenant des codes et des mots que
seuls les initiés peuvent comprendre. Par exemple la tribu Hip Hop, en musique ne parlera
pas de rythme mais de « beat », ou les « Riders » pour désigner un saut parleront de
« holy ». Le fait que ces deux tribus utilisent des mots anglais n’est pas à généraliser, cela
dépendra essentiellement de l’impact de la mondialisation sur celle-ci.
2.2.3.2. Les codes vestimentaires
Les codes vestimentaires sont souvent des déterminants de la tribu et cela est encore plus
vrai pour les tribus adolescentes qui sont extrêmement rigoureuses concernant les
vêtements et leur signification en termes d’appartenance à une tribu. Par exemple la tribu
des « French Pride », des adolescents et jeunes adultes issu généralement de bonne familles
catholiques et fréquentant des établissements privés et religieux, vont porter des polos de la
marque Ralf Lauren avec des mocassins Fairmount ou Tod’s des produits de luxes qui
symbolisent leur appartenance à un milieu aisé.
2.2.3.3. Les objets culte
Les objets des cultes qui peuvent être des produits de grande consommation ont, en
quelque sorte, le même rôle que les vêtements, ils différencient l’individu des autres et
appartiennent à l’imagerie de la tribu. Ils sont généralement arborés par les membres d’une
tribu pour leur permettre de se reconnaître entre eux. Par exemple les membres des tribus
Punk ou Skinhead porte quasiment tous des piercings qui en plus d’être des signes
d’appartenance sont des symboles de l’anticonformisme propre à ces tribus (le piercing
ayant été pendant longtemps un symbole de rébellion, il est par la suite devenu un simple
accessoire ou une marque d’originalité).
2.2.3.4. Les rituels
Les rituels sont l’occasion pour les tribus de se rassembler et entretenir les relations entre
les membres. Par exemple la tribu Harley Davidson qui lors des multiples rassemblements
organisés par ses membres les Bikers (motards) roulent ensemble comme s’ils sortaient
d’une publicité pour la marque. On remarque à l’occasion de ce type de rassemblements,
que les Bikers et d’autres tribus vont même jusqu’à adapter des coutumes communes à
l’ensemble de la société comme le mariage, à leur modes de vie tribal, ainsi les mariés seront
25 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
habillés de vestes en cuir, la voiture nuptiale est remplacée par une moto. Autrement dit, le
rituel tribal postmoderne à l’image de ceux des tribus archaïques a pour rôle de cultiver le
lien entre les individus.
2.2.3.5. Leurs lieux
Les lieux permettent aux membres de la tribu de se rassembler pour cultiver l’appartenance
à la tribu. S’il on devait comparer les lieux qu’utilisent les tribus postmodernes à ceux
qu’utilisaient les tribus archaïques, les lieux des tribus postmodernes correspondent au feu
de camp, au temple ou à la périphérie du Totem de la tribu (archaïque). Parmi ces lieux on
peut trouver des bars ou discothèques, des terrains de sport, des Skatepark (ou l’on pratique
les sports de glisse urbains) etc. Les exemples les plus représentatifs sont les circuits
automobiles et plus particulièrement la course des 24h du Mans moto. Cette ville est le
rendez-vous annuel des Bikers qui, d’une part pour assister à celle-ci et d’autre part à ce qu’il
se passe autour (diverses animations), traversent parfois la France entière.
2.2.3.6. Leurs leaders
Les leaders sont généralement la personnification de l’idéal des valeurs de la tribu. Ils
incarnent ce que tous les membres rêvent de devenir, d’accomplir ou de refléter et sont
l’équivalent du dieu des tribus archaïques. Le leader a un rôle de prescripteur de tendances,
de modes de vie et de conduite. Il peut être le fondateur d’une marque comme Bill Gates
pour la tribu des Geek (passionnés d’informatique), une star comme Kylie Minogue pour la
tribu Gay ou encore un rappeur comme 2pac pour la tribu Hip Hop.
26 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
Synthèse : le marketing Tribal
Les méthodes classiques de marketing sont trop éloignées de la société actuelle, par
exemple la segmentation ne prend pas en compte la volonté d’appartenance des membres
d’une tribu à cette dernière. C’est dans le but d’améliorer la réponse des entreprises à ce
phénomène de regroupement en tribu, que le marketing tribal a vu le jour.
Le marketing tribal est le marketing du social, autrement dit un marketing qui vise à
redonner du lien aux individus et à utiliser celui pour optimiser l’offre du produit/service
envers les tribus qu’il peut créer et ou simplement utiliser. Son objectif premier n’est donc
plus d’améliorer son offre mais de proposer du lien aux individus composant la tribu.
Il existe trois principaux intérêts à l’action tribale, la différentiation de l’offre, la fidélisation
des membres de la tribu et, d’une manière générale, une amélioration de l’image de
l’entreprise.
Les tribus, déterminantes du marketing tribal, s’organisent autour de différents éléments qui
aux membres d’échanger, de se reconnaître et de partager leur passion. Mais ayant leurs
propres réseaux communication, leurs propres valeurs, et leaders, les tribus font preuve
d’une certaine autonomie et semblent capable de fonctionner sans les marques. Face à ce
phénomène, les marques disposent de moyens pour se rendre indispensables à la tribu ou
du moins optimiser leur présence dans celle-ci.
27 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
3. Le rapport marque tribu : de la structure aux moyens de contrôle
Cette partie est consacrée à démontrer que la structure de la tribu est déterminante pour la
réussite d’une action tribale et que les moyens dont dispose la marque ne sont pas toujours
suffisants.
3.1. La structure de la tribu, cause de la dépendance à la marque
Pour comprendre avec quelle intensité une tribu postmoderne peut dépendre d’une
marque, il est nécessaire d’étudier quelles sont les types de tribus qui pourraient développer
une dépendance une marque. Nous avons tenté de caractériser trois types de tribus, les
tribus «mono marque », les tribus «pluri marques» et les tribus sans marque.
3.1.1. Les tribus mono marque ou mono produit
Les tribus que nous appelons « mono produits » sont celles dont l’élément qui fédère leurs
membres est un unique produit ou un service. Dans ce schéma, ce sont les caractéristiques,
les fonctionnalités ou la/les valeur(s) que véhicule le produit qui est l’élément déterminant
du lien entre les acteurs de celle-ci. C’est tribus consomment exclusivement soit un produit
d’une marque soit les produits d’une seule marque. Par exemple, la tribu des passionnés de
la société Apple ne consomment (en informatique) que les ordinateurs de la marque, les
macintoshs. Ainsi comme nous l’avons vu précédemment, les membres de la tribu
entretiennent un lien grâce à la marque et développent une fidélité affective, émotionnelle.
Ce lien se manifeste par la possession d’un produit de la marque (ou de plusieurs) mais aussi
par un relatif culte de la marque en fonction de l’implication du membre dans la tribu.
Pour le cas de la tribu des consommateurs d’Apple, les lieux de culte sont les Apple stores -
des boutiques Apple qui se transforment en réels temples de la consommation de la marque
lors des lancement de produit, et Internet, voire plus précisément les forums qui sont
fréquentés régulièrement par ces passionnés ou des rumeurs sur les nouveautés produit
circulent avec plus ou moins de fiabilité mais aussi des tests des derniers produits sortis sont
disponibles. Ces rumeurs et tests ont pour conséquence d’entretenir le mythe créé par les
membres autour de la marque. Pour ce qui est des valeurs de la tribu, elles sont assez
similaires avec celle de la culture de l’entreprise Apple, mais il arrive qu’elles soient
exacerbées, notamment celle du rejet catégorique des produits de l’éternel concurrent
Microsoft. Dans ce cas, les valeurs de la marque sont celles de la tribu et vice versa.
28 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
La différence entre tribu mono produit et mono marque est donc que la tribu mono marque
s’intéresse à l’ensemble de la gamme de la marque, ainsi les membres de la tribu Apple
seront aussi passionnés par les Ipods, Macbook, les iBook…
On retiendra que dans ce contexte ou la tribu est comme captive, les marques semblent
contrôler la tribu sans réel effort
3.1.2. Pluri produit –pluri marque
Les tribus pluri produits ou pluri marques s’opposent aux tribus mono produit ou mono
marque au niveau de l’exclusivité car celles-ci utilisent ou adulent plusieurs produits ou
plusieurs marques qui contribuent tous/toutes à la création du lien tribal. La notion de
fidélité de marque au sein de ce type de tribu est beaucoup moins développée. On constate
que les marques et les produits auront leurs propres cycles de vie à l’intérieure de la tribu
qui est relativement court. Prenons l’exemple de la tribu gay, souvent considérés comme des
créateurs de tendances, les membres de cette tribu passent de produit en produit ou de
marque en marque en fonction de la vulgarisation de ceux-ci. Autrement dit, plus le produit
est répandu, moins il leur plaît. On peut donc se poser la question de l’intérêt pour les
marques de cibler ce type de tribu étant donné que le produit aura un cycle de vie
relativement court en fonction de sa démocratisation à l’ensemble des consommateurs. Il
semble que le fait que la tribu gay soit une des tribus les plus prescriptive suffise à
comprendre l’intérêt des marques. Nombre de produits ont d’abord eu un succès dans la
tribu gay puis se sont comme externalisé soit aux autres tribus, soit tout simplement aux
autres consommateurs.
Certaines tribus peuvent ne pas avoir de marques ou de produits attitrés, et fonctionner en
dehors du système consommatoire généralement dans le but de garder une « âme » non-
marchande. Ces tribus peuvent par ailleurs rejeter la société comme la tribu des
« gothiques » ou « satanique », ces pratiquants de rituels hors des mœurs et valeurs, ne
s’attachent aucun produit ou marque, et cultivent cet indépendance au monde marchand.
29 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
3.1.3. La taille de la tribu
La taille est un élément déterminant du contrôle de la marque sur la tribu.
En effet, à l’image des groupements de consommateurs traditionnels (comme LSA) le
nombre fait la force. Plus les membres de la tribu sont nombreux (surtout dans le cas d’une
tribu mono produit) plus le rapport de dépendance est inversé. Ceci s’explique par le fait que
la tribu dispose d’un réseau interne de communication très performant qui lui permet de
faire circuler une information (comme un boycott) très rapidement, ou encore lorsque la
tribu réalise le test d’un produit, celle-ci peut tout simplement ne pas le trouver à son goût
et le rejeter ou se diriger vers un produit concurrent ou de substitution.
Mais la taille de la tribu, est aussi une proportionnelle aux éventuelles retombée financière
d’une tribu pour une marque. En effet, cela va de soi plus les membres d’une tribu, plus les
consommateurs exclusifs potentiels sont nombreux et permettent d’augmenter les revenus
du micro marché que constitue la tribu. Si bien que l’ont peut se demander quelle est la
taille optimale pour une tribu ? Doit-on seulement utiliser la tribu comme une catapulte à
produit (pour le lancement de produit) ou doit elle être un consommateur final.
On pourrait presque à l’avenir considérer les tribus comme un autre intermédiaire entre le
fabricant et le consommateur, tel un agent de prescription ou un moyen de communication
spécialisé dans le lancement de produits.
30 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
3.2. Les outils du marketing tribal pour les marques
Les moyens du marketing tribal se regroupent essentiellement derrière trois fonctions de
l’entreprise, la conception de produit, la communication et la distribution. Le mot d’ordre
est de dynamiser l’image de marque tout en adoptant des stratégies non marchandes qui
passent par la création de lieux et d’événements cultes, ainsi que par l’implication du
consommateur dans l’activité, dans l’action ce qui crée des « consommacteurs »20
(Gicquel,
2006).
3.2.1. Le sponsoring ou mécénat d’entreprise
Le sponsoring apparaît comme une manière intéressante d’attacher l’image de la marque à
un événement dont les participants font partie de la tribu cible. Ce type d’action doit être en
corrélation avec les valeurs de la tribu et celle de la marque qui à aucun moment ne doit
mettre en avant son intérêt à financer à parrainer l’événement mais plutôt insister sur le fait
que cet événement doit être un support de rassemblement pour les membres de la tribu.
Ainsi les rassemblements de « Riders » (pratiquant du roller) ont vu lors du boom de ce loisir
des marques comme Rollerblade (leader mondial) ou Tatoo (entreprise de pager de France
télécom) devenir des partenaires de l’organisation de randonnées et ou de compétitions.
Le but n’était pas de vendre les produits de ces marques mais de rassembler les passionnés
de roller. En attachant leurs noms à ces manifestations, ces entreprises ont pu bénéficier
d’une image positive au sein de la tribu et éventuellement des répercussions sur leurs
ventes.
Dans le même sens, le sponsoring de leaders d’opinion permet aux entreprises de bénéficier
de « l’aura » de la personne sponsorisée que lui accordent les membres de la tribu. C’est
ainsi que Nicolas Anelka et d’autres stars du football ont porté les vêtements de la marque
PUMA qui par ce biais semble vouloir atteindre les jeunes de banlieue (Nicolas Anelka
venant lui-même de ce milieu et reflète l’image d’un « rebel»). Une fois de plus l’impact de
ce type d’action en termes de vente n’est pas chiffrable, mais il est indéniable que PUMA a
considérablement modifié son image, lui donnant un caractère plus singulier se détachant
des autres marques leader Nike et Adidas.
20
Le marketing tribal, Yohan Gicquel Editions Génies des Glaciers 2006 p51
31 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
Enfin le parrainage de causes permet aux entreprises d’attacher des valeurs à leurs marques
chères à la tribu qu’elles souhaitent atteindre. Ceci a pour effet d’améliorer la perception de
la marque chez les membres d’une tribu dont la cause est le cheval de bataille.
Ainsi une marque qui sponsorise la lutte contre le SIDA est favorablement perçue par la tribu
Gay et Lesbienne.
Le sponsoring est donc un moyen pour l’entreprise d’attacher des valeurs à sa marque et
d’améliorer son crédit auprès de membres de tribus dont la valeur en question est un des
fondements du lien entre ces derniers. L’élément clé du succès du sponsoring est le fait qu’il
doive contribuer à l’imaginaire tribal et contribuer à rassembler les individus derrière
différentes valeurs, communes à l’entreprise et à la tribu.
La limite principale de ce type d’action est que les individus sont de moins en moins dupes et
comprennent l’aspect marchand du sponsoring.
3.2.2. Faire des boutiques des lieux culte
Les tribus ayant des lieux culte, certaines entreprises n’hésitent pas à utiliser leurs points de
vente comme points de rassemblement pour les acteurs de la tribu. Etant donné que les
consommateurs ont tendance à ne plus formater leur consommation et de plus en plus la
personnaliser, l’entretien d’une boutique culte, c'est-à-dire une boutique ou les membres
d’une même tribu ont l’habitude de se rendre permettra à la marque de maintenir un niveau
de fréquentation et de vente. Par exemple les boutiques spécialisées dans le jeu « Magic »
(cartes à jouer et à collectionner) sont devenues des points de rassemblement pour la vente
certes mais aussi pour jouer avec les cartes ou les échanger. La tribu dont tous les membres
sont des joueurs fidèles de la marque ont à leur disposition un lieu pour se rencontrer et
entretenir le lien qui les unit.
3.2.3. Le Co-design (la Co-conception), impliquer le consommateur.
Les « early adopters »ou « trend setter »21 (Pialot, 2001)
Certaines entreprises, dans le but de « coller » aux attentes d’une tribu, pratiquent le co-
design c'est-à-dire qu’elles font participer des membres prescripteurs de la tribu cible pour
l’élaboration d’un futur produit ou tout simplement pour comprendre les tendances à
l’intérieur de celle-ci. Ces membres de la tribu sont appelés les early adopters et sont
21
Ealry adopters – ces branchés qui font les tendances, Dominique Pialot, l’Entreprise, 1 juillet 2001
32 MemorA - Ronan UNG – ISEME – Promotion 2008 – 26 octobre 2007
généralement des citadins des grandes métropoles mondiales, ils ont toujours une mode
d’avance dans quel domaine que ce soit et représentent ce qu’on appelle être « branché ».
En 1998, Levi’s, après un recul de 25% de ses ventes, a opté pour le Co-design et a sous-
traité une étude innovante au cabinet Added Value dans le but d’interroger les early
adopters sur ce que signifiait les mots « branché » et « sexy » dans le cadre de la mode.
Puis ce même cabinet a ensuite demandé aux Early Adopters de décrire la manière dont ils
portaient leurs jeans. Une fois cette étude réalisée, Levi’s a, en tenant compte des résultats
de cette dernière, a créé le Levi’s Engineered LE dernier succès de la marque.
L’intérêt du CO-design avec les early adopters pour une marque n’est pas forcément de leur
vendre ensuite le produit qu’ils ont participé à concevoir, en effet, certaines marques font
appel à eux car ils sont les seuls à pouvoir imaginer l’avenir des tendances et des
fonctionnalités que devra comporter un produit (selon F. Laurent du groupe Thomson) , ceci
est d’autant plus vrai dans l’industrie High-tech qui utilise les early adopter car le
développement de produits est dans ce secteur plus long.
3.2.4. Recruter dans la tribu
Certaines marques n’hésitent pas à recruter au sein même de la tribu. Ce recrutement a
pour effets de permettre à l’entreprise d’améliorer sa proximité avec les membres de la
tribu et donc d’obtenir de l’information sur ces derniers, mais aussi de refléter une image de
marque tendance. Par exemple, la marque de Prêt-à-porter H&M n’emploi quasiment que
des membres de la tribu des « Early adopters» pour vendre ses vêtements. Les « early
adopters» sont des individus généralement citadins, généralement assez exubérants et qui
ont tendance à détourner les vêtements de leur fonction première. Par ce biais et par le
renouvellement fréquent des collections et la réduction du nombre de pièces disponible par
magasin, H&M se crée une image tendance, dont les produits sont uniques et à la pointe de
la mode.
3.2.5. Le marketing viral, utiliser le réseau interne de la tribu
Une action virale est assez proche d’une action tribale dans le sens ou toutes deux utilisent
le lien entre les individus. Le marketing viral est un mode de communication qui vise à
utiliser le réseau du consommateur pour diffuser une information. Etant donné que les
tribus ont un réseau de communication interne très efficace, le marketing viral apparaît
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comme un des meilleurs media pour répandre une information et ce à moindre coût.
De plus, le « buzz » est un mode de communication tendance qui est très valorisant pour
l’image de la marque. Les maîtres dans le domaine sont les groupes musicaux. En effet
récemment de plus en plus de groupes indie (indépendants) se lancent sur Internet grâce
notamment à Myspace. Parmi eux, on compte les « Arctic monkeys » un groupe pop rock
anglais qui a diffusé ses titres sur Myspace avant même la sortie de ceux-ci dans le
commerce. Et à l’occasion de la sortie de l’album, ce groupe réussi à battre le record des
Beatles du plus grand nombre d’albums vendus lors de la première journée de lancement.
Fonctionnement du buzz sur Myspace.
Chaque membre de Myspace crée une page avec photos, musique préférée et vidéo, puis il
ajoute des amis (autres membres), connus ou inconnus, personne physique ou morale pour
enrichir son réseau.
En ajoutant un groupe en tant qu’ami, comme les Arctic monkeys, l’ensemble de son réseau
a accès aux autres amis composant son réseau. C’est donc par ce biais et aussi par l’envoi de
messages, que les groupes parviennent à générer un buzz.
Toutefois, l’efficacité du marketing viral, dans un contexte tribal, est à remettre en cause car
l’information circulant au sein de la tribu est incontrôlable par la marque qui l’a générée. Elle
peut donc être déformée ou commentée, à l’image du « téléphone arabe ».
3.2.6. Les communautés virtuelles et Blogs
Ces éléments issus de la technologie Internet permettent la circulation de l’information au
sens large dans la tribu et l’animation de l’image de la marque.
Les communautés virtuelles sont des rassemblements d’individus en fonction de passions,
métiers.
Les individus composant ces regroupements sont hétérogènes et plus ou moins
indépendants.
Les communautés virtuelles mènent leurs actions sur un site Internet qui est la clé de la
communication interne à celle-ci. En fonction de la communauté, l’individu sera représenté
par une page à personnaliser (Blog), ou il devra remplir un profil, choisir une image pour se
représenter, choisir des chansons à diffuser…
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Généralement, ces communautés comportent une partie forum, ou les individus peuvent
échanger des informations sur les sujets liés au thème de la communauté (une passion, une
marque, un métier…)
Pour les entreprises, les communautés virtuelles sont des moyens directs d’entretenir le lien
autour de leur marque en proposant aux individus un support pour échanger, pour tester et
pour obtenir de l’information. Dans le cas de figure ou la communauté virtuelle est hébergée
sur le site officiel de la marque ce qui lui permet donc de « modérer » le forum. (Contrôler
les propos diffusés dans le forum).
Toutefois, les communautés virtuelles sont à double tranchant dans le sens ou nombre
d’entre elles sont créées, non pas par les marques, mais par les membres d’une tribu, qui
ont l’occasion d’échanger de l’information de la même manière que sur les communautés
virtuelles « officielles » mais dans un contexte ou la marque n’a pas de moyen de contrôler
l’information diffusée, si ce n’est d’intenter une action en justice pour fermer le site.
La fermeture d’une communauté virtuelle indépendante à la demande d’une marque est
assez périlleuse pour cette dernière, car elle peut détruire son image.
Autrement dit ce n’est que dans les cas de figure ou les marques créent d’elles-mêmes des
communautés virtuelles comme l’ont fait Fiat (pour le lancement de la Fiat 500) ou Coca
Cola qu’elles peuvent contrôler l’information diffusée. Mais dans le cas ou la communauté
est indépendante, seul le travail auprès des leaders d’opinion de la communauté peut
éventuellement faire bénéficier la marque d’un certain contrôle sur la communauté, à
condition que ces leaders l’acceptent.
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Synthèse les moyens de contrôle pour
l’entreprise
Les recours des entreprises pour mener leurs actions tribales ou pour atteindre des tribus,
sont donc multiples et leurs permettent de :
• Donner un caractère (correspondant à l’image de la tribu), d’améliorer et travailler
en continu leurs images à grâce au sponsoring, au marketing viral et aux
communautés virtuelles.
• D’héberger la tribu en créant des « boutiques lieux de culte » ou des communautés
virtuelles.
• D’impliquer les membres pour créer le produit idéal et de le distribuer de manière
optimale avec l’utilisation des trends setters de la tribu.
• De gérer l’information au sein de la tribu grâce aux communautés virtuelles
Cependant l’efficacité de ces moyens dépendra essentiellement de la connaissance de la
tribu à savoir si cette dernière est exclusivement dédiée à la marque ou si elle est une sorte
de micro marché ou différentes marques ou produits se disputent des parts de marché
tribales.
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Conclusion
Le marketing tribal est donc une adaptation du marketing traditionnel à la société
postmoderne. La phase de transition de la société moderne à la société postmoderne ne
semble pas réellement terminée, du moins les sociologues ne semblent pas avoir le recul
nécessaire pour précisément caractériser cette nouvelle société. Ceci étant essentiellement
dû à la rapidité avec laquelle cette société a évolué.
Dans les faits, nous avons constaté une réelle métamorphose des caractéristiques
consommatoires des individus, éclectisme, hédonisme, recherche du lien… Autant de
phénomènes qui poussent les marketers à adapter leurs discours et modes d’action pour
coller au fonctionnement du consommateur.
C’est dans ce contexte que les tribus sont nées et qu’elles semblent devenir des cibles
hétérogènes avec des modes de fonctionnement et des caractéristiques propres à chacune
d’entre elles. Si bien que toute action tribale menée par une marque se doit de contenir un
certain nombre d’étapes et utiliser à bon escient les techniques que sont le sponsoring, le
marketing viral ou encore les communautés virtuelles.
Reste le fait que certaines tribus parviennent à se regrouper sans pour autant utiliser un
produit ou une marque comme Totem. Et on peut imaginer qu’une fois ce lien crée, grâce au
produit, la réactivité de la tribu peut entraîner une diminution de la dépendance de la tribu
vis-à-vis de la marque.
Le contrôle de tribu par la marque est donc la conséquence du fondement de la tribu, s’est-
elle formée en fonction d’un produit, ou d’une marque ? Est-elle capable de fonctionner
sans ces derniers ? Il semble que oui, les tribus sont capables de regroupement derrière
d’autres valeurs comme une cause, un mouvement politique etc.… Mais il s’avère que la
marque peut s’immiscer dans la tribu, notamment avec le sponsoring de cause.
Mais, les entreprises ne semblent pas être en position de devenir des membres actifs de la
tribu et contrôler les instances de celle-ci, la seule position, -et il s’agit de la position idéale
pour une entreprise - est celle de moteur de lien, de leader moral de la tribu pour canaliser
les informations et actions de celle-ci et en tirer parti.
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Bibliographie
Cova, B. (1995). Au-delà du marché : quand le lien importe plus que le bien. Paris:
L'Harmattan.
Cova, V., & Cova, B. (2001). Alternatives Marketing. Paris: Dunod.
Gicquel, Y. (2006). Le marketing tribal. Le Genie des Glaciers.
Pialot, D. (2001, juilliet 1). Early adopters - ces branchés qui font les tendances. L'Entreprise .
Rey, A., & Rey-Debove, J. (2001). Le petit Robert langue Française. Robert.
Riou, N. (1999). Pub Fiction. Paris: Editions d'organisation.
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Abstract
L’environnement du consommateur s’est considérablement modifié et ses repères se sont
estompés, et c’est en quête de nouvelles valeurs qu’il tente de recréer du lien social et de
rencontrer des personnes cherchant les mêmes valeurs que lui.
La consommation tenant aujourd’hui une place très importante dans sa vie, elle apparaît
comme un vecteur de rencontres avec d’autres consommateurs, ces rencontres en groupes
sont appelées les tribus.
Les méthodes classiques de marketing sont trop éloignées de la société actuelle, c’est dans
le but d’améliorer la réponse des entreprises à ce phénomène de regroupement en tribu,
que le marketing tribal a vu le jour.
Le marketing tribal vise à redonner du lien aux individus et à utiliser celui pour optimiser
l’offre du produit/service envers les tribus qu’il peut créer et ou simplement utiliser.
Il existe trois principaux intérêts à l’action tribale, la différentiation de l’offre, la fidélisation
des membres de la tribu, et d’une manière générale, une amélioration de l’image de
l’entreprise.
Les tribus, déterminantes du marketing tribal, s’organisent autour de différents éléments qui
aux membres d’échanger, de se reconnaître et de partager leur passion. Mais ayant leurs
propres réseaux communication, leurs propres valeurs, et leaders, les tribus font preuve
d’une certaine autonomie et semblent capable de fonctionner sans les marques. Face à ce
phénomène, les marques disposent de moyens pour se rendre indispensables à la tribu ou
du moins optimiser leur présence dans celle-ci.
Les recours des entreprises pour mener leurs actions tribales ou pour atteindre des tribus,
sont donc multiples et leurs permettent d’améliorer et travailler en continu leurs images,
d’héberger la tribu en créant des « boutiques lieux de culte » ou des communautés
virtuelles, d’en impliquer les membres pour créer le produit idéal et de le distribuer de
manière optimale et enfin de gérer l’information au sein de la tribu.
Cependant, toutes les tribus ne sont pas exclusives et n’assurent pas des consommateurs
fidèles à la marque.