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GENERATION DIVINEA l'instant qu'a choisi la sagesse infinie,2 Le nant vaincu cde et fait place la vie :De l'abime entr'ouvert, sombre et silencieux,4 Une me humaine monte la clart des cieux ;Et le Dieu crateur, d'une ineffable ivresse,6 A tressailli lui-mme, et sur son cur il presseComme un pre l'enfant que son souffle a form,8 Et qui s'est senti vivre en se sentant aim.Salut, nouveau venu, qu'lve au rang de l'tre10 Le triple don d'aimer, de vouloir, de connatre!Que votre voix se joigne aux clestes concerts ;12 Elle manquait pour Dieu dans l'immense univers !Contemplez, abrit sous l'ombre de ses ailes,14 Du Bien, du Beau, du Vrai les sources ternelles ;Car l'Idal, pour vous un moment dvoil,16 Bientt va s'obscurcir ; il faut, pauvre exil,Il faut, quittant le ciel, que votre ange vous mne18 Par ce chemin o doit passer toute me humaine ;Libre de mriter, l'heure du retour,20 Un arrt sans appel de colre ou d'amour.Quels destins vous fera l'preuve de la terre?22 Nul n'en sait rien, sinon que l'preuve est austre,Que le bonheur pour l'homme est un fruit dfendu,21 S'il ne veut pas pleurer le ciel deux fois perdu.

LE PASSAGE DES AMESDc lAnge gardien la mission commence,26 Dieu lui donne, il emporte en ses bras, endormiCelui dont il sera le conseil et l'ami ;28Dans l'espace ii s'elance.Plus rapicle en son vol que l'ouragan fougueux30 Qui souleve les mers et tourmente les nues,11 plane hardiment, les ailes &endues,32Sur l'ocean des cieux.Il voit crotre et s'enfuir par centaines de milles,34 Plantes et soleils aux disques enflamms. Que sur les [lots de l'air le Seigneur a sems36Comme d'immenses les.On dirait, les voir, de rapides coursiers38 Tout prts s'garer dans les champs sans limite, S'ils n'taient, d'un bras fort, retenus dans l'orbite 40Des clestes sentiers.Astres qui gravitez, malgr l'ombre et le vide,42 Vous devez moins que nous vous tromper de chemin,Troupeau sans libert, pouvez-vous fuir la main44Du pasteur qui vous guide?L'esprit a salu leurs anges protecteurs,46 Et ceux Qui, comme lui, garderont sous leur aile L'me humaine, fardeau plus lourd et plus rebelle, 48Et qui semblent rveurs.D'autres vont recueillant pleurs et cris de dtresse' 50 Que d'iniques pouvoirs bravent insolemment ; Braveront-ils aussi du juge tout-puissant52La force vengeresse?Voici le dfil, ple et silencieux,54 Des mes que la mort de la terre dlivre ; De l'immense inconnu le redoutable livre 2 56S'entr'ouvre sous leurs yeux.Tremblantes, elles vont o leur ange les mne 3, 58 Les pousse quelquefois, vers le seul TribunalQui sait juste la part et du bien et du mal 60Qu enferme une me humaine.Sans ererur, sans appel, il va dicter leur sort 4 ; 62 Elles semblent dj le pressentir d'avanceA ce vol ingal comme leur esprance, 64Au sortir de la mort.

157Ainsi sous le ciel gris, ds que l'hiver arrive,66 De nos champs dserts pour des climats meilleurs.Nous voyons migrer des oiseaux voyageurs 68La troupe fugitive.Quel est donc ce gant et ce vautour cruel 70 Qui lui ronge le coeur ? En vain il le dpceSans cesse dvor, le coeur renat sans cesse 72Pour souffrir immortel.Tout autour, envieux de cette horrible proie,Rde un cercle hideux, groupe de noirs esprits ;Dans leurs yeux sans rayons et sur leurs fronts proscrits 76Passe un clair de joie.Esprit du mal, mystre o nul n'a vu le jour,78 Que vous a donc: fait l'homme? 11 lui suffit de natre ; Vous tes son tourment, son partage peut-tre, $OSon ennemi toujour.L'ange poursuit encore, et la sombre atmosphre82 S'emplit d'un bruit croissant de plaintives clameurs.C'est le globe maudit, c'est le sjour des pleurs. 84L'ange a touch la terre.L'ANGE ET LA MEREQue la paix du Seigneur repose 86Sur cette mre et son trsor,Et que sur leur paupire close SMElle verse des songes d'or !Enfant, dormez, pour vous je prie, 90Et dois veiller avec amour,Afin qu'au terme (le la vie92Vous bnissiez ce premier jour.Hlas ! Combien de fois l'aurore 94Qui brille l'orient vermeil,Doit-elle se lever encore,96Avant votre dernier rveil!Combien de fois les taches sombres, 98Qui naissent d'un limon impur,Terniront-elles de leurs ombres 100Ce lac aujourd'hui tout azur.

158Loin des sentiers de la patrie, 102L'homme, voyageur gar,Cherche en vain la source infinie 104Dont il fut ailleurs enivr.Oubliant la patrie absente, 10611 suit le nuage trompeurO sous une forme enivrante, 10811 voit le rve de son cur.Mais bientt l'idale image,110Du ciel imparfait souvenir, S'vanouit comme un nuage,112Dans la main qui croit le saisir. L'me d'un trait mortel blesse,114Ne peut plus reprendre son vol. Pauvre oiseau, qui, l'aile casse,116Se trane sanglant sur le sol.Vous seul savez, mon Dieu, quels dangers, que d'alarmes 118 Menacent votre enfant et, si j'ose trembler,Pardonnez-moi, vous seul pouvez compter les larmes 120Qui de ses yeux doivent couler.Piti pour lui, Seigneur, et pour cc cur de mre 122 Plein d'un amour si saint, et si fort et si doux ! Cet amour n'est-il pas lui-mme une prire,124La plus loquente pour vous?Mais votre juste main a pes la mesure126 Des douleurs qu'ici-bas tout homme doit porter ; Pour accomplir la loi de sa noble nature, 128Il faut souffrir pour mriter.Des ombres du prsent tout l'avenir s'claire,130 Cc n'est point un vrai mal, le mal qui peut finirCar vous tes. Seigneur, bien moins juge que pre ;132Si vous frappez c'est pour bnir ;Pour que l'homme vous cherche, en vous seul qu'il espre, 134 Et, qu'aimant et soumis, il vous rende son cur, Trop longtemps gar, sur cette triste terre,136A la poursuite du bonheur.IVLE PRINTEMPSLe soleil, maitre de la vie,138 Verse ses rayons les plus doux:Il dit la terre engourdie :140 C'est le printemps, rveillez-vous !

J'ai dchir le voile humide142 Qui glaait votre sein avideDe subir mes regards de feu ;144 Qu'attendez-vous, plantes frileuses? Levez vos ttes paresseuses,146 Regardez-moi dans le ciel bleu.Fils d'Adam, la terre est pare, 148 Eveillez-vous votre tour,L'Eden est de peu de dure, 150 Vous aussi le saurez un jour !Alors en vain le soleil donne152 Au printemps sa blanche couronne,A l't sa riche splendeur,154 S'il ne reste plus dans votre meL'essor, le rayon et la flamme, 156 La foi, la grce et la fracheur.Venez, l'aubpine est fleurie, 158 Cueillez-en le premier rameau ;Courez lger sur la prairie, 160 Comme l'hirondelle sur l'eau.Insecte, oiseau, brise odorante,162 Tout vit, brille, bourdonne ou chante,Vous caresse et vous fait sa cour ; 164 Le bouton d'or vers vous se pencheEt les yeux bleus de la pervenche 166 Vous regardent avec amour.De ces fleurs peine amasses 168 Quoi! vous allez vous dessaisir !Vos mains sont-elles donc lasses? 170 Dj changez-vous de dsir?Du papillon l'aile azure172 Serait bientt dcolore,Il prirait entre vos doigts ;174 Pendant que, libre en son caprice, 11 visite chaque calice,176 Ecoutez cette douce voix Viens ici, les fleurs sont plus belles, 178 Les oiseaux plus brillants encorSemblent en secouant leurs ailes 180 Semer l'azur, la pourpre et l'or.Suis-moi jusque sur la colline, 182 Et, sous le bois qui la domine,Nous trouverons d'autres sentiers ; 184 En les suivant dans notre course,Peut-tre verrons-nous la source 186 Du ruisseau qui coule nos pieds .

160Et, joyeux, vous allez les suivre, 188 Et, quand vous serez de retour, Vous aurez le sens de ce livre190 Dont chaque feuille marque un jour.Du moins, malgr la voix si douce, 192 Sur l'herbe frache et sur la mousse,Un moment cherchez un abri ; 194 Enfant, plus vous marcherez vite,Plus tt vous verrez la limite,196 O finit le sentier fleuri.VSOUVENIR DU CIELLorsqu'arrive le soir, l'enfant lass repose 198 Prs du lit maternel sa tte blonde et rose ; Et les songes, amis du paisible berceau,200 D'un monde merveilleux cartent le rideaux.Dans une vaste plaine, au bord d'un fleuve, il rve202 Qu'il marche tout joyeux, ramassant sur la grve Coquille et diamant, dont le prisme changeant204 Luit dans le sable d'or en clairs reflets d'argent ; Pendant que le soleil, qui sur les eaux dcline,206 Jette un dernier regard la ville voisine,Que les vitres en flamme et les toits, empourprs208 D'une trange splendeur, brillent transfigurs.Tout coup il entend comme un battement d'ailes,210 Il coute, il regarde : surprises nouvelles!Des anges radieux aux doux yeux, au front pur,212 Passent en se jouant dans le limpide azur. Quel sourire divin sur leur bouche divine,214 Sous leurs cheveux flottants quand leur beau col s'incline, Sur le front d'un enfant qui, pour tre embrass,216 Leur sourit son tour entre leurs bras berc ! Ainsi la rose en fleurs sur le bouton se penche,218 Quand, au vent du matin, la verdoyante branche Qui porte avec orgueil le couple gracieux,220 Se balance lgre en les berant tous deux.Des chants d'une harmonie inconnue la terre, 222 S'lvent dans les airs, voils, pleins de mystres.Comme ces bruits confus que la brise parfois224 Murmure en soupirant l'ombre des grands bois.Les clestes accents se croisent, se confondent226 Et s'appellent entr'eux ; des harpes leur rpondent.Comme des lis sems sur la pourpre des rois, 228 Les belles notes d'or brillent entre les voix.

IIOu tel, lorsqu'apparat dans le ciel d'un bleu sombre 230 L'astre aux rayons d'argent, des toiles sans nombre Le chur brillant l'entoure, et leur vive lueur232 Scintille ses cts, sans ternir sa blancheur.L'enfant seul dlaiss, d'une oreille ravie234 Ecoute, puis soupire, et d'un oeil plein d'envieIl regarde, il implore, en leur tendant les bras, 236 Les groupes bienheureux qui ne l'entendent pas ;Qui, tels que des oiseaux, tantt rasent la terre, 238 Dans l'ombre disparus, tantt la lumireEmergeant tout coup, reparaissent au loin, 240 S'entr'ouvrant dans la nue un splendide chemin.Que ne peut-il, comme eux emport dans l'espace, 242 Atteindre dans son vol le nuage qui passe,Le mettre sous ses pieds comme un chelon d'or, 244 Et de l vers les cieux reprendre son essor !Mais plus grands sont les voeux, plus les efforts striles. 246 De ses yeux abaisss sur ses pieds immobiles,Des pleurs de dsespoir commenaient couler, 248 Quand d'une voix connue, il s'entend appeler : Que de tes pleurs amers la source soit tarie ;250 Vois-tu l'enfant Jsus et la Vierge Marie?Ils te consoleront. En s'approchant de nous252 Comme ils semblent sourire !.. genoux, genoux ! A peine ont-ils flchi que, grce inespre ! 254 Comme d'un corps mortel une me dlivre.Fleuve, grve,sous ses pieds semblent fuir, 256 Et, d'un vol qui s'accrot au gr de son dsir,Il monte vers le ciel... mais, hlas ! mme en rve, 258 Le bonheur s'entrevoit et jamais ne s'achveDes tres lumineux la vision s'enfuit,260 Et l'enfant reste seul dans la profonde nuit.VILE TOIT PATERNELAmi, retirons-nous, l'orage me fait peur !262 Nous avons bien temps soustrait sa fureur La primevre rose et le rosier si frle ;264 Sous les coups redoubls du vent et de la grle. Pour un moment d'oubli, nous aurions vu prir266 Leurs boutons qui, ce soir, commenaient s'ouvrir. Laisse-moi contempler cet immense nuage, 268 Etenclant sur le ciel ses bras dmesurs,Et l'clair tout coup se livrant un passage 270Dans ses flancs dchirs.As-tu vu resplendir d'un clat phmre272 Les toits, les hauts clochers, les vieux murs de l'enclos? Fantmes voqus par un coup de tonnerre,274Rentrez dans le chaos ! Je n'ai vu, je n'entends que la foudre qui tombe 276 A quelques pas de nous ; cette effroyable trombeNe finira donc point. Daignez de tout malheur 278 Prserver, mon Dieu, le pauvre voyageur ! Le ruisseau, ce matin, selon notre coutume, 280 Pass sur des cailloux jets dans le courant,Roulant hors de son lit des flots blanchis d'cume, 282Mugit comme un torrent.Le grand chne gmit en secouant la tte ;284 Comme un cheval rtif sous l'peron cabr, Il se dbat en vain aux coups de la tempte286Qui le courbe son gr. Ami, rapprochons-nous de la lampe qui brille. 288 Autour d'elle dj s'assemble la famille ;Et grand'mre, qui lit la Bible chaque soir,290 Nous fait, pour couter, signe dc nous asseoir.LECTURE (PsaumeQu'est-ce que l'homme, Dieu, pour que votre pense 292 Du haut de l'infini descende jusqu' lui,Lui, cette ombre d'hier au matin efface294Quand le soleil a lui?Si, des cieux abaisss, vous marchez solitaire,296 Sur ces monts escarps que l'homme n'atteint pas,Il suivra plein d'effroi, sur leur fumant cratre, 298La trace de vos pas.Car, devant vous, Seigneur, sur leurs bases tremblantes, 300 Sentant flchir l'orgueil de leurs sommets altiers, Comme un lion vaincu, les montagnes gantes302Se couchent vos pieds.Etendez sur les eaux votre bras secourable! 304 Le flot monte toujours, il va me submerger.Dlivrez-moi, Seigneur, de la serre implacable 306Des fils de l'tranger !Leur langue est un serpent dont le venin s'attache 308 A souiller sans piti l'homme au cur droit et pur ;Le crime a dans leurs mains une arme qui se cache 310Pour frapper coup sr.Que de mon coeur bris s'exhale la prire,312 Comme les saints parfums que brle l'encensoir,Comme l'odeur des pins qui monte de la terre 314Sur les ailes du soir !Heureux qui peut ainsi songer son enfance316 Sans y trouver mls ces longs jours de souffrance,O, ferms dans les murs d'une troite prison, 318 Contemplant tristement un lambeau d'horizon,Nous suivons du regard moins que la pense,320 De quelque arbre lointain la cime aux vents berce,L'oiseau qui parcourait les champs libres des cieux, 322 Et nous sentions bientt des pleurs mouiller nos yeux !Dans le sol maternel profondment fixe, 324 Heureuse mille fois la plante dlaisseQue le savoir cruel du fer ducateur326 N'aura pas dpouill de sa jeunesse en fleur.Elle aspire longs traits sous sa robuste corce 328 La sve qui fera sa dure et sa force ;Et ses rameaux fconds, sans tre mutils, 330 Ou contre un triste mur, tordus, cartels,Sans factice chaleur qui la hte et la tue, 332 Donneront leur jour la rcolte attendue.Heureux qui vit le jour loin des sombres cits, 334 O, nomade habitant de leurs murs dtests,Il faut, chaque fois qu'on transporte sa tente, 336 Abandonner des siens la poussire vivante,Tant de chers souvenirs qui, pour jamais perdus, 338 De ceux que nous aimions ne nous parleront plus !Heureux qui peut revoir sous le toit de son pre 340 La place encore intacte o reposait sa mre,Quand ses regards teints et sa mourante voix 342 S'adressrent lui pour la dernire fois!L, du moins, des aeux les tombes vnres 344 Dans la foule des morts ne sont point gares.Sous les arbres grandis que leurs mains ont plants, 346 A l'ombre des rameaux par le fer respects,S'il sent du doute en lui peser la nuit obscure, 348 De ceux qui l'ont quitt la mmoire si pure,

164Le visage la fois austre, calme et doux,350 Apparaissent vivants ; et tombant genoux. La pense leve au-del de la terre,352 11 donne un libre cours aux pleurs, la prire.Et retrouve, en ouvrant ces deux sources du coeur, 354 Lin peu de cette paix qui ressemble au bonheur.VIILE MAUVAIS SENTIERLES ENFANTSQue nous veulent, mon Dieu, cette vieille en colre 356Et ces hommes vtus de noir ?l'ai peur, car il me semble voir358 Que de leurs yeux sur nous tombe un regard svre.LA VIEILLE Enfants, d'o venez-vous? o courez-vous ainsi? 360 Et qui vous a permis de passer prs d'ici?LES ENFANTS Piti pour la peine cruelle362 De deux pauvres enfants qui, depuis cc matin,Loin de la maison paternelle,364 Ne peuvent, dans la nuit, retrouver leur chemin !LA VIE/ L LECe n'est pas le ct par o cc chemin passe', 366 Au contraire, car plus on s'approche de nous,Plus il est malais d'en retrouver la trace. 368 Mais le cas est prvu par intrt pour vous.Chez nous est votre place ; enfants, nul n'a licence 370 Sans notre bon plaisir cle gravir cc sentier,Dont chaque degr marque un pas dans la science. 372 C'est un beau privilge et nous l'avons entier.Flicitez-vous donc de votre heureuse chance, 374 Car puisque tt ou tard vous nous seriez rendus,Il n'tait rien de mieux que de prendre l'avance.

165LES ENFANTS376 Mais, nous vous l'avons dit, nous nous sommes perdus 2.LA VIEILLEAlors, contez-moi donc toute votre aventure 3.LES ENFANTS

4,378Nous cherchions les champs, la verdureIls taient ce matin si beaux ; 380Car l'orage avait de ses eauxRaviv leur frache parure.382A peine aussi nos yeux ouverts Virent-ils l'aube souriante384Qui chassait l'ombre dcroissante Sur l'meraude des prs verts,386Nous franchmes d'un pas rapideLe verger clos de ses vieux murs, 388Ramassant les fruits dj mrsEpars sur le gazon humide.390Le jour se levait, rallumant A sa lueur vive et rose,392Dans chaque goutte de rose. L'toile teinte au firmament.394Mille fleurs fraches et vermeillesParaient les plus humbles sentiers, 396Et les oiseaux plus familiersOubliaient qu'ils avaient des ailes.398Tout tait chants, parfums, rayons. Echangs du ciel la terre ;400Le front baign dans la lumire, Joyeux, en marchant, nous disions :402Chantez, matinale alouette,Chantez votre douce chanson ; 404Sur votre nid, dans le buisson,Dormez en paix, pauvre fauvette !406A moiti cachs dans les bls,Gais moissonneurs, liez vos gerbes : 408Egars dans les hautes herbes,Troupeaux, mugissez ou blez !410 Et nous marchions toujours ; et dans les cieux limpides L'ardent soleil montait. Les heures sans piti412 Avec lui s'enfuyaient; et leurs ailes rapidesAvaient de ce beau jour emport la moiti.414 Nous cherchions dans les bois l'ombre partout absente.Sur la mousse o, lasss, nous vnmes nous asseoir, 416 Aux framboisiers de pourpre, la fraise odorante,L'airelle mlait son fruit noir.418 D'autres plantes sans nombre aux formes inconnues,Nous montraient l'envi leurs fleurs, leurs fruits nouveaux, 420 Et devant nous fuyaient les longues avenuesQu'ombrage la fort de ses mouvants arceaux.422 L'cureuil s'y jouait, sautant de branche en branche,De l'rable au fayard, des chnes aux bouleaux424 Qu'on reconnat au loin leur corce blanche,A travers les sombres rameaux.426 Vers un coin du ciel bleu, perant la vote obscure,Les yeux fixs, du vent nous coutions la voix428 Qui s'approche et grandit, puis s'apaise et murmure,Et va se perdre au loin dans le profond des bois ; 430 Et nous ne pensions plus que, des monts descendue,L'ombre grands pas marchait vers le dclin du jour ; 432 Du sentier conducteur la trace tait perdue,Quand nous songemes au retour.434 L'aubpine piquante et le rosier sauvage. Entrelaant leurs bras, nous barraient les chemins,436 Et faisaient payer cher l'inutile passageA grand'peine fray par nos sanglantes mains.438 Puis, quand la lune vint, sa clart mouvante Si quelque arbre gant dressait son profil noir,440 D'un fantme on et dit la tte menaanteQui se penchait pour mieux nous voir.442Piti pour la peine cruelleDe deux pauvres enfants, qui, depuis ce matin, 444De la demeure paternelle',Ne peuvent dans la nuit retrouver le chemin.

167LA VIEILLE 2446 Enfants, c'est bien, entrez, ces murs sont ma demeure. O je tiens la fois caserne et garnison 3.448 Dfense d'en sortir avant d'atteindre l'heureO savamment guri de toute illusion450 D'idal et de foi qui sduit et qui leurre,Nul ne croit plus rien qu' sa propre raison.VIIICAUCHEMAR

452454456458460462464466Quant le vent du midi chassant les noirs autans Apporte avril en fleur sur son aile attidie, Et qu'on voit s'agiter comme un souffle de vie.. Ferment gnrateur o germe le printemps :La lumire des cieux, trop longtemps clipse, Regarde enfin la terre, et la terre, son tour, Emue et souriante ce regard d'amour, Va bientt se parer comme une fiance.Le gazon reverdit ; d'enivrantes senteurs S'exhalent des forts par l'hiver dpouilles ; Comme le lait qui monte aux mamelles gonfles. Sur leurs boutons rougis coule la sve en pleurs.Du voile transparent de ses feuilles closesLe saule des vallons s'est vtu le premier.Plus prcoces encor, le pcher, l'amandierFont pleuvoir sur les prs leurs fleurs blanches et roses.468 Mais, trop vite oublie, raustere vent du nord, Reveillant tout a coup son haleine endormie,470 Vient souffler sur ces fleurs, sur toute cette Adieu, Printemps! void i le froid, la nuit, la mort !472 L'homme connait aussi cette heure printaniere.OY tout cc qu'il dolt etre et qu'il n'est point encor, 474 Flotte indecis dans tame, avant de prendre essor,Comme au vent du matin une vapeur Legere476 Oa, semblable au bouquet que ton cueille en chemin, Sans souci de son but, sans souci de la route,478 L'idee a chaque pas, comme une fleur s'ajoute. Of les pleurs d'aujourcl'hui sont oublies demain480 OO nulle passion dest encore eveillee,OY nous ne con naissons des twits que le sommeil ; 482 Joyeux chaque matin de revoir le soleil,Qui fait chanter roiseau sous la verte feuillee.484 Pleine denchantements et de chastes attraits,D'illusions en fleurs et de calme esperance, 486 Trop courte vision, la celeste innocenceS'asseoit a nos cotes comme un ange de paix.488 Jamais de ricleal plus pur rayon n'arrive,Que reflete stir nous par razur de ses yeux 490 Uric onde pure ainsi fait descendre les cieuxjusqu'a thumble gazon que vit croitrc sa rive.492 Mais un souffle etrangcrglacial ct mortel, Arrete en son lan cettc divine fla111171e,494 Cate aurorc du coeur, cc beau printemps de tame. Que fit epanouir lc regard maternel.496 Ainsi, tame Ian quit, des glaccs de la tombeParalysee, avant lcs jours d'hiver ;498 Ainsi, sans etre mar, se fletrit, mcurt et tombeLe fruit souvcnt clevore par un ver. 500 La chenille s'attaque a la &trill(' naissantc.Et, dans scs nids, aux rameatzx suspcndus, 502 Fourmille un enncmi, dont la /aim clevoranteMene en rampant les bataillons velus. 504 L'araignec, en son antic, attend ,saisit, cmportc,Prisc au fact, la nzouche aux ailcs dor504 Commc guettc un marchand sur lc seuil de sa porte,Chaque passant pour grossir son tresor. 508 lin ennemi plus sfir, plus terrible se cachePres de ten/ant rieur et confiant,510 Et du scull paterncl malgre scs pleurs l'arrache, Entre ses bras temportant tout tremblant. 512 Ah! n'est-ce point assez qu au declin des annees

169Sou vent plus tot, nous vienne la douleur,514 Sans qu un spectre hideux, de ses mains decharnees,Vienne fletrir nos seuls jours de bonheur? 516 Faut-il tant de soucis, tant de peines cruelles,Etre fermes vivants dans un tombeau? 518 Faut-il au ,premier jouressaya ses ailes,un fer brutal les coupe au pauvre oiseau ? 520 Maitres du Bien, cliz Beau, saints, heros ou poetes,Ne pouvons-nous vous rencontrer ailleurs! 522 Que vous seriez feconds, Si vos froids interpretesOubliaient moms de parler a nos curs, 524 Si nous n'etions si loin des champs, de la lumiere,Du ciel, enfin, qui vous sut inspirer ;526 Si nous n'etions, mon Dieu ! si loin de notre mere,Que nous saurions bien mieux vous adorer ! 528 Dans tine dine denfant tout cc qui se remueDe chaud, claimant, dimprevu, de nail, 530 S'atrophie ou s'eteint rien qu'a la tristc vueDes sombres murs qui le tiennent captif. 532 Sur sa bouchc epie s'eteint le doux sourire.Qu'il doive tin jour etre aigle ou passereau, 534 Orz mesure ses pas, jusqu'aqu'il respireIi doit subir limbecile niveau.536 De [esprit et du cceur la jeunesse s'efface Sur cc front pale, impuissant, irrite,538 Ce que dix ans dennui semblent mettre a la place. Vaut-il jamais tout cc qu'ils ont cod te?IXLE GRAIN DE BLE540 Voyez ce grain dc ble qui, malgre les rages Ou hiver qui sevit,542 Faible et fort a Ia fois, a traverse les agesVivant oil lhomme vit.544 Mais du grain a Vepi stir la terre sterile Quc de rides labeurs!546 Enfants, vous ignorez pour la rendre fertileCe qu'il taut de sueurs.548 Croyez-vous qu'il suffit du printemps qui l'arrose, De rete qui murit ?550 Sur le ciel meme arni que l'homme se repose Et la moisson pent.


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