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Les critères des décisions de délocalisation vers les pays émergents : une approche empirique
Fabienne FEL, ESCP Europe
Eric GRIETTE, ESDES et Centre de Recherche Magellan IAE de Lyon
Résumé :
L’objet de notre recherche est d’analyser les critères pris en compte lors des décisions de
délocalisation vers les pays émergents. L’analyse de la littérature montre l’existence de deux
approches : la première, financière, met l’accent sur la rentabilité des investissements, tandis
que la seconde traite des aspects stratégiques et managériaux des opérations de
délocalisation. Nous avons donc choisi une approche globale, visant à déterminer la part
respective des critères stratégiques, managériaux et financiers dans les décisions de
délocalisation. Pour ce faire, nous avons réalisé une étude qualitative auprès de seize
entreprises européennes ayant délocalisé tout ou partie de leurs opérations vers des pays
émergents. Nos résultats montrent que les décisions de délocalisation reposent avant tout sur
des choix stratégiques de croissance ou de réduction des coûts, et que les outils financiers
sont ensuite utilisés de façon incontournable pour valider la rentabilité de l’opération. Nous
montrons également que les entreprises s’efforcent d’analyser les risques afférant aux
opérations de délocalisation et de s’en prémunir, et qu’en particulier, loin de conduire à une
dégradation des performances de la supply chain, les opérations de délocalisation de la
production industrielle permettent d’obtenir une meilleure adéquation de la supply chain aux
attentes des clients.
Mots-clés : stratégie ; délocalisations ; pays émergents ; risques ; évaluation financière ;
supply chain
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INTRODUCTION
Depuis le début des années quatre-vingts, de nombreuses entreprises occidentales ont choisi
de délocaliser leurs usines ou leurs approvisionnements vers des pays à bas coût de main
d’œuvre afin de réduire leurs coûts, dans une démarche de verticalisation (Lemaire, 2010 );
d’autres entreprises, attirées par l’importance de la demande potentielle dans les pays
émergents à forte croissance, délocalisent en vue de produire au plus près des marchés
locaux, dans une stratégie d’horizontalisation (Lemaire, 2010). Cependant, des articles
récents (Kinkel et Maloca, 2009) soulignent le nombre important d’échecs des tentatives de
délocalisation, conduisant dans un certain nombre de cas à des relocalisations : les risques
relatifs aux « distances physiques et mentales », comme le manque de réactivité de la supply
chain, ou l’importance des différences culturelles, seraient très largement sous-estimés.
Etant donnés les risques liés aux opérations de délocalisation, il nous a semblé opportun de
nous interroger sur les critères pris en compte lors des décisions de délocalisation. En effet, la
littérature montre l’existence de deux approches radicalement différentes : d’une part, la
littérature financière se focalise sur l’analyse de la rentabilité des opérations de délocalisation,
et met l’accent sur les modes d’entrée ; d’autre part, la littérature stratégique et managériale,
très abondante, met l’accent sur les enjeux et les risques stratégiques et opérationnels de ces
mêmes opérations.
L’originalité de notre approche tient donc à une approche globale des critères, tant
stratégiques et managériaux que financiers, pris en considération par les entreprises non
seulement dans la décision de délocaliser leur production, mais aussi dans le choix du pays de
délocalisation. S’agissant de la nécessité de comprendre un processus complexe, nous avons
choisi de réaliser une recherche qualitative, et avons interviewé des dirigeants d’entreprises
européennes impliqués dans ces décisions.
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Nous nous proposons dans un premier temps, après avoir défini le sens que nous donnons au
concept de « délocalisation », de présenter les éléments théoriques qui ont servi de cadre à
notre recherche : nous aborderons tout d’abord les opportunités et les risques des opérations
de délocalisation, avant de présenter les critères, tant financiers, que non financiers, de
décision. Nous présenterons dans une seconde partie notre méthodologie de recherche ainsi
que les études de cas réalisées, et tenterons enfin de dégager nos principales conclusions dans
une troisième partie.
Les déterminants des opérations de délocalisation
Le terme « délocalisation » (offshoring) ne fait pas l’objet d’une définition unanime dans la
littérature (Jahns and al., 2006): si certains auteurs n’en donnent pas une définition précise,
d’autres en revanche en limitent le périmètre aux opérations nécessitant un investissement
local, ce qui exclut les achats depuis les pays à bas coûts. Nous retiendrons la définition
donnée par Kinkel et Maloca (2009), qui définissent la délocalisation des capacités de
production comme la relocalisation de ces capacités à l’étranger, les unités de production
pouvant appartenir à la maison-mère ou à des fournisseurs extérieurs.
Avantages potentiels des opérations de délocalisation
De nombreuses études s’intéressent aux motivations des opérations de délocalisation, en
particulier vers les pays à bas coût de main d’œuvre (Farell, 2004, 2005). Ces études sont pour
certaines relativement anciennes (Vernon, 1966; Dunning, 1980, 1988), et analysent les
raisons pour lesquelles les entreprises s’internationalisent, ainsi que les déterminants du mode
d’entrée dans le pays (cf. le célèbre paradigme éclectique OLI : Dunning, 1988). Centrées sur
les coûts, ces recherches ont montré les avantages des délocalisations vers les pays à bas coûts
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de main d’œuvre, en introduisant une segmentation entre les activités à forte intensité
capitalistique et celles à forte intensité de main d’œuvre ; dans la mesure où la différence
entre pays porte surtout sur les coûts de main d’œuvre, ces auteurs concluent que la
délocalisation est plus intéressante pour les activités à forte intensité de main d’œuvre que
pour celles à forte intensité capitalistique.
Ainsi, on délocalise souvent pour réduire les coûts (Chan & al., 1995), particulièrement pour
les industries ou service à forte intensité de main d’œuvre, comme expliqué précédemment, ce
qui nécessite des investissements locaux. De plus, les économies à réaliser ne proviennent pas
seulement de la diminution des coûts de production, mais parfois de la réduction des coûts
logistiques. En effet, lorsque l’objectif de l’opération de délocalisation est de vendre sur les
marchés locaux, le rapprochement des sites de production des lieux de consommation réduit
les distances et en conséquence les coûts de transport.
La seconde vague de littérature, plus récente (MacCarthy and al, 2003 ; Lemaire, 2003 ; Aron
and Singh, 2005; Doh, 2005 ; Farell, 2004, 2005), fait ressortir les autres avantages
stratégiques liés aux délocalisations, comme l’accès à de nouveaux marchés en forte
croissance à un moment où les marchés occidentaux, très concurrentiels, n’offrent plus de
perspective de développement important. Certaines recherches soulignent également
l’élargissement du périmètre concerné par les délocalisations : alors que seules des opérations
de production étaient délocalisées par de grandes firmes multinationales au démarrage, les
délocalisations sont aujourd’hui le fait de PME également. En parallèle, nombre d’opérations
de services à forte intensité de main d’œuvre (centre de R&D, call-centers, production et
maintenance informatiques,…) sont désormais délocalisées vers des pays émergents, au
même titre que les opérations industrielles.
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Pourtant, en analysant sur 10 ans les motifs de délocalisations des entreprises allemandes,
Kinkel and Maloca (2009) concluent que le premier motif reste celui de la réduction des coûts
de personnel : selon ces auteurs, la volonté d’accroître les capacités de production,
l’ouverture de nouveaux marchés, ou encore les incitations fiscales ne constituent que des
motifs secondaires.
Les risques liés aux délocalisations
La littérature souligne les risques liés aux délocalisations. Selon Farrell (2006), les risques, ou
les critères à étudier avant toute stratégie de délocalisation, recoupent la typologie suivante :
- Les coûts
- Coûts du travail :
Une faible productivité locale ou un niveau de qualité insuffisant génèrent des dépenses
imprévues (Berger, 2006), qui augmentent le prix de production. Selon Knudsen and
Servais (Knudsen and Servais, 2007), le principal risque lié aux délocalisations est celui
d’une qualité médiocre du produit final. Pour Kinkel and Maloca (2009), la prévention de
ces risques induit des coûts supplémentaires liés aux procédures de coordination et de
contrôle de la qualité.
− Coûts logistiques :
Chopra et Sodhi (Chopra et Sohdi, 2004) proposent une typologie des risques liés à la
supply chain, répartis en neuf catégories dont les ruptures, les retards, les stocks et les
arrêts de production. Or les délocalisations, lorsqu’elles n’ont pas pour objectif
l’approvisionnement des marchés locaux, entrainent un allongement de la chaine
logistique, allogement dû aux réimportations. S’intéressant aux conséquences des
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délocalisations vers les pays émergents, certaines études empiriques insistent sur les
risques de rupture dans la chaîne logistique, ou de retards dans la livraison des produits,
qui génèrent des perturbations en production, ainsi que des pertes de chiffre d’affaires
(Moatti, 2009). Weber et al. (Weber et al., 2010) considèrent que le démarrage d’un
projet de sourcing depuis les pays émergents est la phase la plus critique en termes de
surcoûts, en raison de problèmes initiaux de non qualité, ainsi que des difficultés liées à
la barrière de la langue et à la communication interculturelle. Enfin, des temps de
transport importants peuvent aussi induire des ruptures de stocks, obligeant les
entreprises à augmenter par précaution leurs stocks, ce qui induit des coûts
supplémentaires. Selon Jahns and al. (2009), l’internationalisation de la production
conduit à des dégâts considérables lorsque la chaine logistique n’est pas maîtrisée.
- l’existence d’une main d’œuvre locale qualifiée, tant pour les ouvriers, que pour les cadres
(Fillis, 2001)
- La qualité des infrastructures :
• En premier lieu, les marchandises fabriquées localement doivent pouvoir être
transportées de façon efficace et à un prix raisonnable, ce que seules de bonnes
infrastructures de transport permettent.
• Par ailleurs, la coordination entre les usines étrangères locales et le siège
nécessite de nombreux déplacement de cadres et de dirigeants occidentaux.
Une localisation des unités de production à proximité des aéroports
internationaux permet des gains de temps et réduit les coûts.
- Le potentiel de marché : Sethi et al (Sethi et al., 2002) ont montré que les investissements
américains se portent maintenant davantage sur les pays à population importante, c’est-à-dire
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les pays avec un marché potentiel important. Cependant, le marché potentiel peut être
surestimé, si l’objectif de la délocalisation est de vendre sur le marché.
− Le profil de risque-pays. Il inclut les risques de déstabilisation géopolitique liés aux
catastrophes naturelles et au contexte politique ainsi que ceux liés à la protection de la
propriété intellectuelle.
− L‘environnement des affaires, qui comprend les soutiens du gouvernement, le climat des
affaires et la culture locale.
Les critères des décisions de délocalisation
Critères financiers
L’approche financière permet d’estimer la rentabilité d’une opération de délocalisation. De
façon liminaire, il nous semble important de préciser que se pose la question de la perception
des coûts par les décideurs. Pour Eriksson et al. (Eriksson and al, 1997), la capacité à prévoir
les coûts dépend de l’expérience internationale de l’entreprise ; Selon Ellis (2000), les
décisions d’implantation sont plus influencées par les relations personnelles que par la
recherche systématique de données, car il est difficile de collecter des données complètes et
fiables sur des pays lointains mal connus ou inconnus. Ces précisions permettent de nuancer
l’utilisation des outils financiers que nous décrivons ci-dessous.
- Les critères financiers des projets d’investissement
S’agissant d’un investissement (création d’une unité de production – « Greenfield
investment » - ou rachat d’une entité existante), le cadre théorique d’évaluation d’un projet
fait référence à des paramètres classiques :
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- coût du capital ou taux d’actualisation du projet,
- estimation des cash-flows futurs et actualisation de ceux-ci,
- calcul de la valeur actualisée nette.
Avant même de prendre en compte la littérature liée à la spécificité de l’évaluation de projet
dans le cadre des pays émergents, il convient de souligner les difficultés et limites de
l’évaluation de projet dans le cadre domestique.
Dans une étude récente, Pablo Fernandez et Andrada Bilan (2007) présentent des sources
d’erreurs fréquentes dans l’évaluation des projets :
- utilisation peu réaliste d’un taux d’intérêt historique sans risque, d’un beta et d’une
prime de marché historiques,
- erreur dans le calcul du taux d‘actualisation,
- erreur dans le calcul, ou dans la prévision des cash-flows (sur estimation, difficulté de
prendre en compte la saisonnalité...),
- erreur dans le calcul de la valeur résiduelle du projet d’investissement (difficulté de
calculer le taux de croissance de l’EBITDA…).
Transposer ce cadre d’analyse aux investissements dans les pays émergents rend plus
complexe encore ce calcul de rentabilité. La question se pose en particulier de savoir si l’on
doit prendre en compte une prime de risque supplémentaire dans les approches classiques
d’évaluation (Damodaran, 2003). Franck Bancel et Thomas Perrotin (2004) soulignent la
difficulté d’appréhender ces risques (incertitude sur la prévision des cash flows futurs, risque
politique ou risque systémique…). Selon Damodaran (2003), le risque pays doit être
explicitement inclus dans l’évaluation du projet. La question est alors de savoir si l’on doit y
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inclure une prime de risque supplémentaire, et dans l’affirmative, si cette prime doit être
globale ou différenciée en fonction des pays.
S’agissant d’un investissement, le calcul de la valeur actualisée net du projet (VAN) est l’outil
de référence. Une somme de cash-flows supérieure à l’investissement initial entrainera une
VAN positive ; le projet sera alors considéré comme rentable (Eiteman, 2009). Mais comme
nous l’avons évoqué ci-dessus, l’évaluation d’un projet peut s’effectuer de différentes façons,
tout choix comportant une part de subjectivité. De ce choix, des erreurs éventuelles
concernant les calculs des cash flows anticipés, peuvent découler des VAN différentes,
entraînant la validation ou le rejet du projet.
- Les critères financiers des projets d’achats
S’agissant d’un acte d’achat, et non d’un investissement, les critères financiers à prendre en
compte reposent sur le calcul du Total Cost of Ownership (TCO), défini en 1993 par Ellram et
Sidfert (Ellram et Silferd, 1993) : le TCO intègre l’ensemble des coûts d’achat, d’usage et de
maintenance du produit acheté durant sa durée de vie. En pratique, le calcul du TCO pose
cependant un certain nombre de problèmes, en raison de la difficulté à définir les informations
pertinentes pour son estimation, informations qui n’apparaissent généralement pas de façon
claire dans les systèmes de contrôle de gestion utilisés par les entreprises : ainsi, la répartition
des coûts indirects selon les activités administratives de la fonction achat, voire même selon
les produits achetés, est souvent sujette à caution (Roztocki et Weistroffer, 2004) ; la charge
de travail nécessaire au calcul du TCO fait d’ailleurs dire à Ellram et Maltz (Ellram et Maltz,
1995) qu’il s’agit d’une analyse à réserver aux décisions importantes, dans lesquelles nous
pouvons inclure les décisions de délocaliser les approvisionnements.
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Critères non financiers & risques
Comme évoqué précédemment, une délocalisation de la production repose sur des
opportunités mais également sur la prise en compte des risques pour éviter l’échec du projet
(Lewin and Peeters, 2006). Or, il est toujours difficile d’évaluer des risques, comme le
soulignent plusieurs études concluant que les managers ne prennent pas suffisamment en
compte ces risques dans les choix entre pays (Van Eenemaam and Brouthers, 1996; Kinkel,
2004). Par ailleurs, les recherches portant sur les comportements d’imitation des sociétés
mettent en avant des comportements d’imitation liés à deux raisons principales : d’une part les
« pionniers » sont considérés comme détenteurs d’un niveau d’information supérieur, et,
d’autre part, les entreprises cherchent à maintenir un certain équilibre concurrentiel en imitant
les autres (Lieberman & Asaba, 2006). Ainsi, la localisation semble influencée davantage par
l’environnement institutionnel et culturel que par une évaluation objective des risques : par
conséquent, certaines entreprises ne réalisent pas tous les bénéfices prévus des délocalisations
(Song and al, 2007), même s’il semble que les entreprises ayant une longue expérience des
délocalisations soient plus à même d’apprécier les risques.
Méthodologie
Notre recherche interroge les stratégies, parfois complexes, des entreprises. La volonté de les
comprendre en profondeur, nous a conduit à privilégier une approche qualitative pour
répondre à nos interrogations. Afin de comprendre les déterminants des décisions
d’internationalisation, la part des critères financiers et non-financiers dans le processus
décisionnel des délocalisations, ainsi qu’une éventuelle sous-estimation des risques associés à
ces stratégies (et en particulier des risques liés à la supply chain), nous avons effectué 16
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entretiens auprès de dirigeants d’entreprises européennes de tailles différentes, ayant
délocalisé tout ou partie de leurs opérations.
L’objet de nos interrogations étant d’analyser les critères ayant conduit à une décision
spécifique de délocalisation, nous avons à chaque fois interrogé nos interlocuteurs sur une
expérience particulière, même si de nombreuses sociétés de notre échantillon sont des
entreprises multinationales avec de multiples expériences d’internationalisation : en effet, les
firmes multinationales connaissent souvent une fragmentation importante de leurs activités,
localisées dans différentes régions » (Colovic et Mayrhofer, 2008).
Les données recueillies proviennent d’entretiens semi-directifs d’une durée comprise entre
une et deux heures, le plus souvent dans l’entreprise mère, avec les cadres de l’entreprise
directement en charge des stratégies de délocalisation. Les questions portaient sur les critères
financiers et non financiers des processus de décision, sur le poids relatif de ces différents
critères dans le choix des pays, sur la prise en compte des risques liés à l’opération de
délocalisation analysée, ainsi que sur les retours d’expérience de cette opération. Aux
informations recueillies dans ces entretiens, se sont ajoutées les informations secondaires,
disponibles dans les rapports d’activités des entreprises, ainsi que dans les médias. Les
annexes 1 et 2 détaillent les données recueillies auprès des entreprises de notre échantillon,
dont les noms, à l’exception de Viadeo, ont été masqués pour des raisons de confidentialité.
Notre échantillon a été constitué de façon à rassembler tant des entreprises qui ont choisi de
délocaliser tout ou partie de leur production ou de leurs approvisionnements industriels
(Glassex, Matériaux, Equipementier, Métallica, Chimica, Textilhom, Distribricolage,
Touttextile, Cosmetics), que des sociétés qui ont délocalisé des opérations de services
(Service Engineering de Glassex, Viadeo, Software, SSII-1, SSII-2, Formalearning,
Pharmaceutics). Nous avons également pris soin d’inclure au sein de cet échantillon des
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entreprises ayant choisi des niveaux différents d’implication dans les pays émergents : ainsi,
12 entreprises ont réellement investi dans le pays étudié, alors que 4 y réalisent simplement
des achats. Il est cependant à noter qu’il est parfois difficile d’établir une frontière claire entre
« achats » et « investissements », dans la mesure où plusieurs entreprises parmi celles qui
achètent dans un pays émergent ont établi sur place un bureau d’achats pour se rapprocher des
fournisseurs locaux, ce qui implique le recrutement d’acheteurs ainsi que l’installation de
bureaux. Nous avons donc considéré comme « acheteuses » les sociétés dont l’investissement
local est très réduit en proportion de l’ensemble des opérations réalisées dans le pays de
délocalisation.
La plupart des sociétés de notre échantillon sont de grandes entreprises multinationales, à
l’exception de Viadeo, Formalearning, et, dans une moindre mesure, de Cosmetics. Quatorze
entreprises ont leur siège mondial en France, les deux autres sont des sociétés européennes
(Métallica, Formalearning) basées respectivement aux Pays-Bas et en Belgique. A l’exception
de Formalearning, toutes ces entreprises ont commencé depuis plusieurs années ou dizaines
d’années à délocaliser leur production vers des pays à bas coûts de production, et possèdent
pour certaines de nombreuses unités à l’étranger, comme le montre la différence entre les
effectifs français et les effectifs mondiaux.
Nous avons enfin cherché à inclure dans l’échantillon des entreprises ayant délocalisé vers des
pays différents : trois expériences concernent des délocalisations en Chine, et une en Russie.
Les douze autres cas concernent des délocalisations vers l’Inde : cette disproportion
s’explique essentiellement par la part des délocalisations de services, en particulier dans le
secteur informatique, au sein de notre échantillon, et par le rôle majeur des acteurs indiens
dans ce secteur.
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Les déterminants des décisions de délocalisation
A première lecture, il apparaît qu’ un peu moins de la moitié des répondants mettent en avant
la recherche de coûts réduits, la raison la plus fréquemment citée étant la recherche de relais
de croissance (cf. tableau n°1) : neuf de nos interlocuteurs ont choisi de se tourner vers des
pays offrant un potentiel de marché important, soit spontanément, soit à la demande de clients
déjà implantés dans le pays concerné, et qui souhaitaient un approvisionnement ou un service
local.
Une analyse plus fine de nos résultats montre cependant que ces réponses sont à nuancer en
fonction du degré d’investissement de l’entreprise dans le pays : ainsi, les quatre entreprises
qui ne réalisent que des achats (en Inde) ont choisi de s’approvisionner à l’étranger pour des
raisons de coût avant tout, même si le choix du pays parmi l’ensemble des pays émergents
tient également à d’autres facteurs, comme le savoir-faire indien dans les domaines textile
(Touttextile) ou informatique (Pharmaceutics), ou encore comme la sécurisation des
approvisionnements : l’entreprise Cosmetics, qui achète en Inde des pots en verre nécessaires
au conditionnement des produits de beauté en France, s’est tournée vers ce marché en raison
de la saturation des entreprises verrières européennes.
Inversement, parmi les 12 entreprises qui ont choisi d’investir dans un pays émergent, 10
affirment l’avoir fait pour accéder à de nouveaux marchés : la décision a été prise, soit
uniquement par décision stratégique des dirigeants, soit également suite à la demande de
clients importants déjà établis dans les pays émergents, qui souhaitaient être approvisionnés
localement avec des produits de meilleure qualité que les produits présents sur les marchés
locaux (Métallica, Equipementier, Chimica), l’importation de ces mêmes produits depuis
l’Europe étant rendue difficile par leur caractère pondéreux ou fragile. Dans le cas de
Software, qui produit des produits de « middle-ware » adaptés à des applications spécifiques,
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les clients clés demandaient à ce que les équipes de développement soit localisées près des
sites d’utilisation des logiciels.
Au-delà de la recherche de marchés porteurs, certaines entreprises mettent aussi en avant la
recherche de l’avantage au pionnier sur les nouveaux marchés : ainsi Chimica vient d’ouvrir
une nouvelle usine en Chine pour renforcer sa position de leader sur ce marché ; Glassex a
choisi d’implanter ses premières lignes asiatiques de production en Inde plutôt qu’en Chine,
en raison de la moindre saturation du marché, qui lui assure une meilleure part de marché.
Au total, parmi ces 12 « investisseurs », seules les deux SSII mettent en avant la nécessaire
réduction des coûts dans un secteur où l’Inde est devenue le premier prestataire mondial. Les
préoccupations de marché sont cependant présentes pour SSII-2, même s’il s’agit davantage
d’une volonté défensive qu’offensive : « nous nous sommes implantés en Inde pour réduire
nos coûts de production, et, ce faisant, rester compétitifs sur les marchés occidentaux à
l’heure où les entreprises indiennes viennent prospecter les sociétés occidentales en leur
proposant de faibles coûts de réalisation et la garantie d’une bonne qualité de service, des
représentants indiens étant basés en France pour assurer la relation entre le client et l’équipe
indienne de développement ». Le dernier cas, celui du service Engineering de Glassex, est
quant à lui particulier : Glassex a certes choisi pour des raisons d’économies de développer
son bureau d’engineering en créant une nouvelle entité en Inde, au lieu de développer la
structure existante en France. Cela étant, ce choix était en droite ligne avec la stratégie
d’horizontalisation internationale du groupe, qui avait conduit à l’ouverture de lignes de
production dans ce même pays une dizaine d’années auparavant pour conquérir le marché
local. La branche indienne du bureau d’engineering a d’ailleurs été localisée au cœur du site
de production.
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Au final, il semble donc que les entreprises désireuses de réduire leurs coûts au travers de
délocalisations se contentent d’acheter des produits ou des services dans les pays émergents,
alors que celles qui se montrent prêtes à investir fortement sont avant tout à la recherche de
nouveaux marchés à forte croissance.
L’utilisation des critères financiers
Nos résultats montrent globalement qu’aucune stratégie de délocalisation ne peut être
construite sans un calcul de rentabilité préalable, mais font cependant ressortir plusieurs
spécificités (cf. tableau n°2), quant :
• à la nature de la stratégie de délocalisation,
• à la méthodologie de calcul retenue,
• au secteur d’activité de l’entreprise,
• au degré de fiabilité accordée par l’entreprise aux prévisions chiffrées, utilisées dans
les calculs.
Dans notre étude, quatre entreprises achètent directement une partie de leurs marchandises ou
de leurs services auprès d’entreprises de pays émergents. Elles font toutes référence à un
calcul de TCO, réalisé avant d’entériner la décision de délocaliser les approvisionnements :
ainsi, au-delà des coûts d’achat, les responsables ont pris en compte les surcoûts de transport
et de stocks supplémentaires destinés à compenser la moindre réactivité de la supply chain
(Distribricolage, Toutextil). Le responsable de Pharmaceutics, en revanche, souligne les
limites de ce calcul, qui n’intègre pas les coûts de dysfonctionnement de la maintenance
informatique pour les utilisateurs industriels, coûts par nature difficiles à estimer, non plus
que le temps passé par les services informatiques du siège à communiquer avec l’équipe
informatique du fournisseur indien de prestations.
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Les douze autres entreprises de l’échantillon sont des investisseurs. Six appartiennent au
monde de l’industrie ; qu’il s’agisse, ou non, de gros investissements, ces six entreprises font
explicitement appel à la VAN. Des entretiens, il ressort que les méthodologies sont bien
rôdées, et utilisées par la direction du plan, la direction financière et la direction générale.
Beaucoup d’entreprises utilisent des prévisions de cash flows sur dix ans, avec assurance ; La
société Matériaux prend même en compte des prévisions de cash flows sur vingt ans.
Les calculs de Van font l’objet de méthodologies sophistiquées. Mais on note de sensibles
différences entre entreprises, différences qui recoupent les approches critiques développées
dans notre revue de littérature. Si beaucoup de sociétés choisissent d’ajuster les taux
d’actualisation dans le calcul de la VAN, à partir d’une prime de risque liée à la spécificité
d’un pays émergent, l’entreprise Matériaux utilise un taux d’actualisation unique – certes
plus élevé - pour l’ensemble du monde.
L’entreprise Chimica, travaille également à partir de cash flows estimés sur dix ans, mais le
« pay-back » ou délai de récupération et le TRI sont considérés comme des critères
financiers essentiels, bien avant le calcul de la VAN, qui est ici jugée comme trop dépendante
de la valeur résiduelle, alors que cette valeur est trop incertaine sur les marchés émergents. On
retrouve ici les critiques de Pablo Fernandez et Andrada Bilan (2007), quant aux méthodes
d’évaluation des projets. De plus, la WACC (coût moyen pondéré du capital) est révisée
trimestriellement, au lieu d’une référence habituellement annuelle.
Enfin, les responsables de Chemica insistent sur les deux étapes fondamentales du processus
de décision :
• 1ere étape : approche économique qualitative à partir de critères hiérarchisés
(insécurité politique, risque lié au juridique, risques opérationnels : étude de sensibilité
à partir d’un cas de base). Cette étape est jugée décisive.
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• 2ème étape : validation financière (VAN) de l’étape 1.
Notons que ces deux étapes, avec des variantes, se vérifient pour les six investisseurs
industriels de l’échantillon, ce qui signifie que les calculs financiers sont globalement utilisés
pour vérifier la pertinence économique d’une décision de délocalisation prise essentiellement
sur d’autres critères -telle la volonté stratégique de pénétrer un nouveau marché dans les six
cas que nous venons d’évoquer-, et après vérification de l’acceptabilité du niveau de risque.
Le secteur d’activité de l’entreprise joue également un rôle dans l’évaluation financière
utilisée. Ainsi, pour les sociétés de services de notre échantillon (SSII1, SSII2, Software,
Viadeo, Formalearning et Glassex Engineering), l’utilisation de la VAN semble peu
opérationnelle. Seule l’entreprise Viadeo y a fait réellement appel pour vérifier la pertinence
du rachat du leader indien du secteur. Le dirigeant de Software indique clairement que « la
VAN n’a pas été pour nous le critère déterminant de notre entrée sur le marché indien ; nous
avons en fait essentiellement cherché à répondre à la demande de nos clients occidentaux
déjà délocalisés ». Formalearning, qui souhaitait accélérer son développement en Chine, a
étudié la possibilité d’une joint-venture avec son partenaire chinois. Dans ses calculs de VAN,
Formalearning s’est heurtée à la difficulté d’estimer son chiffre d’affaires
potentiel (incertitude totale sur le nombre d’universités ou d’entreprises potentiellement
clientes), rendant cette approche totalement inutilisable : suivant le scénario retenu, les
prévisions passent en effet d’un résultat extrêmement optimiste à celui d’une faillite en dix-
huit mois ! Enfin, les deux SSII ainsi que le bureau d’engineering de Glassex ont privilégié
une approche plus succincte par les coûts salariaux, en comparant les salaires et la
productivité attendue des ingénieurs français d’une part, et indiens d’autre part : dans les deux
premiers cas, des structures locales existaient déjà en Inde, travaillant pour les clients anglo-
saxons de ces deux groupes. Les premiers projets français incluant une délocalisation partielle
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du développement n’ont donc nécessité que le recrutement local d’ingénieurs informatiques
indiens ; de la même façon, Glassex engineering, qui a choisi de renforcer son bureau
d’études par le recrutement d’ingénieurs indiens, les a localisés dans des bureaux au sein de
son unité indienne, et n’a pris en compte que le différentiel entre les coûts salariaux.
En conclusion, le calcul de rentabilité préalable (VAN ou TCO) constitue une étape
incontournable du processus de décision, dans une stratégie de délocalisation. Concernant les
investissements, les calculs financiers semblent plus poussés dans les entreprises industrielles,
où les investissements en capital sont importants, que dans le secteur des services. Cependant,
dans tous les cas, ces calculs n’interviennent qu’après une analyse qualitative du marché, en
confortation d’une décision stratégique de délocalisation vers un pays donné.
La prise en compte des risques liés aux décisions de délocalisation
Le tableau n°3 montre que, dans la très grande majorité des cas, les responsables ont anticipé
une partie des risques liés à la délocalisation : s’agissant des entreprises industrielles, les
risques anticipés concernent essentiellement les performances des usines, tant en termes de
productivité que de qualité. Les entreprises de service ont quant à elle anticipé des difficultés
de communication dans un contexte multiculturel, même si les préoccupations de productivité
ne sont pas totalement absentes.
Les mesures prises pour anticiper les risques identifiés semblent varier, de par leur
importance, avec le montant des capitaux engagés dans l’opération : ainsi, les entreprises
industrielles de notre échantillon qui ont investi à l’étranger n’ont pas hésité à envoyer sur
place des managers occidentaux expatriés, pour des périodes parfois relativement longues (un
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an chez Métallica, plusieurs années chez Matériaux ou Equipementier) ; les entreprises de
services se sont contentées de missions plus courtes (de quelques jours à quelques semaines),
et ont également mis en place des formations en France pour les managers ou informaticiens
étrangers.
Notre tableau, qui distingue les « mesures anticipées » des « mesures correctives » (entre
parenthèses) souligne néanmoins que tous les problèmes n’avaient pas été anticipés, en
particulier dans les entreprises où l’investissement local a été faible ; certains problèmes
restent par ailleurs sans solution à ce jour, comme le fort turn-over observé dans les
entreprises informatiques indiennes, qui rend difficile le travail à long terme avec les mêmes
interlocuteurs, les informaticiens indiens étant extrêmement sollicités sur un marché du travail
très tendu.
En revanche, la quasi-totalité des responsables interrogés ont mis en avant le fait que les
difficultés sont apparues essentiellement pendant la phase de lancement du projet, en accord
avec Weber et al (Weber et al., 2010) : c’est bien dans cette première période que sont
apparus les problèmes de non-qualité (Matériaux, Equipementier, Métallica, SSII1, SSII2,
Cosmetics) et les problèmes de communication interculturelle (pour l’ensemble de nos
répondants). En effet, les entreprises de notre échantillon semblent pour la plupart avoir
surmonté ces difficultés initiales : à l’exception des filiales de Matériaux, Equipementiers et
Chimica, les autres unités délocalisées étudiées ne comptent plus un seul manager occidental.
L’entreprise Formalearning, qui a actuellement suspendu son projet d’internationalisation vers
la Chine, en raison du risque que fait peser sur ses dirigeants l’éventualité de problèmes
juridiques ou pénaux (pour lesquels ils seraient engagés sur leurs biens propres), a elle aussi
mesuré les risques encourus avant de se lancer dans cette opération.
20
En conclusion, si nos interlocuteurs sont unanimes pour souligner les difficultés d’une
opération de délocalisation, qui comporte toujours une part d’imprévus, ils ne remettent en
aucun cas en cause la pertinence des délocalisations étudiées : certains reconnaissent certes
que les marges réalisées au démarrage n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes, mais
tous considèrent les opérations analysées comme des succès très largement bénéficiaires.
L’impact des délocalisations sur les performances de la supply chain
Afin d’analyser l’impact des décisions de délocalisation sur la performance de la supply
chain, nous avons exclu de l’échantillon les entreprises qui ont délocalisé des opérations de
service, et réduit nos observations aux 9 entreprises qui ont délocalisé des opérations de
production industrielle (cf. tableau n°4). Sachant que l’impact de la délocalisation sur la
supply chain globale n’est pas le même selon que les entreprises réimportent en Europe ou
vendent localement les produits fabriqués dans les pays émergents, nous analyserons
séparément les résultats pour les entreprises « investisseuses » et les entreprises acheteuses ».
- L’impact des délocalisations sur les coûts de la supply chain
En termes de coûts, l’ensemble des entreprises qui ont délocalisé tout ou partie de leur
production industrielle constatent une baisse des coûts : pour Toutextile, Distribricolage et
Cosmetics, qui importent des produits depuis l’Inde, la baisse des coûts est liée à la baisse des
coûts d’achat, et la délocalisation est considérée comme intéressante malgré l’augmentation
des coûts logistiques ; les coûts de transport ont naturellement augmenté dans les trois cas, et
Distribricolage a dû mettre en place un stock avancé en France, représentant pour certains
articles l’équivalent de six mois de consommation, afin d’éviter les ruptures en magasin. Cela
étant, il s’agit d’articles peu chers et peu volumineux, dont le coût de stockage n’est par
21
conséquent pas excessif. Les directeurs des Achats de ces entreprises, dont nous avons vu
qu’ils s’étaient appuyés sur des calculs de TCO, confirment donc qu’il est moindre que celui
de produits similaires qui seraient fabriqués en Europe.
Les autres entreprises qui, contrairement aux trois précédentes, sont engagées dans des
stratégies d’horizontalisation et commercialisent localement leurs produits, enregistrent quant
à elles le double bénéfice de faibles coûts de production d’une part, et de coûts logistiques
réduits d’autre part, les sites de production étant situés à proximité des lieux de
consommation. De plus, dans un certain nombre de cas (Glassex, Matériaux, Equipementier,
Métallica, Chimica), la distribution dans les pays émergents de produits lourds et difficiles à
transporter n’aurait pu se faire sans implantation locale de la production.
Par conséquent, l’ensemble des entreprises de notre échantillons confirment que la
délocalisation de leurs opérations de production leur a bien permis d’obtenir une réduction
globale de leurs coûts.
- L’impact des délocalisations sur la réactivité de la supply chain
Comme évoqué précédemment, l’ouverture d’unités de production a conduit à la mise en
place d’une supply chain simplifiée pour les entreprises engagées dans une stratégie
d’horizontalisation: comme évoqué précédemment, les produits fabriqués par Glassex,
Matériaux, Equipementier et Chimica sont particulièrement pondéreux et coûteux à
transporter, et ne peuvent être que produits sur place ; les boîtes métalliques réalisées par
Métallica se révèlent fragiles lors des transports, et ne peuvent supporter des distances
supérieures à 200 ou 300 kilomètres, ce qui a conduit l’entreprise à ouvrir deux usines en
Russie : la première est implantée près de Moscou, à proximité des clients qui conditionnent
des produits secs, la seconde au sud du pays, dans les régions agricoles où sont conditionnés
les légumes en conserve. Enfin, Textilhom fournit ses magasins implantés en Inde à partir de
22
l’usine de son partenaire indien, ce qui lui permet de bénéficier de livraisons relativement
rapides. En revanche, le directeur de projet se plaint de la faible réactivité de l’usine : « nous
ne représentons qu’une faible part de la production de l’usine qui nous fournit, et nos
commandes passent souvent après celles de clients plus importants, ce qui entraîne dans
certains cas des ruptures ».
Parmi les entreprises «acheteuses », le choix de s’approvisionner dans un pays lointain a
réduit, de façon prévisible, la réactivité de la supply chain : selon le directeur des Achats de
Touttextile, « le parc industriel des usines textiles indiennes est assez vétuste, ce qui entraîne
des pannes, et par conséquents, des retards. Par ailleurs, les Indiens ne fabriquent que des
vêtements d’été, ce qui implique un pic saisonnier très important, et là encore, des retards de
livraison ».En accord avec ce dernier quant à la longueur du cycle d’approvisionnement pour
les produits sourcés en Inde (il s’écoule entre 120 et 150 jours entre la passation de la
commande et la réception de la marchandise en France), le Directeur des Achats de
Distribricolage souligne l’incertitude liée à la date de réception, « tant en raison de la
difficulté des usines à tenir un planning que de l’incertitude sur les temps de transport, le
transfert de marchandises d’un état indien à un autre étant soumis à des formalités
douanières qui peuvent être longues ».
Seule l’entreprise Cosmetics semble avoir amélioré sa réactivité en délocalisant en Inde la
production des pots de verre utilisés pour le conditionnement en France de ses produits de
beauté : « depuis la crise de 2008, les industriels verriers occidentaux n’ont pas investi dans
de nouveaux fours; le marché indien du verre étant moins saturé que les marchés
occidentaux, nous avons gagné davantage sur les délais d’engagement des commandes en
fabrication que nous n’avons perdu sur l’allongement des délais de livraison ».
23
En conclusion, il semble que l’ensemble des entreprises industrielles de notre échantillon
aient amélioré les performances de leur supply chain, au sens proposé par Fisher
(Fisher, 1997), qui considère que la supply chain ne regroupe pas simplement des fonctions de
nature physique, mais également une fonction de médiation envers le marché : en effet, les
entreprises engagées dans des stratégies d’horizontalisation ont pu, au travers de leurs
nouvelles implantations à l’étranger, toucher des marchés qu’elles n’auraient pu conquérir
depuis des implantations occidentales, et se rapprocher de la demande locale, avec des coûts
réduits et une réactivité améliorée ; Distribricolage et Cosmetics, entreprises « acheteuses »
engagées dans des stratégies de verticalisation, ont amélioré leur supply chain en la rendant
plus efficiente, c’est-à-dire en réduisant les coûts globaux pour des produits qu’il nous est
possible de caractériser comme fonctionnels. Enfin, Touttextile, qui distribue des produits de
mode, dont certains sont plutôt fonctionnels (jeans, par exemple), et d’autres plus innovants
au sens de Fisher, a certes dégradé la réactivité de sa supply chain, mais a pu se tourner vers
des fournisseurs indiens susceptibles de concevoir et produire des vêtements avec un know-
how difficile à trouver désormais dans les pays occidentaux.
Conclusion
A l’issue de notre recherche, où nous avons analysé des décisions spécifiques, nous avons
donc montré que ce sont essentiellement des motifs stratégiques, tels que la recherche de
nouveaux marchés ou de coûts réduits, qui ont guidé les entreprises de notre échantillon dans
le choix du pays lors de leur décision de délocalisation ; les calculs financiers (VAN ou TCO)
ont certes été utilisés, mais toujours dans une phase ultérieure, pour valider la rentabilité de
ces opérations. Nous avons également montré que, même si la totalité des risques liés aux
opérations de délocalisation ne peuvent naturellement être pris en compte, les entreprises
24
cherchent à s’en prémunir ; en particulier, les risques évoqués dans la littérature, soulignant la
possibilité d’une dégradation de la supply chain en lien avec les opérations de délocalisation,
ne se sont pas matérialisés au sein des entreprises interrogées, qui ont au contraire amélioré
leurs performances en termes de supply chain.
Ces résultats, basés sur un échantillon de seize entreprises, ne peuvent être généralisés à
l’ensemble des entreprises, ce qui constitue une première limite de notre recherche. Par
ailleurs, la très forte représentation d’entreprises multinationales au sein de notre panel induit
potentiellement un biais quant à la réalité de la prise en compte des risques liés aux
délocalisations, les grandes entreprises disposant de méthodes d’estimation des risques mieux
rôdées que les petites sociétés, ce qui représente une deuxième limite. Enfin, la très forte
proportion, au sein de notre panel, d’entreprises engagées dans des stratégies
d’horizontalisation, pour lesquelles les délocalisations représentent une simplification de la
supply chain, nous conduit peut-être à sous-estimer la dégradation de la supply chain pour les
entreprises acheteuses, en particulier celles qui achètent dans les pays émergents des produits
innovants au sens donné par Fisher, ce qui constitue une troisième limite à notre étude.
Nos prochaines recherches viseront donc à tenter de généraliser ces résultats, par le biais
d’une étude quantitative auprès d’un panel constitué d’un nombre représentatif d’entreprises
de toutes tailles, engagées aussi bien dans des stratégies de verticalisation que dans des
stratégies d’horizontalisation.
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27
Entreprises Recherche de nouveaux marchés
Recherche de coûts réduits
Motivations secondaires (le cas échéant)
Acheteurs
Distribricolage Toutextile Cosmetics
Pharmaceutics
Distribricolage Toutextile Cosmetics
Pharmaceutics
-Savoir-faire indien dans le domaine textile (Toutextile) ou informatique (Pharmaceutics) - Sécurisation des approvisionnements par appel à un marché non saturé (Cosmetics)
Investisseurs
Glassex Glassex Engineering
Matériaux Equipementier
Métallica Chimica
Textilhom Viadeo
Software SSII-1 SSII-2
Formalearning
Glassex Matériaux
Equipementier Métallica Chimica
Textilhom Viadeo
Software Formalearning
(dont les 5 entreprises industrielles ayant délocalisé des productions pondéreuses et difficiles à transporter)
SSII-1 SSII-2
Glassex Engineering
(délocalisation de services informatiques ou R&D)
-Savoir-faire indien dans le domaine informatique pour les entreprises qui recherchent des coûts réduits (SSII-1, SSII-2)
Tableau n°1 : Synthèse des motivations des délocalisations
28
Tableau n°2 : Synthèse des outils financiers utilisés
Activités Type de calcul de rentabilité
Acheteurs Industrie & Service
Toute décision de délocalisation de la production fait l’objet d’un calcul de type TCO (Total Cost of Ownership) La seule entreprise (Pharmaceutics) qui achète une prestation de service n’a pu intégrer au calcul le coût de non-qualité lié à la dégradation de la qualité de service pour les utilisateurs de maintenance informatique
Investisseurs Industrie (6 entreprises)
*Le calcul de la valeur actualisée nette du projet (VAN) est un pré-requis fondamental à toute décision d’investissement. Bien que constituant un critère très important, une VAN positive ne constitue pas un critère obligatoire pour la mise en œuvre du projet. *Des différences importantes apparaissent dans la méthodologie de calcul :
- périodes de temps variables retenues dans la prise en compte du calcul des cash flows, - unicité, ou non, du taux d’actualisation.
*Choix du mode d’entrée : opposition entre « Greenfield Investment » & rachat d’entreprise locale.
Service (6 entreprises)
*Le calcul de la VAN présente ici peu d’intérêt (l’investissement initial étant très faible par rapport aux projets industriels) ; on raisonne essentiellement en comparant les coûts salariaux horaires entre le pays d’origine et le pays émergent. * Une petite entreprise (Formalearning) explique être dans l‘incapacité de prévoir ses cashflows. *Seule une entreprise (Viadeo) utilise ici le calcul de la valeur actualisée nette du projet (VAN)
29
Tableau n°3 : Risques et mesures anticipés
Entreprise Secteur Risques anticipés Mesures préventives (correctrices) Opportunités / risques non anticipés
Glassex Mat. pour l’automobile et le bât
Infrastructure routière insuffisante en Inde
Envoi d’expatriés en Inde
Glassex / Engineer.
Bureau d’études de l’entreprise ci-dessus
Problèmes de communication inter-culturelle Réticences de l’équipe française
Nomination d’un responsable local issu de l’usine française en Inde (Responsabilisation des managers locaux)
Turn-over indien
Matériaux Matériaux pour le bâtiment
Faible productivité, problèmes de non-qualité Infrastructure routière insuffisante
Envoi d’expatriés en Inde pour plusieurs années
Equipementier Equipementier automobile
Faible productivité, problèmes de non-qualité
Envoi d’expatriés en Chine pour plusieurs années
Métallica Boîtes métalliques Faible productivité, problèmes de non-qualité
Envoi de trois expatriés en Russie -1 an en double sur les postes stratégiques
Chimica Produits chimiques Faible productivité Envoi d’expatriés en Chine Textilhom Textile (recherche d’autres fournisseurs locaux
que celui du partenaire) Retards de production et de livraison
Viadeo Service informatique Pbs de communication interculturelle (Envoi temporaire d’un expatrié en Inde) Software Software Pbs de communication interculturelle Turn-over indien SSII-1 SSII Pbs de communication interculturelle (Envoi temporaire d’un expatrié en Inde) Productivité surestimée
Turn-over indien SSII-2 SSII Pbs de communication interculturelle
Sécurité des données Données conservées sur le territoire européen, ordinateurs bridés
Formalearning Logiciels de formation
Responsabilité civile et criminelle (Suspension provisoire du projet)
Distribricolage Distribution spécialisée
Pbs de communication interculturelle Contrat avec un agent exclusif en Inde
Touttextile Textile (Bureau d’achats local) Cosmetics Cosmétique Problèmes de non-qualité (Définition d’un plan de progrès,
création d’une « université du verre ») Amélioration de la réactivité
Pharmaceutics Produits pharmaceutiques
Pbs de communication interculturelle Nécessité d’un représentant du fournisseur en France
Formation de l’équipe indienne en France Contrats de droit français
Coûts cachés : web calls, déplacements, baisse de la demande de support
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Tableau n°4 : conséquences des délocalisations industrielles sur les performances de la supply chain
Entreprise Secteur Type d’internationalisation
Effets positifs sur la supply chain Effets négatifs sur la supply chain
Glassex Mat. pour l’automobile et le bâtiment
Horizontalisation
Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire
Matériaux Matériaux pour le bâtiment
Horizontalisation Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire
Equipementier Equipementier automobile
Horizontalisation Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire
Métallica Boîtes métalliques
Horizontalisation Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire
Chimica Produits chimiques
Horizontalisation Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire
Textilhom Textile Horizontalisation Réduction des coûts, Implantation locale nécessaire
Ruptures
Distribricolage Distribution spécialisée
Verticalisation Réduction des coûts Réduction de la réactivité Augmentation des stocks
Touttextile Textile Verticalisation Réduction des coûts Meilleur know-how des fournisseurs
Réduction de la réactivité Ruptures
Cosmetics Cosmétique Verticalisation Réduction des coûts Amélioration de la réactivité (en production)
31
Annexe 1 : composition de l’échantillon et motivations des délocalisations
Entreprise Secteur Effectif France
Effectif mondial
Stratégie internat.
Mode d’entrée Pays Motivation1 Motivation2 (éventuellement)
Glassex Mat. pour l’automobile et le bâtiment
7.000 30.000 Invest. Implantation d’usines Inde Marché
Glassex / Service engineering
Bureau d’études de l’entreprise ci-dessus
12 20 Invest. Implantation d’une partie du BE
Inde Coûts (en liaison avec la stratégie internationale)
Matériaux Matériaux pour le bâtiment 8.000 80.000 Invest. Implantation d’usines Inde Marché Equipementier Equipementier automobile 30.000 120.000 Invest. Implantation d’usines Chine Marché Demande clients Métallica Boîtes métalliques 600 7.000 Invest. Implantation d’usines Russie Marché Demande clients Chimica Produits chimiques 3.000 15.000 Invest. Implantation d’usines Chine Marché Demande clients Textilhom Textile 1500 3.000 Invest. Implantation magasins et
achats locaux Inde Marché
Viadeo Service informatique 100 200 Invest. Ouverture de site web Inde Marché Software Développement de software 8.000 13.000 Invest. Création filiale Inde Demande
clients Coûts
SSII-1 SSII 15.000 50.000 Invest. Création filiale Inde Coûts Savoir-faire
SSII-2 SSII 20.000 100.000 Invest. Création filiale Inde Coûts Préservation de la compétitivité sur les marchés occidentaux
Formalearning Logiciels de formation 7 10 Invest. Joint-venture Chine Marché Distribricolage Distribution spécialisée 8.000 8.000 Achats Achat de produits finis Inde Coûts Touttextile Textile 3.000 4.000 Achats Achat de produits finis Inde Coûts Savoir-faire Cosmetics Cosmétique 6.000 15.000 Achats Achat d’articles de
conditionnement Inde Coûts Accès aux
matières 1ères Pharmaceutics Produits pharmaceutiques 2.500 6.000 Achats Achat de maintenance et
de développement SI Inde Coûts Savoir-faire
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Annexe 2 : Outils financiers utilisés
Entreprise Straté-gie
Approche financière
Limites des outils financiers
Glassex Invest. VAN • Véritables études économiques réalisées par la Direction du Plan ; • Outils financiers rodés
Glassex /Engin.
Invest. Coûts salariaux • Calculs succincts fondés sur une comparaison salariale entre ingénieurs français et indiens
Matériaux Invest. VAN • Etude qualitative préalable validée par les outils financiers • Cash flows anticipés sur 20 ans • WACC unique
Equipementier Invest. VAN • Outils de prévision rodés, Cash flows anticipés sur 10 ans • WACC spécifiques (prime de risque)
Métallica Invest. VAN • Etude qualitative préalable validée par les outils financiers conduisant au choix du lieu d’implantations et au choix de mode d’entrée
• L’entreprise a ainsi préféré le rachat d’une entreprise à un «grenfield » ; elle a également privilégié un joint venture au sud de la Russie en fonction de ces calculs de rentabilité
Chimica Invest. VAN • Etude qualitative préalable, validée par les outils financiers (il existe une procédure générale pour la sélection des investissements)
• Cash flows actualisés sur 10 ans ; difficulté à estimer la valeur résiduelle, trop incertaine sur les pays émergents • Le critère n° 1 est le pay-back (délai de récupération), puis le TRI et enfin la VAN car ce critère dépend de la
valeur résiduelle, laquelle est trop incertaine sur les marchés émergents ; le WACC est révisé trimestriellement. Textilhom Invest. VAN Viadeo Invest. VAN • Etude qualitative préalable, validée par les outils financiers Software Invest. VAN • Critère non déterminant
• Van utilisée a postériori pour vérifier une certaine orthodoxie financière SSII-1 Invest. Coûts salariaux • Calculs succincts fondés sur une comparaison salariale entre ingénieurs français et étrangers SSII-2 Invest. Coûts salariaux • Calculs succincts fondés sur une comparaison salariale entre ingénieurs français et étrangers Formalearning Invest. VAN
inutilisable • Le chiffrage des dépenses ne pose pas de problème ; en revanche la prévision du C.A. s’avère trop difficile. On
passe d’une VAN positive à une VAN négative, selon les hypothèses (VAN inutilisable) Distribricolage Achats TCO Touttextile Achats TCO Cosmetics Achats TCO Pharmaceutics Achats TCO Impossibilité de chiffrage de la dégradation de la qualité de service aux utilisateurs