Terminale L : Littérature et langages
de l’image
Les Mains libres
Eluard/ Man Ray
Proposition de plan
I. Préalables : - La question de l’illustration
- Du surréalisme et des arts visuels
- Circonstances d’une création
II. Perspectives d’ensemble : - Diversité du dialogue texte/image
- La forme d’un livre
- Les grandes perspectives
III. Etudes détaillées : quelques propositions
Perspectives d’ancrage du
programme limitatif
- Continuité depuis « Littérature et société », « La poésie du XIXème au XXème siècle : du romantisme au surréalisme » , « écriture poétique et quête du sens » ;
- mais aussi avec « L’Histoire des Arts », qui vise les « liens entre les différents arts » pour « comprendre le jeu de leurs correspondances ».
Perspectives du programme limitatif (B.O n° 11 du 14 mars 2013)
• Interroger les relations : « imbrication », « agrégation », « amplification » ?
• « Le recueil Les Mains libres renverse les relations traditionnelles entre texte et image, en mentionnant dès la première page de l’œuvre : dessins de Man Ray illustrés par les poèmes de Paul Eluard »
• « Les poèmes d’Eluard relèvent-ils vraiment et seulement de l’illustration ? »
• « L’étude de l’œuvre, éclairée notamment par cette réflexion sur la contagion créatrice, devra attirer l’attention des élèves sur le contexte artistique et théorique »
• « Elle ne manquera pas de s’ouvrir de manière plus générale à l’esthétique surréaliste, comme à son dialogue des langages artistiques au cœur du domaine d’étude »
Ecrits littéraires complémentaires
- Eluard Paul: La Vie immédiate, poésie/Gallimard (contient la conférence « L’Evidence poétique », le poème « Man Ray » qui ferme le recueil La Rose publique, Les Yeux fertiles et le texte de Facile).
- Id., Donner à voir (1939), rééd. Poésie/Gallimard.
- Id, Les Frères voyants (anthologie des écrits sur l’art), Cercle d’Art, 1952.
- Man Ray, Autoportrait (1964), traduit de l’américain par Anne Guérin, rééd. Actes Sud, Babel, 1998.
- Breton André, Manifeste du surréalisme, Le Surréalisme et la peinture, Second manifeste du surréalisme (+ Nadja, L’Amour fou…).
Références critiques utiles
- Bergez Daniel, Littérature et peinture, Armand Colin, 2004.
- Gateau Jean-Charles, Paul Eluard et la peinture surréaliste, Droz, 1982.
- Id., Paul Eluard ou le frère voyant, R. Laffont, 1988.
- Chénieux-Gendron, Jacqueline, Le Surréalisme, P.U.F, 1984.
- Revue Pleine Marge, « Lire le regard : André Breton et la peinture », n° 13, Actes du colloque du centre G. Pompidou/CNRS, éd. Peters, France, 1991.
- Gauthier Xavière, Surréalisme et sexualité (1971), rééd. Gallimard, collection « Idées », avec une belle préface de J-B. Pontalis.
- Bergez Daniel., Eluard ou le rayonnement de l’être, Champ Vallon, 1982.
- Richard Jean-Pierre, Onze études sur la poésie moderne, Seuil, 1964, rééd. Points/Seuil, chapitre « Eluard ».
- Meschonnic Henri, « Eluard, poète classique », « Un langage-solitude », Pour la poétique III, Gallimard, Le Chemin, 1973.
Ressources numériques institutionnelles
http://www.manray-photo.com/catalog/index.php (Phototheque numerique officielle de Man Ray, artiste, photographe, peintre, cineaste, realisateur, createur, objets, photographies, peintures, rayogramme…).
- http://www.paul-eluard.com (Un site exclusivement dédié à Paul Eluard avec un rappel de sa vie et une bibliographie complète. D’autres liens sont indiqués pour approfondir la connaissance du poète et de son œuvre).
- http://melusine.univ-paris3.fr : Centre de recherches sur le surréalisme (paris III) – nombreuses recherches et des documents, dont l’article de Nicole Boulestreau, « Les avatars de l’emblème dans Les Mains libres ».
- http://www.arcane-17.com/rubrique,la-revolution-surrealiste,1169995.html : la revue intégralement accessible en ligne.
- www.musee-saint-denis.fr : site du musée disposant du fonds Eluard.
- www.centrepompidou.fr: « la révolution surréaliste » (de nombreuses
ressources d’images et de réflexions sur le rapport peinture/littérature dans le surréalisme, avec un dossier pédagogique)
Ressources livresques
• Le surréalisme au service de la
révolution,réédition Jean-Michel Place,
2002.
• Minotaure, réimpression de la revue, A.
Skira, 1981.
I.Circonstances du dialogue
Eluard-Man Ray
A.L’inscription dans l’histoire des relations
entre poésie et arts visuels
B. Le contexte de la création surréaliste
C. L’œuvre à quatre mains :
• Poésie et arts visuels chez Eluard
• Le dessin dans les arts visuels chez Man
Ray
L’inscription dans l’histoire des relations entre
poésie et arts visuels
• Des relations séculaires entre lettre et
image , entre poésie et illustration
• « ekphrasis » ; « Ut pictura poesis » et
ses retournements historiques
• Image et modernité, image et surréalisme
initiale historiée D enluminée à l'or bruni et à la peinture gouachée
Bréviaire de Renaud de Bar (Metz, vers 1302-1305)
Expansion et délimitation du dessin par la
lettre
Les deux coqs Oudry (1755)
Les deux coqs – Grandville (1838)
Les deux coqs Gustave Doré (1867)
Emblème de Délie, M. Scève, édition de 1564.
Libre vivais en l’Avril de mon âge,
De cure exempt sous celle adolescence
Où l’œil, encor non expert de dommage,
Se vit surpris de la douce présence
Qui par sa haute et divine excellence
M’étonna l’Ame et le sens tellement
Que de ses yeux l’archer tout bellement
Ma liberté lui a toute asservie ;
Et dès ce jour continuellement
En sa beauté gît ma mort et ma vie.
C. Dotremont : logogramme
(1960)- bnf
Illustrer Man Ray
« C’est bien dommage que tu n’indiques pas que ces poèmes illustrent des dessins de Man Ray. Tu leur donneras un aspect insolite qu’ils n’ont pas en réalité. Ce n’est pas écrire un poème de circonstance que de partir d’un mot (le titre du dessin). A ce prix-là, les collages de Max Ernst pour Répétitions étaient des illustrations littérales. Non, voyons. Le dessin de Man Ray pour la « Marseillaise » représente une femme nue qui se laisse pendre du pont transbordeur de Marseille. « Le sablier compte-fils », c’est une femme couchée liée par la taille à un grand compte-fils. Etc... Est-ce qu’un poème ne part pas toujours de quelque chose de concret, qu’on le sache ou non ? Etre près d’une chose ne signifie pas la reproduire, etc... Enfin, je te laisse libre. Ton Paul Éluard.»
Lettre d’Eluard à Paulhan du 17 février 1937, lors de la préparation de la prépublication
de 12 poèmes des Mains Libres dans la nrf n° 283 du 1er avril 1937.
(La toile blanche – L’évidence- Les sens – Solitaire – Les Yeux stériles – La mort inutile – Le sablier compte-fils – Paranoïa – La Marseillaise – La couture – Où se fabriquent les crayons - La Femme et son poisson)
Le contexte de la création surréaliste
• Le surréalisme : naissance à quatre mains
• Une aventure collective née de la
littérature et fascinée par les arts visuels
• Un mouvement n’excluant pas les
sensibilités et esthétiques singulières
• Un éloignement progressif d’ Eluard et
Breton, signe d’une situation paradoxale
du surréalisme dans l’avant-guerre
Eluard et le surréalisme en 1936-
1937
• « Eluard est sans doute le plus « visuel »
de tous les écrivains surréalistes »
(D. Bergez, Littérature et peinture, Armand Colin, 2004, p. 185)
• « Voir c’est comprendre, juger, déformer,
oublier ou s’oublier, être ou disparaître » (Eluard, L’Evidence poétique, Guy Levis Mano, 1937)
Poésie et arts visuels chez Eluard
• Répétitions ( ) avec un dessin de Max Ernst
• Les Yeux fertiles (Guy Lévis-Mano, 1936),
dessins de Picasso
• L’Evidence poétique (conférence de 1936,
remaniée et amplifiée, GLM, 1937)
• Donner à voir (1939)
• Elle se fit élever un Palais (Maeght,
1947,gravures de Rezvani)
• Les Frères voyants -anthologie des écrits sur
l’art (Cercle d’Art, 1952)…
Situation paradoxale du surréalisme en 1936-1937
• Reconnaissance internationale de plus en plus marquée:
(«Où le surréalisme s’internationalise », Chapitre XIII de la biographie d’Eluard par J-C Gateau, Paul Eluard ou le Frère voyant, R. Laffont, 1988, p. 212 à 229) :
- Groupe surréaliste en Tchécoslovaquie (1934)
- Exposition internationale du surréalisme (Londres, juin 1936)
- Fantastic Art, Dada, Surrealism, Musée d'Art moderne (New-York, MoMa) du 7 décembre 1936 au 17 janvier 1937 …
Mais des tensions politiques et une inefficacité de plus en plus
marquée sur la scène historique
Faiblesse de la position surréaliste et tragédie du Congrès international des écrivains pour la défense de la culture (juin 1935)
Fragilité de la position minoritaire devant l’accélération de l’Histoire (Front populaire, guerre civile espagnole…)
Désaccords larvés entre Eluard et Breton face à la situation historique ( publication, sur demande d’ Aragon, du poème « Novembre 1936 » d’Eluard dans L’Humanité du 17 décembre ; puis de « Les vainqueurs d’hier périront » dans Commune de mai 1938, qui conduira à la rupture définitive de décembre 1938)
= un froid avec Breton dès 1935 qui conduit à des relations plus fraternelles avec Man Ray, Picasso et Char, qui traversent Les Mains libres.
Man Ray, compagnon de plongée
• Expérience picturale américaine
• Fréquentation rapide des futurs surréalistes dès l’arrivée à Paris de 1921, présence dès le n° 1 de La Révolution surréaliste (1924)
• Circulation dans les arts visuels (dessin, peinture, confection d’objets, photographie, cinéma…) qui ne renonce jamais à la pratique picturale
« Man Ray », poème, La Rose publique (1934)
L’orage d’une robe qui s’abat
Puis un corps simple sans nuages
Ainsi venez me dire tous vos charmes […]
Savoir que la lumière fut fertile
Des hirondelles enfantines prennent la terre pour le ciel
La chambre noire où tous les cailloux du froid sont à vif
Ne dis pas que tu n’as pas peur
Ton regard est à la hauteur de mon épaule
Tu es trop belle pour prêcher la chasteté
Dans la chambre noire où le blé même
Naît de la gourmandise
Reste immobile
Et tu es seule.
Mobilisation d’un imagier, d’un
musée imaginaire La diversité et la relative instabilité du trait de Man Ray font
que Les Mains libres mobilisent une forme de « musée imaginaire » évoquant nombre d’artistes modernes, d’objets surréalistes ou de genres particuliers :
- Yves Tanguy, Dali, Hans Bellmer, Chirico… mais aussi Matisse, Picasso, Arts premiers…
- Photographies, mannequins, installations, esthétique attentive aux esthétiques populaires, aux « mauvais genres »…
- Mais aussi circulation parfois de Man Ray vers d’autres créateurs, dans ce « communisme du génie » que souhaitait être le surréalisme (« Le surréalisme est-il le communisme du génie ? », papillon surréaliste de décembre 1924).
Yves Tanguy, Le soleil dans son écrin (1937, musée Guggenheim,
New York) – p. 28, p. 74
Magritte, Les Amants (1928),
Moma, New York
Magritte, « La durée poignardée », 1938 (Chicago Art institute).
« un symbole propre à remuer la sensibilité humaine »… (André Breton,
Manifeste du surréalisme, 1924, à propos des mannequins)
Mannequins de Man Ray, Yves Tanguy et André Masson pour l’exposition
internationale du surréalisme –Paris, janvier-février 1938)
(www.andrebreton.fr)
Hans Bellmer, Les jeux de la poupée (découverts par Eluard en 1936,
conduisant à un projet repoussé à 1938, publié en 1949 : Jeux vagues
la poupée, éditions de la revue Messages, 1939)
Roland Penrose, Seeing is believing ,1937 (christies.com)
RENÉ MAGRITTE L'Ile au Trésor (1942) Musées Royaux des Bx Arts de
Belgique (// p. 78-79)
"La saveur des larmes"
1948 — Musées Royaux des Bx Arts de Belgique.
René Magritte Dessin pour "Moralité du sommeil" de Paul Eluard, publié par "L'Aiguille
Aimantée", Bruxelles, avril 1941 –Musées Royaux des Beaux-Arts de Belgique
Portrait imaginaire de D.A.F de Sade, Man Ray, 1938.
(source : www.sade-ecrivain.com)
Autportrait de Man Ray– La photographie n’est pas l’art,
1937, éditions GLM)
Une collaboration après Facile (GLM, octobre1935)
II. Perspectives d’ensemble
• Les Mains libres, dès la première lecture,
manifestent une considérable variété :
- de fonctionnement de l’image
- de formes littéraires
- de mise en relation du texte et de l’image
Traits majeurs des dessins
• Essentiellement figuratifs (sauf le poème
« Les mains libres »…)
• Distorsion des échelles
• Rapprochements insolites
• Diversité ou instabilité du trait
• Travail croisant des genres visuels : nus,
paysages, portraits…
Un texte liminaire programmatique (p. 9)
« Le papier, nuit blanche » // « Les poèmes ont
toujours de grandes marges blanches, de
grandes marges de silence où la mémoire
ardente se consume pour recréer un délire sans
passé. Leur principale qualité est non pas, je le
répète, d’invoquer mais d’inspirer »
« Le poète est celui qui inspire bien plus que celui
qui est inspiré »
Eluard, L’Evidence poétique, conférence de 1936
Quelques repérages
• Réflexions esthétiques : « rêveur »,
« merveilles », « merveilles »
• Soulignements thématiques : « cœur »,
« désir », « main tendue », « bouche »…
• Ambitions éthiques : « des ailes, des dents, des
griffes », « tout ce qui nous sépare de ce que
nous aimons », « Ne laissons pas perfectionner,
embellir ce qu’on nous oppose », « Man Ray
dessine pour être aimé ».
Les Mains libres : une interaction déliée couvrant le spectre des possibilités
d’interaction entre texte et image
• Prise en charge descriptive par le poème (« Pouvoir », p. 66 ; « Les tours du silence », p. 38).
• Formulation d’un sens allégorique ou moral à la manière des emblèmes (« Le tournant », p. 61; « Les tours d’Eliane », p. 111).
• Sélection d’un élément – figuré ou verbalisé - aux dépens de la proposition générale du dessin ( « C’est elle », p. 22 ; « Les yeux stériles », p. 58)
• Réaction singulière et expansion de l’imaginaire (« Le mannequin », p. 57; « Paranoïa », p. 88)
• Vis-à-vis énigmatique (« Les mains libres », p. 42)
Mots et dessins
A. Du côté de chez Man Ray :
• Des mots dans la peinture : titres et signatures (ex p. 12,16,23,35,71,82, 105…)
• Jeux de signes : les signatures chiffrées, les dates (ex p. 19,40,98,101 vs 102…)
• Dessins fondés sur des jeux de mots : « Fil et aiguille »; « Brosse à cheveux ».
Mots et dessins
II. Du côté d’Eluard :Quand le poème se donne à
voir :
-« La toile blanche » p 14 (3 vers, pour 3 éléments)
- « Château abandonné » p 18 (2 distiques séparés pour
un dessin fondé sur un étagement)
- « La femme et son poisson » p 53 (distique et binarité en
écho au dessin)
- « Le tournant » p 61 (enjeu du rejet)
- « Des nuages dans les mains » p. 95 ( statut du vers
final au regard de l’image…).
Relations texte-image : 1er bilan
• Du point de vue du signifié, écart et
écartement relevant précisément du travail
du rêve selon Freud :
- Condensation
- Déplacement
• Du point de vue formel, distance reconnue
qui ne tente pas de compenser l’écart
entre texte et image, mais qui peut jouer
souterrainement d’analogies secondes :
- Glissement chez Man Ray du trait vers la
lettre, comme on a vu
- Rythme ou disposition du poème qui ne
manquent pas de refléter, dans le système
propre de l’écrit, certaines données du
dessin
Structure de l’oeuvre
• Frontispice Man Ray et prose liminaire : « Le papier, nuit
blanche… »
• Première partie : 30 textes et 30 dessins
= 31 textes et 31 dessins
• Deuxième partie : 24 textes (dont une prose finale) et 24 dessins
• « Sade » : deux proses brèves et deux dessins
• Portraits : six dessins
= 26 textes et 32 dessins
Détail : 4 gros plans
Répartition des formes poétiques
Première section
Prose : 1 (p. 9)
• Monostiche : 0
• Distiques : 6
• 3-4-5 vers :13
• 6 à 9 vers : 6
• 10 vers et + : 5
Deuxième section
• Monostiche : 1 (p 92)
• Distiques : 2
• 3-4-5 vers : 4
• 6 à 9 vers :9
• 10 vers et + :7
• Proses : 1 (+ 2 « Sade »)
Analyse de J-C GATEAU
« Nous ne pensons pas qu’il y ait lieu de chercher dans la succession des poèmes un agencement plus subtil que l’équilibrage […] hormis peut-être la volonté de clore la première partie sur Liberté et la seconde sur Les Amis ».
Paul Eluard et la peinture surréaliste, Droz, 1982, p. 264
Prépublication/Publication
• La toile blanche : p. 14- 15
• L’évidence : p. 16-17
• Les sens : p. 36-47
• Solitaire : p. 48-49.
• Les Yeux stériles : p. 58-59.
• La mort inutile : p. 64-65.
• Le sablier compte-fils : p. 76-77.
• Paranoïa : p. 88-89.
• La Marseillaise : p. 100-101.
• La couture : p. 116-117.
• Où se fabriquent les crayons : p. 118-119.
• La femme et son poisson : p. 52-53.
Quelques entrées
• Prendre le texte au rebours : la section
« Détail »: distribution, sens et valeur (D.
Bergez).
• Au-delà, l’importance des deux dernières
sections et leur fonctionnement
Pistes complémentaires
• L’entrée en texte :
• « Fil et aiguille » : « Passions sans corps »
; « La toile blanche »
• Dérélictions opposées à « L’évidence »:
apparition du visage, du regard : « Toi tu
gardes ton équilibre/Malgré… »
• Château abandonné : « La langue partit la
première »
Une tension constitutive du I
• « Le désir »; « C’est elle »; « La glace
cassée »; « Le don »; « Objets »
(« J’assemble tous les paysages »); « La
lecture »(« Elle n’en est que plus belle »);
« L’aventure » (« Que fleurisse ton œil »)
• « L’angoisse et l’inquiétude »;
« Narcisse », « Les tours du silence »
« Le pont brisé » (poème publié dans Les Yeux fertiles, octobre 1936 ;
dessin et poème parus dans la revue Transition, n° 26, p. 14-15, 1937
« Le Pont brisé » (Les Yeux fertiles, poésie/Gallimard, p. 225)
A René Char
La vitre aux veines de pensée
Achève dans une rue interrompue
Sa carrière d’eau pure
La tête aux rires de pensée
Eloigne l’air étroit fredonné dans la rue
La rive aux lèvres de pensée
Baise doucement son reflet
La rive aux lèvres de pensée
La ville va et vient de sommeils en réveils
Les heures estropiées dansent la capucine
Un soleil à ramages enveloppe l’œil d’Inde
Où passent les bateaux qui ne vont nulle part
Des fous en odeur de pensée
Les accompagnent
Le front à vif et le fleuve muet.
D’autres cycles dans le II
• Ouverture sur la temporalité : « Le temps qu’il faisait le 14 mars » ; « Le sablier compte-fils »
• Oppositions entre le fleurissement (« Plante aux oiseaux ») et naufrage (« Rêve »)
• Suite désespérée : « L’espion », « L’attente »,
• Conflit du désespoir et du « remède miracle » : « Des nuages dans les mains »…
• Continuité entre « Où se fabriquent les crayons » (« Bonne nuit à la pensée ») et « Les Amis » (« Ceux qui dorment », « le sommeil »..) et retour sur « Le papier, nuit blanche. » de la prose liminaire.
Des récurrences thématiques ou
formelles
• Par les dessins : Corps, architectures (châteaux ou forteresses, ponts…), paysages, objets, regards, mains…
• Par les genres plastiques : portraits, nus, natures mortes, paysages…
• Par les formes : « Fil et aiguille » (p. 12) et « Où se fabriquent les crayons »(p. 119),
• Par les tons / thèmes : L’arbre-rose » (I, p. 44-45) ; « Plante-aux-oiseaux » (p. 77-78) + antithèse p. 34-35 « L’angoisse et l’inquiétude ».
D’autres échos
• Effet d’écho entre « Solitaire » (p 48-49, I) et « L’attente » (p. 92-93, II)
• Effet de cycle entre « L’attente » (p. 93) et « Des nuages dans les mains » (p. 95)
La lutte entre solitude et conjonction, absence et présence des corps, prise et déprise, constitue la tension décisive du texte, telle que présentée dès la prose liminaire (« une main tendue » vs « tout ce qui nous sépare »).
Les mains dans LML
• 38 dessins où figurent des mains (+ la couverture de l’originale,
absente de notre édition)
• 13 textes où elles sont mentionnées (p. 17, 25,
26, 33, 38, 42, 54, 66, 69, 83, 92,95, 119. (en rouge, les mentions verbales ne correspond pas à une image)
• Quelques suites intéressantes : p. 14 à 23, p. 30
à 37, p. 36 à 69 (section I) ;
• P. 74-75, p. 82-83, p. 86-87, p.90 à 97, p. 102 à
105, p. 108-109.
Couverture de l'édition Jeanne Bucher, Paris 1937
(http://phlit.org/press - répertoire de la photolittérature ancienne et contemporaine)
Photographie d’illustration pour
Facile (1935) (cf p. 14)
Activités possibles
• Inventaire des mains :
• À échelles/ Disproportionnées
• Masculines/Féminines
Désoeuvrées/Occupées
• Catalogue des gestes dramatisant les
mains
• Coupées/ En lien avec le corps
Une interrogation décisive
• « qui endeuillent la vue » (p. 13)
• « joignent tes yeux » (p 17)
• « sur le silence et l’obscurité » (p. 18)
• « Elle est le plein soleil sous mes
paupières closes » (p 26)
• « Connais ce qui n’est pas à ton image
[…]/ Que fleurisse ton œil/ Lumière » (p.
33)
• « Encore une chute de clarté/ Et les pierres seront soleil » (p. 38)
• « Comme un bloc de cristal/Je me mêle à la nuit » (p. 49)
• « La bouche et sa couleur la voix et sa couronne » (p. 53)
• « Les yeux stériles » (p. 58-59)
• « Notre image a gardé nos songes » (p. 69)
• « Et qu’ils s’étaient promis de ne rien voir qu’eux-mêmes » (p. 84)
• « L’épaisseur de la vue » (« L’espion », p. 91)
• « L’apparition » (p. 103)
• « La nue fantastique est d’ici/ Où ne s’effacent pas les ombres » (p. 107)
• « […] Sont réunis par les images commodes que le monde extérieur leur a données d’eux-mêmes »
La tension entre idéal et solitude, entre désespoir et bonheur, se rejoue dans le rapport au visible propre à la poétique d’Eluard, mais redoublée et déplacée par le dialogue entre texte et image.
Une interrogation sur le visible
• Deux esthétiques, deux érotiques, deux manières d’appréhender le visible et de l’interroger :
• - voyeurisme et stérilité / quête de réciprocité
• Prise et capture /Rayonnement et ouverture
• Deux langages, mais aussi et surtout deux manières de voir (voyeurisme bloqué, prédateur et inquiet de Man Ray ; gourmandise moins dominante et mettant l’accent sur l’émancipation et l’évasion chez Eluard).
Le jeu des personnes dans LML
• Syntaxe nominale, tours infinitifs :p 13,14, 21, 34, 37, 53, 57, 70, 76, 95, 96, 104, 111, 116 = 14 poèmes
• « Tu », impératifs : p17, 33, 46, 62, 79, 83, 91, 99, 112 = 9 poèmes
• « Elle » : p. 26, 30, 41, 58, 100 = 5 poèmes
• « Je » : « Objets » p. 29, « Solitaire » p. 49, « Burlesque » p. 50, « Le Tournant » p. 61, « La mort inutile » p. 65, « Belle main » p. 69, « Le temps qu’il faisait le 14 mars », p. 75, « Rêve » p. 80, « L ’attente » p. 92, « L’apparition » p. 103, « Femme portative » p. 115, « Où se fabriquent les crayons » p. 119 = 12 poèmes
• Sujet exprimé : « Le vent » p .25, « Cette averse » p. 43, « L’année… » p. 45, « Où sont.. » p. 54, « La nue fantastique… » p. 107 = 5 poèmes
• « Ils/Elles » : p. 38, 84, 120 = 3 poèmes
• « Il » : p. 66 = 1 poème
• « Il » impersonnel, présentatif « C’est » : p18, 22 = 2 poèmes
• « Nous » : p. 87, 88 = 2 poèmes
• « On » : p. 108 = 1 poème
III. Etudes détaillées :
• Pouvoir
• Le désir
• Les tours du silence
• L’aventure
• Le mannequin
• Paranoïa
• Le temps qu’il faisait le 14 mars
• Oui ou non
• Où se fabriquent les crayons
Encart publicitaire pour Les Mains libres, paru dans
Minotaure n°10, hiver 1937.
André Breton, Poisson soluble (1924) et autres poissons…
• « Un bocal de poissons rouges circule dans ma tête et dans ce
bocal il n’y a que des poissons solubles, hélas. LE POISSON
SOLUBLE, j’y ai pensé et c’est un peu moi » (1ère occurrence de l’attelage
verbal dans un texte automatique de 1924, cf M. Bonnet, Pléiade Breton, I, p. 1372).
• « Ta langue/ Le poisson rouge dans le bocal/ De ta voix » (Apollinaire,
« Fusée-signal », Il y a) ; « Entends nager/ Le Mot poisson subtil » (id.,
« Visée », Calligrammes).
• « Poissons poissons c’est moi je vous appelle… » (Aragon, Le Con
d’Irène, 1928)
• « Parmi les symboles sexuels masculins moins compréhensibles, nous
citerons les reptiles et poissons » (Freud, Introduction à la psychanalyse,
traduction de S. Jankelevitch, 1923
Encart publicitaire dans le n° 1 de La Révolution surréaliste, décembre
1924, p. 2.
Man Ray, « Sans titre », 1936
(site officiel Man Ray).
Propositions d’ateliers
En partant du corpus et de l’analyse du dialogue entre texte et image
vers la synthèse, envisager au choix les pistes suivantes :
• Mains et regards dans LML
• Le désir dans LML
• La liberté dans LML
Man Ray, Pisces, 1938 (Tate gallery).
Accident de la gare Montparnasse (22 octobre 1895)
source : http://chemindefergrandville.net