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Page 1: L'UMP en crise l'UDI à l'offensive

LE FIGARO mardi 27 novembre 2012

A

17

Ensemble de l'échantillonÉlecteurs proches du MoDem proches de l'UDI proches de l'UMP proches du FNÉlecteurs de F. Bayrou N. Sarkozy M. Le Pen

5

---2

--1

28

38-

11

111

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5642

74

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2032

212528

Très à gauche À gauche Au centre À droite Très à droite Ni à droiteni à gauche

Comment se placent les électorats du centre et de droite sur l'axe gauche-droite ?

Source : Ifop-Ouest France 18-20 oct. 2012

plexée». Quelques semaines après sacréation et avant les avaries de l’UMP,l’UDI bénéficiait déjà d’une image légè-rement meilleure que celle de l’UMP. Lecombat pour réhabiliter une droite bifi-de n’est pas encore gagné, mais le spec-tacle offert par l’UMP renforce la majo-rité relative de Français et la fortemajorité absolue de sympathisants dedroite accueillant la création de l’UDIavec faveur.

Les principaux électorats concernéssont plutôt séduits par l’idée d’une UDIautonome : 65 % des électeurs de Nico-las Sarkozy ont une bonne opinion del’UDI, 65 % des électeurs de FrançoisBayrou partagent ce même sentiment.

Il y a là, pour ceux qui se sont attelés àla renaissance d’un centre droit dispo-sant de sa propre « maison », des basessolides. Il reste aux maçons de la recons-truction à éviter les combats de chefs etles faiblesses organisationnelles quiavaient coûté si cher à la défunte UDF. !

rou que cette famille est passée sous labarre des 10 % (sauf le succès éphémèrede François Bayrou au premier tour de laprésidentielle de 2007). Son échec à laprésidentielle de 2012 et celui du Mo-Dem aux législatives qui ont suivi ontpermis de rouvrir la question d’un cen-tre autonome mais associé à la droite.

L’UMP avait comme volonté d’inté-grer toutes les sensibilités de droite et ducentre qui, pendant plus de trente ans deVe République, s’étaient organisées dansdes formations concurrentes : droite in-dépendante (CNI, RI, PR), centrisme etradicalisme (Centre démocrate, CDS,Mouvement réformateur, Parti radical).L’UDF, créée en 1978, contribua à ré-duire l’éclatement et à créer une dyna-mique du centre droit, mais resta, endépit de ses succès, une fédération fra-gile d’individualités et de courants rétifsà la discipline et à l’unité d’un grandparti.

Au début des années 2000, l’UMPprofita de cet état de fait pour rassem-bler les «soldats perdus» de l’UDF. Lorsde sa création, en novembre 2002, elleregroupait le RPR, Démocratie libéraleet les deux tiers des parlementaires del’UDF, parmi lesquels nombre de cen-tristes et de radicaux.

MarginalisationCependant, le rassemblement destransfuges du centrisme et des indépen-dants ne fut jamais total : une UDFmaintenue fit de la résistance, et évoluapeu à peu vers un rejet de l’alliance avecla droite, et les différentes sensibilitéscentristes et indépendantes eurent dumal à se structurer au sein de l’UMP endépit des promesses initiales de créerdes courants internes, appelés «mou-vements», qui, en fait, ne verront ja-mais le jour. Le CNI en 2008, le Parti ra-dical en 2011 reprendront leurautonomie.

Même si nombre de centristes et de li-béraux continuent de mener leur com-bat au sein de l’UMP, un espace politi-que s’est rouvert avec la défaite de celle-ci lors des élections de 2012 et la mise surl’agenda de la question de la meilleurestratégie pour le retour de la droite aupouvoir. La crise de succession à l’UMP,principal parti d’opposition, ne faitqu’élargir cet espace offert au retour du

centre droit. Les années 2000 ont étépour le courant centriste à la fois les an-nées de l’exploration d’une stratégie defusion avec la droite néogaulliste au seinde l’UMP, et, avec l’expérience du Mo-Dem, les années de la redécouverte d’uncentrisme indépendant refusant l’al-liance à droite.

Les deux stratégies ont montré leurslimites. D’une part, le centre de gravitéde l’UMP est resté aux mains des néo-gaullistes. D’autre part, la stratégied’indépendance entamée dès 2005 parFrançois Bayrou a conduit à une margi-nalisation politique et électorale. Unmouvement centriste, qui n’interprètepas l’indépendance comme étant unisolement, retrouve toute sa place.

Trente-quatre ans après l’UDF, l’UDIrenoue avec la stratégie d’une droite dé-doublée, où une formation de centredroit est l’alliée-rivale d’une formationnéogaulliste dont une partie revendiquel’ancrage dans une «droite décom-

DANS UN SYSTÈME aussi personnaliséque le régime présidentiel de la Ve Ré-publique, aucun parti de pouvoir nepeut ignorer la question du leadershipet de l’homme qui préside à ses desti-nées avant de concourir pour prendreéventuellement en main les rênes dupays.

Aujourd’hui, dans l’espace du cen-trisme, deux leaders seulement ont suf-fisamment d’existence en termesd’opinion pour prétendre incarner cet-te famille de pensée. L’un, FrançoisBayrou, a été président de l’UDF depuis1998 et président du MoDem depuis2007. Trois fois candidat à l’électionprésidentielle, le patron du MoDem arenié les vertus d’un centrisme associéà la droite pour découvrir celles d’uncentrisme refusant tout système d’al-

liance. Cette dernière stratégie, quil’avait porté en 2007, contribue main-tenant à son isolement et à son déclin.

L’autre, Jean-Louis Borloo, a étécompagnon de route de l’UDF, mem-bre du Parti radical depuis 2002 puisprésident de ce parti depuis 2007 touten étant ministre continûment de 2002à 2010. Associé à l’UMP, il s’en est éloi-gné en 2011 pour explorer à nouveaules voies d’un parti de centre droitautonome.

Déclin régulierPendant longtemps les deux hommesont été roue dans la roue en ce quiconcerne l’avenir que leur prêtaient lesFrançais. De 2007 au début de 2009, lesdeux leaders sont à peu près créditésd’une cote d’avenir identique même si

l’exercice du pouvoir, pour Jean-LouisBorloo, et l’isolement, pour FrançoisBayrou, entraînent une érosion de leurpopularité. Mais alors que Jean-LouisBorloo semble endiguer cette érosiondans la période 2010-2012, FrançoisBayrou connaît un déclin régulier etprofond (sauf au moment de la paren-thèse de sa candidature à l’électionprésidentielle de 2012). Dans la derniè-re cote d’avenir de TNS Sofres pour LeFigaro Magazine (novembre 2012),François Bayrou recueille 26 %, à huitpoints derrière Jean-Louis Borloo(34 %).

Certes, la personnalité de Jean-LouisBorloo semble l’emporter et lorsqueleur popularité comparée a été mesurée– à quatre reprises en 2010 et 2011 -,c’est toujours Jean-Louis Borloo qui est

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DESS

INDO

BRITZ

étudesPOLITIQUES Figaro-Cevipof

Qui a une bonne opinion de l'UDI ?

56%63%

33%

40%28%

44%

65%65%

Sympathisants de droite Sympathisants du MoDem Sympathisants de gauche

Électeurs de N. Sarkozy Électeurs de F. Bayrou

Électeurs de F. Hollande Électeurs de M. Le Pen

Ensemble pers. interrogéesSource : Ifop-Journal du Dimanche 6-8 nov. 2012

JeanLecanuet

Valéry Giscardd'Estaing Raymond

Barre

ÉdouardBalladur François

Bayrou

SCORE AU PREMIER TOUR DES PRÉSIDENTIELLES ET DES LÉGISLATIVES SOUS LA Ve RÉPUBLIQUE,en % des su!rages exprimés

15,617,8

23,3

32,6

28,3

21,7

16,5 17,419,3 18,6

14,4

6,8

9,9 9,16,6

8,1

18,520,419,6

Quand le centre droit a-t-il été fort ?

1965 67 69 73 74 78 1981 1988 1993 95 97 2002 2007 2012

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ÉdÉdoBÉÉB

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PASCAL PERRINEAUDIRECTEURDUCENTREDE RECHERCHES POLITIQUESDE SCIENCES PO (CEVIPOF)

L’Union des démocrates etindépendants (UDI) a étécréée le 21 octobre 2012afin de faire revivre unmouvement de centredroit aux côtés d’une

UMP qui n’a pas réussi à intégrer plei-nement cette sensibilité en son sein.

Cette stratégie est le fruit d’un tripleconstat : celui de la pérennité d’un cou-rant de centre droit tout au long de laVe République, celui de l’échec de l’UMPà unifier tous les courants, de la droitedu gaullisme au centre en passant par ladroite modérée et indépendante, et, en-fin, celui de la faillite d’un «hypercen-tre» qui refuse l’alliance avec la droite.

Depuis plus de cinquante ans, le cen-tre droit a résisté au mouvement de bi-polarisation qui a marqué la Ve Républi-que. La réforme de 1962 du moded’élection du président de la Républi-que, neuf élections présidentielles ausuffrage universel direct, les effets dumode de scrutin majoritaire à deux tourset l’affirmation du principe majoritairedans toutes les institutions, jusqu’au ni-

veau local, ne sont pas venus à bout dece tempérament de centre droit. Présentlors des neuf élections présidentielles, ils’est imposé en 1974 avec la victoire deValéry Giscard d’Estaing. Il a été un ac-teur politique de premier plan de 1973 à1993, période pendant laquelle il fit jeuégal avec les néogaullistes du RPR.

Ce n’est qu’avec l’éclatement del’UDF en 1998, puis la création de l’UMPen 2002 et l’adoption d’une stratégie du«ni droite ni gauche» par François Bay-

arrivé en tête du duel (Tableau de bordIfop-Paris Match de mai 2010, janvier,mai et juillet 2011). En juillet 2011, 54 %des personnes interrogées déclaraientpréférer Jean-Louis Borloo contre 44 %François Bayrou.

Identité propreAu-delà de cette préférence personnel-le, c’est la stratégie d’un centre droitindépendant mais non isolé qui l’em-porte sur celle d’un centre indépendantmais isolé et impuissant. Interrogés enavril 2011, 67 % des Français répon-daient que « selon eux, le centre estplutôt plus proche de la droite» (son-dage Ifop, 27 au 29 avril 2011). 72 % desélecteurs de Nicolas Sarkozy parta-geaient ce sentiment mais aussi 63 %des électeurs de François Bayrou.

La faillite de l’UMP devrait ouvrir unlarge espace à la rénovation du centredroit. Même si les conflits se résor-baient à l’UMP, l’argument tactique dela nécessité de l’unité de la droite et ducentre pour éviter les déboires d’uneconcurrence électorale avec le FN nesera pas suffisant.

L’UDI, dans son travail de recons-truction d’un mouvement de centredroit, doit définir ce qui fait son identitépropre, sa solidité et sa pérennité en ter-mes d’organisation ainsi que sa crédibi-lité sur le terrain du leadership sans le-quel aucun grand parti de pouvoir nepeut vivre sous la Ve République. En plusde cinquante ans de Ve République, lepluralisme a été, la plupart du temps, larègle au sein de la droite et du centre.!

P. P.

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La formation de Jean-Louis Borloo tente d’exploiter la faillitede l’ex-parti majoritaire pour rééquilibrer la droite.

« La crise de successionà l’UMP, principal partid’opposition, ne faitqu’élargir cet espaceoffert au retourdu centre droit»

LE CENTRISME de droite a survécu à labipolarisation de la Ve République. Telest l’enseignement politique de PascalPerrineau. Le directeur du Cevipofbrosse la saga de ce tempérament qui atoujours résisté à droite à la dominationdes forces néogaullistes ; celles-ci,d’ailleurs, n’ayant jamais réussi àunifier les droites et le centre.

Compagnon de route des héritiersdu gaullisme, le centre droit a explorétoutes les configurations politiques :tantôt en s’y alliant pour prospérercomme aux beaux jours del’UDF.Tantôt en rejoignant l’UMP dontle dessin fédérateur était d’unifier lesdroites et le centre. Intégré à l’UMP, ils’y est étiolé. Au MoDem, l’aventure del’indépendance totale a mené à sa pertel’«hypercentre» de François Bayrou.

Fort de ces enseignements, Jean-Louis Borloo, ex-UDF, ministre deNicolas Sarkozy et président du Partiradical, lance l’UDI dont il veut faire ungrand parti de centre-droit. Le «pactefondateur» de l’UDI (Union desdémocrates et indépendants) s’assigned’occuper«la place centrale del’échiquier politique en rassemblantles indépendants, les familles centristes,les divers droites et les tenants d’uneécologie responsable».

Favorisée par la décomposition del’UMP, cette résurrection du centredroit «indépendant mais non isolé» aété bien accueillie par les sympathisantsde droite (56 %), par ceux du MoDem(63 %) et des électeurs de NicolasSarkozy (65 %). Bref, l’UDI a des atoutspour attirer les déboussolés de l’UMP.Toutefois, dans le cadre d’un régimeprésidentiel, la question vitale duleadership et de l’homme qui se lanceradans la course à l’Élysée n’est pastranchée. En termes d’opinion, Jean-Louis Borloo et François Bayrou ontsuffisamment d’existence pourprétendre incarner cette famille depensée… voire prétendre jouer lespremiers rôles dans l’opposition. !

JOSSELINE ABONNEAU

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