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ACADEMIE DE PARIS
Année 2017
MEMOIRE pour l’obtention du DES
d’Anesthésie-Réanimation
Coordonnateur : Monsieur le Professeur Benoit Plaud
par Magalie Collet
Présenté et soutenu le 30 mars 2017
INCIDENCE DE L’HYPOXEMIE ET EVALUATION DES FACTEURS
CONTRIBUTIFS A SA SURVENUE AU COURS DE LA PRISE EN
CHARGE DES VOIES AERIENNES SOUS ANESTHESIE GENERALE
CHEZ L’ADULTE
Travail effectué sous la direction du Professeur Christophe Baillard
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RESUME
Introduction : Il existe un risque potentiel d’hypoxémie lors du contrôle des voies aériennes
supérieures (VAS) à l’induction de l’anesthésie générale. Ce travail avait pour objectif d’en étudier la
fréquence de survenue et les facteurs prédictifs et contributifs sur une large population non
sélectionnée.
Matériel et Méthodes : il s’agissait d’une étude observationnelle, prospective et multicentrique. Les
patients opérés sous anesthésie générale ont été évalués sur six mois. La préoxygénation était réalisée
en volume courant en FiO2=1 pendant 3 minutes et prolongée à 5 minutes au besoin pour obtenir une
FeO2≥90%. Les caractéristiques des patients, les facteurs prédictifs de ventilation au masque difficile
(VMD) et d’intubation difficile (ID) et les conditions du contrôle des VAS observées au bloc
opératoire ont été colligées.
Résultats : Les données concernant 2398 patients ont été recueillies. Les patients étaient âgés de
53±19 ans. L’hypoxémie (SpO2 ≤ 95%) était observée chez 158 patients (6,6%). La SpO2 était ≤ 90%
chez 34 patients (1,4%). Les facteurs prédictifs indépendamment associés à la survenue d’une
hypoxémie étaient en analyse multivariée (OR [IC95%], p<0,05) la VMD prévisible : 1,87 [1,26-
2,79] ; l’ID prévisible : 1,85 [1,28-2,67], la BPCO : 2,18 [1,36-3,49], l’HTA : 1,79 [1,21-2,48], et
l’urgence : 1,59 [1,11-2,26]. Les facteurs constatés indépendamment associés à la survenue d’une
hypoxémie en analyse multivariée étaient (OR [IC95%], p<0,05) l’échec de préoxygénation
(FeO2<90%) : 1,5 [1,1-2] ; la VMD : 2,9 [1,8-4,7] et l’ID : 2,5 [1,5-4,1].
Après 3 minutes de préoxygénation, la FeO2 était <90% chez 1202 (50%) des patients, la poursuite de
la préoxygénation à 5 minutes a permis d’obtenir une FeO2≥90% chez 472 (39%) patients
supplémentaires. Au total 730 (30%) des patients avaient une FeO2<90% à 5 minutes. En analyse
multivariée (OR [IC95%], p<0,05) le sexe masculin : 2,04 [1,7-2,5] ; la BPCO : 1,7 [1,2-2,3] ; la
VMD prévisible : 1,4 [1,0-1,8] ; l’HTA : 1,3 [1,1-1,6] et la chirurgie urgente 1,9 [1,5-2,3] étaient
indépendamment associés à un échec de préoxygénation.
Les valeurs prédictives positives (VPP) et négatives (VPN) de la VMD étaient de 0,14 et 0,96
respectivement. Les VPP et VPN de l’ID étaient de 0,12 et 0,95.
Conclusion : L’hypoxémie est observée fréquemment alors que la préoxygénation est
systématiquement réalisée. Les facteurs indépendamment associés à sa survenue rejoignent ceux de la
VMD et de l’ID et leur absence permet dès la consultation d’anesthésie de l’exclure avec une
excellente VPN.
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TABLE DES MATIERES
LISTE DES ABREVIATIONS ................................................................................................................ 4
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 5
Etat des connaissances ......................................................................................................................... 5
Contenu en oxygène de l’organisme ............................................................................................... 5
Préoxygénation ................................................................................................................................ 5
Rationnel de l’étude ............................................................................................................................. 6
METHODES ............................................................................................................................................ 8
Objectif principal et secondaire ........................................................................................................... 8
Critères d’inclusion et critères de non inclusion ................................................................................. 8
Critères d’évaluation principal et secondaires ..................................................................................... 8
Déroulement de la recherche ............................................................................................................... 9
Aspects éthiques ................................................................................................................................ 10
Analyse statistique ............................................................................................................................. 10
RESULTATS ......................................................................................................................................... 11
Caractéristiques des patients .............................................................................................................. 11
Critère d’évaluation principal ............................................................................................................ 12
Critères d’évaluation secondaires ...................................................................................................... 15
Sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et valeur prédictive négative de la prédiction de la
ventilation au masque difficile et de l’intubation difficile ................................................................ 16
DISCUSSION ........................................................................................................................................ 18
Résultat principal ............................................................................................................................... 18
Résultats secondaires ......................................................................................................................... 19
Limites de l’étude .............................................................................................................................. 20
CONCLUSION ...................................................................................................................................... 21
REFERENCES ...................................................................................................................................... 23
ANNEXE 1 ............................................................................................................................................ 25
ANNEXE 2 ............................................................................................................................................ 26
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LISTE DES ABREVIATIONS ASA : American Society of Anesthesiologists
BPCO : Broncho-pneumopathie chronique obstructive
CaO2 : Contenu artériel en oxygène
CO2 : Dioxyde de carbone
CRF : Capacité résiduelle fonctionnelle
ECG : Electrocardiogramme
DC : Débit cardiaque
DO2 : Transport en oxygène
DSG : Dispositif supra-glottique
DTM : Distance thyro-mentonnière
EtO2 : End-Tidal oxygen
FeO2 : Fraction expirée en oxygène
FeCO2 : Fraction expirée en dioxyde de carbone
FiO2 : Fraction inspirée en oxygène
Hb : Hémoglobine
ID : Intubation difficile
IMC : Indice de masse corporelle
IOT : Intubation orotrachéale
ISR : Induction en séquence rapide
O2 : Oxygène
SAOS : Syndrome d’apnée obstructive du sommeil
SaO2 : Saturation artérielle en oxygène
SpO2 : Saturation pulsée en oxygène
VM : Ventilation au masque facial
VMD : Ventilation au masque difficile
VO2 : Consommation en oxygène
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INTRODUCTION
Etat des connaissances
Contenu en oxygène de l’organisme
Les réserves en oxygène (O2) de l’organisme sont très faibles et se situent au niveau pulmonaire,
plasmatique et globulaire. En faisant respirer au patient de l’oxygène pur (fraction inspirée en O2
(FiO2) = 1), on augmente très significativement les réserves en oxygène de l’organisme.
La réserve pulmonaire en oxygène est constituée par la capacité résiduelle fonctionnelle (CRF). Pour
une CRF égale à 3000 ml avec une respiration en air ambiant (FiO2 21%) elle est égale à (0,21x3000)
630 ml. Elle peut théoriquement atteindre 2850 ml pour une fraction alvéolaire en O2 de 95% [1].
CaO2 = (1,34 x Hb x SaO2) + (0,0031 x PaO2)
DO2 = CaO2 x DC
Avec CaO2 le contenu artériel en oxygène, Hb l’hémoglobine, SaO2 la saturation artérielle en O2, PaO2
la pression partielle en O2, DO2 le transport en oxygène, DC le débit cardiaque, et 0,0031 le volume
d’O2 dissous (en ml/ml de sang artériel).
Au niveau plasmatique, pour un volume plasmatique de 3000 ml, la réserve d’O2 est de 0,0031 x 3 x
80 x 10 = 7 ml (Pour une PaO2 à 80 mmHg), et peut atteindre 45 ml si la PaO2 est égale à 500 mmHg.
Pour une concentration en hémoglobine de 12 g/dl et un volume sanguin total de 5l, la réserve
d’oxygène globulaire est de 1,34 x 0,98 x 12 x 10 x 5 = 788 ml en air ambiant et 804 ml en O2 pur.
En théorie donc, la réserve en oxygène d’un adulte sain est d’environ 1450 ml lorsqu’il respire en air
ambiant et atteint 3700 ml lorsqu’il respire en FiO2=1, le bénéfice provenant essentiellement de la
CRF.
La CRF représente donc la quantité la plus importante de réserve d’oxygène dans l’organisme. Toute
chose égale par ailleurs plus elle est importante, plus l’apnée sera tolérée longtemps avant l’apparition
d’une hypoxémie.
Préoxygénation
La préoxygénation consiste à faire respirer au patient de l’oxygène pur à une ventilation minute
suffisante et fait partie intégrante de la prise en charge des voies aériennes avant une anesthésie
générale [2].Avant le contrôle des voies aériennes supérieures lors de l’induction anesthésique, la
désaturation artérielle en oxygène peut survenir lorsque les réserves en O2 ne sont pas suffisantes pour
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couvrir la période d’apnée [3]. L’allongement de la période d’apnée en anesthésie est observée en cas
de ventilation au masque et/ou d’intubation difficile, la diminution des réserves en O2 est observée
chez les patients obèses et la femme enceinte en raison d’une diminution de la CRF [4] [5].
L’objectif de la préoxygénation est d’augmenter les réserves en oxygène de l’organisme afin d’éviter
l’hypoxémie au cours de la gestion des voies aériennes supérieures.
La préoxygénation en volume courant a été décrite par Hamilton et Eastwood en 1955 [6], elle
correspond à 3 minutes de respiration spontanée à FiO2=1 chez les sujets indemnes de toute pathologie
pulmonaire qui permettent une dénitrogénation de la CRF à 95%. C’est la technique actuellement
recommandée dans la conférence de consensus de 2002 sur « la prise en charge des voies aériennes de
l’adulte » [7] et plus récemment dans la conférence d‘expert de 2006 sur « l’intubation difficile »
[8][9], les recommandations de l’ASA 2013 [10] et dans les recommandations d’expert de la
« Difficult Airway Society » 2015 sur la prise en charge des voies aériennes [11]. En effet il est
recommandé d’obtenir une fraction expirée en O2 (FeO2) supérieure ou égale à 90% pour une
dénitrogénation efficace [12].
Rationnel de l’étude
L’hypoxémie survient majoritairement au moment de l’induction de l’anesthésie et au cours du réveil.
Les données de l’ASA closed Claims montraient que la difficulté de gestion des voies aériennes
supérieures représentait toujours le plus grand pourcentage de plaintes (67% pendant l’induction de
l’anesthésie) [13] [14]. Dans le quatrième projet d’audit national anglais rapportant les complications
majeures de la gestion des voies aériennes, l’intubation difficile et l’échec d’intubation incluant les
patients non ventilables, non intubables était le premier événement rapporté dans plus de 39% de tous
les évènements liés à l’anesthésie [15]. Par ailleurs une étude française réalisée en 1999 rapportait un
taux de mortalité annuel associé à l’intubation difficile de 1 pour 176 000 anesthésies générales [16].
Une première étude réalisée en 2014 a montré que l’échec de préoxygénation, défini par une
FeO2<90% après 3 minutes de préoxygénation était observé chez plus de la moitié des patients [17].
En effet, sur 1050 patients, 56% présentaient un échec de préoxygénation, les facteurs contributifs
associés à cet échec étaient également ceux de la ventilation au masque difficile.
Pour mieux anticiper la gestion des voies aériennes difficiles, l’évaluation préopératoire des critères de
ventilation au masque et d’intubation difficile représente une grande part des recommandations de
bonnes pratiques dans le but de réduire l’incidence des évènement indésirables [10] [18] [19]. Mais les
facteurs de risque de désaturation à l’induction anesthésique ou l’hypoxémie liée à un échec de
préoxygénation ne sont pas identifiés.
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L’objectif de cette recherche était de définir la fréquence de survenue d’une hypoxémie au décours de
l’induction d’une anesthésie générale (prévalence de la désaturation en oxygène de l’hémoglobine,
SpO2 ≤95%) et d’en préciser les facteurs explicatifs (modalités de préoxygénation, modalités de prise
en charge des voies aériennes, facteurs patients), dans le but de mieux prédire et anticiper les
populations à risque et optimiser les procédures à l’induction d’une anesthésie générale. L’objectif
secondaire était d’identifier et analyser les facteurs contributifs liés à un échec de préoxygénation.
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METHODES
Il s’agissait d’une étude prospective, observationnelle, multicentrique. Les 3 centres participants
étaient l’hôpital Avicenne, l’hôpital Pitié-Salpêtrière et l’hôpital de Montreuil. Les inclusions ont été
réalisées sur une période de 6 mois.
Objectif principal et secondaire
L’objectif principal de cette étude était de déterminer l’incidence de la survenue d'une hypoxémie,
définie par une désaturation en oxygène de l’hémoglobine (SpO2 ≤95%) au cours de la prise en charge
des voies aériennes sous anesthésie générale et d’en déterminer les facteurs contributifs.
L’objectif secondaire de cette étude était de déterminer la fréquence d’échec de préoxygénation définie
par une FeO2<90%, et d’identifier et analyser les facteurs contributifs.
Critères d’inclusion et critères de non inclusion
Les patients inclus étaient des adultes adressés pour un acte programmé ou non, sous anesthésie
générale.
Etaient exclus les patients mineurs, les femmes enceintes, les patients de chirurgie thoracique, ceux
étant sous oxygénothérapie, et ceux présentant une instabilité hémodynamique.
Critères d’évaluation principal et secondaires
Le critère d’évaluation principal était la désaturation en oxygène de l’hémoglobine au cours de la prise
en charge des voies aériennes (SpO2 ≤95%) et ses facteurs explicatifs (modalité de préoxygénation,
modalités de prise en charge des voies aériennes, facteurs patients).
La saturation pulsée en oxygène de l’hémoglobine (SpO2) était mesurée en continu par
pléthysmographie. La valeur retenue était la SpO2 la plus basse observée dans la période qui séparait la
fin de la préoxygénation à la fin de la séquence d’intubation ou de la pose d’un dispositif laryngé ou à
défaut de la ventilation au masque efficace.
Les critères d’évaluation secondaires étaient la fréquence d’échec de préoxygénation définie par une
FeO2<90% et les facteurs contributifs.
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Déroulement de la recherche
Tous les patients devant bénéficier d’une anesthésie générale pour un acte chirurgical ou une
endoscopie étaient inclus dans l’étude. Les différents types de chirurgie étaient les chirurgies ORL,
orthopédique, vasculaire, gynécologique, et la chirurgie abdominale.
L’entrée dans l’étude débutait au bloc opératoire lorsque la manœuvre de préoxygénation était initiée
et s’interrompait à la fin de la séquence d’intubation ou de la pose d’un dispositif laryngé ou à défaut
de la ventilation au masque efficace. La durée totale de la participation à l’étude était de 5 à 10
minutes.
La prise en charge anesthésique des patients, consultation d’anesthésie et visite pré-anesthésique, était
inchangée. Pour chaque anesthésie, le patient bénéficiait d’une surveillance habituelle de la pression
artérielle, de l’ECG et de la saturation artérielle en oxygène par oxymétrie de pouls, de la fraction
inspirée et expirée d’O2 (FiO2 et FeO2) et de la fraction expirée en CO2 (FeCO2). La FeO2 était
mesurée en continu par aspiration et prélèvement dans le circuit (le débit aspiré étant réinjecté).
La préoxygénation était réalisée en ventilation spontanée pendant trois minutes, conformément aux
recommandations professionnelles et aux habitudes du service, à travers un masque facial avec le
circuit machine en FiO2=100% (débit d’O2 de 12 l/min). La FiO2, FeO2 et SpO2 étaient notées au début
et à la fin des trois minutes de préoxygénation. Tous les patients étaient en décubitus dorsal, à
l’exception des patients obèses qui étaient en position proclive à 10°.
Si la FeO2 était <90% après trois minutes de préoxygénation, celle-ci était poursuivie jusqu’à
l’obtention d’une FeO2≥90% ou pendant cinq minutes au maximum. La FiO2, FeO2 et SpO2 étaient
notées à la fin des cinq minutes de préoxygénation, les différents temps monitorés à l’aide d’un
chronomètre.
A l’issue de la préoxygénation, la prise en charge des voies aériennes était finalisée en fonction du
protocole d’anesthésie, intubation, dispositif supra-glottique ou ventilation au masque.
La ventilation au masque difficile était définie comme inadéquate, instable, ou nécessitant deux
opérateurs avec ou sans curares. L’intubation difficile était définie par plusieurs tentatives et/ou la
mise en œuvre d’une technique alternative après optimisation de la position de la tête, avec ou sans
manipulation laryngée externe [8] [19].
Les données relevées étaient outre la FiO2, FeO2 et SpO2, l’âge, le sexe, le poids, la taille, la classe
ASA, les principales comorbidités notamment le tabagisme et l’existence d’une BPCO ; le risque de
ventilation au masque difficile (définie par la présence d’au moins deux critères parmi : ronflement,
présence d’une barbe, absence de dents, âge >55 ans, obésité) et les facteurs de risque d’intubation
difficile (définie par la présence d’au moins un critère parmi : Mallampati>2, ouverture de bouche
<30mm, distance thyro-mentonnière <6,5cm, limitation de la protrusion mandibulaire). Ces données
étaient recueillies de façon prospective au cours de la consultation d’anesthésie.
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Les conditions de prise en charge des voies aériennes étaient également relevées : condition de
ventilation au masque, intubation, dispositif supra-glottique, ventilation au masque, difficultés
rencontrées. L’hypoxémie et l’hypoxémie sévère étaient définies par une saturation pulsée inférieure
ou égale à 95% et 90% respectivement.
Aspects éthiques
Comme il s’agissait d’une étude observationnelle et de soins courant, la non opposition du patient était
recherchée, néanmoins un consentement écrit n’était pas nécessaire, comme approuvé par le comité
d’éthique local de l’hôpital Avicenne, AP-HP (Annexe 1).
La visite de pré-inclusion avait lieu le jour de la consultation d’anesthésie, à l’issue de celle-ci une
information était donnée au patient concernant le protocole de recherche (Annexe 2).
La visite d’inclusion avait lieu lors de la visite pré-anesthésique, à l’issue de cette visite, la non
opposition du patient à sa participation au protocole de recherche était vérifiée.
Analyse statistique
Les facteurs de risque d’hypoxémie au cours de la prise en charge des voies aériennes étaient soit
considérés comme prévisibles lorsqu’ils étaient identifiés au cours de la visite préopératoire
(caractéristiques du patients, antécédents, facteurs de risques identifiés de ventilation au masque
difficile et d’intubation difficile) soit constatés au bloc opératoire (préoxygénation difficile, ventilation
au masque ou intubation difficile).
La taille de l’échantillon a été déterminée en utilisant un modèle de régression logistique multiple.
L’incidence totale de l’hypoxémie a été estimée à 5%. La BPCO étant le facteur avec la plus faible
prévalence (5%), il a été utilisé pour le calcul du nombre de sujets nécessaires. Pour mettre en
évidence un Odds ratio de 2,5 avec une puissance de 80%, un risque alpha à 5% et un coefficient de
détermination entre les facteurs de 0,05 à 0,15, un échantillon de 2000 patients était nécessaire. Les
associations entre l’hypoxémie ainsi que la préoxygénation difficile et leurs facteurs de risque ont été
déterminées par un test chi-2 pour les variables catégorielles et un test t de Student ou de Wilcoxon
pour les variables continues. Tous les facteurs avec un p>0,10 en analyse univariée ont été inclus dans
un modèle de régression logistique. Tous les tests étaient bilatéraux, avec une significativité à 0,05.
Les données sont présentées en moyennes et écart types ou en médianes et intervalle de confiance pour
les données continues. Les variables catégorielles sont présentées en valeur absolue et fréquences
relatives. Les analyses ont été effectuées avec le logiciel R (version 3.1.2).
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RESULTATS
Caractéristiques des patients
Les données concernant 2398 patients ont été recueillies, 1120 (47%) à l’hôpital de la Pitié Salpêtrière,
905 (38%) à Avicenne, et 373 (15%) à Montreuil. Les caractéristiques des patients sont listées dans le
Tableau 1.
Tableau 1. Caractéristiques des patients
Total 2398
SpO2≤95% N=158 (6,6)
SpO2>95% N=2240 (93,4)
P
Age, années 53±19 62±18 52±19 <0,0001 Sexe masculin 1160 (48,4) 79 (51,6) 1081 (49,3) 0,63 IMC, (kg/m2) 26±5 28±6 26±5 <0,0001 IMC >30 445 (18,6) 56 (35,9) 389 (17,5) <0,0001 ASA >2 470 (19,6) 59 (37,6) 411 (18,5) <0,0001 Fumeurs 672 (28) 41 (25,9) 631 (28,4) 0,57 BPCO 184 (7,7) 28 (17,8) 156 (7) <0,0001 Hypertension artérielle 778 (32,4) 81 (51,3) 697 (31,3) <0,0001 Maladie coronaire 228 (9,5) 21 (13,3) 207 (9,3) 0,14 Diabète de type 2 316 (13,2) 34 (21,5) 282 (12,7) 0,0023 SAOS 118 (4,9) 16 (10,4) 102 (4,6) 0,0026 Ventilation au masque difficile prévisible Age >55 IMC >26 Présence d’une barbe Absence de dent Ronflement
363 (15,1)
1158 (48,3) 1014 (42,3)
150 (6,3) 412 (17,2) 404 (18,8)
47 (29,7)
109 (69,9) 95 (60,9) 19 (12)
46 (29,1) 47 (30,7)
316 (14,1)
1049 (47,3) 919 (41,3) 131 (5,9)
366 (16,5) 357 (16,3)
<0,0001
<0,0001 <0,0001
0,004 <0,0001 <0,0001
Intubation difficile prévisible Mallampati >2 Protrusion mandibulaire limitée Distance thyro-mentonnière limitée Ouverture de bouche limitée
435 (18,1)
268 (11,2) 90 (3,8)
127 (5,3) 35 (1,5)
50 (31,6)
35 (22,6) 11 (7,3) 13 (8,2) 3 (1,9)
385 (17,2)
233 (10,8) 79 (3,6)
114 (5,1) 32 (1,4)
<0,0001
<0,0001 0,043 0,15 0,50
Urgence 670 (27,9) 56 (36,1) 614 (28,2) 0,045
Les données représentent la moyenne ± écart type ou le nombre (pourcentage). IMC : indice de masse corporelle ; BPCO : bronchopathie
chronique obstructive ; SAOS : syndrome d’apnée obstructive du sommeil. Ventilation au masque difficile : présence d’au moins deux
facteurs suivant : âge >55 ans, IMC >26 kg/m2, barbe, édentation, ronflement. Intubation difficile : présence d’au moins 1 facteur entre :
Mallampati >2, limitation de la protrusion mandibulaire, distance thyro-mentonnière limitée (<6,5 cm) et ouverture de bouche limitée (<30
mm).
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Critère d’évaluation principal
L’hypoxémie (SpO2 ≤95%) était observée chez 158 patients (6,6%), l’hypoxémie sévère chez 34
(1,4%).
En analyse univariée, les facteurs de risque prévisibles d’hypoxémie identifiés en consultation pré-
anesthésique étaient l’âge, l’IMC, la BPCO, l’ASA >2, l’hypertension artérielle, le diabète, l’apnée
obstructive du sommeil, la ventilation au masque difficile prévisible, l’intubation difficile prévisible et
la chirurgie urgente (Tableau 1).
En analyse multivariée, seules la ventilation au masque difficile prévisible, l’intubation difficile
prévisible, la BPCO, l’hypertension artérielle et l’urgence étaient retrouvées comme facteur de risque
indépendant d’hypoxémie (Tableau 2).
Tableau 2. Facteurs de risque préopératoires d’hypoxémie en analyse multivariée, modèle final après sélection des variables, n=2284.
OR [IC 95%] Valeur de p
Ventilation au masque difficile prévisible 1,87 [1,26-2,79] 0,008
Intubation difficile prévisible 1,85 [1,28-2,67] 0,002
BPCO 2,18 [1,36-3,49] 0,001
Hypertension artérielle 1,79 [1,21-2,48] 0,002
Urgence 1,59 [1,11-2,26] 0,011 Ventilation au masque difficile : présence d’au moins deux facteurs suivant : âge >55 ans, IMC >26 kg/m2, barbe, édentation, ronflement.
Intubation difficile : présence d’au moins 1 facteur entre : Mallampati >2, limitation de la protrusion mandibulaire, distance thyro-
mentonnière limitée (<6,5 cm) et ouverture de bouche limitée (<30 mm).
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Les facteurs de risque d’hypoxémie constatés à l’induction d’anesthésie étaient en analyse univariée,
l’échec de préoxygénation (FeO2 ≤90%), la ventilation au masque facial, la ventilation au masque
difficile, l’intubation et l’intubation difficile. En analyse multivariée les facteurs de risque
d’hypoxémie constatés étaient l’échec de préoxygénation, la ventilation au masque difficile et
l’intubation difficile (Tableau 3).
Tableau 3. Facteurs de risque d’hypoxémie (SpO2≤95%) constatés en analyse uni et multivariée (n=2398).
Analyse univariée
Analyse multivariée
Total n=2398
SpO2≤95% n=158
SpO2>95% n=2240
p OR [IC]; p
Echec de préoxygénation
723 (30) 64 (41) 659 (29) 0,005 1,5 [1,1-2,0] ;
0,034 Ventilation au masque facial
2084 (87) 119 (76) 1965 (88) <0,0001
Ventilation au masque difficile
140 (6) 24 (15) 116 (5) <0,0001 2,9 [1,8-4,7] ;
<0,0001
Intubation 2035 (85) 144 (91) 1891 (84) 0,0330
Intubation difficile 149 (6) 24 (15) 125 (6) <0,0001 2,5 [1,5-4,1] ;
0,0002 Les données sont représentées en nombre (pourcentage). L’échec de préoxygénation était défini par une FeO2 <90%. La ventilation au
masque difficile était définie comme inadéquate, instable, ou nécessitant deux opérateurs avec ou sans curares. L’intubation difficile était
définie par plusieurs tentatives et/ou la mise en œuvre d’une technique alternative après optimisation de la position de la tête, avec ou sans
manipulation laryngée externe.
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L’intubation orotrachéale (IOT) après ventilation au masque facial (VM), l’intubation en séquence
rapide (ISR), la mise en place d’un dispositif supra-glottique (DSG) et la ventilation au masque seule
étaient utilisés respectivement chez 1771 (74%), 264 (11%), 257 (10,7%), et 103 (4,3%) patients.
L’incidence de l’hypoxémie était différente selon la technique d’abord des voies aériennes (Figure 1).
Le taux de désaturation était plus important en cas d’intubation sans ventilation au masque et
représentait 12,9% de cette population. En revanche, il était plus faible chez les patients ventilés au
masque quelle que soit la technique finale de prise en charge des voies aériennes : intubation (6,2%),
dispositif supra-glottique (5,1%), ou ventilation au masque seule (0,97%).
Figure 1. Incidence de l'hypoxémie en fonction de la technique de prise en charge des voies aériennes
VM : ventilation au masque facial ; DSG : dispositif supra-glottique ; IOT : intubation orotrachéale ; ISR : intubation en séquence rapide
* ISR versus les autres techniques de prise en charge des voies aériennes, p <0,001
0
2,5
5
7,5
10
12,5
15
17,5
20
0
10
20
30
40
50
60
70
80
VM DSG VM+IOT ISR
Incidence de l’hypoxémie %
- - n
Nom
bre
de p
rocé
dure
s %
�
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Critères d’évaluation secondaires
Après 3 minutes de préoxygénation, la FeO2 était de 86±8% et <90% chez 1202 (50%) des patients.
Chez ces derniers, la poursuite de la préoxygénation jusqu’à 5 minutes a permis d’améliorer la
FeO2 de 81±8% à 85±8%, p<0,0001 et d’obtenir une FeO2 ≥90% chez 472 (39%) patients
supplémentaires.
Au total 723 (30%) des patients avaient encore une FeO2<90% à la fin de la préoxygénation.
En analyse univariée, les facteurs de risque d’un échec de préoxygénation étaient le sexe masculin,
l’IMC>30 kg/m2, l’ASA>2, le tabagisme, la BPCO, l’hypertension artérielle, l’insuffisance coronaire,
la ventilation au masque difficile prévisible, l’intubation difficile prévisible et l’urgence (Tableau 4).
Tableau 4. Facteurs de risque préopératoires d’un échec de préoxygénation* (FeO2<90%) en analyse univariée (n=2398).
Total 2398
FeO2<90% N=723 (30)
FeO2≥90% N=1673 (70)
P
Sexe masculin 1160 449 (62,8) 709 (43,5) <0,0001 IMC >30 445 117 (16,2) 328 (19,8) 0,049 ASA >2 470 175 (24,4) 295 (17,8) 0,0002 Fumeurs 672 225 (31,3) 446 (26,9) 0,031 BPCO 184 81 (11,2) 103 (6,2) <0,0001 Hypertension artérielle 778 271 (37,6) 507 (30,5) 0,0008 Coronarien 228 93 (13) 135 (8,1) 0,0003 Diabète de type 2 316 104 (14,5) 212 (12,7) 0,27 SAOS 118 37 (5,2) 81 (4,9) 0,85 Ventilation au masque difficile prévisible Age >55 IMC >26 Présence d’une barbe Édentation Ronflement
363 1158 1014 150 412 404
139 (19,2) 410 (57,2) 303 (42,1)
79 (11) 169 (23,5) 122 (17,2)
224 (13,4) 748 (45,3) 710 (42,8)
71 (4,3) 243 (14,6) 282 (17,3)
0,0003 <0,0001
0,75 <0,0001 <0,0001
0,99 Intubation difficile prévisible Mallampati >2 Limitation de la protrusion mandibulaire Limitation de la DTM Ouverture de bouche limitée
435 268 90
127 35
157 (21,7) 101 (14,4)
32 (4,6) 39 (5,4) 13 (1,8)
278 (16,6) 167 (10,3)
58 (3,6) 88 (5,3) 22 (1,3)
0,004 0,006 0,33 0,96 0,47
Urgence 670 268 (37,7) 401 (24,7) <0,0001
* respiration normale pendant 3, maximum 5 minutes. Les données représentent la moyenne ± écart type ou le nombre (pourcentage).
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En analyse multivariée, la ventilation au masque difficile prévisible, le sexe masculin, la BPCO,
l’hypertension artérielle et la chirurgie urgente étaient des facteurs de risques préopératoires d’un
échec de préoxygénation (Tableau 5).
Tableau 5. Facteurs de risques préopératoire d’un échec de préoxygénation (FeO2<90%) en analyse multivariée (après sélection des variables, n=2268)
OR [IC] p
Ventilation au masque difficile prévisible 1,35 [1,04-1,75] 0,024
Sexe masculin 2,04 [1,69-2,46] <0,0001
BPCO 1,67 [1,20-2,31] 0,0022
Hypertension artérielle 1,29 [1,06-1,58] 0,013
Urgence 1,86 [1,53-2,27] <0,0001 Ventilation au masque difficile prévisible : présence d’au moins deux facteurs suivant : âge >55 ans, IMC >26 kg/m2, barbe, édentation,
ronflement. BPCO : bronchopathie chronique obstructive.
Sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et valeur prédictive négative de la prédiction de la ventilation au masque difficile et de l’intubation difficile
Les facteurs de risque préopératoire de ventilation au masque difficile (présence d’au moins deux des
facteurs suivants : âge >55 ans, IMC >26 kg/m2, présence d’une barbe, édentation et ronflement)
étaient retrouvés chez 363/2398 (15,1%) des patients. La ventilation au masque difficile (définie
comme inadéquate, instable, ou nécessitant deux opérateurs avec ou sans curare) était retrouvée chez
140 (6%) des 2084 patients ventilés au masque facial.
Nous avons comparé la sensibilité, spécificité, la valeur prédictive positive et valeur prédictive
négative de la prédiction de la ventilation au masque difficile. Les valeurs (IC95%) prédictives
positives et négatives de la ventilation au masque difficile étaient de 0,14 et 0,96 respectivement
(Tableau 6).
Tableau 6. Sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et valeur prédictive négative de la ventilation au masque difficile
Statistiques Valeurs
Sensibilité 0,35 [0,27-0,44]
Spécificité 0,86 [0,85-0,87]
Valeur prédictive positive 0,14 [0,10-0,17]
Valeur prédictive négative 0,96 [0,95-0,96]
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L’intubation difficile était observée chez 149 (6%) des 2035 patients intubés. Les facteurs de risque
préopératoires d’une intubation difficile (présence d’au moins un des critères suivant : classe de
Mallampati >2, limitation de la protrusion mandibulaire, distance thyro-mentonnière limitée (<6,5 cm)
et ouverture de bouche limitée (<30 mm)) étaient retrouvés chez 435 (18,1%) des patients.
Nous avons comparé la sensibilité, spécificité, la valeur prédictive positive et valeur prédictive
négative de la prédiction de l’intubation difficile. Les valeurs prédictives positives et négatives de
l’intubation difficile étaient de 0,12 et 0,95 respectivement (Tableau 7).
Tableau 7. Sensibilité, spécificité, valeur prédictive positive et valeur prédictive négative de l’intubation difficile
Statistiques Valeurs
Sensibilité 0,34 [0,27-0,42]
Spécificité 0,83 [0,81-0,85]
Valeur prédictive positive 0,12 [0,09-0,16]
Valeur prédictive négative 0,95 [0,94-0,96]
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DISCUSSION
Résultat principal
Ce travail est la première étude prospective observationnelle réalisée sur un grand collectif de patients
évaluant la prévalence de l’hypoxémie lors de la gestion des voies aériennes supérieures au cours de
l’induction anesthésique.
On observe une fréquence plus élevée de désaturation (6,6%) alors qu’elle était attendue à 5% en
tenant compte des études antérieures [20] [21] [22], ceci pouvant en partie être expliqué par le choix
du seuil de désaturation à 95% qui est habituellement défini à 90% dans les autres études. Par ailleurs
nous avons recruté des patients de chirurgie ORL qui sont une population plus à risque de prise en
charge des voies aériennes difficiles.
Les facteurs de risque prévisibles d’hypoxémie connus sont confirmés ici, et sont représentés par la
ventilation au masque difficile, l’intubation difficile, la BPCO, ainsi que le contexte de l’urgence.
Le contexte de l’urgence a été mis en évidence dans notre étude comme facteur de risque indépendant
d’hypoxémie, il pourrait être expliqué par de moins bonnes pratiques et/ou par l’inclusion de patients
plus fragiles ou ayant une consommation en oxygène (VO2) plus élevée et ce même si nous avons
exclu les patients en instabilité hémodynamique. Nous avons par ailleurs montré que la survenue
d’une hypoxémie est plus fréquente en cas d’induction en séquence rapide, technique la plus souvent
utilisée dans ce cadre. Chez les patients ayant un terrain fragile, notamment les sujets âgés et les
patients BPCO, la plus grande prévalence de l’hypoxémie peut s’expliquer par la modification des
rapports ventilation-perfusion [23].
Les facteurs de risque constatés à l’induction sont connus et confirmés dans cette étude et sont
représentés par l’intubation et la ventilation au masque difficile, d’où l’importance de les dépister en
consultation d’anesthésie, et d’autre part par l’échec de préoxygénation. C’est la première fois qu’une
étude s’attache à valider la sensibilité et la spécificité des critères de ventilation au masque difficile et
d’intubation difficile recueillis en consultation d’anesthésie. Ces données valident l’excellente valeur
prédictive négative (96%) de ces critères et marque l’importance de leur dépistage en consultation
d’anesthésie.
L’échec de préoxygénation augmentait le risque d’hypoxémie dans notre étude, confirmant la
nécessité d’appliquer les recommandations en matière de préoxygénation pour obtenir une FeO2≥90%.
Nous avons également montré que la poursuite de la préoxygénation jusqu’à 5 minutes permettait
d’atteindre une FeO2≥90% chez un grand nombre de patients.
Dans cette étude, nous mettons en évidence le fait que l’incidence de la désaturation est plus
importante lorsque les techniques d’oxygénation sont absentes. En effet elle atteint 12,9% lorsqu’on
réalise une intubation orotrachéale sans ventilation au masque préalable (intubation en séquence
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rapide) comparée aux autres techniques (ventilation au masque facial, mise en place d’un dispositif
supra-glottique et intubation avec ventilation au masque préalable). Cela confirme les
recommandations de prise en charge des voies aériennes priorisant les techniques d’oxygénation.
Résultats secondaires
Dans notre étude, 50% des patients n’obtenaient pas une FeO2≥90% au bout de 3 minutes et 30%
après 5 minutes. Les facteurs de risque d’un échec de préoxygénation retrouvés dans notre étude
recoupaient les facteurs de risque d’hypoxémie au cours de l’induction anesthésique, on retrouvait le
sexe masculin, la ventilation au masque difficile prévisible, la BPCO, l’HTA, et la chirurgie urgente.
La poursuite de la préoxygénation jusqu’à obtenir une FeO2≥90% ou jusqu’à 5 minutes au total
permettait d’obtenir une dénitrogénation efficace chez 39% de patients supplémentaire, ceci incitant à
poursuivre la préoxygénation plus longtemps notamment chez les patients à risque.
L’échec de préoxygénation à 3 minutes avait déjà été décrit chez les personnes âgés par Kang et al.,
les auteurs concluaient à la nécessité d’augmenter le temps de préoxygénation dans cette population
[24]. Dans une étude menée par Bhatia et al., la FeO2 atteignait 90% chez seulement 19 sur 25 patients
âgés comparé à 23 sur 25 patients plus jeunes [25]. L’échec de préoxygénation est courant en pratique
(56% dans un échantillon de 1050 patients) [17]. Il existe également chez les sujets sains ; dans une
étude sur 40 volontaires sains, 9 d’entre eux n’atteignaient pas une FeO2 ≥90% [26]. Les mécanismes
de l’échec de préoxygénation chez le sujet sain n’étaient pas identifiés, et ce même en l’absence de
fuite sur le circuit.
Le fait que la chirurgie urgente soit un facteur de risque d’échec de préoxygénation peut s’expliquer
par le stress généré et la pathologie aigüe, probablement responsables de l’augmentation de la VO2 et
d’une plus grande difficulté de dénitrogénation.
L’échec de préoxygénation chez les patients BPCO peut s’expliquer par les modifications des rapports
ventilation-perfusion créant un allongement du temps nécessaire à la préoxygénation, il avait déjà été
décrit en 2002 par Samain et al. [23]. De plus, chez les patients présentant un emphysème pulmonaire,
on note une distension thoracique avec augmentation du volume résiduel et de la CRF, le temps de
préoxygénation étant augmenté.
L’hypertension artérielle comme facteur augmentant le risque d’échec de préoxygénation est
probablement le reflet des comorbidités des patients.
Dans notre étude, l’obésité n’était pas un facteur de risque d’échec de préoxygénation en analyse
multivariée, ce qui est concordant avec les études antérieures [20] [11]. En effet, la réduction de la
CRF chez ces patients explique que le temps de préoxygénation soit plus court alors que le temps
d’apnée sans désaturation sera considérablement diminué.
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Limites de l’étude
Il s’agit d’une étude observationnelle, les pratiques en sont probablement améliorées, et les résultats
probablement sous-estimés. Le collectif de patient est peut-être trop limité pour permettre une
meilleure caractérisation des facteurs de risque d’hypoxémie.
L’incidence de l’intubation difficile à 6% est élevée dans cette étude, ce qui peut en partie être
expliqué par le recrutement de patients de chirurgie ORL. En effet le taux d’intubation difficile est
compris entre 0,5 et 2% en chirurgie générale mais peut atteindre 10 à 20% en chirurgie
carcinologique ou médecine d’urgence [27] [28]. Le type de chirurgie n’a pas été colligé dans notre
étude, ce qui est une des limites de ce travail. De plus la définition de l’intubation difficile est
différente selon les études, elle est souvent notée comme étant difficile en cas de trois tentatives ou
plus. Enfin, nous avons choisi comme définition de l’hypoxémie une SpO2≤95%. Dans les études
antérieures sur le sujet elle est fixée le plus souvent à 90%, ce qui rend nos résultats plus sensibles,
mais peut-être avec une moindre pertinence clinique.
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21
CONCLUSION
L’incidence de l’hypoxémie (SpO2≤95%) est fréquente lors de l’induction de l’anesthésie générale au
bloc opératoire, et ce même si la préoxygénation est systématiquement réalisée. Les facteurs de risque
d’hypoxémie sont ceux de l’intubation difficile et de la ventilation au masque difficile. L’absence de
critères de ventilation au masque difficile et d’intubation difficile permet dès la consultation
d’anesthésie d’exclure leur survenue avec une excellente valeur prédictive négative (0,96).
L’induction en séquence rapide représente la technique d’abord des voies aériennes la plus à risque
d’hypoxémie. En cas d’hypoxémie sévère les techniques d’oxygénation recommandées doivent être
appliquées.
L’échec de préoxygénation (FeO2<90%) survient fréquemment, même si celle-ci est bien conduite et
elle est associée au risque d’hypoxémie. Les patients à risque sont facilement repérables en
consultation d’anesthésie, et une plus grande attention doit probablement être portée sur la réalisation
de la préoxygénation. Notamment la simple prolongation de la préoxygénation permet une
dénitrogénation efficace dans la plupart des cas.
L’utilisation plus large de la ventilation non invasive (déjà pratiquée chez les patients obèses) chez les
patients ayant des facteurs de risque de désaturation ou d’échec de préoxygénation pourrait être une
piste intéressante. Par ailleurs, l’emploi de l’oxygénothérapie à haut débit nasal pourrait permettre une
meilleure dénitrogénation chez les patients à risque d’échec de préoxygénation et de désaturation. En
effet il est déjà utilisé fréquemment en réanimation [29] pour la préoxygénation des patients en
détresse respiratoire et son utilisation pourrait être étendue au bloc opératoire.
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Ce travail a été présenté lors d’une communication orale au congrès de la SFAR (septembre 2014).
L’article est actuellement en cours de rédaction avant soumission.
Ma contribution à ce projet a été de participer à son élaboration et à sa mise en œuvre, l’information et
l’inclusion des patients de l’hôpital Avicenne, ainsi que le recueil des données et la saisie sur la base
de données de l’hôpital Avicenne.
Pr Christophe Baillard
Le 13 février 2017
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23
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25
ANNEXE 1
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ANNEXE 2 Note d’information et de non opposition pour une personne
adulte participant à une recherche médicale observationnelle « Evaluation des conditions de préoxygénation avant anesthésie programmée » Investigateur Principal : Pr Christophe BAILLARD Service d’Anesthésie-Réanimation, GHU PSSD.CHU Avicenne, 125 rue de Stalingrad, 93009 Bobigny. Tel : 01 48 95 55 91 Madame, Monsieur, Vous êtes actuellement soigné dans le service d'anesthésie et réanimation de l'hôpital ………… Les missions de notre hôpital sont de vous soigner, mais aussi de former des professionnels de la santé et d'effectuer de la recherche fondamentale et clinique. Ce n'est que grâce à la recherche médicale que nous pouvons améliorer nos connaissances avec l'objectif de mieux vous soigner. Nous menons une étude qui vise à améliorer la prise en charge des patients avant une anesthésie. Actuellement, avant chaque anesthésie, il est recommandé depuis de nombreuses années de faire respirer de l’oxygène pendant au moins 3 minutes à l’aide d’un masque appliqué sur le visage pour augmenter les réserves en oxygène. Cependant, l’efficacité de cette manœuvre n’a pas été suffisamment documentée. C’est la raison pour laquelle nous évaluons actuellement son efficacité. Nous vous demandons de participer à cette étude. Pour vous, cette participation signifie que lorsque nous vous apporterons de l’oxygène, manœuvre habituelle et nécessaire à votre prise en charge, nous enregistrerons anonymement les valeurs observées d’oxygénation et des informations vous concernant. Votre prise en charge ne sera en aucun cas modifiée à la conduite thérapeutique habituelle. Pour mener à bien ce travail, nous avons besoin de recueillir des données qui vous concernent comme votre âge et votre état médical à la prise en charge. Ces informations sont utilisées de façon anonymisées afin d’assurer leur confidentialité et de respecter le secret médical. Ces données sont exclusivement destinées à la recherche médicale. Nous souhaitons au préalable vérifier que vous ne vous opposez pas à l’utilisation de vos données, car elles vous appartiennent. Ce protocole d’évaluation a été examiné par le comité d’éthique locale de l’hôpital Avicenne qui a donné un avis favorable. Les données recueillies demeureront strictement confidentielles. Elles ne pourront être consultées que par l’équipe médicale. Vous êtes bien sûr tout à fait libre de refuser à tout moment de participer à cette étude et ce refus ne modifiera d’aucune façon les modalités de votre prise en charge. Vous avez, par ailleurs, la possibilité d’être informé(e) des résultats globaux des recherches pour lesquelles vos données auront été utilisées. Votre médecin anesthésiste et tous les médecins du service d’anesthésie-réanimation sont à votre disposition pour répondre à vos questions. Avec votre consentement, vous autorisez l’utilisation des données contenues dans votre dossier médical à des fins de recherche, dans les conditions prévues dans le présent formulaire. Vous ne vous opposez pas à la publication des résultats issus de leur exploitation dans des revues scientifiques. Merci pour votre coopération et votre compréhension. Pr Baillard Christophe