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8/6/2019 Note Atterre Grce Juillet 2011
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Limbroglio grec
La dette souverainegrecque prise au pige dela zone euro
Benjamin [email protected]
Christopher Lantenois
15 Juillet 201
www.atterres.org
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Un an aprs la mise en place du plan de la Troka1 et malgr les
immenses efforts imposs au peuple grec pour assurer sa bonne
excution, la Grce de nouveau est aux abois. Si son dficit public a
baiss, la dette, quant elle, a augment. Plus grave encore pour les
concepteurs du plan, les primes de risque imposes par les marchs
sont telles quil est exclu comme escompt que la Grce puisse denouveau emprunter sur les marchs en 2012, alors que des milliards
de crdits contracts viennent chance en juillet et doivent tre
rembourss.
A lentre de lt, il est clair pour tout le monde que sans de
nouveaux prts de lUE, la Grce, brve chance devra se
dclarer en dfaut sur sa dette souveraine. Une perspective que la
BCE et les marchs veulent viter tout prix. Mais sans que
personne au jourdhui ne puisse garantir quelle ne finira par
simposer.
Comment en est-on arriv l ? En quoi consistait le plan de la Troka
et pourquoi a-t-il si lamentablement chou ? Plus gnralement et
profondment, car la vraie question est bien l, en quoi consistent et
que valent les solutions imagines par lUE, le FMI et la BCE pour
affronter la crise des dettes souveraines qui senchainent dans la
zone euro ? Car, faut-il le rappeler, alors mme que le plan impos
aux Hellnes vient dchouer, cest une formule la grecque qui
est mise en place pour le Portugal, dernier en date des sinistrs de lazone euro. Ce, alors que les marchs financiers, de concert avec les
agences de notation, continuent de procder leurs grandes
manuvres contre lEspagne, lItalie ou la Belgique2
Cest ces questions quest consacre cette note, qui vient ainsi
prolonger le nouvel ouvrage publi par les Economistes Atterrs sur
ce thme. Mais avant dentrer dans le vif du sujet, une remise en
perspective est ncessaire concernant lhistoire - complexe - des
relations entre Athnes et Bruxelles.
1La Troka est lexpression choisie par les Grecs pour dsigner les missaires de
lUE, de la BCE et du FMI venus ngocier le prt consenti au pays et lesconditionnalits qui lui sont assorties. Depuis, la Troka fait du chemin. Aprs laGrce, elle oprera dans les pays dont la dette souveraine a t attaque. La Trokasera aussi lorigine de la conception et de la mise en place du fonds europen destabilit financire (FESF), puis du mcanisme europen de stabilit (MES),prsents aujourdhui comme la rponse densemble de lUnion Europenne lacrise des dettes publiques europennes. Sur ce point, voir louvrage 20 ans
daveuglement .2 La dernire victime en date est le Portugal qui vient de voir le 5 juillet 2011 sanote dgrade de 4 crans (Baa1 Ba2 avec une perspective ngative) par lagencede notation Moodys. Dsormais, sa dette souveraine long terme se trouve encatgorie spculative.
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1. Je taime, moi non plus , un bref retour surlhistoire des relations entre la Grce et lUE
Les vives tensions actuelles entre la Grce et lUE ne sont pas une
exception dans leur histoire commune. Ds leur origine les relationsentre la Grce et lUE ont connu des moments difficiles et complexes.
1951 : Ladhsion la CEE et lentre de la Grce dans un
processus de rattrapage
Les relations entre la Grce et lEurope Communautaire commencent
le 8 juillet 1959. Il sagit alors du paraphe dun Accord
dAssociation de la Grce la CEE au titre dune disposition prvue
par le Trait de Rome pour les pays non-membres de la CEE. Aprsdeux annes de ngociations, les autorits hellniques et la
Commission signent lAccord dAthnes. Une priode transitoire de
22 ans est prvue lissue de laquelle la Grce serait considre
admissible ladhsion. Grce son statut dassoci, le
renforcement des changes avec la CEE et lintgration conomique
dans lespace europen se font haut rythme.
Mais la vie nest pas un long fleuve tranquille. Le coup dEtat des
colonels du 21 avril 1967 gle brutalement le trait dassociation.
La Communaut europenne ferme sa porte. Des annes passent.
Viennent enfin la chute du pouvoir militaire et la restauration des
institutions dmocratiques. Le nouveau gouvernement grec lu
dpose le 12 juin 1975 sa candidature officielle la CEE, une
candidature qui est loin de faire lunanimit au sein de la socit
politique grecque3.
Avec lappui de la France et de lAllemagne, le Conseil de la
Communaut europenne se prononce le 3 fvrier 1976 en faveur de
ladhsion. Le Trait dadhsion est sign le 28 mai 1979 et le 1er
janvier 1981, la Grce devient finalement le dixime membre de la
CEE. Il est alors vident que la volont de consolider le rgime
dmocratique renaissant constitue un argument de poids
suffisamment important pour passer outre les considrations
purement conomiques.
Commence alors pour le pays un long et difficile processus
de rattrapage . Car lorsque lconomie hellnique adhre la
3 Tandis que le Parti conservateur (Nouvelle dmocratie) du Premier ministre alorsau pouvoir, Constantin Karamanlis, soutient activement la procdure dadhsion, leParti socialiste (PASOK) et les communistes prosovitiques du KKE sy opposent fermement, par crainte dune dpendance politique et conomique du pays.
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Communaut, elle est un pays pauvre et les difficults surmonter
sont importantes. Le PIB est nettement plus faible que celui de ses
partenaires, de 50% infrieur la moyenne europenne et les
structures conomiques grecques accusent de srieux
archasmes au regard de ses nouveaux partenaires et
comptiteurs au sein de la CEE4.
Dans la mesure o les disparits conomiques entre la Grce et ses
partenaires rendent impossible lapplication immdiate des rgles
bruxelloises, les conditions dadhsion lui sont particulirement
favorables. Une priode de transition de cinq sept ans, selon les
produits, lui est accorde pour adapter progressivement son
conomie. Par contre en tant que membre part entire de la CEE,
la Grce peut bnficier pleinement des mcanismes de
redistribution et des fonds structurels europens. En vingt ans, la
Grce bnficiera de prs de 80 milliards deuros de crditscommunautaires, soit une moyenne de 4 milliards par an (lquivalent
de 2 points de PIB par an)5.
1999-2001 : Du rendez-vous manqu de Maastricht
lentre dans la zone euro
Malgr ces progrs, la Grce sera recale lexamen de Maastricht.
On se souvient que pour tre accepts dans la zone euro, les
postulants taient tenus de respecter une srie de critres dits deconvergence . Dans le cas grec, le rythme de son inflation est alors
jug encore trop lev, de mme que son dficit budgtaire et sa
dette.
Simple report. Deux ans aprs, la Grce frappe une seconde fois la
porte de la zone euro. Cette fois-ci, compte tenu des amliorations
constates, elle est retenue et devient, le 1er janvier 2001, le
douzime Etat adopter la monnaie unique. Par ses propres
mrites, sans condition, sans engagement, sans ngociation
politique, comme aime alors le rpter Kostas Simitis, Premier
ministre socialiste.
4 Lagriculture prsente des retards structurels importants : prix largement
subventionns, pnurie dinfrastructures Elle occupe encore en 1980 prs duntiers de la population active, pour moins de 8% dans le reste de la Communaut(OCDE, 1997). La taille moyenne des exploitations est moiti moins leve que chezles Neuf. Producteurs et distributeurs ne font pas le poids devant leurs concurrentseuropens. Lindustrie, publique ou prive, est intrinsquement faible, peu diversifie
et tourne avec une productivit mdiocre. Elle est surtout axe sur les biens deconsommation courante et dlaisse les biens dquipement et les filirestechnologiques.5.N.-J. Brehon, La Grce, les PIGS et l'argent de l'Europe, La Tribune
(17/02/2010).
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Pas si simple cependant. Puisque que dans lombre a opr La
Banque . Il est en effet aujourdhui tabli que la grande banque
daffaire amricaine Goldman Sachs, par des montages financiers
complexes et la fabrication de produits drivs ad hoc, a permis aux
autorits grecques de minorer fictivement le dficit public de plusieurs
milliards deuros. LUE a-t-elle t dupe ou sest-elle laiss duper ?
On ne le saura sans doute jamais. Aucune enqute notre
connaissance nest mene sur les manipulations auxquelles a
procd Goldman Sachs pour le compte de la Grce.
Hors tours de passe-passe comptables, il reste que la Grce, pour
passer lexamen de leuro, sest soumise un rgime drastique :
privatisations, durcissement de la politique montaire se traduisant
par une priode prolonge de taux dintrt rels levs,
compression des dpenses pour rduire le dficit budgtaire Le
tout pour des rsultats vritables. Alors quau dbut de la dcennie1990, la Grce affichait des performances mdiocres : inflation
galopante excdant les 20%, alimente par un dficit public de 16%
du PIB, ratio dette / PIB avoisinant les 160% (OCDE, 2001), au dbut
des annes 2000, tous les critres de convergence sont atteints,
lexception (dj) de celui concernant la dette publique ancre plus
de 100% du PIB (graphiques 1,2 et 3). Mais dans la mesure o cette
dernire diminuait constamment, cest la tendance qui a compt. Le
satisfecit est alors unanime. Pour le FMI, lconomie grecque a
ralis des progrs remarquables ces dernires annes .
Admirable et remarquable , renchrit Wim Duisenberg, alors
prsident de la BCE. Qui veut noyer son chien le dclare enrag.
Linverse bien sr est tout aussi vrai.
2004-2005 : Une crise de la dette dj et une premire
mise sous tutelle
Ces satisfcits largement attribus ne dureront pas. Comme le dficit
public ne se rsorbe pas et tend mme se creuser encore
davantage, la Grce connait sa premire Procdure pour DficitExcessif (PDE) en juillet 2004, suivie quelques mois plus tard (en
janvier 2005) par une premire mise en demeure. Il sagissait alors
de faire respecter le Pacte de Stabilit et de Croissance (PSC)
(article 104, paragraphe 9 du trait de Maastricht). Athnes est mise
sous-tutelle budgtaire par la Commission. Il lui est reproch davoir
transmis aux instances europennes des chiffres de dficit public
constamment infrieurs 3% sur la priode 1997-2003, alors quen
ralit, ces derniers, une fois corrigs par Eurostat, excdaient le
seuil du pacte de stabilit. Au passage la Grce connait galement
sa premire procdure dinfraction pournon-respect des rglements
statistiques en dcembre 2004.
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Pour revenir dans les clous du pacte de stabilit, le gouvernement
conservateur de Costa Caramanlis engage alors une politique de
rigueur marque par le contrle des dpenses publiques assorti de
quelques mesures visant laugmentation des recettes fiscales
(hausse TVA, taxes sur alcool, tabac, lutte contre lvasion fiscale..).
Les privatisations serviront ponger le solde (aroport, jeux,
secteur bancaire). Le gouvernement en profitera galement pour
accrotre lgrement la flexibilit du march du travail (baisse du
cot des heures supplmentaires). Finalement, le dficit repassera
officiellement sous la limite des 3% en 2007.
La Commission mettra fin sa procdure contre dficit excessif en
mai 2007. Ce point vaut dtre rappel avec force. Car il signifie quen
Grce (comme ailleurs dans la zone Euro), lentre de la crise
financire qui va semer le chaos dans le monde, la Grce, (comme la
zone euro) est dans une situation de dette publique et de dficit
budgtaire juge parfaitement saine, au regard mme des trs strictscritres du PSC. Il faut en effet rappeler quen 2007 aucun pays de la
zone euro ne connait de PDE ! (En 2010, aprs que la tornade
financire fut passe par l, tous les pays de la zone euro, y compris
lAllemagne seront placs sous PDE)
Ces tensions entre lUE et la Grce, qui on le voit ne datent pas
daujourdhui ne sont pourtant quune sorte dentre en matire. La
vraie crise et la vraie punition impose la Grce (car comme on
le verra, il y a de cela dans les mesures qui lui sont imposes partir
de 2010) ne viendront que plus tard, avec lexplosion de sa dette
publique, ici comme en Irlande et ailleurs, conscutive la crisefinancire.
2. La crise grecque : une mise en perspective
Si les chiffres publis en 2009 par le gouvernement grec attestent
dune situation alarmante, il faut rappeler que tout na pas t noir
dans lhistoire rcente de la Grce. Bien au contraire, dun certain
point de vue la dcennie 2000 aura t particulirement bonne pour
lconomie grecque. Elle connait en effet un taux de croissancesuprieur 4% par an, bien suprieur celui de la moyenne
europenne (graphique 4).
Cest qu la vrit, dans un premier temps, la Grce a fortement
bnfici de son adhsion la CEE (et dabord sous la forme daides
multiples qui lui ont alors t consenties), puis la zone euro. La
croissance grecque dans la dcennie 2000 a t facilite par des
taux dintrt bas, proches de ceux de lAllemagne (graphique 5).
Une situation nouvelle pour la Grce qui auparavant subissait de la
part des marchs un spread lev. Ds 2001, la Grce va tirer parti
de son adhsion la zone euro, recourant (cest lenvers de la
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mdaille) lendettement international pour financer sa croissance.
Celle-ci est alors largement assise sur deux piliers : un crdit facile
daccs et peu coteux et la dpense publique. Le dficit public se
creuse, mais nul (pas mme les agences de notation) ne sen
inquite vraiment. La croissance apparat alors comme un garant
crdible de la capacit rembourser.
Laspect ngatif de son adhsion la zone euro ne va apparatre que
progressivement, avec lapprciation continue et forte de leuro. Pour
lconomie grecque, lenvole de leuro est fortement pnalisante. Le
dficit extrieur ne cesse de crotre, et vient sajouter celui de la
dpense publique toujours ncessaire pour soutenir la croissance. La
Grce entre inexorablement dans des zones de dsquilibres
structurels.
Dans ce contexte la crise financire mondiale, telle quelle se
dveloppe notamment aprs la chute de Lehman Brothers en 2008,
sera fatale aux prcaires quilibres grecs. Dans la crise, de
nombreux Etats se portent au secours de leur secteur bancaire et
laissent filer leurs dficits pour soutenir lactivit. Dans un premier
temps, trop soucieuse de sa propre survie, la finance internationale
fait fi de lexplosion des dficits publics. Mais une fois sauvs , les
marchs commencent sinterroger sur la soutenabilit des dettes
publiques, celles-l mmes qui se sont constitues pour venir leur
secours et tenter de sortir lconomie du chaos o ils les avaient
plongs.
Au plan mondial, la dette publique de la zone euro va vite apparatre
comme le maillon faible. Non du fait de sa dimension. Comme le
rappelle justement H. Sterdyniak6, la dette publique de la zone euro
(en % du PIB) est nettement infrieure celle des Etats-Unis ou du
Royaume- Uni et trs faible par rapport celle du Japon !
Non ! Si certaines dettes publiques au sein de la zone euro
apparaissent comme des proies et des cibles pour les spculateurs
et les marchs financiers internationaux, cest en raison des
dfaillances institutionnelles dans la construction et le concept mme
de la zone euro. Deux dispositions institutionnelles en particulier sont
ici en question :
- celles qui interdisent la BCE dacqurir des titres de la dette
publique, livrant celle-ci aux marchs financiers, qui de ce fait les
considrent comme leur domaine rserv et leur terrain de
manuvre privilgi,
6Cf 20 ans daveuglement. LEurope au bout du gouffre .
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- celles qui interdisent la solidarit entre pays membres en cas de
crise grave de lun dentre eux ( no bail out , article 125 du
Trait de Lisbonne).
A partir de 2009, les marchs financiers vont comprendre tout le
bnfice quils peuvent tirer de ces dfaillances dans la constructioninstitutionnelle de la zone euro. Ils vont sengouffrer dans ces failles.
La Grce sera la premire cible, la premire victime. LIrlande et le
Portugal suivront. Dautres pays (lEspagne en particulier) sont en
liste dattente7.
Aprs Lehman Brothers: lentre de la Grce en crise
aige
Aprs Lehman Brothers et le tarissement des liquidits au niveaumondial, les vnements sacclrent. A Athnes, la criseest dabord
politique. Le 3 septembre 2009, Costas Caramanlis, alors chef du
gouvernement, appelle lorganisation dlections lgislatives
anticipes. La perspective de temps difficiles en raison de la crise
le pousse solliciter un mandat clair pour prendre des mesures
difficiles. Manifestement, les Grecs ne sont gure disposs lui
accorder le mandat demand. Le 4 octobre, la droite est lourdement
sanctionne, et le PASOK obtient la majorit absolue en siges au
Parlement. Le nouveau chef du gouvernement social-dmocrate,
George Papandrou, prend les rnes du pouvoir alors que tous lesindicateurs conomiques sont au rouge. Et trs vite, la relance de
type keynsien et le dveloppement vert promis lors de la
campagne vont laisser place une cure daustrit sans prcdent.
Le nouveau gouvernement, comme cest souvent le cas, entend faire
porter la responsabilit de la situation au gouvernement prcdent. Il
fait procder une nouvelle valuation de la dette. Le rsultat est
brutal. Le dficit budgtaire est rvis une premire fois nettement
la hausse, pour tre fix 12,7% du PIB en 2009, contre 3,7% prvu
dans le budget 2009, et au moins deux fois plus que ce qui tait
annonc par le gouvernement prcdent en septembre. La dette
publique est value 113,4% du PIB, soit 300 milliards deuros,
pour la fin de lanne et 120,8% en 2010. Le 11 novembre, la
Commission europenne qui en fvrier avait dj enclench une
procdure pour dficit excessif sapprte passer la phase
suivante : la mise en place de sanctions8.La Grce inquite
7 A lheure o ces lignes sont crites, mi-juillet 2011, deux nouveaux pays sont
soumis des attaques spculatives des marchs : lItalie, et la Belgique.8
Le drapage des comptes publics grecs inquite les investisseursinternationaux (26/11/09), Le Monde.
http://www.amb-grece.fr/articles_presse/2009/le_monde_26_11_09.htmhttp://www.amb-grece.fr/articles_presse/2009/le_monde_26_11_09.htm -
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Dans ce contexte trs dgrad, en dcembre les agences de
notation, poissons pilotes des marchs lancent les hostilits.
Standard & Poors (S&P) dabord, Fitch dans la foule abaissent
brutalement les notes de la dette grecque9. La bourse dAthnes
chute. Les taux exigs pour lachat des titres grecs explosent10. La
Commission salarme et appelle Athnes agir.
Le lundi 14 dcembre, George Papandrou prsente dans les
grandes lignes les mesures quil est dcid engager pour redresser
la situation. Finies les promesses lectorales et les annonces de
politique sociale avance et de croissance verte. Il proclame : Soit
nous changeons soit nous coulons () Nous devrons tous perdre de
notre confort . Au grand dam du premier ministre grec qui esprait
un peu de rpit, sa dclaration se traduit par une nouvelle offensive
des agences de notation11. Consquence immdiate, les taux
dintrt pour les nouveaux emprunts que doit souscrire le pays serenchrissent encore davantage. Les marchs, que le plan
daustrit de Papandrou voulait rassurer, se saisissent de
loccasion. Ils en veulent plus. Plus daustrit, plus dimpts, moins
de dpenses sociales, plus de sacrifices du peuple grec, afin de
sassurer queux-mmes soient pays rubis sur longle. Et la politique
de la BCE tant ce quelle est, il ny a aucun autre recours que de
satisfaire les marchs 12. Faute de BCE, il faut donc se payer sur
la bte. Et la bte en loccurrence cest le peuple grec. Le 23
dcembre, le Parlement vote un budget 2010 de crise destin
rduire le dficit13. Celui-ci sera suivi par un programmedassainissement des finances publiques portant sur trois annes.
Objectif : ramener le dficit public dans les limites du Pacte de
stabilit lhorizon 2012. Une cure de cheval.
9Le 7, S&P met la dette grecque sous surveillance ngative. Le lendemain, Fitch
dcide quant elle de dgrader sa note souveraine de A- BBB+ avec uneperspective ngative en raison de fortes inquitudes sur les finances publiquesdu pays et dincertitudes sur la reprise conomique. Les investisseurs ragissent
mal.10Comme nous allons le prciser dans un instant, la spculation sur les CDS,
permettant aux dtenteurs de ces titres de ramasser de fortes mises, nest pastrangre ces hausses brutales.11
Le 16 dcembre S&P abaisse sa note de A- BBB+, sa concurrente Moodyslimite le 22 (de A1 A2).12
Puisque le refinancement de la dette auprs de la BCE devient pratiquementimpossible. Il faut en effet rappeler que la BCE fixe une note de crdit minimale pouraccepter comme collatrale une dette dans le cadre de ses oprations derefinancement. Les nouvelles notes attribues par les agences de notation excluentde fait le recours au refinancement par la BCE. Car en fixant un seuil minimal lligibilit des titres, de facto les titres grecs risquent un moment dtre exclus desoprations de refinancement de la banque francfortoise. Comme nous verrons, laBCE suspendra ce critre dbut mai 2010.13
Le budget prvoit la baisse dau moins 10% des salaires des dirigeants desentreprises publiques, le prlvement dun impt exceptionnel sur les grands profitset les grandes fortunes, une hausse des taxes sur le tabac et lalcool, lerenforcement de la lutte contre la fraude fiscale et la rduction du budget de la
dfense.
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Les tergiversations de lUE
LUE, profondment divise, au lieu dteindre le feu, joue les
Cassandre. Des voix autorises en Allemagne se font lourdement
entendre. Pour indiquer (no bail out clause lappui) que la Grcedoit faire face seule. Que la solidarit ne saurait jouer. Des dputs
allemands du parti dAngela Merkel suggrent une solution : les
Grecs nont qu vendre leurs les !... (On imagine aisment que les
banques - dAllemagne ou dailleurs - lies au tourisme se porteraient
acqureurs). De fait, en coulisses les ngociateurs sagitent. On sait
bien dans les hautes sphres de lUE, quune faillite grecque serait
catastrophique pour la zone euro dans son ensemble, et trs
dsastreux pour les banques europennes (notamment allemandes
et franaises) qui sont les principales crditrices et dtentrices de sa
dette souveraine. Les Etats- Unis sen mlent et poussent ce quunplan daide soit mis en place. Obama envoie des messages
pressants. En effet : les fonds de pensions tats-uniens sont de gros
dtenteurs de titres de la dette grecque (le chiffre de 15 milliards
deuros circule en sous-main). Outre-Atlantique on ne peut imaginer
un dfaut sur ces titres, qui dtriorerait encore davantage lactif des
fonds de pensions dj fortement dgrad par la crise financire de
2007-2009.
Tout se passe cependant du ct de lUE comme si, avant dagir, ilfallait au maximum faire monter la pression et la menace. Obtenir tout
ce qui pouvait ltre et au-del de laustrit impose au peuple
grec.
Cette stratgie fonctionne assez bien. Prsente la mi-janvier 2010,
une premire mouture du plan chafaud par le gouvernement
Papandreou prvoit un accroissement des recettes - travers des
hausses dimpts - denviron 7 milliards deuros et une contraction
des dpenses de 3,6 milliards14. Le 2 fvrier, la Commission rend un
jugement favorable, mais conditionnel. La Grce a adopt unprogramme ambitieux mais ralisable que nous soutenons. Mais si
ses objectifs semblent menacs, elle devra prendre immdiatement
des mesures supplmentaires. Pour appuyer ses efforts, nous allons
mettre en place, pour la premire fois, un systme de surveillance
intense et quasi permanent , explique alors Joaquin Almunia
(Commissaire europen la concurrence). Le gouvernement
Papandrou devra prsenter la mi-mars, la mi-mai, puis chaque
14Les mesures, pour certaines dj prsentes dans le budget 2010, comprennent le
renforcement de la lutte contre lvasion fiscale, labolition des privilges fiscaux, unetaxe exceptionnelle sur les grandes fortunes et des privatisations. Ct dpenses,les primes des fonctionnaires seront rduites, les CDD non renouvels, les hautssalaires bloqus, les dpenses des hpitaux et de larme diminues. La vente debiens publics est prvue.
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trimestre un rapport, dtaillant chaque fois le chemin parcouru.
Pour manifester que le message est bien reu, les autorits
hellniques annoncent la veille de lexamen par la Commission des
mesures supplmentaires qui viennent sajouter au plan prsent mi-
janvier15.
La Commission accentue encore la pression pour toujours plus
dconomies. Dans les mots de Jean-Claude Junker, prsident de
lEuro group : La Grce doit intensifier ses efforts pour limiter son
dficit public (). La Grce doit comprendre que les contribuables
allemands, belges ou luxembourgeois ne sont pas prts faire les
frais des mauvaises politiques budgtaires grecques . Il aurait d
ajouter et des prts consentis la Grce par les banques des
mmes pays , mais de ce commentaire-l, il sest abstenu. Sous la
pression ainsi exerce par lUE, et en dpit de vives tensions
sociales, la Grce prsente le 3 mars un troisime train de mesures,pour 4,8 milliards deuros dconomies supplmentaires
16. Mesures
bien accueillies par Berlin et Bruxelles .
25 mars 2010: lentre en lice de la Troka
Le 25 mars, aprs des semaines de tractations, lUE abat ses cartes.
Un compromis sur un plan daide est trouv. Mais lUE sentoure
dune garantie de taille. Cest le FMI, grand ordonnateur des plans
dajustements travers le monde depuis des dcennies, qui sera auxmanettes, la fois pour prciser le dtail du plan et veiller sa bonne
excution. On passe ainsi subrepticement dun gouvernement par
les nombres (lUE se contentait dexercer une surveillance sur le
respect des critres du Pacte de Stabilit, charge pour les pays dy
satisfaire), la basse cuisine et au gouvernement par la main visible
du FMI. Cest la condition impose notamment par lAllemagne,
comme sil fallait punir le peuple grec.
Finalement, le 2 mai, les ministres des Finances de lEuro group
entrinent le mcanisme daide la Grce concoct par la Troka.
Lconomie hellnique se voit accorder une aide financire de 110
milliards deuros sur trois ans, en contrepartie dun programme
daustrit sans prcdent. Les mesures du nouveau plan viennent
sajouter aux prcdentes (voir section 3 pour les dtails du
programme)17.
15Telle lextension du gel des salaires dans toute la fonction publique en 2010, le
recul de lge lgal de dpart la retraite 63 ans et de nouvelles hausses de taxes.16
Parmi les nouvelles mesures : le relvement de diverses taxes (TVA, alcools,
tabac, carburant, produits de luxe), de nouvelles coupes salariales dans la fonctionpublique et le gel des retraites.17
Dans la foule, lUE opre un tournant majeur de sa doctrine, et cre deux sriesde dispositifs institutionnels nouveaux : le FESF dun ct, le MES de lautre (cf. 20ans daveuglement o ces dispositifs sont prsents).
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A ce moment on nage en pleine improvisation. Toujours prisonnier de
sa doctrine de non-solidarit entre pays membres de la zone, il est
bien pris soin daffirmer que le FESF a une vocation temporaire. Sa
suppression est prvue pour la fin de 2013, avec lextinction
annonce du prt La Grce. Le dispositif est donc conu comme adhocet temporaire. Sil faut rassurer les marchs il faut aussi ne
surtout pas laisser penser aux Etats de la zone euro que cest un
principe durable de solidarit qui sinstalle avec ces institutions
nouvelles.
Dans la foule, la BCE, soucieuse de garantir lintrt des banques et
de la finance prend une dcision historique. Elle annonce quelle lve
toute condition relative la notation de crdit pour les titres grecs
quelle accepte comme collatraux pour refinancement. Dit
autrement, la BCE incite les investisseurs financiers acqurir de ladette grecque, puisquelle sengage laccepter en contrepartie
dargent frais. Cette mesure, une premire dans lhistoire de la BCE,
sera maintenue jusqu nouvel ordre .
3. La dette souveraine : de quoi parle-t-on ?
Avant de poursuivre, sans doute convient-il de sarrter quelques
instants sur les origines et la composition de la dette grecque. Ainsi
que sur les motifs qui expliquent que la crise ait pris un tour si aigu.
Origines de la dette
Sur la dette grecque, on na jamais entendu quun seul discours.
Celui des cranciers qui soudainement, aprs avoir prt pendant
des dcennies et souvent des taux trs bas (proches des taux
allemands sur la priode 2001 2008), ont vilipend les pouvoirs
publics, les accusant de tous les maux. Si, incontestablement, les
finances publiques grecques ncessitent une trs srieuse mise jour, tout ne tient pas lincurie des pouvoirs publics. Les origines et
les causes de la monte de lendettement public sont multiples et
bien plus complexes que ce qui est prsent dordinaire.
Une premire cause du dficit public tient la nature du systme
fiscal qui prvaut en Grce. Dans ce pays, le dficit budgtaire a en
permanence dpass les critres de Maastricht, et ce malgr un taux
de croissance du PIB trs dynamique pendant de longues annes.
Avec une administration fiscale peu organise, disposant de peu de
moyens, mine par le clientlisme et la corruption, la sous-
dclaration gnralise des revenus des fins de fraude fiscale est
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systmatique18. Les niches fiscales favorisant les hauts revenus
sont lgion et lassiette de limpt est trs troite19. Elle lest dautant
quune composant importante de lconomie - estime 25% du PIB
par Schneider (2009) - relve de lconomie informelle (contre une
moyenne de 14% dans la zone euro).
Il en rsulte que le manque gagner fiscal atteint des sommets : les
revenus des impts ont reprsent en moyenne 31,9% du PIB sur la
priode 1995-2005, soit un niveau infrieur denviron 8,5 points la
moyenne dans les pays de lUE15 (Honjo et Chua, 2008). En Grce,
comme dans de nombreux pays de la zone euro, le dficit est moins
d limpcuniosit de lEtat qu une insuffisance des recettes. Et
cette caractristique se rpte sur les autres composantes du
systme fiscal (taxes indirectes en particulier). Cest ainsi que peu
avant le dclenchement de la crise (2007), les recettes totales des
administrations publiques slevaient 39,8% du PIB contre 46,2%pour les dpenses totales (OCDE, 2009). En Grce la comptition
fiscale par le bas installe par le Trait de Maastricht a donc fait
merveille. La Grce est championne ce palmars-l !
Du ct des dpenses, outre des excs manifestes lis aux pratiques
clientlistes des gouvernements qui se sont succd, le conflit avec
la Turquie (occupation dune partie de Chypre) a conduit des
dpenses darmement extrmement leves en pourcentage du
PIB20. A quoi il faut ajouter un dficit important hrit des Jeux
Olympiques de 2004, jamais pong et report de budget en budget.
Plus fondamentalement, comme on la rappel plus haut, le souci de
maintenir une croissance leve (dans le cadre du rattrapage
gnral engag par la Grce avec son entre dans la CEE) a but
sur la hausse de leuro, dont lapprciation a pnalis la faible
18Flevotomou et Matsaganis (2007) estiment 10 % la sous-dclaration des
revenus des fins de fraude fiscale, ce qui se traduit par un manque gagner de
recettes fiscales de 26%.19La constitution accorde notamment aux armateurs une immunit fiscale, justifie
comme une incitation retenir leur activit en Grce. Concrtement, le fisc ne peuttout simplement pas vrifier leurs comptes. De facto, les armateurs jouissent dunstatut dextraterritorialit. La trs riche Eglise orthodoxe, le plus gros propritairefoncier du pays et dont les prtres ont le statut de fonctionnaires, a galementchapp pendant longtemps limpt. Depuis mai 2010, elle voit ses revenusimposs. Voir le blog de J. Quatremer, correspondant pour Libration Bruxelles.http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.html20
La Grce est la nation dont le ratio dpenses militaires / PIB est le plus levdEurope, (3,3% en 2007). De 1988 2008, la moyenne grecque aura t de 4% duPIB, contre 3,4 pour la Turquie ou 2,9 pour la France ou la Grande-Bretagne (Hebert,2010). Selon le rapport 2010 du SIPRI, sur la priode 2005-2009, la Grce figure
parmi les 5 plus importants acheteurs darmes conventionnelles au monde. Et fautedindustrie nationale, la Grce doit importer la quasi-totalit de son armement. Augrand bnfice de ses partenaires europens. Aussi, entre 2005 et 2009, elle areprsent le 2
memarch dexportations darmement de lAllemagne, le 3
mepour la
France.
http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.htmlhttp://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.htmlhttp://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.htmlhttp://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.htmlhttp://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/06/la-gr%C3%A8ce-ou-les-%C3%A9curies-daugias.html -
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conomie grecque. Avec un taux de change formidablement
survalu compte tenu des caractristiques de son appareil productif,
et prive de la possibilit de soutenir sa capacit exporter en
maniant sa politique montaire et de change, lindustrie grecque a
subi de plein fouet la concurrence internationale, comme en tmoigne
le recul de lemploi manufactur (graphique 6), mais aussi plus
directement encore le dsquilibre sans cesse plus grand dune
balance commerciale structurellement dficitaire (graphique 7)21.
Pour toutes ces raisons, au fil du temps, mcaniquement, le
dsquilibre entre recettes et dpenses publiques sest traduit par un
creusement du dficit du solde primaire dont leffet ngatif sur le
dficit budgtaire est amplifi par la charge de la dette qui elle-mme
na cess de crotre (graphique 8). Si lon ajoute cela quen Grce
comme ailleurs la crise financire de 2007-2009 a eu un puissant
effet acclrateur sur tous les dsquilibres que nous venonsdindiquer, on comprend que lopration vrit de 2009 ait sonn
lheure dun rveil brutal.
Le rle aggravant de la spculation
Sur la base de cette situation structurellement dgrade, la
spculation - rendue possible par les nouveaux instruments dont la
drglementation financire a favoris lexpansion - a jou un rle
profondment dstabilisateur et aggravant.
Dans cette affaire, comme pour la crise des subprimes, les CDS
( credit default swap ) sont en premire ligne. Pour comprendre ce
qui sest pass en Grce il faut rappeler quun CDS peut tre
compar une assurance souscrite par un crancier, dtenteur
dun titre de crance pour se couvrir du risque de dfaut dun
emprunteur. Le vendeur de la protection (qui est suppos
assumer le risque en cas de dfaut) peroit en change du service
offert une prime chance fixe paye par le dtenteur du titre qui
cherche se couvrir contre le risque en achetant une protection.
Cette prime est suppose assurer la contrepartie du remboursement
des pertes si un vnement de crdit fix dans le contrat se produit.
Le niveau de la prime de risque, qui se ngocie sur le march, est
peru comme une indication de la qualit de crdit de lactif de
21Un point positif de lvolution du commerce extrieur grec est constitu par le trs
fort dynamisme de ses exportations vers les pays dEurope orien tale, notammentlAlbanie, la Bulgarie, la Macdoine, la Roumanie, auxquels ajouter la Russie et laTurquie (Honjo et Chua, 2008).
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rfrence22. Plus la prime dun CDS est leve, plus lactif sous-
jacent (dans notre cas un bon du trsor grec) est peru comme
risqu. De mme, quand la situation dun emprunteur se dtriore,
notamment lorsque sa note est dgrade, la prime verser pour une
nouvelle opration de protection augmente. Les primes fluctuent
donc en fonction de lvolution de la perception qua le march de la
qualit de crdit de lactif considr. Evidemment, il existe un march
des CDS non rgul et totalement opaque, sur lesquels les CDS
schangent dans des contrats de gr gr.
Dans le cas qui nous occupe, il suffit donc que le risque attach
aux titres de la dette publique grecque augmente pour que la prime
de risque revendique par les vendeurs de protection augmente.
Leur intrt est donc que ce risque peru soit le plus lev possible.
De surcrot les CDS sont des produits autonomes : les investisseurs
peuvent librement acheter et vendre des CDS nus sur desobligations (des titres de dette) quils ne dtiennent pas. De ce fait,
les spculateurs peuvent jouer sur le dfaut dun Etat vis--vis duquel
ils ne sont pas exposs23. Et ils peuvent le faire en utilisant des
procds trs puissants, avec des sommes trs rduites24. Cest
comme si quelqu'un prenait une assurance-incendie sur la maison de
son voisin. Il aurait alors tout intrt y mettre le feu pour toucher
lassurance rsume Papandrou. Et cest bien sr ce qui advint. La
spculation sur la dette grecque (relaye par et appuye sur les
notes toujours plus dgrades des agences de notation25) a battu son
plein. Les dtenteurs de CDS ont ainsi vu les primes qui leur sontalloues monter en flche, et ce risque pratiquement nul26. Le plus
piquant de lhistoire est que tout indique quun des principaux
spculateurs ayant provoqu la hausse des taux dintrt sur la dette
grecque (et donc sur les primes verses au titre des CDS) est : la
Banque amricaine Goldman Sachs, celle-l mme qui ayant
prpar les comptes grecs pour lUE savait fort bien et longtemps
lavance quil y avait quelque chose et beaucoup dargent - faire
sur les CDS !...
22
Pour simplifier, la prime est gale la diffrence entre le taux dintrt delobligation vendue par le pays et le taux dune obligation rpute non risque (leBund allemand).23
Cette pratique est lobjet de vives critiques, jusques et y compris de la part dediffrents groupes au Parlement Europen. Mais pour lheure, la Commissionsoppose son interdictionhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdf24
La mthode principale consiste procder des achats ou ventes dcouvert en spculant sur la hausse (ou la baisse) future ( terme) dun titre quelconque. Pource faire ils peuvent spculer sur des masses trs importantes en nengageant quunepartie trs rduite de cash.25
Une sorte de bulle se cre : en effet pour les agences de notation les primesverses sur les CDS reprsentent une valuation objective de la qualit de
remboursement dun Etat. En augmentant elles conduisent les agences dgraderles notes de la dette publique. Celle-ci dgrade, les primes demandes sur les CDSaugmentent, et le jeu spculatif se dveloppe.26
Il faut en effet rappeler, quen cas de dfaut, les assureurs sont les premiers faire faillite. La crise de 2007-2009 est venue rappeler cette vrit.
http://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdfhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdfhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdfhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdfhttp://www.europarl.europa.eu/pdfs/news/expert/infopress/20110128IPR12779/20110128IPR12779_fr.pdf -
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4. Le plan de la Troka, sa philosophie et sesgrandes orientations
Cest finalement le 2 Mai 2010 que les ministres des Finances de la
zone euro entrinent lactivation du plan daide la Grce27. Le
lendemain est sign le Mmorandum daccord qui quelques jours
plus tard sera approuv par le Parlement. Ds aujourdhui, nous
nous mettons au travail pour accomplir un miracle grec demain
dclare alors Papandrou.
La philosophie du plan
Il serait fastidieux dnoncer une une lensemble des mesures et
des rformes que la Grce sest engage mettre en uvre. Il nousparat plus opportun et judicieux dinsister sur les principes et la
philosophie qui les inspire. Comme le plan grec est le premier de
cette espce et quil inaugure une srie de plans analogues il vaut de
sy arrter un instant. Quintroduit donc de nouveau ce plan suscit
par la crise des dettes souveraines, et qui servira de modle
ceux qui suivront ?
1) Premier trait saillant, lUE pas plus que le FMI, ne sen prend aux
conditions permissives et aux facteurs lorigine des crisessouveraines. Lexplosion de la dette souveraine est envisage
comme un problme de finances publiques, quil faut traiter
comme tel, en rduisant les actions ce primtre : abaisser la
dpense, augmenter les recettes
2) Dans les dispositifs mis en uvre, on assiste une vraie
rvolution. Par rapport aux instruments de contrle qui prvalaient
jusque-l (la mise en uvre des PDE drivs du Pacte de
Stabilit et de Croissance), la rupture est complte. Elle porte sur
deux points.
- Cest la fin du soft control . Au gouvernement par les
nombres , distance et abstrait est substitue lentre brutale
de la main visible des experts , bureaucrates et contrleurs
de la Troka. Chaque mesure du plan est prcise, dtaille, son
timing est fix. Du reporting est organis pour vrifier que
chaque mesure a bien t mise en place. Laide dbite en
tranches dpend de la bonne excution des mesures prvues
dans la tranche prcdente. Le prt est susceptible dtresuspendu si le plan nest pas excut.
27Le 9 Mai, le conseil dadministration du FMI approuve son tour le plan.
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- Ce faisant, le choix des mesures susceptibles de permettre le
retour lquilibre nest plus de la prrogative de lEtat national,
comme ctait le cas avec les PDE. Les mesures appliquer
doivent recevoir lassentiment de la Troka. En pratique elles sont
souvent dfinies et imposes par elle.
3) Un autre point remarquable est que lUE renonce sa propre
souverainet dans le traitement de ses difficults internes. En
salliant au FMI, rig en bailleur de fonds associ, elle donne sur
le traitement des dficits publics des Etats membres (et donc sur
la question de la gestion de sa propre monnaie) un pouvoir de
dcision (et de nuisance, nous y reviendrons28) des acteurs
externes, en loccurrence un bailleur de fonds multilatral o
sexerce linfluence puissante des Etats-Unis et dont les
processus de prise de dcisions se font sur des critres
financiers, bien loin des considrations et compromis politiquesqui ont toujours caractris lhistoire de la construction de lUE.
4) Sur les principes qui animent le plan, il sagit dun mtin du
dogme et des savoir-faire du FMI, expert s-plans
dajustements sil en est, et de la vision librale de lUE dominante
et agissante, aujourdhui comme depuis deux dcennies au moins
Bruxelles. Cest ainsi quon mle et additionne des mesures
brutales de rduction de la dpense publique, et notamment en
coupant durement dans les effectifs de la fonction publique et la
dpense sociale (retraites et sant publique sont lobjet
dattaques violentes), avec des rformes dites structurelles
visant installer les logiques et les rgulations de march l o
elles ne dominaient pas totalement. Contraction de la dpense et
du domaine public dun ct, durcissement des ajustements de
march et privatisations de lautre sont les deux sources
dinspiration du plan. Une sorte de revival en grand du
Consensus de Washington que daucuns prtendaient
enterr, et auquel la nouvelle alliance conclue entre lUE et le
FMI redonne vie et prgnance.
et son modus operandi: un cocktail explosif de coupes
dans les dpenses sociales et de hausses dimpts
28Cest ainsi quen Juin 2011, le FMI sest refus un temps verser sa contribution
la 5me tranche du prt (soit 3,3 milliards deuros sur les 12 milliards deuros
programms) prvu dans le Plan de mai 2010, conditionnant ce versement lavalidation par le Parlement grecdun nime plan daustrit. Cette attitude du FMI a
contribu tendre encore une situation dramatique en faisant planer le risque dundfaut de la Grce, afin dobtenir de ce pays un durcissement sans prcdent delaustrit et un vaste programme de privatisations (voir section 6).
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En pratique le prt porte sur un montant de 110 milliards deuros
tal sur trois ans, au taux (trs lev) de 5% en quivalent taux fixe.
Les Etats de la zone euro contribueront hauteur de 80 milliards,
sous forme de contrats de prts bilatraux29. Le FMI apporte le solde
sous la forme dun accord de confirmation, linstrument de prt
standard de linstitution.
45 milliards deuros seront dbloqus ds la premire anne : 30
milliards venant des quinze partenaires de la Grce et quinze
milliards du FMI (Tableau 1). Les premiers dcaissements
interviendront avant le 19 mai, date laquelle la Grce est tenue de
rembourser prs de 9 milliards deuros ses cranciers
internationaux30. Ainsi la Grce pourra faire face ses chances
financires et rembourser sa dette arrive maturit sans tre
contrainte recourir aux marchs qui exigent delle des taux
prohibitifs.
En contrepartie, le gouvernement grec engage son pays dans une
cure daustrit considrable dont lobjectif est de rduire le dficit
public de 11 points du PIB sur trois ans, soit 30 milliards deuros
dconomies, pour ramener le dficit public sous le seuil des 3% dici
la fin 2014. Un objectif de toute vidence totalement non raliste.
Pour latteindre, des mesures nouvelles sont prises et viennent
sajouter celles dj annonces par le gouvernement au cours destrois premiers mois de lanne. Les efforts budgtaires se
concentrent en dbut de priode, principalement en 2010 et 2011
(tableau 2 pour une synthse chiffre des mesures). Alors que le
dficit public est estim 13,6% pour 2009, les autorits hellniques
se fixent comme objectif de le ramener 8,1% lanne suivante
(graphique 2)31.
Sur le fond, comme on la indiqu, le plan associe et mle des
dispositions qui touchent directement la gestion des finances
publiques avec des mesures consistant en des rformes
structurelles .
29La contribution des Etats membres de la zone euro est calcule en fonction de leur
poids relatif dans le capital de la BCE. Au total, lAllemagne contribuera ainsi
hauteur de 22,4 milliards deuros (8,4 milliards la premire anne), la France pour18,8 milliards (6,3 milliards) et lItalie pour 14,7 milliards (5,5 milliards). 30
Au total, 13 dcaissements sont programms entre mai 2010 et juin 2013.31
Le dficit 2009 sera finalement mesur -15,4% par Eurostat. En 2010, il sera de-10,5%.
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Mesures visant directement les finances publiques
a) Les coupes budgtaires sont massives et la fonction publique
est place en premire ligne. Trois mesures phares doivent tre
retenues : 1) gel des salaires des fonctionnaires pendant trois ans
et rduction des effectifs partir de 2012 en supprimant lespostes de contractuels et en respectant la rgle du non-
remplacement de quatre fonctionnaires sur cinq partant en
retraite, 2) les 13me et 14me mois sont supprims32, 3) coupes
drastiques dans les dpenses de fonctionnement et les
investissements publics, et rduction massive des subventions
aux entreprises publiques : un moyen prouv pour rendre leur
privatisation invitable et prcipiter leur venue.
b) La rforme des retraites visant elle aussi allger
lengagement public constitue certainement lun des dossiers
les plus durs quant ses effets sur le peuple grec. Outre la
suppression des 13me et 14memois de pension, lge de dpart
la retraite des femmes (alors 60 ans) doit tre align sur celui
des hommes, 65 ans, dici 2013. Sont galement prvus, et
la liste est longue : laugmentation de la dure de cotisation de 37
40 annuits dici 2015, linstauration dun ge minimum de
dpart la retraite 60 ans, lajustement automatique, tous les
trois ans, de lge de dpart la retraite en fonction de
lesprance de vie ( partir de 2020), lextension de la base
servant au calcul des pensions toute la carrire professionnelle
(et non plus sur les 5 dernires annes) et la rduction drastique
des mtiers considrs comme pnibles . Pour limiter les
dparts anticips la retraite, tout assur partant en retraite
anticipe doit tre pnalis par une dcote.
c) La sant publique est un autre domaine privilgi par les
coupures du plan. Pour rduire le cot de la prise en charge des
mdicaments, diverses mesures doivent tre prises comme
inciter la consommation de gnriques, rduire le nombre desmdicaments remboursables et accrotre la participation
financire des patients. En matire dorganisation, toutes les
activits lies la sant devront tre regroupes sous lgide du
mme ministre.
d) En parallle ces coupures est mise en place une forte hausse
de la pression fiscale. Les taux de TVA sont relevs (de 21%
32
En contrepartie, les agents percevant un salaire infrieur 3 000 euros brutauront une prime annuelle de 1 000 euros. De mme, les 13me
et 14me
mois depension pour les retraits du public et du priv seront supprims, soit de facto unebaisse des retraites denviron 15%. Pour les pensions infrieures 2 500 euros, uneprime de 800 euros fera office de compensation.
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23% pour le principal) et leur assiette est largie. Une srie
dimpts et de taxes sont augments - sur lalcool, les boissons
non alcoolises, le tabac, les carburants, les biens de luxe -, de
mme que limpt sur les hritages et les donations. De nouvelles
taxes seront galement cres, comme sur les jeux dargent, sur
les avantages en nature, une taxe verte sur lmission de C02,
sur les constructions illgales ou encore sur les bnfices des
entreprises les plus rentables. Dans le mme temps sont mises
en place une srie de mesures trs prcises pour sassurer dun
meilleur prlvement de limpt33.
Rformes structurelles et privatisations
Pour accompagner ces purges - et ici se lit en toutes lettres la patte
du FMI dont cest une spcialit avre - est mis en place un vaste
programme de rformes dites structurelles. Trois grandes rformes
visent les dpenses publiques, le march du travail et le march des
biens :
1. La fonction publique doit tre rvolutionne : rforme de la
procdure de recrutement. Mise en place dune plateforme
lectronique denchres et dappels doffres. Publication en ligne
de toutes les dcisions relatives aux dpenses publiques. Enfin,
une vaste rforme territoriale ( Callicrats du nom de lun des
architectes du Parthnon) est annonce. Elle prvoit un nouveaudcoupage administratif du territoire par la suppression des
dpartements et la fusion des municipalits selon le nombre
dhabitants, afin de rduire le nombre dlus et le personnel des
collectivits locales.
2. Linvitable flexibilisation du march du travail fait lobjet
dattentions et de mesures spcifiques. Rvision du systme
des ngociations salariales et contractuelles dans le secteur
priv, facilitant la mise en place dune rmunration lie la
performance, instauration daccords territoriaux qui
permettront de fixer des augmentations de salaires en dessous
de celui des conventions collectives . La lgislation du travail est
assouplie en prolongeant un an les priodes dessai pour les
nouveaux salaris, et en facilitant les licenciements34. La loi devra
galement permettre la fixation de salaires infrieurs aux minima
sociaux pour crer des emplois pour les groupes risque (jeunes
33A titre dillustration, les contribuables seront tenus de fournir avec leur dclaration
de revenus les reus de TVA pour leurs achats de biens et de services.34En augmentant le seuil minimal pour lactivation des rgles sur les licenciementsgroups et le recours au travail temporaire. Le niveau global des indemnits delicenciement doit tre rduit, de mme que le cot des heures supplmentaires. Lesalaire minimum sera gel pendant trois ans.
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et chmeurs de longue dure). Et pour lutter contre le travail au
noir, ladministration devra renforcer les contrles.
3. Privatisations et libralisation du march des produits. LEtat
doit soutenir la cration dentreprises et simplifier les procdures
denregistrement ; transposer dans le droit national la directiveServices (ex-directive Bolkestein). De mme, toute une srie de
mesures doivent tre prises pour rduire les restrictions juridiques
et/ou montaires pour exercer des professions rglementes
(pharmacien, notaire, architecte, professions comptables). Du
ct des entreprises publiques, lEtat devra rformer les secteurs
du fret (rail et route) et libraliser celui de lnergie. Les activits
seront restructures, les effectifs et cots rduits, les rseaux de
transport rationaliss et les tarifs augmenteront.
En pratique cependant, le programme de privatisations, prvues en
quantits limites dans le Mmorandum, va sans cesse gagner en
ampleur. LEtat grec sera conduit dpasser largement ses
obligations contractuelles . La vente des biens publics va au cours
de lexcution du plan apparatre comme lexpdient auquel recourir
de plus en plus systmatiquement pour combler le manque de
recettes. Car comme nous le verrons, celles-ci vont se rvler trs
infrieures ce qui tait programm.
Enfin dans le cadre dune rforme de la supervision bancaire il estprvu de mettre en place un fonds de stabilit financire,
indpendant , entirement financ par le gouvernement avec pour
mission de recapitaliser les banques lorsque les fonds propres feront
dfaut. Des conomies en tout donc, mais pour les banques de la
recapitalisation sur fonds publics !
5. Lexcution du Plan et son chec
Un an aprs, la trs grande majorit des mesures ou rformes, quisuivant le Mmorandum devaient se mettre en uvre au cours de la
premire anne, lont bien t.
Une mise en uvre au pas de charge
Le Parlement a vot toutes les mesures budgtaires prvues dans le
Mmorandum : laugmentation des impts indirects (TVA, alcool,
tabac) et directs (impt exceptionnel sur les entreprises les plus
profitables, prlvements sur les revenus les plus levs), lacration de nouvelles taxes (sur llectricit pour les mnages, sur les
biens de luxe), la rduction de la masse salariale dans la fonction
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publique (gel des salaires et des embauches, suppression de deux
mois de salaire35,, non renouvellement des dparts (de 4 dparts la
retraite sur 5), la baisse globale des retraites36.
De mme en est-il pour les rformes structurelles prvues dans le
plan. Ainsi de la rforme des retraites publiques et prives, unedes conditions pour le dblocage de la seconde tranche et compose
en troite collaboration avec le FMI, lUE et la BCE, qui a t adopte
en juillet (Karamessini, 2010). De mme une premire rforme de la
sant, dont lobjectif est de maintenir les dpenses publiques de
sant en de de 6% du PIB, a t vote en fvrier 2011. La liste des
mdicaments non remboursables a t toffe et la participation
financire du patient aux frais augmente.
La rforme de ladministration publique locale et rgionale
adopte le 27 mai 2010 est en marche. Elle doit conduire la
rduction du nombre dagents de 25000 personnes ainsi qu la
baisse des cots de fonctionnement.
En matire de flexibilisation du march du travail, une premire loi
a t vote en juillet 2010 instaurant des rmunrations infrieures
au salaire minimum pour les groupes en difficult. Les minima
sociaux sont galement gels jusqu lt 2012 et les rgles en
matire de licenciement assouplies. En dcembre, une seconde loi
rformant la procdure darbitrage et la mdiation (dans le but defaciliter la mise au chmage) a t vote. Entre autres douceurs
rserves aux salaris grecs, les entreprises peuvent maintenant
dnoncer les conventions collectives de branche si elles les estiment
trop contraignantes. Dans le mme esprit le recours au temps partiel
est facilit et la priode dessai passe de deux mois un an.
Le programme de privatisations enfin, est en expansion
continue. Bien que les privatisations ne fassent pas partie
explicitement du Mmorandum, le gouvernement annonce en juin
2010 un vaste programme de privatisations entre 2011 et 2013,
devant rapporter 7 milliards deuros, dont 1 milliard en 2011. LEtat
sengage galement vendre ou mettre en concession son parc
immobilier. La pression exerce par la Troka est intense. En fvrier
2011, suite leur troisime inspection de contrle du droulement
des contreparties du plan daide, les experts de la Troka exhortent le
gouvernement engager une acclration dcisive pour
augmenter son objectif de privatisation de 7 milliards deuros de
35Soit une baisse de 12 16 % du traitement annuel des fonctionnaires par
rduction des primes, y compris celles de Pques, dt et de Nol.36
Globalement, les pensions ont baiss en moyenne de 9%.
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recettes dici 2013, 50 milliards lhorizon 2015, 15 milliards
devant tre engrangs dici la fin 2012.
Malgr lindignation que suscitent ces demandes le gouvernement
entrine lannonce de la Troka. Le 15 avril, le premier ministre
annonce son plan de privatisation. Les cessions devront rapporter autotal entre 12 et 16,5 milliards deuros dici 2013, dont 2 4
milliards cette anne. A terme, toutes les entreprises publiques
seront concernes par une privatisation partielle, totale ou une
rduction de participation : les transports (rail), la banque, les
infrastructures (autoroutes, ports et aroports), lapprovisionnement
en eau et lassainissement, lnergie, les tlcommunications, et
lindustrie du jeu. Enfin, un premier portefeuille de terrains sera
propos la location des investisseurs trangers : on ne sait si les
iles revendiques par les dputs du Bundestag font partie du lot.
Avec le temps, ce programme ne cesse denfler37.
Pour un rsultat calamiteux: lchec du plan
Un an aprs sa mise en uvre les rsultats sont spectaculaires. Mais
il ne sagit pas ncessairement de ceux esprs ou annoncs. Selon
la Banque centrale de Grce, le pouvoir dachat a recul en moyenne
de 9%, alors que linflation slve 4%38.
Consquence, la demande interne est lagonie : la consommation
des mnages a chut de 4,5% en 2010, alors que linvestissement
est en chute libre (-16,5% en 2010). Les exportations, malgr la
baisse des cots salariaux le cot unitaire du travail a recul de
1,1% en 2010 -, continuent dtre entraves par un euro par trop
survalu pour lconomie grecque.
Tous les moteurs de la croissance sont au point mort. Consquence,
la rcession sest structurellement installe depuis deux ans (-2%en 2009 et -4,5% en 2010). Et les prvisions du FMI pour 2011 ne
sont gure plus optimistes (-3%). Les entreprises licencient en
masse, les fermetures dentreprises se multiplient. Il nest donc pas
surprenant de voir le chmage senvoler prs de 16%. Les jeunes
plus encore que par le pass sont sacrifis39.
37Finalement le 29 juin 2011, sous la pression de la Troka, 50 milliards deuros de
privatisations seront avaliss par le Parlement grec.38
Il est sans doute utile de rappeler que les retraits et les catgories sociales les
plus vulnrables, doublement touchs par la baisse nominale de leurs revenus(baisse des salaires et des pensions) et la hausse de la fiscalit, essentiellementindirecte (TVA) sont les premires victimes des plans mis en uvre. 39
Au premier trimestre 2011, Le taux de chmage s'est lev 15,9%. La tranchedge des 15-29 ans est la plus touche avec un taux de 30,9%.
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Bref : comme tous ces chiffres en attestent, un an aprs sa mise en
uvre, lchec du plan est patent. Le Mmorandum en effet
poursuivait deux objectifs : rduire le dficit public et lendettement, et
restaurer la crdibilit de la Grce afin de lui permettre de revenir
sur les marchs ds 2012, pour y emprunter les sommesncessaires au paiement de ses chances.
Aucun de ces objectifs ne sera atteint. Dune part, la brutalit de la
rcession fait quen dpit des efforts de ladministration pour
augmenter les recettes, les revenus fiscaux naugmentent pas
comme prvu. Consquence, lajustement se fait encore plus sur la
rduction drastique des dpenses publiques qui multiplie leffet
rcessif du plan. Dautre part, le plan na aucunement restaur la
confiance des marchs : les taux 10 ans se maintiennent plus
de 15%40. Il est donc exclu que la Grce, comme prvu dans le plande la Troka, puisse revenir sur les marchs pour financer la partie de
sa dette non couverte par le prt de la Troka.
Aussi un an aprs sa mise en uvre il nest plus question que de la
ngociation dun nouveau prt, afin de tenter dviter mais le
pourra-t-on ? une restructuration gnrale de la dette.
6. Pour Conclure : Aprs lchec, la cacophonie
du refinancement
On croyait avoir touch le fond. Mais il nen est rien. Le meilleur ou
presque est encore venir. Car la discussion autour du 2me
nouveau plan daide, devenu indispensable, a mis en vidence des
dissonances majeures au sein de la Troka.
Les points daccord entre les partenaires de la Troka sont simples
noncer. Ils sont au nombre de deux :
- La Grce doit ajouter de laustrit laustrit, en imposant
des sacrifices son peuple encore plus importants, au risque
videmment de dpasser toutes les limites et de provoquer une
explosion sociale.
- La Grce doit tendre et tendre encore ses privatisations.
Le domaine public est la variable dajustement de la crise
financire. Lchec du march se traduit donc par cela : travers
50 milliards de privatisations supplmentaires, toujours plus de
march !
40Au mois de juin 2011, les taux grecs ont atteint des sommets. Le 17 juin, le taux
10 ans culmine un plus haut historique 18,3%. La veille, le taux 2 ans a untemps excd les 30% ! La tension sur la Grce a galement pouss la hausse lestaux 10 ans du Portugal et de lIrlande plus de 10%.
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Jusquici les choses sont simples puisquil sagit de dpouiller la
Grce de ses actifs et ses classes moyennes et pauvres (qui comme
toujours supportent lessentiel de lajustement), de leurs maigres
revenus.
L o les choses se compliquent, cest lorsquil sagit pour les
partenaires associs dans la Troka de se mettre daccord sur une
vision du futur : comment sortir du chaos cr par la crise financire ?
Ici plus que jamais lenjeu est de taille, car la Grce sert de cobaye.
Ce qui sera dcid fera rfrence pour la gestion des dettes
souveraines des autres pays de lUE frapps par la crise.
Deux conceptions sopposent:
- Emmens par lAllemagne, certains pays membres de lUE sont
prts participer un nouveau prt une condition majeure :
procder une restructuration de la dette impliquant les
cranciers bancaires privs qui devront ainsi tre amens assumer
une partie du cot du reprofilage.
En clair la restructuration (rebaptise reprofilage pour ne pas
appeler les choses par leur nom) porterait sur 3 points : (1) abaisser
les taux dintrt, (2) allonger la duration des remboursements,
enfin, mais on hsite davantage, (3) faire assumer par les dtenteurs
privs de la dette une partie du non-remboursement. Notons que
lAllemagne - qui dfend ce point de vue - est ici cohrente avec elle-
mme et la position quelle a prise depuis longtemps
- Cest ici que la BCE est sortie du bois en refusant la prconisation
allemande, et en proclamant haut et fort quelle sopposera tout ce
qui ressemble un vnement de crdit dans la gestion de la
dette grecque41.
La BCE se pose en effet en dfenseur intransigeant des cranciers
en refusant tout ce qui ressemblerait un non-paiement de la dette
telle quelle est aujourdhui constitue (capital, intrt, chelonnement
des crances). Rien que a ! La BCE prcise en effet que par
vnement de crdit elle entend toute modification de la gestion de la
dette qui entranerait le fait que les dtenteurs de titres de la dette
grecque pourraient exiger de leurs assureurs lexcution des
41
Cette position de la BCE sexplique par plusieurs motifs. Lun dentre eux est quencas de restructuration elle se trouverait elle-mme expose de lourdes pertes, setrouvant elle dpositaire ( travers diffrents protocoles) de plusieurs dizaines demilliards deuros dactifs hellniques (bons de la dette souveraine, ou actifs dposspar les banques grecques pour se refinancer) (Ruparel & Persson, 2011).
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contrats dassurance. En pratique on retrouve ici les fameux CDS : le
march des vendeurs et acheteurs de protection . Avec les
cranciers, ce sont les dtenteurs de CDS que la BCE veut aussi
protger. Comme pour la crise des subprimes, les assurances sur les
dfauts de crdit ne valent quautant que lon ny a pas recours Les
primes empoches par les assureurs (en pratique des banques et
des fonds de pension) sont ainsi dclares intouchables, puisque en
cas de crise, tout est fait pour quils nassument pas les risques quils
sont censs couvrir et pour lesquels ils sont rmunrs.
Lannonce de la BCE, quaucun vnement de crdit ne peut avoir
lieu, est si crdible que les agences de notation ont immdiatement
traduit le message. Lintransigeance de la BCE, et donc les obstacles
quelle dresse la mise en place du deuxime plan, sest traduite par
une inquitude supplmentaire des marchs. La note de la dette
grecque est passe en juin 2011 de B CCC, une chute de 3 crans,la plus basse des notes jamais attribues une dette publique non
encore en dfaut42.
Dans ce contexte, a fortement contribu alourdir le climat le refus
du FMI de verser la cinquime tranche de crdit prvue au titre du
Plan de 2010, et indispensable au refinancement des crdits venant
chance en juillet 2011. Une pression gigantesque (orchestre
mdiatiquement sur le mode de la tragdie venir) a ainsi t
exerce sur la Grce pour la conduire proposer de nouvelles
rductions de dpenses. Finalement, le Parlement grec adopte le 29
juin dune courte majorit un plan supplmentaire daustrit. Trs
fortement conteste par la rue, ladoption du plan est prsente
comme condition sine qua non du versement de la cinquime
tranche.
La dernire tranche prvue au titre du plan 2010 fut finalement
dbloque, loignant provisoirement la perspective de dfaut. Mais
au jour o sont crites ces lignes (mi- juillet 2011), rien nest vraiment
rgl. LUE, la BCE et le FMI ngocient toujours les termes dun
deuxime plan dont le montant stablirait autour de 115 milliardsdeuros.
Les discussions sur ce plan ont t loccasion, jusqu lcurement,
de ltalement des dissensions entre les partenaires de la Troka, et
42Une version du compromis qui a circul avec insistance au sein de la Troka
portait sur ceci : un reprofilage de la dette grecque consisterait demander auxcranciers privs daccepter de refinancer la dette en changeant les bons arrivant chance contre de nouveaux bons chance reporte dans le temps. Mais lencore la BCE a pos ses conditions : cette opration ne pourrait seffectuer que surune base volontaire , - cas qui exclut la mise en action des CDS. A dfaut la BCEuse de menaces : elle naccepterait plus en dpt contre du cash les bons de la dette
grecque qui lui seraient proposs par leurs dtenteurs. Finalement cette solution nefut pas retenue. De mme une proposition franaise visant impliquer les cranciersprivs sur une base volontaire neut pas lheur de plaire aux agences de notationet fut elle aussi carte.
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de leur complte absence de vue long terme. Pire encore, la totale
incapacit de lEurope proposer une solution crdible a conduit
un redoublement de la spculation financire contre dautres dettes
souveraines : cest ainsi que les dettes portugaises et espagnoles ont
vu leurs notes dgrades par les agences de notation avant que
celles-ci ne sen prennent lItalie, 4imeconomie de la zone euro
Limbroglio grec sest ainsi mu en imbroglio gnral. Et pour lheure
en dpit des promesses qui avaient t formules ce pays, le
nouveau plan daustrit vot ne sest pas traduit par la mise au point
de la part de la Troka du plan annonc de refinancement. Rendez-
vous est donn la rentre de septembre pour ce faire, si dici l le
feu na pas pris, ce qui videmment ne peut nullement tre exclu
Plan daustrit adopt par le Parlement Grec le 29 juin 2011
Le nouveau plan, intitul Cadre moyen terme de stratgie
budgtaire et intgralement dict par la Troka, couvre la priode
2012-2015. Il reproduit lidentique les mesures du premier plan qui
a failli.
De surcrot, dici 2015, 28,4 milliards deuros dconomies
supplmentaires sont programmes, pour moiti dues des hausses
dimpts (15 milliards) et pour moiti des rductions des dpenses
publiques (13,8 milliards). Pour lanne 2011, leffort supplmentaire
est de 6,4 milliards. Parmi les mesures de recettes votes :
- Labaissement du seuil minimum dimposition de 12 000
8 000 euros par an,
- Linstauration dun impt exceptionnel de solidarit sur les
revenus suprieurs 12 000 euros annuels (de 1% 5%
selon leur montant),
- Cration dune taxe professionnelle de 450 euros en
moyenne par an pour les professions librales et les auto-
entrepreneurs,
- De nouvelles augmentations de la TVA (notamment dans la
restauration, sur les fleurs et les places de thtre), des taxessur le fuel de chauffage, sur les signes extrieurs de
richesse
En matire de rduction des dpenses figurent :
- Le durcissement des critres pour les allocations sociales (y
compris lindemnisation du chmage),
- La rduction de certaines retraites complmentaires,
- Lassouplissement du statut des fonctionnaires (possibilit de
licenciement pour certaines catgories) et rductions cibles
des salaires de la fonction publique,- Durcissement du ratio dun dpart sur 5 la retraite renouvel
10,
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- Compression des dpenses exceptionnelles de lEtat, des
dpenses oprationnelles de larme et des dpenses dans
le secteur de la sant.
Les mesures budgtaires sont accompagnes dun vaste plan de
privatisations concernant leau, le gaz, llectricit, les transports, lesbanques et la poste. Les recettes sont censes rapporter lEtat 50
milliards deuros sur cinq ans, dont le montant doit tre affect la
rduction de la dette. Pour loccasion, une agence de privatisation
est institue dans laquelle des reprsentants de la zone euro et de la
Commission europenne auront des postes dobservateurs. Le plus
gros des cessions est prvu dici 2013. LEtat est galement tenu
de chercher des exploitants privs pour son patrimoine foncier et
immobilier.
Sources : Presse franaise.
Le calvaire endur par la Grce est exemplaire plus dun titre.
Plusieurs enseignements peuvent en tre tirs.
1. Dabord sont frappantes limprparation totale des
autorits de lUE et lampleur des dfaillances dans la
construction institutionnelle de la zone euro.
Au moment de la survenue de la crise, avec les premires attaquesspculatives sur les titres grecs, lUE est longtemps reste sans
rponse. Aggravant par son silenceet pire encore par lexpression
de dissensions majeures entre certains des acteurs majeurs qui la
constituentlampleur de la crise.
Lorsquenfin lUE sest saisie du dossier, ce fut pour raliser que non
seulement rien ntait prvu pour contrer des attaques spculatives
contre les titres portant sur une partie de sa monnaie, mais de
surcrot que le Trait interdisait toute action concerte ( no bail out
clause). Les pages du Trait peine sches, il fallait en convenir et
revoir la copie impose aux peuples dEurope, y compris ceux qui,
comme en France lavaient rejet par rfrendum. Cest aux
dfenseurs du Trait quil est donc revenu en toute hte de concevoir
ce fameux plan B , dont durant la campagne rfrendaire on nous
expliquait quil ny en avait aucun de possible.
Bien sr on a toujours tort davoir raison trop tt. Mais il ne fallait pas
tre grand clerc pour pointer les dfaillances multiples d un Trait
taill sur mesure pour les marchs financiers. Il reste que, comme lacrise le montre, ce nest plus seulement dun plan B que lEurope a
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besoin, cest de A Z que la conception de la zone euro doit tre
repense, si du moins lon veut assurersa prennit.
2. Le plan lui-mme : une stratgie du choc ?
Il convient dabord de rappeler combien lindigence des principes
sous-tendant le plan concoct par la Troka est consternante.
Comme on la rappel, tout est trait comme sil sagissait dun
problme de finances publiques. Et quil ne sagissait que de faire
saigner la bte, tout en coupant drastiquement dans les dpenses.
Aucune leon sur ce que livre la crise grecque sur la manire dont la
zone euro sest mise dans la main des marchs, na t tire. Pas
plus dailleurs que nont t tires les leons de lexplosion en vol du
modle de la finance globale drgule, qui a jet bas lconomie
mondiale en 2007-2009.
Au-del, on ne peut qutre frapp par un paradoxe. Alors que la
crise est dabord et avant tout celle de la finance drgule, que les
dettes publiques elles-mmes nauraient ni connu cette ampleur, ni
t attaques comme elles lont t sans la prgnance des marchs
financiers, le traitement de la crise, non seulement ne revient sur rien
des causes relles, mais au contraire accrot encore le pouvoir des
marchs financiers. Cette fois en mettant les finances publiques sous
leur contrle strict dans le seul but de garantir le paiement des
cranciers.
Mais sagit-il vraiment dun paradoxe ? Tout se passe en effet comme
si les autorits qui nous gouvernent navaient rien appris de la crise.
Et aprs avoir annonc quelques mesures cosmtiques, elles
navaient dautre objectif que de reprendre leur course sur le mme
chemin, comme si rien ne paraissait plus urgent et important que de
poursuivre la marche en avant de la finance. La mise sous tutelle des
budgets publics que prvoient les dispositions sur le semestre, le
Pacte pour leuro - venant complter et encadrer des plans de
restructuration des budgets et des finances publiques43 - affirme ainsi
une claire volont de poursuivre dans cette voie mme qui a conduit
au chaos 2007-200944.
Last but not least, il est essentiel de rappeler que comme la suite la
montr, le plan tait non seulement injuste et impraticable, mais aussi
43Que ces plans soient directement imposs par la main visible de la Troka comme
en Irlande, en Grce ou au Portugal, ou par les mains invisibles des marchs
comme dans la plupart des autres pays de la zone euro, qui vivent sous la terreur devoir dgrader la note attribue leurs dettes souveraines par les agences denotation, dont comme chacun le sait, la clairvoyance et lintelligence se sontaffirmes plein pendant toute la priode qui a prcd la venue de la crise44
Sur ce point voir 20 ans daveuglement
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et surtout quil tait bti sur une contradiction essentielle : car
cherchant augmenter le solde budgtaire, il installait la rcession et
provoquait la chute des recettes fiscales. Comme beaucoup lavait
alors annonc, il ne pouvait quchouer.
Le plus stupfiant est que le deuxime plan daide la Grce qui seconcocte aujourdhui poursuit dans cette ligne exacte. Avec en prime,
travers les privatisations et les plans de rformes structurelles
qui prennent une ampleur ingale, une forte acclration de la
marche force vers la libralisation totale de lconomie impose au
pays. Comme si dlibrment on appliquait l une stratgie du
choc . Profiter de la crise pour imposer des mesures qui sans elle,
nauraient jamais pu tre imposes.
Pourtant chacun le sait, le nouveau plan ne pourra au mieux que
permettre de gagner du temps. Pour que la Grce puisse faire face
sa dette (si elle nest pas restructure), des estimations effectues
rcemment soutiennent quil faut quelle dgage un excdent
budgtaire primaire de 6% par an pendant de nombreuses
annes. Mme si ce fardeau est surestim par ces analyses, il se
prsente, videmment, comme totalement hors de porte. Quon le
veuille ou non, dautres solutions que celles appliques aujourdhui
par la Troka doivent tre imagines et mises en uvre.
Dans cette voie alternative de la restructuration de la dette grecque,faire payer aux banques crditrices prives une partie du fardeau, est
un moment oblig. Mais cette restructuration elle-mme na de
chance daboutir que si lUE rsolument scarte de la domination
quexercent aujourdhui les marchs financiers. Sur ce point nous ne
pouvons ici que ritrer les analyses et les propositions du Manifeste,
comme du dernier ouvrage des Economistes Atterrs. Le moins que
lon puisse dire, est que les volutions actuelles nont pas fait perdre
de leur pertinence ces propositions.
Il faudra cependant aller plus loin encore. Car, et ce sera notre
dernier mot, il faut garder lesprit que la descente aux enfers de la
Grce reste fondamentalement lie son impossibilit dassumer sa
position en Europe avec le niveau actuel de leuro. Les asymtries de
comptitivit ne se sont pas rduites au cours du temps. Avec
lapprciation de leuro elles se sont au contraire creuses. Si lon
veut conserver lUE et la zone euro, la mise en place de mcanismes
visant la rduction de ces asymtries est indispensable. Dune
manire ou dune autre, il faudra revenir des budgets de type
fonds structurels permettant aux pays les moins dots de la zone
de bnficier daides communautaires pour leur permettre dentrer
dans de nouvelles trajectoires. Les bricolages actuels ne peuvent
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permettre que de gagner du temps. Si celui-ci nest pas mis profit
pour concevoir et implmenter un nouveau dpart pour lEurope,
nen pas douter, rapidement les mmes questions qui se posent
aujourdhui propos de la Grce resurgiront, ici ou l au sein des
pays membres de la zone euro, telles quen elles-mmes
Post Scriptum
Laccord du 21 Juillet: Un trompe lil qui marqueune nouvelle avance des marchs financiers.
A lheure de mettre en ligne cette note, laccord du 21 Juillet sur lerefinancement de la dette grecque est la une de la presse. De
nouveau, et au moins pour la troisime fois (aprs lannonce de lacration du FESF et celle de MES) on entend les hourra deseuropistes. Accord historique ! On vous lavait bien dit: cest aupied du mur quon voit le maon !! etc
De quoi sagit-il ?
Lannonce du 21 Juillet qui conclut le sommet consacr la Grce et la zone euro est en effet importante. Il sagit dune nouvelle tapede la crise financire et dun nouvel ensemble de mesures prises parlUE pour tenter dy faire face. Trois remarques sont essentielles
1. Sur un point cl, la BCE a d manger son chapeau. En dpit deses menaces et dclarations, la dette grecque est restructure. Etprofondment comme on le verra. Il aura donc fallu plusieurs mois etfrler la catastrophe pour que la BCE admette lvidence. La dettegrecque et le rgime qui a t impos ce pays, sont insoutenables.Imperturbable, en dpit de toutes ses dclarations passes, la BCEdclare cependant lissue du sommet que la restructurationannonce ne constituera pas un vnement de crdit ! Et quentout tat de cause, elle se prpare faire face ! On verra plus bas,que la BCE na pas tout perdu dans le nouvel accord, et quelle a sespropres motifs de satisfaction
2. Le contenu de la restructuration, est moins clair quon ne leprtend. Deux points sont acquis- Un nouveau prt de la Troka la Grce est mis en placeLaide publique se montera 109 milliards deuros (qui viennentsajouter aux 41 milliards deuros prvus au titre de 2010 et nonencore dbloqus). De plus, les taux dintrt sont abaisss (autourde 3,5%) et la maturit des dettes anciennes comme futures estallonge. La dette est restructure mais il ny a pas dabandons decrances.- Il y aura bien participation du secteur priv. Une demandeinsistante de lAllemagne sur laquelle la Troka sest finalement
aligne.
Mais sur le contenu de cette participation les choses sont beaucoupmoins claires. Fait hautement significatif, le lobby bancaire (400
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cranciers reprsents par Baudoin Prot, PDG de BNP Paribas,Joseph Ackerman, prsident de la Deutsche Bank, et un reprsentantde l'Institut de la Finance Internationale) tait prsent Bruxelles et angoci pied pied la participation des banques. Sur tous les pointscelles-ci ont eu gain de cause. Dabord la participation restera volontaire (lide dune taxe sur les banques propose par laFrance a fait long feu). Ensuite le lobby a obtenu que les cranciers
puissent choisir entre plusieurs solutions : soit en maintenant leursengagements mais en reprenant des titres de mme maturit, soit enrefinanant la Grce avec des titres de maturit plus longue, soitenfin en vendant des obligations grecques avec une dcote. L'Institutde la Finance Internationale (le cur du lobby) a dj indiqu saprfrence : il entend privilgier pour les cranciers bancaires unchange des titres qui viennent chance jusqu' 2020 contre lerachat de nouvelles obligations trente ans condition quellessoient garanties par les titres europens les mieux nots. Comme lenote Martine Orange ceci revient un transfert du risque dusecteur priv vers le public. Car c'est l'Europe qui se porte garante endernier ressort (Mdiapart du 22 juillet)
3. Enfin, dernire annonce : le FESF est appel voir sescomptences largies. Il serait autoris (tout cela doit valid par lesinstances nationales et communautaires de lUE) :- procder des prts et/ou la recapitalisation de banques ;- racheter de la dette sur le march secondaire, venant icirelayer la BCE qui ce rle tait jusquici rserv. Le FESFconstituerait ainsi un canal supplmentaire permettant aux cranciersprivs de se dfaire de titres de dette publique quils dtiennent
Ce dernier point est essentiel. Il constitue tout la fois une victoire de
la BCE qui ne souhaitait plus jouer ce rle et une norme avancepour les marchs financiers, qui en change dune participation volontaire trouvent ici un deuxime canal pour transfrer vers lepublic (le FESF) de la dette prive juge risque.
Au total, le rsultat est bien que la dette grecque est allge. Pourautant on ne peut considrer que le problme grec est rsolu. Plusque jamais le pays est incit appliquer les multiples plansdaustrit qui lui ont t imposs. Lheure est toujours laustrittant en Grce que partout ailleurs en Europe. Et rien ne garantit dansces conditions que les dettes des pays europens pourront treacquittes. Ce dautant quon a pris soin de dclarer que ce qui a t
fait pour la Grce, ne le sera ni pour lIrlande, ni pour le Portugal La zone euro est donc toujours en suspens. Du temps a t gagn,les problmes de fond ne sont pas traits.
Dernire remarque : force est de constater que les dispositionsarrtes au cours du dernier sommet constituent de nouvellesavances pour les marchs financiers : aprs stre assur lecontrle des budgets publics travers le FMI et les plans de laTroka, les voici grce un FESF relook, disposer dun instrumentde dfausse de la dette risque quils dtiennent. Ceci ajout au faitque les nouveaux bons maturit plus longue, ne seront mis (ouchangs contre les bons existant) par les cranciers que sils sont
garantis sur des obligations AAA, laisse penser que la contribution volontaire du secteur priv a su trouver de bien bellescontreparties !
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On laura compris, en dpit des cris de victoires claironns departout, on est loin des soluti