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NOTE DE CONJONCTURE ANNEE 2000
Tendances Majeures de l’Evolution Récente des Fonctions Publiques
Africaines et Perspectives de leurs Réformes
INTRODUCTION
Depuis la mise en place des programmes d’ajustement structurel dans la plupart
des pays africains, de profondes mutations sont intervenues dans leurs Fonctions
publiques.
Ces mutations, à la fois d’ordre organisationnel, factuel et structurel, affectent le
fonctionnement de l’Etat, ainsi que ses missions, en raison du rôle prééminent des
personnels de l’Etat dans la conduite des affaires publiques.
Le moment semble donc venu de jeter un regard sur l’ensemble de ces mutations,
démarche qui se justifie pour différentes raisons :
��Les premiers résultats des programmes d’ajustement structurel permettent de
mesurer, pour les pays concernés, le chemin parcouru ainsi que les nouvelles orientations
à donner aux réformes. Il est donc possible, et même souhaitable de vérifier si, et dans
quelle mesure, la Fonction publique de l’Etat a rempli le rôle de moteur des réformes que
certains pays africains, ainsi que des partenaires au développement lui assignaient.
��La mondialisation a entraîné, entre autres conséquences, l’ouverture des
Fonctions publiques africaines des pays francophones, qu’on qualifie volontiers de
« système de la carrière », à des valeurs, normes et standards qui jusque-là leur étaient
extérieurs, faisant émerger, du même coup, une nouvelle conception de la gestion des
personnels de l’Etat. Les exigences, désormais plus pressantes d’éthique et de
déontologie, de transparence et de lutte contre la corruption, de déconcentration,
d’évaluation des performances, d’innovation et d’efficacité participent de cette nouvelle
orientation de la Fonction publique.
Il convenait donc de mesurer l’impact réel de ces changements sur la nature et les
missions de ces Fonctions publiques à travers les grandes tendances de leur évolution.
☛ Les objectifs d’une telle démarche sont évidents
��D’une manière générale, les progrès dans la gestion des affaires publiques
dans un contexte de mondialisation devraient se traduire par une tendance vers
l’harmonisation des systèmes administratifs au moins dans les espaces francophone et
lusophone africains qui somme toute, présentent de nombreuses similitudes. Dans cette
perspective, les conclusions qui se dégagent de l’observation des Fonctions publiques
éclairent sur les progrès réalisés en matière de coopération et de l’intégration sous-
régionales, et, d’une certaine manière, contribuent à leur renforcement.
��D’une manière plus spécifique, l’observation des tendances de l’évolution à des
Fonctions publiques dans l’espace francophone permet de vérifier, et au besoin de
rectifier l’image monolithique que l’on donne ; elle permet surtout aux partenaires au
développement, mais également à l’OFPA de concevoir des programmes régionaux de
modernisation ou de réforme de l’Administration, basés sur des questions et
préoccupations communes à plusieurs pays.
☛ La problématique de l’observation des tendances découle de ce qui
précède.
Il s’agit de rechercher si, et jusqu’à quel point, les systèmes des Fonctions
publiques de la carrière s’adaptent aux exigences nouvelles de la gestion des affaires
publiques et en quoi l’évolution ainsi observée affecte la réforme ou la modernisation des
Administrations publiques.
De ce point de vue, on observe
��le maintien, voire le renforcement du cadre institutionnel du système de la
carrière,
��mais également son aptitude à intégrer les nouveaux principes de la gestion
des
affaires publiques.
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MAINTIEN ET RENFORCEMENT
DU CADRE INSTITUTIONNEL DU SYSTEME DE LA CARRIERE
Les pays africains ont hérité de la France le système de la Fonction publique de
carrière qu’on qualifie également de Fonction publique des diplômes. Les grands
principes qui régissent le cadre institutionnel de ce système, bien que connus, méritent
d’être rapidement rappelés. Mais surtout, les raisons pour lesquelles il se maintient et
même se renforce sont significatives et méritent d’être relevées.
LE CADRE INSTITUTIONNEL
La relative uniformité du cadre institutionnel des fonctions publiques africaines
Les Fonctions publiques des pays francophones africains sont régies par un cadre
institutionnel dont les dispositions sont pratiquement les mêmes.
Le champ d’application du statut et le droit applicable
La qualification du texte de base peut varier : statut général des fonctionnaires, de
la Fonction publique, des agents permanents de l’Etat. Le principe reste cependant le
même : ces textes déterminent toujours, en général par soustraction, les catégories des
personnels de l’Etat auxquels ils s’appliquent.
Le droit applicable aux fonctionnaires dans leurs rapports avec l’Administration,
ainsi que dans la plupart de leurs relations avec les usagers est un droit spécial, soit que
les règles de fond sont différentes des règles du droit privé, soit qu’elles sont appliquées
par un juge spécial (chambre administrative de la Cour suprême du Bénin ; Tribunal
administratif et Chambre administrative de la Cour suprême au Burkina Faso ; Chambre
administrative de la Cour suprême ou Cour constitutionnelle au Bénin ; tribunaux
régionaux et Conseil d’Etat au Sénégal).
L’organisation de la Fonction publique
L’organisation de la Fonction publique varie légèrement d’un pays à l’autre, mais
reste fonder sur les mêmes principes.
* Au sommet, il y a toujours un Ministère chargé de la Fonction publique dont la
dénomination peut changer d’un pays à l’autre, et dans le même pays, varier d’un
remaniement ministériel à l’autre : Ministère de la Fonction publique et du développement
institutionnel au Burkina Faso ; Ministère de l’emploi, de la fonction publique et de la
formation professionnelle au Centrafrique ; Ministère de la modernisation de l’Etat au
Sénégal jusqu’en mars 2000, Ministère de la Fonction publique, du travail et de l’emploi
au Sénégal depuis mars 2000, etc…
Ces Ministères sont dotés d’organigrammes diversifiés mais comportent tous une
direction chargée de l’administration des personnels. Précisément, la seule définition
satisfaisante du « fonctionnaire » ou de l’ « agent permanent de l’Etat » c’est d’être
administré par cette direction. Les actes d’administration pris par le Ministre chargé de la
Fonction publique et initiés par cette direction sont relatifs au recrutement des personnels,
à leur nomination, titularisation, ou déroulement de leur carrière, à leur sortie de service.
En revanche, il revient aux Ministres utilisateurs de prendre les actes de gestion, par
exemple la notation, certaines sanctions disciplinaires, les affectations et les mutations.
* La Fonction publique comporte également des organismes d’administration, de
gestion et de consultation dont les dénominations varient.
- Par exemple : Conseil consultatif national de la fonction publique ; les
Commissions paritaires et le Conseil de santé.
- Au Burkina Faso, le Conseil consultatif de la fonction publique ; le Comité
Technique paritaire ; le Conseil de discipline et le Conseil d’administration du
secteur ministériel.
- Au Centrafrique : le Conseil supérieur de la fonction publique ; la Commission
permanente d’évaluation et de dotation des emplois ; le Conseil médical ; la
Commission d’épuration administrative chargée de formuler les
recommandations relatives au licenciement à la révocation ou à la mise à la
retraite d’office des fonctionnaires.
- Au Sénégal : le Conseil supérieur de la fonction publique ; le Conseil de
discipline ; le Conseil de santé ; la Commission administrative paritaire ; la
Commission nationale de classement des diplômes ; la Commission nationale
des contrats spéciaux.
* Les fonctionnaires ou agents permanents de l’Etat sont hiérarchisés par
catégories selon leur niveau de qualification et de recrutement et regroupés dans des
corps selon les grades auxquels ils ont vocation.
Les conditions d’entrée
Elles sont pratiquement identiques par tous ces pays.
Si le concours externe (direct) ou interne (professionnel) reste le mode normal de
recrutement, les statistiques font apparaître une profession rapide des autres modes de
recrutement, notamment contractuels, liés à l’extension dans le secteur public des
principes de la flexibilité de l’emploi.
Pendant les deux ou trois premières décennies des Indépendances, les Ecoles et
Instituts d’Administration publique constituaient des voies privilégiées, voire exclusives du
recrutement dans les Fonctions publiques. N’ayant pas su s’adapter aux mutations
rapides induites par les programmes d’ajustement structurel, elles ont été, pour la plupart
marginalisées. Des efforts sont à présent entrepris, y compris au niveau des Nations
Unies pour revaloriser leurs missions, redéfinir les axes, stratégies et niveaux de leur
intervention, adapter leurs méthodes pédagogiques, le contenu des enseignements
dispensés, et le profil de leurs enseignants.
La carrière
Le schéma de la carrière des fonctionnaires est théoriquement le même dans tous
ces pays.
* Les positions sont celles héritées du système français : l’activité, le
détachement, la disponibilité. La position « sous les drapeaux » prévue par les textes n’a
de portée que si le service militaire est obligatoire. Les différents régimes de congés sont
assimilés à l’activité. La position « hors cadre » (Bénin) est de moins en moins usitée.
* La rémunération reste toujours fixée par une grille qui indique la valeur du point
d’indice. Toutes ces Fonctions publiques sont confrontées à des problèmes similaires de
coordination ou d’harmonisation des échelles indiciaires des différents corps.
* Le déroulement de la carrière est dominée par le régime de la notation et de
l’avancement.
L’avancement à l’ancienneté, qui subsiste dans tous les pays concernés, présente
de moins en moins d’intérêt, sauf qu’il devient onéreux, sans contrepartie en termes
d’efficacité. C’est en effet un avancement automatique tous les deux ou trois ans, selon le
cas, le fonctionnaire avance en classe et en échelon, indépendamment de la notation
dont il a pu faire l’objet.
En revanche, l’avancement au choix, ou au grade est un élément fondamental du
système des Fonctions publiques concernées. Dans sa logique, il consiste à choisir un
nombre restreint de fonctionnaires, en raison de leur mérite et de les avancer au grade
supérieur. La Fonction publique se présentera alors comme une pyramide ; les
fonctionnaires, de plus en plus méritants, mais de moins en moins nombreux, sont
promus dans les grades supérieurs.
L’application de ce principe suppose un système de notation qui récompense
effectivement le mérite. C’est ce qui explique la relation entre le système de notation et le
système de l’avancement au choix.
Dans les faits cependant, les éléments d’appréciation sont subjectifs et la note
chiffrée est uniforme, excessive.
Cette pratique affecte négativement les mécanismes de l’avancement au choix. En
effet, comme la notation ne permet plus d’évaluer les mérites propres de chaque
fonctionnaire, la solution à la fois pratique et légale, c’est de rendre l’avancement au choix
automatique, ce qui revient à l’utiliser dans le sens opposé à celui pour lequel il était
institué.
Les tentatives de différenciation
Des différenciations ont toujours existé, d’un pays à l’autre, dans le cadre
institutionnel des systèmes des Fonctions publiques africaines. Au départ, il s’agissait de
simples nuances, ou de différenciations terminologiques. Mais de plus en plus, on
observe des changements de perspective, tendant à rapprocher ces Fonctions publiques
du système des emplois.
Le contexte dans lequel ces changements s’inscrivent ce sont les mutations
suscitées par la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel. Pour différentes
raisons, on a fait croire, et on soutient toujours que le système des emplois est plus
performant, plus efficace, garantit de meilleurs résultats que le système de la carrière et
permet la maîtrise de la masse salariale.
La mise en application de cette doctrine dans certains pays africains est
dominée par une préoccupation majeure : trouver des mécanismes qui permettent de
responsabiliser les fonctionnaires, d’en sélectionner les meilleurs et d’en tirer les
conséquences quant à leurs rémunérations.
Certains pays comme le Cameroun ont alors introduit dans leur système la notion
de poste de travail. Il s’agit d’un ensemble d’éléments décrivant le profil du futur titulaire
du poste, ses missions et les objectifs qui lui seront assignés.
D’autres, et c’est le cas du Sénégal, du Burkina Faso et du Bénin considèrent la
réforme de la notation comme l’élément clé du nouveau système, dans la mesure où elle
joue un rôle d’entraînement dans les réformes.
En effet, elle suppose au préalable une meilleure définition des emplois, ainsi
que du profil de leurs titulaires ; elle permet de distinguer, voire d’identifier les meilleures
fonctionnaires et par suite, d’organiser un système d’avancement au choix fondé sur le mérite et d’en tirer les conséquences quant à la rémunération des fonctionnaires les
plus performants. La notation devient ainsi un outil indispensable de la politique des
ressources humaines dans l’Administration, et c’est entre autres pour cette raison qu’on
lui préfère désormais le concept d’évaluation.
* Le système sénégalais repose sur les principes ci-après.
- La notation : se traduit annuellement par une appréciation et une note chiffrée
attribuée à tout fonctionnaire en activité ou en service détaché.
- Le pouvoir d’évaluation appartient au chef de service direct.
- Pour leur évaluation, les fonctionnaires sont répartis en trois groupes selon les
fonctions qu’ils assument ;
�� premier groupe : les personnels chargés de fonctions de direction ou de
supervision ;
�� deuxième groupe : les personnels chargés de fonctions d’étude, de
conseil ou de contrôle ;
�� troisième groupe : les personnels chargés de fonctions opérationnelles.
- Des coefficients permettent de déterminer la note chiffrée.
��Pour les personnels occupant les fonctions de direction ou de
supervision :
1. qualités professionnelles, coef. 2 ;
2. comportement au travail, coef. 2 ;
3. aptitude à diriger, coef. 3 ;
4. rendement, coef. 3.
��Pour les personnels occupant les fonctions d’étude, de conseil ou de
contrôle :
1. qualités professionnelles, coef. 2 ;
2. comportement au travail, coef. 2 ;
3. rendement, coef. 3 ;
4. créativité, coef. 3.
��Pour les personnels occupant les fonctions opérationnelles :
1. qualités professionnelles, coef. 2 ;
2. comportement au travail, coef. 2 ;
3. rendement, coef. 3 ;
4. créativité, coef. 3.
La note chiffrée annuelle et l’appréciation globale sur la fiche d’évaluation sont
communiquées au fonctionnaire concerné.
Les éléments de l’évaluation sont versés dans le dossier de l’intéressé.
Le barème et l’échelle d’appréciation sont les suivants :
0 : très mauvais
1 à 5 : mauvais
6 à 10 : médiocre
11 à 12 : passable
13 à 15 : assez bien
16 à 17 : bien
18 : très bien
19 à 20 : excellent.
L’annotateur est le supérieur hiérarchique immédiat du fonctionnaire.
Le nouveau système d’évaluation des fonctionnaires du Sénégal n’introduit que
des innovations timides par rapport à la réglementation antérieure. Il est donc peu
probable qu’il permette de résoudre le problème difficile de l’avancement au choix qui se
pose à toutes les Fonctions publiques. Ce n’est pas en créant trois groupes de
fonctionnaires et en réaménageant les barèmes et les échelles d’appréciation que l’on
évitera l’inflation des notes, les notes excessives ou arbitraires. Le nouveau système
d’évaluation devait s’accompagner de réformes profondes ayant pour objet la description
rigoureuse des postes ainsi que des éléments différenciés d’appréciation de ses titulaires,
le tout dans le cadre d’une organisation des structures de l’Administration.
* Le système burkinabè est ainsi structuré.
- D’abord les textes réglementent la typologie, la description des emplois et
l’organisation des structures
�� Les textes distinguent les emplois publics permanents (emplois de
conception, de direction ou de prestations intellectuelles et techniques de haut niveau ;
emplois d’application ; emplois d’exécution), et les emplois publics non permanents.
Le fonctionnaire stricto sensu est celui qui a vocation à occuper l’un des emplois
permanents définis, tandis que le contractuel de la Fonction publique (article 172 du
statut) a vocation à occuper les emplois permanents autres que ceux auxquels les
fonctionnaires peuvent prétendre, ainsi que les emplois publics non permanents destinés
à la réalisation d’activités extraordinaires ou conjoncturelles des administrations centrales
ou déconcentrées de l’Etat.
Des décrets fixent, par ministère, la liste des emplois publics permanents.
�� Le système est verrouillé par les dispositions de la loi du 5 mai 1998 qui
imposent une organisation uniforme à toutes les structures de l’Administration centrale,
lesquelles comprennent le Secrétaire général, la Direction générale et le service.
Pour les Administrations déconcentrées, l’organisation comprend trois niveaux : la
Direction générale, la Direction provinciale et le Service départemental.
Aux termes de l’article 10 de la loi, « toute proposition de création ou de
modification des structures doit prévoir les ressources humaines, matérielles et
financières nécessaires au fonctionnement des structures concernées ». L’article 11
prescrit des exigences similaires pour la suppression des structures. Il est ainsi conçu :
« toute proposition de suppression de structure doit, en outre, être accompagnée d’un
plan de redéploiement des ressources précédemment mises à la disposition de la
structure ».
La typologie des emplois se trouve ainsi en harmonie avec l’organisation des
structures.
- Ensuite est institué le système d’évaluation.
��Le pouvoir d’évaluation appartient au supérieur hiérarchique immédiat du
fonctionnaire.
��Chaque année, un contrat d’objectifs est établi entre le fonctionnaire et son
supérieur immédiat. Ce programme prend comme référence le programme d’activités de
la structure au sein de laquelle le fonctionnaire est affecté. Il fixe des critères
d’appréciation différenciés, compte tenu de l’emploi qu’il occupe. Le contrat d’objectif est
signé par le fonctionnaire et son supérieur hiérarchique, et chacun des deux en garde
copie.
��A la fin de l’année a lieu un entretien d’évaluation entre le fonctionnaire et
son supérieur hiérarchique. Cet entretien a pour objet de comparer les résultats attendus
et ceux atteints par le fonctionnaire. A la suite de cet entretien, une note chiffrée cotée de
1 à 10 est attribuée au fonctionnaire et lui est communiquée sur-le-champ par son
supérieur hiérarchique.
��Toute personne ayant intérêt à agir, le fonctionnaire ou ses collègues peut
attaquer la note chiffrée par un recours hiérarchique devant le Ministre compétent ou
saisir le tribunal administratif d’un recours contentieux.
��S’il est établi que la notation est complaisante ou abusive, le notateur est
passible de sanctions disciplinaires.
- Enfin, l’avancement est organisé sur ces bases et combine les principes de la
Fonction publique des emplois avec ceux de la carrière.
��L’avancement d’échelon, ou à l’ancienneté est maintenu. Il s’effectue tous
les deux ans, mais à la condition que la moyenne des notes calculée sur la même période
soit au moins égale à 6/10.
��L’avancement « de classe » (qui correspond dans d’autres systèmes à
l’avancement de grade ou au choix), s’effectue selon les règles suivantes.
☛ Les fonctionnaires occupant le même emploi sont regroupés en trois classes
selon leurs performances et leur mérite professionnel, la 3ème classe étant
hiérarchiquement la plus élevée.
☛ Les fonctionnaires ayant accompli dix ans de service dans la première classe
et dont la moyenne des notes, calculée pour la même période est au moins égale à 8/10
sont promus à la deuxième classe ; sont promus à la troisième classe les fonctionnaires
ayant accompli huit ans dans la deuxième classe et dont la moyenne des notes, pour la
même période, est au moins égale à 8/10.
☛ Dans tous les cas, l’avancement d’une classe à l’autre n’est pas subordonné à
l’épuisement des échelons dans la classe précédente.
* Le système béninois en cours d’élaboration est assez proche du système
burkinabè.
L’objectif de départ était de mettre en place un nouveau système d’avancement
au mérite. Du fait de l’hostilité des syndicats à la notion même de mérite, le mécanisme a
été rebaptisé : nouveau système de carrière et de rémunération des agents de l’Etat. Il
repose toujours sur le principe selon lequel la promotion doit bénéficier aux agents les
plus méritants identifiés à l’aide d’outils tels que le contrat d’objectifs ou la lettre de
mission.
Il est envisagé que sa mise en œuvre se fasse progressivement, à partir d’un
ministère pilote, après que les textes qui le consacrent auront été adoptés.
- La portée de ces différenciations reste limitée.
D’une part en effet, elles ne modifient pas la nature des systèmes de carrière de
ces Fonctions publiques : le recrutement et le classement se font toujours sur la base des
diplômes ; la formation initiale reçue par les personnels au moment de leur recrutement
doit toujours être complétée ou continuée tout au long de leur carrière.
D’autre part, il est prématuré d’apprécier les résultats de ces réformes. D’ores et
déjà, l’institution du « poste de travail » au Cameroun ne semble pas avoir été un succès,
faute de l’avoir dès le départ, accompagné de réformes structurelles appropriées. Au
Sénégal, la réforme de la notation n’a pas produit les effets escomptés, parce qu’elle
n’avait pas été accompagnée d’une charte de la déconcentration ainsi que d’un texte
fixant les normes de création des structures. Le système béninois est en gestation et, au
Burkina Faso, il faut attendre les premières évaluations pour l’apprécier.
LES RAISONS DU MAINTIEN DU CADRE INSTITUTIONNEL DE LA CARRIERE
Les systèmes des Fonctions publiques de la carrière se sont maintenus et même
renforcés depuis les Indépendances.
Les changements de régimes dont la plupart sont issus de coups d’Etat, qu’ils
restent militaires, ou qu’ils deviennent libéraux, socialistes ou marxistes, n’ont pas affecté
les systèmes des Fonctions publiques. Les Fonctions publiques ont également survécu
aux programmes d’ajustement structurel alors même que dans certains cas on n’excluait
pas qu’elles deviennent un secteur en voie d’extinction. Les conférences nationales elles-
mêmes n’ont pas remis en cause les Fonctions publiques de la carrière.
Parmi les nombreuses raisons qui expliquent ce phénomène, quatre au moins
méritent d’être relevées.
Le rôle social de la Fonction publique
La Fonction publique est toujours perçue en Afrique et joue le rôle d’une grande
œuvre sociale. L’emploi public salarié ne nourrit pas seulement le fonctionnaire qui le
perçoit, mais est redistribué à travers des réseaux familiaux et sociaux complexes. La
pérennité de cet emploi reste donc un facteur d’équilibre social important.
Le rôle économique de la Fonction publique
Tant que le secteur privé ne se sera pas suffisamment développé, la Fonction
publique restera le secteur pilote du développement. L’effet pervers de cette situation,
c’est qu’elle est le réceptacle de toutes les tensions économiques, sociales, voire
culturelles de la société. Les contrariétés économiques non résolues ou insolubles, les
revendications sociales, les contraintes résultant des choix économiques, rejaillissent,
presque instantanément sur la Fonction publique.
A cela s’ajoute que le secteur privé n’a pas encore produit ses lettres de noblesse
en Afrique. Le label de qualité se trouve toujours dans le secteur public : les meilleurs
médecins sont dans les hôpitaux, et le succès de nombreuses écoles privées tient du fait
qu’elles se donnent les moyens d’utiliser les enseignants du secteur public.
Le rôle politique de la Fonction publique
En Afrique, l’Etat ne fonctionne pas et fonctionnerait difficilement comme une
entreprise privée. La faiblesse du tissu économique, la fragilité du tissu social, les
antagonismes religieux, ethniques et raciaux, imposeront longtemps à l’Etat des
obligations de service public que seule une Fonction publique transcendant ces clivages
peut impulser. C’est l’une des raisons pour lesquelles, en Afrique, la réforme de
l’Administration est inséparable de la réforme de l’Etat.
En outre, l’on ne doit pas perdre de vue que l’élite politique africaine est encore
largement recrutée dans la Fonction publique qui, de ce fait, reste la cheville ouvrière de
l’Etat.
Les effets pervers de la mondialisation
On aurait pu penser que la mondialisation sonnerait le glas du système de la
carrière du fait des valeurs et principes qu’elle véhicule ou qu’on lui impute : la mobilité et
la flexibilité de l’emploi, la concurrence et la compétitivité, etc…
En réalité, et ce n’est pas le moindre paradoxe de ce phénomène, la
mondialisation va renforcer le système de la carrière, au moins pour deux raisons.
D’abord, par sa nature, elle rend difficile la mise en œuvre d’une Fonction publique des
emplois : les mutations étant rapides, la formation sera continue et quasi permanente
quelle que soit la qualification des personnes recrutées. Ensuite, le système de la carrière
paraîtra de plus en plus comme un système refuge, sécuritaire, dans un environnement
international dont l’Afrique n’a pas la maîtrise.
L’ancrage du système de la carrière dans l’espace francophone ne signifie pas
qu’il devrait évoluer en vase clos. Au contraire, il ne peut survivre et se pérenniser qu’en
s’ouvrant et en s’adaptant aux principes nouveaux de la gestion des affaires publiques.
OUVERTURE ET ADAPTATION
DES FONCTIONS PUBLIQUES AFRICAINES
AUX PRINCIPES NOUVEAUX DE LA GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES
Au cours des dernières années, la mondialisation, ainsi que ses conséquences sur
la reformulation des missions et du profil de l’Etat, ont mis en relief la récurrence des
problèmes sociaux et économiques, l’émergence des valeurs nouvelles qui conditionnent
la bonne gestion des affaires publiques, ainsi que les principes d’organisation qui
permettent de les traduire dans les faits.
LA RECURRENCE DES PROBLEMES SOCIAUX ET ECONOMIQUES
Le nouvel environnement international a aggravé les tensions sociales et
économiques que le choc pétrolier de 1970 avait provoquées. La récurrence de ces
questions modifie profondément la configuration des Fonctions publiques africaines.
Les problèmes sociaux
Les Fonctions publiques africaines ont été marquées ces dernières années par le
défi de la diversité et l’épreuve des conflits.
Le défi de la diversité
Le concept anglo-américain « diversity » que l’on traduit par diversité, exprime
l’idée bien connue selon laquelle la Fonction publique est un microcosme de la société
elle-même. Comme celle-ci, elle est caractérisée par la diversité dans tous les domaines
et sous différents aspects : le sexe, l’âge, les attitudes et comportements, la religion, la
langue, la race, l’aptitude ou l’inaptitude physique, les valeurs culturelles, le rang social, la
formation, l’expérience, etc…
�� L’intérêt du concept tient, non pas à cette constatation elle-même, mais aux
conséquences que l’on veut ou prétend en tirer : intégrer tous les aspects de la diversité
dans la gestion des affaires publiques de manière à instituer des Fonctions publiques
mieux intégrées ; reconnaître et organiser la diversité, et non l’étouffer, de manière à
s’adapter à sa forte et irréversible croissance, et de ce fait, à la maîtriser. Les travaux
entrepris sur ces questions devraient connaître le point culminant en 2001, proclamé par
les Nations Unies année du Dialogue entre les Civilisations.
�� Sans nier l’intérêt de cette démarche, il convient d’en souligner les limites
et les difficultés de la mise en œuvre.
D’abord, elle n’est pas tout à fait nouvelle sauf que la prise en compte de la
diversité dans la Fonction publique a souvent été abordée de biais, par exemple, à travers
les mesures de protection des minorités, les réformes tendant à garantir l’égalité des
chances entre agents publics. L’innovation consiste à faire de tels mécanismes, non plus
l’exception, comme cela a été le cas jusqu’à présent, mais le principe même de la gestion
des Fonctions publiques. Or, c’est un phénomène social bien connu que l’octroi
d’avantages à une catégorie de personnes, même défavorisées, rompt l’équilibre actuel et
conduit les catégories qui s’estiment à tort ou à raison lésées à récupérer par d’autres
voies ce qu’elles estiment avoir perdu. Ce phénomène doit être pris en compte dans les
stratégies de la gestion de la diversité.
Ensuite, on devrait se demander jusqu’où on peut aller dans cette voie, sans
remettre en cause tout l’équilibre même de la Fonction publique. La discrimination positive
dont l’Affirmative Action en Afrique du Sud est l’une des manifestations, constitue une
limite qu’il sera difficile de franchir. Il faudrait en effet éviter, au nom de la gestion de la
diversité, à en arriver au nivellement par le bas des personnels de l’Etat. Cela conduirait à
récompenser la médiocrité au moment même où l’on veut construire la Fonction publique
sur le mérite et la compétitivité.
Enfin, la nouvelle doctrine remet implicitement en cause l’idée selon laquelle le
fonctionnaire n’est pas un citoyen comme les autres. Or, toute la légitimité de la Fonction
publique découle de cette idée. Elle signifie que la Fonction publique est un corps social
dédié au service public. Les droits, obligations et sujétions reconnus ou imposés au
fonctionnaire se justifient par les missions de service public qui lui sont confiées. Dans un
tel contexte, bien que la Fonction publique soit le microcosme de la société, la gestion de
sa diversité ne peut pas être une duplication de celle de la société.
L’épreuve des conflits L’idée même d’un conflit opposant l’Administration à son personnel était
incompatible avec l’Administration classique dominée par le principe d’autorité. On se
souvient par exemple que c’est à la suite d’une longue évolution qu’on a dû reconnaître le
droit de grève dans la Fonction publique.
Les perspectives ont changé et se sont accélérées depuis la mise en œuvre des
programmes d’ajustement structurel. Comme on l’a expliqué plus haut, les Fonctions
publiques africaines cristallisent et canalisent toutes les tensions sociales. En effet, dans
un contexte caractérisé par la faiblesse du secteur privé incapable, dans la plupart des
cas, de générer des emplois durables, l’Administration demeure un grand employeur. Du
coup, les Fonctions publiques deviennent le réceptacle des mécontentements et des
frustrations de la société.
Cette situation explique, en partie, les conflits qui bloquent de nombreuses
réformes administratives : les programmes de modernisation sont remis en cause par les
partenaires sociaux qui craignent pour la sécurité de leurs emplois ou leurs droits acquis.
Ces conflits conduisent souvent les Gouvernements, soit à abandonner certains plans
d’action de modernisation de leurs administrations, soit à les réévaluer, alors même qu’ils
auraient déjà fait l’objet de négociations avec les partenaires au développement. En
définitive, dans certains cas extrêmes, un climat lourd de tensions s’installe dans le
secteur public, et anéantit les acquis positifs de plusieurs années de réformes.
Deux types de solutions sont en cours d’expérimentation dans les Fonctions
publiques.
* Le dialogue social
Le premier type de solution qu’on essaie depuis plusieurs années pour gérer les
conflits dans les Fonctions publiques est un ensemble de processus et de mécanismes
qu’on qualifie de dialogue social et qui repose sur le rôle accru donné aux personnels et
surtout à leurs représentants.
Ce processus se développe sur deux plans.
�� La participation, la consultation ou la négociation, techniques déjà
anciennes, sont désormais utilisées comme procédés courants de la gestion des
personnels de l’Etat. Elles revêtent plusieurs modalités : contacts informels entre les
personnels et leurs représentants au sein des Ministères ; procédures paritaires associant
les représentants des personnels aux décisions concernant ceux-ci, participation indirecte
à travers les commissions paritaires et autres organismes représentatifs des Fonctions
publiques, etc…
Le recours à ces procédés a sans doute permis de prévenir plusieurs conflits.
Mais d’autres réapparaissent au moment de la mise en œuvre des projets consensuels.
�� La recherche du consensus est relativement plus récente. Elle s’est
imposée par nécessité, et aussi parce que la plupart des partenaires du développement
exigent de plus en plus que les Gouvernements ne leur soumettent que des projets ayant
fait l’objet d’un consensus politico-social. Ils veulent ainsi éviter de s’engager à financer
les projets qui seront ensuite remis en cause à la suite des conflits sociaux.
Cette exigence a conduit plusieurs pays à développer ce qu’on pourrait appeler la législation de consensus ; les gouvernements cherchent alors, par la négociation à
obtenir l’accord des partenaires sociaux avant la mise en œuvre des réformes. Ils pensent
que les projets consensuels supprimeront, ou au moins préviendront les conflits.
La législation de consensus se heurte à de nombreuses difficultés. En effet :
- la plupart des réformes administratives entraînent l’adoption de nouvelles lois
ou la modification de certaines lois en vigueur. Un projet de consensus suppose que
l’Assemblée représentative renonce à son droit constitutionnel d’amendement des lois,
pour ne pas remettre en cause le consensus obtenu entre les différentes parties
prenantes, ce qui est difficilement applicable dans un régime démocratique.
- Les projets ou textes de consensus sont souvent ambigus. Ce sont des textes
attrape-tout dans lesquels coexistent des exigences souvent contradictoires difficiles à
mettre effectivement en œuvre, et de ce fait, sources de nouveaux conflits.
* La médiation sociale
Le principe de la médiation sociale, c’est de résoudre les conflits sociaux par le
recours à une tierce personne.
L’idée elle-même est ancienne.
En effet, pendant longtemps, et aujourd’hui encore, c’est la procédure
contentieuse sous l’autorité du juge, tiers aux parties, qui est utilisée pour résoudre de
nombreux différends opposant l’Administration à certains de ses personnels.
Or, la procédure contentieuse conduit toujours à désigner un vainqueur et un
vaincu, et par conséquent à pérenniser les frustrations qui ont conduit les parties devant
le juge. En apparence, le conflit semble résolu, mais en fait, il couve, et rejaillira dès que
l’une des parties s’estimera, à tort ou à raison, être en mesure de revaloriser ses droits
par le recours à des procédures extra-judiciaires.
Dans la médiation, en revanche, la tierce personne n’est pas le juge officiel,
institutionnalisé dans la constitution, mais peut être un juge privé (ce qui est le cas pour
l’arbitrage), ou simplement un intermédiaire ayant une autorité suffisante pour prévenir les
conflits entre les parties ou les résoudre.
La médiation s’est d’abord développée en matière commerciale ou elle constitue
avec la conciliation l’une des procédures non contraignantes les plus usitées. Elles
déterminent les conditions auxquelles un tiers prête assistance aux parties pour engager
la négociation ou la faire aboutir.
Certains introduisent cependant des nuances entre les deux procédures. Ainsi, le
conciliateur se contenterait d’encourager les parties à mettre en œuvre leur propre
solution, tandis que le médiateur serait plus actif, les aiderait à trouver une solution
acceptable, et même, leur ferait admettre ses propres propositions de règlement. En
réalité, dans les faits, les missions respectives du conciliateur et du médiateur sont
difficiles à distinguer. En outre, en matière sociale, une telle distinction ne présenterait pas
d’intérêt pratique ; la médiation sociale est nécessairement active ; son objectif est atteint
s’il parvient à faire appliquer aux parties leur propre solution, ou, en cas de besoin, à leur
en proposer une autre.
Plusieurs Etats Africains ont institué un Médiateur de la république chargé
d’améliorer les relations entre les usagers et l’Administration, sans se substituer à la
justice.
La médiation sociale appliquée aux Fonctions publiques peut certes utiliser les
outils de conciliation et de négociation développés par le Médiateur de la république, mais
elle se situe sur un autre plan ; elle tente d'instaurer la paix sociale au sein même de
l’Administration. Du succès de ses objectifs dépendent la cohésion de l’Administration, sa
capacité de s’adapter à son environnement et de mieux répondre aux attentes des
usagers, ainsi que le succès des réformes entreprises pour la moderniser.
Pour qu’un tel objectif soit atteint, il faudrait que, par des actions de formation
appropriées, les fonctionnaires, notamment ceux chargés de la gestion des ressources
humaines, soient initiés aux techniques de la médiation sociale appliquée aux Fonctions
publiques. Il faudrait ensuite que soient conçus et disponibles des outils d’élaboration, de
mise en œuvre, de suivi et d’évaluation de médiation sociale dans les Administrations
publiques.
Le règlement de médiation pourrait être l’un des outils privilégiés. Comparable au
compromis d’arbitrage, il tracerait un cadre et poserait des principes souples permettant à
une tierce personne, dotée d’une autorité morale incontestée par les parties, de résoudre
le conflit qui les oppose.
Les problèmes économiques
En raison de son rôle déterminant dans le fonctionnement de l’Etat, les Fonctions
publiques africaines sont affectées, et frappées de plein fouet par la crise économique
mondiale qui perdure, ainsi que par l’une de ses conséquences, les programmes
d’ajustement structurel.
Cette situation est aggravée par des erreurs de diagnostic et de conception des
programmes et projets d’aide au développement de certains partenaires. Ainsi :
- le programme des départs volontaires des fonctionnaires avait été mis en œuvre
à un moment où le secteur privé, non restructuré encore, ne pouvait pas accueillir les
déflatés ;
- le programme de renforcement des capacités du secteur privé avait été mis en
œuvre alors que le secteur public, et notamment l’Administration publique, chargée de
coordonner et de piloter les politiques n’avait pas bénéficié d’appuis significatifs en
matière de réformes et de modernisation ;
- les politiques de privatisation ont pratiquement échoué, parce qu’elles n’avaient
pas été précédées par des aides appropriées aux Etats afin de leur permettre de clarifier
leurs missions et de prendre des décisions politiques claires quant au champ et à
l’étendue du service public ;
- l’engouement pour une Fonction publique des emplois ne tient pas compte du fait
que son succès dépend des actions de formation des fonctionnaires qui n’en sont qu’à
leurs premiers balbutiements.
Trois effets pervers découlent de cette situation.
�� La précarité des emplois publics dans un système qui tire sa légitimité de la
stabilité de ses structures. En effet, le système de la carrière ne survit qu’au prix de
compressions et suppressions successives d’emplois effectuées à travers des mesures
telles que la réforme des rémunérations, ou les réorganisations et restructurations des
services.
�� La réinsertion des agents publics, soit dans les Administrations autres que
celles auxquelles ils appartenaient, soit dans le secteur privé.
�� La reconversion des agents publics. En effet, les Fonctions publiques ne
s’adapteront aux mutations imposées par la mondialisation et l’ajustement structurel qu’à
la condition de concevoir et de mettre en œuvre une politique hardie de reconversion des
agents publics dans d’autres types d’activités et emplois en rapport avec les nouvelles
missions de l’Etat.
L’EMERGENCE DES VALEURS NOUVELLES
L’éthique et la déontologie, la transparence, l’obligation de rendre compte, la lutte
contre la corruption, sont au nombre des valeurs nouvelles sur lesquelles s’appuient
désormais les programmes de réformes et de modernisation des Administrations
publiques. Le succès des programmes dépend du degré d’ouverture des Fonctions
publiques à ces valeurs.
Ethique et déontologie
On peut analyser les problèmes d’éthique et de déontologie à trois niveaux :
La perception qu’en ont les usagers ou les fonctionnaires
Lorsqu’on demande aux fonctionnaires ou aux usagers d’énumérer les questions
clés qui selon eux, devraient figurer dans tout code d’éthique ou de déontologie, les
réponses sont très significatives et sont généralement les suivantes :
- l’amour du travail bien fait ;
- le respect de l’usager du service public ;
- la neutralité et l’impartialité ;
- la dépolitisation de l’Administration ;
- la probité et la dignité ;
- le dévouement pour la cause de l’intérêt général ;
- le loyalisme ;
- la fidélité aux institutions de la nation ;
- la réserve ;
- le sens du service public ;
- la lutte contre la corruption ;
- la conscience professionnelle ;
- combattre l’absentéisme, la négligence ;
- respecter la hiérarchie administrative ;
- faire preuve d’efficacité, de compétence et de probité ;
- privilégier l’intérêt général ;
- développer le sens de la responsabilité ;
- rechercher l’équité.
Ces réponses correspondent effectivement à l’intuition que l’on se fait de l’éthique
et de la déontologie.
L’éthique regroupe des règles dont la plupart ne présentent pas de caractère
juridique en ce sens que leur violation n’est pas assortie de sanctions publiques
organisées. Par exemple, l’amour du travail bien fait ou le sens des relations humaines
sont des règles de conduite dont la sanction juridique n’est pas organisée en l’état actuel
des statuts des Fonctions publiques africaines.
Les règles d’éthique ne se confondent donc pas avec les règles juridiques. En
effet, si elles n’étaient que des règles juridiques, il ne servirait à rien de les qualifier
d’éthiques, sauf à inclure la notion d’éthique dans la définition même de la norme
juridique, auquel cas, toutes les normes juridiques seraient des normes d’éthique.
Les règles d’éthique, au sens où l’on entend ici, forment un système normatif
autonome dont le caractère impératif découle de sa propre rationalité.
La déontologie regroupe les règles de la morale professionnelle sanctionnées par
des lois civiles, pénales, commerciales et autres, ainsi que par des instances
disciplinaires.
L’état des lieux de l’éthique et de la déontologie dans les Fonctions publiques africaines
Les statuts des Fonctions publiques africaines, qui sont des textes juridiques, ne
prescrivent pas des règles d’éthique, au sens que l’on vient d’indiquer. Ce qu’on y trouve,
ainsi que dans les statuts particuliers, spéciaux et autres textes organiques qui régissent
les corps des fonctionnaires et les professions, ce sont des règles juridiques de
moralisation de l’exercice du service public ou des obligations générales ou spécifiques à
chaque corps.
Les plus courantes sont les suivantes :
- enquête de moralité lors de l’entrée dans la Fonction publique ;
- éviction du fonctionnaire de la Fonction publique lorsque son honorabilité est
entachée notamment à la suite de certaines poursuites ou condamnations
pénales ;
- interdiction de cumul de plusieurs Fonctions publiques, ou d’une Fonction
publique et d’une fonction privée ;
- déclaration de fortune à l’entrée dans la Fonction publique ;
- respect des libertés individuelles sanctionné par des poursuites pour abus
d’autorité ;
- probité et le désintéressement qui font obligation au fonctionnaire d’éviter les
conflits d’intérêts, la fraude, la corruption, le trafic d’influence et la concussion ;
- secret professionnel, obligation de discrétion et de réserve ;
- sécurité des valeurs et des écrits dont le fonctionnaire est dépositaire.
D’autres règles sont inscrites dans les codes de déontologie et des professions ou
dans les statuts particuliers et spéciaux régissant certains corps. Elles tendent à préciser
les obligations générales qui s’imposent à tous les fonctionnaires dans le contexte propre
à chaque corps ou à chaque profession, compte tenu des conditions particulières dans
lesquelles s’exerce le service public.
Sont ainsi dotés en général des codes de déontologie ; les médecins,
pharmaciens, chirurgiens-dentistes, architectes, urbanistes, personnels de la santé etc..
Utilité et limites de la généralisation des codes d’éthique et de déontologie * Utilité
L’idée est tentante de généraliser les codes d’éthique et de déontologie, fixant,
pour toutes les catégories des fonctionnaires les normes de conduite à tenir à l’égard des
tiers, mais aussi à l’égard des supérieurs, subordonnés et collègues de l’Administration.
La généralisation pourrait d’abord être formelle, c’est-à-dire s’étendre à des
catégories des fonctionnaires qui ne sont pas organisés en ordres professionnels ou en
corporation, par exemple aux personnels de police, de l’enseignement, de l’éducation,
des collectivités locales, d’une manière générale aux fonctionnaires régis par les statuts
généraux.
La généralisation pourrait aussi affecter le fond même des normes d’éthique et de
déontologie ; les codes regrouperaient l’ensemble des normes qui s’imposent à l’agent
concerné, qu’elles soient morales ou purement morales telles que les normes de politesse
et de courtoisie.
Les principes et éléments ci-après pourraient constituer l’armature des codes
d’éthique et de déontologie.
- Les dispositions du code ne substituent pas à la réglementation ou à la
législation en vigueur ; elles s’y ajoutent dans le sens d’une meilleure garantie
des usagers du service public.
Le code spécifie clairement les catégories des fonctionnaires concernés, ainsi que
les conditions et circonstances de l’exercice de leurs missions. Par exemple, il n’y aura
pas un code d’éthique et de déontologie pour les fonctionnaires de la police en général,
mais autant de codes d’éthique et de déontologie qu’il y a de catégories des
fonctionnaires de la police : police des grandes ou de petites agglomérations ; police
d’Etat ou police municipale ; police rurale (gendarmerie) avec des sous-distinctions selon
la configuration géographique ou humaine des zones concernées ; polices
- Spéciales (ports maritimes et fluviaux, aéroports, aérodromes, infrastructures
sportives, etc..), police de la circulation, etc..
- Obligation doit être faite aux personnels concernés de faire une déclaration de
fortune au moment de l’entrée dans le service et de la comparer avec leur
situation à la sortie.
- Une énumération des principaux actes répréhensibles dont le fonctionnaire doit
s’abstenir parmi lesquels figureront, par exemple : l’interdiction de recevoir des
dons et autres avantages en rémunération des services rendus ; les conflits
d’intérêts, le trafic d’influence ; l’interdiction de contracter avec l’Administration
d’affectation ; le respect des biens publics ; une conduite ou des
comportements préjudiciables à l’intérêt du service.
- Les sanctions juridiques et autres qu’encourent les fonctionnaires qui violent
les dispositions des codes.
- La protection des fonctionnaires contre les poursuites et attaques du fait de
l’exercice légal et légitime de leurs attributions.
Les codes d’éthique et de déontologie se présenteront en général comme des
manuels de procédures, imprimés et présentés de telle sorte qu’ils soient facilement
utilisables par le fonctionnaire.
Dans certains cas, il sera suffisant de reprendre les dispositions des statuts
relatives aux obligations des fonctionnaires, et d’en faire une présentation différente, par
exemple en inscrivant les dispositions interdites dans une colonne, et les dispositions
prescrites dans une autre, chaque fois avec la mention, le cas échéant des sanctions en
cas de violation.
Dans d’autres cas, la confection des codes exigera que les textes des statuts
soient complétés. On s’apercevra en effet qu’ils comportent des lacunes et des
omissions ; on découvrira des contradictions ou des redondances dans les textes. Dans
tous ces cas, l’élaboration des codes aura permis, du même coup de mettre les textes à
jour et de rendre l’action administrative efficace.
* Limites
Là où ils ont été institués, y compris dans certains pays industrialisés, l’efficacité
des codes d’éthique et de déontologie s’est avérée limitée. En effet :
- Malgré les prescriptions contraires, ils sont toujours perçus par les utilisateurs
comme se substituant à la réglementation ou à la législation ordinaire. L’utilisateur se croit
quitte de tout reproche, dès lors qu’il a respecté les procédures et les normes contenues
dans le code, même si le résultat de son comportement ne satisfait pas aux objectifs
visés.
- Des difficultés apparaissent également quant aux prescriptions à inscrire dans
les codes. Deux extrêmes doivent être évités : faire la compilation de toutes les
obligations des fonctionnaires ; on déboucherait dans la plupart des cas sur des ouvrages
épais et inutilisables.
- Résumer ces obligations pour obtenir des manuels faciles à manipuler, mais
dans cette hypothèse, il sera parfois difficile d’appliquer une sanction au fonctionnaire à
qui on reprocherait un comportement répréhensible, parce que dans de nombreux cas,
les résumés des comportements inscrits dans les codes ne permettraient pas de qualifier
les faits susceptibles d’être réprimés.
Au total, l’éthique et la déontologie supposent certes une bonne réglementation
dans le contexte des Fonctions publiques africaines francophones dominées par le droit
écrit ; à cet égard, la tendance d’inscrire de nouvelles obligations dans les statuts, de
réglementer ou de susciter de nouveaux comportements compatibles avec les nouvelles
missions de l’Etat est positive et permettra une plus grande efficacité de l’Administration.
Il reste cependant que c’est grâce à la formation des fonctionnaires que les
valeurs éthiques et déontologiques affecteront durablement les Fonctions publiques. C’est
la mission des Ecoles de formation, et notamment des Ecoles d’Administration, d’assurer
cette éducation. Cela suppose l’adaptation des programmes d’enseignement de ces
Ecoles aux exigences nouvelles de la gestion des affaires publiques.
Transparence et responsabilité
Depuis quelques années, la transparence et la responsabilité sont considérées
comme des valeurs nouvelles qui garantissent le professionnalisme des Fonctions
publiques.
L’exigence de la transparence et de la responsabilité est une réaction contre
l’Administration classique et notamment conte deux de ses principaux défauts :
* L’opacité et la fermeture : l’Administration classique est opaque, fermée et
imperméable pour les usagers. La configuration des bureaux, l’attitude des agents
dénotent de la méfiance à l’égard des usagers. Il en résulte une absence quasi totale de
communication. Ainsi, l’Administration est coupée du citoyen qu’elle était pourtant appelée
à servir.
* L’anonymat : Lorsqu’on parvient à établir un contact avec l’Administration, la
qualité des relations est affectée par l’anonymat. Le fonctionnaire se réfugie derrière sa
fonction pour ne pas rendre compte de ses activités. Le citoyen ne peut pas identifier le
fonctionnaire responsable des questions pour lesquelles il entre en contact avec
l’Administration.
L’opacité, la fermeture et l’anonymat ont coupé l’Administration de son
environnement socio-culturel et économique. La transparence et la responsabilité sont
présentées comme des remèdes appropriés à cette situation.
La transparence, c’est un ensemble de mesures permettant à l’usager de voir ce
qui se passe dans l’Administration, de comprendre et de connaître les raisons pour
lesquelles l’Administration décide, notamment lorsqu’il s’agit de ses droits individuels. La
responsabilité, ce sont les mesures qui font obligation aux fonctionnaires de rendre
compte de son action. Le fait de savoir qu’on est tenu de rendre compte de ses actes et
comportements impose à chaque fonctionnaire une conduite plus conforme à l’éthique et
à la déontologie professionnelles.
Il n’y a pas de standards universels permettant de mesurer la transparence et la
responsabilité de manière absolue dans toutes les Fonctions publiques. Ces standards
dépendent du degré d’évolution de chaque Fonction publique. Une bonne organisation
administrative offre cependant des garanties qu’un minimum de standards sera respecté.
Les nouveaux principes d’organisation administrative Les valeurs nouvelles resteraient lettre morte si elles ne sont pas effectivement
mises en œuvre. Et elles ne peuvent l’être qu’à travers des formes d’organisation
administrative appropriées, reposant sur des principes novateurs.
Certains de ces principes ont déjà fait preuve de leur efficacité :
- l’utilisation des badges pour identifier les personnels ;
- la communication des dossiers administratifs individuels aux intéressés ;
- la communication aux fonctionnaires des notes et appréciation de leur
supérieurs ;
- les mesures garantissant l’objectivité et l’impartialité dans le recrutement des
personnels ;
- les dispositions légales réprimant la corruption ;
- les dispositions spécifiques réprimant la corruption dans la passation des
marchés publics ;
- les techniques nouvelles de la gestion des personnels (bases des données,
monographie, gestion prévisionnelle, tableau de bord, etc..)
- la motivation des décisions administratives
Des formes nouvelles d’organisation administrative intègrent certains de
ces principes.
Deux de ces formes promettent de porter des fruits.
Déconcentration et évaluation des performances La concentration des pouvoirs entre les Ministres est l’une des caractéristiques
des Administrations publiques africaines francophones. La plupart d’entre eux veulent
exercer les pouvoirs de conception et de gestion ; certains tiennent même à avoir un
regard sur l’exécution finale des décisions.
Cette pratique comporte plusieurs inconvénients : le traitement des affaires est
extrêmement lent, ce qui nuit à l’efficacité de l’action administrative ; les collaborateurs
des Ministres, n’ayant pas de pouvoirs propres, ne prennent pas d’initiative ; les
responsabilités sont diluées étant donné que toutes les affaires remontent au Ministre.
On a tenté de corriger cette pratique, sans obtenir des résultats probants.
* La première démarche a consisté à prendre des textes portant délégation de
signature et de pouvoirs. Instructions ont alors été données aux Ministres de déléguer leur
signature et certains de leurs pouvoirs à leurs collaborateurs. Dans la pratique cependant,
la plupart des Ministres ont toujours contourné ces instructions ou n’ont pas donné leur
plein effet aux délégations consenties. En effet, le délégataire dispose d’un pouvoir
propre, c’est-à-dire choisit lui-même le moment d’agir et le contenu de sa décision, a
charge d’en rendre compte à posteriori. Or, toute autre est la pratique de la délégation : le
Ministre délègue, mais intervient, soit pour prendre les décisions dans les matières
déléguées, soit surtout pour prescrire au délégataire le sens dans lequel sa décision doit
être prise.
* On a ensuite songé à une charte de la déconcentration, c’est-à-dire à un
document-cadre qui fixe les attributions des fonctionnaires dans les différentes structures
et aux différents niveaux où ils se trouvent. Toutefois, la mise en œuvre de cette idée fait
apparaître que la charte de la déconcentration se ramène à un texte portant délégation
des pouvoirs, mais entouré de solennité et enrichi des principes éthiques ainsi que des
proclamations de principe de nature à en accroître l’autorité morale et l’impact.
Sur le plan juridique, l’originalité des chartes de la déconcentration consiste à faire
de la subsidiarité le nouveau principe d’Administration publique : les autorités
administratives ne doivent exercer que des compétences strictement nécessaires au
fonctionnement de leurs structures. Parfois aussi, ce principe est utilisé comme un critère
de réparation des compétences, et signifie alors que les compétences de droit commun
doivent être exercées par les personnels de direction et d’exécution, les Ministres devant
se consacrer aux missions de conception, d’impulsion et de contrôle de leurs politiques.
L’ambition ultime des chartes de la déconcentration, c’est de faire en sorte que les
décisions soient prises au niveau administratif où se trouve l’information, en d’autres
termes que la décision soit prise par le fonctionnaire même qui tient le dossier sur la
question concernée.
Plusieurs chartes de la déconcentration sont en préparation, mais aucune n’est
encore en vigueur dans les Fonctions publiques africaines.
* La troisième orientation, qui paraît plus pertinente et plus efficace, consiste à
partir de l’idée que la déconcentration ne peut être réalisée qu’à travers une réforme
profonde des structures de l’Administration.
Une première réforme a consisté à fixer la mémoire de l’Administration au niveau
des Ministères en décidant que les Directeurs de cabinet ou les Secrétaires généraux
seront permanents, c’est-à-dire ne changeront pas au gré des remaniements ministériels.
Mais la tendance est d’aller plus loin, en fixant dans un organigramme type la
structure des Ministères et des services déconcentrés de l’Etat. Cette technique entraîne
automatiquement la déconcentration des pouvoirs, dès lors que des emplois bien définis
correspondent à des niveaux de hiérarchie déterminés.
Les textes récents du Burkina Faso consacrent ce principe ; il sera intéressant
d’en observer l’application sur une certaine période avant d’en apprécier l’efficacité.
Tentatives d’introduction dans l’espace francophone des principes du « civil service » anglo-américain
Une tendance, qu’il faut encourager, mais qu’il faut prendre avec précaution,
consiste, pour les pays francophones à observer le fonctionnement du « civil service »
anglo-américain, et à s’inspirer de certains de ses principes pour améliorer la
performance de leurs Fonctions publiques. « L’Agence Exécutive » de type britannique
constitue l’une des structures qui semble présenter beaucoup d’intérêt pour les pays
francophones.
Cet intérêt du fait que « l’Agence Exécutive » se présente comme un modèle de
déconcentration réussie dans le contexte francophone marqué par la centralisation
excessive des pouvoirs.
« L’Agence Exécutive » est une structure souple, légère, bénéficiant d’une large
délégation ministérielle. Son gérant reçoit une lettre de mission, indiquant les objectifs à
atteindre. Il a l’entière liberté de gestion, et peut prendre toutes mesures incitatives pour
intéresser et motiver son personnel et garantir la compétitivité de sa mesure.
La mise en place d’une telle structure dans l’espace francophone suppose au
préalable une réforme profonde des procédures budgétaires et comptables, mais aussi
une restructuration de l’Administration dans le sens de doter certaines activités d’une
organisation propre. Du coup, de telles activités deviennent productives et
concurrentielles.
Bien que dans plusieurs pays africains des projets de développement ou certaines
structures administratives soient qualifiées d’ « Agences », ces organismes ne présentent
pas les caractéristiques de l’Agence exécutive britannique qui ne peut se développer que
dans un contexte où la déconcentration est très poussée.
CONCLUSION
On peut conclure cette analyse en évoquant quatre pistes de réflexion.
Le débat sur « la bonne Fonction publique » reste récurrent dans l’espace
francophone africain, même s’il ne dit pas son nom.
C’est la question de savoir si les difficultés que l’on rencontre en matière de
réforme et de modernisation des appareils administratifs ne tiennent pas finalement au fait
que l’outil lui-même, le système de la carrière hérité de la France, n’est pas adapté au
contexte africain, n’est pas la bonne Fonction publique pour l’Afrique.
Si l’on part du principe que la Fonction publique actuelle n’est pas la bonne, cela
signifie qu’il faudrait faire autrement, c’est-à-dire entreprendre des réformes qui
permettent l’émergence d’une autre Fonction publique, d’autres structures et d’autres
modes d’organisation mettant en œuvre d’autres méthodes et techniques d’administration
et de gestion des personnels de l’Etat.
L’hypothèse de travail opposée consiste à faire mieux, c’est-à-dire à améliorer
progressivement le système actuel, à l’adapter à l’environnement socio-culturel et
économique de l’Afrique.
Aussi paradoxal que cela paraisse, l’échec de certaines réformes tient à l’absence
d’un choix clair entre les deux approches ou options. Ainsi, on entreprend une réforme en
ayant comme arrière-pensée de faire autrement, en se plaçant dans une logique de
rupture salutaire par rapport au cadre classique de la Fonction publique. Mais au même
moment, et parfois dans le même secteur ou domaine, on entreprend une autre réforme,
mais en se plaçant dans une logique de continuité, ce qui annihile les effets bénéfiques
des actions initialement entreprises. L’échec relatif des politiques de rémunération,
d’évaluation de performances et du mérite, ou encore des privatisations s’explique en
grande partie par ces contrariétés.
Le choix entre les deux approches de la réforme est sans aucun doute un choix
politique. Et il est possible que les contrariétés observées s’expliquent par des contraintes
imposées ou suggérées par les partenaires au développement.
Mais c’est la responsabilité des Gouvernements africains de faire des choix
politiques clairs, et de les assumer. Et, en matière de Fonction publique, faire mieux,
épuiser le champ possible, paraît un choix conforme aux exigences d’une politique
efficace et réaliste de modernisation des Administrations africaines.
Une meilleure prise en compte des traditions administratives francophones par les partenaires au développement rendrait les programmes de modernisation des
Administrations publiques plus crédibles, mieux adaptés aux réalités et faciliterait leur
mise en œuvre effective.
Bien que cette observation vise l’ensemble des partenaires autres que la France,
elle concerne plus particulièrement ceux qui conçoivent ou élaborent des programmes
multilatéraux ou transversaux, notamment la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire
International, et, dans une certaine mesure, l’Union Européenne et le Programme des
Nations Unies pour le Développement.
On constate en effet la prééminence de l’approche anglo-américaine dans la
plupart des programmes initiés par ces Institutions. Cette approche est globale et
concerne aussi bien la méthodologie que le choix même des objectifs de ces
programmes. On s’aperçoit aisément à leur lecture que la manière de poser les
problèmes de la Fonction publique, la hiérarchisation et l’établissement des priorités dans
les objectifs à atteindre, les types de solutions préconisées ou suggérées pour résoudre
les difficultés rencontrées, etc.. ont été inspirés, presque exclusivement, des expériences
des pays anglophones. Les programmes ainsi conçus sont ensuite étendus à l’ensemble
des pays africains qui sollicitent l’aide ou l’appui de ces partenaires.
Prendre en compte les traditions administratives francophones, c’est veiller à
garder l’équilibre entre les expériences des pays anglophones et celles des pays
francophones au moment de l’élaboration des programmes d’appui au développement. La
sensibilité et les expériences francophones se traduisent par un certain nombre de
principes fondamentaux dont la prise en considération modifierait, non seulement
l’approche méthodologique de ces programmes, mais également les objectifs de
modernisation qu’ils préconisent. C’est le cas, pour s’en tenir à quelques exemples, des
notions ou principes suivants : l’ancrage dans le système de la Fonction publique de
carrière rénové et adapté au nouvel environnement international ; l’Etat de droit qui n’est
pas synonyme de gouvernance, ni de bonne gouvernance ; l’approche institutionnelle de
la réforme , dans la mesure où toute réforme s’inscrit dans un développement
institutionnel des structures ; l’originalité de l’organisation administrative, avec la
distinction des collectivités locales ou décentralisées et des circonscriptions territoriales
déconcentrées ; l’attachement au service public avec, entre autres conséquences, que les
citoyens ne sont pas des clients, mais des usagers de l’Administration.
Pour que les traditions administratives francophones soient mieux prises en
compte par les partenaires, leurs structures de conception et de décision au niveau
mondial doivent être réaménagées en conséquence, de manière à y intégrer des experts
francophones des pays en développement.
Les Ecoles et Instituts d’Administration publique, quelque peu délaissées ces
dernières années, doivent être réanimées, afin de jouer le rôle qui doit être le leur en
matière de formation.
La revalorisation de cette mission est d’autant plus urgente que les questions
nouvelles auxquelles les Fonctions publiques sont confrontées : l ‘éthique, la déontologie,
la transparence, la responsabilité, etc.. ne peuvent pas, en l’état actuel des choses, être
réglées par des textes. En d’autres termes, il ne suffit pas de modifier les statuts des
fonctionnaires, d’y inscrire une liste des valeurs, voire même d’assortir leur violation de
sanctions, pour que de ce seul fait ces valeurs soient respectées. La réforme par la voie
statutaire n’aurait donc qu’une portée limitée.
C’est en amont, avant que les candidats entrent dans la Fonction publique, qu’il
faut s’attaquer à ces problèmes. Il faudrait donc doter les Ecoles et Instituts
d’Administration publique de programmes et d’outils de formation adaptés à ces nouvelles
exigences.
L’intégration régionale des systèmes des Fonctions publiques est devenue
une priorité qu’aucun programme de développement institutionnel ne saurait désormais
éluder. Elle passe par la phase intermédiaire de l’harmonisation des statuts des
fonctionnaires.
Dans l’espace africain francophone, le mouvement irréversible vers l’intégration
régionale se traduit déjà par l’existence d’organisations célèbres, notamment : le Conseil
Africain et Malgache pour l’Enseignement Supérieur (CAMES), l’Union Economique et
Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), le Traité instituant l’Organisation de l’Harmonisation
du Droit des Affaires (OHADA).
En matière de Fonction publique, l’évolution vers l’harmonisation et l’intégration
dans l’espace francophone est facilitée par le fait que les statuts des fonctionnaires sont
construits sur les principes, voire rédigés selon le même plan, comparables en cela à une
monnaie unique. Le cadre institutionnel étant déjà là, il suffirait de la volonté politique des
Etats pour en faire un instrument d’intégration.
L’harmonisation, et plus tard l’intégration, se feraient de manière pragmatique,
d’abord sur un nombre limité de questions (promotion de certains cadres, mobilité de
fonctionnaires), ensuite, progressivement, sur d’autres questions d’intérêt commun.