PHARMACOLOGIE DES CURARES
Dr Stéphanie RoulletUF Uro-vasculaire et TransplantationsService d’Anesthésie Réanimation 1
CHU Bordeaux
Sir Walter Raleigh, 1547
DEFINITIONS
DA95: dose active produisant 95% de dépression de laforce musculaire à l’adducteur du pouce
Dose d’intubation: 2 fois la DA95
Délai d’action: délai entre la fin de l’injection etl’obtention du bloc maximal à l’adducteur du pouce pour2 fois la DA95
Durée d’action clinique pour 2 fois la DA95: délaientre la fin de l’injection et la récupération de 25% de laforce musculaire initiale
Durée d’action totale pour 2 fois la DA95: délai entrela fin de l’injection et la récupération de 90% de la forcemusculaire initiale
CURARE DEPOLARISANT:LA SUCCINYLCHOLINE (Célocurine®)
1952
Forme galénique et dilution
Chlorure de suxaméthonium: ampoule de 100 mg dans 2ml soit 50 mg/ml
Chez l’adulte dilution dans une seringue de 10 ml avecdu sérum physiologique soit 10 mg/ml
Chez l’enfant de moins de 10 kg nouvelle dilution pourobtenir 1 mg/ml
Pharmacodynamie
Dose d’intubation: 1 mg/kg chez l’adulte, 2 mg/kg avant1 an, 1,5 mg/kg avant 2 ans (poids réel)
Délai d’action: 1-1,5 min au niveau des musclesadducteurs laryngés
Durée d’action totale: 9 min en moyenne, de 6 à 13 min
Métabolisme par les pseudocholinestérases plasmatiquesau niveau de la fente synaptique neuromusculaire
1/2000 porteur de pseudocholinestérases déficientes
Effets secondaires Fréquents et bénins
Fasciculations, myalgies Augmentation du tonus des masséters (rechercher signes HM) Bradycardie (stimulation des récepteurs muscariniques) Augmentation de la PIO, PIC, pression intra-gastrique et du SIO Augmentation de la kaliémie de 0,2 à 0,5 mmol/l
Rares et graves Allergie, anaphylaxie Curarisation prolongée en cas de pseudocholinestérase
déficiente Hyperkaliémie massive en cas de situation prédisposante
(nombre de récepteurs augmentés, fragilité de la fibremusculaire)
La succinylcholine ne déclenche pas d’HM mais aggravel’expression clinique de l’HM aux halogénés
Indications
Anesthésie du patient à l’estomac plein ou présentant unrisque d’inhalation de liquide gastrique
Anesthésie générale pour césarienne
Ne passe pas la barrière placentaire
Intubation trachéale pour interventions programmées dedurée brève, même en dehors de difficultés prévisiblesd’intubation
Intubation difficile prévisible sans difficultés deventilation
Electroconvulsivothérapie
Contre-indications
Absolues Antécédent personnel ou familial d’HM Fragilité musculaire (myopathie, myotonie): rhabdomyolyse Allergie Déficit en pseudocholinestérase (butyrylcholinestérase) Hyperkaliémie ou risque d’hyperkaliémie massive (dérégulation
haute): atteinte neurologique centrale (paraplégie, hémiplégie),périphérique, brûlures étendues récentes (2 ans), atteintesmusculaires importantes, immobilisation prolongée, tétanos,syndrome de Guillain-Barré
Relatives Troubles du rythme, insuffisance cardiaque Plaie du globe oculaire, HTIC mais dans ces 2 situations le risque
d’inhalation en cas d’estomac plein prime
Suxaméthonium et chaîne du froid
Alerte de l’ANSM de juillet 2012 Enquête officielle de pharmacovigilance sur les réactions
anaphylactiques liées aux curares de mars 2012 Hypothèse d’un rôle éventuel des conditions de
conservation en cas de rupture de la chaîne du froid Recommandations:
Ne pas utiliser de lots de suxaméthonium conservés àtempérature ambiante ou qui ont été congelés
Seuls les lots conservés entre 2 et 8°C (au réfrigérateur) doiventêtre utilisés
Ne pas remettre en chaîne du froid des produits qui en sontsortis
Vérifier et respecter strictement la date de péremption
Concept de curare idéal (1975)
Non dépolarisant
Délai d’action rapide
Durée d’action courte
Pas d’accumulation
Pas d’effet indésirable
CURARES NON DEPOLARISANT
Durée d’action courte: mivacurium
Durée d’action intermédiaire
Stéroïdiens
Vécuronium
Rocuronium
Benzylisoquinolines
Atracurium
Cisatracurium
Durée d’action longue: pancuronium, plus disponible
Poids idéal + 30-40%
MIVACURIUM (Mivacron®)
Pharmacodynamie
Curare dérivé des benzylisoquinolines
DA95: 0,07 mg/kg Dose d’intubation: 0,2-0,25 mg/kg Délai d’installation: 2-3 min Durée d’action: 15-20 min Dose d’entretien
En bolus: 0,05-0,1 mg/kg En débit continu: 3-15 µg/kg/min
Métabolisme
Métabolisme plasmatique par pseudocholinestérases
3 isomères dont l’isomère cis-cis s’accumule en cas
d’insuffisance rénale sévère
Grande variabilité interindividuelle
Risque de curarisation résiduelle
Effets secondaires
Histaminolibération dose et vitesse d’injectiondépendante: érythème, hypotension, tachycardie,bronchospasme
Allergie
VECURONIUM (Norcuron®)
Pharmacodynamie
DA 95: 0,04 mg/kg
Dose d’intubation: 0,1-0,15 mg/kg
Délai d’action: 2-3 min
Durée d’action: 45-75 min
Dose d’entretien En bolus: 0,03-0,04 mg/kg
En débit continu: 0,8-2 µg/kg/min
Chez l’obèse: poids idéal
Métabolisme
Métabolisme hépatique: désacétylation en position 3 et 17
3-désacétylvécuronium a des propriétés curarisantes, puissance 50-100% du vécuronium
Elimination rénale 20-30%
Durée d’action clinique allongée par insuffisance rénale
En cas de cirrhose ou cholestase Cl d’éliminationabaissée avec Vd inchangé d’où prolongation de l’effetclinique
Effets secondaires
Pas d’histaminolibération
Pas d’effet hémodynamique
Allergie
ROCURONIUM (Esmeron®)
Pharmacodynamie
DA95: 0,3 mg/kg
Dose d’intubation: 0,6-0,8 mg/kg
Dose d’intubation en séquence rapide: 0,9-1,2 mg/kg
Délai d’action: 1,5-2 min
Durée d’action: 45-75 min
Dose d’entretien
En bolus: 0,1-0,15 mg/kg
En débit continu: 8-12 µg/kg/min
Chez l’obèse: poids idéal
Métabolisme
Huit fois moins puissant que le vécuronium
Métabolisé par le foie, élimination par voie biliaire et
urinaire essentiellement sous forme inchangée
Durée d’action totale augmente de 25% en casd’insuffisance rénale
Délai d’action augmenté en cas de cirrhose, paraugmentation de volume du compartiment central
Effets secondaires
Pas d’histaminolibération
Pas d’effet hémodynamique
Allergie
ATRACURIUM (Tracrium®)
Pharmacodynamie
DA95: 0,25 mg/kg
Dose d’intubation: 0,5-0,6 mg/kg
Délai d’action: 2-3 min
Durée d’action: 30-45 min
Dose d’entretien En bolus: 0,2-0,6 mg/kg
En débit continu: 4-12 µg/kg/min
Chez l’obèse: poids réel
Métabolisme
Mélange de 10 isomères
Métabolisme plasmatique enzymatique ( 2/3 estérasesplasmatiques non spécifiques différentes despseudocholinestérases) et non enzymatique: 1/3 voiede Hofmann (pH et T° dépendante)
Métabolites: laudanosine et monoacrylate
Laudanosine dépourvue d’effets curarisants maispotentiel neuro-excitateur sans traduction clinique
Laudanosine éliminée par le rein
Pas d’influence de l’insuffisance rénale ou hépatique
Effets secondaires
Histaminolibération
Manifestations prévenues par une injection lente,
supérieure à 30 sec
Allergie
CISATRACURIUM (Nimbex®)
Pharmacodynamie
DA95: 0,05 mg/kg
Dose d’intubation: 0,15-0,2 mg/kg
Délai d’action: 3-5 min
Durée d’action: 40-75 min
Dose d’entretien En bolus: 0,03-0,04 mg/kg
En débit continu: 1-2 µg/kg/min
Chez l’obèse: poids réel
Métabolisme
Forme purifiée d’1 des 10 isomères de l’atracurium, 3
fois plus puissant
Métabolisme: 80% dégradation plasmatique spontanée par voie de Hofmann
Métabolites: laudanosine et acrylate monoquaternaire
Effets secondaires
Pas d’histaminolibération
Pas de variation de la FC ou de la PAM
Allergie
PANCURONIUM (Pavulon®)
Retiré du marché en mars 2011
ETAT DE LA RECHERCHE SUR LES CURARES
Nouvelle classe de curares
Composés Fumarate (olefinic isoquinolinium diester) Curares non dépolarisant Délai d’action rapide, durée d’action courte à
intermédiaire, inactivation originale par mécanismes nonenzymatiques, peu d’EI
Gantacurium
-chlorofumarate asymétrique, isomère seul Dégradation par 2 mécanismes non enzymatique
Addition de L-cystéine à la molécule, modification de lastéréochimie de la molécule, qui ne peut plus interagir avec lerécepteur à l’ACh
Hydrolyse plus lente de la liaison ester proche de la substitutionCl en produits inactifs, pH-dépendante
Peut être antagonisé par néostigmine, mais peu d’intérêt
DA95 0,19 mg/kg; délai d’action 2,1±0,6 min; durée d’action 4,7-10,1 min; récupération de T4/T1>0,9 en 12-15 min
EI: histamino-libération
CW002
Composé ester benzylisoquinoline fumarate
Curare non dépolarisant de durée d’action intermédiaire
Antagonisation possible par néostigmine
Dégradation plasmatique par cystéine endogène en produits 60 puis 500 fois moins puissants
CURARES ET ALLERGIE
Risque allergique
Curares à l’origine de la majorité des accidents
allergiques liés aux IgE
2,5 à 3 millions de patients curarisés/an en France
Un cas pour 13300 patients curarisés
Problème diagnostique: signes cliniques non spécifiques
Hypotension, tachycardie, bronchospasme
Sensibilité des tests cutanés discutés
Accident anaphylactique: clinique
4 stades de gravité croissante (Ring et Messmer) I : signes cutanéomuqueux: érythème, urticaire, avec ou
sans angiœdème II : atteinte multiviscérale modérée, avec signes
cutanéo-muqueux, hypotension artérielle et tachycardie, hyper-réactivité bronchique (toux, difficulté ventilatoire), dyspnée, signes digestifs
III : atteinte mono- ou multiviscérale sévère menaçant la vie et imposant une thérapeutique spécifique = collapsus, tachycardie ou bradycardie, troubles du rythme cardiaque, bronchospasme; les signes cutanés peuvent être absents ou n'apparaître qu'après la remontée tensionnelle, signes digestifs
IV : arrêt circulatoire et/ou respiratoire
Accident anaphylactique: démarche diagnostique au bloc (RPC SFAR)
Investigation immédiate et à distance à la recherche d’une anaphylaxie IgE-dépendante, de l’agent causal et d’une sensibilisation croisée si curare
Examens biologiques immédiats: dosage tryptase sérique et histamine plasmatique, IgE spécifiques
Tryptase sérique>25 µg.l-1 en faveur d’une anaphylaxie Histamine: histaminolibération
Plvt sanguin 7 ml sur tube sec et 7 ml sur tube EDTA dans l’heure qui suit le début des signes. Transmis au labo dans les 2 h, ou conservés à +4°C pdt 12 h max
Tests cutanés après un délai de 6 semaines
INDICATIONS DE LA CURARISATIONCHOIX DU CURARE
EN ANESTHESIE ADULTEIntubation
La curarisation facilite l’intubation trachéale Dose intubation ≥ 2DA95 à l’adducteur du pouce
Délai 60 secondes pour la succinylcholine Curares non dépolarisant: monitorage à l’orbiculaire de
l’œil pour le délai optimal, ou délai moyen de 3 min Chirurgie programmée, pas d’ID prévue: intubation avec
ou sans curare, selon type et durée de la chirurgie ID potentielle: vérifier la possibilité de ventiler au
masque avant de curariser, succinylcholine recommandée
Estomac plein: crash induction avec succinylcholine
EN ANESTHESIE ADULTEMaintien de la curarisation
Chirurgie abdominale et thoracique « à ciel ouvert »,relâchement musculaire facilite la chirurgie et lafermeture
Cœlioscopie: pas de consensus
Eviter les mouvements intempestifs, la toux
Orthopédie: réductions difficiles
Monitorage de la curarisation et de la décurarisation
EN ANESTHESIE PEDIATRIQUE
La curarisation ne facilite pas l’intubation trachéale
Effets secondaires de la succinylcholine plus importantset plus fréquents: bradycardie, spasme des masséters
Intubation difficile prévue: en VS avec propofol ousévoflurane
Estomac plein: succinylcholine
Chirurgie abdominale et thoracique, chirurgieendoscopique laryngée et chirurgie du strabisme
Monitorage de la curarisation, antagonisation
EN REANIMATION
Seul le cisatracurium a l’AMM pour la curarisation enréanimation
Monitorage par TOF à l’état stable et après toutemodification de dose
Objectif: 2 réponses