Politiques et espaces de la transition énergétique au sud de la Méditerranée
Eric VerdeilCNRS Université de Lyon
Environnement Ville Société
Introduction
• Un point de vue SHS/géographie=> énergie • Tunisie/Jordanie : deux pays « émergents »
– revenus intermédiaires, forte croissance de la demande énerg. – mais forte dépendance aux hydroc. – => des candidats évidents à une transition vers les
renouvelables et le solaire?• Transition énergétique souvent réduite à:
– Enjeu technologique: rentabilité (par ex. CSP/PV/ligne HVDC)– Enjeu institutionnel: question de l’exportation vers l’Europe– Enjeu éco/financier : suppression des subventions aux
énergies carbonées pour rendre les ER compétitives
Transition énergétique: du potentiel aux collectifs socio-techniques
• Transition énergétique souvent définie par son potentiel technologique:– Réduction des émissions CO2; gains économiques– Perception de la société (routines et intérêts constitués) comme obstacle,
résistance– Cette conception sous-estime les « recompositions réciproques » entre
technologies et milieu social. « Le potentiel est à construire » (Nadai et Labussière)– « la transition énergétique croise et met en tension des dynamiques
transnationales, nationales et locales, portées par des collectifs sociotechniques émergents, pris dans des relations mutuelles de cadrage/habilitation et travaillant à orienter le cours de cette transition. Elle offre en cela une opportunité de suivre les recompositions de nos sociétés au fil des collectifs et des processus qui portent l’émergence et les configurations des NTE. » (Nadai et Labussière)
• Deux dimensions à explorer particulièrement– « Politics » (≠ policy)=> conflits vs. consensus– Géographie: situation / échelle / territorialité / inégalité spatiale /dépendance au
sentier (Bridge et al. 2013)
Tunisie: la transition énergétique bloquée?
• L’opérateur historique national, acteur dominant– STEG, fondé en 1962: indépendance nationale,
maîtrise technique, intégration territoriale– Vecteur du progrès social : 100% connectés en ville,
99% dans le rural (années 1990-2000)– Outil de légitimation du régime Ben Ali– Années 2000: fin de l’indépend. énergétique => pol.
nationale de devt des ENR: plan solaire tunisien (2009) et création de la STEG ER
the Sidi Daoud wind power plant in Cap Bon
2011: Révolution politique et énergétique?
• Fragilisation de l’opérateur historique– Protestations sociales contre les
hausses de tarifs et boycott des factures • => lourdes pertes pour STEG (+400 M DT –
16% du CA) • => augmentation de la dette publique
– Syndicat de l’élec s’oppose à la filialisation de l’activité dans la STEG ER (crainte d’une privatisation)
– Critique ouverte d’une centrale éolienne à Bizerte-El Alia : absence de concertation, faiblesse des retombées locales (emplois)
Constitution d’un collectif alternatif
• 1985: création de l’ANME – Agence nationale de maîtrise de l’énergie• Appui de la coopération internationale (ADEME+GIZ+MedEner)• Nombreux industriels et exploitants veulent se lancer dans les ENR
(éolien + PV)• Critiques de la STEG:
– Plus de justification de son rôle historique– Absence de maîtrise technolog. des ENR – Collusion avec le régime– => ouverture du marché / fin du monopole
• Débat national sur la stratégie énergétique• Résistance de la STEG (capacité du réseau + pb de l’intermittence);
résistance syndicale (privatisation); crainte d’une hausse des tarifs
Trois collectifs en concurrence pour une transition énergétiqueEnerciel Desertec Ind Initiative
TunisiaTUNUR
Acteurs Filiale locale d’une entreprise US, dirigée par un homme d’affaires tunisien
consortium de firmes transnationales
Firme UK (Nur Energy Ltd)
Vision, Objectif, Intérêt, échelle
Éolien pour le marché local (industriels)
Produire 90% des besoins d’électricité EUMENA à partir du « Desert Power » en 2050
2 GW CSP dans le sud tunisien pour le marché européen
Technologie éolien Wind farmsPV CSP+ ligne HVDC vers la Sicile
CSP (satisfaire la demande lors du pic de consommation du soir en Europe+ ligneHVDC vers Rome
Instruments politiques, légaux, financiers
Nouvelle loi ( feed-in tariff + libre accès au réseau jusqu’à 30 MW + ventes à long termes + stratégie locale
Géopolitique euroméd. + finance globale + libéralisation du marché électrique tunisien
lobbying auprès du gvt tunisien + échelle locale (inhabitants + q° eau). Loi spéciale. Invest. européens
Enerciel vision
Trois collectifs en concurrence pour une transition énergétiqueEnerciel Desertec Ind Initiative
TunisiaTUNUR
Acteurs Filiale locale d’une entreprise US, dirigée par un homme d’affaires tunisien
consortium de firmes transnationales
Firme UK (Nur Energy Ltd)
Vision, Objectif, Intérêt, échelle
Éolien pour le marché local (industriels)
Produire 90% des besoins d’électricité EUMENA à partir du « Desert Power » en 2050
2 GW CSP dans le sud tunisien pour le marché européen
Technologie éolien Wind farmsPV CSP+ ligne HVDC vers la Sicile
CSP (satisfaire la demande lors du pic de consommation du soir en Europe+ ligneHVDC vers Rome
Instruments politiques, légaux, financiers
Nouvelle loi ( feed-in tariff + libre accès au réseau jusqu’à 30 MW + ventes à long termes + stratégie locale
Géopolitique euroméd. + finance globale + libéralisation du marché électrique tunisien
lobbying auprès du gvt tunisien + échelle locale (inhabitants + q° eau). Loi spéciale. Invest. européens
Trois collectifs en concurrence pour une transition énergétiqueEnerciel Desertec Ind Initiative
TunisiaTUNUR
Acteurs Filiale locale d’une entreprise US, dirigée par un homme d’affaires tunisien
consortium de firmes transnationales
Firme UK (Nur Energy Ltd)
Vision, Objectif, Intérêt, échelle
Éolien pour le marché local (industriels)
Produire 90% des besoins d’électricité EUMENA à partir du « Desert Power » en 2050
2 GW CSP dans le sud tunisien pour le marché européen
Technologie éolien Wind farmsPV CSP+ ligne HVDC vers la Sicile
CSP (satisfaire la demande lors du pic de consommation du soir en Europe+ ligneHVDC vers Rome
Instruments politiques, légaux, financiers
Nouvelle loi ( feed-in tariff + libre accès au réseau jusqu’à 30 MW + ventes à long termes + stratégie locale
Géopolitique euroméd. + finance globale + libéralisation du marché électrique tunisien
lobbying auprès du gvt tunisien + échelle locale (inhabitants + q° eau). Loi spéciale. Invest. européens
Source TUNUR
Jordanie• Dépendance énergétique extrême: 97%
– Intégration nationale via accès à tous à l’élec. (99%) subv. – Pétrole irakien / gaz égyptien– Interruptions de ces approvisionnements (guerre en Irak/sabotage
répété du gazoduc du Sinai égyptien+évolutions politiques locales)– Explosion des subventions malgré hausse des tarifs + fort
mécontentement social• Une stratégie de diversification énergétique
– Nucléaire (Rosatom) / pétrole de schiste (oil shale) (resp. 20 et 14% en 2020)
– Gaz naturel liquéfié (Qatar)+nouveau pipeline depuis l’Irak– Energies renouvelables + eff. énergétique (10-15% du mix en
2020)=>solaire+éolien
Un hub solaire à Maan, sud jordanien
• Fort potentiel solaire• Une ville socialement et
politiquement marginalisée• Projets PV+CSP 500 MW sur
financements privés locaux et étrangers
• Logique de « zone franche »: (suspension du droit de travail, de la fiscalité ordinaire et des règles d’urbanisme)
• Fortes oppositions locales– Dépossession des ressources
naturelles locales– Non-association à la décision– Faibles retombées en emploi
Conclusion• « geography matters »
– Accès aux ressources énergétiques– Dépendance au sentier: technologique/usages sociaux– Enjeux d’échelle: inscription des technologies dans les territoires– Inégalités de développement conditionnent la perception des
renouvelables (enjeu de l’emploi)• (Geo)politics too
– L’accès à l’énergie est au cœur des politiques de modernisation et de construction de la légitimité politique• Subventions = sujet explosif => prudence politique (cf. contre-exemple de
l’Egypte)
– Les bouleversements politiques sont des moments de bouleversements des systèmes énergétiques (ex. Tunisie)
– Poids de la géopolitique (pétrole, nucléaire (Russie), renouvelables (Allemagne, Chine))
Références bibliographiques• Bridge G., Bouzarovski S., Bradshaw M., Eyre N., 2013, Geographies of energy
transition: Space, place and the low-carbon economy, Energy Policy, février 2013, vol. 53, p. 331 340. < http://dx.doi.org/10.1016/j.enpol.2012.10.066 > ‑
• Les collectifs socio-techniques de la transition énergétique, ANR SocInnov, Alain Nadai & Olivier Labussière (resp.), 2012-2015
• Rocher L., Verdeil É., 2013, Energy Transition and Revolution in Tunisia: Politics and Spatiality, The Arab World Geographer / Le géographe du monde arabe, vol.16-3, 277-298
• Verdeil É., 2011, Villes, énergie et développement durable en Jordanie : entre néolibéralisme et improbable décentralisation, in Barthel P.-A., Zaki L. (éd.), Expérimenter la « ville durable » au sud de la Méditerranée. Chercheurs et professionnels en dialogues, La Tour-d’Aigues, Editions de l’Aube, p. 291 319. < ‑http://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00460974 >
• Verdeil É., 2013, The Contested Energy Future of Amman, Jordan: Between Promises of Alternative Energies and a Nuclear Venture, Urban Studies, 21 août 2013, n°Online First, < http://dx.doi.org/10.1177/0042098013500085 >