PRESANS
Le cas de création d’une nouvelle offre : une stratégie de plateforme pour ré-pondre à l'adolescence organisationnelle d’une start-up ?
Marguerite RATIER
Promotion PIC 2017
Tuteurs Académiques : Romaric SERVAJEAN-HILST et Sihem JOUINI
Tuteurs PRESANS : Darko JESIC et Albert MEIGE
Master PIC | PRESANS | Août 2017 2
Remerciements
Nous remercions tout d’abord nos tuteurs d’entreprise Albert MEIGE
et Darko JESIC pour la confiance qu’ils nous ont accordée tout au long de
notre expérience professionnelle chez PRESANS.
Nous remercions également nos tuteurs Romaric Servajean-Hilst et
Sihem JOUINI qui, grâce à leur encadrement académique, nous ont poussés
à tirer le meilleur de notre travail de recherche. Ce mémoire doit beaucoup à
leurs instructions, conseils et critiques.
Merci à l’ensemble des professeurs du Master PIC, du CRG de l’Ecole
Polytechnique, du CGS de l’Ecole des Mines de Paris et du Master MTI, de
nous avoir apporté leur vision du monde de l’entreprise et de l’innovation qui
nous a permis de construire ce travail.
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Table des matières
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 5
1. METHODOLOGIE DE NOTRE RECHERCHE ................................................................... 7
1.1 Un projet d’exploration mené selon les méthodes de la recherche-
intervention ..................................................................................................................................... 7
1.2 Un contexte de travail propice à la recherche-intervention ................................. 8
1.3 L’émergence de notre réflexion sur le processus de transformation
organisationnelle ......................................................................................................................... 10
2. REPERES CONCEPTUELS ET THEORIQUES DE NOTRE PROBLEMATIQUE ... 12
2.1 La théorie des cycles de vie du produit .................................................................... 12
2.1.1 Introduction générale ............................................................................................. 12
2.1.2 Cas particulier de la Hype Curve pour les nouvelles technologies .......... 14
2.2 La théorie des cycles de vie des organisations ..................................................... 17
2.2.1 Présentation générale à la théorie OLC ............................................................ 17
2.2.2 Théorie des cycles de vie et antifragilité ........................................................... 23
2.2.3 Tentative d’application et limites de la théorie au cas PRESANS ............ 25
2.2.4 Le cas particulier des petites entreprises et startups .................................. 27
2.3 L’industrie des intermédiaires d’innovation : un environnement dynamique
en pleine croissance ................................................................................................................... 36
2.3.1 La croissance de la perméabilité des frontières de l’entreprise :
naissance du concept d’Open Innovation. ...................................................................... 36
2.3.2 Emergence d’intermédiaires d’OI : surmonter la frontière entre seekers
et solvers .................................................................................................................................... 39
2.3.3 Les designs de plateformes intermédiaires d’OI existants et l’intégration
de PRESANS dans ce contexte en 2008 .......................................................................... 43
2.3.4 Aujourd’hui, PRESANS n’est plus en rupture avec le marché mais
occupe un marché de niche. ............................................................................................... 48
2.4 Présentation générale de PRESANS ........................................................................... 52
2.4.1 Histoire et croissance ............................................................................................. 52
2.4.2 L’offre historique d’Appel à Expertise ............................................................... 54
2.4.3 Les activités annexes et l’écosystème de PRESANS ..................................... 58
3. LE PROCESSUS DE CREATION D’UNE NOUVELLE OFFRE ................................... 61
3.1 Quel a été le catalyseur du début de la réflexion d’innovation ? ..................... 61
3.1.1 Un contexte favorable ............................................................................................. 61
3.1.2 Une opportunité de marché ................................................................................. 63
3.2 Les pratiques de création et d’innovation dans le cadre de La Conciergerie 65
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3.3 La conception de La Conciergerie : présentation générale du projet .............. 68
3.4 Caractérisation de l’innovation de manière absolue ............................................ 72
3.4.1 Caractérisation de la Conciergerie en tant qu’innovation. ......................... 72
3.4.2 Matrice de Abernathy et McGrath (1985) ........................................................ 74
3.4.3 Les risques inhérents à cette innovation ......................................................... 76
3.5 Une création orientée client par itérations pour répondre aux risques
inhérents aux innovations de marché .................................................................................. 77
3.5.1 Avoir accès à la demande client : entre design thinking et lean startup
77
3.5.2 Le processus de création du contenu ............................................................... 78
3.5.3 Le processus de création du design en parallèle ........................................... 81
4. RESULTATS ET ANALYSES : L’ADOLESCENCE ORGANISATIONNELLE ET LE
CAS PRESANS .................................................................................................................................. 88
4.1 L’insertion de l’étape de création d’une nouvelle offre dans le développement
de la firme ...................................................................................................................................... 88
4.1.1 La mise en place d’une structure fonctionnelle ............................................. 88
4.1.2 La recherche d’un nouveau relais de croissance. ......................................... 89
4.2 Une problématique plus large de transformation d’organisation .................... 90
4.2.1 Passage du cycle de vie produit au cycle de vie entreprise ........................ 90
4.2.2 Une stratégie de platforming cohérente ........................................................... 93
4.3 LES TENTATIVES CONSTRUCTIVES DANS LA COMMERCIALISATION ...... 94
4.3.1 La réponse marketing apportée à l’innovation de plateforme pour la
diffuser 94
4.3.2 La question du modèle financier ........................................................................ 95
CONCLUSION ................................................................................................................................... 98
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 100
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INTRODUCTION
Ce mémoire propose un aperçu des conclusions des travaux effectués
lors de notre projet de master Projet Innovation Conception (PIC) de l’Ecole
polytechnique. La formation s’est étalée sur un an, entre septembre 2016 et
août 2017. Elle articule cours de gestion et pratique de l’innovation en
entreprise. Elle est encadrée par des tuteurs académiques et professionnels.
Nous avons mené ce projet en alternance et seule, disposant d’une formation
initiale de management et de commerce. Notre Projet d’innovation et
conception a abordé le monde de l’Open Innovation et de ses intermédiaires,
dans le cadre de l’identification et du courtage d’expertise.
Depuis les années 2000, l’Open Innovation (c’est-à-dire la combinaison
de savoirs internes et externes en vue d’accélérer l’innovation au sein de l’en-
treprise) a pris une importance considérable. Dans ce contexte, PRESANS a
été fondée pour jouer le rôle d'intermédiaire d’Open Innovation en 2008 par
Albert Meige.
L’entreprise aide des groupes industriels à résoudre leur probléma-
tiques scientifiques et techniques de R&D via un processus en 3 étapes : re-
formulation du problème, identification et sélection des experts mondiaux les
plus pertinents, restitution des connaissances exposées par l’expert. Ce pro-
cessus est permis par des outils technologiques uniques de récolte et tri de
l’information scientifique et technique disponible sur internet. PRESANS dis-
pose aujourd’hui d’une base de données contenant plus de 7 millions de noms
d’experts mobilisables à la demande. Un autre élément de différenciation im-
portant est l’équipe de Fellows qui chapeaute chaque projet : un ancien direc-
teur de R&D accompagne chaque entreprise et l’aide à comprendre le marché.
Le projet du Master PIC a consisté à participer au développement d’une
nouvelle offre plus légère et rapide : une expertise flash en 72h via une con-
versation téléphonique avec un expert. Cette immersion a permis d’étudier les
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enjeux et les articulations du lancement d’un nouveau produit, de la cons-
truction d’un portefeuille cohérent, et des conséquences que cela engendre,
anticipées ou vécues de fait.
Ce lancement est d’autant plus important qu’il pousse l’entreprise à
fournir une réflexion stratégique poussée sur son modèle : ses actifs propres,
son cœur de métier, sa clientèle, ses méthodes d’innovation. Dans la littéra-
ture, cette phase semble correspondre à une phase d’adolescence de l’entre-
prise. Nous voulons montrer dans ce rapport que PRESANS est probablement
un cas d’étude d’une entreprise au cœur d’une phase de transition relative-
ment classique dans la croissance d’une organisation : le passage d’une en-
treprise mono-produit (start-up) à une entreprise établie disposant d’un por-
tefeuille de services.
L’intérêt majeur est d’étudier les moyens mis en œuvre par l’organisa-
tion pour passer ce cap. La forme de la nouvelle offre pousse à se poser la
question du platforming : s’agit-il d’un réel déploiement de portefeuille ou bien
simplement du développement d’une famille de produits s’inscrivant dans une
stratégie de plateforme classique ? Quelle est la teneur de l’innovation en
cours et à quelle stratégie de transformation cela correspond-il ?
Pour répondre à ces questions, nous commencerons par expliquer
brièvement la méthodologie de recherche-intervention dans laquelle s’inscrit
le mémoire. Nous estimerons ensuite le cadre théorique dans lequel s’inscrit
notre travail de recherche par rapport aux théories existantes sur les cycles
de vie des organisations et les intermédiaires d’Open Innovation. Enfin, nous
allons proposer un processus analytique du passage d’adolescence chez PRE-
SANS et des choix stratégiques faits dans ce contexte.
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1. METHODOLOGIE DE NOTRE RECHERCHE
1.1 Un projet d’exploration mené selon les méthodes de la
recherche-intervention
Ce travail a été mené selon les méthodes de recherche-intervention, les
avancées théoriques et pratiques restant indissociables de l’analyse du cas.
Notre travail de recherche sur le lien entre croissance organisationnelle et
stratégie de plateforme s’inscrit pleinement dans la dynamique interactive de
« coconstruction de l’objet de recherche et de la démarche de solution envisagée
» (Perez Par Yves-André, 2008) puisque nous avons concrètement participé à
la création de la plateforme qui est étudiée en tant qu’étape organisationnelle
dans la suite du présent mémoire.
Ce choix n’est pas fait personnellement mais de facto du fait de la
structure du master PIC et de notre projet. En effet, cette méthodologie
coïncide directement avec la pratique de la recherche en gestion du Master
PIC, dont le but initial est d’allier formations académique et professionnelle,
études empiriques et théoriques.
Le principe de réussite de cette approche est l’interaction du chercheur
avec l’organisation et son fonctionnement. En agissant dans l’organisation, en
participant à l’innovation en cours, le chercheur étudie directement ses effets
de l’intérieur. Les pistes d’étude et de réflexion ont donc été amenées à changer
tout au long de ma période chez PRESANS, en fonction des difficultés ou op-
portunités observées.
Travaillant de trois à cinq jours par semaine chez PRESANS, nous
avons pu directement participer au travail de l’entreprise sans être un obser-
vateur extérieur. Tout en bénéficiant d’un suivi académique nous permettant
de prendre un point de vue plus large et plus analytique à chaque étape. Cela
permet notamment à l’acteur-chercheur de se rendre le plus indépendant pos-
sible des systèmes de pensées et modèles d’explication propres à l’entreprise
dans laquelle il évolue.
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Le point clé de la méthode de recherche-intervention, proche de la mé-
thode de l'observateur participant en sociologie et ethnologie où le chercheur
se met dans la peau de son sujet d’étude, est la conversion de la situation
observée en savoir théorique ayant une pertinence scientifique. Le principe et
l’enjeu en cours sont de produire une base de données suffisamment riche et
rigoureuse pour « accéder à une compréhension fine des processus à l’œuvre
dans des contextes aussi complexes que les projets d’innovation » (Lenfle,
2008).
1.2 Un contexte de travail propice à la recherche-interven-
tion
L’organisation de PRESANS est propice au travail de recherche
intervention du fait de ses effectifs et de leur regroupement géographique
essentiellement en un même lieu. Ces facteurs permettent d’avoir une vue
générale et transversale de l’organisation.
Dès notre arrivée en septembre 2016, nous avons eu rapidement des
rôles opérationnels et pu participer ensuite à la réunion annuelle de
PRESANS. Cela nous a permis de rentrer en contact avec presque tous les
collaborateurs de l’entreprise (vingt-cinq collaborateurs en janvier 2017). La
structure est schématisée en figure 1, à la page suivante.
Cette structure s’organise autour de trois pôles principaux,
indispensables au bon fonctionnement de l’entreprise.
Le premier est celui des Fellows, ces méta-experts chargés de décrypter
et traduire les problèmes des entreprises, de s’adresser aux experts qu’ils
auront jugés utiles à la mission en cours et de rendre l’information produite
compréhensible par les entreprises clientes. Ces Fellows sont d’anciens CTO
(Chief Technology Officer) ou directeurs de divisions R&D. Leur rôle est de
juger de la pertinence des compétences d’un expert pour résoudre un
problème donné : ce sont des « experts d’experts ». En plus de traduire les
besoins des entreprises, les Fellows suivent les clients tout au long du projet
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afin de s’assurer que les bonnes questions soient posées, que les informations
clés soient communiquées. Ce groupe de Fellows n’est pas directement
rattaché à l’entreprise comme le seraient des salariés. Ils sont sollicités
personnellement lorsqu’un projet relevant de leur compétence se présente. Ils
jouent aussi le rôle de générateur d’activité puisqu’ils peuvent amener leur
propre projet. C’est une équipe en expansion.
Figure 1. Organigramme de PRESANS en mai 2017
PRESANS est ensuite composée d’une équipe d’opération (bras-droit,
Junior, responsable de la veille). Elle se charge de trois missions principales :
développer l’entreprise, prendre en charge et s’assurer de la bonne gestion des
projets et des relations avec les experts et suivre l’environnement économique
dans lequel PRESANS évolue. Il s’agit donc du cœur d’activité de l’entreprise
qui lui permet de se développer. Cette équipe est composée de managers et de
business développeurs.
La troisième branche de l’entreprise regroupe les deux programmeurs
qui mettent au point les outils technologiques de PRESANS indispensables à
son métier. Il s’agit notamment de la base de données sur laquelle PRESANS
Master PIC | PRESANS | Août 2017 10
fonde ses recherches d’experts. Le dirigeant et co-fondateur chapeaute
l’ensemble de ces équipes.
Dans ce cadre, nous avons essentiellement travaillé avec le fondateur,
son bras-droit et l’un des programmeurs. Comme nous le disions, la
concentration numérique et géographique des effectifs nous a permis de suivre
l’activité de l’entreprise de manière plus large que notre projet d’innovation
uniquement. Cette position privilégiée ainsi que la richesse des expériences
directement observées nous ont permis d’accéder à des connaissances terrain
clés, et de suivre de près l’évolution de la situation d’innovation en question.
Dès lors, notre réflexion sur la phase de croissance transitionnelle que vivait
l’entreprise s’est construite progressivement d’une manière interactive entre
contextualisation et théorisation alternées.
1.3 L’émergence de notre réflexion sur le processus de
transformation organisationnelle
La principale difficulté de la méthode de recherche-observation est de
rester indépendant du cadre dans lequel l’intervenant-chercheur évolue. Il est
d’autant plus difficile de rester imperméable à la culture et l’analyse qui est
faite en interne lorsque la réflexion s’étend à des activités que l’on ne maitrise
pas.
Après quelques mois chez PRESANS, nous avons constaté que le projet
sur lequel nous travaillions s’inscrivait dans une dimension plus large à long
terme de l’entreprise et avait été sélectionné parmi plusieurs autres
possibilités de développement évoquées en interne. Entre le premier entretien
de rencontre des équipes (juin 2017) et le début de notre alternance
(septembre 2017), le projet avait d’ailleurs été modifié. Si le but restait la
création d’une nouvelle offre à partir des actifs existants (Fellows, carnet de
clients et base de données), le projet en question était tout à fait différent. En
effet, en juin, le projet concernait la création d’une offre de laboratoires
Master PIC | PRESANS | Août 2017 11
éphémères qui permettrait de faire entrer en relation et en discussion
différents types d’experts autour d’un thème d’innovation. En septembre, le
projet était finalement arrêté sur la création d’une plateforme de mise en
relation one-to-one entre un expert et un client pur une expertise « flash ».
Le projet, qui semblait donc encore à un stade proche de l’idéation,
nous a semblé représenter toutefois une étape clef dans la maturation de
PRESANS. S’il pouvait paraitre relativement indépendant des autres équipes,
il suscitait beaucoup d’attentes et on envisageait qu’il puisse modifier la
structure générale de l’entreprise s’il était fructueux. Ces constats nous ont
donc amenée à estimer qu’il s’agissait d’une étape charnière du
développement organisationnel de l’entreprise, se situant entre le stade de
start-up et celui d’entreprise établie.
Nous avons donc ensuite accordé une attention plus particulière aux
données permettant d’appréhender les spécificités de ce passage. Il s’agissait
ainsi d’abord d’estimer le stade de croissance auquel se trouvait PRESANS
(retracer son évolution depuis sa création) en s’aidant des modèles existant en
de gestion. Puis d’observer les modifications qu’induisait le projet d’innovation
sur lequel nous travaillons. Enfin, d’analyser ce projet de manière plus large
que la simple création d’une nouvelle offre en le considérant notamment vis-
à-vis des positions stratégiques de l’entreprise.
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2. REPERES CONCEPTUELS ET THEORIQUES DE NOTRE
PROBLEMATIQUE
La présente section a le dessein de présenter une analyse succincte de
la littérature concernant le sujet que nous étudions et que nous avons utilisée
pour avancer dans notre réflexion. Consacrée à l'analyse de la littérature exis-
tante, elle a été élaborée d’après le contexte de l'organisation et la mise en
place de nos problèmes à venir sur le terrain. Nous avons choisi un certain
nombre d’axes théoriques que nous avons étudiés en amont et en parallèle de
notre recherche terrain pour la guider.
Il s’agira notamment de la théorie des cycles de vie des organisations
puisqu’il nous semble que PRESANS est aujourd’hui dans une phase intermé-
diaire de transition. Une application directe de ces outils conceptuels ne sem-
blant toutefois pas pertinente, nous étudierons ensuite les apports de la litté-
rature permettant d’étudier les spécificités de PRESANS, à savoir son écosys-
tème d’Open Innovation et son attachement à la technologie.
2.1 La théorie des cycles de vie du produit
2.1.1 Introduction générale
Les théories du cycle de vie du produit (Product Life Cycle souvent
abrégé PLC) proposent un modèle d'analyse marketing et de gestion de tréso-
rerie qui décrit et clarifie la vie du produit. Le produit doit être compris comme
un concept global des besoins.
Le modèle doit permettre aux entreprises de planifier une stratégie à
long terme, compte tenu de la phase dans laquelle le produit est ou n’est pas.
Il permet également d'anticiper ou de comprendre une baisse afin de prendre
les décisions adéquates.
La première utilisation officielle de la théorie du cycle de vie du produit
en économie était Raymond B. Prescott qui a introduit le PLC comme un outil
Master PIC | PRESANS | Août 2017 13
d'analyse de la demande sur les niveaux de production. Le modèle d’explica-
tions en phases est généralement attribué à Everett qui, en 1962, publie un
livre sur la diffusion des innovations dans lequel il a synthétisé plusieurs cen-
taines d’études portant sur ce thème. Il en tire un modèle de diffusion listant
les caractéristiques de base des phases du modèle PLC.
Le modèle de PLC décrit quatre étapes essentielles par lesquelles tout
produit doit passer :
1. La phase de lancement : le produit est nouveau et a donc peu de
personnes qui le connaissent. A ce moment, les clients se caractérisent par
un esprit pionnier. Les ventes sont modestes. Le consommateur retient son
achat pour plusieurs raisons : le risque de l’inconnu et/ou le prix élevé. Il peut
donc être intéressant de minimiser ces facteurs, par exemple en réduisant le
prix.
2. La phase de croissance : un nouveau groupe de clients se forme
et l'augmentation des ventes est plus importante que lors de la phase précé-
dente. L’augmentation des volumes de production permet de réduire les coûts
de production ce qui conduit à une baisse des prix et une augmentation des
ventes. Les revenus augmentent fortement et la croissance atteint son maxi-
mum. Ce potentiel révélé attire de nouveaux concurrents.
3. La phase de maturité : le produit perd la valeur de la nouveauté
et la courbe des ventes commence à stagner car les nouveaux clients sont
moins nombreux. La nouvelle concurrence rend difficile de manœuvrer avec
le prix. En outre, des innovations sur le marché peuvent venir prendre des
parts de marché et faire diminuer les revenus.
4. La phase de déclin : de nombreux clients ont trouvé un nouveau
produit de remplacement. La baisse des ventes et l’existence d’une concur-
rence poussent certains fournisseurs à quitter le marché. Les revenus com-
mencent à baisser.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 14
2.1.2 Cas particulier de la Hype Curve pour les nouvelles technolo-
gies
Pour être considéré non seulement comme un innovateur, une entre-
prise doit anticiper l’évolution de son marché et ne pas être uniquement un
leader en termes de parts de marché. Sur la base de plus de 2000 technolo-
gies, le hype cycle de Gartner est conçu pour aider les entreprises à com-
prendre ce qu’elles doivent penser pour aller de l’avant et les technologies qui
sont configurées pour être là où le monde, et en conséquence, leur entreprise
devrait être. Chaque année, le cabinet Gartner publie une nouvelle version de
son Hype Cycle qui place 1 900 micro-technologies organisées et 76 macros
technologies dans un cycle de 5 phases. Nous allons étudier les étapes qui
composent le cycle et comment ce dernier a pu nourrir notre réflexion.
Le placement de chaque entreprise le long de la courbe permet de si-
tuer son degré de maturité. En fait, cette analyse couple deux courbes com-
plémentaire, qui prennent une pertinence selon la phase de croissance chro-
nologique de l’innovation concernée comme suit en Figure 2 : la courbe de
réputation de l’innovation, foncièrement psychologique, et la courbe de la ma-
turité du produit, plus technique. Ces deux courbes ont des répercussions sur
la croissance réelle du marché.
Figure 2. Les composantes du cycle du Hype. Source : Gartner
Master PIC | PRESANS | Août 2017 15
Le Cycle du Hype est donc une représentation des technologies "à la
mode" ou en développement à un moment historique donné. On pourrait l’uti-
liser comme représentation du cycle de vie d’une technologie en général, et
non seulement comme un unique produit lancé par une entreprise. Se succé-
deraient alors les phases classiques de :
➢ Lancement de la technologie : une croissance modérée mais stimulante
du marché accompagne les débuts du produit. Les perspectives de dé-
veloppement de la technologie vont favoriser la confiance du marché
dans une croissance future et rendre le produit « hype ».
➢ Pic des espérances exagérées : le marché s’emballe, la croissance de la
popularité est forte du fait de la réputation de la nouvelle technologie.
Néanmoins, le développement technique n’est généralement pas aussi
rapide que les ambitions qu’on attribue à la technologie en question.
➢ Phase de désillusion : les espérances ne trouvent pas toujours une ré-
ponse adéquate et un phénomène psychologique de dépréciation vient
contrer cette espérance déçue. Le marché stagne voire baisse, la popu-
larité de la technologie chute.
➢ Pente de l’illumination : certaines entreprises persistent et développent
des produits de deuxième génération. On commence à comprendre les
véritables avantages et pratiques d’application. Le produit technolo-
gique concerné n’est pas encore diffusé en grande consommation.
S’il n’existe pas d’étude à proprement parler sur les intermédiaires
d’Open Innovation, nous avons rassemblé les données disponibles pour tracer
la courbe du Hype de ces derniers et tenter de comprendre où se situait le
marché dans lequel évolue PRESANS.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 16
Figure 3. Technology Hype Cycle des intermédiaires d’Open Innovation.
Nous avons établi cette courbe d’après les chiffres collectés par Fenn,
& Linden (2005), Bluenove (2011), Chesbrough & Bogers (2014) Nextstart
(2017), Gartner (2017)1. Nous avons aussi récupéré et interprété des données
recueillies selon les occurrences de Google Trends et Google Scholar jusqu’en
2017.
1Market Guide for Innovation Management Tools, Gartner (2017)
Master PIC | PRESANS | Août 2017 17
2.2 La théorie des cycles de vie des organisations
2.2.1 Présentation générale à la théorie OLC
Puisque notre sujet porte sur la probable crise (au sens de bascule-
ment) transitionnelle de croissance que rencontre PRESANS, nous nous
sommes penchés sur un certain nombre de modèles que les chercheurs ont
proposés pour analyser le développement des entreprises. La théorie des
cycles de vie des organisations (OLC : Organizational Life Cycles) permet non
seulement de définir mais aussi d’étudier les grandes étapes de la vie des en-
treprises.
Dès le milieu des années 1900, diverses théories portant un point de
vue organique sur les entreprises sont nées. Mason Haire reste célèbre pour
sa théorie moderne de l’organisation2, présentée pour la première fois parmi
dix autres documents d’étude en février 1959 aux Etats-Unis. Titré « Thèmes
récurrents et questions générales dans la théorie de l'organisation – Modèles
biologiques et histoires empiriques de la croissance des organisations », il
s’agit d’une des études pionnières dans l’usage d’un modèle biologique pour
la croissance organisationnelle. Tout comme le modèle de Greiner que nous
détaillons plus particulièrement par la suite, l’intérêt de ces modèles est que
la croissance organisationnelle suit un développement séquentiel.
La théorie OLC se développe sérieusement à partir des années 1970
pour devenir incontournable aujourd’hui. Les grands apports de ces théories
sont doubles. Le postulat de base veut que les opportunités de développement
et les risques d’échec évoluent avec le stade de maturité de la structure. Ainsi,
deux entreprises, l’une naissante et l’autre mure, ne feront pas du tout face
aux mêmes défis. Ces défis particuliers seront les pressions au développement
de chacune.
2 Haire, M. E. (1959). Modern organization theory
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Dans leur travail de recherche, Jonathan Levie et Benyamin Lichtens-
tein ont analysé cent quatre modèles publiés dans des travaux universitaires
entre 1962 et 2006. Ce travail a été réalisé dans le but de les comparer et de
déceler les modèles réellement spécifiques. C’est-à-dire les modèles qui ne se
fondent pas sur des publications antérieures proches pour la définition des
concepts, ou qui ne se citent pas entre eux. La conclusion est que seulement
quatre semblent être des sources uniques auxquelles s’ajoute le modèle clas-
sique du cycle de vie du produit comme cinquième source :
« Of the 104 models we analyzed, only four appear to be unique
sources for the stages literature, in that they are each cited as the foun-
dation for new models by later publications, and they do not mention or
cite each other. These sources are Greiner (1972), Christensen & Scott
(1964), Lippett & Schmidt (1967), and Normann (1977). The classic Prod-
uct Life Cycle model constitutes a fifth source. Since these five appear to
constitute the theoretical foundations of the field, we examined each of
their conceptual origins. »3
Tous ces modèles reprennent la métaphore de l’entreprise comme en-
tité vivante. Ainsi, dans le modèle de Scott, les scenarios, archétypes des
étapes de vie d'une entreprise passant d'une organisation simple à une orga-
nisation complexe, se déploient comme pourrait le faire une civilisation. Le
modèle Lippitt & Schmidt (1967) préfère la comparaison botanique, reposant
sur l'idée que les entreprises ont des cycles de vie organiques semblables à
ceux d’une plante : « Elles ont une jeunesse verte et souple, une période de
force florissante et un vieillissement noueux. » Le modèle de Normann lie les
étapes de formation d’une entreprise selon le fil conducteur de la morphogé-
nèse, c’est-à-dire le processus de formation des motifs et des structures qui
régit la nature. Ce processus est un long apprentissage. Ces différences de
3 Levie, J., & Lichtenstein, B. B. (2010). A terminal assessment of stages theory:
Introducing a dynamic states approach to entrepreneurship. Entrepreneurship
Theory and practice, 34(2), 317-350.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 19
référentiels de comparaisons ne sont pas anodines. Si les analogies sont dif-
férentes, elles mettent toutes en évidence l’impératif de croissance qui s’impo-
sent aux entreprises pour survivre. Mais cet impératif est déterminé par des
facteurs différents. Ainsi, certains modèles « font valoir que les transitions en
phase sont déclenchées par des facteurs internes à l'entreprise » tandis que
d’autres (notamment ceux de Normann et Scott) « mettent l'accent sur les fac-
teurs environnementaux qui influent sur la croissance de l'entreprise. ».
La principale conclusion tirée de l’étude comparative menée par Jona-
than Levie et Benyamin Lichtenstein est la suivante :
« Ainsi, nous n'avons trouvé aucun accord sur « Ce qui est une
étape » dans les modèles publiés à ce jour. Deuxièmement, notre analyse
n’a pu décelé un consensus sur le nombre d’étapes que comporte un mo-
dèle. En fait, la poursuite de la production de nouveaux modèles et la
baisse de la proportion de modèles généraux confirme qu'aucun accord
n'a été atteint. »4
C’est pourquoi nous avons décidé de nous intéresser en premier lieu à
l’article de référence de la théorie des cycles de vie, à savoir Evolution and
Revolution as Organizations grow, de Larry E. Greiner (Harvard Business Re-
view, 1972). L’universitaire américain, dont les études portent sur la crois-
sance et le développement des entreprises, y définit non seulement les grandes
phases structurantes qui constituent la vie des entreprises, mais aussi les
grandes crises qui accompagnent le passage entre chaque étape.
Le modèle dépeint cinq grands facteurs qui influencent la vie des en-
treprises et les cinq étapes principales qui en découlent et jalonnent la vie de
l’entreprise, de sa création à sa maturité et son épanouissement. Ces phases
sont des phases de croissance : chacune explicite une dynamique qui répond
à des paramètres et des moteurs bien distincts.
4 Ibid
Master PIC | PRESANS | Août 2017 20
Figure 4. Les Cinq phases de croissance, schéma issu de la version
de Greiner, L. E. (1998). Evolution and revolution as organizations grow paru
dans la Harvard Business Review de mai 1998.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 21
Les cinq phases de croissance, schéma issu de la version de Greiner
paru dans la Harvard Business Review de mai 1998. Le grand intérêt du mo-
dèle de Larry Greiner est, comme la majorité des théories OLC, son caractère
en partie prédictif. Selon une liste de facteurs ayant un impact sur l’entreprise,
le modèle de Larry Greiner permet de placer l’entreprise dans la courbe chro-
nologique décrite. Par-là, l’observateur peut anticiper les prochaines périodes
de trouble (ou période de révolution) auxquelles l’entreprise va être très pro-
bablement confrontée. Non seulement les crises sont des paramètres d’analyse
pour savoir à quel stade de développement en est l’entreprise. Mais, égale-
ment, elles sont des étapes et des opportunités clefs de la transformation des
entreprises. Ces grandes crises et caractéristiques des étapes sont résumées
dans la Figure 5, à la page suivante.
Greiner n'a pas clairement défini de crise pour la cinquième phase.
Toutefois, il estime que cela pourrait concerner «la saturation psychologique
des employés qui se développent émotionnellement et physiquement épuisés
par l'intensité du travail d'équipe et la forte pression pour des solutions inno-
vantes. »
On peut remarquer la présence sous-jacente des grands coefficients
listés par l’auteur car considérés comme déterminant la structure de l’entre-
prise : la durée d’existence de l’entreprise (âge) et le nombre de ses collabora-
teurs (taille). Les deux participent à la maturité de l’entreprise : coordination
dans l’organisation, fonctions présentes dans la structure, niveaux de hiérar-
chie. Un troisième coefficient remarquable est la présence de phase de crois-
sance sereine sans ajustement majeur. Viennent ensuite les grandes périodes
de bouleversement organisationnel qui challengent le management et font
naître de nouvelle manière de travailler (« practices »). Le cinquième facteur
important est externe à l’entreprise : il s’agit du taux de croissance du secteur.
Cela est notamment utile pour la qualité prédictive du modèle : plus la crois-
sance du secteur est forte, plus l’enchainement des étapes au sein de l’entre-
prise l’est.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 22
En somme, selon ce modèle de Greiner, toutes les organisations sont
destinées à passer par ces cinq étapes de manière ordonnée chronologique-
ment : elle s’introduit sur le marché, y atteint un seuil de développement suf-
fisant pour être sereine, se diversifie, se coordonne puis tente de se renouveler.
Toute cette séquence étant déterminée par les paramètres cités précédem-
ment.
Figure 5. Grandes crises et caractéristiques des étapes du modèle de crois-
sance de Greiner
1 La phase de
croissance par la
créativité. La structure de
la jeune entreprise
repose Essentiellement
sur la communication
informelle et un travail
difficile. Les revenus sont globalement
bas.
2 La phase de croissance
directive (ou par orientations).
Le dirigeant définit une structure
fonctionnelle pour première à
l'entreprise de continuer à croître
stablement. Les processus se
normalisent. Se mêlent en place les
outils de comptabilité,
gestion de capital, rentabilité, analyse
des budgets. Fin par une crise d'autonomie
3 La phase de
croissance par la délégation
La source nouvelle de la croissance est la motivation
des directeurs délégués embauchés.
L’organisation se décentralise,
responsabilité des niveaux opérationnel et commercial,
centres de profits, incitations financières,
prises de décision basée sur des
révisions périodiques, direction du
groupe par exception, communication formelle.
4 La phase de
coordination. L’entreprise met
en place des procédures formelles et renforce la
coordination entre les unités. Cette
formalisation poussée va se
traduire par des rigidités. Elle doit
faire face à une crise de
bureaucratie.
5 La phase de
croissance par collaboration
Pour surmonter lacrise de
bureaucratie, l’entreprise met en place une structure
plus flexible. Les nouvelles sources de
croissance sont le travail en petits
groupes, la formation,
l’expérimentation. Des équipes projets sont constituées et
les systèmes de contrôle sont
allégés.
Crise de transition n°1 Leadership
L’accroissement d’activité, de personnel et de capitaux engagés
exige plus de personnel, de prévision, de
contrôle, de communication, de rémunération ; Ce;e
surcharge des créateurs suscite des conflits
entre eux et fait émerger le besoin d’un
solide manager extérieur à fortes
compétences techniques et managériales.
Crise de transition n°2 Autonomie
Très efficient au début, ce système de
management devient de plus en plus décrié
par les exécutants et les chefs de service qui se sentent mieux placés
que les dirigeants pour gérer les problèmes de
leur domaine et « écartelés » entre
appliquer les procédures et prendre
des initiatives. Le caractère très
centralisé et formel de ce;e structure conduit
à une crise d’autonomie.
Crise de transition n°3 Contrôle
La source nouvelle de la croissance est la motivation des
directeurs délégués. Ils sont efficaces mais se
concentrent surtout sur le domaine, négligeant l’intérêt de l’ensemble
de l’entreprise et la coordination collective, ce qui tend à produire la « crise du contrôle »
Crise de transition n°4 Bureaucratie
Les divergences de vision entre hauts
dirigeants et dirigeants d’unités décentralisées persistent, les premiers trouvant les autres peu coopératifs et les autres
trouvant les premiers trop éloignés du
« terrain ». Tous se sentent enserrés dans
une bureaucratie croissante qui absorbe l’énergie et dissuade
l’initiative
Master PIC | PRESANS | Août 2017 23
2.2.2 Théorie des cycles de vie et antifragilité
Les crises décrites par Greiner peuvent être considérées à l’aune du
modèle de N.N. Taleb. Elles sont les opportunités de changement et d’antifra-
gilité permettant de renouveler les schémas managériaux pour prendre en
compte les signaux envoyés par l’évolution des facteurs. En somme, ce modèle
permet de décrire la capacité antifragile des entreprises au sens de Nassim
Taleb4. Plus une entreprise sera capable de se renforcer, plus elle pourra de-
venir mure. Un système antifragile est un système qui se renforce et évolue
positivement grâce aux problèmes, grâce au chaos, grâce aux crises managé-
riales. C’est celui qui « gains from disorder ».
Le modèle de Greiner, à la manière de Nassim Taleb5 permet de dis-
tinguer, a posteriori, 3 types de structures organisationnelles :
> Les fragiles : celles qui s’effondrent dans la crise, incapables d’y répondre.
> Les robustes : celles qui parviennent à vivoter dans la crise, à maintenir un
système tendu.
> Les antifragiles : celles qui se renforcent avec la difficulté, celles qui savent
tirer parti de la crise de management qu’impose leur croissance.
Ainsi, seules les entreprises antifragiles parviennent à maturité.
Figure 6. Le modèle de Greiner à l’aune de N.N. Taleb
5 Taleb, N. N. (2012). Antifragile: Things that gain from disorder (Vol. 3).
Master PIC | PRESANS | Août 2017 24
En interprétant le modèle de Greiner à l’aune du concept d’antifragilité,
on peut estimer que sont antifragiles les entreprises suivant le chemin de
croissance bleu, robustes celles qui stagnent à un niveau rouge, fragiles celles
tombant dans une option d’échec. Des études plus récentes sur la théorie des
cycles de vie des organisations en ont fait un moyen de gestion de l’entreprise.
En effet, grâce aux prédictions de crises qu’il fait, ce type de modèle analy-
tique, permet aux entreprises de prolonger les étapes souhaitées (croissance,
maturité) et prévenir les étapes négatives (déclin, décès).
« Parce que chaque entreprise se développe à son rythme, les caracté-
ristiques, plus que l'âge, définissent les étapes du cycle », expliquent Karen
Adler et Paul Swiercz dans Training & Development à la fin des années 1990.
Le cycle de vie des entreprises est considéré non seulement comme variable
mais surtout comme influençable. Certaines phases de déclin peuvent même
être éviter et transformer en phase de croissance si l’entrepreneur tire pleine-
ment partie de ce modèle :
« Training professionals of today are improving overall organiza-
tional effectivity by strategically applying performance enhancement ini-
tiatives in critical work processes. Called strategic performance facilita-
tion, the method is designed to transform the typical organizational life
cycle from a bellshaped curve to an s-shaped curve. All businesses have
a life cycle curve which begins in the start-up stage, progressively rises
during the company's growth stage, peaks when the company matures,
and then begins to decline until the company is either sold or closed. Stra-
tegic performance evaluation aims to prolong a company's successful life
when its life cycle curve hits the maturity stage so that instead of a going
downhill, the company's life cycle instead curves up to another cycle of
growth. »6
La bonne connaissance de la théorie OCL serait en somme un
outil supplémentaire à l’antifragilité des entreprises performantes.
6 Adler, K. R., & Swiercz, P. M. (1997). Taming the performance bell curve. Training
& Development, 51(10), 33-39.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 25
2.2.3 Tentative d’application et limites de la théorie au cas PRE-
SANS
A première vue, PRESANS s’inscrit dans les schémas de cycle de vie
des organisations. Dans le modèle de Greiner, après s’être introduite sur le
marché et avoir obtenu un seuil de développement suffisant pour être sereine,
PRESANS cherche à se diversifier. Elle serait donc à la 3e étape, devant af-
fronter une crise de contrôle. C’est-à-dire une crise d’innovation venant du
milieu de la chaine managériale.
Lors de la phase de délégation, l’entreprise est censée entamer sa di-
versification pour passer à une phase d’organisation beaucoup plus proces-
sée. Ce qui est aujourd’hui le cas de PRESANS. L’embauche d’un manager a
déjà permis une certaine délégation des responsabilités et l’embauche d’em-
ployés travaillant en électrons libres, de manière décentralisée et pas toujours
efficiente.
Et pourtant, la crise que rencontre PRESANS s’apparente à une autre
crise décrite par Greiner. Avec l’accroissement de l’activité, de personnel et de
capitaux engagés le créateur se retrouve en surcharge de travail. En outre,
PRESANS a conscience d’être en phase de transition du cycle de vie de l’en-
treprise : l’objectif annuel est de passer d’un statut de start-up (nom que son
fondateur revendique) à un statut d’entreprise stable et mure.
Ce qui se rapproche plutôt de la première crise, celle de leadership. Ce
point est d’autant plus visible qu’en début d’année, les collaborateurs de PRE-
SANS ont été invités à un atelier de « fondation de la marque », dans le but de
la définir en interne auprès des collaborateurs, pour mieux communiquer à
l’extérieur. Si ce genre de questions est posé, c’est donc bien que PRESANS
est dans une phase où elle s’estime construite et a besoin de connaître ses
bases pour se développer. Peut-il y avoir deux situations de crise simultané-
ment ? Est-ce parce que le modèle OCL ne peut s’appliquer à l’entreprise étu-
diée ?
Master PIC | PRESANS | Août 2017 26
Une ébauche de réponse réside peut-être dans la notion d’adolescence
organisationnelle mise en avant par Valentine Ducharme et Rim Sallem dans
leur mémoire de recherche sur la gestion de l’adolescence organisationnelle
chez Kyriba7. Définissant l’adolescence d’une entreprise comme “le passage
entre la startup ayant réussi à imposer son produit sur le marché et l’entre-
prise capable de gérer l’optimisation de son cœur de métier et l’innovation”, ils
placent cette étape au sein de la phase de Délégation dans le modèle de Grei-
ner :
“L’adolescence organisationnelle chez Greiner serait donc caractérisée
par un phénomène accordéon de concentration puis de décentralisation, l’or-
ganisation cherchant un équilibre structurel perturbé par la croissance du
nombre d’employés et la complexité grandissante de l’organisation. A la fin de
cette période, l’entreprise s’engage dans la diversification.7”
Cela semble en effet correspondre aux problématiques actuelles de
PRESANS qui se trouve actuellement dans une phase de transition volontaire.
Huit ans après sa création, elle a mené ses premières enquêtes de satisfaction
formatées auprès de ses clients.
D’autre part, aujourd’hui, PRESANS s’attaque également à la cons-
truction d’une nouvelle offre pour diversifier ses activités. La stratégie planifiée
souhaitant mettre au point une nouvelle offre innovante, il s’agirait potentiel-
lement de la reprise d’une activité d’exploration après l’exploitation des pre-
miers actifs. La crise rencontrée par PRESANS pourrait donc bien être double
du fait de la dualité des actions qu’elle mène : exploitation et exploration. L’ar-
ticulation entre ces deux notions a été soulevée dans la littérature par J. G.
March :
7 Ducharme, V. et Sallem, R. (2016), Comment gérer l’adolescence organisationnelle
? Mémoire PIC 2016
Master PIC | PRESANS | Août 2017 27
« Exploration includes things captured by terms such as search,
variation, risk taking, experimentation, play, flexibility, discovery, innova-
tion. Exploitation includes such things as refinement, choice, production,
efficiency, selection, implementation, execution. »8
Dans le cadre d’activités d’exploitation et d’exploration simultanées
comme ce serait le cas de PRESANS depuis septembre 2016, l’allocation des
ressources et le management sont confrontés à deux activités épousant des
logiques différentes. Cela pourrait donc donner lieu à des crises de types dif-
férents simultanément.
Mais quand bien même étudier ces deux logiques s’avèrerait adapté,
on peut se demander si les étapes précédemment décrites restent pertinentes
pour augurer du futur de l’entreprise ? En effet, l’activité de PRESANS ne pré-
sente-t-elle pas des particularités non prises en compte dans les OLC clas-
siques ?
2.2.4 Le cas particulier des petites entreprises et startups
PRESANS semblant à un tournant de son cycle de vie, il s’agit finale-
ment de s’intéresser à ce qu’est réellement PRESANS : une entreprise clas-
sique à laquelle on pourrait appliquer les schémas théoriques ? Une entreprise
technologique nécessitant une matrice d’un nouveau genre ? En s’intéressant
au vocabulaire utilisé, il nous a semblé qu’il s’agissait d’étudier la littérature
traitant du cycle de vie et plus particulièrement du passage d'une phase de
« startup » à une phase d’« entreprise » plus classique. Il s’agit en effet de savoir
si PRESANS se situe à un stade classique de développement des entreprises.
2.2.4.1 De la difficulté de trouver une définition au mot « startup »
“A startup company (startup or start-up) is an entrepreneurial venture which
8 March, J. G. (1991). Exploration and exploitation in organizational learning. Or-
ganization science, 2(1), 71-87.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 28
is typically a newly emerged, fast-growing business that aims to meet a mar-
ketplace need by developing or offering an innovative product, process or
service. A startup is usually a company such as a small business, a partner-
ship or an organization designed to rapidly develop a scalable business
model.” Robehmed, 20139.
PRESANS se considère parfois comme une « start-up », d’autres fois
comme une « société basée à Paris ». Le terme « startup » est diffusé et utilisé
très largement aujourd’hui. Le American Heritage Dictionary estime qu’une
startup est une « entreprise qui a commencé récemment à fonctionner ».
Contrairement aux apparences, il semble que « startup » n’est pas uni-
quement un anglicisme pour notre « jeune pousse » français qui désigne « une
jeune entreprise se lançant ». Car même si la définition ci-dessus semble re-
lativement large, elle ne fait pas consensus. Etant données les variations con-
séquentes qu’on peut observer dans l’utilisation du mot « startup », il ne
semble pas qu’une définition à l’exactitude scientifique soit établie. En effet, il
n’y a pas de règles rigoureuses pour définir la startup : les revenus, bénéfices,
chiffres d’affaire, masse salariale, le coût d’acquisition du client, le taux de
recouvrement, secteur industriel ou encore âge changent selon la personne
qui emploie le mot.
Comme une boutade, Bruce Upbin discourait dans un article de Forbes
d’Intuit comme d’une « Startup âgée de 30 ans »10. Ce qui est singulier
lorsqu’on découvre qu’il s’agit d’une société fondée en 1983, éditrice de logiciel
comptables, réalisant plus de 4 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel
et étant présente au NASDAQ. Pour justifier cet appellatif, Bruce Upbin décrit
les nombreuses idées « constamment » mises à l’épreuve au sein du groupe. Il
souligne surtout le fait que contrairement aux grandes entreprises en général,
les employés n’attendent pas de signal d’innovation du top-management. Au
9 Robehmed, N. (2013). What is a Startup. Retrieved November, 26, 2015. 10 Upbin, B. (2012). The 30-year-old startup. Forbes, 190(5), 72-+.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 29
contraire, l’entreprise est un immense « laboratoire » où les employés puisent
leur inspiration dans une succession infinie de tests et d’échecs à tous les
échelons. Le terme de « startup » serait-il donc à définir de manière plus psy-
chologique qu’économique ?
2.2.4.2 La start-up tiendrait-elle plus de l’esprit que de la jeunesse de la
structure ?
Pour Warby Parker, co-fondateur de Warby Parker, société d’optique
en ligne fondée en 2010 et désormais cotée à 1,2 milliard de dollars, une star-
tup est « une entreprise travaillant à résoudre un problème pour lequel la so-
lution n’est pas évidente et le succès non garanti. »11
Ainsi semble-t-il, son essence même résiderait plus dans une culture
et une mentalité tournées vers l'innovation que dans une structure écono-
mique naissante particulière. On entend d’ailleurs fréquemment parler de
« l’esprit startup ». La startup ne serait définissable ni à la longévité, ni au
nombre d’employés, ni au cœur de métier. Il s’agirait plutôt d’une caractéris-
tique psychologique et stratégique : la renonciation volontaire et consciente à
la stabilité en échange d’une promesse de croissance importante et d’explora-
tion d’un nouveau marché.
Pour avancer dans un débat qui semble qualitatif, tentons à défaut de
trouver si ce ne sont des paramètres de définition, des paramètres de contre-
définition. Robehmed esquisse une définition de ce qui n’est plus une startup :
11 "A startup is a company working to solve a problem where the solution is not obvi-
ous and success is not guaranteed," says, cofounder and co-CEO of Warby Parker,
cite par Robehmed, N. (2013). What is a Startup. Retrieved November, 26, 2015.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 30
“I'll go out on a limb and say categorically that after about three
years in business, most startups cease being startups. This often coin-
cides with other factors that indicate a graduation from startup-dom: ac-
quisition by a larger company, more than one office, revenues greater than
$20 million , more than 80 employees, over five people on the board, and
founders who have personally sold shares. Somewhat ironically, when
a startup becomes profitable it is likely moving away from startuphood.”12
Seuils indiquant la fin de la phase “startup” d’une entreprise selon
Robehmed (2003) :
- 3 ans d’existence
- Chiffre d’affaires annuel supérieur à 20 millions de dollars
- 80+ employés
- 6+ membres du comité de direction
- Vente de parts par les fondateurs.
Mais cette définition le précise bien que la fin d’une startup, et donc le
passage à la phase d’entreprise classique, correspond à une conjugaison de
facteurs généralement observables. Après environ trois ans d'activité, généra-
lement, la startup est rentable, dispose d’un nombre d’employés conséquent,
réalise des bénéfices importants, se développe et ouvre de nouveaux bureaux.
En somme, elle ressemble à une entreprise établie avec un fonds de commerce
stable voire en expansion. Mais il ne s’agit plus d’un développement dont dé-
pend la survie de l’entreprise.
12 Robehmed, N. (2013). What is a Startup. Retrieved November, 26, 2015.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 31
2.2.4.3 Start-up ou PME ?
La définition esquissée précédemment n’indique pas ce qui différencie
une start-up d’une petite entreprise : combien d’entreprises ne réalise pas 20
millions de dollars de chiffre d’affaires mais ne sont pas des startups ?
L'attribut principal d'une startup résiderait plutôt dans sa capacité de
croissance. Comme l'explique Paul Graham, c’est la focalisation sur un déve-
loppement sans contrainte de la géographie qui différencie les start-ups des
petites entreprises. Un restaurant ou l’ouverture d’une franchise ne constitue
pas une startup.
En terme juridique français, les startups ont intérêt à se définir comme
telles puisque cela leur confère des avantages fiscaux. Il est intéressant de se
pencher sur sa définition arrêtée depuis 2004 : la startup correspond à une
JEI ou Jeune Entreprise Innovante. La chambre de Commerce et d’Industrie
de France l’exprime même explicitement puisque pour elle « Le dispositif
"Jeune Entreprise Innovante" a été mis en place pour favoriser l'éclosion des
jeunes start-ups. »13.
La JEI ou startup aux yeux de la loi française doit remplir 5 conditions :
• Employer moins de 250 personnes et réaliser un chiffre d'affaires
inférieur à 50 millions d'euros.
• Avoir moins de 8 ans.
• Qu’au moins 15% de ses charges correspondent à des activité de
recherche et développement.
• Que la détention de son capital la rende indépendante.
• Qu’elle soit « réellement nouvelle » : la JEI ne peut provenir d’une
concentration, restructuration, ou extension d'activité préexistante.
13https://les-aides.fr/focus/bpFh/les-aides-pour-les-jei-jeunes-entreprises-inno-
vantes.html, 9 janvier 2017
Master PIC | PRESANS | Août 2017 32
Ici, est clairement définie la fonction d’exploration de nouveaux mar-
chés par la startup puisqu’elle se doit d’avoir des dépenses de R&D consé-
quentes. Si l’obligation de résultat n’est pas présente, ce point revient à ce que
nous évoquions plus haut : le but d’une startup est clairement de croitre dras-
tiquement. Contrairement à une petite entreprise sachant qu’elle atteint la
saturation de son marché (comme une laverie de quartier par exemple), une
startup n’est toujours qu’une étape vers une firme plus grande. Aussi peut-on
se référer au modèle en 5 phases de Churchill et Lewis.
2.2.4.4 Le modèle de Churchill et Lewis (1983)
Ce modèle en 5 phases a été développé en 1983 et il nous a semblé
pertinent de le présenter car il décrit spécialement la croissance des petites
entreprises14.
Figure 7. Growth phases (Churchill & Lewis, 1983)
14 Churchill, N. C., & Lewis, V. L. (1983). The five stages of small business
growth. Harvard business review, 61(3), 30-50.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 33
Explicitons ces phases et leurs caractéristiques en les comparant à la
situation de PRESANS :
Etape du modèle Situation de PRESANS
Première étape : l’existence. Le princi-
pal but de l’entreprise à ce moment est d’obte-
nir des clients et de fournir le produit attendu.
Les préoccupations principales de l’organisa-
tion sont alors :
- L’obtention de clients suffisamment nom-
breux pour atteindre le seuil de rentabilité
- Le développement de l’entreprise à partir de
cette base cliente restreinte ou de ce MVP
(Minimum viable product)
- L’obtention de liquidités suffisantes pour
assurer cette phase de lancement
La stratégie est finalement de rester en
vie. Le propriétaire et l’entreprise sont quasi-
ment confondus, le produit et l’entreprise
aussi.
Comme nous le pré-
sentons dans la quatrième
partie, PRESANS dispose
d’une base de clients solide
et a un chiffre d’affaire
stable. Elle dégage suffi-
samment de liquidités pour
financer son offre de ser-
vice historique.
Il nous semble donc
que PRESANS n’est plus à
cette étape.
Deuxième étape : la survie. En attei-
gnant cette phase, l’entreprise a démontré
qu’elle avait un cœur d’organisation viable et
fonctionnel. Elle a obtenu suffisamment de
client pour se stabiliser. Ses préoccupations
principales tournent autour de l’équilibre entre
dépenses et revenus. Il s’agit de générer assez
de liquidités pour continuer l’activité existante
d’une part et la développer d’autre part, étant
donnés l’industrie, le marché de niche sur le-
A première vue, la
structure de PRESANS est
toujours simple et le ques-
tionnement stratégique
concerne bien le lancement
d’une nouvelle offre tout en
capitalisant sur les actifs
déjà développés. PRESANS
semble donc proche de
l’étape de succès, c’est-à-
Master PIC | PRESANS | Août 2017 34
quel elle se trouve et la rentabilité sur investis-
sement correspondantes. La structure est tou-
jours simple.
dire l’étape critique où il
faut faire les bons choix
pour que l’entreprise ou
croisse, ou atteigne un pla-
fond.
Troisième étape : le succès. À ce stade,
les propriétaires se demandent s’ils doivent ex-
ploiter l’épanouissement de l’entreprise et la
développer ou bien en faire une société stable
et rentable. Selon le choix, en découle deux
scénarios différents :
Sous-étape 3.D. L’entreprise gagne en
autonomie (les propriétaires se désengagent par-
tiellement ou totalement de l’entreprise). Cela si-
gnifie que l’entreprise a atteint un bonne santé éco-
nomique, observable par « une taille suffisante, une
pénétration du marché suffisante pour assurer le
succès économique, un profit dans la moyenne ou
supérieur à la moyenne ». La société peut rester in-
définiment à cette étape si l’environnement concur-
rentiel reste stable et le management cohérent. La
société est assez grande pour requérir qu’une nou-
velle embauche s’occupe de tâches auparavant à la
charge du propriétaire.
Sous-étape 3.G. La société devient une pla-
teforme de croissance. Le propriétaire consolide la
société et mobilise les ressources pour croître. L’en-
jeu est de faire en sorte que l’activité première reste
rentable et fonctionnelle (pas de problème de liqui-
dité etc.). Il s’agit aussi d’engager et de former des
managers capables de gérer l’entreprise telle qu’elle
sera dans le futur. Si cette phase se passe bien,
l’entreprise pourra décoller (cf. étape 4)
Master PIC | PRESANS | Août 2017 35
Etape 4 : le décollage. La principale pré-
occupation de l’entreprise est d’organiser et de
financer sa croissance. Le propriétaire doit dé-
léguer de grandes responsabilités à son équipe
managériale. L’organisation se décentralise.
Pour l’instant, les
effectifs et l’activité permet-
tent au fondateur de suivre
la plupart des activités. Si
un bras-droit est très actif
et dispose de grandes res-
ponsabilités, cela ne
semble pas être encore la
« principale préoccupa-
tion ». PRESANS ne serait
donc pas encore à cette
étape.
La startup correspondrait à l’entreprise encore en phase 1 & 2 : celles
où la croissance par la créativité et la gestion de celle-ci priment. Il s’agit des
phases où l’on peut retrouver des points essentiels du célèbre modèle de Lean
Startup (Ries, 2008) : l’entreprise croit autour d’un MVP (minimum viable pro-
duct) et de la découverte d’une clientèle. PRESANS aurait dépassé ces phases
pour atteindre le troisième stade : sa transformation correspondrait au di-
lemme étape 3D versus étape 3G.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 36
2.3 L’industrie des intermédiaires d’innovation : un envi-
ronnement dynamique en pleine croissance
L’interaction continue avec notre terrain de recherche nous a permis
de confronter ces modèles théoriques, de tester et reformuler en permanence
plusieurs hypothèses, et de suivre leur adéquation avec les différentes théories
évoquées ci-dessus.
En effet, la question est de savoir si ces modèles peuvent réellement
s’appliquer à PRESANS. Le cadre de référence de ces modèles de croissance
semble relativement “classique” tandis que PRESANS souhaite se placer sur
un marché de type nouveau : celui de l’Open Innovation qui serait régi par des
lois différentes. Il est donc nécessaire de se pencher sur la notion d’Open In-
novation, cœur d’activité de PRESANS, pour analyser si les spécificités de ce
marché entrainent un nouveau modèle de croissance des entreprises.
2.3.1 La croissance de la perméabilité des frontières de l’entreprise :
naissance du concept d’Open Innovation.
Pour comprendre la création de PRESANS, il faut se replacer dans le
contexte de la fin des années 2000 où l’Open Innovation a connu en France
une brève période d’effervescence. Les interfaces digitales se sont multipliées,
notamment entre les mondes de la recherche et de l’industrie et l’avenir sem-
blait devoir appartenir à l’intermédiaire qui réaliserait la plateforme numé-
rique la mieux automatisée. Dans le milieu universitaire, de nombreux tra-
vaux furent consacrés au phénomène, à la suite de Henry Chesbrough, sou-
vent considéré comme le père de l’Open Innovation15.
15 Chesbrough, H. W. (2006). Open Innovation: The new imperative for creating and
profiting from technology. Harvard Business Press.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 37
Dans un contexte de connaissance croissante et dispersée, la perméa-
bilité des frontières des entreprises croit. Le concept d’innovation ouverte au
sens large émerge : « distribuée » (McKelvey, 1998), « modulaire » (Brusoni et
Prencipe, 2001), « dispersée » (Becker, 2001). Les départements Recherche et
Développement et plus généralement l’organisation des entreprises ont paral-
lèlement évolué. Différents modèles se sont développés depuis la fin du XXe
siècle : les modèles d'innovation interactifs et intégrés (1980-1990), d'innova-
tion par le biais des réseaux (1990-2000) et enfin le modèle d'innovation ouvert
(2000).
Selon la définition de Chesbrough et al. (2006)16, l’Open Innovation,
c’est-à-dire l'innovation ouverte, est l'utilisation des entrées (inflows) et des
sorties des connaissances (outflows of knowledge) pour accélérer l'innovation
interne et élargir les marchés pour un usage externe de l'innovation, respecti-
vement ». Comme le résume Romaric Servajean-Hilst dans une étude publiée
en 2014 par l’Institut d’Open Innovation : “ (Le modèle décrit par Chesbrough
en 2003) oppose l’innovation ouverte à l’innovation fermée, ces deux modes re-
présentant les limites quasi-asymptotiques du fonctionnement de l’innovation
d’une organisation.” On peut schématiser les deux modèles comme suit :
Figure 8. Closed & Open Innovation Model of Chesbrough (2003)
16 Chesbrough, H. W. (2006). Open Innovation: The new imperative for creating and
profiting from technology. Harvard Business Press.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 38
La création du modèle d’Open Innovation semble donc induire des
changements sur ces modèles. Le processus de croissance serait donc déter-
miné par une variable supplémentaire et nécessaire, non présente d’emblée
dans le modèle de Greiner : la capacité à collaborer, qui n’intervient semble-t-
il qu’en phase finale dans les modèles de cycle de vie des entreprises.
Si nous ne considérons plus un modèle d’innovation fermée mais un
modèle d’innovation ouverte, cela ne remettrait-il pas en jeu les conclusions
des modèles cités en première partie ?
Précisons toutefois que si la définition de Chesbrough fait consensus,
il existe d’autres modèle de définition de l’Open Innovation (Gianiodis, Ellis,
Secchi, 2010). À l'heure actuelle, il n'existe pas une seule et même définition
commune de l'innovation ouverte (Benedetto, 2010). Les points de conver-
gences relevés dans l’analyse des différentes définitions de l'innovation ou-
verte, sont les suivants :
➢ Changement du business model
➢ Perméabilité de la frontière des entreprises
➢ Existence de flux de connaissances.
Les deux premiers points ne semblent déjà pas être pris en compte par
les modèles des théories OLC précédemment citées.
En balayant les données empiriques de 124 entreprises (Gassmann et
Enkel, 2004 ; Chesbrough, 2003 ; Chesbrough, 2006 ; Enkel et al, 2009 ;
Ouest et Gallagher, 2006), certains auteurs ont identifié trois processus
d'innovation ouverte :
1. Outside-In. Ce processus enrichit la base propre de connaissances
d'une entreprise grâce à l'intégration des fournisseurs, des clients et l'appro-
visionnement de connaissances externes afin d'augmenter la capacité d'inno-
vation d'une entreprise.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 39
2. Inside-Out. Ce processus permet l'exploitation externe des idées
sur les différents marchés, la vente de la propriété intellectuelle et la multipli-
cation de la technologie en appliquant des idées à l'environnement extérieur.
3. Coupled. Ce processus est bidirectionnel, il combine les processus
outside- in et inside-out en travaillant dans des alliances avec des entreprises
complémentaires au cours desquelles les principes de « donner » et de « pren-
dre » sont cruciales pour le succès.
2.3.2 Emergence d’intermédiaires d’OI : surmonter la frontière entre
seekers et solvers
Les pratiques ouvertes d'innovation ont souligné le besoin bidirection-
nel de flux de connaissances : 1. vers les entreprises afin d'améliorer et déve-
lopper leur cœur d’activité existant et 2. en dehors des entreprises afin d'ex-
ploiter de nouvelles opportunités (Chesbrough, 2003).
Le paradigme de l’Open Innovation suppose que les entreprises peu-
vent et doivent utiliser simultanément idées internes et externes pour amélio-
rer leurs technologies et globalement leurs capacités d’innovation. Actuelle-
ment, la capacité des entreprises à survivre est souvent estimée à l’aune de
leurs capacités d’innovation : « depuis une quinzaine d’années, l’externalisa-
tion de l’innovation est entrée dans un véritable âge d’or. Elle s’inscrit dans
une ère d’innovation intensive où les marchés demandent toujours plus et
plus de produits et services nouveaux : innover est désormais une question
de survie.”17
Mais si ce constat est clair, les dispositifs permettant de faire circuler
la connaissance ne sont pas aisés à mettre en place. L’Open Innovation ne va
pas sans certaines contraintes ou difficultés. De part et d’autre de l’échange
17 Servajean-Hilst, R. (2014). S’engager dans l’Open Innovation-Fondations, dé-
marches et grandes pratiques (No. halshs-01100382).
Master PIC | PRESANS | Août 2017 40
potentiel de connaissances s’accumulent les barrières : profusion d’informa-
tions et de solvers à une échelle mondiale, incapacité à détecter ou contacter
les interlocuteurs pertinents, chronophagie de la recherche de partenaires,
protection de la propriété intellectuelle, peur de la diffusion d’informations
confidentielles, coût de l’échange d’information, inaptitude à transmettre la
connaissance sous une forme exploitable, incompétence à fournir une de-
mande compréhensible des besoins, impuissance à identifier son besoin etc.
Dans ce contexte ont spontanément émergé les intermédiaires d’Open
Innovation qui ont ensuite constitué un marché économique très hétérogènes.
Globalement, leur tâche est de réaliser un pont entre Solvers et Seekers. Leur
principal objectif est de créer un point de contact quelconque entre les cher-
cheurs en innovation et les fournisseurs d’innovation (Teece, 2000). Pouvant
se présenter sous des formes très diverses, les intermédiaires d’Open Innova-
tion peuvent notamment créer de la valeur en rendant certains des services
suivants :
➢ Formulation du besoin de connaissance.
➢ Identification des seeker/solvers potentiels intéressants au milieu du foi-
sonnement de connaissances/applications possibles.
➢ Proposition d’une structure juridique et managériale spécialisée en Open
Innovation (contrat, contact, PI…).
➢ Réunion « créatrice » de solvers (notamment les réseaux sociaux d’ex-
perts).
➢ Diffusion de la connaissance (réseaux de vulgarisation ou de veille no-
tamment).
L’ensemble de ces services aboutissent finalement à une création de
valeur au sens où :
➢ Ils accélèrent le processus général d’Open Innovation.
➢ Ils permettent d'abaisser le risque de part et d’autre de l’échange (tiers de
confiance), ainsi que le risque d’un développement en interne.
➢ Ils facilitent, voire rendent possible, l’échange.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 41
Comme nous l’avons écrit, la création de PRESANS s’inscrit pleinement
dans cette émergence d’acteurs d’Open Innovation puisqu’elle en est un. Étu-
dier plus précisément les entreprises dont l’activité se rapproche le plus du
marché de PRESANS revient à étudier le marché français de sourcing d’exper-
tise scientifique et industrielle. En effet, il regroupe des entreprises (au sens
large, non économique) de formes diverses et de cœurs d’activités variés qui
n’engagent pas les mêmes clients. Elles peuvent être classées selon l’écosys-
tème ci-dessous :
Figure 6. Cartographie du marché du sourcing d’expertise scientifique et
technique réalisée par PRESANS
Ce visuel réalisé pour PRESANS, permet de mettre en exergue trois grands
pôles (nous reprenons ici la matrice descriptive établie par PRESANS) :
➢ La recherche. Elle comprend l’information scientifique, technique
et médicale (ISTM) ainsi que les plateformes collaboratives et les engins de
The market for scientific and technical expert sourcing
Search Technology scouting
Science database
Thomson Reuters, Scopus, Collexis
Ovit, Inist/CNRS, Digimind, Intellixir
Knowmade, Netbase, Scirus
Specialized Database
ChemIDplus, CAS chemical,Coptis
Skill directories Illumin8, Expernova, Collexis expert
profiling, Technowmetrix
Patent database Lexisnexis, Questel,
Consulting/ problem formalization
Altran, Alten, Assystem, Booz allen Hamilton, Erdyn,
Exponent, technology catalyst, Sii, Market for
expert sourcing
Headhunters
Spencer Stuart, Ema partners, scientific
recruitment, Altija Pharma, atKearney
Company search engine
Carefx, Connotate, Exalead, FatWire,
NetBase, and Vivisimo
Patent broker Utek, Ocean tomo, café
Clusters
Pôles de compétitivité, RTRA, Service public
Expert Network
Gerson Lehrman Group, Coleman
Research group, DeMatteo Monness, Guidepoint Global
Knowledge management I-nova, Spigit, Imaginatik, Creax,
Hype, Bluekiwi, Business consulting Outsourcing
IBM, Atos, Accenture, Mckinsey, BCG, Roland
Berger, Alma consulting
Expert Network
Senior Experts
YourEncore, Expert connect, Nuclexpert
Umbrella companies
Admission, Grandir
Master PIC | PRESANS | Août 2017 42
recherche. Le segment ISTM comprend les acteurs de la production et de la
diffusion d'informations scientifiques, techniques et médicales.
o Les plateformes collaboratives sont spécialisées en gestion de
l'innovation, permettant la diffusion d’une collaboration et analyse sur des
problématiques émergentes.
o Les moteurs de recherche d'entreprise donnent un accès général
à toutes les informations appropriées. Ils permettent parfois de rendre direc-
tement la donnée brute sous forme de connaissance pertinente car celui qui
la recherche est capable de l’exploiter sur le champ.
➢ La reconnaissance technologique. Elle comprend les chasseurs
de tête, les courtiers en expertise et les réseaux d’experts. Ces réseaux en
question peuvent être simplement définis comme des réseaux de personnes
utilisées pour mener toute sorte de recherche professionnelle. Les fournis-
seurs d'information au sein de ces réseaux n’ont pas de particularité précise :
il peut s’agir de n’importe qui (des médecins aux universitaires, actifs ou re-
traités) et pour tout type de travail.
o Les courtiers sont des fournisseurs de services d’Open Innovation
qui aident les entreprises clientes à développer et maximiser la valeur de leurs
programmes d'innovation.
o Les chasseurs de têtes et les agences de recrutement de cadres
ont développé une capacité supplémentaire à suivre le personnel qualifié au
cours de sa vie professionnelle. Ils ont également l’atout de rapidement et pré-
cisément localiser un candidat approprié pour une exigence de travail spéci-
fique.
➢ Le management et le conseil technique. La partie « conseil » de
cette zone est caractérisée par des opérations de conception et des produits et
équipements industriels pour le secteur industriel (à l'exception de l'immobi-
lier et de l'informatique). Les activités portent sur la R&D, les études tech-
niques, les études de faisabilité, la conception et l'ingénierie des produits, le
prototypage, les essais, l'assistance à l'industrialisation.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 43
Les consultants en management de cette zone fournissent quant à
eux des conseils externes et un accès à l'expertise spécialisée des consul-
tants. Les consultants peuvent également fournir la mise en œuvre de tech-
nologies, le développement de stratégies, les services d'amélioration opéra-
tionnelle, l'aide à la gestion du changement organisationnel ou le développe-
ment de compétences en coaching.
Pour ce qui suit, plutôt que de développer une liste plus longue d’in-
termédiaires d’Open Innovation, nous concentrerons la suite de la contextua-
lisation aux plateformes d’intermédiation d’Open Innovation puisqu’il s’agit de
la forme qu’a pris l’intermédiation proposée par PRESANS ainsi que projet
pour lequel nous avons travaillé.
2.3.3 Les designs de plateformes intermédiaires d’OI existants et
l’intégration de PRESANS dans ce contexte en 2008
Ce contexte est déterminant pour comprendre l’originalité du service
rendu par PRESANS. En effet, d’après sa plaquette de présentation, « PRE-
SANS a été créée par Albert Meige en 2008 pour accompagner les grandes
entreprises à franchir une double frontière quant à l’organisation du travail :
l’une dans l’espace et l’autre dans le temps. C’est-à-dire que, d’une part PRE-
SANS souhaite décloisonner la connaissance technologique en mettant en re-
lation des seekers (généralement dans le monde de l’entreprise) et des solvers
(bien souvent dans le monde universitaire). D’autre part, PRESANS souhaite
apporter, grâce à une plateforme informatique, de l’agilité aux entreprises
pour accélérer ce processus de recherche et de trouvaille de l’expert (solver)
apte à répondre à la problématique de son client (le seeker). L’idée de fondation
de PRESANS repose donc sur une croyance profonde en l’Open Innovation et
le fait que les entreprises auront de plus en plus besoin de « mobiliser des
Master PIC | PRESANS | Août 2017 44
talents à la demande » et des experts externes sur des problématiques d’inno-
vation.
PRESANS apparait dans ce contexte, en 2008 et propose alors un pro-
cessus différent des offres de référence présentes sur le marché. Notons, à
l’occasion de cette mise en perspective, que la création de PRESANS s’inscrit
dans la vision à long terme de son fondateur qui estime deux grandes ten-
dances dans la gestion de l’innovation. Premièrement, la convergence rapide
de trois grandes tendances : l’inflation des connaissances, la « commodifica-
tion » des produits et la transformation digitale des industries. Deuxièmement,
l’évolution de l’organisation du travail, qui se dirige vers un décentrement et
une « horizontalisation » massive.
Figure 9. Mise en perspective chronologique de la création de PRESANS au
sein du marché ouvert par le développement de l’Open Innovation
Master PIC | PRESANS | Août 2017 45
Globalement, avant 2008, deux grands modèles de plateformes servant
d’intermédiaire d’Open Innovation existent :
Figure 10. Présentation schématisée des deux principaux modèles d’intermé-
diaires d’Open Innovation via des plateforme
Dans un premier cas, les solver (experts) s’inscrivent de leur propre
chef sur une plateforme destinée à cet effet. L’intermédiaire d’OI peut alors les
contacter et mobiliser au besoin. L’intermédiaire utilise donc une plateforme
sans avoir à identifier et aller chercher les solvers. Ce marché est récent
puisque la première offre qui fasse réellement référence est Innocentive, créée
en 2001.18
Dans le second modèle existant en la matière, l’intermédiaire part à la
recherche des solvers, soit parce qu’ils peuvent résoudre un problème posé
par un client, soit parce qu’il anticipe une demande dans le domaine d’exper-
tise en question. La dynamique est donc inverse au premier modèle : ici, le
18 Plusieurs études ou enquêtes ont été consacrée à Innocentive en particulier :
Mazzola, E., Acur, N., Piazza, M., & Perrone, G. (2017). Innocentive est en outre fré-
quemment citée dans la littérature de sciences de gestion abordant les plateformes
d’Open Innovation. Cf. Cuel, R., & Frisanco, F. Crowdsourcing platforms: new op-
portunities for innovation.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 46
cabinet de courtage est proactif. L’essentiel de son travail est donc de « déni-
cher » les solvers adéquates. Ce travail est essentiellement humain, bien que
réalisé avec l’aide de métacrawlers. On peut citer le groupe GLG comme en-
treprise de référence dans ce domaine.
Dans ce contexte, PRESANS rompt ces design en développant un outil
(nommé Sofia) qui permet de détecter automatiquement les solvers, les carto-
graphier selon une série de paramètres et ensuite de les contacter. Il ne s’agit
donc plus de répondre à une demande réelle ou potentielle mais de cartogra-
phier l’ensemble des solvers pour créer une base complète de l’expertise scien-
tifique et technique mondiale. Le moteur identifie automatiquement les nou-
veaux domaines d’expertise à couvrir. En créant une recherche automatisée
et proactive des solvers, PRESANS rompt donc avec les deux designs existant.
Le paramètre humain n’est toutefois pas supprimé : la base de données créée
est essentiellement utilisée avec un suivi humain tout au long du processus.
Figure 11. Présentation schématisée du modèle d’intermédiaires d’Open In-
novation de PRESANS
PRESANS se différencie donc aujourd’hui de ses concurrents par la
base d’experts générée par Sofia : les données accumulées pendant presque
dix ans, les algorithmes de recherche et les algorithmes de classement et son
ciblage mise à jour automatiquement dans les hautes technologies la rendent
unique. Avec Sofia, PRESANS a développé un réseau d’experts (académiques,
startups etc.) sélectionnés en s’appuyant sur leurs travaux (publications
Master PIC | PRESANS | Août 2017 47
scientifiques, brevets, key notes etc.). Le moteur de recherche de PRESANS,
fondé pour favoriser l’innovation, est déjà en tant que tel une innovation. En
effet, son module de reconnaissance d’entités (X-search) qui lui permet d’ana-
lyser et reconnaître les documents textuels en rapport avec des experts éven-
tuels, puis de construire de manière automatique des profils structurés d’ex-
perts, est entièrement programmé en interne. X-search est en outre « intelli-
gent » : son analyse sémantique et apprentissage supervisé donnent du sens
à la requête de l’utilisateur et permettent la suggestion d’experts au-delà d’une
simple recherche par mot clé. Ces deux outils, X-search et X-call forme une
plateforme appelée Sofia et décrite lors de sa création comme « the World’s
Most Advanced Expert Management System ».
PRESANS (source : PRESANS)
GLG (D’après source PRESANS)
Figure 12. Deux exemples d’exploitation d’une base de données carto-
graphiant l’expertise : un rendu proche du point de vue du client bien qu’uti-
lisé à des fins différentes qui cache une réelle différenciation dans les mé-
thodes.
• Due diligence • Internal insights • Investing advice
Investors : M&A
PE
Financial department
Strategy
Targeted
industrial
domain
Ex-directors
Master PIC | PRESANS | Août 2017 48
2.3.4 Aujourd’hui, PRESANS n’est plus en rupture avec le marché
mais occupe un marché de niche.
Après une discussion avec le fondateur Albert Meige sur son expé-
rience d’activité par rapport à PRESANS, on peut souligner que si la techno-
logie et le concept de base de PRESANS étaient quasi-uniques au moment de
sa création en 2008, ils ne le sont plus aujourd’hui. Alors que la présentation
de son offre suscitait beaucoup d’étonnement, de nombreuses entreprises pro-
posant désormais des services proches sont aujourd’hui sur le marché.
Cependant, le positionnement de PRESANS reste bien spécifique. PRE-
SANS est d’ailleurs probablement dans une « niche » au sens où peu d’entre-
prises se trouvent exactement sur le même marché. Nous nous proposons
donc désormais d’étudier succinctement ce qui différencie PRESANS de ses
potentiels concurrents.
Ce vaste océan de compétences dans le domaine du sourcing d’exper-
tise est un environnement relativement mouvant et a obligé PRESANS à déve-
lopper des atouts processus internes très différenciants pour se démarquer.
PRESANS a fait le choix d’être à la pointe de plusieurs domaines de
compétences sur le marché grâce à des atouts que nous avons déjà présentés :
capital humain grâce à ses Fellows, et programmation informatique grâce à sa
base. Cela lui permet notamment de rendre une expertise à « la frontière des
connaissances » ce qui est clairement l’une des premières raisons d’achat des
clients. Pour cartographier l’expertise de PRESANS, on peut utiliser le visuel
à la page suivante.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 49
Figure 13. Matrices d’analyse du marché des fournisseurs de con-
naissances/intermédiaire d’OI. Source : PRESANS.
L’un des principaux atouts différentiels de PRESANS est son équipe de
Fellows qui se dédie entièrement à la compréhension globale du problème de
l’entreprise et place donc l’offre de PRESANS à un haut degré de capital hu-
main. Le fait que les robots détectent de manière automatique les nouvelles
zones d’expertises à cartographier permet également à PRESANS de se situer
à la frontière de la connaissance, dans des domaines encore non murs.
Le cœur de métier de PRESANS est le courtage d’experts pour favoriser
l’Open Innovation scientifique et technologique. Pourtant, ni la technologie de
PRESANS, ni sa base de données ne sont protégées par un brevet. De même,
ses Fellows sont débauchables puisqu’ils travaillent en tant que freelances. Or
lorsqu’on examine le principal atout qui rend l’offre de PRESANS non imitable,
on se rend compte qu’il s’agit de sa base de données sur laquelle se fonde son
outil de connexion experts-entreprises. En effet, la base comportant au-
jourd’hui près de sept millions de noms, elle est extrêmement longue à cons-
tituer : elle est le fruit d’un travail de huit ans. Elle n’est cependant protégée
par aucun brevet puisque les robots-logiciels recherchant les informations qui
sont disponibles sur internet ne sont pas propres à PRESANS mais utilisés
dans d’autres activités. Néanmoins, s’ils sont relativement faciles à coder, ils
WhatmakesPresanssospecial…Presansvisàviscompe onorotherplayers
Cap
italhumain
So ware
AlcimedErdyn
Expernova
Presans
Ninesigma
Fron èredelaconnaissance
BCGMcKinsey
AlcimedErdyn
Universi es
ins tutes
Innocen ve
Business
Presans
Master PIC | PRESANS | Août 2017 50
reste un travail long de mise en place : choix des sites sur lesquels les con-
necter, logiciels de réception des informations, logiciels de traitements des in-
formations, sélection des robots les plus efficients, etc.
PRESANS possède un autre avantage « rare » : ses Fellows. Ces der-
niers ont acquis au fil des années une expérience dans les domaines qu’ils
traitent au sens où ils sont des « méta-experts multipotentialistes ».
Il ne s’agit pas seulement de permettre aux entreprises de trouver une
solution à leur problème technique mais surtout, lorsque la situation l’exige,
de redéfinir le problème dans sa globalité en prenant en compte non seulement
les aspects technologiques mais aussi toutes les conséquences possibles sur
l’organisation, la stratégie, ou la technologie en général. Les Fellows sont
même la condition sine qua non de l’Open Innovation chez PRESANS. Avec un
parcours académique et industriel, ces anciens directeurs de R&D sont pré-
sentés par PRESANS comme de « vieux routards de l’innovation ». Ils sont des
méta-experts : leur domaine d’expertise, c’est justement l’expertise. Leur in-
tervention à toutes les étapes d’un projet permet d’introduire pragmatique-
ment l’Open Innovation dans les entreprises clientes. PRESANS est pleine-
ment consciente de cet actif humain. L’entreprise en a d’ailleurs fait une ana-
lyse sur son blog :
"La multipotentialité désigne la capacité à être performant dans divers
domaines d’activité. (…) Un intérêt dans des domaines divers n’est pas syno-
nyme de maîtrise de ces divers domaines. Mais il est impossible d’acquérir une
telle maîtrise sans avoir réalisé des projets avec succès dans ces domaines.
(…) Au plus haut niveau de raffinement, un expert devient un expert en ex-
pertise. Cette méta-expertise lui rend facile la détection et l’évaluation d’autres
experts. Chez PRESANS, nous avons un nom en interne pour désigner nos
méta-experts : les Fellows. Ils accompagnent nos clients du début à la fin d’un
projet, s’assurant que les bonnes questions soient posées, que les meilleurs
experts soient sélectionnés et que les informations clés soient communiquées.
Tous nos Fellows sont des vétérans ex-CTO avec un passé dans l’innovation
inter-domaines. (…) Les Fellows de PRESANS représentent le plus haut niveau
Master PIC | PRESANS | Août 2017 51
de multipotentialité que vous puissiez obtenir sur le marché. Ils apportent de
quoi accomplir des renaissances, mais ne sont pas du genre à abandonner…
des qualités prisées quand il s’agit d’innovation ouverte industrielle.”19
Pour illustrer ces propos, ci-dessous une description des Fellows les
plus actifs aujourd’hui :
Figure 13. Les Fellows, méta-experts jouant le rôle d’interface entre Business
et Science. Source : diapositive de présentation commerciale utilisée par
PRESANS.
19 https://open-your-innovation.com/fr/tag/multipotentiality/
Aeronau csAerodynamics
BIOTECHNOLOGIESLIFESCIENCES
PhilippePerrierProfessionalExperience
TechnicalDirector
oftheRafaleProgram
DassaultAvia on
Educa on
EcoleCentraledeParis(1973)
CentredesHautesEtudesdel’Armement
MarcDanzartProfessionalExperience
ProfessoratAgroParisTech
HeadoftheFoodScienceDep.AgroParisTech
Educa on
Masterinquan ta vegene cs,ENS
Mathema csaggrega on(1975)
HDRinappliedmathema cs(1986)
Jean-MarcParis
ProfessionalExperience
CSOatRhodia/Solvay
Educa on
EcoleNat.Sup.deChimiedeParis(1971)
ENS,PhDinOrganicChemistry(1974)
MATHSSENSORYANALYSIS
MATERIALSPHYSICS
CHEMISTRY
telecom&consumerelectronicsproducts
IOT
BIOTECHNOLOGIESLIFESCIENCES
SYSTEMSSOFTWARES
AEROSPACEELECTRONICS
ENGINEERINGDESIGN
DavidArdi
SECURITYTELECOM
Jean-FrançoisPe ot
DanielKrob
DIGITAL
CHEMISTRYORGANICCHEMISTRY
WendellIverson
ProfessionalExperience
GlobalR&Ddirector(Heineken)
Educa on
MBA,WashingtonUniversity(1994)
PhDinfermenta onTechnologies,UniversityofMelbourne(1976)
B.Sc.InMolecularBiology,MIT(1969)
PhilippeLetellierProfessionalExperience
Innova onDirector
Ins tutMinesTelecom
Educa on
ENSEM–Nancy(1980)
ParisXIOrsay–PhDinComputerScience(1983)
HEC–Execu veMBA(2000)
SandraEinerhandProfessionalExperience
CTODanoneNutrica
AssociateProfessorinLifeScience
Educa on
MscinChemistry,AmsterdamUniversity
PhDinBioMedicin,AmsterdamUniversity
RobertLainé
HervéArribartProfessionalExperience
Professorat
PolytechniqueandESPCI
CSOatSaintGobain
Educa on
EcolePolytechnique(1972)
OrsayUniversity,PhDinPhysics(1982)
MichelFéret
Master PIC | PRESANS | Août 2017 52
C’est pourquoi, pour l’instant, PRESANS bénéficie d’une barrière à l’en-
trée de son marché potentiel (son expérience) et donc d’une situation de mo-
nopole de niche temporaire dans une telle activité de mise en relation client-
experts de haute technologie. Mais il est difficile d’estimer à quel point les
outils de PRESANS restent innovants : l’innovation dans ce domaine évolue
vite. Comme nous l’écrivions plus haut, lors d’un voyage en octobre à la Silicon
Valley, le fondateur de PRESANS s’est rendu compte qu’il y a 10 ans, son offre
semblait incongrue et révolutionnaire alors qu’aujourd’hui, les acteurs du do-
maine connaissent déjà des entreprises présentes sur un créneau proche ou
ayant des velléités de rentrer sur le marché du courtage d’expertise via une
approche similaire.
2.4 Présentation générale de PRESANS
2.4.1 Histoire et croissance
En 2016-2017, PRESANS s’attaque à la construction d’une nouvelle
offre pour diversifier ses activités : le projet auquel nous avons participé. Com-
ment intégrer chronologiquement cette étape dans le développement de l’en-
treprise ?
A l’époque de sa création, PRESANS est une entreprise pionnière dans
l’application mondiale des technologies de crawling à l’expertise scientifique.
Malgré une méfiance du point de vue de la propriété intellectuelle et de la
confidentialité, une bonne implantation dans le milieu de la Recherche & Dé-
veloppent des premiers collaborateurs donne à la start-up une première noto-
riété. La publication de divers ouvrages lui donne une légitimité académique.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 53
L’activité commence alors à croître de façon significative, et s’accélère signifi-
cativement à partir de 2010 pour atteindre en moyenne 60 % de croissance
annuelle à partir de cette année.
Les équipes de PRESANS sont mouvantes selon qu’on y intègre les Fel-
lows ou non. Du fait de la structure de l’entreprise et du petit nombre de sa-
lariés, les « têtes pensantes » de la stratégie sont relativement présentes sur
l’ensemble des projets et activités opérationnelles.
En janvier 2017, PRESANS compte 25 collaborateurs dont 15 Fellows
et a réalisé plus d’une centaine de projets classiques dont plusieurs à l’étran-
ger. Par « classique », on entend l’offre de service historique d’Appel à Expertise
ou CFE pour Call for Expertise (détaillée en 4.2.2). Les clients de cette offre
sont en majorité des équipes de Recherche & Développement d’entreprises
suffisamment grandes pour en contenir un. Réparti comme sur le graphique
suivant :
Figure 14. Répartition des projets de PRESANS par industrie du client.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 54
Comme nous l’avons dit, en octobre 2016, les collaborateurs de PRE-
SANS, ont été invités à réfléchir lors d’un atelier de « fondation de la marque »
aux questions suivantes : Quel est l’ancrage de PRESANS ? Quel est son
champ de compétences, son corps de métier légitime ? Quels sont ses grands
points de différence ? Quel est le point de vue unique et l’engagement de PRE-
SANS ? En quel nom est-il mené ? Que revendique PRESANS ? Ces questions
sont visiblement là pour guider une réflexion de rétrospection sur le passé
considéré désormais suffisamment long pour être étudié de l’organisation.
Se pose alors la question de la méthodologie d’exploitation : il ne s’agit
pas de tâtonner mais d’explorer astucieusement le champ des possibles, de
choisir la meilleure stratégie d’exploration. PRESANS serait donc en pleine
phase intermédiaire du cycle de vie de l’entreprise : il s’agit de passer d’un
statut de start-up (nom que son fondateur revendique toujours 8 ans après la
création) à un statut d’entreprise mature et stable.
2.4.2 L’offre historique d’Appel à Expertise
PRESANS est donc spécialisée dans la réussite et l’accélération de
l’Open Innovation dans les domaines industriels de haute technologie. De ma-
nière simplifiée, elle se donne pour mission de mettre en contact des entre-
prises et les experts les plus appropriés pour répondre à leurs besoins. Pour
accélérer et lever une partie des risques inhérents aux projets d’innovation de
grands groupes industriels, elle combine plusieurs actifs développés au cours
des années :
1. Une technologie de captation d’information open source (crawling)
et de data mining (exploration des données) appelée SOFIA. Sofia comprend
deux applications principales :
a. X-Search, moteur de recherche vertical qui organise l’expertise is-
sue des publications et des sites scientifiques, des brevets et des startups.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 55
Lancé en Janvier 2011, X-Search « collecte des dizaines de millions de sources
scientifiques (littérature scientifique, brevets, sites Web de centres de re-
cherche, etc.). X-Search indexe et structure cette information sous forme de
profils d’experts. L’envoi d’une requête décrivant un besoin grâce à la barre de
recherche retourne une liste d’experts potentiellement qualifiés. »
b. X-Call, dédié à la gestion de la collaboration avec les experts (sys-
tème de messageries, de formulaire de contact, etc.)
L’étroite imbrication de ces deux outils permet d’identifier les experts
correspondant aux spécifications d’un projet et de gérer la collaboration avec
eux.
Figure 15. Présentation des assets technologiques de PRESANS. Source :
PRESANS.
2. Une équipe de Fellows : un groupe de « méta-experts » dont la ma-
jorité a fait la moitié de sa carrière en université et l’autre moitié en industrie
en tant que CTO (Chief Technology Officer) ou Directeur de la R&D dans de
grands groupes.
3. Un réseau accumulé au cours des années de plus de 6 millions
d’experts dans le monde.
À ce jour, ces actifs humains et technologiques sont utilisés dans une
unique offre appelée CFE (Call for Expertise ou Appel à Expertise) et qui se
découpe en trois phases illustrées ci-dessous :
Master PIC | PRESANS | Août 2017 56
Figure 16. Processus de base de l’Appel à Expertise, source : PRESANS.
Les clients de PRESANS sont généralement les services R&D de
grandes entreprises industrielles faisant face à un problème technique et
ayant besoin d’un expert pour résoudre leur problème et élargir leur problé-
matique. Le processus qui suit est donc :
1. CONVERT : il s’agit de l’étape de reformulation de la probléma-
tique. C’est le point d’entrée de PRESANS. Cette étape permet aux parties pre-
nantes de « poser la bonne question ». L’objectif est de construire une compré-
hension partagée et précise de la problématique et de la rendre compréhen-
sible aux experts extérieurs pouvant être très éloignés du core-business de
l’entreprise cliente. Cette étape est réalisée avec les Fellows, qui grâce à leur
formation ont une profonde compréhension des mondes académiques et in-
dustriels et servent d’intermédiaire entre les clients et les experts.
2. HUNT : Suite à cette étape dite de traduction, les Fellows partent
en « chasse ». L’équipe de PRESANS présélectionne et contacte automatique-
ment grâce à SOFIA les quelques centaines d’experts les plus pertinents,
parmi son réseau de 6 millions d’experts. Bien qu’automatisée, cette phase est
supervisée par le Fellow afin de garantir l’excellence. A l’issue de cette phase,
une quinzaine d’experts soumettent un dossier de candidature qui sera revu
Master PIC | PRESANS | Août 2017 57
par le Fellow et présenté à l’entreprise cliente. En moyenne, seuls 10% d’entre
eux répondent à l’appel. Ceux-ci sont alors soumis à quelques questions et
doivent poster un micro-rapport pour montrer la pertinence de leur sélection.
Figure 17. Entonnoir de sélection des experts, source : Presans.
3. PLUG & PLAY : L’entreprise cliente sélectionne un ou plusieurs
experts parmi les candidats retenus par le Fellow. L’expert sélectionné rem-
plira alors la mission qui lui a été confiée, sous la supervision du Fellow en
charge du projet. L’expert est donc engagé par PRESANS, pour une mission
d’une dizaine de semaines suivant le besoin de l’entreprise, avec pour objectif
de résoudre le problème identifié. Restera alors au Fellow d’extraire la quin-
tessence du travail de l’expert afin de le rendre directement actionnable par
l’entreprise cliente.
Il n’y a cependant pas une seule offre de service chez PRESANS mais
un service adapté à chaque client et sa situation particulière. Ce choix aboutit
à un processus d’apprentissage permanent : selon les désirs et besoins de ses
clients, PRESANS peut développer une nouvelle manière d’utiliser sa base de
données.
7 000 000
Master PIC | PRESANS | Août 2017 58
2.4.3 Les activités annexes et l’écosystème de PRESANS
Après la description de l’offre générale de PRESANS ci-dessus, on peut
noter que son activité est essentiellement fondée sur son activité de courtage
d’expertise. Mais, la pluridisciplinarité des équipes et la volonté de fournir une
« expérience » plus qu’un service unique et calibré sont essentielles. Ces exi-
gences se retrouvent dans la manière de se présenter que PRESANS adopte
face à ses clients cibles : l’entreprise ne présente pas seulement son produit
phare, l’Appel à Expertise, mais un environnement plus large. Celui-ci est en
partie repris dans une diapositive de présentation issue de documents com-
merciaux :
Figure 18. Diapositive de présentation commerciale représentant l’Univers
PRESANS
Pour répondre à sa grande question de savoir comment aider les en-
treprises à se transformer et survivre dans un monde, PRESANS choisit de
présenter un univers extrêmement ouvert et qui ne soit pas seulement centré
sur les services qu’elle vend. Pour PRESANS, « La question à laquelle toutes
Raisond’être:tohelpcompaniestotransformandsurviveCompaniesarefacinganunprecedentedaccelera on.Theques onalllargecompaniesfacetodayishowtohavetheagilityofastartupwhilehavingtensorevenhundredsofthousandsofemployees.Theanswerisanopenanddynamiccompany.Inpar cular,itisabletoengageon-demandtalents.
Revampinnova onstrategies
Helpcompaniestotransform&survive
byleveraging
ephemeralteamsoftalents
Prototypethe
impossible
Trainyourcollaborators
Evangelizeyourcollaborators
Understandthelatestandbest
prac ces
Engageexpertsondemand
Presans’CallforExper se:mi gatetheriskbehindstrategicdecisions,accelerateme-to-market,hirehard-to-
reachtalents,accessstate-of-
theartetc.
TheBreakthroughFactorywithourpartnerArthurD.Li le:streamline
innova onleveragingexternalpartnersallthewaytotheprototype.
Execu veMBAofIns tutMines-Telecom:Presans’CEOisalsoDirectorofMBA
“leadinginnova oninadigitalworld”.
OpenInnova oninaDigitalWorldandotherconferences&seminars.Andalsothefamous#raout.
open-your-innova on.com:ar clesandotherpublica onsoninnova on,digitaliza on
andtransforma on.Themostrecenttrendsandprac ces
TwoMagicianstoRevampInnova onStrategies:find ne wterritoriestoexploretowardsa
sustainablegrowth.
WHY1
2
3
Master PIC | PRESANS | Août 2017 59
les grandes entreprises font face aujourd'hui est de savoir comment avoir l'agi-
lité d'un démarrage tout en ayant des dizaines voire des centaines de milliers
d'employés. La réponse est une entreprise ouverte et dynamique. En particu-
lier, celle capable de s'engager sur des talents à la demande. » La société, créée
pour répondre à ce besoin, est finalement une adepte de ces conclusions
puisqu’elle cultive des liens très divers créant ainsi un environnement de tra-
vail et de partenariats multidisciplinaires. On remarque d’ailleurs que le pro-
duit qui fournit la majorité de ses revenus à PRESANS (l’Appel à Expertise) ne
représente qu’une seule des 6 alvéoles ci-dessus.
PRESANS a également créé des ateliers en collaboration avec un con-
sultant magicien pour faire « travailler efficacement les équipes grâce à une
méthode d’innovation inspirée des illusionnistes et mentalistes ». Ces anima-
tions d'ateliers de travail utilisent l'approche des illusionnistes et des menta-
listes comme méthode de problem-solving. Il figure aussi sur la diapositive de
présentation un projet avec Arthur D Little. Appelé la Breakthrough Factory,
il s’agit d’une nouvelle approche pour créer systématiquement et efficacement
des innovations innovantes basées sur la technologie. Arthur D Little et PRE-
SANS sont partenaires et proviennent d’une relation de confiance initiée de-
puis plusieurs années entre un associé de ADL Paris et le fondateur de PRE-
SANS.
Albert Meige dirige également un Executive MBA abrité par Telecom
Ecole de Management et l’Institut Mines-Télécom, intitulé Leading Innovation
in a Digital World. L’intitulé du master montre d’emblée à quel point celui-ci
est lié au cœur d’activité de PRESANS. De fait, ce master est à la fois une
innovation et une source d’innovation pour Albert : d’après le site internet de
l’école, il s’agit même d’une « formation innovante ». Cet IT Executive MBA re-
vient à l’origine même des grands MBA américains portés par des universités
technologiques en combinant management et innovation. Albert Meige s’en
sert comme base de rencontre à l’intérieur du master mais aussi comme
moyen de contact à l’extérieur. Ainsi, dans ce cadre, il peut faire intervenir des
personnalités du monde de l’innovation en lien avec son activité, tant dans le
champ universitaire que dans le champ de l’entreprise. Cet atout académique
Master PIC | PRESANS | Août 2017 60
lui permet également de conserver des liens étroits avec un monde universi-
taire qu’il n’a jamais vraiment quitté : Albert Meige est souvent amené à reve-
nir sur le plateau de Saclay pour des conférences, tables rondes ou rencontres.
Apparaît aussi le blog sponsorisé par PRESANS : https://open-your-
innovation.com. Celui-ci, à la manière du MBA dirigé par Albert Meige, est une
porte d’entrée pour PRESANS auprès d’acteurs du monde de l’innovation et
de la Recherche & Développement mais également de nouveaux collabora-
teurs : on y trouve des thèmes d’articles et d’interview très larges, allant de
l’analyse politique à l’actualité de l’entreprise.
En outre, l’environnement de travail choisi par PRESANS est révélateur
de cette ouverture : PRESANS ne dispose pas de locaux propres mais préfère
s’intégrer dans un espace de coworking, le Remix. En fin de compte, concrè-
tement, PRESANS fait très peu appel à toutes les propositions d’ateliers mais
bénéficie au moins par son atmosphère de la culture souple et créative du
milieu.
Sur la diapositive de résumé présentée plus haut, on peut se rendre
surtout compte que PRESANS présente une offre au-delà de ses frontières
propres : elle intègre autant l’Appel à Expertise que l’executive MBA dirigé par
Albert Meige. Les activités annexes aux Appels à Expertise proposées dans les
frontières de l’entreprise représentent néanmoins une part significative de l’ac-
tivité économique. En effet, les conférences, ateliers de sensibilisation et
autres services proposés au fil des rencontres ont pu représenter jusqu’à 40%
du chiffre d’affaires de l’entreprise.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 61
3. LE PROCESSUS DE CREATION D’UNE NOUVELLE
OFFRE
3.1 Quel a été le catalyseur du début de la réflexion d’inno-
vation ?
3.1.1 Un contexte favorable
De manière générale, PRESANS évolue dans un contexte d’exploration
de nouvelles idées et pistes puisque, comme nous l’avons souligné, son offre
historique d’Appel à Expertise évolue souvent selon le besoin du client pour
répondre de la manière la plus adéquate à la problématique en jeu. Mais en
2016, la décision du lancement d’une nouvelle offre marque un tournant :
l’exploration d’une nouvelle manière d’utiliser les actifs est planifiée à l’avance.
Le choix est donc programmé et non spontané au fil des demandes.
Cette décision est en phase avec l’évolution du marché sur lequel évo-
lue PRESANS. Comme nous l’avons expliqué en développant les repères con-
ceptuels en troisième partie de ce mémoire, nous avons utilisé le Hype Cycle
de Gartner pour étudier la position du marché des intermédiaires d’Open In-
novation.
Figure 19. Technology Hype Cycle des intermédiaires d’Open Innovation.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 62
Après le lancement de la technologie des plateformes d’Open Innova-
tion au début des années 2000, le marché a connu une croissance difficile-
ment quantifiable mais certaine. C’est notamment les enquêtes d’opinion qui
permettent de montrer la percée du concept d’Open Innovation et de son ca-
ractère indispensable dans l’esprit des dirigeants stratégiques.
S’en est suivi un pic d’espérances exagérées : les entreprises et leurs
pôles de recherche ont amplement testé les services proposés par les intermé-
diaires d’Open Innovation sous différentes formes.
La déception (ou pente des désillusions) a été double. Du côté des
seekers, les résultats obtenus n’étaient pas forcément monnayables aussi fa-
cilement qu’escomptés. Du côté des intermédiaires d’Open Innovation, la va-
leur du rapport seeker-solver se trouvait donc plafonnée et limitait les pers-
pectives de profit. De plus, les besoins d’intermédiation se trouvaient souvent
être ponctuels et l’achat non répétitif.
Cette difficulté à transformer ces avancées en valeur monétaire a en-
trainé une réintégration de l’OI dans les services de R&D dans plusieurs cas.
Créant un « gouffre des désillusions ».
D’après les témoignages que nous avons pu recueillir et les études dis-
ponibles, le marché serait désormais sur la « pente de l’illumination » : cer-
taines entreprises persistent et développent des produits de deuxième généra-
tion. De part et d’autre du processus, les acteurs commencent à comprendre
les véritables avantages et pratiques d’application. Il est visible que cette acti-
vité reste encore cantonnée et ne se fait pas de manière massive ou générali-
sée : le marché n’est pas, pour l’instant, devenu un marché de grande con-
sommation.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 63
3.1.2 Une opportunité de marché
C’est lors de cette phase charnière que PRESANS a identifié une op-
portunité de marché.
D’une part, elle disposait en interne d’actifs sous-exploités. En effet, la
base de 7 millions d’experts lorsqu’elle est sollicitée pour les Appels à Exper-
tise ne débouche que sur quelques embauches. Ainsi, avec le mode d’exploi-
tation des données traditionnel de PRESANS, une centaine de projets ont été
menés depuis la création, sur les 7 millions de noms.
Le potentiel d’utilisation et de mobilisation des experts est donc bien
supérieur à l’utilisation classique faite par PRESANS. En outre, l’équipe de
Fellows constituée puis formée aux problématiques et méthodes d’intermédia-
tion d’Open Innovation était également volontaires pour mener des projets
supplémentaires.
D’autres part, les dirigeants de PRESANS ont décelé une demande en
partie non satisfaite chez leurs clients. Ces derniers posaient des questions
auxquelles l’offre d’Appel à Expertise ne semblait pas être un processus judi-
cieux pour poser une question.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 64
Figure 20. Diagnostique stratégique interne et externe posé en 2016
La confrontation de ces deux situations va aboutir à la décision de lan-
cement d’un nouveau service. Globalement, aucune méthode n’a été utilisée
pour conceptualiser ou coucher a priori sur le papier un réseau d'ordonnan-
cement dans la gestion du projet de la conciergerie.
En pratique, comme bien souvent, l’entreprise oscille entre les deux
démarches de design to time et time to design. Dans un premier temps, le time
to design (planification du contenu au temps) est préféré. Mais les résultats
étant plus lents que les prévisions du fondateur, le design to time (planifica-
tion à échéance) sera finalement privilégié : à partir de mars, une date de lan-
cement est établie pour mai.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 65
3.2 Les pratiques de création et d’innovation dans le cadre
de La Conciergerie
Pour innover, PRESANS n’adopte pas de méthodologie particulière
mais mélange plutôt différentes pratiques favorisant la flexibilité, la création
et la nouveauté.
D’une part, PRESANS explore les meilleures pratiques ainsi que les
perspectives des autres acteurs. Un risque récurrent pour les entreprises éta-
blies est de manquer d’écoute des besoins d'innovation du marché. PRESANS,
par stratégie, mais aussi du fait des centres d’intérêts personnels de ces col-
laborateurs, suit plutôt de près le marché. En effet, elle réalise une veille active
grâce à son blog https://open-your-innovation.com. Ce blog traite de problé-
matiques diverses qui sert à l’entreprise non seulement de figure de proue
pour démarcher, mais aussi de moyen pour rencontrer des personnalités in-
téressantes et stimulantes. Ces rencontres jouent évidemment un rôle dans
l’innovation et son développement au sein de l’entreprise.
D’autre part, parce que l'innovation d'entreprise est intrinsèquement
un ensemble "doux" de qualifications et de processus d'affaires, PRESANS uti-
lise peu les techniques de vente d'un mono-produit au profit d’une expérience.
PRESANS tend à bâtir un modèle de consultation dans lequel elle intègre en-
suite des services personnalisés pour ses clients. Pour cela, PRESANS veille à
travailler main dans la main avec ses clients pour lancer des initiatives per-
sonnalisées au fil des rencontres et des besoins. Le crowdsourcing génère des
rendements plus élevés si l'entreprise adapte et ajuste continuellement l'effort.
Dans son processus d’innovation, PRESANS veille donc autant à apprendre
de ses clients qu’à les « éduquer » sur ses activités et sa méthodologie. PRE-
SANS cherche plutôt à développer conjointement la bonne solution en parte-
nariat avec chaque client ce qui permet de créer des synergies utilisables sur
d’autres projets. En travaillant réellement avec chaque client pour déterminer
Master PIC | PRESANS | Août 2017 66
ce dont l'entreprise a le plus besoin, certains fournisseurs ont déjà démontré
un succès puissant et reproductible. De fait, PRESANS utilise un processus
de cocréation, puisqu’elle propose une démarche basée sur la collaboration.
Les projets sont donc générés par l’intelligence collective. Bien que cela ne se
fasse pas toujours d’une manière parfaitement consciente.
PRESANS adopte également une culture proche du design thinking au
sens où elle adopte une approche systémique. Car « lorsque l’on a pour ambi-
tion de proposer une véritable expérience à ses clients, il n’y a pas d’autres
moyens que d’adresser cette expérience dans sa globalité (de bout en bout) ».20
PRESANS se voit elle-même comme un écosystème et non comme un fournis-
seur de services pur.
Un autre point clé de la méthodologie utilisée chez PRESANS est le
mode de réflexion très visuel adopté. Adeptes du « visual management », ses
collaborateurs présentent leurs projets et avancées par des illustrations plu-
tôt que de les expliquer par des mots. Ces démonstrations visuelles sont ré-
putées plus efficaces et plus inclusives de tous les membres de l’équipe.
En outre, le processus d’innovation chez PRESANS intègre très bien le
recours au prototypage, caractéristique du design thinking. Ces prototypes
permettent de valider ou d’infirmer les grandes idées esquissées, en les testant
auprès d’un panel restreint de clients potentiels ensuite. Cet usage du proto-
type n’est pas uniquement « physique » : des projets pilotes d’atelier ou de for-
mats de conférences rentrent aussi dans ce cadre. Le but est toujours de tes-
ter, encourager les initiatives, tolérer les erreurs qui sont perçues comme
source d’apprentissage.
Pour favoriser l’innovation émanant du sein même de ses rangs, le fon-
dateur de l’entreprise tente d’inciter ses collaborateurs à adopter des « pos-
tures créatives » : humour, richesse et complexité des tâches, capacité d’éton-
nement, capacité d’attention et d’observation, spontanéité des conversations,
20 https://medium.com/a-road-to-design/les-fondamentaux-de-la-culture-design-
thinking-a2a0ff370f20#.lb0s6jreh
Master PIC | PRESANS | Août 2017 67
flexibilité, imagination, optimisme, curiosité, etc. Si une structure pyramidale
existe et que la plupart des démarches nécessitent l’aval du fondateur, ce der-
nier fait preuve d’une grande facilité à déléguer son pouvoir de décision. Ceci
est dû, d’une part à une culture d’entreprise fondée sur la confiance et l’auto-
nomie, d’autre part à un manque de temps du fondateur et de son bras droit
pour tout chapeauter. La principale ressource disjonctive chez PRESANS est
le temps des collaborateurs, à savoir notamment les disponibilités des diri-
geants.
Le principal moyen d’innover de PRESANS reste donc l’intrapreunariat.
Si l’idée première provient du fondateur de PRESANS, sa mise en œuvre et les
multiples formes qu’elle prend sont largement laissées à la discrétion du sa-
larié développant le projet. Les incitations pour l’intrapreneur sont la propo-
sition d’un projet stimulant et la perspective d’un poste de développement sur
le long terme d’une activité autonome. La liberté accordée à l’intrapreneur est
donc importante : plutôt qu’un système pyramidal l’organisation de PRESANS
est circulaire (grâce à un processus de responsabilisation). Cela correspond à
la philosophie de l’entreprise et sa vision de l’économie future. Son but est de
libérer le potentiel créatif des collaborateurs. Le management des idées s’ef-
fectue par un processus d’idéation et de remise à plat hebdomadaire. Une
étape clé du processus de choix a été d’intégrer les équipes informatiques au
processus de décision. Ce point est toutefois postérieur à l’organisation ma-
nagériale initiale et fait suite à un constat : auparavant, les comités de pilotage
hebdomadaires avaient une visée essentiellement stratégique mais man-
quaient toujours d’un aspect concret au sens où le projet restait dans sa phase
d’idéation et n’intégrait pas les défis techniques de mise en œuvre.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 68
3.3 La conception de La Conciergerie : présentation géné-
rale du projet
Notre embauche chez PRESANS est dédiée à un projet : le lancement
de la « nouvelle offre » qui capitalise sur plusieurs assets majeurs dont dispose
PRESANS : une base autogérée de plus de six millions d’experts et un outil
informatique permettant de les mobiliser à la demande sur des projets tech-
niques et des Fellows capables d’analyser la compétence des experts. Deux
paramètres de développement supplémentaires nous ont été indiqués : la nou-
velle offre doit être la plus « scalable » possible et relativement frugale en coûts
d’élaboration et d’entretien.
L’outil de recherche et de contact d’experts est robuste mais s’insère
aujourd’hui dans une offre de suivi de projet à moyen terme (les projets durent
quelques mois) avec une forte interaction humaine : les collaborateurs de PRE-
SANS reformulent avec le client la problématique, sélectionnent et engagent
l’expert pertinent, lisent et évaluent les rapports rendus, etc.
Comme nous l’indiquions, PRESANS a relevé une demande d’expertise
plus souple, pour répondre à des questions plus évidentes et demandant
moins de suivi. Lorsque nous sommes arrivés dans l’organisation en sep-
tembre 2016, l’idée d’une plateforme en ligne est déjà bien ancrée.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 69
En créant son réseau de collaborateurs, PRESANS a volontairement
revendiqué une approche disruptive. L'approche, que PRESANS décrit comme
« Dynamic Expert Sourcing de Multistep », s'appuie à la fois sur une techno-
logie innovante de Search Engine Expert et sur un processus en trois étapes
pour la phase de résolution des problèmes. Son but est, comme nous l’avons
précisé, de décloisonner monde de la recherche et monde du développement.
Il a donc fallu faire en sorte que chacun des milieux y trouve un avantage.
La mise en œuvre de l'approche DESM avec les bons atouts technolo-
giques et méthodologiques (c'est-à-dire un puissant moteur de recherche ex-
pert et une méthodologie pertinente pour améliorer la formulation des pro-
blèmes) présente des avantages importants pour les experts, les demandeurs
et les intermédiaires d’Open Innovation.
• Pour les experts :
• Obtenir des problèmes pertinents sans avoir à s’inscrire
• Assurer la protection de leur propriété intellectuelle
• Évitez le travail et la frustration non pertinents
• Obtenir la garantie d’être payer pour leur travail
• Pour les demandeurs (les entreprises clientes) :
• Avoir un meilleur contrôle de la confidentialité
• Obtenir un accès potentiel à des millions d'experts mondiaux
• Engager de manière souple des experts plus nombreux et pointus
• Obtenir de meilleures solutions
• Pour les intermédiaires :
• Diminuer les structures de coûts
• Augmenter l'évolutivité
• Améliorer le taux de résolution et la qualité de la solution.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 70
Comme on peut l’imaginer, ces avantages ne sont pas mis en avant
uniquement par PRESANS, mais par l’ensemble des plateformes de mise en
relation du type. Il fallait donc réfléchir à un prototype mettant en avant les
spécificités de PRESANS analysées précédemment.
En mai 2017, PRESANS lance, à côté de son offre classique d’Appel à
Expertise, un nouveau service permettant de mobiliser des talents rapidement
et pour des questions courtes : La Conciergerie. Cette plateforme propose de
mettre en relation un client ayant une question avec des experts compétents
en 72h pour apporter des éclairages “éclairs". Ce micro-consulting technique
et scientifique se déroule en 3 étapes du point de vue du client :
➢ Dépôt d’une question sur
une plateforme internet.
➢ PRESANS contacte des ex-
perts capables d’y répondre et propose
une liste d’experts compétents et leurs
disponibilités.
➢ Le client choisit un horaire
pour passer l’appel avec l’expert.
Revenons sur la construction par itération de cette offre pour ensuite
analyser les enjeux qui la caractérisent à l’aune de la croissance de l’entreprise
dans son ensemble.
Figure 21. Chronologie succincte de la construction de la nouvelle offre.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 71
Nous nous sommes vite rendus compte que l’usage d’une étude de
marché classique ne serait pas pertinent. En effet, les couts engendrés au-
raient été considérables et nous avons préféré nous fonder sur notre cible pre-
mière : les clients actuels (qui ont émis cette demande) pour ensuite élargir.
Nous avons surtout analysé la concurrence en dressant un champ des pos-
sibles le plus large possible. Observant une trentaine de plateformes, nous
relevions le design, l’expérience utilisateur, les offres proposées, les processus,
les options supplémentaires, les modèles de coûts, etc. Ces plateformes pou-
vaient être de types très différents : engagement en freelance, plateforme d’ap-
pel à projet, forum, etc.
Figure 22. Différents modèles de micro-consulting par mise en relation via ne
plateforme existent déjà. Captures d’écran d’exemples.
L’étape clé suivante du processus de choix a été d’intégrer les équipes
informatiques au processus de décision. En effet, lorsque nous discutions au-
paravant, la visée était essentiellement stratégique mais il nous manquait un
aspect concret au sens où nous repoussions toujours une série de récolte d’in-
formation et de confrontation au réel.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 72
A la suite d’une séance de brainstorming avec Fabien (responsable de
la phase d’encodage du projet), Albert (vision stratégique commerciale),
Jacques (vision stratégique en terme de recherche d’innovation), nous avons
dessiné une offre concrète. Elle devait servir de base relativement aboutie à
tester et à remettre en question à chaque étape.
3.4 Caractérisation de l’innovation de manière absolue
3.4.1 Caractérisation de la Conciergerie en tant qu’innovation.
En soi, ce type de plateformes existe déjà, notamment GLG qui se con-
centre sur l’expertise financière. Il s’agit donc essentiellement d’une technolo-
gie ancienne utilisée pour de nouveaux usages : nous sommes en présence
d’une innovation de marché. La création de la Conciergerie représente claire-
ment un déplacement de la cible client par rapport au vivier existant dans le
cadre de l’exploitation de l’offre d’Appel à Expertise.
Offre Historique
Appel à Expertise
Nouvelle Offre lancée en 2017
La Conciergerie
Expertise de 3-4 mois
L’Appel à Expertise est un processus qui
nécessite la rédaction d’un rapport et
donc des spécifications qui seront com-
muniquées à l’expert le rédigeant. Ce rap-
port doit ensuite être retraité par les Fel-
lows pour être présenté de manière exploi-
table. Toutes ces étapes font que le pro-
cessus d’Appel à Expertise prend plu-
sieurs mois.
Processus complet de 72h
PRESANS s’engage sur sa plaquette de présen-
tation à ce que le processus complet de La Con-
ciergerie, de la déposition de la question à l’ap-
pel téléphonique entre l’expert et le client
puisse tenir dans un délai de 72h.
Budget nécessitant validation des achats
L’Appel à Expertise représente plusieurs
dizaines de milliers d’euros s’il est réalisé
dans sa totalité. Les grandes entreprises
ayant des seuils de dépenses les placent
Offre pouvant être déclenchée sans préavis de
dépense
La mise en relation avec un expert dans le
cadre de La Conciergerie représente une dé-
pense qui ne nécessite pas pas les mêmes
Master PIC | PRESANS | Août 2017 73
généralement à quelques milliers d’euros.
Engager un Appel à Expertise est donc
plus long car il faut que le client passe par
les exigences comptables et financières re-
quises. Les budgets peuvent parfois pren-
dre plusieurs semaines voire mois à être
débloqués.
prises de position que les Appels à Expertise.
La commande d’une requête via la Conciergerie
peut donc potentiellement être engagée par des
échelons dirigeants inférieurs à ceux qui utili-
sent habituellement La Conciergerie). Notons
cependant que l’achat d’un forfait de plusieurs
requêtes déposées sur La Conciergerie se rap-
prochera plus d’un cout d’un Appel à Exper-
tise.
Offre par phases prédéfinies
L’Appel à Expertise suit un processus
certes adaptable mais tout de même pré-
défini. Plusieurs ateliers sont prévus (re-
formulation et restitution des connais-
sances notamment). L’interaction hu-
maine directe entre les parties rend le pro-
cessus engageant : prise de rendez-vous,
établissement d’un calendrier des phases
successives, etc.
Processus souple
La Conciergerie engendre peu d’interactions
humaines directes entre les protagonistes. Du
fait de la structure de l’offre qui passe par une
plateforme, la déposition de la requête peut se
faire à toute heure. Il en va de même pour la
sélection de l’expert choisi et de la prise ou mo-
dification de rendez-vous téléphonique. Cha-
cune des deux parties mises en relation est
plus autonome, PRESANS n’intervient que lors
de la proposition des noms d’experts. Le pro-
cessus de mise en œuvre est donc plus souple.
Expertise recherchée non-obvious
L’Appel à Expertise comprend une phase
très spécifique et indispensable à la suite
du processus : l’atelier de reformulation
des besoins. Bien souvent, les clients fai-
sant appel à cette offre ont une probléma-
tique technique mais ne savent pas qui
pourrait la résoudre. Il ne s’agit pas sim-
plement de trouver le nom de l’expert mais
son domaine d’activité, le type de qualifi-
cations etc. Avant de voir le projet aboutir,
les clients ne savent pas de quel genre
d’experts ils auront besoin. Ce besoin est
donc « non obvious ».
Expertise recherchée obvious
La Conciergerie est destinée à des demandes et
questionnements plus simples. On peut les
considérer comme « obvious » au sens où le
client sait déjà quel type d’expert il souhaite
engager. Il n’a simplement pas l’infrastructure
permettant de le faire rapidement. Le type d’ex-
pertise recherché ne nécessite pas d’être déter-
miné par PRESANS.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 74
Forte composante humaine et rapport
personnalisé à la clientèle
Les Fellows jouent un rôle clef dans l’Ap-
pel à Expertise : au moment de la refor-
mulation du besoin, dans la sélection des
experts, dans le retraitement des rapports
rendus par les experts, dans la présenta-
tion de ces rapports. Ils jouent beaucoup
dans le lien qui unit PRESANS à ses
clients et sont souvent un relais de con-
fiance important.
Automatisation et composant technologique
plus importants
Au contraire, dans le processus de La Concier-
gerie le besoin n’étant pas reformulé et la mise
en relation entre le client et l’expert étant di-
recte, le processus est plus automatisé. Les
Fellows n’interviennent que dans la sélection
de la liste d’experts potentiels qui est soumise
au client. Le processus est donc relativement
plus anonyme que celui des Appels à Expertise.
Il s’agit donc de développer une offre répondant à une demande diffé-
rente. C’est-à-dire qu’à côté de l’offre historique destinée à des problématiques
« non obvious » nécessitant une reformulation, un moteur de prestation de ser-
vices et de mise en relation réponde à des questions « obvious ».
Le but stratégique et commercial est également de passer d’une logique
d’achat unique ou très ponctuel par un nombre restreint de clients à une lo-
gique d’achat répété (plusieurs par jour) par une large base de clients. Il s’agit
donc d’une innovation globalement de marché.
3.4.2 Matrice de Abernathy et McGrath (1985)
Un certain nombre d'auteurs ont combiné la technologie et les pers-
pectives du marché dans leur développement de modèles théoriques d'innova-
tion. Le but ici est d’étudier à quel type d’innovation précise la Conciergerie
peut correspondre dans des modèles déjà établis, pour savoir quel type de
risque lui correspond et donc mieux s’y préparer. On pourra aussi étudier
comment PRESANS y a répondu.
Nous avons choisi d’utiliser le modèle d'Abernathy et Clark (1985). Ce
modèle classe les innovations en fonction de leur impact sur la connaissance
du marché et les capacités technologiques de l'entreprise. L’article des deux
Master PIC | PRESANS | Août 2017 75
professeurs de Harvard propose de cartographier les « vents de la destruction
créatrices ». Il développe un cadre d'analyse de la concurrence impliquée par
l'innovation. Cette matrice repose sur le concept de transitivité, c’est-à-dire la
capacité d’une innovation à influencer les systèmes de production et de com-
mercialisation établis. Les catégories d'innovations qu’ont pu lister les cher-
cheurs durant leur carrière répondent en fait à des voies de conception et
d’évolution différentes. Le modèle utilise deux axes de classement :
1. La possibilité de préserver de nouvelles connaissances de marché (versus
la nécessité de développer de nouvelles connaissances)
2. La capacité à préserver des connaissances techniques (versus la nécessité
de développer de nouvelles techniques)
Figure 23. Matrice réalisée d’après Innovation: Mapping the winds of creative
destruction. Abernathy & Clark (1985)
Dans le cadre de PRESANS, les capacités technologiques de l’entreprise
restent globalement intactes puisque les apports de la recherche fondamentale
Master PIC | PRESANS | Août 2017 76
de PRESANS (les algorithmes) restent inchangés et qu’il s’agit surtout du dé-
veloppement d’un site internet. Au contraire, ses capacités de marché devien-
nent en partie obsolètes puisqu’il s’agit de toucher un nouveau marché.
La Conciergerie représenterait une innovation de niche, c’est-à-dire la
combinaison d’une connaissance du marché qui doit se renouveler et des ca-
pacités technologiques préservées. Ce qui semble logique puisque le but initial
est de valoriser un actif existant.
L'utilisation de nouveaux concepts en technologie pour forger de nou-
veaux liens de marché est l'essence même de l'innovation architecturale. Au
contraire, l'ouverture de nouvelles opportunités de marché grâce à l'utilisation
de la technologie existante est le propre de l’innovation de niche.
3.4.3 Les risques inhérents à cette innovation
Pour Abernathy et Clark, cette innovation a un effet limité sur la pro-
duction et les systèmes techniques au sens où elle les conserve voire renforce
les modèles établis. Il existe de nombreux exemples d'innovation en création
de niche, allant de l'exemple Timex mentionné plus haut, aux producteurs de
vêtements de mode et aux produits électroniques grand public.
Les risques et enjeux intrinsèques au projet correspondant à ce type
d’innovation sont, selon ce modèle, doubles. D’abord, il s’agit de développer
des connaissances clients lors de la construction de l’offre. En cas de dévelop-
pement par coconstruction et itération, la difficulté du prototypage ne sera
pas technique mais résidera dans l’accès au client et son avis. La communi-
cation est à adapter, voir créer.
L'innovation ne peut réussir en terme de « création de niche » que si
elle est en adéquation avec les besoins des clients. Mais un tel alignement
n'est en soi pas suffisant pour établir un avantage concurrentiel à long terme.
L'innovation qui aide à créer un nouveau segment de marché est indispen-
sable. Mais si elle est facilement copiée, elle sera trop fragile en termes de
concurrence et ne bénéficiera pas à l’entreprise créatrice.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 77
3.5 Une création orientée client par itérations pour ré-
pondre aux risques inhérents aux innovations de marché
3.5.1 Avoir accès à la demande client : entre design thinking et lean
startup
Pour répondre à cette problématique d’accès au besoin client, PRE-
SANS a en premier lieu utilisé une méthode proche du design thinking. Mais
le mode de développement par la suite se rapprocherait plus du modèle de
Rice, celui de la lean startup.
D’abord, la création de la nouvelle offre est bien partie d’un design
challenge, à savoir un nouveau défi formalisé autour de la question « Com-
ment PRESANS peut-elle décloisonner les univers de la connaissance et de
son usage d’une autre manière que l’Appel à Expertise ? ».
Dans un deuxième temps, il a fallu découvrir puis comprendre com-
ment les utilisateurs vivaient avec le problème que le défi posé par PRESANS
entendait résoudre pour arriver à « transformer un besoin en demande ». Pour
cela, PRESANS a pris en compte les questions déjà posées par ses clients mais
auxquelles elle n’avait pu répondre, ne disposant pas d’une offre adéquate.
Dans un troisième temps, il s’est agit d’envisager plusieurs façons de
rencontrer les attentes de l’utilisateur en recourant aux techniques de brains-
torming et de créativité avec des groupes aussi hétérogènes et multidiscipli-
naires que possible. Cela s’est tenu notamment lors d’un atelier de co-création
lors de l’évènement annuel de PRESANS. Il rassemblait des clients de l’offre
d’Appel à Expertise, des Fellows (qui auraient presque tous pu être clients de
PRESANS avant leur retraite et rencontraient donc des problématiques simi-
laires), ainsi que quelques collaborateurs de PRESANS et nous-mêmes. Cette
Master PIC | PRESANS | Août 2017 78
phase est souvent délicate pour la start-up, car elle conduit à d’abord « diver-
ger », c’est-à-dire à générer des options plus larges - et parfois très éloignées –
de l’offre qu’elle avait initialement préconçue. Un environnement propice à
l’expérimentation a été mis en place. La constitution de ces ateliers compre-
nait des équipes pluridisciplinaires et peu hiérarchisées. L’objectif était, dans
un premier temps, de faire émerger un maximum d’idées puis, dans un deu-
xième temps, de procéder à un filtrage et de définir une orientation. Ce deu-
xième temps n’a été fait qu’avec quelques collaborateurs. Ensuite, nous avons
présenté un premier résultat au décideur, qui affinait un peu l’offre déjà en
cours de réflexion. Cet atelier s’est déroulé dans un espace de travail de type
parisien-industriel. Si la salle avait été probablement choisie sans arrière-pen-
sée car étant intégrée à l’espace de coworking auquel appartient PRESANS, il
n’en reste pas moins que ces espaces inspirés des studios de design, favorisent
le partage des idées et la créativité.
La quatrième phase, celle du développement d’une offre concrète a fi-
nalement été réalisée plus en interne avant d’aboutir à un Minimum Viable
Product établi par itérations successives. Comme c’est le cas dans beaucoup
de projets numériques, le ticket d’entrée est relativement bas aux autres in-
dustries. PRESANS choisit alors de faire, non pas du « quick and dirty », mais
du « fast and correct » : mener, tester, évoluer si cela ne fonctionne pas.
3.5.2 Le processus de création du contenu
Le choix du micro consulting de pointe dans les domaines scientifiques
et techniques étant établi, il fallait déterminer sous quelle forme ce service
serait rendu : le type de connaissance apportée mais aussi le processus de
génération de cette connaissance. Dans un premier temps, pour faciliter notre
réflexion (et par là surtout à terme faciliter la compréhension de notre offre
par le client), nous avons découpé notre projet en deux processus distincts
selon la forme que prendrait la valeur apportée au client :
1. La réponse à une question
Master PIC | PRESANS | Août 2017 79
2. La recherche d’un moyen de contact d’un expert
Le but était d’étudier les deux pistes simultanément pour estimer si les
deux étaient pertinentes ou bien s’il fallait en privilégier une plutôt que l’autre.
Réfléchissant donc aux deux processus possibles en parallèle, nous avons
commencé par faire un premier jet ex nihilo qui servirait de base à améliorer,
modifier, pivoter pour la suite. Un premier processus ainsi établi, nous
sommes partis de l’expérience utilisateur, en imaginant les freins et besoins
qui pourraient émerger au cours du processus. Analysant ensuite les risques
auxquels répondre. Ci-dessous, un tableau que nous avons réalisé alors que
nous travaillions sur le projet en novembre :
Etapes du service de mi-
cro-consulting Risques/Freins
Phase 1
Recherche par mots clef
dans un moteur de re-
cherche interne
Barrière de la langue
Mots clef non pertinents (trop
vagues ou précis par rapport à la
base de données)
Phase 2
Proposition d’affinage de la
recherche par une arbores-
cence et une base de con-
cepts
Arborescence non pertinente
Arborescence trop longue et donc
dissuasive
Arborescence trop courte ne per-
mettant pas d’affiner suffisam-
ment
Phase 3
Proposition d’une liste d’ex-
perts pertinents quant à la
recherche.
Siphonage de la base d’experts
Liste non pertinente
Phase 4 Contact de l’expert par télé-
phone
Indisponibilité d’une des parties
Réponse donnée insatisfaisante
Incompréhension des deux parties
Souci logistique de mise en pra-
tique
Master PIC | PRESANS | Août 2017 80
Nb : on notera qu’en novembre, la plateforme devait permettre de re-
cueillir des mots clefs et non une question précise. Le choix de récolter une
demande plus structurée est expliqué dans la partie traitant des risques in-
hérents à cette innovation.
Pour chaque étape, un long processus de va-et-vient, de confrontation
au réel, d’étude des risques potentiels et des solutions à apporter, s’est mis en
place. Pour illustrer notre démarche, prenons à titre d’exemple l’une des ques-
tions portant à la fois sur le fond et la forme à laquelle nous avons dû ré-
pondre : comment proposer une liste d’experts pertinente ? La liste doit être
pertinente sous deux angles :
➢ Elle doit comporter des experts compétents et répondant à la dé-
marche du client. Elle doit donner envie au client de continuer le processus
sur la plateforme.
➢ Elle doit être suffisamment succincte pour protéger la base de
données de PRESANS ou éviter que le client n’évince PRESANS de sa dé-
marche en contactant directement l’expert.
A mi-parcours, en janvier, nous avons tenté de résumer brièvement les
propositions apparues lors des réunions de pilotage. Cela donnait le tableau
suivant :
Master PIC | PRESANS | Août 2017 81
Figure 24. Capture d’écran d’un tableau de réflexion réalisé au cours de la
construction de La Conciergerie.
C’est finalement sur la 3ème idée que s’est arrêté le choix de développe-
ment après que la décision a été tranchée en réunion de co-pilotage par Albert
Meige.
3.5.3 Le processus de création du design en parallèle
Le but du diagnostic établi par PRESANS est bien de s’attaquer à un
nouveau marché. Ainsi, alors que la création du contenu a essentiellement été
problématisée autour des questions « quelle valeur apporte-t-on au client ?
Comment valorise-t-on cette offre auprès du client ? », l’élaboration du design
a surtout tourné autour des problématiques suivantes : « Comment rendre la
nouvelle offre la plus fluide possible pour adresser un nouveau marché ? Com-
ment faire pour que l’image de marque et l’état d’esprit de PRESANS se dégage
bien du design ? »
Le choix du design s’est fait en suivant globalement la même méthode
que le développement du contenu de l’offre. Il s’est aussi fait simultanément à
la construction du contenu, ce qui a donc pu engendrer des retours sur des
décisions prises auparavant. Un programmeur étant dédié au projet, le design
a bien sur reçu ses conseils et avis quant à la faisabilité. Cependant, l’essentiel
a été simplement présenté et validé par ce dernier plutôt que co-construit avec
lui.
Dans un premier temps, une comparaison de plusieurs designs exis-
tants (site de freelances, site de mise en relation téléphonique, communautés
de chercheurs, etc.) a été faite. Les conclusions tenaient en des points forts
simples mais indispensables d’ergonomie : existence d’une barre latérale ou
non, dans ce cas de quel côté du cadre de la fenêtre, type de police, type de
boutons de rappel, choix entre cadre intégré à la fenêtre ou bien fenêtre pop-
up, etc.
Ensuite, nous avons procédé à une restriction progressive pour aboutir
à une liste limitée de configurations possibles qui a été proposée en comité de
Master PIC | PRESANS | Août 2017 82
co-pilotage (comprenant toujours les mêmes protagonistes évoqués plus haut).
Tout en présentant quelques possibilités couchées manuellement sur le pa-
pier. Le choix d’utiliser des outils visuels est dû à plusieurs raisons. D’abord,
le mode de réflexion au sein de PRESANS est très visuel : l’usage de « pa-
perboard », présentation « powerpoint » ou de prise de notes manuelle et gra-
phiée est courant. Ensuite, puisque notre démarche de développement du pro-
totype était essentiellement centrée sur l’expérience utilisateur, il était plus
parlant et efficace de présenter directement une maquette qu’un cahier des
charges.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 83
Figure 25. Brouillon de travail pour construire la nouvelle plateforme.
Le codage de la plateforme a débuté avant que le design ne soit fixé
définitivement. Ce choix résulte des contraintes temporelles et techniques : il
était possible au programmeur de développer le système « back office » c’est-
à-dire non visible pour ensuite n’avoir plus qu’à réaliser la partie visible du
site. En outre, nous connaissions l’ossature générale (questionnement, affine-
ment, proposition d’experts etc.) Il n’était donc pas nécessaire d’avoir défini
tous les détails visuels pour démarrer l’opération de codage. Notons qu’il n’y
a pas eu d’exploration parallèle de plusieurs designs mais de différents designs
de manière consécutive.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 84
Une fois les pages de la plateforme correspondant à la déposition d’une
question étant terminées, elles ont été rendues accessibles et testées par des
membres de l’entreprise connaissant le projet. Le but était de déterminer les
erreurs encore présentes et d’améliorer l’expérience utilisateur (couleur de
bouton, compréhension spontanée du processus, etc.). Les premières re-
marques prises en compte, le processus a été ensuite à plusieurs reprises testé
par un cercle un peu plus large. L’hypothèse implicite était donc que les em-
ployés de PRESANS étaient capables de déterminer les impressions d’un client
face la page. Cela a permis d’éliminer plusieurs options inopérantes.
Figure 26. Maquettes proposées au cours de la construction itérative de la
Conciergerie.
Ces remarques ont abouti à une version béta présentable aux clients
avec lesquels PRESANS entretenait une relation privilégiée.
Ce Minimum Viable Product a rendu possible une nouvelle série de
tests et le début de la commercialisation du produit : son usage était facturé
à prix coutant au client. Ce MVP a donc permis de tester l’adhésion ou non du
client au processus technique de la plateforme, mais également la valorisation
qu’il avait du service et son avis sur l’écart entre la valeur créée ressentie et la
valeur facturée. Ces tests, réalisés avec le client par téléphone ou en direct,
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Master PIC | PRESANS | Août 2017 85
duraient de 30 à 45 minutes et ont permis de montrer que les collaborateurs
de PRESANS avaient un biais certain dans l’appréciation qu’ils donnaient de
la plateforme. En effet, connaissant le projet, ils se formalisaient plus sur des
détails techniques et esthétiques mais présumaient compréhensible le proces-
sus dans son ensemble. Or les premiers testeurs extérieurs à l’entreprise ont
globalement posé les mêmes questions d’ordre plus général et structurel :
quelle était l’utilité de telle étape ? Avaient-ils bientôt terminé le processus ?
Que se passerait-il ensuite ? etc. Un des résultats concrets de cette batterie
de tests a été d’ajouter une jauge de progression et une explication plus longue
en début du processus.
Un grand changement de design est finalement arrivé en fin de par-
cours, quelques semaines avant le lancement. En effet, Albert Meige ayant en
tête une idée de page d’accueil plus professionnelle et esthétique rendant
mieux l’esprit de PRESANS, il a créé un visuel de celle-ci pour remplacer la
précédente qui avait été prototypée.
La version lancée en mai 2017 devant une assemblée de clients poten-
tiels restait un prototype au sens où PRESANS co-créant de manière générale
ses offres avec ses clients était prête à la faire évoluer si une demande judi-
cieuse en était faite.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 86
Figure 27. Capture d’écran de la version de la Conciergerie lancée en 2017.
Le grand enjeu d’un intermédiaire d’Open Innovation étant de bien ré-
cupérer les attentes du client et de bien restituer la connaissance trouvée, les
grandes questions de développement ont été les suivantes :
➢ Comment récupérer efficacement la question du client via la
plateforme ?
L’enjeu de PRESANS au moment de recueillir la requête du client était
de disposer d’un degré de technicité suffisant pour pouvoir engager l’expert le
plus qualifié possible, mais ne pas demander trop d’information pour ne pas
effrayer le client par un processus trop lourd.
Plusieurs possibilités techniques s’offraient : QCM, encadrements pour
rédiger des textes, téléchargement de fichiers, entrées de simples mots clefs,
propositions instantanées grâce à la base de données, etc. L’objectif, déter-
miné par comparaison en consultant d’autres sites d’intermédiaires d’innova-
tion, était que la déposition de la question ne dépasse pas les deux à trois
minutes pour l’utilisateur. Le modèle finalement choisi a été inspiré par le
Master PIC | PRESANS | Août 2017 87
modèle des applications : PRESANS a opté pour quelques diapositives épurées
et rapides à compléter. Elle a également installé, après récolte des avis d’ex-
périences utilisateurs une jauge de suivi du processus pour que le client ne
se décourage pas en estimant le processus de déposition de la question plus
long qu’en réalité.
➢ Comment transmettre l’information recherchée au client ?
Le second enjeu important est de pouvoir rendre la connaissance ob-
tenue par l’intermédiaire d’Open Innovation de manière à mettre de manière
la plus visible la valeur créée.
Tout comme pour la récolte de la requête, il s’agissait de rendre une
réponse avec un degré de technicité suffisant sans pour autant rendre une
information lourde et lente à ingérer puisque La Conciergerie devait être un
processus rapide et agile. Se présentait plusieurs options, qui allaient finale-
ment au-delà d’un simple choix design : La Conciergerie pouvait livre un rap-
port écrit, mettre en relation téléphonique, mettre en relation de vidéo-confé-
rence, allier rapport écrit et oral avec par exemple une synthèse pré ou post
appel téléphonique etc. Ces options nécessitaient également d’évaluer la fai-
sabilité technique de ces dernières.
Pour récupérer l’opinion client sur ce point, PRESANS s’est fondée sur
les premiers résultats tirés des ateliers de co-création. Nous avons ensuite
sondé les appréciations des clients sur ce point particulier lors de la présen-
tation du prototype. Le prototype présentait uniquement une mise en relation
téléphonique. Les avis recueillis étant relativement unanimes sur ce point, ils
ont finalement débouché sur l’ajout optionnel d’un rapport de synthèse à l’is-
sue de l’appel.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 88
4. RESULTATS ET ANALYSES : L’ADOLESCENCE ORGA-
NISATIONNELLE ET LE CAS PRESANS
4.1 L’insertion de l’étape de création d’une nouvelle offre
dans le développement de la firme
4.1.1 La mise en place d’une structure fonctionnelle
En 2017, PRESANS est désormais une entreprise disposant d’une cer-
taine notoriété sur le marché de l’Open Innovation scientifique et technique
française. Les équipes de travail salariées sont relativement bien divisées par
pôle d’activité. Le renouvellement annuel de son activité d’Appel à Expertise
et la légère croissance de son nombre de collaborateurs montrent que l’entre-
prise a atteint une phase de certaine stabilité. Pour contribuer encore à son
activité d’exploitation et en tirer un premier bilan, PRESANS a mis en place en
2016 les premiers « cas clients » c’est-à-dire les premiers questionnaires et
synthèses formalisés de projets d’Appel à Expertise passés.
Mais malgré cette instauration de rôles formels et d’une organisation
claire évoquée précédemment, PRESANS n’a pas encore dépassé l’étape que
Greiner nomme la crise d’autonomie : le fondateur et son bras droit doivent
toujours chapeauter l’ensemble des projets. PRESANS conserve encore en ce
sens certains attributs de l’entreprise « enfant ».
Maintenant que sa position sur le marché lui confère une réputation
sereine et un nombre critique de clients assuré, PRESANS construit ses pro-
cessus pour améliorer et enrichir son cœur de métier. Jusqu’en 2016, la prin-
cipale source de revenus reste l’acquisition de nouveaux clients et non
l’“upsell” des clients déjà existants (c’est-à-dire l’augmentation du panier
moyen).
Master PIC | PRESANS | Août 2017 89
Ainsi, après avoir été une start-up portant une offre technologiquement
innovante (son design d’intermédiation d’Open Innovation n’existait pas en
2008) PRESANS a réussi à stabiliser sa croissance et son activité d’exploita-
tion, laissant l’entreprise dans la nécessité de trouver un nouveau type de
relais de croissance si elle souhaitait dépasser un nouveau cap.
4.1.2 La recherche d’un nouveau relais de croissance.
Avoir l’acquisition de nouveaux clients comme principale source de
croissance des revenus est un handicap à une croissance exponentielle de
PRESANS. En effet, son offre d’Appel à Expertise est peu scalable : la part
d’interaction humaine est trop significative dans le processus pour être réduite
et l’offre nécessite un suivi personnalisé qui empêche une automatisation de
cette utilisation du facteur humain. La rationalisation accrue de la relation
client dans La Conciergerie était donc l’un des enjeux du projet.
Comme décrit en seconde partie, le modèle du Cycle de Vie du Produit
décrit les quatre étapes essentielles par lesquelles tout produit passe : les
phases de lancement, croissance, maturité, déclin. En ajoutant à cette théorie
l’analyse faite par le cabinet Gartner et son cycle du Hype, on peut estimer
que les perspectives de chacune de ces phases sont plus ou moins heureuses
selon la maturité du marché technologique sur lequel est lancé le produit.
Ainsi, un produit lancé en phase de « gouffre des désillusions » de la techno-
logie aura des perspectives de croissance plus courtes qu’un produit lancé lors
de la reprise de croissance du marché, ou « pente de l’éclaircissement ».
Pour l’offre d’Appel à Expertise, il semble que PRESANS atteint certains
seuils décrit dans le modèle de Churchill et Lewis :
Master PIC | PRESANS | Août 2017 90
« The product-market niche of some does not permit growth; this
is the case for many service businesses in small of medium-sized, slowly
growing communities and for franchise holders with limited territories »21
D’une part, le marché de PRESANS est un marché où la croissance est
réelle mais limitée du fait de la technicité de la demande. D’autre part, si la
demande pour l’offre historique d’Appel à expertise était grande, PRESANS
aurait probablement du mal à y faire face en termes de facteur humain.
L’équipe de Fellows est mobilisée tout au long du processus, or elle s’est cons-
truite dans la durée et regroupe des profils pointus difficiles à trouver sur le
marché du travail. De même, la gestion des projets en interne repose sur la
relation de confiance construite autour de quelques personnalités (Albert
Meige, Darko Jesic et les Fellows) ce qui limite la possibilité d’une transposi-
tion à très grande échelle.
L’enjeu pour une entreprise monoproduit est d’éviter la phase de « dé-
clin » que les théories du Cycle de Vie du Produit s’accordent à prédire. Pour
cela, il existe deux choix :
➢ Ou prolonger les phases de croissance et de maturité,
➢ Ou décorréler le cycle de l’organisation du cycle du produit.
4.2 Une problématique plus large de transformation d’orga-
nisation
4.2.1 Passage du cycle de vie produit au cycle de vie entreprise
Pour prolonger ses phases de croissance et de maturité, PRESANS au-
rait par exemple pu faire le choix d’une internationalisation ou d’une cam-
pagne marketing agressive. Au contraire, bien que ces deux possibilités ne
21Churchill, N. C., & Lewis, V. L. (1983). The five stages of small business
growth. Harvard business review, 61(3), 30-50.
Master PIC | PRESANS | Août 2017 91
soient pas exclusives l’une de l’autre, PRESANS a choisi de lancer une nou-
velle offre, qui s’adresse à un marché relativement différent et qui répond en
tout cas à des besoins différents.
On peut remarquer que Churchill et Lewis n’envisagent qu’une crois-
sance sur un même marché. Or le choix de lancement de La Conciergerie est
justement d’explorer de nouveaux marchés tout en acceptant que l’offre origi-
nelle va probablement stagner. En constatant la maturité de l’offre historique
d’Appel à expertise, l’organisation fait le choix de potentiellement se transfor-
mer dans son ensemble.
Aussi, il nous semble que le modèle de modèle de Lewis et Churchill est
en partie obsolète car il ne tient pas compte de la dimension de capacité d’innova-
tion des entreprises. Il semblerait plutôt que PRESAN ait choisi une troisième
voie : la stratégie de platforming avec le développement d’une nouvelle offre
fondée sur les actifs précédemment développés.
La question de la transformation totale de l’entreprise à la suite du
lancement de cette nouvelle offre a d’ailleurs été évoquée : le risque de canni-
balisation de La Conciergerie sur l’activité historique d’Appel à Expertise. Si la
probabilité de cette situation a été jugée relativement faible car les offres d’Ap-
pel à Expertise et de Conciergerie s’adressent à des problématiques très diffé-
rentes, elle a du moins été abordée ce qui marque bien une réflexion sur la
transformation de l’organisation en général. Le risque de cannibalisation pour-
rait toutefois provenir de l’intérieur de PRESANS. En effet, la ressource hu-
maine étant sollicitée à la fois pour les Appels à Expertise et La Conciergerie,
le risque d’empiétement d’une activité sur l’autre serait probablement situé à
ce niveau.
Un autre trait montrant que cette problématique de lancement est
aussi envisagée comme une problématique de transformation plus large est
que PRESANS est prête à mettre son identité en retrait pour lancer le projet.
Il a fallu en effet prendre en compte les possibilités de marque blanche à des-
tination d’entreprises tout à fait étrangères à PRESANS. Présenter l’entreprise
d’origine de conception du projet n’est pas forcément indispensable et peut
Master PIC | PRESANS | Août 2017 92
être long : la plateforme peut potentiellement être présentée de manière indé-
pendante et c’est une réflexion qui a été faite en interne. Les décisionnaires
stratégiques de PRESANS sont donc prêts à mettre son identité en retrait si
cela lui permet de passer plus facilement ce capte de croissance. Selon Fran-
çoise Dolto, au moment de l’adolescence « l’enfant se défait de sa carapace
pour en acquérir une autre ».22 Il s’agit ici d’une prise de recul et d’indépen-
dance propre à la période d’adolescence organisationnelle des entreprises.
Figure 26. Cycle de vie de produit. Anderson & Zeithaml (1984)
Figure 27. Cycle de vie de l’organisation. Kimberly & Miles, (1980)
22 pédopsychiatrie de l’adolescence, P. Jeammet et F. Dolto
Vision
Start-up
Growth Established
Master PIC | PRESANS | Août 2017 93
4.2.2 Une stratégie de platforming cohérente
Il s’agirait d’un cas de figure classique : celui de la start-up technolo-
gique songeant au platforming comme moyen de sortir du schéma mono-pro-
duit. PRESANS change de type d’innovation et cela s’intègre pleinement à son
processus de maturation organisationnelle. L'innovation grâce à des lance-
ments de plateformes, au sens de la classification des innovations par
McGrath & MacMillan (2000), consiste à établir ou conforter l'entreprise dans
une position de leader, idéalement dans une zone avec un fort potentiel de
croissance, en ayant des avantages de la prochaine génération.
Figure 29. Classification des innovations par McGrath & MacMillan (2000)
Comme nous l’avons dit, si l’Appel à Expertise était une innovation
disruptive dans le marché des intermédiaires d’Open Innovation, La Concier-
gerie tient plus de l’innovation de marché. Cette stratégie a un sens à
Scouting Options
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l‘échellede PRESANS pluisque qu‘elle correspond au but et marché que
l‘organisation souhaite atteindre:
Sources d'incertitude de
marché
Demande potentielle Incertitude moyenne
Aspects réglementaires Incertitude faible
Coûts associés Incertitude faible
Réaction en chaîne en amont
du projet d'innovation Incertitude faible
Source d'incertitude tech-
nique
Information de viabilité de
l’innovation Incertitude moyenne
Durant l’adolescence organisationnelle, qui est par définition une situation
de changement, on peut généralement observer une absence d’une définition
structurée du changement en cours. Par conséquent, une culture de prise
d’indépendance se développe. Le choix d’une innovation de plateforme fait
probablement écho, de manière consciente ou inconsciente, à un besoin de
stabilité du fait du risque propre à son étape de développement.
4.3 LES TENTATIVES CONSTRUCTIVES DANS LA COM-
MERCIALISATION
4.3.1 La réponse marketing apportée à l’innovation de plate-
forme pour la diffuser
La question centrale de marketing pour PRESANS est de promouvoir
l’adoption de la plateforme innovante. Il y a deux cas de figure : les clients qui
connaissent déjà PRESANS, et ceux qui n’ont aucune ou peu de vision du
métier d’intermédiaires d’Open Innovation. L’idée première a donc été, comme
évoqué, de collaborer avec le premier type de client par itérations et améliora-
tions pour fournir finalement un produit abouti au public qui nous méconnait.
La construction de l’offre gagne à s’appuyer sur un marketing straté-
gique d’analyse des données collectées via les premières utilisations. L’enjeu
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étant toujours de rencontrer les besoins et impression de l’utilisateur, cette
collecte d’informations est utile pour préciser notre projet et l’adapter à la
clientèle. En effet, cette phase d’affinage doit permettre de mieux cibler le type
de questions posées par les clients, pour pouvoir y répondre plus vite et plus
pertinemment. Via un traitement informatique des questions posées (mots
clés, type de questions etc.) et des satisfactions collectées (experts ayant ré-
pondu, experts ayant reçu une bonne appréciation après l’appel etc.), PRE-
SANS peut améliorer son outil, notamment dans le ciblage des experts. C’est
pourquoi l’utilisation de questionnaires de satisfaction systématiques a été
décidé lors des itérations de construction du prototype.
Pour promouvoir de l’adoption par des clients connus, un évènement
de lancement a eu lieu, entouré d’une campagne d’annonces et de démonstra-
tion. Le processus a ensuite été une technique classique de démarchage télé-
phonique auprès des clients actifs puis des contacts présents dans la base
CRM mais non-acheteurs.
Pour passer de la non-connaissance à la connaissance de La Concier-
gerie, PRESANS souhaitait utiliser un lien humain direct. En effet, le principal
atout différenciant de La Conciergerie est la confiance qu’on peut accorder à
sa sélection d’experts : Il s’agira ensuite de stimuler la promotion par bouche
à oreille (via des gratifications de crédits de communication pour parrainage
par exemple).
Il existe un pendent à cette démarche chez les solvers. L’inscription des
experts est gratuite. Une fois inscrits, ils peuvent parrainer un de leur confrère
et ainsi permettre d’augmenter la communauté d’experts de l’entreprise. Ils
peuvent même obtenir une rémunération si la personne parrainée est engagée
pour une mission.
4.3.2 La question du modèle financier
Comme nous l’avons détaillé, l’innovation que représente La Concier-
gerie et essentiellement une innovation de marché pour PRESANS et l’un des
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écueils en découlant est un risque marketing : s’adresser clairement à son
nouveau marché pour bien segmenter les deux offres.
L’un des points qui a demandé une important réflexion a été l’établis-
sement le prix et la structure de facturation au client : Comment évaluer et
transposer la valeur créée dans le prix ? Si PRESANS pouvait relativement
bien anticiper et évaluer ses couts, il s’agissait de rendre le prix le plus réflec-
teur de la valeur créée.
L’un des résultats a été de mettre l’accent sur des étapes différentes
du processus dans le détail du prix donné au client. En effet, alors que dans
l’Appel à Expertise, c’est la phase de restitution des connaissances qui repré-
sente la majorité du prix, c’est la phase de sélection des experts qui a été
souligné dans le dispositif de La Conciergerie. La valeur créée n’est donc par
située au même endroit. Par ce moyen marketing, PRESANS souligne auprès
de ses clients que La Conciergerie n’est pas un Appel à Expertise low cost mais
bien une offre essentiellement différente. Le rôle que joue l’intermédiaire
d’Open Innovation n’est pas le même dans les deux offres. Dans l’Appel à Ex-
pertise, l’intermédiaire d’Open Innovation joue un rôle important de traduc-
tion et reformulation des connaissances pour briser la barrière de technicité
entre seekers et solvers. Dans La Conciergerie, l’intermédiaires d’Open Inno-
vation joue principalement un rôle de mise en relation, brisant surtout une
barrière d’accès entre le monde académique et le monde industriel.
Outre la structure du prix d’une requête, l’enjeu marketing était de
savoir comment le soumettre aux clients. PRESANS a décidé de créer des for-
faits de requêtes (5, 10 ou 20 requêtes). Ce choix se fonde sur la stratégie de
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capitalisation des connaissances acquises : en créant des forfaits de requêtes,
PRESANS effectuera des transactions monétaires d’un montant proche de
ceux des Appels à Expertise. Les méthodes de vente pourront donc être les
mêmes : signature d’un contrat, bon de commande, virements bancaires.
Le business plan réalisé pour La Conciergerie n’est qu’indicatif. Il sert
de support pour transposer des idées abstraites en projet tangible. Le busi-
ness plan nous permet de déployer une analyse construite et méthodique se
rendre compte du potentiel du projet. Mais réalisé a posteriori, le business
plan n’a pas déterminé le choix du lancement ou nom du projet.
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CONCLUSION
A travers notre analyse du cas PRESANS, jeune intermédiaire d’Open
Innovation, nous avons voulu souligner l’existence d’une phase de croissance
organisationnelle proche de la transformation qui s’opère chez les individus à
l’adolescence. Elle semble être mise en valeur par le lancement d’une nouvelle
offre qui représente en fait un changement plus large dans l’organisation : Au-
delà de la stratégie de lancement d’une innovation, il s’agit d’une transforma-
tion plus globale de l’entreprise. Peu à peu, elle passe d’une start-up mono-
produit innovante à une entreprise plus établie, plus diversifiée mais qui pra-
tique une innovation d’un nouveau type.
D’une certaine façon, PRESANS est dans son ADN une « start-up » au
sens où son mode de fonctionnement combine agilité, innovation et technolo-
gie. Mais d’autre part, PRESANS est aussi une entreprise disposant désormais
d’une expérience et d’une assise la distinguant des « jeunes pousses » clas-
siques. Décorréler le cycle de vie de PRESANS du cycle de vie de son produit
phare marquerait une transformation profonde dans l’entreprise : elle ne se-
rait plus gérante d’un concept mais d’un portefeuille d’offres. Le projet ayant
été lancé récemment, tous les aboutissants du lancement d’une nouvelle offre
ne sont pas encore connus. Toutefois, il marque un cap dans la stratégie gé-
nérale, témoignant d’une maturité concrète de l’entreprise.
Confrontée à un défi de réinvention de son identité et de son savoir-
faire, PRESANS semble avoir questionné ses ressources et sa stratégie. Elle
paraît prête aux conséquences sur la structuration globale que pourrait en-
gendrer le lancement de sa nouvelle offre. A travers nos entretiens et nos ob-
servations nous avons constaté une forte prise de conscience des enjeux pré-
sents. En outre, la volonté de transformation est présente, par esprit d’inno-
vation d’une part, par constat d’une maturité de la structure historique
d’autre part.
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Si la littérature sur le développement organisationnel montre bien que
les organisations passent toujours de la start-up, entreprise-projet, à l’entre-
prise établie capable de projeter une organisation déléguée à court et long
terme, les moyens mis en œuvre pour passer cette étape semblent moins sché-
matisés.
La Conciergerie est issue de questionnement qu’Albert Meige s’est fait
en examinant le marché et en discutant avec ses clients existants. Le but est
donc essentiellement de répondre à une nouvelle demande mais en utilisant
peu ou prou la même technologie. Cette stratégie dite « de plateforme » capita-
lise sur les actifs existants et maitrisés. Elle correspond au but et aux con-
traintes d’innovation propres à l’entreprise au moment où elle lance son projet
: un risque maitrisé, la préservation au moins à moyen terme de la structure
existante, ou encore la valorisation des acquis d’expériences.
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