RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
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RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE
ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LA
PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI DNPEF, Sous Cluster Protection de l’Enfance
Avec le soutien de ECHO
2014
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
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Equipe de recherche
Consultants de recherche : Pr Serigne Mor Mbaye, Rokhaya Ndoye Mbaye
Encadrement : Direction Nationale de la Promotion de l’Enfant et de la Famille.
Sous Cluster Protection de l’Enfance
Equipe Bamako : Coordinateur : Superviseurs : Chercheurs :
Equipe Ségou : Coordinateur : Superviseurs : Chercheurs :
Equipe Mopti : Coordinateur : Superviseurs : Chercheurs :
Equipe Gao: Coordinateur : Superviseurs : Chercheurs :
Equipe Tombouctou : Coordinateur : Superviseurs : Chercheurs :
Analyse des résultats sur la vulnérabilité : Makhtar Ndao
Diagnostique institutionnel : Abdoul Aziz Fall, Ndeye Bineta Ndoye, Charles Owens
Ndiaye, Babacar Diaw
Analyse des Focus groupes sur les réponses familiales et communautaires : Ndeye
Sokhna Ndiaye Marone
Insertion statistique : Elaboration du masque et analyses statistiques : Rokhaya Ndoye
Mbaye : Insertion : Mme Diop Youma ousmane chirfi (indépendante) et trois agents de
Plan Mali (Mr Saloum Barry, Mr Moussa Hama Diallo et Mr Ganfoud Haidara)
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
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Table des Matières
TABLE DES ILLUSTRATIONS ....................................................................................................... 7
Glossaire des termes/concepts ..................................................................................................... 11
Résumé Analytique ............................................................................................................................ 13
1. CONTEXTE ET CADRE CONCEPTUEL DE L’EVALUATION ........................................... 16
2. METHODOLOGIE ..................................................................................................................... 20
Rappel des objectifs et attentes de l’évaluation ...................................................... 20
Déroulement de l’évaluation ............................................................................................ 21
2.2.1. La préparation ................................................................................................................ 21
2.2.2. Phase de collecte sur le terrain ................................................................................. 24
2.2.3. Exploitation et Analyse ................................................................................................ 26
2.2.4. Difficultés rencontrées et considérations éthiques ............................................. 27
Conclusion de la méthodologie ........................................................................................ 28
3. Vulnérabilités auxquelles sont exposées les enfants ........................................................ 29
Contexte actuel ................................................................................................................. 29
Les vulnérabilités traditionnelles .................................................................................. 32
3.2.1. Les Mutilations génitales féminines (MGF) ............................................................. 32
3.2.2. Le travail et l’exploitation des enfants .................................................................... 33
3.2.3. La traite des enfants ................................................................................................... 36
3.2.4. Les enfants victimes de maltraitance et d’abus (mendicité, travail, abus
sexuel, etc…) .................................................................................................................................. 37
3.2.5. Les enfants abandonnés ............................................................................................... 39
3.2.6. Les enfants vivant avec un handicap ......................................................................... 39
3.2.7. Enfants affectés ou infectés par le VIH/SIDA ................................................... 40
3.2.8. Les enfants non enregistrés à l’état civil ................................................................ 41
Vulnérabilités liées à la situation d’urgence ................................................................ 41
3.3.1. Les Enfants Associés aux Forces et Groupes Armés (EAFGA) .......................... 43
«La formation militaire a duré 6 mois. Elle s’est déroulée dans la région de Taghar
Gharine (Adrar Tigharghar). Elle m’a permis d’apprendre l’usage de plusieurs types
d’armes: Kalachnikov, Dushka, RPG 14,5… Après la formation, j’ai appelé mon père dans
l’objectif de retourner chez moi. Mon père m’a menacé. Il a dit qu’il va me jeter à jamais
en prison s’il réussit à mettre la main sur moi. Je suis devenu alors plus déterminé à
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rester au sein d’Ansar’dine. J’étais convaincu que je faisais le djihad pour le sanctuaire
d’Allah. Je souhaitais la mort chaque jour pour avoir accès au paradis et me débarrasser
des souffrances de la vie» Abderahmane (nom d’emprunt), 15 ans lors du conflit ........... 43
«A l’âge de 12 ans, je rêvais déjà de porter les armes. Quand la révolution de
l’Azawad est déclenchée en 2012, j’ai rejoint le Mouvement national pour la Libération
de l’Azawad (MNLA). Mais, comme il n’avait pas assez de moyens, je l’ai quitté pour
le Mouvement pour l’Unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Celui-ci me
payait mensuellement 50.000 FCFA (75 €)». Yousouf (nom d’emprunt), 15 ans lors du
conflit................................................................................................................................................... 44
«Les mouvements djihadistes n’imposaient pas aux enfants de les joindre ; mais, ils les
incitent avec le paiement de quelques petites sommes. ........................................................... 44
Ils ‘sensibilisent’ les enfants et jeunes des villages et campements sur la lutte contre les
corrompus à travers l’application de la charia…Ces campagnes de sensibilisation ont
conduit au recrutement de 300 enfants soldats entre novembre 2012 et début 2013…
beaucoup d’enfants soldats ont regagné les siens après l’intervention de l’armée
française, mais «ils adoptent une idéologie djihadiste». ». Nabila, 14 ans.» a-t-elle
précisé. ................................................................................................................................................ 44
3.3.2. Les enfants séparés (ES) et les enfants Non Accompagnés (ENA). ................. 45
3.3.3. Les Enfants Victimes d’armes de guerre et mines (Restes Explosifs de Guerre
et Mines : REG) .............................................................................................................................. 46
3.3.4. Enfants ayant besoin d’un accompagnement psychosocial ................................... 47
3.3.5. Les enfants victimes de Violences Basées sur le Genre ....................................... 49
Analyse des facteurs de vulnérabilité auxquels sont exposées les enfants ....... 51
4. Analyse de la vulnérabilité des enfants et de leurs capacités de résilience .............. 52
Facteurs de vulnérabilité et de résilience .................................................................. 52
4.1.1. Statut social des parents ............................................................................................ 54
4.1.2. Absence du père ............................................................................................................ 55
4.1.3. Déplacement ................................................................................................................... 56
4.1.4. L’école, une opportunité de résilience ...................................................................... 58
4.1.5. Activités de groupe....................................................................................................... 59
Perceptions des enfants .................................................................................................. 59
4.2.1. La vie aujourd’hui dans l’entourage familier ............................................................ 59
4.2.2. Perceptions des enfants sur les risques présents dans leur environnement ... 60
4.2.3. Stratégies d’adaptation et priorités d’actions selon les enfants ...................... 60
Priorités selon les parents et communautés ............................................................... 62
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4.3.1. Protection des enfants dans les sociétés traditionnelles .................................... 63
4.3.2. Question de genre ......................................................................................................... 64
4.3.3. Réintroduction de pratiques et coutumes pour garantir la protection des
enfants 64
4.3.4. Caractéristiques des enfants sujets de/a maltraitance et celles de leurs
auteurs. 64
4.3.5. Facteurs favorisants de la maltraitance .................................................................. 65
4.3.6. Réactions face aux victimes de maltraitance ......................................................... 67
4.3.7. Priorités d’actions pour les communautés ................................................................ 67
Analyse de l’effet de la crise sur les enfants au Mali .............................................. 69
5. CAPACITES DE REPONSES FACE A LA SITUATION VECUE PAR LES ENFANTS
DEPUIS LA CRISE ............................................................................................................................ 75
Mécanismes de Réponse aux vulnérabilités -Hors contexte de crise ................... 75
5.1.1. Orientations stratégiques ........................................................................................... 76
5.1.2. Réponses nationales ...................................................................................................... 76
5.1.3. Réponses Internationales ............................................................................................ 79
5.1.4. Dispositif communautaire ............................................................................................ 80
Analyse des effets de la crise sur le système de protection de l’enfance au Mali 82
5.2.1. Le positionnement des organisations ........................................................................ 82
5.2.2. La Situation de référence .......................................................................................... 83
5.2.3. Les Services procurés .................................................................................................. 84
5.2.4. Les Ressources des organisations ............................................................................. 85
5.2.5. La Participation des communautés............................................................................. 86
5.2.6. La Participation des enfants ....................................................................................... 87
5.2.7. La Gouvernance .............................................................................................................. 88
5.2.8. Le Réseautage/partenariat ......................................................................................... 89
5.2.9. Le Suivi- Evaluation ....................................................................................................... 90
Le Cadre de référence politique, législatif et réglementaire de la protection de
l’enfance .......................................................................................................................................... 91
5.3.1. Conclusion du diagnostique institutionnel ................................................................ 91
Acteurs du système de protection au Mali ................................................................. 92
5.4.1. Le gouvernement ............................................................................................................ 93
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Les Organisations de la société civile (OSC ) et partenaires ................................. 94
6. Conclusion et Recommandations générales .......................................................................... 97
Recommandations qui relèvent de la responsabilité des acteurs de la protection 98
Recommandation pour les acteurs des autres secteurs (Intégration de la
protection dans ‘d’autres secteurs/ SMPE)) ........................................................................ 101
6.2.1. Recommandations pour les secteurs les plus vulnérables .................................. 101
6.2.2. Recommandations pour les secteurs en situation de « borderline » ............... 104
6.2.3. Recommandations pour améliorer la situation des enfants dans les secteurs ou
moins de difficultés ont été observées ................................................................................. 108
ANNEXE DEUX : PROTECTION DE L’ENFANCE-UNICEF: FICHE D’INFORMATION 110
ANNEXE TROIS – SCPE : Présentation et perspectives ...................................................... 112
ANNEXE QUATRE : Référence SRP 2014-2016 pour le Mali : Personnes dans le besoin
et personnes ciblées ....................................................................................................................... 115
ANNEXE CINQ: NOTES SUR LES STANDARDS MINIMUM DE PROTECTION ......... 116
ANNEXE Six : DIMENSIONS PAR ZONE ET TYPE ORGANISATION ........................... 117
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TABLE DES ILLUSTRATIONS Figure 1: shéma de la méthodologie adoptée ...................................................................................... 20
Figure 2: Session d’Harmonisation Méthodologique et de Formation des chercheurs à Bamako ....... 23
Figure 3: Focus groupes, Décembre 2014 ............................................................................................. 24
Figure 4: enfants soldats ....................................................................................................................... 44
Figure 5: Description de l'échantillon des enfants ................................................................... 54
Figure 6; taux de vulnérabilité comparé et en lien au statut sociojuridique des parents 54
Figure 7: Présence du père/niveau de l'estime de soi .............................................................. 55
Figure 8: Enfant travailleur/seuil minimal de vulnérabilité ..................................................... 56
Figure 9: Présence du père/ vulnérabilité élevée ...................................................................... 56
Figure 10: présentation échantillon/ déplacement du fait crisea .......................................... 57
Figure 11: Vis avec/estime de soi .................................................................................................. 58
Figure 12: Vulnérabilité élevée/déplacement depuis la naissance ......................................... 58
Figure 13: vulnérabilité élevée/fréquentation école ................................................................. 58
Figure 14: fréquentation scolaire/perspectives d'emploi ........................................................ 59
Figure 15: Activité de groupe/vulnérabilité élevée ................................................................... 59
Figure 16: Comment aimeriez-vous vous sentir aujourd’hui?................................................... 60
17: contribution souhaitée par les enfants dans la protection de l'enfance ....................................... 62
Figure 18: Focus groupe Femmes à Bamako. Décembre 2014 ................................................................ 62
Figure 19: Principaux auteurs de maltraitances et abus .......................................................... 65
Figure 20:% des Facteurs favorisants de la maltraitance ...................................................... 65
Figure 21: priorités selon les communautés ................................................................................ 68
Heureux, bien, content
Entouré d’affection
(maison, école, communauté)
En sécurité: Retour de la paix dans le
pays, et l'entente entre
tous
Retour auprès de la famille
Difficultés d'accès aux soins
L'absence d'accompagnement en terme d'activités génératrices de revenus
Discrimination, marginalisation, stigmatisation, exclusion sociale
Abandon scolaire, mariages "difficiles"
Difficulté de prise en charge au plan psychosocial
Insécurité
Manque de contributions de la famille et des enfants dans la prise en charge des enfants victimes de maltraitances et abus
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Figure 22: A quel niveau souhaiteriez-vous participer à la lutte contre la maltraitance
sur les enfants(%) ............................................................................................................................. 69
Figure 23; Dimensions de la vulnérabilité chez l'enfant .......................................................... 70
Figure 24: Dimension des vulnérabilités par genre ................................................................... 71
Figure 25: vulnérabilités par région .............................................................................................. 72
Figure 26: Participation à des activités de groupe ................................................................... 75
Figure 27: Axes de travail-plan action national ......................................................................... 76
Figure 28: Dispositif réglementaire national .............................................................................. 77
Figure 29: Programmes nationaux promouvant la PDE .............................................................. 78
Figure 30: Instruments juridiques internationaux .................................................................... 80
Figure 31: Dimensions du diagnostique institutionnel ......................................................................... 82
Figure 32: Positionnement par région ................................................................................................... 82
Figure 33: Services procurés par région ................................................................................................ 84
Figure 34: Ressources des organisations par région ............................................................................. 85
Figure 35: Participation communautaire par région ............................................................................. 87
Figure 36: Participation des enfants par région .................................................................................... 87
Figure 37: Gouvernance par région ....................................................................................................... 88
Figure 38: Réseautage/partenariat par région ...................................................................................... 89
Figure 39: Suivi/évaluation par région .................................................................................................. 90
Figure 40: Cadre de référence par région ............................................................................................. 91
Figure 41: Acteurs gouvernementaux ........................................................................................... 93
Figure 42: Acteurs ONG ................................................................................................................. 94
Figure 43: Acteurs partenaires ..................................................................................................... 96
Figure 44: Recommandations pour la protection émise par les enfants eux même ......... 100
Figure 45: Recommandations pour la protection des enfants émis par les communautés ............................................................................................................................................................. 100
Figure 46: Recommandations stratégiques par acteurs ......................................................... 102
Tableau 1: Existence d'une personne de confiance autour de l'enfant ................................ 75
Tableau 2: rappel des principales vulnérabilités ........................................................................ 98
Tableau 3: Dimensions des Vulnérabilités par type d'organisation ..................................... 118
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SIGLES ET ABBREVIATIONS AECID Agence espagnole de coopération internationale pour le développement
AEJT Association des Enfants et Jeunes Travailleurs
ANPE Agence Nationale pour l’Emploi
ANSAR DINE Défenseurs de la religion
APCAM Assemblée Permanente des Chambres d'Agriculture du Mali
APCMM Assemblée Permanente des Chambres de Métiers
APEJ Agence pour la promotion de l’emploi des jeunes
AQMI Al-Qaïda au Maghreb islamique
BIT Bureau International du Travail
CADBEE charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant
CADEF Coalition des ONG Africaines en Faveur des Enfants
CAPF Centre d’Accueil et de Placement Familial
CDE Chartre des Droits de l’Enfant
CEEAC Communauté économique des Etats de l'Afrique centrale
CEDEAO Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest
CEGID Centre de Guidance Infantile de Dakar
CERF Fonds central d'intervention d’urgence des Nations unies
COMADE Coalition Malienne des Droits de l’Enfant
CONAFE Coalition des ONG Africaines en Faveur des Enfants
CTO Centre de Transit et d’Orientation
DGPC Direction Générale de la Protection Civile
DNAPES Direction nationale de l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée
DNDS Direction Nationale du Développement Social
DNSI Direction Nationale de la Statistique et de l'Informatique
DTM Displacement Tracking Matrix
ECPAT
End Child Prostitution, Child Pornography and Trafficking of Children for sexual purposes
(Mettre fin à la prostitution, à la pornographie des enfants et à la traite des enfants à des fins sexuelles)
ECHO Humanitarian Aid and. Civil Protection
EDS Enquête Démographique et de Santé.
EID Espace d’Interpellation Démocratique
ELIM Enquête Intégrée auprès des Ménages
ENA Enfants Non Accompagnés
EPAM Enquête Permanente Auprès des Ménages
EPT Education Pour Tous
ERM Environmental Ressource Mangement
ERNWAWA Educational Research Network for West and Central Africa
ES Enfants Séparés
ESPT Episode de Stress Post traumatiques
EVVAEN Enfant victimes de violences, d’abus, d’exploitation ou de négligence
OEV Orphelins et autres enfants vulnérables
FAFPA Fonds d’appui à la formation professionnelle et à l’apprentissage
FARE Fonds Auto Renouvelable pour l’Emploi
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HCNLS Haut Conseil National de Lutte contre le Sida
HCR Haut-Commissariat des Réfugiés
IEC Information Education Communication
INPS Institut national de prévoyance sociale
INSTAT Institut national de la statistique
IST Infections sexuellement transmissibles
LUTRENA Lutte contre la traite des enfants à des fins d’exploitation de leur travail en
Afrique de l’Ouest et du Centre
MAA Mouvement arabe de l’Azawad
MTFPRE Ministère du travail, de la fonction publique et de la réforme de l’Etat
MGF Mutilations génitales féminines
MINUSMA Mission internationale multidimensionnelle de soutien au Mali
MNLA Mouvement national de libération de l’Azawad
MOUJAO Mouvement djihadiste en Afrique de l’ouest
MPFEF Ministère de la Promotion de la femme, l’enfant et la famille
MSIPC Ministère de la Sécurité intérieure et de la protection civile
OCHA Bureau de coordination des actions humanitaires
OIT Organisation internationale du travail
ONG Organisations Non Gouvernementales
PAM Programme Alimentaire Mondial
PANETEM plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants au Mali
PDE Protection de l’Enfance
PEC Prise en Charge
PEJHIMO Projet d’insertion des jeunes dans la vie professionnelle à
haute intensité de main d’œuvre en milieu rural et en milieu urbain
PISE Programme d’investissement dans le secteur de l’éducation
PRODEC Programme Décennal de développement de l’Education
PRODEJ Programme Décennal de Développement de la Justice
PRODESS Programme de Développement Sanitaire et Social
RBC Réadaptation à Base Communautaire
REG Restes Explosifs de Guerre et Mines
SIPRE système d’information sur la protection de l’Enfant
SCPE Sous Cluster Protection de l’Enfant
SWOT Strengths, Weaknesses, Opportunities and Threats (Forces, Faiblesses, Opportunités et Menaces)
UCW Understanding Children Work
UE Union Européenne
UFAE unités de formation et d’appui aux entreprises
UNFPA Fonds des Nations Unies pour la Population
UNICEF Fonds des Nations Unies pour l’Enfance
VAEN Violences, Abus, Exploitation et Négligence
VBG Violences Basées Sur le Genre
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Glossaire des termes/concepts
Collectivités éducatives : elles sont définies comme « les groupements mobiles ou
fixes d’enfants, d’adolescents ou de jeunes à l’occasion des vacances et des temps de loisirs
» et regroupent les centres aérés, les camps de jeunes, les colonies de vacances, les centres
de vacances et de loisirs, les sessions de connaissances et les caravanes.
Sous Cluster Protection de l’Enfance (SCPE) : Résultat de la reforme humanitaire
de 2005, le Sous Cluster Protection de l’Enfance est le forum de coordination des acteurs
humanitaires intervenant dans le domaine de la Protection de l’Enfance. Les Sous Cluster
est l’un des domaines de responsabilité de l’UNICEF tandis que le Cluster Protection dont
il est le Sous-groupe est lui sous la responsabilité du Haut-Commissariat des Nations Unies
pour le Refugiés (UNHCR)
Enfant : un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans
sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable.
(Article premier de la Convention Internationale relative aux Droits de l'Enfant)
Enfant Associé aux Forces et Groupes Armés : l’expression Enfant Associé aux
forces et Groupes Armés communément appelé « Enfant Soldat » désigne toute personne
âgée de moins de 18 ans qui fait partie de toute force ou groupe armé régulier ou irrégulier
selon le protocole facultatif à la Convention Internationale relative aux Droits de l’enfant
concernant l’implication des enfants dans les conflits armés. Cette définition s’applique
conformément au protocole, en plus des enfants porteurs d’armes, aux autres enfants qui
occupent des fonctions (combattants, démineurs, mineurs, éclaireur, espion, porteurs de
bagages, coursiers, gardes, sentinelles, cuisiniers, esclaves sexuels pour les filles).
Enfants séparés /non accompagnés : Les « enfants séparés» sont séparés de leurs
deux parents (père et mère) ou de la personne qui était initialement chargée, selon la loi ou
la coutume, de subvenir à leurs besoins ; ils ne sont pas nécessairement séparés d’autres
membres de leur famille. Certains "enfants séparés" peuvent donc être accompagnés par
des membres adultes de leur famille. (Cluster Protection)
Enfants non accompagnés : sont séparés de leurs deux parents et ne sont pas pris
en charge par un adulte qui, par la loi ou la coutume, en est responsable"
Enfant Non Accompagné : tout être humain âgé de moins de 18 ans, qui du fait
d’une crise ou d’une catastrophe est séparé des deux parents biologiques ou tuteur et
d’autres membres de la famille et qui n’est pris en charge par aucun adulte à qui la loi ou la
coutume attribue la responsabilité de s’occuper de lui. Il peut vivre seul ou avec d’autres
personnes avec qui il n’a aucun lien de parenté.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
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Restes Explosifs de Guerre (R.E.G.) sont des munitions explosives qui sont utilisées
pendant les conflits puis abandonnées, mais qui restent toujours actives. Parmi les REG
figurent les obus, les grenades, les mortiers, les roquettes, les bombes aériennes, les
bombes à sous munitions et les munitions. En vertu de la définition proposée dans les textes
juridiques internationaux, les REG comprennent les munitions non explosées (MNE) des
munitions explosives ayant été amorcées pour être utilisées, mais qui n’ont pas explosé et
les munitions explosives abandonnées (MEA), armes non utilisées qui ont été abandonnées
après un conflit.
Selon l’UNMAS : Une mine est un engin conçu placé sous, sur le sol ou tout autre
espace ou même à proximité pour être explosé du fait de la présence, de la proximité ou du
contact d’une personne ou d’un véhicule.
Enfant en situation de mobilité : La mobilité des enfants désigne les déplacements
d’enfants entre différents espaces géographiques et sociaux, ainsi que les expériences
vécues par ces enfants au cours de leurs mouvements et séjours en divers lieux de leur
parcours. Un enfant mobile est un enfant qui, ayant quitté son lieu de vie habituel, vit des
transformations de son identité et de ses conditions d’existence. (Rapport régional de
synthèse projet « mobilités », Projet régional commun d’étude sur les mobilités des enfants
et des jeunes en Afrique de l’Ouest et du centre)
Traite : Au sens de la loi portant lutte contre la traite des personnes et pratiques
assimilées, la traite des personnes désigne le recrutement, le transport, le transfert,
l’hébergement ou l’accueil de personnes à l’intérieur ou à l’extérieur d’un pays, par le recours
à la menace, à la force ou à la violence, l’enlèvement, la fraude, la tromperie, l’abus d’autorité
ou d’une situation de vulnérabilité, l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour
obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation
qui comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes
d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques
analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
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Résumé Analytique
Contexte de l’évaluation
Dans le cadre de la préparation de son plan d’action pour l’année 2015, le Sous
Cluster Protection de l’Enfance au mali dont l’UNICEF assure le lead et la Direction
Nationale de la Famille et de la Promotion de la Femme et de l’Enfant ont commandité une
évaluation de la portée et des effets du conflit sur le système de protection des enfants.
Cette évaluation a été réalisée en lieu et place de l’évaluation rapide de la situation des
enfants (Child Protection Rapid Assessment ) initialement prévue dans le cadre du
financement reçu de l’Union Européenne (ECHO) pour les activités de réponse à l’urgence
du Sous Cluster Protection de l’enfance pour l’année 2014.
L’évaluation s’est déroulée du 22 Novembre 2014 au 14 février 2015. Les résultats
doivent contribuer à une meilleure compréhension des effets de la crise sur les enfants
et leurs familles et à l’amélioration de la planification des interventions en matière de
protection des enfants en situation d’urgence.
Méthodologie
L’évaluation comprend trois principales périodes : 1/la phase préparatoire qui
comporte l’analyse documentaire et² l’élaboration de la méthodologie et des outils de
collecte, traitement et analyse des données; 2/Le recueil des informations, exécuté par
une équipe 1de 70 chercheurs, dix superviseurs et cinq coordinateurs dans cinq régions du
Mali (Bamako, Ségou, Mopti, Tombouctou et Gao). ; et 3/l’exploitation et analyse des
résultats2.
Transversale au processus évaluatif, notre démarche a pour clef de voûte la
participation des enfants et de leurs proches dans l’appréciation de la portée et des
effets du conflit sur la protection des enfants au Mali. Les capacités techniques,
institutionnelles, financières et relationnelles dans l’environnement habituel des enfants
sont dès lors estimées de façon participative à travers des entretiens individuels, des
1 L’équipe est principalement composée de membres du SCPE 2 L’exploitation des données comporte :
l’insertion statistique par le logiciel SPSS2 pour les données sur la vulnérabilité et la résilience des enfants et des familles depuis la crise,
l’exploitation par système de pondération du diagnostic des capacités institutionnelles,
et l’interprétation des résultats
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
14
discussions de groupe et des ateliers d’autoévaluation. L’analyse des résultats évalue le
niveau de gravité des vulnérabilités rencontrées par les enfants depuis la crise et
l’effectivité des initiatives de prévention et d’appui existantes.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
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Résultats
L’analyse des résultats fait apparaitre que :
1. Le Mali a été profondément déstabilisé du fait de la crise multidimensionnelle
(alimentaire, sécuritaire et politique) qu’elle connait depuis le coup d’état de mars
2012 suivie de l’occupation de Tombouctou, Gao et Kidal (et d’une partie des régions
de Ségou et Mopti) par des mouvements indépendantistes et djihadistes. Les
enfants, leurs familles et communautés ainsi que les institutions leurs fournissant
des services d’accompagnement ont souffert (situation présente dans certaines
zones du nord) comme jamais avant. Aujourd’hui, les vulnérabilités touchant les
enfants préexistantes à la crise se sont exacerbées alors que la situation des
enfants anciennement associés aux forces nécessite encore une prise en charge
holistique et à base communautaire qui prend en compte les besoins des autres
enfants a risque de recrutement. Des thématiques émergentes sont celles de
l’errance, du manque d’opportunité économique, des dangers encore présents tels
les restes d’explosifs de guerre, les troubles psychologiques pouvant handicaper
toute une génération à venir.
2. Cette évaluation met en exergue la déstabilisation profonde (renforcée par la
crise) de la cohésion communautaire. Les frustrations et tensions latentes entre
régions, ethnies/races, classes sociales et surtout générations ont fait éclater les
anciens pactes qui maintenaient le Mali comme le socle de diversités coexistant sur
une même terre par le respect d’accords anciens. Ces frustrations, surtout celles
concernant les jeunes par rapport à un système traditionnel ou ils ne se retrouvent
plus, peuvent être cristallisées de façon antirépublicaine, et servir de terreau à de
nouvelles crises si non prises en charge.
3. Il existe une méconnaissance (à divers degrés) du cadre-pourtant consistant, mais
imprécis- de référence législatif, règlementaire et institutionnel relatif à la
protection des enfants ainsi que des insuffisances liées à des facteurs exogènes
quant au «Child welfare»
4. En dépit de l’habitus3 africain, on observe un écart entre la volonté d’inclusion des
parents, des enfants et des communautés dans les processus éducatif et la réalité
se traduisant par une insuffisance de leurs investissements dans les dynamiques
mises en œuvres.
5. Une dotation inégale en ressources avec des niches. Ces disparités créent des
poches de grande précarité.
Pour répondre à ces défis, nous avons identifié des pistes d’amélioration, formulé
des recommandations en cohérence avec les ressources et capacités des intervenants.
3 Habitus (confère Pierre Bourdieu sociologue français) ensembles de règles, normes informelles qui organisent une société donnée.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
16
1. CONTEXTE ET CADRE CONCEPTUEL DE L’EVALUATION
Les progrès réalisés par le Mali pour améliorer la situation des enfants ont été
considérablement ralentis par la crise soudaine et abrupte de 2012, à laquelle le système
n’était ni préparé, ni prêt à apporter des réponses adéquates. Les difficultés chroniques
et récurrentes en termes de protection de l’enfant souvent décrites ou définies comme
traditionnelles4 et 5 existaient déjà (travail et traite des enfants, mariages
précoce/forcés, MGF, abandon d’enfants, mendicité et maltraitance de certains ’enfants
confiés, marginalisation et exclusion sociale des enfants de la rue) ont été exacerbées.
De nouveaux défis pour la protection des enfants, en lien avec la crise se sont révélés. Il
s’agit de la situation des :
enfants Associes aux Forces ou Groupes Armes (EAFGA), ou exposés aux risques
de représailles, à l’exclusion sociale,
enfants Séparés/ Non Accompagnés,
Les risques/ dangers liés aux mines et restes d'engins non explosés (ERM/
L’impact des crises sur la santé mentale et psychologique des enfants.
filles victimes de Violences diverses telles celles Basées sur le Genre (viols,
séquestration, imposition d'attitudes et de comportements, privation de liberté,
coups et blessures...).
Pour rappel, les gouvernements successifs du Mali se sont engagés dans des
réformes visant la protection de l’enfance, à travers l’adoption de mesures juridiques et
institutionnelles; mais aussi à travers des actions directes de prévention et d’appui aux
plus vulnérables. L’adoption de la Convention relative aux Droits de l’Enfant et de ses
protocoles successifs, la participation du Mali au Sommet Mondial pour les Enfants (1990)
ont particulièrement soulevé et soutenu l’intérêt national sur la situation des enfants à
partir de 1989. Les efforts progressifs en terme de promotion des droits de l’enfant,
soutenus par le document mondial «Un monde digne des enfants», se sont soldés par
l’adoption d’un Plan d’Action National Décennal pour la Survie, le Développement et la
Protection de l’Enfant (1991-2001), d’une politique et plan d’actions (2002-2006) pour la
4 Document de Politique Nationale de Protection de l'Enfant au Mali, 2014 5 Les difficultés dites traditionnelles constituent un ensemble de phénomènes qui peut choquer. Il faut cependant se garder de juger des pratiques héritées du passé tant elles font sens socialement. Par ailleurs, ce serait une ingérence occidentale vécue négativement. Il y a donc un phénomène réel mais sociétal qui suppose une approche par l’anthropologie, la formation donc un travail de conscientisation collective nécessairement lent mais « enracinable » dans l’évolution des sociétés futures.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
17
promotion de l’Enfant et de la Famille. Ces engagements constitueront autant d’outils
soutenant un élan singulier en faveur des enfants, accélérés par des actions telles que
le développement de l’arsenal juridique national et la mise en place d’un paysage
institutionnel plus approprié ;
la ratification et/ou l’adhésion aux instruments internationaux ou régionaux ;
le développement de stratégies, de projets et programmes visant à promouvoir et
protéger les droits de l’enfant.
Le chaos engendré par la crise de 20126 est réel. Il constitue un accélérateur du
syndrome d’errance7. On observe donc des fréquences anormales d’enfants en perte de
repères géo spatiaux pour ceux qui se sont déplacés et de souveraineté pour ceux qui sont
6 « Depuis Janvier 2012 le Mali fait face à une crise multidimensionnelle : alimentaire, sécuritaire et politique. Le mouvement
indépendantiste du MNLA, le mouvement djihadiste d’AQMI, du MOUJAO et d’ANSARDINE ont conduit à l’occupation des 3 régions du Nord
de notre Pays. L’occupation de ces régions par ses quatre grandes organisations a été accélérée par le coup d’état de Mars 2012 et a conduit
à un déplacement massif des populations de ses régions vers le sud du Pays ou vers les Pays limitrophe comme le Burkina, la Mauritanie, le
Niger l’Algérie etc. Toute la couche sociale de la population du Nord a été affectée. Il y’a eu une période plus ou moins calme d’Aout à
Décembre 2012 avec parfois un petit mouvement de retour des PDI vers leur lieu d’origine. On a assisté ensuite à une reprise de la rébellion
par l’attaque des militaires basés à Kona par les rebelles en Janvier 2013. L’armée malienne appuyée par l’armée Française, la MISMA et
l’armée Tchadienne sont parvenus aujourd’hui à la reprise progressive mais partielle des 3 régions du Nord. » Contexte des résultats
d’enquête sur les enfants mendiants commandité par le SCPE ; Bamako 2013 7 Les enfants de l'errance (l'errance est multiforme, elle peut être : physique [le voyage], affective et psychologique [violences, problématiques familiales], sociale et culturelle [déracinement, quête identitaire].
Définition Dr F. Lefebvre : Pour bon nombre de mineurs, le terme "enfants de l'errance" désigne un ensemble de situations assimilées à de la maltraitance et qui les pousse à la rue. Ce sont des réalités existentielles variées, choquantes du point de vue des Droits de l'Enfant qui fragilise ces jeunes au plan physique, psychique, de la santé, de l'éducation. Dans). Elle est ces processus, l'enfant peut devenir sujet de convoitises, objet de manipulations, danger pour l'ordre social.
En Afrique de l'ouest, l'éducation plus collective banalise les déplacements. Cela entraîne un phénomène migratoire assez prévisible. Ce fait visible, repéré, est aggravé par des conflits divers, la pauvreté, des accidents climatiques, la recherche d'une main d'œuvre servile (pour ne pas être plus précis), etc.
En Europe, l'errance correspond plutôt à une catégorie d'enfants livrés à eux-mêmes (le plus souvent dans les banlieues), aux populations traditionnellement nomades (dans les périphéries urbaines), aux enfants de l'immigration* (en manque de repères généralement aggravée par la crise économique, les crises familiales, etc.
*Ce sont les enfants liés au fait migratoire ou issus de ceux cultures qui, à cause d'un clivage éducatif, échappent aux deux cultures se construisant imparfaitement ni dans l'une ni dans l'autre. Ils seront en quête identitaire et, par essence, fragiles ou suggestibles
En Asie, l'errance est liée aux situations serviles au sein de semi-dictatures (une organisation sociétale caractérisée par pouvoir absolu et quasi monarchique, une armée puissante et les peuples qui subissent comme en Corée du Nord, Chine, Birmanie, etc.).
Ces enfants livrés à eux-mêmes et échappant peu ou prou aux systèmes éducatifs, sont des proies faciles pour les dictatures, les intégrismes divers, les organisations maffieuses. Généralement on ne met en exergue que les effets pervers dont ils sont victimes (enfants soldats, drogue, prostitution, esclavage, etc.). On insiste peu sur les dangers sociaux et politiques que représente "l'instrumentalisation" de ces enfants. Les enfants de l'errance stigmatisent ou rendent visibles les déficiences des systèmes sociaux et éducatifs des États.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
18
restés8. S’y ajoutent des familles et communautés en crise de confiance et de cohésion ;
une remise en cause des pactes et croyances; des situations de filles recluses à l’espace
domestique, contraintes au déni du libre arbitre. On observe à ce propos de nombreux cas
de harcèlement, d’esclavage, d’abus sexuels ; de mariages forcés ; d’emprisonnement
intempestifs de punitions publiques avec ; châtiments corporels, enrôlement dans les
groupes armés9. Avec le concours des mouvements de solidarité communautaires
spontanées, les quelques représentants administratifs restés sur place ont tenté
d’organiser. des actions d’appui aux populations ébranlées. Il s’agissait d’actions d’accueil,
d’identification, d’hébergement, et surtout de fourniture de nourriture, d’abris, de soins
médicaux, ainsi que d’inscription d’enfants dans les établissements scolaires des localités
d’accueil du sud (Mopti, Ségou, Sikasso, Bamako, Koulikoro et Kayes).
Depuis, la situation du Mali s’est quelque peu stabilisé, quoique le contexte demeure
très fragile et complexe dans le Nord10. Les groupes armés, les restes explosifs de
guerres (REG), la difficulté d’accès aux services sociaux de base sont des menaces
permanentes dans l’environnement des enfants et de leurs familles. Le système de
protection de l’enfance, dont l’érosion s’est renforcée depuis la crise peine à offrir des
réponses conformes aux normes de protection de l’enfance en situation d’urgence alors
que de nouvelles vulnérabilités liées à la crise et à l’aide humanitaire ne cessent d’amplifier
l’adynamie préexistante. Cela participe d’un état global de déréliction11 grave pour le pays
et les plus vulnérables et dont le risque évident est une installation durable dans un
système d’anomie12.
8 Les rapports d’Amnesty International et de l’UNICEF démontrent l’intensité d’actes inhumains qui ont eu lieux sur des enfants déplacés et parfois non accompagnés ; mais aussi de la privation des droits élémentaires de survie et développement, et le manque d’accès aux services sociaux de base pour ceux qui sont restés sur place. 9 Impact de la crise sur le bien-être des enfants dans le Nord Mali ; Mbaye S.M, Ndoye Mbaye. R ; Plan Mali, 2014. 10 « La situation sur le plan de la sécurité est restée précaire pendant toute la période considérée. Les parties ont repositionné leurs forces
et se sont affrontées à plusieurs reprises, quand bien même les négociations se poursuivaient à Alger. Dans l’espoir de favoriser la mise en œuvre des accords de cessez-le-feu, de plus en plus fragiles, la MINUSMA s’est efforcée d’assurer l’efficacité de la Commission technique mixte de sécurité, dont le mandat a été prolongé, et des équipes mixtes d’observation et de vérification, en étendant leur domaine d’intervention. Les groupes extrémistes sont restés très actifs et ont continué de s’en prendre à la MINUSMA. Les affrontements entre les
parties et la prévalence des engins explosifs improvisés ont pesé sur la protection des civils. » ; Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, 23 décembre 2014. 11 Déréliction ; état de l’homme qui se sent abandonné, privé du secours divin 12 Anomie : absence d’organisation ou de Loi, disparition des valeurs communes à un groupe
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
19
C’est dans ce contexte que, le Sous Cluster Protection de l’Enfance13 a été mis en
place en 2012 au niveau national avec 49 structures membres, pour renforcer la
coordination des acteurs du secteur de la Protection de l’Enfance, renforcer la collecte
des informations concernant les diverses parties prenantes et améliorer le niveau de
réponse. . En plus de Bamako, le SCPE est opérationnel dans les régions de Ségou, Mopti,
Gao et Tombouctou. Aujourd’hui, les études menées par le sous cluster indiquent la
nécessité d’apporter des solutions à l’inadéquation entre les besoins de protection et les
réponses en cours14. Les principales préoccupations retenues par le Plan National de
protection de l’enfance sont :
1. l’enregistrement à la naissance,
2. la santé,
3. l’accès à l’éducation, aux loisirs et aux activités socioéducatives,
4. la justice de réhabilitation pour les mineurs,
5. l’hygiène, l’eau et l’assainissement,
6. la participation et expression des enfants.
7. La protection contre les REG
8. Le Soutien psychosocial et la prise en charge des enfants affectés
9. La prévention du recrutement par les forces et groupes armées
10. La prévention et la réponse contre les violences basées sur le genre
Aussi avons-nous abordé cette évaluation dans une perspective de coproduction de
connaissances ou analyses partagées. Notre volonté était d’en faire un outil de mesure
précieux, d’appréciation et d’aide à la décision pour une offre d’une protection intégrée,
adaptée aux représentations, motivations et ressources des communautés. Notre
réflexion a privilégié une approche attentive à la réintégration des enfants dans leurs
milieux habituels de vie, ouverte au renforcement des capacités des acteurs de la
protection de l’enfance (cheville ouvrière de cette recherche). Ainsi, cette évaluation est
donc un questionnement rigoureux sur des situations de vulnérabilité et des liens multiples
entre différents facteurs implicites ou explicites, tangibles ou sous-jacents. Il s’agit d’un
examen hélas non exhaustif des effets multiples des crises, de leurs modes de traitement
par les acteurs publics et privés. Ce faisant, l’évaluation se veut une référence avec
l’ambition de servir un impératif démocratique et de développement (le devoir de
s’occuper de l’éducation de ses enfants pour un État moderne comme le Mali), l’ambition
de garantir la participation citoyenne des enfants et des adultes qui les entourent.
13 En anglais, Child Protection Sub-Cluster (CPSC) 14 Deux structures gouvernementales (la DNFPFE et la DNDS), 34 ONG internationales et treize ONG nationales.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
20
2. METHODOLOGIE
Rappel des objectifs et attentes de l’évaluation
L’évaluation doit principalement permettre de mesurer et déterminer les
conséquences immédiates et à plus long terme du conflit sur la protection des enfants au
Mali. Ce travail d’observation, d’enquête in situ contribue à une meilleure compréhension
des effets de la crise sur les enfants et leurs familles. Plus spécifiquement, il s’agit de
1. Mobiliser et renforcer les capacités des acteurs membres des Sous Clusters ou
coordinations régionales dans les évaluations des besoins spécifique de protection
des enfants en termes d’analyses de situation (études de cas), de réponses et de
prospectives. L’implication effective des acteurs de terrain, a des vertus formatrices
et donc, participe de l’amélioration de leurs capacités réelles (celles de l’ensemble des
membres des Sous Clusters ou coordinations régionales). C’est un apprentissage par la
pratique visant à développer les savoir-faire de ces derniers. La proximité
d’évaluateurs externes compétents est un avantage permettant de mesurer plus
finement les transformations voire les évolutions pendant la crise.
2. Analyser l’offre et apprécier les effets de la crise sur les capacités
opérationnelles des acteurs Gouvernementaux plutôt que le niveau de performance
des objectifs dans le domaine de la Protection. L’élaboration d’une Grille SWOT
permet d’examiner les
contraintes et risques de
l’environnement, les forces
et les faiblesses des
acteurs, leur évolution en
rapport avec les
opportunités, les
possibilités d’utilisation des
ressources et forces pour
neutraliser ou réduire les
effets. Des pistes
d’amélioration peuvent dès
lors être esquissées, en
parfaite cohérence avec
l’environnement culturel et social des communautés.
3. Dresser un profil de vulnérabilités par région plus une analyse des risques auxquels
font face les enfants, une typologie de la vulnérabilité différentiée selon les
régions, le profil des acteurs en présence, et les opportunités locales pouvant
soutenir la prévention et enrichir la réponse. L’élaboration d’une typologie plus une
cartographie des vulnérabilités différentiées, leur profil, plus la mise en perspective
Figure 1: shéma de la méthodologie adoptée
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
21
des capacités d’adaptation des acteurs l’inventaire des opportunités permet de
déterminer clairement un profil de vulnérabilités par région.
4. Evaluer et inventorier les facteurs d’optimisation des stations favorisant la
mécanique de la résilience des enfants et jeunes dans les régions concernées et
puis formuler des recommandations et des stratégies de renforcement des
pratiques à l’endroit des responsables des organismes en charge de la protection
de l’enfance. Il faut d’abord confronter « la façon d’être » à « la raison d’être » de
ces organismes pour pouvoir repérer les écarts, les incohérences et identifier des
pistes d’amélioration. Cette approche comparative permet la formulation de
recommandations à l’ endroit des autorités des services techniques compétents. Ces
recommandations devront notamment permettre d’élaborer, au besoin infléchir des
choix stratégiques, la capacité d’action des professionnels, le degré de mobilisation
des ressources, le développement l’optimisation des capacités de résilience des
enfants, des jeunes et leurs familles.
5. Proposer des stratégies et des mesures concrètes pour mobiliser les acteurs des
autres secteurs notamment l’éducation, la santé, le secteur privé et penser en
concertation des actions visant à renforcer l’estime de soi (optimisation des
capacités de résilience). L’interprétation des résultats prend en compte l’examen de
la cohérence logique, et de la faisabilité des options retenues, du mode d’organisation,
des missions et actions avec pour visée, l’utilisation, optimale des ressources
environnementales (infrastructures et équipements de proximité, offre de protection
d’autres secteurs en particuliers l’éducation, la santé, secteur privé) dans le
renforcement du potentiel de résilience et l’autonomie des enfants. L’évaluation des
forces, faiblesses et opportunités pour une offre incluant enfants, adolescents dans
un système de protection intégré et multi partenarial. La démarche s’appuie sur un
examen des Atouts / Faiblesses – Opportunités / Menaces et des analyses prenant en
compte des aspects multidimensionnel politique, psychologique, éducationnel,
anthropo-sociologique, socio-éducatif).
Déroulement de l’évaluation
L’évaluation s’est déroulée en trois phases : la préparation, la recherche de terrain,
la finalisation, la remise de rapport.
2.2.1. La préparation
La phase préparatoire, effectuée à Bamako, était consacrée à l’analyse
documentaire, à l’élaboration des outils de collecte de données. Des entretiens
préliminaires ont aussi été menés avec des acteurs membres des Sous Clusters, des et
coordinations régionales à Bamako.
L’analyse documentaire a porté sur des documents généraux, des pièces
techniques fournies par l’UNICEF. Ils comportent des études, rapports d’évaluations, de
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
22
missions, rapports périodiques, compte rendus, rapports circonstanciés etc. L’analyse
documentaire a permis de définir le contexte national, son évolution depuis le conflit, le
cadre de référence spécifique de l’évaluation puis dans chaque zone d’enquête, la situation
particulière des enfants les plus vulnérables. Une note de synthèse reprend les points
essentiels, précise les questions de recherche, les champs explorés, les thématiques
étudiées. En plus de la note de synthèse, le rapport d’étape indique la méthode, les outils
de collecte et de traitement des données, le chronogramme des différentes opérations.
Nos analyses font ressortir des questionnements et des hypothèses soumis, par la suite,
à l’épreuve de terrain.
L’élaboration des outils de collecte se base sur la définition des champs ou thématiques
d’exploration selon les connaissances15. Quant à la situation actuelle des enfants au Mali16,
le niveau d’organisation et d’institutionnalisation des modes de protection des enfants, la
mise en cohérence avec les standards Minimum de Protection de l’enfance en situation
d’urgence. Une attention particulière a été portée à la capacité, plus exactement
l’optimisation des conditions susceptibles d’induire des effets de résilience des enfants,
à la responsabilisation des partenaires, à la sensibilité aux disparités notamment celles
liées au genre, au handicap, au lieu de vie, au profil socioéconomique ou à tout autre
facteur d’inégalité. Un cadre d’analyse a ainsi été conçu pour faire ressortir les écarts
concernant les expériences les capacités des dispositifs de réponses en matière de
Concertation, approches transversales, promotion de la responsabilisation des
acteurs de protection de l’enfance, mesures et démarches d’amélioration de la
qualité de l’organisation et des activités ou actions
diversification des ressources et partenaires, utilisation des ressources locales
mutualisation des acquis, efficience des interventions, sensibilité aux innovations
techniques et sociales, mesures visant à assurer la durabilité des acquis, poursuite
des activités,
15 Les connaissances sur les modes de protection existant concernent les points forts et les points faibles déjà identifiés ; les rapports, passerelles, interactions, modes de régulation et de gouvernance des dispositifs de protection des enfants; les capacités et le niveau d’engagement dans la préparation, l’exécution, le suivi des actions et des budgets destinés à la protection et à l’éducation des enfants et des jeunes. 16 Les connaissances sur la situation des enfants se basent sur la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant (CIDE), mais aussi sur les déterminants socioculturels de la situation actuelle des enfants au Mali ; les représentations et pratiques portant sur les rôles des enfants; et les opportunités et contraintes de l’environnement sécuritaire local.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
23
optimisation des conditions susceptibles d’induire des effets de résilience et
participation des enfants.
Mise en perspective de systèmes de partage des informations
A des fins de comparabilité interne, il a fallu autant que possible, faire
correspondre les champs ou thématiques explorés avec ceux documentés par des études
précédentes. Nous avons alors porté une attention particulière aux leçons apprises des
initiatives (passées ou en
cours), aux transformations
affectant les processus de
structuration et
d’institutionnalisation, à la
coopération entre les parties
prenantes, aux mesures prises
pour donner suite aux écarts
aux dysfonctionnements déjà
documentés. Les métas
modèles et modèles ont alors
été confrontés aux pratiques
réelles en vue de dégager des
enseignements, des pistes
d’amélioration.
L’analyse de documents
généraux, des termes de référence, des pièces techniques (rapports, PV, autres documents
internes), la tenue d’entretiens préliminaires avec des responsables d’UNICEF et des
acteurs membres des Sous Clusters plus les coordinations régionales à Bamako ont permis
d’affiner la démarche évaluative. Ces démarches préliminaires ont aussi permis
d’articuler, hiérarchiser les questions et hypothèses à soumettre ou confronter à la
réalité du terrain. Une réunion d’harmonisation Méthodologique a été combinée à la
session de formation de Bamako. Dirigée par le professeur Serigne Mor Mbaye, elle a
réuni à Bamako des cadres dirigeants de l’UNICEF, des acteurs membres des Sous
Clusters et coordinations régionales, des ONG partenaires afin de réfléchir sur et valider
la méthode d’évaluation, ses différentes étapes, son calendrier, le nombre, le profil des
Figure 2: Session d’Harmonisation Méthodologique et de Formation des chercheurs à Bamako
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
24
participants. Un protocole de recherche17 est fourni aux différentes personnes engagées
dans cette action, lesquelles s’engagent à le lire et à le signer avant de démarrer la phase
de collecte sur le terrain. Cette phase préparatoire s’inscrit alors dans une perspective
de consolidation des bases d’une protection adaptée aux enfants.
2.2.2. Phase de collecte sur le terrain
Dans la seconde partie, la phase de recueil d’informations, l’évaluation se déroule
suivant un découpage thématique du territoire malien en deux ensembles construits
autour du degré, du mode d’affectation par le conflit. Un premier ensemble (Gao,
Tombouctou et une partie de Mopti) regroupe les enfants dans des zones théâtres
d’opération des luttes armées avec leurs corollaires d’atteintes directe aux personnes,
aux biens, à l’organisation sociale, au
patrimoine culturel aux infrastructures, aux
équipements aux services sociaux de base. Les
recherches y ont été menées en tenant compte
des contraintes et consignes de sécurité.
L’importante communauté de ressortissants
des zones du Nord vivant à Bamako a permis
de collecter des données sur des poches
actuellement inaccessibles (pour raisons
sécuritaires ou de difficultés géographiques
d’accès). Un second ensemble regroupe les
enfants déplacés internes (à l’intérieur du
pays) : ceux non accompagnés, ceux
accompagnés de leurs familles, ceux accueillis
dans des familles18, ceux en rupture familiale
et sociale.
17 Le protocole de recherche contient les termes de références de l’évaluation, un document de rappel sur le rôle et les principes de recherche (neutralité, respect inconditionnel, sincérité, engagement aux résultats, confidentialité, collaboration en cas d’urgence, etc…), le planning pour les dix jours de terrain, la fiche confidentielle à remplir pour les contacts des participants, répartition des outils par objectifs, fiche de signature du protocole, et des informations sur la résilience. 18 Nous avons distingué la situation des enfants déplacés vivant en milieu rural, de ceux dans de grands centres urbains
Figure 3: Focus groupes, Décembre 2014
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
25
Conformément au choix de faire de l’évaluation le temps fort d’un processus de
coopération, les parties prenantes ont été pleinement impliquées. Une réunion de
démarrage a été tenue dans chaque zone thématique en vue d’informer de la mission, de
ses objectifs, de son déroulement, finaliser les questions logistiques, affiner des outils
de collecte de données. Nous avons régulièrement rendu compte, au moins au point focal
de l’UNICEF19, de l’avancement de la mission des difficultés rencontrées.
S’agissant de données quantitatives, nous avons exploité d’abord les statistiques
disponibles. Dans la mesure du possible nous avons désagrégé certaines données pour
documenter la portée les effets, ainsi que les inégalités et disparités ; surtout celles liées
au genre, au lieu de résidence ou au profil socioéconomique. Au besoin nous avons pallié
certaines lacunes documentaires en recourant à des entretiens semi-standardisés afin de
tester certaines hypothèses.
Les données qualitatives ont été collectées lors de réunions dédiées, d’entretiens
collectifs ou individuels, de focus groups, de visites de terrains, de l’observation
participante et de l’analyse de documents. Le choix des sites à visiter, des réunions à
tenir, le nombre de questionnaires, la taille et composition des groupes d’entretien, le
profil, le nombre de personnes (enfants ou chefs de ménage) en entretiens individuels, ont tenu
compte de la diversité des situations, des cadres de référence, des positions
institutionnelles, et des parcours.
Les outils (canevas, grilles, guides, questionnaires) 20 ont été élaborés par les consultants
puis validés par le comité de pilotage; ils ont été affinés et actualisés sur le terrain en
fonction des informations à collecter, des personnes enquêtées, éventuellement de
contraintes, climatique ou sécuritaire.
Les entretiens ont été menés auprès des praticiens, des professionnels des
services techniques, des structures habilitées, des structures partenaires, associatives
ou publiques, qui sont en lien direct avec les enfants, les femmes, des groupes vulnérables,
sélectionnés en tenant compte de la diversité des rapports aux enfants (services ponctuels,
signalement, prise en charge, éducation, hébergement), de la diversité des métiers, de leur
importance relative (numérique, stratégique). Ils portent sur leurs visions et explications de
la situation des enfants, de son évolution, des facteurs d’inégalité, les modes de
traitement, les contraintes de la demande de l’offre de protection, l’organisation voire la
collaboration aux plans vertical (hiérarchique) et horizontal.(technique), la prise en
compte des avis ou observations des personnels, le respect des droits des enfants
notamment de leurs cultures, de leurs droits à l’expression, à la recherche comme au
maintien des liens familiaux, à la participation, à l’égalité des chances..
19 Pour Bamako, Frank Kashando ; Pour Ségou et Mopti, Moussa Sidibé ; et pour Gao et Tombouctou, Moussa Sogoba 20 Cf. annexe boite à outil.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
26
Au niveau des parents, des voisins, des leaders locaux, la démarche fut la collecte des
données (qualitatives et quantitatives) sur les lieux habituels de vie pour :
- Mieux comprendre l’environnement en lien avec la Protection des enfants avant,
pendant et après le conflit
- mesurer les transformations, les opportunités et les risques reliés à la protection
de l’enfance,
- préciser les configurations familiales, leurs ramifications
- constater leurs mobilités dans la sous-région, les disparités, les inégalités,
- mettre en évidence le degré de conscience du droit des enfants, des femmes, de
la réalité existentielle des plus vulnérables,
- mettre en exergue les interventions des acteurs membres des Sous Clusters et
coordinations régionales, celle des acteurs professionnels ou informels, leurs liens
entre eux, leurs rapports aux enfants, aux femmes, aux plus vulnérables.
Les données ainsi collectées ou observations faites, ont régulièrement été partagées,
validées avec les participants.
2.2.3. Exploitation et Analyse
Au-delà des observations, des constats des stratégies adaptatives et
envisageables en termes de réponses, de leur confrontation avec les standards ou
recommandations, l’analyse prend en compte les transformations de la situation des
enfants, de leurs familles, de leur affectation par la labilité du contexte sécuritaire ou
leur capacité à le verbaliser, de l’étendue, des causes, des conséquences des inégalités,
des iniquités, il fallait investiguer plus avant. Dans la logique force/atout/faiblesse, il a
donc été rapidement question de conduire une évaluation-anticipation de la planification,
des prévisions et exécution des activités avec une focale sur les aspects d’inclusion des
laissés-pour-compte, et d’optimisation de la capacité à la résilience des enfants et aux
capacités de responsabilisation des partenaires.
Suite à l’analyse, nous avons confronté les observations faites au cours de l’étude
avec les métas modèles. Sur la base de l’analyse des données, cette étude comparative
permet d’examiner les résultats, les effets sur le degré d’atteinte des objectifs, des
questions et hypothèses de recherche. Elle comprend des développements documentés
sur les changements notés, sur les liens entre les inégalités, les iniquités et d’autres
facteurs sous-jacents politiques, économiques, culturels etc. De manière plus spécifique
nous apporterons des éclairages sur les articulations entre d’une part la connaissance et
la mise en œuvre différenciées des droits des enfants et de leurs familles en lien au
rapport à la protection des enfants, à la famille, au lieu de résidence puis, au degré de
vulnérabilité différenciée de groupes spéciaux, l’évolution et le niveau de visibilité des
différentes formes des violations de leurs droits, y compris dans la sphère
communautaire, domestique ou privée.
Pour conclure, il s’est agi de mettre en exergue les leçons et enseignement issu de
l’observation et du terrain, formuler des recommandations, des mesures pour mieux
comprendre, traiter avec plus d’efficacité ou de pertinence les effets du conflit, les
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
27
disparités ou inégalités particulièrement prégnantes dans certains groupes spéciaux, dans
certaines localités. Nous avons lié l’ensemble à une recommandation quant aux savoirs et
bonnes pratiques. S’il y a une définition exogène de ces savoirs, il nous a semblé essentiel
de mettre en évidence les savoirs endogènes pour faire converger en un seul élan
différentes initiatives finalisées par la protection des enfants au Mali, l’engagement des
enfants et la promotion des droits des personnes en situation de vulnérabilité particulière.
L’équipe de recherche a conçu pour réaliser cette analyse une grille des
indicateurs 21avec un système de pondération en vue d’auto évaluations périodiques.
2.2.4. Difficultés rencontrées et considérations éthiques
La principale difficulté fut celle des délais : un temps trop court a été consacré à
la formation des chercheurs, au partage avec les partenaires, à l’harmonisation et la bonne
appropriation des concepts quant aux vulnérabilités et approches de protection par le
groupe de travail. Des contraintes d’ordre structurel et organisationnel ont entravé le
respect du timing dans la planification de l’exécution des plans d’actions de collecte de
terrain. 22
Nous avons tenu compte à toutes les phases de la complexité, des disparités, de la
labilité des situations d’urgence, des incertitudes associées, des traumatismes et troubles
associés des comportements ; mais aussi des perturbations des modes d’organisation des
dispositifs ordinaires de protection; des bricolages quotidiens par lesquels les victimes
réinterprètent leur vécu; et des sas de renouvellement des savoirs et des savoir-faire en
configuration dans des contextes particuliers.
Les contraintes de l’accès aux services, ainsi que l’amplitude de la mobilité ou de la
dispersion des familles ont aussi été prises en compte voire anticipées à chaque étape.
Au-delà d’une attention particulière quant aux lieux de provenance (milieu rural, ville, zones
périurbaines), aux parcours, aux rapports des enfants à la famille, etc…23, une consigne de
vigilance particulière a été observée quant aux problématiques liées aux disparités et
inégalités, au genre, Nous avons aussi tenté de présenter nos objectifs aussi clairement
que possible pour anticiper les enjeux possiblement conflictuels de nos objectifs, des
résultats prévus et non prévus de l’évaluation.
Le respect des participants a été garanti par une application stricte la charte
21 Sur la base du modèle d’évaluation Mac Kinsley, une grille a été adaptée au contexte de la protection de l’enfance au Mali 22 Contrôle physique des agents de l’Administration publique 23 Les consignes de formation ont insisté sur le souci de maintenir une attitude à la fois neutre et inclusive afin d’éviter de renforcer des aspects potentiellement facteurs de stigmatisation (lors des présentations, les sélections de participants aux focus groupes, le langage dans le questionnement, les remerciements, etc.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
28
confidentialité, du consentement éclairé et du principe de « Do no Harm » tout au long de
l’évaluation. Ainsi, le respect de la vie privée des enfants a été garanti; les entretiens, les
focus groupes se sont adaptés aux plages horaires, aux habitudes de vie, aux conditions
climatiques, au contexte sécuritaire. Les mécanismes de veille sur la situation sécuritaire
et la bientraitance des enfants ont été partagés. C’est aussi sous cet aspect que, à chaque
arrivée dans une communauté, nous nous sommes présentés aux chefs coutumiers et
administratifs en synergie avec les initiatives endogènes, l’appel au familier (rites,
patrimoine culturel, dispositifs locaux pertinents, compétences techniques.
Conclusion de la méthodologie
Transversale au processus évaluatif, notre démarche a pour clef de voûte la
participation des enfants et de leurs proches dans l’appréciation de la portée ou effets
du conflit sur la protection de l’enfance au Mali depuis la crise. En l’occurrence, il s’agissait
aussi d’apprécier l’intérêt des actions menées pour protéger les enfants, comment elles
sont impactées, la probabilité qu’elles se maintiennent sur le long terme en résistant aux
risques (sociaux, sanitaires financiers, institutionnels, etc.). C’est notamment prendre en compte la
réalité des capacités techniques, institutionnelles, financières, relationnelles dans
l’environnement habituel des enfants. Cela nous a conduits (entre autres) à ces
questionnements :
quelle est la pertinence des interventions des acteurs locaux, des méthodologies
retenues. Quelle est celle de l’analyse faite au Mali du récent conflit, de sa portée,
de ses conséquences, ses effets en terme d’enfance. Quelle est la pertinence de
la contribution à la compréhension globale des effets de la crise sur les enfants et
leurs familles ?
quelle est la cohérence logique, la faisabilité des programmes ou projets
d’intervention des acteurs membres des Sous Clusters des coordinations
régionales dans l’appréciation la documentation de la situation des enfants en
demande ou besoin de protection. ?
Comment expliquer les effets de la crise sur les enfants et leurs familles, analyser
les effets sur l’offre de protection, les capacités opérationnelles des acteurs
Gouvernementaux non œuvrant dans le domaine de la Protection ?
comment expliquer les résultats au regard des ressources disponibles, a-t-on fait
le meilleur usage des ressources disponibles ; a-t-on suffisamment mis l’accent sur
les forces et faiblesses des acteurs potentiels en vue de gérer les contraintes, les
risques et afin d’obtenir les meilleurs résultats possibles ?
dans quelle mesure les enfants, leurs parents, les personnes ressources locales
ont-été engagés dans l’évaluation, notamment dans l’appréciation et la
documentation des effets de la crise sur la protection des enfants, les capacités
opérationnelles des acteurs membres des Sous Clusters et coordinations
régionales ?
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
29
Travailler à la question des populations vulnérables, est envisagé selon cinq thématiques
interdépendantes:
Mesurer (recenser et observer),
Évaluer (analyser, poser la problématique),
Expérimenter (créer, mettre en œuvre une expérimentation),
Analyser l'expérience, modéliser (proposer des hypothèses de travail),
Communiquer.
En conséquence nous abordons l’évaluation de la portée et des effets du conflit sur
la protection des enfants au Mali comme le moment fort d’un processus de coproduction
de diagnostics et de connaissances ; elle commande des va-et-vient entre les prescriptions
et leur mise en œuvre, entre la cohérence logique et la faisabilité pratique des
interventions, entre son management interne et son inscription dans son environnement.
3. Vulnérabilités auxquelles sont exposées les enfants
Contexte actuel
Depuis Janvier 2012 ; le Mali fait face à un conflit armé avec comme partout les
enfants en tant que première victime : Déplacements, séparation, recrutement et
utilisation par la groupes armés, viols et violences sexuelles, perturbations
psychologiques…
Les spécificités du contexte de l’urgence au Mali déroutent. Le conflit a plus que
mis à mal un système de compréhension patiemment construit pour obvier certains
habitus. Une compréhension claire des vulnérabilités liées à une errance induite et
exogène est devenue quasi impossible dans une telle situation d’urgence24. D’une part les
principes du Droit international dont le gouvernement Malien est signataire s’opposent à
ceux de la Sharia selon des Djihadistes ; d’autre part, la détermination de la durée du
conflit (trois périodes d’urgence identifiées avec des périodes de pics, d’autres d’accalmie25) est ambiguë.
24 Document de discussion sur les défis, stratégies et partenariat pour la protection de l’enfant dans le contexte du conflit Malien. UNICEF Malin Child Protection
1) 25 La période passive : depuis la Déclaration du MLA, la prise des villes du Nord par les groupes armés. L’inaction du gouvernement Malien et de la communauté internationale a permis aux groupes islamistes d’asseoir leur stratégie, domination et systématisation de violations sur les populations locales. Plusieurs violations ont été rapportés mais restaient parcellaires car leur documentation et vérification étaient pratiquement impossible.
2) La période active : C’est la phase qui a démarré avec le début de l’intervention de l’armée française dans l’opération de récupération du Nord. Durant cette période, les enfants recrutés par les groupes armés ont été vus sur les champs de combats. Certains cas de recrutement forcés ont été rapportés dans la région de Duez et Gao.
3) ‘’Début ‘’Post conflit : Certaines zones sont actuellement libérées et les activités sont en train d’y reprendre peu à peu. On note aussi le retour timide des personnes déplacées qui donne l’impression
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
30
La réponse humanitaire est dès lors déconcertée quant à la phase d’urgence et au type de
réponse adéquate. Le niveau de crise est différent de ceux observés dans le reste du
continent récemment (Côte d’Ivoire, Liberia, Sierra Leone, République Démocratique du Congo…). Ces
réalités du terrain ne peuvent être ignorées26. De nouvelles stratégies d’intervention
doivent être développées, basées sur une solide connaissance de la situation des enfants
et des acteurs de la protection de l’enfance au Mali.
Le Mali, pays enclavé est majoritairement rural (70% de la population)27. C’est donc
une collectivité socialement traditionnelle donc traversée par une ambigüité profonde
quant aux arguments fondés sur ses propres valeurs ou références. Le pays est
désavantagé28 par l’impact de facteurs climatiques adverses29 dans certaines régions, par
que la guerre est désormais loin même si autres danger et risques comme ceux liés aux mines et restes explosifs de guerre, les viols ou les attaques des bandits ne sont pas à exclure.
26« Le contrôle du MNLA, est passée sans violence sous celui du GATIA, groupe progouvernemental, mais cela a entraîné le déplacement de 500 civils (…) Le 19 octobre, le MNLA et le GATIA s’affrontaient juste à côté pour le contrôle de Tessit, que le GATIA a fini par prendre au MNLA. Le déploiement ultérieur des Forces de défense et de sécurité maliennes à N’Tillit et à Tessit a alimenté les allégations de collusion entre les forces et le GATIA. (…) Le 6 novembre, les Forces de défense et de sécurité maliennes ont pris le contrôle de la rive sud du fleuve Niger dans la localité de Didi, à l’est de Tombouctou, tandis que le MAA (Coordination) et le MNLA gardaient le contrôle de la rive nord. À la mi-novembre, la Coordination a pris le contrôle de Zarho (à 100 km à l’est de Didi) et, le 1er décembre, la Plateforme a saisi Bamba (à 30 km de Zarho). Ces mouvements ont été opérés sans violences graves. Des groupes extrémistes sont soupçonnés d’avoir tué 16 soldats de la paix et d’en avoir blessé 14 autres au cours de la période considérée. Les engins explosifs improvisés et les mines anti véhicules placés le long des routes empruntées par la MINUSMA ont gravement entravé ses opérations. Le 16 septembre, un obus de mortier a explosé à proximité d’installations de la MINUSMA à Aguelhok (région de Kidal). Le 18 septembre, cinq soldats de la paix sont morts et cinq autres ont été blessés lorsqu’un véhicule de patrouille a heurté une mine au sud de Tessalit (région de Kidal). Un des blessés a ensuite succombé à ses blessures. Le 3 octobre, un convoi logistique de la MINUSMA a été pris en embuscade près d’Indelimane (région de Gao) et neuf soldats de la paix ont été tués. Le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO) a revendiqué la responsabilité de cette attaque, ainsi que d’une autre attaque survenue le 19 novembre au Niger, qui a fait un mort et deux blessés au sein des Forces de défense nigériennes. Le 7 octobre, sept obus de mortier ont frappé le camp de la MINUSMA à Kidal, en faisant un mort et deux blessés parmi les soldats de la paix. Le 25 octobre, un camion d’approvisionnement en eau de la MINUSMA a heurté une mine à 12 kilomètres au sud-ouest de la ville de Kidal, et trois soldats de la paix ont été blessés. Le 2 décembre, trois soldats de la paix ont été blessés lorsque leur véhicule a heurté une mine à Aguelhok (région de Kidal). Le 9 décembre, un véhicule militaire a heurté un engin explosif à 70 kilomètres à l’est d’Ansongo (région de Gao) et un soldat de la paix a été légèrement blessé.» Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, décembre 2014. 27 La Protection Sociale et les Enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre: Cas du Mali. Février 2013. ODI, Ministère
du Développement Social, de la Solidarité et des personnes âgées, UNICEF ; 28 Le niveau de pauvreté du Mali reste élevé, même s’il a diminué sur la période 2001-2005. Le pourcentage des ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté est passé de 68% en 2001 à 59% en 2005 (CSLP II, 2006). 29 « Le changement climatique pourrait faire passer plus d’un million de personnes supplémentaires sous le seuil de pauvreté au Mali d’ici à 2050 ». Pedercini, M., Kanamaru, H. and Derwisch, S. 2012. “Potential impacts of
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
31
sa fragilité face aux fluctuations des prix mondiaux du coton (export principal), de l’or
sur les marchés internationaux. Le secteur agricole a connu de graves complications suite
à des cycles répétés de sécheresse, à l’appauvrissement des sols, des difficultés
d’approvisionnement en eau, du développement du secteur informel, de la monétarisation
des rapports sociaux. C’est ainsi que trois grandes crises alimentaires ont eu lieu au Mali
en l’espace de sept ans, que de grandes vagues d’exode des populations rurales vers les
villes30ont déjà fragilisé l’existant, aggravé l’errance et le différentiel, entre les milieux
ruraux et urbains31renforçant de fait les argumentaires traditionnels voire
l’obscurantisme de certains. Le Mali dépend pour une large part de l’aide étrangère et
malgré ses efforts pour réduire la pauvreté. Le pays demeure l’un des plus pauvres pays
au monde et la moitié de sa population vit en dessous du seuil de pauvreté, dont 1/5ème
ayant des difficultés à subvenir aux besoins primaires, tel l’alimentation32. La population,
selon la note d’information d’OXFAM de Mai 2013 (Mali : un nouveau contrat pour le
développement) souffre d’une situation de vulnérabilité chronique. De plus, douze mois
de conflit politique et sécuritaire, d’insécurité et de violations des droits humains ont
fini de déstabiliser les communautés du Nord. Cette crise peut être perçue comme
le résultat de crises antérieures latentes nourries d’aspérités structurelles
récurrentes (faiblesse des institutions de l'État, mauvaise gouvernance…); d’une cohésion sociale
chancelante (frustrations au sein des communautés du nord, des « non gradés »…); et des
difficultés rencontrées par la société civile pourtant combattive face aux partenaires
internationaux. On a ainsi laissé se développer autant de bombes sociales33
climate change on food security in Mali. » Natural Resources Management and Environment Department, FAO, Rome. 30 Comprendre le travail des enfants au Mali, Rapport sur le travail des enfants ; UCW, UNICEF, ILO ; Mai 2009 31 La pauvreté est très inégalement répartie selon le milieu de résidence : les niveaux de pauvreté sont plus
élevés dans les zones rurales (73% des ménages en 2005) que dans les zones urbaines (20%). 32 Notes d’information OXFAM, 15 Mai 2013 ; MALI : Un nouveau contrat pour le développement, Quelle aide
pour sortir de la crise ? 33 La pauvreté est intrinsèquement une violence endogène répétitive, endémique, probablement Trans générationnelle. Elle est endogène parce que vécue comme état de déréliction, un tropisme culturel intangible imprégnant les esprits et admis comme normalité. Il y a un fatalisme inscrit dans un schéma supérieur, inaccessible. « On y peut rien, il faut donc s’y résigner ! ». Ce serait ignorer un danger social manifeste tant une forme d’anomie s’installe. Ces phénomènes conjugués à l’urbanité constituent une bombe que la plus petite étincelle peut faire exploser.
Ces phénomènes impactent durablement (au moins trois générations) une société et les expériences de «réussites», pour rassurants qu’ils soient, restent des exceptions.
L’errance première ou exode rural avec pour effet la concentration de populations fragiles à la périphérie des villes.
Risques d’exploitation de ces populations, elles-mêmes de plus en plus confrontées à d’autres formes d’errance (l’errance migratoire intra africaines). Cela explique en partie une perte des repères et des valeurs.
C’est l’allégorie du moustique: celui-ci est attiré par la lumière, il tournoie autour sans voir la flamme qui va le brûler. L’espoir fragile des lumières de la ville attire des populations impréparées. Les prédateurs vont en profiter. C’est une mécanique implacable qui installe durablement dans la précarité.
Les situations précaires génèrent plusieurs formes de handicaps aggravant la vulnérabilité, notamment :
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
32
Un nombre croissant d’enfants est dès lors affecté dans ce contexte difficile,
alors que les mécanismes de protection ne sont pas toujours fonctionnels. La mendicité
chez les enfants dans les centres urbains est en hausse, les pires formes de travail
remplacent très souvent dans le cadre domestique et agricole le travail socialisant chez
les enfants (plus de 28heures par semaine)34. Selon l’étude sur la « Pauvreté des enfants
et inégalités au Mali » de 2008, plus de 4 389 910 enfants de moins de 15 ans (85%) sont
touchés par de graves privations, dont principalement le manque de logements (80%),
d’éducation (60%)35, et d’opportunités économiques (50%). Les zones les plus affectées
sont Mopti, Tombouctou, Gao et Kidal ou 80 à 90%.
C’est dire qu’il existe une superposition articulée de difficultés anciennes et
nouvelles du fait d’événements historiques, mais aussi de conflits latents potentiellement
activables ou actifs. Les difficultés les plus récurrentes sont l’accès aux services sociaux
de base, surtout dans les zones rurales où subsistent encore certaines traditions, coutumes
et pratiques traditionnelles qui freinent le développement et l’épanouissement des enfants.
A ce niveau il s’agira d’un travail patient de socio-anthropologie pour faire évoluer de façon
interne ces habitus.
Le document de Protection Sociale et les Enfants en Afrique de l’Ouest et du
Centre pour le Mali en 2013 par l’UNICEF, le Ministère du Développement Social, de la
Solidarité et des personnes âgées et l’ODI, identifient aujourd’hui au Mali deux
catégories de vulnérabilités pour les enfants que nous utiliserons: les vulnérabilités
chroniques et les vulnérabilités liées à la situation d’urgence.
Les vulnérabilités traditionnelles
3.2.1. Les Mutilations génitales féminines (MGF)
Avec un taux de prévalence particulièrement élevé au Mali, les MGF ont enregistré
une baisse. Selon certains témoignages, il serait question de reprise de ces pratiques ou
de hausse, de cas non déclarés, du maintien du soutien communautaire à ces pratiques36.
- Les violences exogènes tournées vers les structures sociales. - Les violences endogènes ou déviances, affecteront gravement les plus fragiles avec des
conséquences médicales, somatiques, scolaires lourdes. - La perte de repères et de valeurs, - La suggestibilité terreau des obscurantismes et prolégomènes aux activités maffieuses.
Le résultat, comparable à une bombe sociale (pensons aux favelas brésiliennes ou à certaines banlieues en France), génère un état de guerre civile latent qui inquiète, pousse à l’instabilité politique. Œuvrer à «la stabilité de la gouvernance, la protection des droits libertés, la consolidation de l’État de droit (pour) une paix sociale33» est facteur de développement. Il y a donc urgence à réfléchir, innover pour proposer des réponses durables, opposables à la précarité et ses effets. (Dr F. Lefebvre) 34 Résultats d’enquêtes sur la prolifération des enfants mendiants, SCPE Bamako 2013. 35 En 2010, le taux d’alphabétisation des adultes (plus de 15 ans) est de 41,6% chez les hommes et 18,8% chez les femmes :
INSTAT, op.cit. p. 44. 36 « Le taux de prévalence est passé en 2006(EDS/Mali III) de 92 % chez les femmes âgées de 15 à 49 ans à 85% en
2010 (EDSM IV). Cette tendance doit être interprétée avec prudence. Elle ne signifie pas forcément une baisse de
la pratique et peut cacher une sous-évaluation ; certaines femmes ne voulant pas déclarer être excisées. En pour
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
33
Non seulement aucune loi nationale n’interdit expressément les MGF, mais des sources
signalent leur reprise ou hausse au sein de certaines populations, pendant qu’on observe au
niveau communautaire une opinion largement favorable au maintien de ces pratiques.
Toutefois ce tableau est tempéré par le dynamisme du Programme national de lutte contre
les MGF et l’engagement remarquable de la société civile (notamment celui de l’Association malienne
pour le suivi, l’orientation des pratiques traditionnelles et de l’Association pour le progrès et la défense des
droits des femmes). De surcroit, de nombreux professionnels pour diverses raisons adoptent
une position ambiguë : contre les MGF dans l’espace public, ils s’en accommodent dans
l’espace privé.
3.2.2. Le travail et l’exploitation des enfants
Il faut d’abord noter les avancées juridiques et la volonté politique de lutter contre le
travail nuisible aux enfants. Quelques exemples incontournables sont :
Le lancement du Programme national de lutte contre le travail des enfants en 1998
par le ministère du Travail en le Bureau international du travail ;
La mise en place entre 2002 et 2013 du projet sous régional de lutte contre la
traite des enfants à des fins d’exploitation de leur travail en Afrique de l’Ouest, du
projet d’appui à la préparation d’un programme assorti de délais pour l’élimination
des pires formes de travail au Mali, du projet TACKLE pour combattre le travail
des enfants par l’éducation, du projet BIT/AECID pour la Prévention et Elimination
du travail des enfants en Afrique de l’Ouest et des projets DUTCH et Agriculture ;
L’élaboration du Plan d’Action National pour l’Elimination du Travail des Enfants au
Mali du Ministère du Travail
L’âge minimum d’accès à l’emploi devenu 15 ans au lieu de 14 ans depuis la session du
08 mai 2013 du conseil des ministres du Mali, quoique le code du travail interdit
déjà les pires formes de travail des enfants37 de moins de 18 ans
Cependant il faut noter une faiblesse du cadre juridique régulant l’emploi des
enfants dans les métiers agricoles, domestiques ou dans toute autre activité informelle, ce
qui affaiblit le dispositif existant en matière de contrôle du travail des enfants. De plus,
les engagements des autorités centrales sont peu ou pas du tout appropriés par les
communautés. Les références en ce domaine se doivent évoluer pour mieux apprécier des
critères tels que l’épanouissement et le développement cognitif de l’enfant, tout en se mission 2001, la majorité des femmes (76 %) était favorable au maintien de l’excision, contre 16 % qui y étaient
opposées et 8 % incertaines. » La Protection Sociale et les Enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre: Cas du Mali. 37 Travaux excédant leurs forces, présentant des causes de danger, ou qui par leur nature et les conditions dans lesquelles ils sont effectués, sont susceptibles de nuire à leur santé, leur sécurité ou à leur moralité selon le code du travail. Une liste complémentaire des travaux dangereux interdits aux enfants de moins de 18 ans a été fournis à cet effet par l’arrêté N°09-0151/MTFPRE-SG du 04 février 2009.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
34
posant la question de savoir si l’école le permet toujours.
Beaucoup trop d’enfants effectuent aujourd’hui encore un travail nuisible selon les
termes des conventions de l’OIT et des lois dont le Mali est signataire. Selon l’enquête de
l’EDS IV de 2009 pour le Mali, 76 % des enfants âgés de 5-14 ans travaillent dans la maison,
les champs ou d’autres affaires pour la famille, dont 10% pour quelqu’un d’autre qu’un
membre de la famille.
Le travail des enfants hors du contexte familial concerne surtout les garçons
(64%),38 les enfants très jeunes (plus de 60% sont âgés de moins de 12 ans), ceux qui habitent en
milieu rural39 (60% par rapport à 36% en milieu urbain)40. Les régions les plus touchées sont
Sikasso (76%), Ségou (68%), et Kayes (60%) par rapport à Bamako et Kidal (moins de 10%
d’enfants économiquement actifs), les régions de Bamako et Kidal.41 Des niches d’opportunités
économiques (plantations et mines surtout) attirent un grand nombre d’enfants.42
Un des cas les plus visibles aujourd’hui est celui des 43 enfants orpailleurs (plusieurs
dizaines de milliers) qui exécutent des travaux pénibles souvent à plus de 90m sous
terre44.Selon l’enquête nationale sur le travail des enfants réalisée par la Direction
Nationale de la Statistique et de l’Informatique (DNSI) et le BIT en 2005, le travail
domestique occupe près de 35heures par semaine, ce qui ne permet pas leur
épanouissement ou de laisser «vivre l’enfant dans l’enfance» (JJ. Rousseau, 1762), et devient
38 Enquête nationale sur le travail des enfants (ENTE) réalisée par la Direction Nationale de la Statistique et de
l’Informatique (DNSI) et le BIT en 2005 avec le soutien technique de l’Organisation internationale du travail (OIT) et
du gouvernement français. Etude complétée par l’Enquête permanente auprès des ménages (EPAM) de 2007 39 Selon l’EDS IV 2009 pour le Mali, 80 % des enfants en milieu rural avaient effectué un travail quelconque la
semaine précédant l’enquête contre 66 % en milieu urbain (62% pour Bamako). En milieu rural, 45 % des enfants avaient travaillé dans les champs ou dans les affaires de la famille contre 18 % en milieu urbain. 40 « Comprendre le travail des enfants au Mali », Rapport sur le travail des enfants ; UCW, UNICEF, ILO ; Mai 2009 41 EDS IV 2009 pour le Mali : « la proportion d’enfants qui avaient travaillé varie d’un minimum de 60 % à Kidal
à un maximum de 85 % à Kayes. En considérant les enfants qui travaillent pour quelqu’un d’autre en dehors de la famille, le minimum et le maximum sont observés dans les mêmes régions que précédemment : minimum de 2 % à Kidal à un maximum de 29 % à Kayes. 42 « L’agriculture est le secteur qui emploie le plus grand nombre d’enfants (83%). L’agriculture est suivie des services domestiques2 à hauteur de 10%, et de l’industrie et du commerce qui comptent pour les 6% restants. Il est à noter que la domesticité enfantine revêt des proportions préoccupantes au Mali, surtout dans les zones urbaines et pour les filles ; En ce qui concerne le statut du travail, la main d’œuvre enfantine est, dans sa majorité, employée dans les travaux familiaux non rémunérés, cela aussi bien en ville qu’à la campagne… » RAPPORTS DE PAYS DU PROGRAMME UCW, MAI 2009
44 La Direction nationale de la géologie et des mines a recense 3 220 enfants sur les sites de Kangaba, Yanfolila et Kéniéba
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
35
préjudiciable à tout développement cognitif45
Même si le Mali a mis, depuis 1998, au cœur de ses préoccupations la situation des
enfants exploités par le travail, le renforcement du cadre juridique existant et de
l’application des textes réglementaires demeurent une nécessité. L’impact du travail
pénible des enfants est considérable sur la fréquentation scolaire, les capacités
d’adaptation à un emploi lorsqu’ils seront en âge mature46 et les risques de maltraitances
et violences. En revanche, nous savons que l’arsenal réglementaire sera vain s’il n’y a pas
développement de revenus substitutifs au travail des enfants.
Le rapport de pays pour le Mali réalisé par Understanding Children Work (UCW)
en mai 2009, souligne la corrélation entre l’utilisation de la main d’œuvre infantile comme
stratégie de survie des ménages et certains caractéristiques propres à l’enfant (le genre,
l’âge et le statut d’orphelin), le niveau d’éducation des parents, le milieu de résidence, et
l’accès aux services sociaux de base.
3.2.2 Enfants des rues
Il est communément distingué trois catégories d’enfants en situation de rue au Mali :
1. les enfants mendiants,
2. les enfants talibés
3. les enfants en errance, déplacés, sans attache familiale.
Selon la loi, La mendicité sur la voie publique est interdite. Il s’agit juridiquement
d’une infraction punie par la loi portant code pénal en République du Mali et la loi N°2012
/023 du 12 juillet 2012 sur la traite des personnes et pratiques assimilées. Cependant,
parce que génératrice de revenu, souvent fondée sur des valeurs religieuses, la pratique
est très répandue et les lois qui la régissent inappliquées. Selon l’étude de la Direction
45 « Le travail domestique des enfants est de nature à amplifier leur non-scolarisation (en particulier celle des filles) ou, à tout le moins, à entraver leur assiduité ou leur fréquentation scolaire » Enquête nationale sur le travail des enfants ; DNSI et BIT, 2005 46 « La mise au travail précoce des enfants exacerberait les problèmes d’emploi des jeunes, dans la mesure où les
enfants qui travaillent ne peuvent acquérir les connaissances et les compétences dont, jeunes adultes, ils auront
besoin pour être compétitifs sur le marché du travail. Ainsi, les adolescents/jeunes qui passent à l’âge adulte dans
les conditions les plus défavorables risquent d’aller grossir les rangs des chômeurs, des pauvres ou de ceux qui
vivent en marge de la loi. La relation entre le travail des enfants et l’emploi des jeunes peut fonctionner en sens
inverse : les maigres perspectives futures sur le marché du travail et les difficultés de transition professionnelle
peuvent réduire la » id.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
36
nationale du Développement social menée en juillet 2008, il y avait à Ségou, Mopti et
Bamako au moins 6.664 enfants mendiants, (il semble que le recensement ait sous-estimé leur
nombre croissant).
Avec la modernisation, la mendicité des enfants qui avait traditionnellement un
objectif de formation à l’endurance au sein de la communauté d’origine, est devenue un
facteur de risques pour les enfants. Les besoins primaires des apprenants (talibés) n’étant
plus assurés par la communauté du fait de la migration des établissements d’apprentissage
coranique (daara) vers les villes, les enfants courent des risques d’exploitation, de traite,
de maltraitance dans les rues et sentiers des villes pour remmener une pécule obligatoire
pour éviter des châtiments cruels qui ont menés certains à la mort (c’est le risque de la
suggestibilité terreau des obscurantismes et prolégomènes aux activités maffieuses). Les études menées
sur la mendicité récemment démontrent que la recrudescence des talibés dans les grandes
villes n’est pas liée à la crise, mais au nombre de parents qui confient leurs enfants à un
maitre coranique ou à un tiers n’assumant ni appui financier ni visites régulières. Ce sont
des situations d’abandon de fait soit par incapacité à subvenir aux besoins, soit par
disparition des géniteurs éloignés au sein de familles déjà nombreuses. Il serait
intéressant d’étudier dans le cadre de recherche future comment les parents ayant
« abandonné » complétement leurs enfants aux mains des marabouts ont eux-mêmes été
affectés par la crise.
Les enfants des rues au Mali, selon l’étude de la DNDS, sont le plus souvent des
garçons (94%) âgés de 5 à 14 ans. La plupart de ces enfants proviennent d’une famille
nombreuse souvent d’origine rurale ayant migré vers une zone urbaine. Ils sont souvent
issus de ménages recomposés ou de mère seule. Le tiers de ces enfants sont orphelins.
Ils peuvent être trouvés la nuit dans les édifices publics, les marchés ou sous les ponts.
Vivant en bandes, déscolarisés, (8% actuellement et plus d’un tiers d’abandon), ils adoptent des
conduites adaptatives pour survivre et sont exposés à toute sorte de déviances. Le plus
souvent ils vivent et s’organisent en bandes. Bon nombre sont exposés à des risques (vols,
violences commises ou subies, etc…) sont en contact avec des substances toxiques.
3.2.3. La traite des enfants
La traite des enfants est une des pires violations des droits de l’enfant au Mali en
dépit des mesures pour combattre ce fléau. Le Code Pénal malien (article 244) décrit le
trafic des enfants comme « L’ensemble du processus par lequel un enfant est déplacé, à
l’intérieur ou à l’extérieur d’un pays, dans les conditions qui le transforment en valeur
marchande pour l’une au moins des personnes en présence, et quelle que soit la finalité du
déplacement de l’enfant… ». Voir remarque en note de fini. Désigner un crime de traite d’enfant suppose la présence d’un déplacement
interzone, d’un accord d’échange, d’un intermédiaire et d’une intention d’exploitation de
l’enfant. Le gouvernement malien a adopté un arsenal de mesures pour combattre le fléau
dont :
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
37
- la définition et la pénalisation de traite des enfants par l’article 244 du code pénal
du Mali (Loi N° 01-079 du 20 août 2001)
- l’Arrêté N°06-1940/MPFEF-SG du 08 Septembre 2006 portant création du Comité
National de Suivi des Programmes de Lutte contre la Traite des Enfants au Mali.
- le Décret n°2011-036/P-RM de 3 février 2011 portant création du Comité National de
Coordination de la Lutte contre la Traite des Personnes et Pratiques assimilées.
- l’adoption de la loi N°2012 /023 du 12 juillet 2012 sur la traite des personnes et
pratiques assimilées
- la conclusion d’accords multi et bilatéraux de coopération en matière de lutte contre
la traite des enfants avec certains pays voisins (Côte d’Ivoire, Burkina Faso, Sénégal et
Guinée) et la sous-région ouest africaine.
- l’adoption du plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants au Mali
(PANETEM) le 08 juin 2011 ;
- l’institution d’un titre de voyage pour enfant suivant le décret n° 01-534 P-RM du 1er
novembre 2001, portant institution d'un titre de voyage tenant lieu d'autorisation
de sortie pour les enfants âgés de 0 à 18 ans et, son arrêté d’application « Arrêté
interministériel n°0302/ MPFEF-MSPC-MATCL du 2 février 2002 déterminant les
spécifications techniques du titre de voyage tenant lieu d’autorisation de sortie pour
les enfants âgés de 0 à 18 ans »
- la mise en œuvre de programmes et de projets de lutte contre la traite des enfants
notamment le projet LUTRENA.
- l’Arrêté N°09 - 0151/MTFPRE-SG, du 4 février 2009 complétant la liste des travaux
dangereux pour les enfants âgés de 0 à 18 ans
- la forte implication des communautés dans la lutte contre la traite par la création
de des structures de surveillance communautaire.
Malgré la volonté politique, le Mali demeure un pays d’origine, de transit et d’accueil
pour la traite des enfants. Les réseaux locaux et régionaux d’échanges de personne sont
une part de l’histoire du Mali depuis des siècles ; et c’est ce « savoir-faire » qui sert de
socle à la traite clandestine des enfants. Les enfants victimes de traite sont le plus
souvent des garçons d’origine rurale, âgés de 10 à moins de 18 ans. Ces enfants souffrent
souvent de chocs possiblement traumatiques depuis le départ de leur zone d’origine aux
conditions adverses qu’il trouve à l’arrivée en passant par un voyage souvent périlleux. Ils
sont souvent victimes d’exploitation (mendicité, travail, abus sexuel, etc…)
3.2.4. Les enfants victimes de maltraitance et d’abus (mendicité, travail, abus
sexuel, etc…)
La violence sur les enfants est un fait quotidien inscrit dans un habitus fataliste et
résigné : «il faut bien qu’il y ait des pauvres pour pouvoir faire l’aumône», «c’est Dieu qui le
veut, on n’y peut rien» soit un truisme socialement admis mais aggravé. Les traumatismes
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
38
sont évidents (climat d’angoisse, incertitude quant à l’avenir, comportements oppositionnels déviants ou
dangereux…). Le conflit a exacerbé une violence physique envers les enfants (déjà bien ancrée
dans les pratiques), les abus sexuels. La violence sur les enfants est un fait quotidien au Mali
comme dans le reste de l’Afrique de l’Ouest, intégré dans les us et coutumes comme moyen
d’éducation. Les enfants en sont victimes dans tous les lieux où ils devraient être protégés:
foyers, communautés, écoles, établissements scolaires, dans les centres de prise en charge,
le système judiciaire, dans les lieux de travail et dans tous autres lieux de vie. La
maltraitance se manifeste sous diverses formes et des formes perverses : abus,
harcèlement sexuel, exploitations sexuelles, maltraitance physique et psychologique,
négligence, infanticide, etc. Les filles y sont plus sujettes que les garçons, plus exposées à
tous types de violences47. Certaines leurs sont particulières (mutilations génitales féminines,
mariage précoce ou forcé, exploitation sexuelle...)
Il y a une explication sociétale à ces formes de violences à nécessairement traiter
au plan clinique et socio-éducatif. Les habitus laissent à penser par exemple qu’une fille non
excisée ne trouvera jamais à se marier, que les filles doivent servir l’homme, qu’une jeune
rompue au travail fera une bonne épouse soumise, etc. Revenir sur ces arguments érigés
bien souvent en valeurs, supposerait un lent travail de conscientisation notamment auprès
des autorités socio-éducatives, juridiques, religieuses avec le concours des personnels de
santé soit une stratégie de très long terme n’excluant pas un ensemble répressif en cas
d’abus manifeste.
Dans la perspective d’une résolution durable des conflits, il faudrait se mettre en
capacité de poursuivre des crimes trop souvent cachés pour que ne s’installe pas un système
d’impunité légitimant des agresseurs susceptibles de croiser leurs victimes avec toute la
violence que cela suppose.
Selon l’étude sur l’impact du conflit sur le bien être émotionnel des enfants dans
le Nord du Mali réalisée par Plan Mali et le CEGID (Serigne Mor Mbaye, Rokhaya Ndoye Mbaye)
en juillet 2014, les enfants ont rencontré durant le conflit armé de 2012 des événements
douloureux multiples dont les agressions sexuelles, les enlèvements, et l’exposition à la
violence publique (attaques, destruction de maison, incendies, etc.…).
Les deuils et traumatisme de ce passé sont encore vivaces lorsque survient
l’occupation. Aujourd’hui les djihadistes sont officiellement partis, mais il subsiste un
climat d’angoisse et d’incertitude face à l’avenir : la forte militarisation de l’environnement
a remplacé les patrouilles incessantes des occupants, les jeunes adoptent des
comportements oppositionnels pouvant être caractérisé comme déviants voire dangereux
pour leur sécurité …La société est comme arrêtée... Malgré la présence des forces de la
47 Evaluation de l’impact de la crise sur le bien-être des enfants, Plan Mali/CEGID. Mbaye S.M, Mbaye R.N. Juillet 2014
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
39
MINUSMA et de la CEDEAO pour garantir la protection des citoyens, les peurs sont là
avec une forte tonalité post-traumatique; l’exposition aux événements hors du commun
n’est pas encore achevée (voir tableau ci-dessous); la communauté toute entière se trouve
enfermée dans le temps, emprisonnée dans le présent…
La situation de conflit a assurément exacerbé l’ampleur de la violence physique
envers les enfants déjà bien ancrée dans les pratiques d’éducation, mais aussi le
phénomène d’abus sexuel. Les filles sont aujourd’hui encore plus exposées à la violence
quotidienne et aux agressions sexuelles. Le traitement qui leur est infligé (violences
physiques, verbales, négligences) était inscrit dans la trame sociale bien avant la crise. Durant
la période post conflit, les abus envers elles ont perdurés au sein des communautés,
accentués certainement par la précarité qui a conduit de nombreuses jeunes filles à un
travail de domestique hors de l’espace familial. On peut penser aussi que les contraintes
d’une charia obscurantiste aient renforcé un habitus questionnant, aient légitimé des
pratiques communautaires contestables au regard des risques d’exposition des enfants,
surtout des filles à la violence aujourd’hui.48
3.2.5. Les enfants abandonnés
Le phénomène est particulièrement marqué ou évident dans les grands centres urbains tels
Bamako, certaines capitales régionales. L’Etat témoigne d’un volontarisme en termes
d’accompagnement ou facilitation des démarches d’adoption, par des textes législatifs et
réglementaires régissant les institutions éducatives ou de rééducation pour enfants :
le décret N° 99-450/P-RM du 31 décembre 1999 fixant les conditions de création
et déterminant les modalités de fonctionnement des Institutions Privées d’Accueil
et de Placement pour Enfants ;
le décret N°02 -067 / PRM du 12 février 2002 fixant les conditions de création et
les modalités de fonctionnement des Institutions Privées, d’Accueil, d’Ecoute,
D’Orientation ou d’Hébergement pour Enfants ;
le décret 006 P- RM du 11 janvier 2006 fixant l’organisation et les modalités de
fonctionnement du Centre d’Accueil et de Placement Familial (CAPF).
Ces mesures sont cependant insuffisantes face à un phénomène qui ne cesse de s’accroitre
3.2.6. Les enfants vivant avec un handicap
Les principaux handicaps identifiés chez les enfants sont des troubles psychiques
graves, handicapés sensoriels (cécité, malvoyance, surdimutité) et handicapés. Le cas des enfants
albinos peut aussi s’y rajouter. Les enfants vivant avec un handicap sont d’abord socialement
48 Les enquêtes MICS et EDSM fournissent des chiffres qui démontrent la recrudescence des abus sexuels, mariages
précoces et exploitation sexuelle sur les enfants, surtout les filles
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
40
stigmatisés et il n’est pas rare d’entendre des propos stigmatisant d’adultes, reliant le
handicap à une volonté divine. Ils ont moins de ressources pour accéder ou réussir dans un
établissement d’enseignement quelconque, du fait des difficultés d’accès, et des effets
stigmatisation basée sur leur condition. Or tout enfant a droit à être éduqué. Le
gouvernement (Programme de Réadaptation à Base Communautaire (RBC) mis en œuvre par le Ministère du
Développement Social) et ses partenaires tentent de lutter contre l’exclusion de ces enfants
en menant des activités de prévention, de dépistage, de prise en charge des soins médicaux
en lien au handicap, des programmes de réadaptation fonctionnelle et d’éducation, la prise
en charge d’appareillage49. Les réponses du secteur privé, après un réel essor, connaissent
de sérieuses difficultés imputables très souvent au manque de moyens financiers, à la faible
qualification et motivation des personnels. Il existe très peu de données informatives de
référence sur la situation des enfants vivant en situation de handicap pour avoir une image
claire de leur nombre et besoins spécifiques. Ce qui est certain, c’est que du fait des
conflits, des armes cachées encore actives, leur nombre est en croissance exponentielle.
3.2.7. Enfants affectés ou infectés par le VIH/SIDA
Selon les données de l’EDSM-IV-2006, la prévalence du VIH au Mali est estimée à :
0,7 % chez les jeunes de 15-24 ans
1,1 % chez les personnes de 20-24 ans
0,5 % chez les personnes de 15-19 ans
1,3 % de la population
Les jeunes et les adolescents sont les populations les plus exposées de la société
à l’infection du virus, les jeunes femmes plus enclin que les jeunes hommes à être infecté
par le virus (les hommes se soumettent mal aux techniques d’évitement ou cachent plus ou moins
délibérément leur séropositivité).
Il existe pourtant de fortes incitations gouvernementales en ce sens sous
l’autorité du Haut Conseil National de Lutte contre le Sida (HCNLS), présidé par le
Président de la République du Mali et un secrétariat exécutif, qui œuvre pro activement
depuis sa création en 2003. Les thérapies antirétrovirales sont aujourd’hui gratuites
comme institué par le décret no 05-147/P-RM de 2005. De plus, un plan stratégique plus un
plan national de prévention contre le VIH/Sida pour les jeunes et les adolescents ont été
49 La Direction Nationale de l’Education Préscolaire et Spéciale prévoit d’améliorer l’accès à l’éducation des enfants
déficients et ceux à besoins éducatifs spéciaux.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
41
mis en œuvre au Mali, suite aux principales recommandations issues de la Conférence de
la jeunesse du Mali soutenue par l’UNICEF en 200950.
Cependant, le dispositif légal en matière de prise en charge des enfants infectés
par le VIH/SIDA reste encore faible et les données désagrégées sur la transmission
mère-enfant et les orphelins du SIDA ne permettent pas de chiffrer l’ampleur et les
spécificités de la pandémie au Mali.
3.2.8. Les enfants non enregistrés à l’état civil
Selon le rapport EDS IV de 2006, plus de 47% des enfants au Mali ne sont pas
enregistrés à l’état civil à la naissance. Les enfants non enregistrés peuvent difficilement
avoir accès aux services de l’état qui peuvent les aider dans leur développement, aux
avantages sociaux fournis par les parents tels l’assurance maladie et la réclamation légale
d’un héritage.
Les enfants non enregistrés à l’état civil se retrouvent plus dans les zones rurales
(55%) que dans les zones urbaines (25%). Les régions les plus concernées sont Mopti (62 %),
puis Tombouctou (61%), Gao (54%) et de Ségou (53%) et enfin Kayes (50%), Koulikoro (48%),
Sikasso (39%) et Kidal (20%). Les efforts les plus avancés sont à Bamako (16% d’enfants non
enregistrés) et Kidal (20%). Les raisons identifiées pour la non déclaration des enfants sont
la pauvreté (l’accès au service n’est pas gratuit) et le manque d’information et de sensibilisation
des parents, principalement en milieu rural.
Vulnérabilités liées à la situation d’urgence
Le Mali déjà déstabilisé par les crises (alimentaire, sécuritaire et politique) l’a été plus
encore en 2012 par l’occupation d’une partie du territoire par les indépendantistes et
djihadistes. L’occupation de Tombouctou, Gao et Kidal (et d’une partie des régions de Ségou et
Mopti) par le mouvement indépendantiste du MNLA et le mouvement djihadiste de AQMI,
du MOUJAO, d’ANSARDINE. Le déplacement massif des populations de ces régions en
direction du sud et des pays limitrophes (Burkina, Mauritanie, Niger, Algérie, etc…) est une des
conséquences actuelles les plus visibles. Il y a encore de nombreux déplacés (227.206 dont
167.245 réfugiés dans les pays voisins). Selon Save The Children51, 203.500 enfants en février
50 La conférence de la jeunesse du Mali est le premier forum des jeunes leaders ouest africains pour la réalisation des
OMD et la prévention du VIH/SIDA. Elle s’est tenue à Bamako en juin et juillet 2009.
51 Save the Children 13/02/2013
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
42
2013. Des mouvements transfrontaliers ont aussi été notés suite à la crise de 2012 vers
l’Algérie, le Burkina Faso, la Mauritanie et le Niger. Les données collectées par les équipes
de l’OIM, de la Direction Nationale du Développement Social (DNDS) et de la Direction
Générale de la Protection Civile (DGPC) sont régulièrement mises à jour à partir de la
Matrice de Suivi des Déplacements (Displacement Tracking Matrix –DTM52-). Cet outil informe
dans son rapport d’avril 2014 que les mouvements de personnes déplacées vers le nord
perdurent même si une tendance à la baisse est observée depuis le début de l’année. En
effet, des mouvements de retour spontanés (concernant des milliers de déplacés internes et
réfugiés) se sont opérés suite aux élections présidentielles et législatives d'octobre 2013.
Au début de l’année, 283.935 personnes à Gao, Tombouctou, Kidal et Mopti, sont
retournées chez elles. Leurs besoins immédiat sont alimentaires (45% des ménages interrogés),
l’abri (18%), l’emploi (13%), le transport (7%). De nouvelles fragilités sont apparues : enfants
enrôlés de forces, non accompagnés ou séparés de leur famille, victimes de violences
sexuelles, physiques, de mariages forcés, victimes d’explosifs, etc...
Aujourd’hui, avec la reprise des affrontements entre les forces gouvernementales
et les rebelles depuis mai 2014 à Kidal (plus de 3000 personnes) et Gao ont fui les quartiers
touchés53. Le nombre des déplacés récents vers le sud ou d’autres pays (Intikane au Niger en
provenance de Meneka à Gao ; Bobo Dioulasso au Burkina Faso provenant de Gao et Bamako ; camp de Mbera
en Mauritanie venant de Tombouctou) 54 , même s’il n’est pas élevé reste alarmant car de plus en
52 L’OIM en étroite collaboration avec le Ministère de la solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction au nord
ainsi que le Ministère de l’intérieur et de la sécurité, mène depuis juin 2012, son programme de Matrice de Suivi des
Déplacements (Displacement Tracking Matrix-DTM) dont l’objectif est de collecter des données sur les populations
affectées par le conflit de 2012.
53 « Selon notre partenaire au nord du Mali, IEDA Relief, la ville de Kidal s'est déjà vidée de 3 000 habitants ayant fui les
quartiers touchés. Ces personnes ont rejoint principalement la périphérie de la ville ou se sont dirigées vers Gao, où 400 d'entre elles sont déjà arrivées. Ces personnes ont indiqué à nos équipes avoir été forcées de se cacher dans leurs maisons à Kidal durant deux jours sans nourriture, en attendant une accalmie des combats. Elles ont également déclaré que davantage
d'habitants sont sur le point de fuir Kidal et Menaka vers Gao » ; Adrian Edwards, porte-parole du HCR, conférence de presse du 23 mai 2014 au Palais des Nations à Genève 54 Chiffres fournis par IEDA RELIEF
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
43
plus croissant55. Par ailleurs, de nouveaux types de réfugiés arrivent aujourd’hui au Mali,
en provenance de la République centrafricaine (RCA) dont près de 190 demandeurs d'asile
ont été reconnus officiellement comme réfugiés.
Les besoins les plus saillants des ménages en situation de déplacement sont
l’alimentation (45% des ménages interrogés), l’abri (18%), l’emploi (13%) et de transport vers le
lieu d’origine (7%). L’aide qu’ils reçoivent concerne surtout des couvertures, des jerrycans
et des seaux. Les services d’accompagnement psychosocial n’existent le plus souvent que
dans les programmes ou avec les activités ludiques de groupes d’enfants. Il n’existe pas à
proprement dire de programmes de renforcement de l’estime de soi et de l’adaptative, ni
de résilience communautaire pour favoriser le retour à la normalité et l’apprentissage du
respect de l’autre et de la résolution non violente de conflits.
De nouveaux types d’enfants vulnérables apparaissent dans un contexte d’urgence/
recouvrement. Il s’agit des enfants associés aux groupes et forces armés, enfants non
accompagnés ou séparés de leur famille, enfants victimes de violences sexuelles,
physiques, de mariages forcés, enfants victimes des restes explosifs de guerre, etc...
3.3.1. Les Enfants Associés aux Forces et Groupes Armés (EAFGA)
Comme dans tous les conflits armés, la présence d’enfants auprès des forces ou groupes
armés est une situation inacceptable qui sous-tend un agrégat de drames et douleurs.
- Des estimations inter-agences du système des Nations Unies publiées en mars 2012
déclarent la présence de 137 enfants enrôlés par des groupes armés. Ils ont été
recrutés pour appuyer la «police islamique» dans les tâches quotidiennes voire
participer aux combats (affectés à la gestion des points de contrôle, aux patrouilles, engagés dans
des affrontements comme éclaireurs, démineurs, coursiers, espions, cuisiniers…). Dans ce type de
guerre les enfants sont des proies faciles parce suggestibles, facilement
«endoctrinables». Ils peuvent devenir de redoutables tyrans pendant et au retour par
l’exacerbation de la toute-puissance une arme à la main. Cela en fait des victimes
difficilement curables, des exclus potentiels avec une dépendance acquise (aux
stupéfiants). Quelques récits d’enfants anciennement associés à des forces dissidentes
illustrent le vécu de ces enfants auprès des groupes armés.
«La formation militaire a duré 6 mois. Elle s’est déroulée dans la région de Taghar Gharine (Adrar Tigharghar). Elle m’a permis d’apprendre l’usage de plusieurs types d’armes: Kalachnikov, Dushka, RPG 14,5… Après la formation, j’ai appelé mon père dans l’objectif de retourner chez moi. Mon père m’a menacé. Il a dit qu’il va me jeter à jamais en prison s’il réussit à mettre la main sur moi. Je suis devenu alors plus déterminé à rester au sein d’Ansar’dine. J’étais convaincu que je faisais le djihad pour le sanctuaire d’Allah. Je souhaitais
55« Début mai, environ 137 000 Maliens étaient toujours des réfugiés au Burkina Faso, au Niger et en Mauritanie, alors que 137 000 autres étaient toujours déplacés internes au Mali, du fait de l'instabilité et de l'insécurité dans le nord du
pays »UNHCR, Profil d’opérations 2015-Mali
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
44
la mort chaque jour pour avoir accès au paradis et me débarrasser des souffrances de la vie» Abderahmane (nom d’emprunt), 15 ans lors du conflit «A l’âge de 12 ans, je rêvais déjà de porter les armes. Quand la révolution de l’Azawad est déclenchée en 2012, j’ai rejoint le Mouvement national pour la Libération de l’Azawad (MNLA). Mais, comme il n’avait pas assez de moyens, je l’ai quitté pour le Mouvement pour l’Unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Celui-ci me payait mensuellement 50.000 FCFA (75 €)». Yousouf (nom d’emprunt), 15 ans lors du conflit.
«Les mouvements djihadistes n’imposaient pas aux enfants de les joindre ; mais, ils les incitent avec le paiement de quelques petites sommes. Ils ‘sensibilisent’ les enfants et jeunes des villages et campements sur la lutte contre les corrompus à travers l’application de la charia…Ces campagnes de sensibilisation ont conduit au recrutement
de 300 enfants soldats entre novembre 2012 et début 2013… beaucoup d’enfants soldats ont regagné les siens après l’intervention de l’armée française, mais «ils adoptent une idéologie djihadiste». ». Nabila, 14 ans.» a-t-elle précisé.
De fait, les EAFGA peuvent être considérés comme des victimes d’une exploitation
sordide et perverses difficilement remédiable, ce qui constitue l’une des pires formes de
travail des enfants
Les filles (rarement engagées militairement), sont utilisées comme domestiques ou
esclaves sexuelles56 (avec risque de grossesses précoces et non désirées). De plus en plus de graves
sévices et traitements dégradants à l’endroit des femmes et elles filles entrent dans
l’arsenal répressif des groupes armés (tabassage public, violation de leur intimité, viol en présence
des membres de la famille etc.).
Dans le courant de l’année 2014, l’UNICEF a pu réunir, avec leur famille, 36 garçons
préalablement enrôlés dans les rangs de groupes armés à Gao, Kidal, Mopti et
Tombouctou. L’UNICEF et les autorités maliennes ont mis en place en 2013 un Centre de
Transit et d’Orientation (CTO) à Bamako afin d’accueillir les enfants soldats impliqués
dans les combats auprès des mouvements rebelles occupants le Nord du Mali. Les sept
enfants qui y étaient placés en mai 2013 avaient entre douze et quinze ans ; ils étaient
originaires du Mali, mais aussi de pays voisins tels Burkina Faso, du Niger de la Mauritanie.
Ces enfants ont reçu un accompagnement psychosocial fourni par l’association italienne
Intersos. S’il y a eu 22 enfants libérés et remis aux agences de protection de l’enfance
après l’opération Serval, le sort de la centaine d’EAFGA identifiés demeure incertain. Les
principales vulnérabilités auxquelles les EAFGA ont eu à faire face, les événements
potentiellement traumatiques ou mortels, l’exclusion le rejet social, la déscolarisation,
56 Revue Documentaire sur la Protection de l’Enfance dans le Contexte de la Crise Malienne. Mars 2013. Global Protection
Cluster
Figure 4: enfants soldats
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
45
les abus sexuels maltraitances, les grossesses non désirées; l’abus ou la dépendance face
aux stupéfiants, l’exposition aux IST, VIH et SIDA.
L’état pour accompagner ces enfants, lutter contre le risque d’enrôlement des
enfants, a adopté la circulaire interministérielle sur la prévention, la protection, le retour
en famille du 07 février 2013 ainsi que le protocole d’accord entre le gouvernement du
Mali et le système des Nations Unies au Mali relatif au transfert des enfants associés
aux forces et groupes armés du 1er juillet 2013.
Cependant de nouvelles générations d’EAFGA sont présentement en train d’être
formés avec la reprise des hostilités dans le Nord, la sensibilisation pour le jihad, et
surtout la contrepartie financière versée directement à l’adolescent ou à sa famille. Une
attention particulière doit leur être apportée surtout en termes de prévention des risques
encourus sur des tableaux ou il est insupportable de voir un enfant figurer.
3.3.2. Les enfants séparés (ES) et les enfants Non Accompagnés (ENA).
Le «confiage» est une pratique traditionnelle sahélienne qui consiste à envoyer un
enfant dans une famille parente ou amie pour son éducation ou le renforcement des liens
entre familles. Peu d’enfants du Nord avaient, avant la crise, visité une région du centre
ou du sud57. Plusieurs familles ont dû par choix de sécurité, par force (recrutement des enfants
au sein des groupes armés, par exemple) ou par accident (familles en déplacement) envoyer leurs
enfants ailleurs. La plupart gardent toujours des contacts avec leurs familles mais sont
fragilisés : sujets à des privations, à la non satisfaction des besoins de base mais aussi de
la maltraitance dans les familles d’accueil ou les camps de réfugiés. Le pronostic
d’ataraxieii est quasi nul, des prises en charges sont à envisager.
En décembre 2013, 853 ES/ENA ont été répertoriés58, soit un chiffre en baisse59
suite aux cas réussis de réunification d’enfants avec leurs familles. Les besoins
prioritaires de ces enfants sont :
1. l’accueil et l’hébergement,
2. l’alimentation / l’habillement
57 Evaluation de l’impact de la crise sur le bien-être des enfants, Plan Mali/CEGID. Mbaye S.M, Mbaye R.N. Juillet 2014 58 Après vérification 90% de ces enfants étaient des enfants confiés. Rapport du Groupe de travail IDTR 2014 59 OCHA Mali a identifié par les membres du sous cluster protection de l’enfance dans son rapport de la situation N°39 du 26 août 2013 1 536 enfants séparés et non accompagnés
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
46
3. l’accompagnement psychosocial, scolaire, médical et juridique. Un vrai programme
de réinsertion60 devra se baser sur une stratégie claire ; des actions visant à
répondre ou satisfaire ces besoins élémentaires.
3.3.3. Les Enfants Victimes d’armes de guerre et mines (Restes Explosifs de Guerre et Mines :
REG)
L’occupation du Nord Mali par des groupes rebelles est, sans conteste un drame dont
l’effet est de subvertir un ordre établi. Pour y parvenir, il faut « faire table rase du passé »
et installer un régime de terreur durable. Les narcoterroristes ont dissimulé une multitude
d’engins explosifs improvisés dans des lieux hautement fréquentés. Les jeunes enfants y
sont particulièrement exposés. L’intervention française a permis de libérer la plupart des
zones occupées, mais les rebelles ont continué de mener le combat avec l’utilisation des
REG/mines. Plusieurs évaluations réalisées à Tombouctou et Gao confirment une forte
incidence en termes de pollution par mines et restes d’explosifs de Guerre divers (REG). Le
danger se situe le plus souvent dans des lieux de socialisation (écoles, les centres de santé, les
chemins vers des points d’eau, etc.). Les lieux de dépôt et le nombre de mines ou munitions
enfouies restantes n’est pas exactement identifié.
Le service de l’action anti-mines des Nations Unies (UNMAS) a recensé au moins 128
victimes civiles des EID au Mali de 2012 à 201461. Les jeunes enfants sont particulièrement
exposés aux EID (71 victimes) car ils les confondent souvent avec des jouets. La région de
Gao compte aussi un grand nombre de victimes (45), puis Mopti, Tombouctou, Ségou et
Kidal. Bien que l’année 2014 enregistre une baisse du nombre de victimes de REG/mines (23
victimes, contre 54 en 2013 et 51 en 2012), le risque présent est un frein au rétablissement d’un
rythme normal de vie dans le Nord au retour des déplacés dans leur zone d’habitat. Les
autres conséquences de l’existence des REG/mines sont aussi :
la restriction des mouvements des populations, notamment les enfants
60 Processus d’IDTR (L’identification, la documentation, le Tracing /Recherche Familiale, la réunification familiale et le Suivi) 61 « Efficaces et garantissant l’anonymat, les mines arrivent à tuer à la fois les civils et les militaires. Les casques bleus de la MINUSMA en font d’ailleurs fréquemment les frais. Cependant les civils demeurent ceux qui paient le plus lourd tribut. A la fois exposés aux engins visant les convois militaires et des restes des explosifs, au total,
128 civils maliens ont été victimes de l’autre guerre qui sévit au moyen des mines. » .Parmi les victimes, 22 en sont mortes, 106 personnes ont été blessées ou mutilées Aliou Hasseye, © maliactu.net. http://maliactu.net/mali-au-moins-128-civils-victimes-de-la-guerre-des-mines/#sthash.Qg4HlS14.dpuf
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
47
la restriction des activités agricoles
les blessures / mutilations
les tueries
la perte des parents
la pollution de l’environnement, etc…
Plusieurs actions sont menées pour lutter contre la menace que constituent les REG/mines.
Il s’agit principalement de l’organisation de campagnes IEC62, principalement destinées aux
enfants et à leurs familles, faites d’informations sur les dangers liés aux explosifs ou leurs
restes. Des spots télévisés apparaissent régulièrement sur les chaines de télévision. Des
séances de sensibilisation des populations locales (soutenus par des affiches et panneaux
publicitaires) sont fréquemment organisées par La MINUSMA et le service de l’action anti-
mines des Nations Unies (UNMAS).
Les défis quant à la lutte contre les REG/mines devraient être assortis d’actions
concertées en termes de stratégies impliquant les parents et visant l’appropriation par les
enfants de conseils utiles et la neutralisation des engins par les services spécialisés.
Cependant le rétablissement de la paix est la condition inévitable pour instaurer un cadre
de sécurité opérant
3.3.4. Enfants ayant besoin d’un accompagnement psychosocial
L’impact psychosocial de la crise sur les enfants demeure un des défis les plus
urgents de la protection de l’enfance au Mali. Selon l’étude de Plan Mali portant sur
l’impact de la crise sur les enfants dans le Nord Mali63 , ceux-ci ont été témoins
d’événements tels que la mort, les attaques sur des proches, les abus sexuels, la vue de
cadavres ou corps mutiles, les agressions physiques verbales violentes, la destruction de
symboles religieux et culturels clés de voute des identités locales etc. Autant
d’événements traumatisants à l’origine de troubles psychologiques, psychotiques, de
crises d’angoisse exacerbées par le sentiment de mal être ou de désespoir, la peur de
l’avenir, des réactions psycho-pathologiques, etc. Les ressources en termes d’adaptabilité
émotionnelle et comportementales ont été largement entamées et des réactions psycho-
pathologiques comme les cauchemars, les troubles du sommeil, les troubles somatiques
(migraines, énurésie, maux d’estomac…), le repli sur soi, la difficulté de concentration,
exagération des craintes et des tracas, hyper vigilance, etc....
L’expérience du conflit armé a souvent provoqué des états de choc chez les
enfants. Les événements stressants, hors du commun appelés traumatiques lorsqu’ils sont
62IEC : Information/Education/Communication 63 Evaluation de l’impact de la crise sur le bien-être des enfants, Plan Mali/CEGID. Mbaye S.M, Mbaye R.N. Juillet 2014
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
48
vécus avec un sentiment d’apocalypse, de danger, d’horreur et d’impuissance. Les enfants
ont presque tous vécu (94.3% des enfants de l’étude sus citée) au cours de leur vie plusieurs
événements, parfois répétés, qui peuvent être considérés comme traumatiques. Le
taux d’enfants présentant ces symptômes d’épisodes de stress post traumatique (ESPT)64
est élevé (58.1%, dont 27.8% pour tous les symptômes). D’autres difficultés répertoriées chez les
enfants sont la dépression, les troubles psychosomatiques, les troubles dissociatifs et les
crises épileptiques. C’est une réalité traumatique indéniable mais qui n’est pas sans
conséquences dans une organisation sociale qui va avoir à composer avec cette réalité.
Le terme psychosocial se réfère à l’interaction entre l’enfant et son environnement
familial et communautaire. Les besoins de développement de l’enfant concernent tout ce
dont il a besoin pour grandir, se développer normalement vivre heureux. Les enfants
peuvent le plus souvent compter sur une personne aimante protectrice dans leur
environnement. Ils ont souvent des capacités résiduelles à entretenir des relations (surtout
avec leurs pairs) et à se projeter dans l’avenir. Cependant, les besoins sociaux (être bien nourri,
se sentir protégé, être soigné, vivre dans une maison qui ne menace pas de s’écrouler ou prendre feu à chaque
saison), les besoins psychologiques et affectifs (se sentir aimé, protégé, reconnu au sein
de sa communauté ; vivre dans un environnement symbolique fiable ; échapper à la violence
physique verbale à la stigmatisation…) sont fortement énoncés par les enfants. Or,
précisément les acteurs des terrorismes sont souvent assez subtils pour mettre à profit
ce besoin et ces aptitudes adaptatives. Ils se posent souvent en tant que pairs
protecteurs ce qui a pour effet une déstabilisation forte de l’enfant à laquelle s’ajoute un
trouble existentiel profond.
Les besoins physiologiques garantissent un environnement stable ou l’enfant peut
se sentir en confiance comme les besoins psychosociaux essentiels. Lorsqu’ils sont
satisfaits, ils garantissent la disponibilité de ressources socio-environnementales comme
autant de facteurs protecteurs, équilibrants, rassurant pouvant aider l’enfant à être
résilient (adaptatif faces aux événements difficiles) à se développer normalement. La
connaissance des besoins psychosociaux, des contraintes matérielles et affectives qui les
64 Les symptômes de stress post traumatiques identifiés chez les enfants peuvent être ressenti par 1 / La reviviscence de l’événement traumatique (Images ou souvenirs intrusifs, rêves traumatisants, événements traumatisants sans cesse revécus, douleurs provoquées par les souvenirs traumatisants) ; 2/ Le retrait social et l’évitement (Évitement de pensées, de sentiments, de lieux et de situation ; Intérêt réduit pour les activités habituelles ; se sentir seul détaché de tout contact ; Trouble de la mémoire ; Changement négatif d’orientation face à l’avenir comme les pensées morbides) ; et 3/L’hyperactivité (sensation de bougeotte et d’ agitation , éveil accru, réactivité exagérée).
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
49
limitent nous permettent dès lors de construire une intervention visant à optimiser la
capacité de résilience des enfants en s’appuyant sur leurs ressources personnelles et
celles disponibles au sein de leur communauté. Ce sont bien souvent des rencontres
fortuites qui en sont le déclencheur. A partir de là, un processus va s’engager pour peu
qu’on aide l’enfant, par le faire et la verbalisation à dépasser les mécaniques
déstabilisantes et traumatisantes de la situation de crise.
3.3.5. Les enfants victimes de Violences Basées sur le Genre
La crise a exacerbé l’ampleur des phénomènes d’abus sexuel auxquels les filles sont
trop souvent exposées. L’occupation du Nord mali par les mouvements indépendantistes,
le déplacement vers le centre et le sud, la violence de la libération, ont exacerbé l’ampleur
de la violence physique autour des enfants, mais aussi du phénomène d’abus sexuel. Les
filles sont aujourd’hui encore plus exposées à la violence quotidienne et aux agressions
sexuelles.65 Le traitement qui leur est infligé (violences physiques, verbales, négligences)
était inscrit dans la trame sociale bien avant la crise. Il procède d’un habitus se fondant
sur le déterminisme du genre devenu en certains lieux d’ordre divin donc intangible et
prédéterminant la femme dans un ordre un ordre social admis, un ordre de soumission à
l’homme.
Durant la période post conflit, les abus envers elles ont perdurés au sein des
communautés, certainement aggravés par la précarité qui a poussé de nombreuses jeunes
filles à accepter un travail de domestique hors de l’espace familial. On peut penser aussi
que leur soumission imposée momentanément à la charia ait déteint sur les pratiques et
réactivé des formes de traitements dégradants parmi lesquelles les atteintes à l’intégrité
physique et morale des filles. D’une façon globale, ces pratiques sont assimilables au
servage en ce sens que l’exposition massive des enfants à la vulnérabilité, surtout aux
violences, ont renforcé les logiques communautaires.
Le groupe de travail sur les Violences Basées sur le Genre dans le cadre de la
gestion de l’urgence pendant la crise au Mali fait état de 2857 cas en 2012, dont 211 cas
de viols; 450 cas de violences physiques ; 782 cas de violences psychologique; 181 cas de
mariages forcés. Le groupe fait état de pratiques66 telles la «réquisition» obligatoires
65 Evaluation de l’impact de la crise sur le bien-être des enfants, Plan Mali/CEGID. Mbaye S.M, Mbaye R.N. Juillet 2014 66 Stratégie Protection Mali En Situation de conflit armé, Sous Cluster Protection Bamako, décembre 2012
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
50
de jeunes filles utilisées par certains groupes rebelles à Gao67. Le Rapport du Secrétariat
Général des Nations Unies sur le sort des enfants en temps de conflit armé (15 mai 2013),
fait état de sévices sexuels répandus et systématiques commis contre des filles par les
groupes armés dans le nord du Mali (Tombouctou, Gao, Kidal et une partie de Mopti). Ainsi, 211 cas
de violence sexuelle ont été signalés : viol, esclavage sexuel, mariage forcé dans les lieux
de détention des groupes armés.
Aujourd’hui les victimes de violences sexuelles sont rejetées et stigmatisées dans
leur communauté. A Tombouctou le nom « djihadiste » est ajouté à leur prénom lorsqu’elles
sont interpellées par leurs pairs, surtout lorsqu’elles ont été mariées68 de force et que des
enfants sont nés.
Parmi les 2857 filles victimes identifiées par le groupe de travail sur les VBG, 1000
ont bénéficié de prise en charge médicale. Les dénonciations et poursuites judiciaires
s’effectuent malgré des réticences diverses69 , une loi du silence et un système de
67 Les communautés étaient obligées selon les sources de s’acquitter de l’obligation de réquisition. Les quartiers étaient ciblés en rotation et l'obligation de s'acquitter de leurs obligations de réquisition. Des victimes ont fait état de viol collectif et systématique des femmes et des jeunes filles détenues de force pendant la nuit dans des camps rebelles. 68 Plusieurs sources à Tombouctou nous ont rapporté que les mariages étaient souvent contractés obligatoirement avec plusieurs partenaires, ce qui sous tendait un viol commun sous forme de polyandrie 69 « Même si l’on attend encore que les tribunaux maliens jugent plusieurs affaires de violences sexuelles en rapport avec le conflit, il reste
que, le 12 novembre, six organisations non gouvernementales locales de défense des droits de l’homme ont porté plainte au nom de 80 femmes et filles (âgées de 9 à 55 ans) pour des violences sexuelles commises par des membres des groupes armés en 2012. La MINUSMA a aussi retrouvé 32 rescapées de violences sexuelles commises dans le cadre du conflit dans la région de Tombouctou, qu’elle a orientées vers des organisations non gouvernementales qui sont prêtes à les aider à porter plainte devant les tribunaux. La Mission suit de près les progrès réalisés concernant les affaires de violences sexuelles, notamment celles commises en rapport avec le conflit dans le cadre du système pénal. À Gao, les autorités militaires maliennes ont entravé le déroulement système pénal. À Gao, les autorités militaires maliennes ont entravé le déroulement de deux enquêtes sur des viols qui auraient été commis par des soldats des forces armées maliennes en mai, en exerçant des
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
51
protection des auteurs. Le gouvernement (à travers la Politique Nationale Genre) tente d’organiser
la réponse en étant à l’initiative d’actions de promotion, sensibilisation et communication
pour le rétablissement de valeurs le traitement égalitaire des victimes, l‘éducation à des
comportements égalitaires. Les principales contraintes dans la lutte contre les VBG sont
aujourd’hui les difficultés d’identification des victimes, la perte d’estime de soi, la
stigmatisation des survivants, l’impunité fréquente des auteurs ; les faibles possibilités
d’accès aux services d’appui, le sentiment de honte exacerbé par le regard critique et
suspicieux des proches.
Analyse des facteurs de vulnérabilité auxquels sont exposées les enfants
Selon le document d’aperçu des besoins de HNO Mali (Janvier 2015), près de 600.000
personnes sont aujourd’hui dans une situation de vulnérabilité et ont besoin de support,
dont 67.5% de retournés/rapatriés. Les femmes et les enfants sont majoritaires pur cet
échantillon. Les vulnérabilités traditionnelles étaient là avant la crise et n’ont fait qu’être
amplifiées par le chaos de 2012. De nouvelles menaces liées au confit mais aussi à l’aide
humanitaire (égalité de la distribution, trafic de biens et personnes…) émergent. Le délitement
social, l’aggravation des conflits de génération, et la perte du symbolique des pactes
anciens de coexistence sont identifiés au niveau communautaire comme les principales
sources du manque d’adaptabilité des jeunes, exposés à de nombreuses vulnérabilités. Par
ailleurs la situation d’urgence ne semble pas tourner le dos au Nord Mali, avec des rapts,
meurtres, attaques qui commencent à s’installer dans la rubrique du quotidien. Aussi,
l’accès difficile aux services sociaux de base la recrudescence du banditisme, et la
présence des REG/mines renforcent plus chez les plus jeunes le sentiment d’insécurité,
de mal être et la capacité de réalisation économique.
Quoique le Mali puisse faire aujourd’hui, si les lois ne se traduisent pas aussi en
termes économiques, elles resteront vaines et la volonté politique demeurera inefficace
et sujette à la corruption. Rechercher des réponses opposables à l’errance ou poser le
principe d’une action préventive des violences faites aux enfants depuis la crise, c’est
prendre conscience qu’il ne peut y avoir de réponse univoque (aide, police, éducation,
interventions extérieures), c’est l’illusion d’avancer. Il faut une volonté certes mais
inscrite dans un mode de pensée trilogique pour une meilleure efficacité.
pressions sur le père d’une victime âgée de 14 ans pour qu’elle retire sa plainte et en refusant à la police judiciaire d’avoir accès au violeur
présumé d’une fille de 11 ans. » Rapport du Secrétaire général sur la situation au Mali, décembre 2014.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
52
4. Analyse de la vulnérabilité des enfants et de leurs capacités de
résilience
Facteurs de vulnérabilité et de résilience
L’opinion des enfants, celle de leur entourage fut ici essentielle. Nous avons conduit
et analysé 128 entretiens individuels auprès d’enfants des régions de Bamako, Ségou,
Mopti, Gao, Tombouctou, un nombre statistiquement faible pour des résultats
significatifs mais suffisants en tant qu’indicateurs utiles à l’orientation de la
programmation. Pour être validés, ce travail mériterait une étude plus approfondie à
partir d’un échantillon plus large, voire une cohorte.
Sur la base de ces entretiens, des priorités ont été déterminées, une
hiérarchisation des besoins établie (selon la classification définie par le Catholic Relief Services70).
Dix aspects de la vulnérabilité ont été étudiés : nutrition, éducation, abri, économie,
protection, santé mentale, famille, santé, spiritualité, cohésion communautaire. Avec des
écarts selon le thème, les filles sont plus concernées que les garçons (voir tableaux de l’étude).
Un système d’exploitation fourni par les concepteurs de l’outil nous permet de
déterminer un seuil minimal de vulnérabilité. Les différents facteurs de vulnérabilité et
d’estime de soi (outil de Rosenberg) ont été croisés avec d’autres variables (âges, région, sexe,
statut social des parents, éducation, mobilité…) ce qui a permis d’affiner nos connaissances sur la
situation des enfants au Mali suite à la crise de 2012.
70 Le Catholic Relief Services (CRS) a élaboré un outil qui permet de mesurer le bien-être des enfants orphelins ou vulnérables avec une approche holistique et un processus scientifique nommé le « OVC Wellbeing Tool » (OWT). L’outil est créé par Shannon Senefeld, Susan Strasser et James Campbell, avec des contributions significatives de Dorothy Brewster-Lee, Kristin Weinhauer, Ruth Kornfield, Linda Lovick, Ana Maria Ferraz, et Rolando Figueroa.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
53
% par Région
Description de l’échantillon Bamako Ségou Mopti Tomboucto
u Gao Total
Vis avec
parent(s) 73,30% 84,00
%
93,30
% 80,00%
76,00
%
81,50
%
confié(e) 26,70% 16,00
% 6,70% 20,00%
24,00
%
18,50%
Présence du
père
Oui 46,70% 72,00
%
66,70
% 55,00%
56,00
%
59,20%
Non 53,30% 28,00
%
33,30
% 45,00%
44,00
%
40,80%
Fréquentation
scolaire
oui, fréquente 80,00% 96,20
%
90,00
% 90,00%
96,00
%
90,10%
Non, jamais
fréquenté 3,30% 3,80% 3,30% 0,00% 4,00% 3,10%
Non, ne fréquente
plus 16,70% 0,00% 6,70% 10,00% 0,00% 6,90%
Enfants mariés 3,30% 4,00% 0% 20% 0% 4,70%
Enfants travailleurs 16,70% 20,80
%
23,30
% 0% 8%
14,70
%
Enfants parents 10,00% 4,50% 10,70
% 5% 0% 6,50%
Statut parental
Mariés monogame 53,30% 61,50
%
36,70
% 36,80% 28%
43,80
%
Séparés/divorcés 6,70% 7,70% 16,70
% 21,10% 36%
16,90%
Père décédé 26,70% 3,80% 10% 5,30% 4% 10,80
%
Mère décédée 0% 3,80% 0% 5,30% 4% 2,30%
Doublement
orphelin 3,30% 0% 0% 0% 0% 0,80%
Père polygame 10% 23,10
%
36,70
% 31,60% 28%
25,40
%
Enfant orphelin 30% 7,70% 10,00
% 10,50% 8%
13,80
%
Existence d’une personne de
confiance à la maison (qui aime et
protège)
96,70% 100% 100% 90% 100% 97,70
%
Participation à des activités de
groupe 66,70%
65,40
%
63,30
% 75% 88%
71,00
%
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
54
Enfants en
besoin d’aide
(services de
base, support
relationnel)
Seuil minimal de
vulnérabilité
atteint
93,10% 88,50
%
96,70
% 90% 100%
93,80
%
Seuil de
vulnérabilité non
atteint
6,90% 11,50% 3,30% 10% 0% 6,20%
Enfants en très
forte détresse (besoin assistance
immédiate) (x(4)=0.025);
t=11.166)
Pas de signes de
détresse élevée 72,40% 100%
76,70
% 75%
62,50
%
77,50
%
Signes de détresse
élevée 27,60% 0%
23,30
% 25%
37,50
%
22,50%
Figure 5: Description de l'échantillon des enfants
4.1.1. Statut social des parents
L’hypothèse selon laquelle la famille est le barycentre de la protection semble se
confirmer : l’état des facteurs de vulnérabilité est significativement corrélé à la situation
des parents [(X(5)71=13.399 ; (t=0.020)]. Les enfants dont les parents sont séparés ou divorcés
sont aujourd’hui plus vulnérables dans cette désorganisation conséquente des crises
(38.1%). Les enfants vivant avec leur parents présentent une situation moins carencée ;
ceux vivant dans un foyer monogamique (12.5%) ayant un meilleur sort que ceux vivant avec
des parents en situation de polygamie (18.2%).
Les enfants doublement orphelins sont tous repérés par une urgence liée à une très
forte détresse affective (besoin d’assistance immédiate) surtout quand c’est du père dont il
s’agit (42.9%). La situation d’orphelin, parce que facteur renforçant la vulnérabilité
[(x(1)=0.017): t=5.674], nous pousse à considérer le plus attentivement leur situation actuelle.
Ils ont le plus souvent besoin d’assistance d’urgence (44.4% par rapport à 19.1% pour les non
orphelins). Comme toute victime ils ont tendance à se rendre responsable de ce qui leur
arrive et l’estime de soi est chez eux plus déficitaire encore.
Statut social des parents
Mariés
monoga
me
Sep/di
v
Père
décédé
Mère
décédé
e
double
ment
orpheli
n
Père
polyga
me
Total
Niveau de détresse
élevée 12,5% 38,1% 42,9% 33,3% 100% 18,2% 22,7%
Figure 6; taux de vulnérabilité comparé et en lien au statut sociojuridique des parents
La situation des enfants vivant en dehors de famille biologiques fait souvent problème.
71 Chi2_ Corrélation significative lorsque inférieur ou égal à 0.005
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
55
Si l’on retient l’hypothèse du vide affectif, les mineurs confiés (situations de confiage) ont
plus de besoins en termes de nutrition, santé, éducation, conditions d’habitat, etc. que
ceux vivant en famille naturelle. De plus, les enfants vivant avec des parents biologiques
se projettent mieux (leur futur inclue plus de projets de formation -80%- que celui des enfants confiés
-75%-).
4.1.2. Absence du père
Un questionnement paradoxal contradiction s’est imposé dans l’analyse des résultats :
l’absence du père identifiée comme un élément de vulnérabilité alors que de nombreuses
études72 n’en font guère état en tant facteur de fragilisation : de façon inattendue, les
enfants dont le père est absent ont une estime de soi plus élevée (43.1%) que les
enfants vivant avec leur père (28.8%).
Présence du père Total
oui Non
Estime de soi faible 16,4% 7,8% 12,9%
Estime de soi moyenne 54,8% 49% 52,4%
Estime de soi élevée 28,8% 43,1% 34,7%
Figure 7: Présence du père/niveau de l'estime de soi
Un début d’explication est peut-être à rechercher dans la nature ou la forme de
vulnérabilité. Il semble que l’économique (les opportunités économiques) et la cohésion familiale
(voir section suivante) peuvent fournir cette clarification. L’expérientiel subi au Nord a
impacté la cohérence de la loi familiale (porté atteinte aux statuts et prérogatives familiales,
culturelles, spirituelles). Les jeunes du Nord ne semblent plus guère donner de crédit aux
anciennes autorités (traditionnellement garantes de leur protection et avenir). L’organisation
traditionnelle fondée sur une image patriarcale et la de reproduction de savoir-faire
hérités, est remplacée par des modèles extérieurs (souvent inspirés d’industries occidentales
musicales ou sportives) vécus comme dangereux par les pairs. Les jeunes se créent leurs
références, comptent sur eux même pour s’en sortir et sont à l’affut, surtout à Bamako,
de toutes opportunités utiles. Ceux qui travaillent se sentent valorisés. Ils sont a priori
moins vulnérables, quoique…
Enfant travailleur Total
oui non
Seuil minimal de Vulnérabilité 89,5% 94,4% 93,7%
Seuil de vulnérabilité non atteint 10,5% 5,6% 6,3%
72 L’impact de la mendicité et des Violences basées sur le genre sur le bien-être des enfants au Sénégal. Mbaye Serigne Mor, Mbaye Rokhaya Ndoye. Childfund Sénégal, 2012
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
56
Figure 8: Enfant travailleur/seuil minimal de vulnérabilité
Il faut toutefois noter que par rapport aux besoins de base (nutrition, abris,
éducation, santé, hygiène…), les enfants dont le père est absent sont plus vulnérables
(36,5%) que les autres (13.2%).
Présence du père Total
oui Non
Niveau de détresse élevée 13,2% 36,5% 22,7%
Figure 9: Présence du père/ vulnérabilité élevée
Malgré l’impact de la présence du père sur la satisfaction des besoins de base, il
semble que la fonction patriarcale (paternelle ou paternante) est de plus en plus décréditée
car ne répondant plus à sa fonction ordinaire d’intégrité et d’équilibre. Ainsi, une société
régie sur un mode patriarcal, une tradition agnatique se délite et l’image du père perd de
son aura bienveillante, rassurante, facteur d’équilibre y compris juridique. Aucune société
d’ordre (isomorphe) régie par un ordre tacite n’y est préparée. Là où la démographie est
équilibrée les choses se vivent plus sereinement. Là où il y a fort déséquilibre
générationnel, un contexte de pauvreté récurrent, il y aura impréparations, conflits et
implémentations : les consciences seront dès lors «agies».
4.1.3. Déplacement
Ce contexte de crise avec la fuite brusque, les déplacements périlleux, les accueils
difficiles, a contribué à fragiliser les enfants. Alors que 75% des enfants restés sur
place ont une forte estime de soi, ceux qui se sont déplacés ont rarement autant
d’assurance (30,3%) (voir tableau comparatif suivant).
Critère pour
l’échantillon
%
d’enfants
déplacés
%
d’enfants
non
déplacés
Total
Fréquentation
école
Oui, fréquente 90,4% 90% 90,4%
Non, jamais
fréquenté 2,1% 0% 1,8%
Non, ne fréquente
plus 7,4% 10% 7,9%
Enfant marié 2,2% 20% 5,3%
Enfant travailleur x(1)=0.05 :
t=3.76 16,3% 0% 13,4%
Enfant parent 6,6% 5% 6,3%
Q135_Statut
social des
parents?
Mariés monogame 44,7% 36,8% 43,4%
Séparés ou divorcés 17% 21,1% 17,7%
Père décédé 12,8% 5,3% 11,5%
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
57
Mère décédée 2,1% 5,3% 2,7%
doublement orphelin 1,1% 0% 0,9%
Père polygame 22,3% 31,6% 23,9%
Personne de confiance dans
l’environnement immédiat 98,9% 90% 97,4%
Estime de soi X(2)=0.001 :
t=14.35
Faible 14,6% 0% 11,9%
Moyenne 55,1% 25% 49,5%
Elevée 30,3% 75% 38,5%
Note finale de
vulnérabilité
Seuil minimal de
vulnérabilité atteint 95,7% 90% 94,6%
Seuil minimal de
Vulnérabilité non
atteint
4,3% 10% 5,4%
Figure 10: présentation échantillon/ déplacement du fait crisea
Cependant, l’étude montre que la découverte d’un milieu extérieur, l’expérience de
la mobilité ne semblent pas être des facteurs défavorisant lorsque le voyage a lieu hors
contexte de crise. Dans plusieurs cas, les enfants se sont déplacés pour aller rendre visite
à des membres de la famille vivant ailleurs73 (migrations vers le centre ou le sud ou enfants d’ethnie
tamashek ayant des filiations en Mauritanie). Les enfants restés sur place depuis leur naissance
ont une estime de soi plus faible (63.2%) que ceux qui ont eu à quitter leur lieu d’habitation
(36.4%).
L’expérience de mobilité, quoique corrélée à d’autres perturbations émotionnelles74
pourrait être perçue comme initiatique, donc facteur de résilience. Le paradoxe du
confiage, (pratique anciennement socialisante destinée aussi à renforcer les liens intrafamiliaux ou
claniques) tient au fait que les enfants ainsi confiés semblent en grande vulnérabilité. Et
pourtant on observe chez eux une meilleure estime de soi (50.2%) que chez ceux qui vivent
avec leurs parents biologiques (30.7%).
Vis avec Total parent(s) confié(e)
Estime de soi faible 14,9% 4,3% 12,9%
Estime de soi moyenne 54,5% 43,5% 52,4%
73 Il s’agit d’un phénomène migratoire minoré ou d’un exode rural souvent vers les centres urbains attractifs (Dakar avec
le grossissement anarchique de ses banlieues ; Abiidjan avec Yopougon, etc.). On se donne peu la peine d’en étudier les effets or l’ampleur de l’économie de la mendicité, des trafics divers (trafic humain inclus) n’est que la manifestation visible des processus de vulnérabilisassions. 74 Cf. rapport Plan sur l’impact de la crise sur le bien-être des enfants dans le Nord du Mali, juillet 2012.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
58
Estime de soi élevée 30,7% 52,2% 34,7% Figure 11: Vis avec/estime de soi
L’expérience de mobilité affecte aussi la situation actuelle des enfants et leurs
aptitudes de survie. Le nombre d’enfants présentant un besoin urgent de soutien pour
améliorer leur développement est plus élevé pour les enfants qui ne sont jamais sorti de
leur communauté (23.7%) que ceux qui ont eu à se déplacer (18.2%). Dans les communautés
nomades l’expérience de mobilité volontaire est inscrite dans les processus identitaires.
L'enfant s'est-il déplacé depuis sa
naissance ?
Oui Non Total
Situation de détresse 18,2% 23,7% 23,1%
Figure 12: Vulnérabilité élevée/déplacement depuis la naissance
4.1.4. L’école, une opportunité de résilience Parce que stable, sécurisant le milieu scolaire semble jouer un rôle d’amortisseur
face aux expériences déstabilisantes auxquelles sont exposés les enfants. Ainsi,
nombreux sont ceux qui, ayant un cursus scolaire ordinaire75 ou l’ayant abandonné, révèlent
des réalités marquées par la vulnérabilité (6.9% des enfants scolarisés échappent à ces processus
de fragilisation). En ce qui concerne le plus haut degré de vulnérabilité, les enfants inclus
dans un programme d’éducation ont une meilleure situation (19.8% concernés). A l’inverse,
ceux n’ayant jamais fréquenté (25%) ou ayant abandonné leur cursus (55,6%), sont
d’avantage concernés. Notons que ceux, jamais scolarisés, semblent bénéficier, dans leur
environnement (famille et communautés à travers des dispositifs endogènes de socialisation), des
ressources nécessaires pour se protéger. Ils semblent moins affectés par les effets de
la crise.
Fréquente un programme d’enseignement
oui, fréquente jamais
fréquenté
ne fréquente plus Total
Pas de situation de
détresse
80,2% 75% 44,4% 77,5%
Situation de détresse 19,8% 25% 55,6% 22,5%
Figure 13: vulnérabilité élevée/fréquentation école
La fréquentation scolaire a un impact direct sur les perspectives professionnelles
futures des enfants [(X(3)=9.09) ; t=0.028)]. Les enfants actuellement scolarisés visent
souvent (82.4%) des postes ou fonctions nécessitant diplômes (pour l’essentiel : hauts
75 Programmes nationaux de français, arabe, ou coranique, ou tout autre programme d’éducation informelle.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
59
fonctionnaires, éducation, santé, armée, voire, de médecins, avocats, banquiers, industriels ou sportifs de
haut niveau).
4.1.5. Activités de groupe La socialisation entre pairs semble dans une situation de crise (post-crise) est un des
moyens efficace de réassurance (amélioration du bien-être des enfants). Les sédentaires ne
faisant partie d’aucun groupe ou ne participant à aucune activité ont une faible estime de
soi (22.9%), ceux socialisés par/avec leurs pairs (8.9%). Les activités traditionnelles des
jeunes («ballani shows», tontines de mariage pour les filles, cérémonies traditionnelles, séances de contes,
danses, chants, etc…), celles instaurées par les ONG (right to Play, espaces amis des enfants avec
l’Unicef et Plan, …) ou le gouvernement (tournois sportifs inter-écoles, animations culturelles, etc…)
semblent impacter significativement et ajoutent aux occasions de résilience. Ainsi, 32.4%
des enfants non socialisés avec leurs pairs ont besoin d’un secours d’urgence contre à
18.5% en interaction avec leurs alter ego.
Participer (appartenir) à des activités de groupe d'enfants/jeunes? Total
oui non
Seuil de vulnérabilité non atteint 81,5% 67,6% 77,5%
Seuil de vulnérabilité atteint 18,5% 32,4% 22,5%
Figure 15: Activité de groupe/vulnérabilité élevée
Perceptions des enfants
A l’analyse des vulnérabilités et des capacités de réponses des enfants, nous avons
jugé opportun d’ajouter leurs opinions sur les menaces et les forces qui affectent leur
bien-être dans leur environnement. Leur spontanéité, leur sincérité et la clarté de leurs
analyses constituent un des meilleurs atouts de cette évaluation.
4.2.1. La vie aujourd’hui dans l’entourage familier
Pour les enfants interrogés, la vie d’un jeune aujourd’hui se résume aux activités
scolaires, sportives et récréatives. Cependant, certains, du fait de l’insuffisance des
Aller à l’école
oui, fréquente Non, ne
fréquente
plus
Total
Activité nécessitant diplômes 82,4% 50% 78,9%
Activité ne nécessitant pas diplômes 11,8% 0% 10,5%
Activité nécessitant apprentissage 5,9% 0% 5,3%
Ne sait pas 0% 50% 5,3% Figure 14: fréquentation scolaire/perspectives d'emploi
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
60
revenus, sont contraints d’abandonner l’école pour trouver du travail et venir en aide à
leurs familles.
D’autres estiment que la plupart de ceux ayant grandi dans les villes telles Bamako
et Mopti sont devenus délinquants, voleurs, drogués faute à la dégradation des mœurs.
C’est à la fois un constat et le discours des agnats, une demi-vérité ne permettant pas
une autre analyse, celle de ces villes en tant que plaques tournante d’activités mafieuses,
une manne pour les narco-djihadistes. Pour eux, les principales causes de frustrations
depuis la crise, sont : la violence, le chômage, la pauvreté, le conflit armé, l’analphabétisme.
4.2.2. Perceptions des enfants sur les risques présents dans leur environnement
Parmi les éléments qui peuvent renforcer le sentiment d’insécurité chez les
enfants, nous notons diverses peurs dont celles : des agressions, des accidents de
circulations, des bandes armées, des enlèvements, des armes en circulation, des mines et
kamikazes, de la fièvre Ebola
Il arrive que des discussions aient lieu autour de thématiques liées à l’insécurité
ou aux souffrances vécues par les enfants en famille (surtout avec des grands-parents ou des
tantes, rarement avec le parent responsable). Les enfants en discutent aussi entre amis, ou en
cachette (Gao) car les regroupements font souvent l’objet de suspicion.
Ils se sentent cependant en sécurité aujourd’hui dans les zones les moins affectées
par la crise (Bamako, Ségou) ou ils pensent pouvoir compter sur l’armée, les services de l’Etat
et la présence des organisations humanitaires pour vivre en paix. Cependant les enfants
dans le Nord et à Mopti sont inquiets à cause des résurgences possibles d’un conflit
toujours lattant.
Bien être
À la question comment aimeriez-vous vous sentir aujourd’hui, les enfants disent
simplement souhaiter être heureux, entourés d’affection, en sécurité ou de retourner
auprès de leur famille (pour les déplacés/non accompagnés/séparés) :
Figure 16: Comment aimeriez-vous vous sentir aujourd’hui?
4.2.3. Stratégies d’adaptation et priorités d’actions selon les enfants
Il y a deux stratégies observables lorsque les enfants ont à faire face à des difficultés :
Heureux, bien, content
Entouré d’affection
(maison, école, communauté)
En sécurité: Retour de la paix dans le
pays, et l'entente entre
tous
Retour auprès de la famille
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
61
1. proactivité: ils vont vers les autres, en quête d’affection filiale, confier aux
parents, grands-parents, tuteurs, ami intime, marabout, leurs désarrois.
2. distance : ils restent seuls, intériorisent et n’en parlent à personne
Les enfants, pragmatiques, pensent que pour une meilleure adaptation à leur réalité,
les aider à se développer, se construire un meilleur avenir, ceux qui œuvrent pour leur
intérêt devraient s’efforcer d’améliorer leur sécurité, leurs conditions de vie, l’appui aux
parents, garantir la réussite scolaire, soutenir toutes opportunités économiques
satisfaisantes.
Stabilité du pays, retour de la paix et de la sécurité
leur conditions de vie (habitat, nouriture,loisirs, relations avec
parents/tuteurs...),
leur apporter une aide financière pour aider leurs
parents dans la prise en charge de leur besoins quotidiens
garantir leur éducation et leur accès à des opportunités
économiques satisfaisantes
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
62
Les enfants, dans toutes les régions estiment pouvoir contribuer aux activités
de protection de ceux victimes de maltraitances et d’abus en s’impliquant dans les
activités de prévention ou de soutien aux nécessiteux.
Les enfants pensent qu’avec de bonnes études, ils seront en mesure d’aider les
autres. Ils ont aussi évoqué le soutien mutuel et pensent que, solidaires et s’entre-aidant,
ils amélioreront leur conditions de vie. Beaucoup d’ailleurs, (surtout les adolescents) insistent
sur le rôle qu’ils pourraient jouer dans la sensibilisation et la prévention des abus et
maltraitances à enfants.
Priorités selon les parents et communautés
Nous avons souhaité interroger les communautés pour
recueillir leur avis sur les effets de la crise quant aux
enfants (niveau de protection des enfants, insécurité, risques de
maltraitance, etc.). C’est 24 focus groupes (12 d’hommes et 12 de
femmes) tenus avec des groupes constitués de huit à 12
personnes. Leurs réponses expriment avec force leurs
préoccupations quant aux maltraitances vécues par certains
enfants, leur incompréhension quant aux comportements
défiants qu’ils adoptent de plus en plus. Les participants
refont l’historique de la crise qui s’est installée dans le pays,
retracent le parcours des familles déplacées, analysent ce
qui a contribué à l’accroitre le nombre des enfants en situation de rue où ils sont exposés
à tous types de violences. Pour eux, il semble que le nombre de cas d’enfants victimes de
violences a augmenté depuis 2012, du fait de : l’occupation des groupes armés qui exercent
toutes formes de violences sur les populations : «ces auteurs étaient armés, puissants,
Figure 18: Focus groupe
Femmes à Bamako. Décembre
2014
Prévention• veiller sur les frères et sœurs et les amis
• limiter les sorties nocturnes
Soutien• gentillesse
• discussion
• appui en nature (chaussures, habits)
17: contribution souhaitée par les enfants dans la protection de l'enfance
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
63
forts et avaient le contrôle totale des zones» ; la pauvreté galopante ; l’absence
d’initiative politique en termes de protection de l’enfance ; la déperdition scolaire et
l’exode massif des jeunes filles vers les zones urbaines.
4.3.1. Protection des enfants dans les sociétés traditionnelles
Pour certains, à l’époque des grands-parents, il y avait peu d’actes de violences sur
les enfants76. Ils y voient plusieurs raisons :
L’enfant était la propriété de la communauté, chacun se devant de participer à son
éducation, à son bien-être.
Dans la famille des personnes (grand-mère, frère de la mère ou sœur du père) avaient une
fonction protectrice pour l’enfant et se souciaient de son bien-être.
L’organisation et la structuration familiale était telle que l'enfant n'avait pas la
possibilité de quitter la sphère socio-familiale : les gens, unis en collectif, avaient
des moyens matériels et organisationnels de les protéger.
A contrario, pour d’autres cependant, les actes de maltraitance ont toujours existé
mais à la communauté avaient mis en place des mécanismes de protection et de régulation :
«une concertation familiale et communautaire autour du problème», «une entraide
sociale».
Il semblerait que par effet de délitement sociétal, les enfants soient moins
protégés. La crise comme la modernité ont perturbé un système qui, en dépit ou n’arrivant
pas à dépasser ses contradictions tentait de subsister. Lorsque les mausolées des saints
ont été détruits, des pères giflés par des enfants tenant des armes pour avoir touché
leurs barbes, des mères flagellées pour avoir roulé sur la moto derrière leurs propres
frères…l’absurde, l’inepte s’installa.
Force est d’observer une société en mutation et les effets iatrogènes77
d’initiatives diverses. Il appert que la famille est en mutation passant du communautaire
à la monoparentalité, où chaque enfant est le «problème» de ses géniteurs. L’entraide est
une réalité en voie d’obsolescence. Ainsi, les captieux, -tels de bon satrapes vouant aux gémonies
la modernité- au prétexte d’un ordre en passe de se subvertir affirment une volonté de
réification dont l’acmé fut la crise de 2012.
76 Une illusion dans la mesure où l’enfance s’arrêtait à la puberté ou l’âge nubile, où l’enfance avait «peu de valeur» et encore moins selon l’origine, où on n’en parlait pas. 77 Iatrogène : se dit d’une maladie qui est la conséquence d’un médicament
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
64
4.3.2. Question de genre
Dans toutes les zones, il a été mis en évidence que les filles et les garçons ne sont
pas pris en charge de la même façon : les filles sont plus «surveillées» par les parents (du
fait de leur supposée vulnérabilité). Les garçons sont plus aventuriers. A l’adolescence,
conquérants, il est bon ton pour eux de s’affirmer, de jouer les cadors. Mais, cela les
fragilise, les rends suggestibles, in fine, vulnérables. Témoins de multiples scènes de
violences, associés au climat d’insécurité (ce qui, par ailleurs, leur permet de se forger un caractère)
ils peuvent tirer certains avantages de la crise.
4.3.3. Réintroduction de pratiques et coutumes pour garantir la protection des enfants
Les participants citent, en tant que bonnes pratiques à réintroduire dans le
système de protection des enfants, la:
Concertation familiale et communautaire
Revalorisation du système de ‘’confiage’’
Réinstauration des rites sociaux et l’utilisation des «gris-gris»
Réinstauration l'autorité traditionnelle, l'entraide, cohésion sociale
Amélioration du système éducatif
Réinstauration de l’éducation communautaire
Création des centres de protection de l’enfant
4.3.4. Caractéristiques des enfants sujets de/a maltraitance et celles de leurs auteurs.
Les enfants âgés de cinq à dix-huit ans sont considérés comme les plus concernés
du fait de fragilités particulières, de leur peu de défense, leur vulnérabilité potentielle.
Selon les adultes interrogés, celle-ci serait liée au fait qu’ils mesurent mal les
conséquences de leurs actes et n’anticipent pas les dangers. Quelques rares personnes,
voient dans la déscolarisation la cause principale de leur vulnérabilité (les enfants désœuvrés
sont exploitables, plus souvent sujets aux mariages précoces, abus sexuels etc. et rendus serviles surtout en
zones rurales). Tous s’accordent pour confirmer que les filles sont les plus exposées, mais
renvoient les cas d’abus sexuels à leur comportement provocateur, non conforme à la
tradition. Selon les participants, les auteurs de ces violences sont divers. Il y a d’abord
les parents qui, du fait de la pauvreté, exploitent leurs enfants (ils deviennent alors une variable
d’ajustement financier). Viennent ensuite les forces rebelles, des enfants agresseurs, l’armée,
la police, des familiers (hommes proches de l’enfant tels l’enseignant, un maitre coranique, un oncle)
parfois enfin des adultes étrangers à la maison. Les groupes armés sont les plus cités dans
le Nord, car les participant à l’étude estiment qu’ils se servent de la religion «pour faire
du mal et dépouiller les populations de leurs biens» (sont désignés les groupes armés du MNLA, du
Youwarou les plus proches des régions du Nord, les djihadistes, le Mujao et autres).
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
65
Principaux auteurs Pourcentage valide
Parents 54,5
forces rebelles 18,2
armée nationale 9,1
Hommes en général 4,5
Enfants eux même 9,1
adultes hors du foyer 4,5
Total 100 Figure 19: Principaux auteurs de maltraitances et abus
4.3.5. Facteurs favorisants de la maltraitance
Nous avons alors voulu mieux appréhender les facteurs facilitant et comprendre
les raisons pour lesquelles, une recrudescence a été observée par les communautés depuis
la crise. Selon les personnes interviewées, cela s’expliquerait par l’absence de loi, de
politique préventive, les carences juridico-policières, le tabou autour des problèmes de
maltraitance, les croyances religieuses ou culturelles, le contexte d’insécurité et
d’urgences.
Figure 20:% des Facteurs favorisants de la maltraitance
La non application de la loi (62.5%)
Selon les communautés, la faiblesse des institutions et particulièrement celle des
instances judicaires est la cause principale de la non application de la loi : «les services
compétents ne font rien pour appliquer la loi au Mali», «le pays vit dans une anarchie
totale, une absence de l’administration». Elles expliquent aussi ces carences par la
corruption : «la justice n’est pas rendue correctement», «tous se règle à l’amiable». Pour
d’autres enfin l’inapplication de la loi s’expliquerait par le poids de la tradition et sa
prégnance au sein des communautés.
Non recours à la loi par les familles (45.8%)
Désabusée, sans illusion ou par défiance, les familles ont peu recours à la loi. Ce serait
aussi un facteur favorisant de maltraitances et abus. On peut aussi expliquer ce
phénomène par la pauvreté. Plus globalement il y a une répugnance de l’ordre de la pudeur
25.00%
62.50%
33.30%
29.20%
16.70%
45.80%
33.30%
4.20%
23.50%
0.00% 10.00% 20.00% 30.00% 40.00% 50.00% 60.00% 70.00%
Absence de loi
Non application de la loi
Impunité
Tabous autour du problème
impunité de la loi pour résoudre ou prévenir les…
Non recours à la loi par les familles?
croyances religieuse/culturelles?
Contexte d’Insecurite, urgences
Précarité/pauvreté
% de réponses
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
66
(rester secret pour sa réputation c’est la peur pour certains du recours à la loi plus la peur d’être stigmatisé :
on préfère garder le silence), un défaut de culture et d’usage (méconnaissance des lois existantes et
des systèmes).
L’impunité (33.3%)
L’impunité serait aussi un des facteurs favorable aux maltraitances et abus. Le plus
souvent les auteurs des faits échappent à la loi (ils ne restent pas sur place : ce sont souvent des
nomades. Les autorités sont incapables d’engager des poursuites entre les régions). La question de la
complicité entre autorités et auteurs des violences est soulevée : «Tout le monde les
connait mais ils ne sont jamais punis», «ils pensent qu’on ne peut pas les poursuivre car ils
sont au-dessus des lois». Il est donc question d’une anomie doublée d’un sentiment de
déréliction.
Les croyances religieuses/culturelles (33.3%)
Les croyances religieuses, culturelles comme l’éducation traditionnelle seraient
terreau favorable à la violence. Certains invoquent la religion pour légitimer les violences
commises : «les rebelles se servent de la religion pour attaquer la population, les maître
coraniques aussi se servent de la religion» (le plus surprenant est que tout le monde s’accorde pour
dire que ces actes ne sont pas la religion mais, rares sont les pairs osant les dénoncer).
Le tabou autour du problème (29.2%)
De manière récurrente, tous ont noté les carences des autorités en termes de
régulation, la mauvaise gouvernance. Cependant le tabou autour de la question des
violences semble une réalité : les familles cachent toujours certaines violences telles le
viol, «ils ont peur de dénoncer, tout se règle à l’amiable enfin d’éviter les conflits entre
familles». Il semble que l’on préfère cela à la loi. Il faudrait certainement envisager de
former des médiateurs familiaux au sein des communautés.
Le contexte d’insécurité et d’urgences (4.2%)
L’insécurité est aussi évoquée comme facteur aggravant (le Mali est un territoire vaste,
incontrôlable dont les frontières ne sont pas sécurisées). Les enfants sont exposés dans les rues.
L’Etat n’est pas en mesure de garantir la sécurité à la population.
Le manque de ressources (23.5%)
Les difficultés climatique et économique expliquent pour partie ou favorisent
maltraitances et abus. On évoque la convoitise des «ressources naturelles au Nord». La
pauvreté quant à elle installe autour des enfants un cadre non apaisé qui fragilise enfants
et familles face aux agressions de toutes natures (celles liées aux conflits mais ainsi celles liées
au consumérisme créant l’envie).
L’absence de loi (25%)
Pour les interviewés, le vide juridique favorise maltraitance et abus. Il y a
manifestement défaut d’autorité, absence de régulation, incapacité à faire appliquer la
loi. Tous dénoncent la mauvaise gouvernance ayant entrainé le laxisme. Certains affirment
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
67
même qu’au moment des évènements, l’administration civile et militaire avait pris la fuite,
laissant les populations livrées à elles-mêmes. D’autres estiment que la population ignore
l’existence et de l’utilité des lois. Toutefois, la loi (un raisonnement binaire) ne fait pas tout
dans une société complexe (une pensée trilogique est indispensable).
Rappelons ici que sans une pensée articulée autour du triptyque ci-après (voir page
48), toute réponse ira à l’échec.
4.3.6. Réactions face aux victimes de maltraitance
Nous avons voulu comprendre l’attitude des communautés par rapport aux victimes
de maltraitances et abus. Quoique la majorité exprime une volonté compassionnelle à
l’égard des victimes de maltraitances et abus (57.1%), on est loin d’une protestation massive
et le manque d’actions support est beaucoup trop criant (42.9%). On est entre fatalisme,
résignation, acceptation indignée.
Les personnes impliquées dans des actions de soutien aux victimes de maltraitances
et abus, essayent le plus souvent de trouver des solutions auprès des autorités
coutumières, d’apporter conseils et appuis matériel aux enfants.
Ceux qui ont une attitude passive face aux enfants victimes, se justifient par leurs
propres logiques de survie du fait de l’extrême pauvreté, surtout depuis la crise. Ces
enfants sont très souvent stigmatisés et ignorés. En somme, la communauté
s’implique peu. Elle semble indifférente à la question de la prise en charge des
enfants victimes.
4.3.7. Priorités d’actions pour les communautés
Selon les adultes interrogés, les principales difficultés auxquelles se heurtent les
enfants sont :
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
68
Figure 21: priorités selon les communautés
Pour les personnes interrogées, les priorités pour lutter contre les maltraitances
et les abus commis sur les enfants passent par la mise à disposition de services essentiels
(39.1%) tels l’alimentation, l’éducation, le logement puis le renforcement des capacités
d’action de la communauté pour prévenir et lutter contre les violences sur les enfants
(21.7%) mais aussi le renforcement ou rappel des engagements gouvernementaux en faveur
de la protection des enfants (21.7%) ; leur traduction effective dans les lois de protection
(17.4%). Les actions dans lesquelles les communautés pourraient être impliquées sont la
prévention (encore y faut-il méthode, stratégie et formation), la dénonciation, le suivi
médical / judiciaire / psychosocial, le renforcement des capacités, le plaidoyer, la
mobilisation des ressources, et surtout la participation à des campagnes de sensibilisation.
Difficultés d'accès aux soins
L'absence d'accompagnement en terme d'activités génératrices de revenus
Discrimination, marginalisation, stigmatisation, exclusion sociale
Abandon scolaire, mariages "difficiles"
Difficulté de prise en charge au plan psychosocial
Insécurité
Manque de contributions de la famille et des enfants dans la prise en charge des enfants victimes de maltraitances et abus
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
69
A quel niveau aimeriez-vous intervenir dans la lutte pour la promotion des
droits des enfants victimes de maltraitances ?
%
Prévention 66,7
Dénonciation autour des autorités compétentes 58,3
Suivi médical 66,7
Prise en charge judiciaire 50
Prise en charge psychosociale 54.2
Renforcement des capacités des acteurs dans la prévention/PEC 54,2
Plaidoyer pour l'application des lois ou la prise de mesures juridico légales 54,2
Mobilisation de ressources dans la prise en charge des victimes et la
prévention
54,2
Assister et participer à des campagnes de sensibilisation des familles et de la
société civile
87.5
Figure 22: A quel niveau souhaiteriez-vous participer à la lutte contre la maltraitance sur les enfants(%)
Analyse de l’effet de la crise sur les enfants au Mali
L’étude des vulnérabilités et des capacités de réponse des enfants et des adultes
qui les entourent ont permis de mieux comprendre la situation des enfants depuis la crise
de 2012 au Mali. Le système d’analyse du Catholic Relief Services pour l’évaluation du
bien-être des enfants orphelins ou Vulnérables78 mentionné dans la section précédente a
permis d’affiner le diagnostic sur la situation des enfants. La vulnérabilité est dans ce
contexte comprise comme un risque de perte du bien-être au-dessus d’une norme
socialement acceptable, ce qui peut découler d’événements à risques, d’insuffisances dans
le système de protection et de la gestion des risques. La vulnérabilité peut alors être
affectée par des spécificités liées au stress telle l’ampleur, la fréquence, la durée et
l’étendue de l’événement. Elle doit être comprise comme «un état relatif - un continuum à
78 Le Catholic Relief Services (CRS) a élaboré un outil qui permet de mesurer le bien-être des enfants orphelins ou vulnérables avec une approche holistique et un processus scientifique nommé le « OVC Wellbeing Tool » (OWT). L’outil est créé par Shannon Senefeld, Susan Strasser et James Campbell, avec des contributions significatives de Dorothy Brewster-Lee, Kristin Weinhauer, Ruth Kornfield, Linda Lovick, Ana Maria Ferraz, et Rolando Figueroa.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
70
multiples facettes entre la résilience et l’impuissance absolue»79. Cette méthode est donc
tout à fait adaptée à la période d’après crise pour nous permettre d’évaluer en quoi la
crise a affecté le sentiment de protection chez les enfants. Les dix dimensions de la
vulnérabilité abordées dans l’estimation du bien-être de l’enfant sont les suivantes:
Figure 23; Dimensions de la vulnérabilité chez l'enfant
Le premier constat réalisé de l’examen des dix dimensions de la vulnérabilité des enfants
dans les cinq zones d’étude, est que les filles sont largement plus affectées que les
garçons (8 sur dix dimensions examinées).
79 Catholic Relief Services OVC Wellbeing tool, http://www.ovcwellbeing.org/catholic-relief-services-ovc-wellbeing-tool/
Nutrition
Education
Abri
Opportunités économiques
Protection
Santé Mentale
Famille
Santé
Spiritualité
Cohésion Communautaire
Dimensions Filles Garçons
1. Nutrition 51.5% 44.3%
2. Éducation 66.2% 60.7%
3. Abri 45.6% 55.7%
4. Opportunités économiques 85.3% 78.7%
5. Protection 45.7% 34.2%
6. Santé Mentale 39.7% 32.8%
7. Famille 30.9% 29.5%
8. Santé 64.7% 52.5%
9. Spiritualité 29.4% 21.3%
10. Cohésion communautaire 97.9% 100%
TOTAL 77.2% 78.8%
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
71
Les besoins sont insatisfaits pour 65.1% à 100% des enfants (Lacunes)
Les besoins sont insatisfaits pour 35.1% à 65% des enfants (Insuffisances)
Les besoins sont insatisfaits pour 0% à 35% des enfants (Atouts)
Figure 24: Dimension des vulnérabilités par genre
Sur les aspects alimentaires, abris et santé, filles et garçons présentent tous les
deux un niveau d’avertissement, avec des insuffisances notées pour 35.1% à 65% de
l’échantillon. L’accès aux services sociaux de base pose encore problème, principalement
dans les zones de retours des déplacés et réfugiés concernant les domaines de la santé,
la nutrition, l’eau ; l’hygiène et l’assainissement, l’éducation et la protection80. Cette
faiblesse dans l’appui aux plus vulnérables est surtout due au contexte aujourd’hui jugé
peu sécurisant (vols, agressions, groupes armés, etc…), mais aussi aux difficultés
financières et physiques pour se déplacer et communiquer avec les agents de l’état ou les
ONG.
Toutefois, du fait des niveaux particulièrement contrastés des vulnérabilités
différenciées en termes "d’abri" et de "cohésion communautaire" les résultats laissent
apparaitre une situation virtuelle moins critique chez les filles (71.7% de vulnérabilités)
que chez les garçons (77.8% de vulnérabilités). En même temps, nous notons un souci
marqué quant à la prise en charge et le façonnage précoces des identités (entre sept et
douze ans, environ un enfant sur quatre ont un besoin de protection en termes "d’abri" ou
"cohésion communautaire", contre un peu plus de deux sur quatre enfants entre 13 et 18
ans. Que les garçons soient si fortement vulnérables en termes "d’abri" et de "cohésion
communautaire" est révélateur d’une organisation et un fonctionnement social marqués
par des disparités de genre, confinant les filles aux tâches domestiques, réservant aux
garçons des missions à l’extérieur voire loin des lieux, du regard et limites de vigilance
des parents ou du lignage. Cette prise en charge est également plus contraignante pour
les filles, ce qui explique qu’elles soient plus enchâssées dans les maillages familiaux (abri)
et du lignage (cohésion communautaire). La pression forte du groupe sur les filles, réduit
leur marge d’autonomie ; en situation d’urgence où les protections habituelles n’opèrent
plus, les filles sont peu préparées à ces situations inédites, leur vulnérabilité (sous toutes
les dimensions examinées) s’en trouve accrue. Les filles présentent ainsi plus de lacunes
dans leur besoins de protection de façon générale (66.2%).
En tous les cas, des réponses efficaces aux différentes dimensions de la
vulnérabilité des enfants commandent et supposent une approche systémique, inscrivant
80 HNO Mali - Aperçu des besoins humanitaires 2015 (Janv. 2015)
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
72
les différentes dimensions dans les interrelations paradoxales et prégnantes des
articulations, règles familiales et sociales rendues complexes et aggravées par une
situation de crises successives. Pour la rendre plus efficiente il convient de rechercher
la cohérence et le soutien en faisant converger en un seul élan les initiatives étatiques,
celles des ONG et des communautés : c’est rechercher une cohérence des réponses et
des objectifs. Précisément les populations ont une forte attente de l’Etat et veulent se
rassurer par la qualité de ses missions de protection de la garantie de leur sécurité, celle
de leurs biens, à travers une présence militaire et administrative sécurisante. Cela se
vérifie par une présence repérée, des offres accessibles des services sociaux de base,
une application équitable des lois et règlements, la lutte contre la corruption et l’impunité,
la transparence des procédures, la concertation et la gestion vertueuse mais aussi des
efforts tangibles en terme de développement économique à l’endroit des plus vulnérables,
c’est-à-dire l’émergence et le soutien actif à des projets d’économie solidaires ou la mise
en pratique des concepts de développement modeste et d'innovation modeste.
C’est dire qu’un effort de décentralisation de la part de l’état, de promotion de
dynamiques ascendantes des ONG (à conditions qu’elles ne s’installent pas dans une culture
de "pauvrologie" ou de "catastrophologie81" [néologismes malgache et haïtien opportuns]) et
d’appropriation démocratique des politiques publiques par les communautés sont
indispensables à la réparation, à la réhabilitation au développement des capacités de
résilience des enfants et de leurs communautés. Certes des conflits sporadiques
informent d’une compétition âpre pour l’accès à des ressources nettement insuffisantes.
De multiples contraintes hypothèquent les mécanismes habituels de gestion de l’espace et
perturbent des équilibres précaires. Mais l’état a ici un champ de réforme, d’innovation
et d’arbitrage pour anticiper, gérer les risques et incertitudes associés à la crise. Un
accent particulier devra porter sur la préparation, la construction de réelles capacités, à
tous les échelons des services publics, à entendre, comprendre, accompagner les victimes,
à redonner confiance, à reconstruire la cohésion sociale, dans le respect des différences,
leur mise en convergence dans des projets attentifs à l’équité, aux inégalités et
disparités, notamment à celles liées au genre, au lieu de vie, à l’accès à une éducation
appropriée (langue, contenu, modalité).
81 Néologismes par lesquels les malgaches ou les haïtiens désignent des organisations légitiment leurs présences et leurs revenus par l’existence et le maintien de poches de pauvreté sans vraiment se donner pleinement les moyens d’agir sur celles-ci.
Figure 25: vulnérabilités par région
Domaine Bamako Ségou Mopti Gao Tombouctou Total
1. Nutrition 62.1% 23.1% 50% 70.8% 30% 48.1%
2. Éducation 51.7% 23.1% 66.7% 87.5% 100% 63.6%
3. Abri 58.6% 23.1% 43.3% 62.5% 70% 50.4%
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
73
Légende
Les besoins sont insatisfaits pour 65.1% à 100% des enfants (Lacunes)
Les besoins sont insatisfaits pour 35.1% à 65% des enfants (Insuffisances)
Les besoins sont insatisfaits pour 0% à 35% des enfants (Atouts)
En l’occurrence l’analyse comparative des situations de vulnérabilité selon les zones
(régions) fait apparaitre des inégalités et disparités liées aux lieux de résidence. Les
enfants présentent une vulnérabilité poussée dans toutes les zones sur la question des
opportunités économiques. L’éducation est aussi une principale lacune dans toutes les
zones sauf à Ségou. Par contre la spiritualité est un atout, sauf pour Tombouctou, ou les
enfants ont été les témoins directs de tant de désacralisation du religieux et de
souffrances infligées au nom de la foi. Le Nord est d’ailleurs suite à la crise, beaucoup
plus affecté sur toutes les dimensions que le centre et le sud.
Enfants ayant immédiatement besoin de support
Les pourcentages d’enfants ayant un besoin immédiat de protection (au moins sur une des
dix dimensions examinées) font apparaitre des différences importantes : 27,6% dans la
zone à Bamako, 0% celle de Ségou, 23.3% dans la zone de Mopti, 25% dans la zone de
Tombouctou. La situation à Mopti et celle, remarquablement favorable, à Ségou peuvent
être doublement corrélées à des facteurs géographiques et historiques sous-jacents. Au
carrefour de plusieurs voies (caravanes) de commerce transsaharien, ces deux régions
forment une charnière entre le désert et les zones moins arides du sahel : les sources de
revenus (commerce, artisanat, pêche, agriculture, élevage) y sont plus diversifiées leur
conférant une dépendance moins marquée aux divers aléas représentant un risque
particulièrement déstabilisateur pour des zones marquées par la prédominance d’une seule
activité.
A ces déterminants liés à l’environnement physiques s’ajoutent des influences
historiques. Naguère au cœur de grands empires, ces régions ont pu développer une
identité très forte, avec des valeurs, des savoirs faire spécifiques, sorte de rempart
protecteur par lequel elles ont pu construire un développement centré sur le local, amortir
4. Opportunités
économiques
96.6% 69.2% 76.7% 83.3% 85% 82.2%
5. Protection 17.2% 15.4% 30% 87.5% 65% 40.3%
6. Santé Mentale 37. 9% 3.8% 46.7% 54.2% 40% 36.4%
7. Famille 37.9% 11.5% 30% 37.5% 35% 30.2%
8. Santé 65.5% 42.3% 36.7% 79.2% 80% 79.2%
9. Spiritualité 24.1% 11.5% 23.3% 29.2% 45% 25.6%
10. Cohésion
communautaire
95.5% 100% 100% 100% 15% 62.8%
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
74
la propagation de perturbations nées des centres (au Nord ou au Sud) dont elles sont
devenues la périphérie lointaine. Il y a donc un patient travail de réflexion à promouvoir,
à mener pour faire converger une conception des droits humains fondamentaux à une
autre héritée et respectable.
A priori, la très grande fragilité de ces régions en « cohésion communautaire »
résulterait de l’apparition, depuis la colonisation, de nouveaux centres et d’un important
mouvement d’exode vers ces nouveaux pôles urbains, siège d’un pouvoir central rétif aux
particularismes régionaux. La réalité est à la fois plus banale et plus complexe. La
modernité s’accompagne inexorablement d’un exode rural. C’est l’allégorie du moustique:
celui-ci est attiré par la lumière, il tournoie autour sans voir la flamme qui va le brûler.
L’espoir fragile des lumières de la ville attire des populations impréparées. Les prédateurs
vont en profiter. C’est une mécanique implacable qui installe durablement dans la
précarité.
Ce nouveau centralisme explique, dans une large mesure, la fragilité remarquable
des régions de Tombouctou et Gao en matière d’éducation, de santé et d’opportunités
économiques. Les focus groupes ont souligné le rôle corrosif de l’impunité (on va parler de
perte de valeurs), de la corruption, de l’ignorance, de l’instrumentation de la religion ;
toutes choses aggravées par l’absence de l’état.82
En «spiritualité» par exemple, toutes les régions affichent une situation
relativement satisfaisante. En lame de fond, les arguments avancés renvoient souvent à
la fois à l‘attachement à une tradition séculaire et à la résistance à l’influence occidentale,
en réalité une opposition entre citadins (instruits en français) et ruraux fortement
influencés par la culture islamo-berbère.
Cette homogénéité en « spiritualité », dans les faits, confirme une fracture, une
division du pays en deux ensembles, chacune avec une identité très fortes, très distincte.
Une diversité dans laquelle tous les acteurs (état, ONG, communautés) peuvent tirer des
ferments d’enrichissement, tant en termes de gouvernance partenariale, qu’en termes
d’intégration de valorisation des savoirs expérientiels. Presque tous les enfants, comme
souligné dans les études effectuées sur les capacités de la résilience suite à la crise du
Mali, peuvent trouver des ressources de protection dans leur environnement immédiat. Le
tableau ci-dessous le montre éloquemment :
82 Cf. annexe Focus Groupes Enfants
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
75
Avoir quelqu'un a la maison a qui faire confiance, quelqu'un qui aime
et protège
Bamako 96,7%
Ségou 100,0%
Mopti 100,0%
Tombouctou 90,0%
Gao 100,0%
Total 97,7%
Tableau 1: Existence d'une personne de confiance autour de l'enfant
De plus, les enfants ont conservé la culture de socialisation par et au sein du groupe de
pairs, surtout dans le Nord, sur laquelle il faudra compter pour les activités de prévention
contre les risques de vulnérabilité. Cette reconnaissance par les pairs se fonde sur des
valeurs et des hiérarchisations autres que la réussite scolaire donc peu perceptibles par
les occidentaux
Participer/appartenir à des activités de groupe d'enfants/jeunes
Bamako 66,7%
Ségou 65,4%
Mopti 63,3%
Tombouctou 75,0%
Gao 88,0%
Total 71,0%
Figure 26: Participation à des activités de groupe
Les focus groupes des adultes ont souligné ou déploré d’une part le manque d’information
des communautés et d’autre part l’insuffisance, voire l’inexistence de programmes
étatiques de diffusion des prescriptions en vue de l’appropriation démocratique des
politiques publiques, notamment celles portant sur les droits des femmes et des filles.
5. CAPACITES DE REPONSES FACE A LA SITUATION VECUE PAR LES
ENFANTS DEPUIS LA CRISE
Mécanismes de Réponse aux vulnérabilités -Hors contexte de crise L’instauration au Mali de politiques et programmes, ainsi que de cadres sécurisants pour
les enfants témoignent de la conscience à tous les niveaux de la nécessité d’affirmer,
débattre, soutenir, défendre les droits des enfants.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
76
5.1.1. Orientations stratégiques Le cadre légal fixé au Mali en termes de protection de l’enfant concerne principalement
les trois secteurs suivants : 1/Protection de l’enfant, 2/Participation de l’enfant, 3/Appui
institutionnel et renforcement de capacités.
Figure 27: Axes de travail-plan action national
5.1.2. Réponses nationales L’engagement du peuple malien à défendre les droits de la femme et de l’enfant
est affirmé par la Constitution Malienne qui reconnait à tout individu (par déduction aux
enfants) le droit à la vie, à la liberté, à la sécurité, à l’intégrité physique. La constitution
reconnait également les droits à la liberté de pensée et d’association, à la vie privée et
familiale, à la propriété ainsi que les droits à l’éducation, à l’instruction, à la formation, à
la santé et à la protection sociale. Le principe de non-discrimination y est énoncé, à travers
l’interdiction de toute discrimination basée sur le sexe, la race, la religion. Plus
concrètement, l’enseignement public est obligatoire, laïc et gratuit, le droit au travail est
reconnu. La protection de l’enfant est promulguée par un solide dispositif législatif et
La protection de l’enfant :
•la promotion et la protection juridiques ;
•l’enregistrement des naissances ;
•le renforcement de la protection et de la prise en charge des EV VAEN/OEV ;
•le développement de programmes en faveur des handicapés ;
•le renforcement des mécanismes communautaires de protection ;
•la promotion des normes sociales favorables à la protection des enfants ;
•le développement de programmes et de projets de lutte contre l’exploitation des enfants par la mendicité ;
•le développement de programmes ciblés en faveur des enfants réfugiés.
•le renforcement des actions de protection spéciale en faveur des groupes vulnérables
•l’institutionnalisation de mécanisme de prévention et de gestion des crises, les catastrophes et le renforcement de la résilience ;
La participation de l’enfant :
•l’intégration de l’éducation civique, morale et citoyenne dans le système éducatif à tous les niveaux;
•la promotion de la participation de l’enfant à la vie publique et aux prises de décisions qui le concernent;
•la prise en compte des questions de promotion et de protection de l’enfant dans les politiques et programmes de développement aux niveaux national, régional et local.
L’appui institutionnel et le renforcement des capacités :
•les études et recherches ;
•le renforcement des capacités institutionnelles et opérationnelles (Renforcement des compétences, des infrastructures et des moyens logistiques et les mécanismes de coordination des actions de promotion et de protection de l’enfant);
•le développement d’un système intégré d’information sur l’enfant ;
•le développement d’un système de suivi-évaluation.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
77
règlementaire dont principalement :
Figure 28: Dispositif réglementaire national
Par ailleurs, il existe plusieurs programmes nationaux de développement83 dont
l’effectivité dans l’amélioration de la situation des enfants est reconnue. Les programmes
principaux sont:
83 viii COMPRENDRE LE TRAVAIL DES ENFANTS AU MALI nationales.
Dispositif réglementaire national
la Constitution du 25 février 1992 ;
la loi N°2011-087 du 30 décembre 2011 portant code des Personnes et de la Famille
la loi n° 92-020/ANRM du 23 septembre 1992 portant Code du Travail ;
la loi n° 95-041/AN-RM du 20 avril 1995 portant statut général des militaires ;
la loi n° 99-046/AN-RM du 28 décembre 1999 portant loi d’orientation sur l’éducation ;
la Loi n°00-039 AN-RM du 7 septembre 2000 instituant les pupilles du Mali,
la loi n° 01-081AN-RM du 24 août 2001 portant sur la minorité pénale et institution de juridictions pour mineurs, modifiée par la loi n°07-016 du 26 février 2007 ;
la loi n°01-079 du 20 août 2001 portant Code Pénal ;
la loi n° 02-044 du 24 juin 2002 relative à la santé de la reproduction ;
la loi n°04-004 du 14 janvier 2004 portant création du Centre National de Documentation et d’Information sur la femme et l’Enfant ;
la loi n°09-042 du 19 novembre 2009 relative à la Commission Nationale des Droits de l’Homme ;
la loi n°09-030 du 27 juillet 2009 portant institution du régime d’assistance médicale,
la loi N°10-050 du 23 décembre 2010 portant création de la Cellule Nationale de Lutte contre le Travail des Enfants ;
l’ordonnance n° 90-037/P-RM du 5 juin 1990 portant création du Centre d’Accueil et de Placement Familial ;
l’ordonnance n°02-062 du 05 juin 2002 portant Code de Protection de l`Enfant ;
le décret n°96-178/P-RM du 13 juin 1996 fixant les modalités d’application du Code du Travail ;
le décret n°99-450/P-RM du 31 décembre 1999 fixant les modalités de création et de fonctionnement des Institutions Privées d’Accueil et de Placement pour Enfants ;
le décret n°00-388/P-RM du 10 août 2000 portant création du Conseil National de tutorat ;
le décret n°01- 534/P-RM du 1er novembre 2001 portant institution d’un titre de voyage tenant lieu d’autorisation de sortie pour les enfants âgés de zéro à dix-huit ans ;
le décret n°02-067 du 12 février 2002 fixant les conditions et modalités de création et les modalités de fonctionnement des Institutions Privées d’Accueil, d’Ecoute, d’Orientation ou d’Hébergement pour Enfants;
le décret n°05-147/P-RM du 31 mars 2005 fixant les conditions et modalités d’octroi de l’assistance particulière de l’Etat aux malades du SIDA et personnes vivant avec le VIH et de la garantie de confidentialité ;
le décret n°05-350/P-RM du 04 août 2005 relatif à la prise en charge gratuite de la césarienne ;
le décret n° 06-006/P-RM du 11 janvier 2006 fixant l’organisation et les modalités de fonctionnement du Centre d’Accueil et de Placement Familial.
le décret n°06-118/P-RM du16 mars 2006 fixant les attributions du Délégué à la protection de l’Enfant,
le décret n°09-555 P-RM du 12 Octobre 2009 fixant les modalités d’application de la loi portant institution du RAMED,
le décret n°10-628/P-RM du 29 novembre 2010 portant gratuité des moyens de prévention et de traitement du paludisme chez les enfants de 0 à 5 ans et chez la femme enceinte dans les établissements de santé.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
78
Figure 29: Programmes nationaux promouvant la PDE
L’analyse des politiques sectorielles du gouvernement Malien démontre que le Mali
promeut aussi la protection des droits des enfants à travers ses engagements dans ses
politiques Nationales de Développement de la Petite Enfance, d’Education Spéciale,
d’Education Intégratrice, de formation professionnelle mais aussi la publication des
résultats. De plus, des progrès sont notés dans les efforts de généralisation de
l’enregistrement à la naissance, de scolarisation (en particulier des filles) et de l’accès
Programmes nationaux en faveur de la promotion des droits de l'enfant
le Cadre Stratégique pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté ;
les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) ;
Le document intitulé « Politiques et plans d'action pour la promotion de la femme, de l'enfant et de la famille » : doit consolider les acquis du Plan d'action 1992-2000 en matière de promotion de la femme, de l'enfant et de la famille (renouvelé pour la période 2002-2006) ;
Le Parlement national des enfants du Mali ;
La Politique nationale de protection sociale (PNPS) qui promeut une vision politique globale, intégrée et concertée de protection sociale pour renforcer l’accès aux instruments de gestion des risques et aux systèmes de protection sociale chez les groupes vulnérables;
Le plan d’actions de lutte contre la pratique du mariage précoce ;
Le Programme de développement sanitaire et social (PRODESS II) : cadre de mise en œuvre de la Politique nationale de protection sociale soulignant l’élaboration d’actions pour l’intégration socioéconomique des femmes et des enfants vulnérables ;
L’institution d’un Comité national chargé du suivi et de l’évaluation du Plan d’action national ;
Le Programme décennal de développement de l’éducation (PRODEC) : définit les grands axes pour la coopération de ses partenaires techniques, financiers et sociaux, donner une impulsion décisive au développement quantitatif et qualitatif de son pour un ultime essor du système d’éducation ;
Le Programme national de lutte contre les pires formes du travail des enfants ;
Le Programme national de lutte contre le travail des enfants (PNLTE) : création d’un Comité directeur national (CDN) institué auprès du ministère du Travail, afin de suivre et de superviser les Programmes d’actions d’IPEC à l’échelle nationale.
La décision n°99-0042/MEFPT-SG du 08 février 1999.
Le Plan national d’urgence de lutte contre la traite des enfants.
le Programme de Coopération entre le Gouvernement de la République du Mali et l’UNICEF ;
la Convention de partenariat entre le MFPFE et Plan Mali ;
le Programme de Développement Économique et Social (PDES) ;
la Politique Nationale Genre du Mali et son plan d’actions 2011-2013;
la Politique Nationale de lutte contre la pratique de l’excision et son plan d’actions 2008-2012;
le Plan d’Actions National pour l’Elimination du Travail des Enfants au Mali (PANETEM) ;
le plan d’actions 2010-2014 de mise en œuvre des recommandations du Comité des Droits de l’Enfant.
Une étude récente constate néanmoins que l’allocation des ressources budgétaires en faveur des enfants ne mobilise qu’une part infime du budget de la protection sociale au Mali (Diallo et Pereznieto, 2008)
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
79
aux soins. Les actions et programmes initiés par les ONG œuvrant dans le domaine de
l’enfance, amplifient cette dynamique avec toutefois ce défaut : ces systèmes de
protection restent dépendants d’un extérieur par définition aléatoire et parfois mal
accepté parce que possiblement jugé intrusif (par les radicaux). Cette dynamique est
encore amplifiée par l’engagement des nombreux partenaires au développement. La
volonté politique affichée de l’Etat est un indéniable atout pour la mise en œuvre de la
présente politique.
5.1.3. Réponses Internationales
Au niveau Africain, le Mali a souscrit à la Charte Africaine des Droits de l’Homme
et des Peuples, à la Charte Africaine des Droits et du Bien-Etre de l’Enfant (CADBEE) et
à la Charte Africaine de la Jeunesse. Il a également validé et développé d’autres
instruments régionaux, ratifié différents protocoles reliés afin de renforcer la
promotion et la protection des droits de l’enfant. Nous notons parmi ces accords :
l’accord multilatéral de coopération entre les pays membres de la CEDEAO en
juillet 2005, à Abidjan, en matière de lutte contre la traite transfrontalière des
enfants ;
l’accord multilatéral de coopération CEDEAO/CEAC en matière de lutte contre la
traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants de juillet 2006 à
Abuja, ainsi que ;
des accords bilatéraux avec le Burkina Faso (25 juin 2004), la Côte d’Ivoire (1er
Septembre 2000), la Guinée (16 juin 2005) et le Sénégal (22 juillet 2004).
L’équivoque posée par la traite des enfants (Assimilation de tout mouvement
d’enfant à la traite) sur le problème de la mobilité appelle à une révision ou un complément
des dits accords bilatéraux et multilatéraux. En fait, ce qu’il y manque c’est la mise en
œuvre d’une véritable recherche / formation sur les problématiques de l’errance. C’est
d’abord cerner / mesurer le problème :
Pour rappel, chez bon nombre de mineurs, le terme "enfants de l'errance" désigne
un ensemble de situations assimilées à de la maltraitance et qui les pousse à bouger ou à
la rue. Ce sont des réalités existentielles variées, choquantes du point de vue des Droits
de l'Enfant qui fragilisent ces jeunes au plan physique, psychique, de la santé, de
l'éducation. Dans ces processus, l'enfant peut devenir sujet de convoitises, objet de
manipulations, danger pour l'ordre social.
En Afrique de l'ouest, l'éducation plus collective banalise les déplacements. Cela
entraîne un phénomène migratoire vérifiable surtout en tant de crise. Ce fait visible,
repéré, aggravé par des conflits divers, la pauvreté, des accidents climatiques, la
recherche d'une main d'œuvre servile (pour ne pas être plus précis), concerne plus les
garçons que les filles. Ces dernières sont le plus souvent confinées et donc plus
vulnérables aux crises.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
80
Au-delà des efforts nationaux, le Mali est signataire d’une palette d’instruments
juridiques internationaux relatifs à la promotion et à la protection des droits humains en
général et des droits de l’enfant en particulier. Nous notons entre autres:
Figure 30: Instruments juridiques internationaux
5.1.4. Dispositif communautaire
La famille est le premier maillon autour de l’enfant dans l’ensemble des modèles de
protection de l’enfant. Elle est responsable de sa protection avant sa naissance. En sus du
noyau familial protecteur et épanouissant, l’enfant est aussi enjeu de société mais il
attend implicitement d’elle les moyens de préparer son propre avenir : c’est l’enjeu de tout
contrat social. Le non-respect de ce contrat tacite déstabilise tout état. En dehors de la
Instruments juriques internationaux
la déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948,
la convention relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée suivant la loi n° 90-72/AN-RM du 29 août 1990 ;
la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant de 1990, ratifiée en 1998 (Ordonnance n°98-008/P-RM du 03 avril 1998) ;
La Convention n°182 de l’Organisation Internationale du Travail concernant l’interdiction des pires formes de travail des enfants et l’action immédiate en vue de leur élimination, ratifiée le 14 juillet 2000;
Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif à la création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, ratifié en 2000;
le Statut de Rome sur la Cour pénale internationale, ratifié en 2000 ;
les Protocoles facultatifs à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication des enfants dans les conflits armés et concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, ratifiés en 2002;
la Convention n°138 de l’OIT concernant l’âge minimum d’admission à l’emploi, ratifiée le 11 mars 2002;
le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, qui complètent la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, ratifié en 2002;
la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, ratifiée en 2003;
le Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ratifié en 2005;
la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale du 29 mai 1993, entrée en vigueur pour le Mali, le 1er septembre 2006 ;
les accords bi et multilatéraux de coopération en matière de lutte contre la traite transfrontalière des enfants et des femmes avec un certain nombre de pays, dont la Côte d’Ivoire (2000), le Burkina Faso (2004), le Sénégal (2004) et la Guinée en 2005, en Afrique de l’Ouest en 2005, en Afrique de l’Ouest et du Centre en 2006 ;
la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel ;
le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des Femmes, ratifié le 13 janvier 2005 ;
Convention de l’Union Africaine sur la Protection et l’Assistance aux Personnes Déplacées en Afrique (Conventions de Kampala) ;
les principes de la responsabilité de protéger adopté par l’Assemblée Générale de l’ONU en 2005 ;
le Statut de Rome de la Cour Pénale Internationale (1998) ;
les principes directeurs de Paris de 2007 relatifs aux EAFGA ;
les Engagements de Paris, adopté en 2007 en vue de protéger les enfants contre une utilisation et un recrutement illégaux par des forces ou groupes armés.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
81
famille, la socialisation de l’enfant est donc prise en charge par l’ensemble de la
communauté. 84
Les croyances et pratiques qui entourent l’attente de l’enfant, sa venue au
monde et son accueil parmi les hommes sont toujours particulièrement
significatives. Le groupe familial et social est comme mobilisé autour du nouveau
venu car c’est son propre avenir qui se joue là. Il projette sur lui ses conceptions
de la nature et du destin humain. Il s’interroge sur la personnalité de celui qui n’est
encore qu’un « étranger », qu’il faut progressivement apprivoiser et intégrer. Il le
soumet à un traitement représentatif de sa hiérarchie des valeurs et de sa
psychologie profonde, qui s’exprime autant au travers d’une symbolique rituelle que
d’une orientation des techniques de puériculture.
Dans les diverses cultures du Mali, mais pas seulement, l’enfant et son éducation
sont envisagés comme une responsabilité première de la famille et de la communauté à
laquelle il participe en contribuant au renforcement de l’unité et de la cohésion. La
différence peut-être avec les pays (la France notamment) tient au fait que parfois on y
considère l’enfant sous l’angle de la responsabilité de l’Etat avec concurrence possible
entre le droit de l’enfant et celui des géniteurs. En Afrique le droit est de type agnatique.
Les noyaux familiaux et communautaires permettent à l’enfant de développer des valeurs
de paix, de dignité, de tolérance, de liberté, d’égalité et de solidarité. L’enfant se doit de
respecter ses ainés, d’appliquer scrupuleusement le programme socioéducatif qui lui est
destiné. En retour il attend de la famille comme de la communauté la satisfaction de ses
besoins de survie et d’épanouissement, ainsi que la protection contre les dangers. Les
politiques nationales garantissent l’établissement d’un cadre protecteur par la famille ou
la communauté autour de l’enfant.
84 Pierre Erny, « les premiers pas dans la vie de l’enfant d’Afrique Noire », L’harmattan, 2006
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
82
Analyse des effets de la crise sur le système de protection de l’enfance au Mali L’analyse de l’impact de la
crise sur la situation des
enfants est aussi réalisée par
une appréciation de la manière
dont la crise affecte le cadre
institutionnel de l’offre de
protection des services
étatiques, des ONG et acteurs
communautaires. En
l’occurrence dix dimensions
institutionnelles feront l’objet
d’une attention particulière.
5.2.1. Le positionnement des organisations Dans l’ensemble, on note de
multiples écarts dans le
positionnement des services
étatiques, des organisations
communautaires et des ONG, ces
dernières faisant preuve de plus
d’attention pour cette dimension.
Les ONG, les services de l’Etat
connaissent les cadres et textes de référence juridique et règlementaire. Leur
perception, leur approche, souvent leurs missions, sont clairement formulées. On note
cependant un manque de cohérence entre la logique d’intention et la
logique d’intervention ou d’action ainsi qu’un manque de concertation, d’implication des
différents acteurs dans les choix stratégiques, la définition des objectifs. Les
ministères de tutelle ont souvent peu d’informations sur les activités des
organisations, ce qui in fine, affecte la fiabilité et la qualité des données sur la
situation des enfants sur l’offre de services. De façon plus explicite, il n’y a pas
d’évaluation sérieuse des pratiques.
Dimensions du diagnostique institutionnel
1. Positionnement des organisations
2. La situation de référence
3. Les services procurés
4. Les ressources des organisations
5. La participation communautaire
6. La participation des enfants
7. La gouvernance
8. Réseautage /partenariat
9. Suivi/évaluation
10. Cadre de référence politique, législatif et
réglementaire de la protection de l’enfance
Figure 32: Positionnement par région
Bamako, 3.2
Segou, 3
Mopti, 3.3
Gao, 3.8
Tombouctou, 3.4
0 1 2 3 4
1
Pondération
Rég
ion
s
Positionnement
Figure 31: Dimensions du diagnostique institutionnel
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
83
Par ailleurs en raison d’une coordination plus qu’insuffisante voire inexistante on note
des conflits de compétences, des chevauchements, une dispersion des moyens et des
efforts.
Recommandations :
Promouvoir une approche systémique, sur la base d’une cartographie fiable de la
situation des enfants, une intégration des réponses et la mutualisation des moyens
pour une protection appropriée des groupes vulnérables, des femmes et des
enfants notamment. Cela commande des démarches partagées d’élaboration, de
formulation des réponses, de mise en œuvre, d’évaluation et d’appropriation des leçons
apprises. Pour cela, pour éviter des surcoûts, il conviendrait de
mobiliser la recherche universitaire,
faire appel à des compétences extérieures et expérimentées autres que celles
déjà investies dans des ONG afin d’éviter tout regard partial ou partisan (ce
que reprochent les malgaches par l’usage du néologisme « pauvrologie »),
établir des conventions avec les associations ou ONG afin que l’Etat maîtrise
mieux sa politique de l’enfance.
Il faudrait aussi accompagner les organisations à mieux asseoir leur positionnement
en rapport avec leur identité et au contexte de crise et post crise.
5.2.2. La Situation de référence Dans ce domaine, la situation de Ségou est nettement meilleure que celle des autres
régions. Cependant cette performance de Ségou est plus portée par les ONG, dans
une moindre mesure, par les services de l’État. L’élaboration de situations,
d’expérience ou de cadre de référence n’est pas suffisamment ancrée dans les
organisations communautaires. C’est à ce niveau que se constate le manque d’évaluation.
L’attention des ONG pour la définition de situations de référence de leurs
projets et programmes s’explique essentiellement par une obligation de rendre compte
qui pèse plus fortement sur elles. Le
choix des cibles, l’élaboration de plans
stratégiques, de plans d’actions, sont
rarement articulés aux initiatives
locales ; ils restent également aveugles
aux besoins spécifiques de certains
groupes particulièrement vulnérables,
des enfants en situation d’urgence
notamment. Les situations de référence
sont souvent élaborées par des
Bamako, 3.3
Segou, 4.1
Mopti, 3.2
Gao, 3.4
Tombouctou, 3.4
0 1 2 3 4 5
Pondération
Rég
ion
s
Situation de référence
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
84
consultants rarement attentifs aux représentations, enjeux et logiques d’action à
l’œuvre dans ces zones.
L’organisation, le fonctionnement des services de l’Etat dépendent ou sont
fortement sous l’autorité de services centraux dont les directives, les programmes
restent souvent très généraux, ambitieux ne reflétant pas souvent les spécificités
locales. Une distance est ainsi créée fait que les intentions de l’Etat insuffisamment
appropriées et relayées par les acteurs locaux. Les statistiques devraient pouvoir
fournir des données fiables sur la situation de référence.
Les organisations communautaires quant à elles opèrent par défaut, elles
pallient les défaillances de l’intervention des services publics ; souvent pionnières elles
prennent en charge des situations et problématiques émergentes de leurs localités.
Leurs interventions, en plus de n’obéir à aucune planification, portent la marque de
l’urgence. Elles présentent de graves lacunes documentaires tant dans les situations
de référence, que dans la détermination des cibles la construction de bases de données
fines et désagrégées. Pour généreuses qu’elles soient les organisations
communautaires sont peu « professionnelles » et fragilité de leurs sources de
financement peut les conduire à des obligations qu’elles n’ont ni imaginé ni souhaité.
Recommandations :
Etablir des conventionnements systématiques, clairs et vérifiables avec l’ensemble
des acteurs de la protection de l’enfance. Faire appel à des consultants confirmés
expérimentés en ce domaine et surtout ayant les compétences pour former des cadres
administratifs. En ce domaine, l’aide étrangère serait à envisager. Renforcer les
capacités en diagnostic des situations, en formulation, planification, exécution et
évaluation de programmes, à travers des démarches participatives, incluant toutes
les parties prenantes, les enfants et leurs parents notamment.
Il faudrait aussi partager entre acteurs les évaluations et rapports sur les
situations de références
existantes.
5.2.3. Les Services procurés
L’approche des
structures étatiques ou non
gouvernementales actives dans
la protection de l’enfance est
cloisonnée dans des périmètres
institutionnels, territoriaux ou
thématiques (exemples : la
traite, l’exploitation des
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
85
enfants, l’excision, les enfants des rues). De surcroit les offres des services de l’Etat
se heurtent à un écueil de taille : la lourdeur et une longueur des procédures rebutant
nombre d’usagers. S’y ajoute des déséquilibres dans l’allocation et l’utilisation des
ressources avec pour conséquence des zones, des groupes nettement défavorisés.
Sous ce rapport Ségou et Bamako ont des avantages certains sur les autres zones. Par
ailleurs les services procurés par les organisations communautaires ont un impact
marginal mettant insuffisamment en valeur les potentialités et ressources de leurs
localités.
Sur un plan général le déficit de coordination et de mutualisation des moyens
accroit inutilement les coûts, hypothèque l’autonomie des bénéficiaires, limite la
probabilité que les actions survivent au-delà du soutien de bailleurs extérieurs. Même
s’il existe un cadre de référence national, il ne fédère pas les interventions des
différents acteurs de la protection de l’enfant.
Recommandations :
Favoriser l’appropriation démocratique des politiques publiques au moyen de
cadres et procédures de concertation d’implication des intervenants à tous les
échelons. Les diverses parties prenantes doivent être impliquées dans les
processus de formulation des politiques publiques, dans la mise en œuvre et
l’évaluation
Renforcer la capacité des acteurs en écoute, soutien, animation et
accompagnement de personnes en grande difficulté,
Expérimenter, formaliser des initiatives d’inclusion et d’engagement des
enfants dans l’élaboration, l’exécution, l’évaluation des programmes y compris
leur budgétisation.
Privilégier l’approche systémique autant dans le cadre de l’analyse que de
l’intervention
Privilégier les dynamiques
dites d’insertion par
l’économique ou les initiatives
d’entrepreneuriat social.
Développer, soutenir des
efforts de formations
spécifiques à tous niveaux et
des opérations de
sensibilisation
5.2.4. Les Ressources
des organisations
Dans le domaine de la
mobilisation et l’utilisation
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
86
judicieuse, efficiente des ressources, Ségou présente une situation meilleure que celle
des autres régions. Cependant toutes sont confrontées à un déficit de ressources
financières, matérielles et logistiques. Même si les ONG disposent de plus de moyens
logistiques, matériels et financiers, leurs ressources humaines sont insuffisantes,
généralement mal formées trop absorbées par des tâches ou procédures de gestion des
moyens logistiques mais aussi financiers.
Les ressources financières et les moyens logistiques des services de l’Etat, non
seulement insuffisants, sont mal répartis. Leur utilisation n’est pas toujours transparente.
S’agissant des organisations communautaires, elles disposent de peu de moyens
financiers ; elles sont bien dotées en ressources humaines, suffisantes en quantité mais
mal préparées à la protection des enfants.
Globalement le manque de cadre fédérateur impacte négativement la gestion
efficace et efficiente de ressources. Les ressources humaines des communautés sont mal
organisées et faiblement exploitées.
Recommandations :
Les ressources venant de l’état et des partenaires internationaux doivent être mieux
allouées en tenant compte des inégalités et disparités de situation ou de moyens.
Renforcer les capacités en termes d’accompagnement socio-éducatif des acteurs de
la médiation familiale, par des apports en psychologie, sociologie et anthropologie parce
qu’une compréhension / action beaucoup plus fine sera nécessaire pour mieux appréhender
les logiques sociétales et culturelles à l’œuvre.
Favoriser la mutualisation des ressources, l’utilisation des infrastructures et
équipements de proximité, la mise en synergie des interventions.
Les communautés doivent prendre de multiples initiatives pour apporter des réponses
en rapport avec leurs responsabilités
5.2.5. La Participation des communautés
Le niveau de participation des communautés dans le cadre de la protection de
l’enfance est marginal dans toutes les zones de l’étude.
Les ONG disposent de structures et mécanismes de participation des
communautés, plutôt d’exécution que de conception ou d’évaluation. S’agissant des projets
étatiques la participation des communautés est très faible.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
87
Quant à la participation
financière des communautés
dans l’effort de protection,
elle est largement en deçà des
possibilités qu’offrent les
potentialités locales. D’autre
part la participation des
communautés à l’élaboration
des politiques publiques est
faible voire peu ou mal adaptée.
Recommandations :
Les communautés doivent
assumer leurs responsabilités
aussi bien en direction des
politiques publiques qu’au
niveau familial et intergénérationnel. Pour se faire elles doivent accepter une aide qui
leur est extérieure. Il est donc indispensable de « savoir apprivoiser », concilier les
logiques locales et les logiques de la protection des plus vulnérables. Ce n’est qu’à cette
condition que l’on pourra recueillir leur adhésion. Fort de ce préalable, les leaders et
bénévoles communautaires doivent se constituer en groupes de pression pour le
respect des droits découlant des engagements (nationaux et internationaux) des
pouvoirs publics. Un important effort de connaissance du cadre juridique,
règlementaire et institutionnel permettra de dépasser cette contrainte de la
protection des enfants.
5.2.6. La Participation des enfants
La dimension « participation des enfants » est un point faible largement en partage
dans toutes les zone et quel que soit le type d’intervenant (étatique, ONG,
communautaire).
Même si on peut noter un effort d’inclusion et d’engagement des enfants ou des
jeunes de la part de certaines ONG, les canaux utilisés, les modalités mises en œuvre,
rendent cette participation uniquement formelle du fait de nombreux biais pour palier
une impréparation culturelle et du manque de savoir faire des personnels chargés de
cette activité. Les enfants, de plus en plus « formatés » et instrumentalisés par des
adultes, sont confinés dans des activités socio culturelles (théâtre, forum, etc.)
Leur implication est nettement moins visible dans l’élaboration des politiques
nationales de protection ainsi qu’au niveau communautaire : cadre de participation
défaillant, faible prise en compte des choix et des besoins psychosociaux des enfants.
Globalement on note des facteurs socioculturels sous-jacents hypothéquant la
participation effective des enfants.
Figure 35: Participation communautaire par région
Figure 36: Participation des enfants par région
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
88
Recommandations :
L’ensemble des acteurs, dans toutes les régions, doivent expérimenter et
développer des initiatives d’inclusion et d’engagement des enfants dans la gestion
des affaires locales. Cet effort doit aussi concerner les questions domestiques à
travers une solidarité et concertation intergénérationnelles.
Les personnels et
auxiliaires en charge de la
participation des enfants
doivent bénéficier de
renforcement de capacités
pour une véritable
promotion de la
participation des enfants et
des jeunes.
Des expériences
d’intervention citoyenne
par et pour les enfants
sont à favoriser.
5.2.7. La Gouvernance
Dans toutes les zones la gouvernance des organisations est une dimension à
améliorer. Le mode de gouvernance à l’œuvre dans les ONG présente plus de sas de
concertation en comparaison avec les organisations communautaires, les services
étatiques. Les ONG expérimentent de plus en plus des modes de participation, de contrôle,
de responsabilisation des bénéficiaires.
Les organisations étatiques fonctionnent essentiellement comme des instances
d’exécution et non de conception, de proposition : absence d’initiative et de réactivité ;
absence de contrôle systématique des performances, de responsabilisation des cibles.
Même quand elles existent les instances de participation communautaires restent
informelles et ne produisent pas les résultats attendus
Recommandations:
Restructurer et accompagner les organisations communautaires pour leur
permettre de mieux s’insérer dans le dispositif de protection de l’enfance mais
aussi de s’investir dans la prise en compte des besoins spécifiques des groupes les plus
vulnérables, des femmes et des enfants notamment.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
89
Développer la coordination des différentes interventions, leur intégration en un
système en parfaite
cohérence avec le cadre de
référence défini par les
autorités publiques avec la
participation de toutes les
parties prenantes.
Systématiser les logiques
d’évaluation
Soutenir et accompagner
tout effort de
développement économique
et plus particulièrement les
initiatives innovantes
soutenues à petite échelle et
visant la très petite
entreprise (il en existe en
termes de maraîchage,
d’économie de bois de feu, de bio-carburant, etc.)
5.2.8. Le Réseautage/partenariat
La situation d’urgence a favorisé la création d’un sous clusters, groupe de réflexion,
de partage d’informations et formation d’organisations œuvrant dans la protection des
enfants. La crise a eu un effet mobilisateur et de mise en synergie des réponses d’urgence
variées.
Il existe aussi, au niveau national, des réseaux (FONGIM85 par exemple), espace
de réflexion souvent sans ramification aux échelons locaux.
Entre l’état et les autres acteurs les passerelles ne sont pas nombreuses. La
volonté de centraliser et de maitriser sa communication logiquement antinomique du souci
d’autonomie et de fiabilité ont par moments gêné les relations, crispé les positions, de
l’Etat comme celles des ONG et organisations communautaires.
Au plan horizontal l’inexistence de réseaux intracommunautaires est significative
de la faible capacité de ces organisations à mutualiser leurs moyens, à s’investir comme
forces de propositions et d’élaboration surtout en situation d’urgence. En la matière, elles
85 Forum des ONG Internationales du Mali
Figure 38: Réseautage/partenariat par région
Bamako, 3.5
Segou, 4.4
Mopti, 3.5
Gao, 3.2
Tombouctou, 3.3
Pondérationn
Rég
ion
s
Réseautage /partenariat
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
90
ont un rôle peu lisible dans de
réseaux par ailleurs bien
maîtrisés par les partenaires
étatiques, ONG ou des
bailleurs.
Recommandations :
Développer et élargir le
sous cluster à d’autres
organisations surtout
communautaires.
Formaliser un cadre
d’action fédérateur et
favoriser la convergence des interventions et la mutualisation des ressources en
matière de protection de l’enfance.
Faciliter les échanges entre pairs comme levier efficace de coopération et
d’apprentissage des acteurs communautaires.
Impulser des activités de communication
5.2.9. Le Suivi- Evaluation
Existence pour la plupart de mécanismes et d’outils de suivi-évaluation
opérationnels dans les ONG
Au niveau des services de l’Etat, existence d’outils de suivi mais absence
d’évaluation systématiques des projets et programmes
Inexistence au niveau communautaire d’une culture, de mécanismes de suivi et
d’évaluation.
Recommandations :
Systématiser la gestion axée sur les résultats qui préconise la définition de résultats
anticipés dans l’élaboration des projets et programmes ainsi que la mise
en place d’un cadre de mesure du rendement passant par la définition d’indicateurs
objectivement vérifiables.
Mettre en place un dispositif de suivi évaluation participatif incluant les
bénéficiaires dès la phase de préparation et d’élaboration des projets et programmes
et le faire fonctionner.
Promouvoir une logique de pédagogie de projet ouverte aux logiques d’évaluation
quantitative et qualitative
Bamako, 2.7
Segou, 2.6
Mopti, 2.9
Gao, 2.5
Tombouctou, 2.4
0 1 2 3 4
Pondération
Rég
ion
sSuivi/Evaluation
Figure 39: Suivi/évaluation par région
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
91
Le Cadre de référence politique, législatif et réglementaire de la protection de l’enfance
Les ONG et les services de
l’Etat ont une bonne connaissance du
cadre de référence ; on note de leur
part des efforts de mise en
conformité avec les normes, lois et
règlements en vigueur.
Par contre les acteurs des
communautés sont peu informés du
cadre de référence réglementaire
et persistent dans des pratiques en
dehors des lois et conventions (ils se
réfèrent en fait à des lois
coutumières ancestrales qui font
sens telles l’excision, le mariage
précoce, les pires formes de travail
des enfants).
La mise en œuvre des engagements (internes et externes) de l’Etat se heurte à de
Fortes réticences des secteurs religieux ou traditionnels. Le droit positif interne et
l’architecture institutionnelles restent en-deçà des standards.
Recommandations :
La composante Protection de l’Enfant du Programme de l'UNICEF contribue à l'atteinte
des besoins des enfants les plus vulnérables, particulièrement ceux affectés par la crise
à travers la prévention des vulnérabilités et le renforcement des systèmes formels
et communautaires de protection de l’enfant.
Obvier les effets et la prégnance des lois coutumières suppose un travail patient et
partagé avec toutes les composantes de la vie locale. C’est un travail lent et complexe qui
suppose un engagement fort, une meilleure proximité avec les communautés, une
technicité réelle, un savoir et un savoir-faire socio-anthropologique et
pluridisciplinaire. C’est un peu comme dans le cas de figure de la contamination EBOLA
5.3.1. Conclusion du diagnostique institutionnel Nous inscrirons notre analyse en phase avec celle déjà effectuée par les évaluations
antérieures, prises en compte dans le document de politique nationale de promotion et de
protection de l’enfant. Ce document insiste sur les menaces pouvant enfoncer la fission de
la toile des enfants au Mali. Il s’agit principalement de :
Figure 40: Cadre de référence par région
Bamako, 2.6
Segou, 2.3
Mopti, 3
Gao, 2.9
Tombouctou, 2.6
0 1 2 3 4
Pondération
Rég
ion
s
cadre de référence politique législatif et réglementaire de PDE
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
92
l’insuffisance de coordination inter et intra sectorielle dans la mise en
œuvre des projets et programmes ;
la faible capitalisation des mécanismes communautaires de protection des
enfants ;
l’insuffisance du plateau technique des institutions éducatives de
protection ou de rééducation pour enfants et leur inégale répartition sur
le territoire ;
L’absence d’un système d’information sur la protection des enfants ;
l’absence d’un système fonctionnel de contrôle et de suivi des programmes
de protection ;
la multiplicité des interventions au niveau des associations et ONG ;
l’insuffisance des ressources humaines et financières tant publiques que
privées ;
la mauvaise perception sociale des droits des enfants (ignorance et
méconnaissance).
Acteurs du système de protection au Mali
Les politiques et programmes nationaux, ainsi que les cadres protecteurs familiaux
et communautaires sont accompagnés par un support institutionnel comprenant plusieurs
acteurs. Il s’agit principalement des structures ci-dessous.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
93
5.4.1. Le gouvernement
- Figure 41: Acteurs gouvernementaux
Les départements ministériels
Ministère de la Promotion de la Femme, de la Famille et de l’Enfant;
Ministère de la Défense et des Anciens Combattants,
Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale,
Ministère du Travail, des Affaires sociales et Humanitaires ;
Ministère de la Santé et l’Hygiène Publique ;
Ministère de l’Economie et des Finances ;
Ministère de l’Industrie, des Investissements et du Commerce ;
Ministère de l’Education, de l’Alphabétisation de la promotion des Langues Nationales ;
Ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle ;
Ministère de la Fonction Publique;
Ministère du Développement Rural ;
Ministère de l’Administration Territoriale;
Ministère de la Justice ;
Ministère de la Sécurité Intérieure et de la Protection Civile ;
Ministère de l’Environnement et de l’Assainissement ;
Ministère des Mines ;
Ministère de la Jeunesse et des Sports ;
Ministère de la Communication et des Nouvelles Technologies;
Ministère de l’Energie et de l’Eau
Ministère de l’Equipement et des Transports ;
Ministère de la Culture;
Ministère du Logement,
Ministère des Affaires Foncières
Ministère de l’Urbanisme et de la Politique de la Ville
Les Collectivités Territoriales
Communes ;
Cercles ;
Régions.
District de Bamako
Les Structures promouvant la participation des enfants
Parlement des Enfants du Mali ;
Gouvernements d’enfants ;
Clubs d’enfants ;
Association des Enfants et Jeunes Travailleurs ;
Association pour la Promotion des Jeunes et Enfants Communicateurs ;
Conseil Consultatif National des Enfants et des Jeunes
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
94
Les Organisations de la société civile (OSC ) et partenaires
Figure 42: Acteurs ONG
Les acteurs locaux interviennent principalement dans trois grands domaines:
l’assistance, la prévention, et le plaidoyer. Ces acteurs de la société civile (hors
instances étatiques) comprennent :
Coalition Malienne des Droits de l’Enfant (COMADE) qui comprend 78 ONG et Associations;
Conseil National des Jeunes ;
Organisation Internationale des Migrations;
Associations de Défense des Droits de l’Enfant ;
Right To Play
World Vision ;
Coalition des ONG Africaines en Faveur des Enfants (CONAFE) ;
Comité d’action pour les droits de l’enfant et de la femme (CADEF)
Save the Children,
APCAM
APCMM
GARDEM
AEJT
Enda-Mali
Samusocial Mali
ECPAT MALI
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
95
Les principaux Partenaires Techniques et Financiers.86
86 « L’UNICEF appuie le Programme de protection des enfants contre toutes les formes de violence, d'abus, d'exploitation et de négligence,
avec le gouvernement du Mali. En amont de ce Programme et dans une vision plus préventive, le Programme d’éducation apporte une grande
assistance onusienne au Mali dans la perspective d’une scolarisation généralisée qui met les enfants à l’abri de toutes les formes de
vulnérabilité ;
Le Programme IPEC de l’Organisation internationale du travail, a lancé depuis 1998, avec l’appui du Gouvernement du Mali un Programme national de lutte contre le travail des enfants, suite à la signature du premier mémorandum d’accord de participation au programme IPEC. Il a
également mis en place en 2002 le volet malien du Programme sous régional de lutte contre la traite des enfants à des fins d’exploitation de
leur travail en Afrique de l’Ouest et du Centre (LUTRENA). En 2006, le Programme assorti de délais pour l’élimination des pires formes du travail des enfants (TBP MALI) et le projet pour combattre le travail des enfants à travers l’éducation, dénommé TACKLE, ont été lancés
conjointement avec le ministère du Travail ;
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) au Mali, a mis en place le Programme d’assistance directe au retour et à la
réintégration des enfants victimes de traite ;
La Banque mondiale apporte son appui technique et financier à la réalisation des indicateurs de résultats définis dans le second Programme d’investissement dans le secteur de l’éducation (PISE II) ;
BIT ;
UNICEF ;
Plan Mali ;
Terre des hommes
Intersos
OXFAM
PNUD ;
UNFPA ;
HCR ;
PAM ;
ONU FEMME
ONU SIDA
UE
Winrock
Aide à l’enfance
SOS Villages d’enfants
Aide et action
Toutes les autres institutions de coopération bi et multilatérale.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
96
Figure 43: Acteurs partenaires
L’analyse des cadres institutionnel et juridique de la protection de l’enfance au lendemain
de la crise de 2012, attire essentiellement l’attention sur cinq conclusions majeures:
1. Il existe une volonté politique à promouvoir, protéger les droits des enfants, traduite
par un engagement national et international juridique, l’existence d’un dispositif
institutionnel, la collaboration avec de nombreux partenaires techniques et financiers
2. Il existe cependant une multitude d’acteurs tant au niveau étatique qu’au niveau de la
société civile, voire des ONG, insuffisamment regroupés et donc efficientes. Ce qui
rend difficile les coalitions selon le modèle de gestion par résultats, la cohérence, la
concertation.
3. Il existe des difficultés dans le suivi des politiques dues entre autres à la
méconnaissance de certains textes ce qui nuit ou fait frein à leur application ainsi qu’à
l’harmonisation des textes nationaux avec certains instruments juridiques régionaux
et internationaux ratifiés
4. La faiblesse notée au niveau de l’impact de l’arsenal institutionnel au niveau régional
et subrégional peut être due à une insuffisance des structures fournissant des
services d’appui direct aux enfants en situation de vulnérabilité.
Légende
Les besoins sont insatisfaits pour 65.1% à 100% des enfants (Lacunes)
Les besoins sont insatisfaits pour 35.1% à 65% des enfants (Insuffisances)
Les besoins sont satisfaits pour 65% à 100% des enfants (Atouts)
Les ONG internationales (entre autres, Winrock, Aide à l’enfance, SOS Villages d’enfants, Aide et action, et Plan Mali) fournissent un
appui financier et technique aux différents acteurs locaux. » RAPPORTS DE PAYS DU PROGRAMME UCW, MAI 2009
DIMENSIONS PAR TYPE D'ORGANISATIONS (*note sur 5)
Fonctions ou Domaines d’appréciation Note OCB
Note
ONG
Note
Gouvernement
Note
domaine
Positionnement des organisations 3,9 2,4 3,8 3
Situation de référence 4,3 2,5 3,6 4
Services procurés 4,3 1,3 3,8 4
Ressource des organisations 3,2 2,7 3,8 4
Participation communautaire 3,1 2 2,3 3
Participation des enfants 2,7 1,4 1,6 2
Gouvernance 3,4 2 2,7 3
Réseautage/partenariat 4 2,1 3,2 3
Suivi-évaluation 3,2 1,8 2,8 3
Cadre de référence politique législatif et réglementaire de
protection de l’enfance 3,2 1,9 3 3
Total dimensions 3,5 2 3,1 3
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
97
6. Conclusion et Recommandations générales Les effets cumulés de crises multiples et persistantes au Mali ont ébranlé la
cohésion sociale, désarticulé les dispositifs communautaires de coopération et de
protection, fragilisé les systèmes institutionnels publics privés d’offres de services
sociaux de base. En interne cependant, les réseaux communautaires d’entraide et de
solidarité émettent des signes clairs de vitalité, mais aussi d’insuffisances. Les systèmes
de protection de l’enfance restent marqués par un double déficit : en termes d’égalité des
chances, de respect des droits reconnus, de mise en cohérence des cadres juridiques et
institutionnel internes avec les engagements internationaux, de coordination et
d’intégration des interventions des différents acteurs (publics, privés, communautaires).
En outre des écueils liés aux cloisonnements nationaux, communautaires et traditionnels
ne favorisent pas une approche et des réponses à la hauteur des problématiques
transfrontalières aggravant les situations de vulnérabilité et les migrations d’amplitude
sous régionale.
La réponse de Gouvernement, de ses partenaires, dont l'UNICEF et le Sous Cluster
Protection de l’Enfance, est adaptée au nouveau contexte de sortie de crise vers un
retour à un rythme normal et structuré87. Il est important durant la phase de
redressement à veiller à ce que des actions spécifiques sont menées pour répondre aux
besoins humanitaires (résiduels) issus de la crise. Les activités clés identifiées par le
SCPE sont :
1. le renforcement des systèmes formels et communautaires de protection de
l’enfant, et des capacités des acteurs pour améliorer les capacités de réponse:
gestion des cas, prise en charge médicale, psychosociale, socioéducative,
réunification/réinsertion,
2. la Prévention des risques lies aux problématiques prioritaires de protection de
l’enfance,
3. la réhabilitation/renforcement des services essentiels à l’établissement d’un
système intégré de protection (accès aux SSB),
4. le renforcement des mécanismes de coordination, suivi et évaluation, rapportage
et collecte d’information (y compris MRM) sur les violations de droits,
5. l'amélioration de la gouvernance et travail sur la cohésion sociale.
87 Sauf dans certaines zones du Nord ou la crise est encore d’actualité (Kidal, certaines zones de Gao et Tombouctou)
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
98
Cette analyse s’achève en tenant compte des propositions du SCPE, qui prennent déjà
en compte le plan d’action du gouvernement pour la phase de redressement88, afin de
formuler des recommandations qui se basent sur l’analyse des dimensions de vulnérabilités
et de réponses étudiées. Nous rappelons les principales vulnérabilités identifiées dans
cette analyse au lendemain de la crise de 2012: les opportunités économiques, la santé et
la cohésion communautaire. Aussi, des efforts sont à réaliser dans les domaines de la
nutrition, de l’éducation, de la disponibilité d’abris, de la protection et aussi de la santé
mentale.
Les recommandations pour répondre à ces défis ont été recueillies auprès des acteurs
intervenant pour la protection des enfants au Mali, mais aussi des communautés. Elles
sont présentées en deux volets : 1/à destination de la coordination et de l’action de
protection de l’enfance (vert), puis 2/celles qui concernent les domaines partenaires
(bleu).
Recommandations qui relèvent de la responsabilité des acteurs de la protection Nous rajouterons aux recommandations programmatiques issues du diagnostique
institutionnel, celles formulées par les enfants.
88 Voir annexe…
Domaine Total
1. Nutrition 48.1%
2. Éducation 63.6%
3. Abri 50.4%
4. Opportunités économiques 82.2%
5. Protection 40.3%
6. Santé Mentale 36.4%
7. Famille 30.2%
8. Santé 79.2%
9. Spiritualité 25.6%
10. Cohésion communautaire 62.8%
Tableau 2: rappel des principales vulnérabilités
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
99
Respects des droits de l’enfant
Veiller à l’Etat civil des enfants ( Pertes de pièces administratives; enfants
sans extraits de naissances, Reconstitution des dossiers; faire des actes de naissance
Prendre en charge les enfants vulnérables « Les autorités sont interpelées
pour prendre en charge les enfants vulnérables dans
toute les situations ».
L’Application des lois et assurer la sécurité de la
population
Apporter de l'aide matérielle et financière aux
personnes;
Instaurer l’autorité de l’Etat, arrêter les groupes armés
Impliquer les leaders religieux dans la prise de
décision
Sensibiliser les parents afin qu’ils puissent accomplir leur devoir, scolariser les
enfants,
Appui à la réinsertion familiale
Créer un centre professionnelle pour les
enfants
RECOMMANDATIONS DESTINEES
A LA PROTECTON DE L’ENFANCE
DOMAINES DE
VULNERABILIT
E
AUX AUTORITES
PUBLIQUES
AUX PTF AUX ACTEURS
COMMUNAUTAIRES
PROTECTION
Mettre en place un
système de veille et
d’alerte du fait des
risques accrus de
maltraitance, d’abus
sexuels,
d’exploitation et de
trafic d’enfants
Veiller rigoureusement
au respect des
engagements
notamment en matière
d’application des
sanctions en cas de
violation des droits
des enfants
-Mobiliser les systèmes
communautaires (ex
confiage d’enfants) tout en
prévenant les risques d’abus
sexuels, d’exploitation et de
trafic d’enfants
- faire connaitre et
respecter les droits des
enfants y compris au sein de
la famille
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
100
Figure 44: Recommandations pour la protection émise par les enfants eux même
Les adultes interrogés dans les communautés ou vivent les enfants proposent aussi
pour améliorer aujourd’hui la situation des enfants vivant au Mali :
Figure 45: Recommandations pour la protection des enfants émis par les communautés
A l'adresse des communautés
• Une assistance sociale des familles : aider les familles à avoir des activités génératrices de revenu
• Former les parents et les enfants pour qu’ils puissent connaitre leurs droits.
• La sensibilisation des communautés, l'orientation des familles de victimes vers les structures de prise en charge.
• Offrir aux familles et aux enfants un cadre protecteur contre l'exclusion et la stigmatisation.
• Sensibiliser davantage les populations sur les droits et devoirs des enfants
• Diffusion de l'information et la dénonciation des acteurs de violences a des structures compétentes
• Assistance psychologique des parents et enfants victimes
a l'adresse des institutions
• Une synergies et coordination des actions menées pour les lutter contre ces violences
• Réinstaurer l’autorité de l’Etat
• Application stricte de la loi et vulgarisation des textes juridiques
• La réhabilitation du système administratif et sanitaire
• Le renforcement des capacités des acteurs
• Faire des campagnes de sensibilisation sur les conséquences de ces violences sur les enfants auprès de la population et apporter un appui
• mettre en place des structures de prise en charge des enfants, des centres d'apprentissage de métier et l'alphabétisation
• Mieux coordonner les actions de protection en faveur des enfants
• Mise en place d’un comité de suivi pour les enfants.
• Revoir les textes et loi ratifies dans le cadre de la protection de l'enfance.
• Un plan national de lutte contre les violences faites aux enfants contre la maltraitance et les abus
• A l’époque des grands parents le système qui était mis en place pour venir en aide aux enfants
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
101
Recommandation pour les acteurs des autres secteurs (Intégration de la protection dans ‘d’autres secteurs/ SMPE))
6.2.1. Recommandations pour les secteurs les plus vulnérables
RECOMMANDATIONS
DOMAINES DE
VULNERABILIT
E
AUX AUTORITES
PUBLIQUES
AUX PTF AUX ACTEURS
COMMUNAUTAIRES
OPPORTUNITES
ECONOMIQUES
-favoriser une
approche
systémique des
situations et des
réponses
- anticiper et gérer
les conflits liés à la
compétition pour
l’accès aux
ressources
- veiller à intégrer
les interventions et
à assurer un appui
équilibré aux
victimes et aux
hôtes
- renforcer les
capacités des
professionnels en
gestion d’activités
génératrices de
revenus
-prendre en compte et
atténuer la
surpression sur les
structures et
ressources locales
-veiller à l’équité, aux
disparités et inégalités
frappant certains
groupes des plus
vulnérables (enfants,
femmes, handicapés
etc.)
- appuyer les activités
génératrices de
revenus
-mobiliser les savoir-faire
et ressources locales
- veiller à l’identification et
à l’inclusion des plus
vulnérables
- combattre l’exploitation
des enfants et les pires
formes de travail des
enfants et pour ce faire
opposer des alternatives
crédibles
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
102
-diversifier,
sécuriser, faciliter
l’accès aux revenus,
des plus vulnérables
notamment
SANTE/ WASH
-Réhabiliter,
renforcer les
services existants
- mettre l’accent
sur la prévention et
le dépistage
précoce
- renforcer les
infrastructures et
mesures d’accès à
l’eau potable, à
l’assainissement et
à un cadre de vie
sein et sécurisé
Prendre en compte et
atténuer la
surpression sur les
structures et
ressources locales
-mobiliser les volontaires et
relais communautaires
-valoriser les savoirs locaux
pertinents
- développer des campagnes
de prévention et des
mesures d’assainissement du
cadre de vie
COHESION
COMMUNAUTAI
RE
-Prévenir les
conflits liés à la
compétition pour
l’accès aux
ressources entre
hébergés et
hébergeant
-prévenir et gérer
les risques liés aux
différences
(habitudes, niveaux
de vie, aptitudes
aux changements,
vie en collectivité)
Prévenir les conflits
liés à la compétition
pour l’accès aux
ressources entre
hébergés et
hébergeant
Mobiliser les systèmes
communautaires (ex
confiage d’enfants, gestion
des conflits) tout en
prévenant les risques : abus
sexuels, d’exploitation et de
trafic d’enfants,
marginalisation des plus
vulnérables
Figure 46: Recommandations stratégiques par acteurs
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
103
Les opportunités économiques sont la principale vulnérabilité identifiée dans cette
évaluation (82.2% des enfants), surtout à Bamako (96.6%). Il faut au-delà de la question
de l’emploi disponible comprendre les capacités de survie, d’adaptation, d’organisation
et de créativité des jeunes dans un contexte changeant. Plusieurs ministères
interviennent déjà au Mali sur la question du manque de formation des jeunes et
essaie d’apporter une réponse en renforçant les programmes promouvant l’emploi
des jeunes ; en renforçant la coordination entre les divers acteurs institutionnels
identifiés 89qui sont
Le ministère de la Promotion de la femme, l’enfant et la famille (MPFEF) qui
coordonne plusieurs initiatives en matière de protection de l’enfant (le
Programme de protection des enfants contre toutes les formes de violence,
d'abus, d'exploitation et de négligence, le Projet de développement des droits
des adolescentes et de promotion de leur participation au développement, le
Centre de formation professionnelle « Aoua Keita », la Cité des enfants et le
Parlement national des enfants du Mali) principalement à travers la Direction
nationale de la promotion de l’enfant et de la famille ;
Le ministère de la Justice, qui a la tutelle de la Direction nationale de
l’administration pénitentiaire et de l’éducation surveillée (DNAPES). La
DNAPES est responsable de la protection et de la rééducation des enfants en
conflit avec la loi et/ou « en danger moral» ;
Le ministère de la Sécurité intérieure et de la protection civile (MSIPC)
dispose d’un service de police spécialisé, la Brigade chargée des mœurs et de
la protection de l’enfance, qui a pour mission de protéger les enfants en danger
moral, de les identifier et d’assurer leur réinsertion, en coordination avec des
institutions telles que les centres de DNAPES, la Cité des enfants ou les ONG
L’Institut national de prévoyance sociale (INPS) dispose d’un service de santé
qui s’adresse aux enfants travaillant dans le secteur informel ;
Le MTFP a la tutelle de la Direction nationale du travail ayant pour mandat de
veiller à l’application des réglementations sur le travail des enfants. Il est
également doté d’une unité « Enfant et Travail » qui a pour mission de
coordonner et d’évaluer les actions de lutte contre le travail des enfants. En
outre, le ministère du Travail collabore au projet IPEC de l’Organisation
internationale du travail, dans le cadre du Programme assorti de délais pour
89 ix RAPPORTS DE PAYS DU PROGRAMME UCW, MAI 2009
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
104
l’élimination des pires formes du travail des enfants. Le MTFP a également la
tutelle de la Direction nationale du travail ayant pour mandat de veiller à
l’application des réglementations sur le travail des enfants. En outre, le ministère
du Travail, de la Fonction Publique et de la Réforme de l’Etat, collabore avec
l’ensemble des projets IPEC dans le pays (PNLTE, LUTRENA, TBP Mali et
projet TACKLE de l’Organisation internationale du travail) ;
Le ministère de l’Emploi et de la formation professionnelle (MEFP) met en
œuvre, notamment à travers l’Agence pour la promotion de l’emploi des jeunes
(APEJ), plusieurs initiatives, projets et programmes qui ont pour objectif de
développer les compétences des jeunes et de favoriser leur insertion
professionnelle : le Programme emploi-jeunes (PEJ), le Projet d’insertion des
jeunes dans la vie professionnelle à haute intensité de main d’œuvre en milieu
rural et en milieu urbain (PEJHIMO) et le Fonds auto renouvelable pour l’emploi
(FARE) ;
Les autorités maliennes ont lancé un certain nombre d’initiatives afin de
prendre en charge l’apprentissage traditionnel et de l’intégrer au système
global de formation professionnelle : le Fonds d’appui à la formation
professionnelle et à l’apprentissage (FAFPA), l’ANPE dont l’un des
départements a pris en charge l’observation sur l’emploi et la formation (OEF)
et les unités de formation et d’appui aux entreprises (UFAE).
Il s’agira de mettre l’accent sur la concertation entre cette palette d’acteurs
et la cohérence de l’ensemble des actions pour atteindre des résultats probants dans
la mise à disponibilité d’opportunités économiques pour les jeunes. Cependant nous
insistons encore une fois sur l’établissement de programmes pour renforcer les
compétences de vie, l’estime de soi et la résilience des enfants afin de les outiller à
faire face aux difficultés de leur parcours et se créer une voie vers le succès.
6.2.2. Recommandations pour les secteurs en situation de « borderline »
RECOMMANDATIONS
DOMAINES DE
VULNERABILIT
E
AUX AUTORITES
PUBLIQUES
AUX PTF AUX ACTEURS
COMMUNAUTAIRES
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
105
Nutrition
-renforcement des
capacités des
professionnels et
auxiliaires en
connaissance des
valeurs
nutritionnelles, en
conservation et
transformation des
produits locaux
- identification,
promotion des bonnes
pratiques locales en
matière de nutrition
-veiller au respect
de la culture et des
habitudes
alimentaires par les
intervenants
institutionnels,
- promouvoir la
transformation et
l’utilisation des
produits locaux
-tenir compte des
contraintes
spécifiques (climat,
déplacements,
savoir-faire)
-diversifier et
adapter les canaux,
supports et modes de
communication
-favoriser la valorisation et
le renouvellement des
savoir-faire et produits
locaux
- développer un plaidoyer
pour l’abandon des
représentations et
pratiques néfastes aux
mères et aux enfants
- combattre les idées
reçues et préjugés qui
affectent l’état nutritionnel
des enfants
- soutenir les initiatives
micro économiques
innovantes par le micro
crédit
1. Garantir la
coordination et la
mise en synergie des
interventions, la prise
en compte et le
respect des
représentations,
enjeux et logiques
1. Prendre en compte et
ne pas asphyxier les
initiatives locales par
des interventions en
déphasage avec les
représentations,
enjeux et logiques
d’action des groupes
hôtes
1. Veiller à la
responsabilisation des
partenaires publics et
privés, à la participation des
communautés, à la
transparence et à la gestion
vertueuse des programmes
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
106
EDUCATION
d’action des victimes
et des groupes hôtes
2. Développer des
initiatives (mesures
incitatives) pour le
respect des droits
des femmes, de leur
droit à l’éducation
notamment
3. Assurer les
conditions de retour
sécurisé des services
sociaux de base
4. Adapter les supports,
les contenus et
l’animation
pédagogique aux
contextes très
différentiés
5. Renforcer les
capacités et
accompagner les
différents personnels
notamment en
approche inclusive
6. Faciliter la
coordination des
différentes réponses
éducatives
2. Mettre en place des
mesures
d’accompagnement
pour l’accès et le
maintien dans des
offres éducatives
adaptées et de
qualité
3. Procéder à un
arbitrage équilibré
entre urgence et
développement
4. Veiller à l’intégration
et à la mise en
synergie des
différentes
interventions
5. A chaque fois que
cela est possible,
privilégier le soutien
aux initiatives en
cours
2. Veiller à la prise en compte
des savoirs et ressources
endogènes
ABRIS
Veiller à des choix
respectueux de la
culture et des
environnements des
Veiller à des choix
d’architecture, de
plans d’implantation,
de matériaux
respectueux des
Veiller à des choix
respectueux des
environnements culturels et
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
107
bénéficiaires et des
milieux hôtes
environnements
culturels et
physiques des
bénéficiaires et des
milieux hôtes
physiques des bénéficiaires
et des milieux hôtes
PROTECTION
Mettre en place
un système de
veille et d’alerte
du fait des
risques accrus de
maltraitance,
d’abus sexuels,
d’exploitation et
de trafic
d’enfants
Etude sur le
confiage
Face aux parents
identifiés comme
principaux
auteurs de
violations :
Programme
d’appui, prise en
charge
psychosocial des
parents et
Education
parental
Veiller
rigoureusement au
respect des
engagements
notamment en
matière d’application
des sanctions en cas
de violation des
droits des plus
vulnérables : enfants,
femmes, handicapés
-Mobiliser les systèmes
communautaires (ex
confiage d’enfants) tout en
prévenant les risques d’abus
sexuels, d’exploitation et de
trafic d’enfants
- faire connaitre et
respecter les droits des
enfants y compris au sein de
la famille
SANTE
MENTALE
Renforcer les
capacités des
personnels en
matière d’accueil, se
soutien et
d’accompagnement
des victimes
A chaque fois que
cela est possible,
privilégier le soutien
aux initiatives en
cours
Mettre à contribution les
savoir-faire endogènes
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
108
6.2.3. Recommandations pour améliorer la situation des enfants dans les secteurs ou moins de difficultés ont été observées
RECOMMANDATIONS
DOMAINES DE
VULNERABILI
TE
AUX AUTORITES
PUBLIQUES
AUX
PTF
AUX ACTEURS COMMUNAUTAIRES
FAMILLE
-Appuyer et
accompagner les
familles d’origine et
d’accueil en vue de
réponses globales,
adaptées aux
contextes, capacités
et ressources locales
- Sensibiliser les
parents sur l’égalité
des chances,
l’inclusion et le
respect des droits
des plus vulnérables
Appuyer
prioritaire
ment les
accueils en
famille
- prendre leurs responsabilités de
parents tout en respectant les droits et
libertés des enfants notamment dans
les choix de vie (mariage, métier…)
- combattre les pratiques
traditionnelles néfastes : mariages
précoces, excision, lévirat90, sororat
-Mobiliser les systèmes
communautaires (ex confiage d’enfants)
tout en prévenant les risques d’abus
sexuels, d’exploitation et de trafic
d’enfants
SPIRITUALITE
Veiller au respect
des croyances, des us
et coutumes des
groupes en présence
Veiller au
respect des
croyances,
des us et
coutumes
des groupes
en présence
Veiller au respect des croyances, des us
et coutumes des groupes en présence
90 Quoique, le lévirat est une coutume d’origine hébraïque selon laquelle le frère d'un homme mort sans enfant mâle doit épouser la veuve de celui-ci ou une coutume selon laquelle les veuves d'un mari défunt deviennent les épouses de ses frères. Pour critiquable qu’elle soit cette disposition n’a pas que des côtés négatifs : bien souvent elle confère à la veuve une honorabilité donc une protection sociale et matérielle. Le lévirat est une coutume non pas à éradiquer mais à faire évoluer.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
109
Aussi, l’accompagnement des enfants en situation de vulnérabilité, traditionnelles ou
liées à l’urgence, devra mettre l’accent sur la mise en place d’un processus opérant et non
seulement fondé sur des accords de partenariat. Un enfant en besoin d’appui devra pouvoir
être identifié, enregistré dans une base de données commune, recevoir un premier service
d’écoute et d’orientation avec un spécialiste qui orientera la prise en charge médicale,
psychologique, sociale et juridique. L’accompagnement psychosocial demeure le parent
pauvre dans les efforts du système de protection. La compréhension méthodologique
et l’intérêt des outils d’évaluation du bien-être (avant-après accompagnement), ainsi
que le renforcement de la résilience sur la base des acquis communautaire n’a que peu
été atteint. Les activités psychosociales sont encore comprises comme activités
récréatives, sans contenu d’éveil ou de renforcement de l’identité et de la cohésion
communautaire. La méthodologie du Dispositif Itinérant d’Accompagnement
Psychosocial91 basé sur l’utilisation des ressources locales pour renforcer la résilience
et l’estime de soi des enfants pourrait alors être une réponse adaptée.
Les actions à mener devront permettre de renforcer au bénéfice des enfants le tissu
socio-économiques et le respect des droits humains afin de pouvoir garantir l'unité
nationale du pays, l'intégrité du territoire et de la tradition multiethnique,
démocratique et laïque du Mali.
91 Le DIAP a été mis en place avec le bureau régional de plan International pour l’Afrique de l’Ouest (Behrendt. A, Mbaye S.M, Ndoye.R) dans cinq pays (Togo, Burkina Faso, Cameroun, Sierra Leone, Liberia), puis appliqué à l’urgence par le professeur Serigne Mor Mbaye et Rokhaya Ndoye Mbaye (Niger, Sénégal, Bénin, Mali, RCA).
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
110
ANNEXE DEUX : PROTECTION DE L’ENFANCE-UNICEF: FICHE
D’INFORMATION92
Par « protection de l’enfant », l’UNICEF fait référence à la prévention et à la lutte
contre la violence, l’exploitation et les mauvais traitements infligés aux enfants, y
compris l’exploitation sexuelle à des fins commerciales, la traite et le travail des
enfants et les pratiques traditionnelles préjudiciables, comme les mutilations génitales
féminines/ l’excision et le mariage des enfants. Les programmes de protection de
l’enfance de l’UNICEF ciblent également les enfants qui sont tout particulièrement à la
merci de ces mauvais traitements, parce qu’ils vivent par exemple sans la protection de
leurs parents, ont eu maille à partir avec la justice ou vivent en période de conflits
armés. Les violations du droit des enfants à être protégés se produisent dans tous les
pays et constituent, en plus de violations des droits fondamentaux de la personne
humaine, des obstacles très importants à la
survie et au développement de l’enfant, qui
sont insuffisamment reconnus et signalés. Les
enfants victimes de violence, d’exploitation, de
maltraitance et de soins insuffisants risquent
de mourir, de subir des problèmes de santé
physique et mentale, de contracter le
VIH/SIDA, d’avoir des problèmes éducatifs,
d’être déplacés, sans-abri ou vagabonds et de
ne pouvoir assumer correctement à l’âge adulte
leur rôle de parent.
INSTAURER UN ENVIRONNEMENT
PROTECTEUR POUR LES ENFANTS
L’instauration d’un environnement protecteur
qui contribuera à prévenir et à combattre la violence, la maltraitance et l’exploitation
des enfants comprend huit composantes essentielles :
1. renforcer l’engagement des gouvernements et leur capacité à garantir le droit
des enfants à être protégés ;
2. promouvoir l’adoption et l’application de législation adéquate ;
3. combattre les mentalités, coutumes et pratiques préjudiciables ;
4. favoriser, notamment à l’aide des médias et des partenaires de la société civile,
un libre débat portant sur les questions relatives à la protection de l’enfance ;
5. renforcer les compétences, les connaissances et la participation des enfants ;
6. accroître la capacité d’action des familles et des communautés ;
7. fournir des services essentiels de prévention, de réadaptation et de
réinsertion, notamment des soins de santé de base, une éducation et une
protection ;
92 Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), Mai 2006
DROITS DE L’HOMME La Convention relative aux droits de l’enfant (1989) consacre le droit de l’enfant d’être protégé contre l’exploitation économique et de n’être astreint à aucun travail comportant des risques, d’être protégé contre toutes les formes d’exploitation sexuelle et de violence sexuelle et de ne pas être séparé de sa famille contre son gré. Ces droits sont définis plus précisément dans les deux Protocoles facultatifs, l’un sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants, et l’autre sur l’implication d’enfants dans les conflits armés.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
111
8. et établir et mettre en œuvre un suivi, un compte-rendu et une surveillance
continuels et efficaces.
Stratégie de renforcement de l’environnement protecteur pour les enfants
L’action de l’UNICEF et de ses partenaires se compose des éléments suivants :
• Mobilisation internationale, souvent à l’aide de mécanismes internationaux de défense
des droits de l’homme
• Mobilisation nationale et instauration d’un dialogue à tous les niveaux – du
gouvernement aux communautés, aux familles et aux enfants eux-mêmes – afin de
promouvoir des mentalités et pratiques qui contribuent à protéger les enfants
• Intégration dans les plans de développement nationaux des questions relatives à la
protection de l’enfance
• Approches axées sur la législation, soulignant qu’il est important de connaître, de
comprendre, d’accepter et d’appliquer les normes juridiques relatives à la protection de
l’enfance
• Approches axées sur la communauté, qui favorisent et renforcent la capacité des
familles et des communautés
Nous avons pour terminer recueilli un certain nombre d’action à mener par les différentes
parties prenantes pour éradiquer violences sur les enfants :
Réinstaurer l’autorité de l’Etat
Application stricte de la loi et vulgarisation des textes juridiques
La réhabilitation du système administratif et sanitaire
Le renforcement des capacités des acteurs
Faire des campagnes de sensibilisation sur les conséquences de ces violences sur
les enfants auprès de la population et apporter un appui
mettre en place des structures de prise en charge des enfants, des centres
d'apprentissage de métier et l'alphabétisation
Mieux coordonner les actions de protection en faveur des enfants
Mise en place d’un comité de suivi pour les enfants.
Revoir les textes et loi ratifies dans le cadre de la protection de l'enfance.
Un plan national de lutte contre les violences faites aux enfants contre la
maltraitance et les abus
A l’époque des grands parents le système qui était mis en place pour venir en aide
aux enfants
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
112
ANNEXE TROIS – SCPE : Présentation et perspectives Le Sous-Cluster sur la Protection de l'Enfance (SCPE)93 du Mali représente le forum à
l’échelle nationale pour la coordination des actions concernant la protection de l’enfance
dans les situations de crise humanitaire. Sous le leadership partagé entre l’UNICEF Mali
et les Directions techniques des Ministères de la Famille, de la Promotion de la Femme, le
SCPE du Mali réunit des ONG, des agences onusiennes, des chercheurs et d’autres acteurs
dans la poursuite d’un objectif commun, celui de garantir des interventions de protection
de l’enfance en situations d’urgence plus prévisibles, responsables et efficaces en
assurant une synergie avec les mécanismes de coordination préexistants pertinents, tels
que les Groupes thématiques (Genre, Femmes, Justice, etc.), la coordination des actions
spécifiques de Protection de l’Enfance ainsi que leur intégration dans le cadre de la
réponse humanitaire aux niveaux national, régional, et thématique94.
Le SCPE du Mali veille à assurer la liaison et la coordination avec les autorités
gouvernementales pour améliorer la qualité de la réponse et pour faciliter à moyen terme
l’appropriation de la réponse par les autorités dont c’est la première responsabilité. A cet
effet, le SCPE assure :
La coordination générale et le partage de l’information
L’élaboration des systèmes d’information pour la coordination
Le plaidoyer et la participation des partenaires aux différents processus de
lancement des appels pour le financement humanitaire
L’intégration de la protection des enfants à d’autres clusters
L’appui à l’élaboration des procédures opérationnelles standards
Le renforcement des capacités des partenaires dans les domaines de la protection
des enfants
Le développement des matériels d’information, d’éducation et de communication
La réalisation des évaluations et le recueil des données
La préparation d’une stratégie et d’un plan de réponse / contingence inter-agences
La bonne compréhension par les partenaires des problèmes de protection de l’enfance au
Mali est la condition première pour assurer la réussite de toutes les activités et pour une
potentielle valeur ajoutée qui incite les membres à participer activement. Dans ce sens,
93 Standards minimums provisoires pour la protection de l’enfance dans l’intervention humanitaire
contextualisés pour les régions de Gao, Mopti et Ségou et le District de Bamako en République du Mali, MPFEF Mali, Juin 2014 94 Termes de Références du Sous-Cluster Protection de l’Enfance du Mali.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
113
le SCPE apporte un appui dans l’évaluation des besoins, la planification de la
réponse, l’application de standards, le plaidoyer et la mobilisation des ressources95.
Dans toutes les situations d’urgence, la sécurité physique et affective et le bien-être des
enfants sont menacés. C’est pour cette raison que la protection de l’enfance représente
un enjeu important dont il faut tenir compte dans toutes les interventions humanitaires.
Par ailleurs, des objectifs relevant de la protection de l’enfance constituent souvent des
éléments à part entière de la préparation et de l’intervention humanitaires. Le Projet
Sphère définit l’action et l’intervention humanitaire comme suit :
Action humanitaire
L'action humanitaire a pour objectif de sauver des vies, d'atténuer les souffrances et
de préserver la dignité humaine pendant et après les catastrophes naturelles et les
crises provoquées par l'homme, ainsi que de prévenir ces événements et d'en améliorer
la préparation. L’action humanitaire présente deux aspects indissociables, celui de
protéger les personnes et de fournir une assistance (voir ci-dessous « Intervention
humanitaire »). Elle repose sur les principes humanitaires, à savoir l'humanité,
l'impartialité, la neutralité et l'indépendance.
Intervention humanitaire
L’intervention humanitaire représente une facette de l’action humanitaire (voir « Action
humanitaire » ci-dessus). Elle est axée sur l’assistance dans une situation d’urgence
déterminée.
Durant la phase initiale de l’intervention humanitaire, la prise en charge provisoire des
enfants non accompagnés et des enfants séparés de leurs familles, la recherche des
membres de la famille, les interventions rapides destinées à prévenir la séparation
familiale, l’aide psychosociale aux enfants en détresse et à leurs familles, et la
protection contre différentes formes de violence et de risques, comme le recrutement
dans des forces ou des groupes armés ou d’autres formes d’exploitation constituent
généralement les premiers besoins urgents en matière de protection de l’enfance. Dans
la plupart des cas, les familles et les membres de la communauté touchés par une
situation d’urgence répondront spontanément à ces besoins le mieux possible, et les
agences extérieures pourront chercher des modalités pour soutenir et accompagner ces
efforts.
L’action humanitaire pour la protection de l’enfance comprend également la préparation, y
compris le renforcement des systèmes de protection de l’enfance avant, durant et après
la phase d’urgence, afin d’accroître la résilience de l’Etat, de la communauté, de la famille
et de l’enfant face à la situation d’urgence et d’en atténuer les effets.
95 Termes de Références du Sous-Cluster Protection de l’Enfance du Mali.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
114
Le système humanitaire international reconnaît que l’intervention en matière de
protection de l’enfance sauve des vies et c’est à ce titre que le Fonds central
d'intervention d’urgence des Nations unies (CERF) permet de financer des activités
relevant de ce domaine. L’UNICEF est l’agence responsable de la protection de l’enfance
dans le système des clusters, et la protection de l’enfance fait partie du Cluster de
protection global dont est responsable le HCR.
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
115
ANNEXE QUATRE : Référence SRP 2014-2016 pour le Mali : Personnes dans
le besoin et personnes ciblées
BESOINS HUMANITAIRES PRIORITAIRES
Accès aux services sociaux de base
Problèmes de protection découlant du conflit
Forte prévalence de la malnutrition et de l’insécurité alimentaire
Estimée à environ 17.3 millions d’habitants en 2014, la population totale du Mali se
répartit inégalement sur une superficie de 1.2 million Km2. Le sud qui correspond au
tiers du pays en superficie regroupe environ 87% de la population totale, soit 15,8
millions de personnes. Les 3 régions septentrionales (Gao, Kidal et Tombouctou)
comptent une population d’environ 2 millions d’habitants. Bien que la crise alimentaire ait
concerné l’ensemble du Mali, les populations des régions du nord ont été plus affectées.
En 2012 et 2013, les conflits armés et l’occupation du nord du pays par des groupes
armés ont contribué à aggraver la situation dans les trois régions de Gao, Kidal et
Tombouctou - ainsi que dans certains cercles de la région de Mopti (Douentza, Youwarou
et Teninkou). Par ailleurs, le conflit a engendré le déplacement de plus d’un demi-million
de personnes à l’intérieur du Mali et vers les pays voisins, étendant ainsi la portée de la
crise aux régions du centre et du sud et aux communautés qui ont accueilli cet afflux de
déplacés. Les tableaux suivants (Figure 1 et 2) fournissent le nombre de personnes dans
le besoin et ciblées tel qu’identifié par chaque cluster.
Nombre d’enfants dans le besoin
Catégorie Nutrition :
o Malnutrition aigüe sévère (6 à 59 mois) : 136.000 enfants
o Malnutrition aigüe modérée (6 à 59 mois) : 360.000 enfants
Catégorie Protection
o PDIs incluant les retournés : 134.746 enfants
o Réfugiés Maliens rapatriés : 24.239 enfants
o Population non déplacée au Nord : 687.358 enfants
o Autres populations vulnérables : 396.572 enfants
Catégorie éducation, sécurité alimentaire, Abris, WASH et Santé non renseignés
pour les enfants
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
116
ANNEXE CINQ: NOTES SUR LES STANDARDS MINIMUM DE
PROTECTION
Les standards établissent un accord collectif sur les réalisations nécessaires pour que les
services fournis en matière de protection de l’enfance en situations d’urgence répondent à
des critères de qualité satisfaisants. Les personnes chargées de la planification et de la
budgétisation des programmes de protection de l’enfance en situations d’urgence
devraient, par conséquent, utiliser l’ensemble des standards comme point de départ pour
déterminer la portée et la qualité des actions à réaliser.
Dans la pratique, le niveau de conformité aux standards dépendra de facteurs variés,
notamment de l’accès à la population concernée, de la volonté de coopération manifestée
par les autorités et du niveau d’insécurité dans le contexte local. Lorsque vous devez
répondre à des besoins urgents et d’évolution rapide en matière de protection de l’enfance
en ayant des capacités et des ressources limitées, il est probable que vous deviez
hiérarchiser les standards ou adopter une approche progressive afin d’y satisfaire. Il faut
également tenir compte de l’état du système de protection de l’enfance avant la survenue
de la situation d’urgence, car s’il était extrêmement faible, il faut vous demander s’il est
bien réaliste ou approprié de tenter de satisfaire aux standards durant la phase
d’intervention. Pour terminer, il est possible que certains standards, malgré les efforts
déjà consentis en ce sens restent à être adaptés à la situation locale.
Plusieurs raisons importantes peuvent, par conséquent, justifier qu’il puisse ne pas être
possible ou recommandable de satisfaire à l’ensemble des standards. Cependant, lorsque
les standards ne sont pas applicables, ils peuvent néanmoins servir de référence universelle
et être utilisés pour, notamment, formuler des buts définitifs ou ambitieux en matière de
protection de l’enfance.
Ainsi utilisés, les standards permettront aux travailleurs humanitaires de repérer les
lacunes concernant la portée ou la qualité de l’intervention en matière de protection de
l’enfance et d’évaluer l’investissement ou les conditions nécessaires pour y remédier. Une
situation d’urgence peut parfois faire apparaître des difficultés et des spécificités qui
font obstacle à la pleine application d’un standard durant l’intervention en matière de
protection de l’enfance. Cette situation peut également être perçue comme une opportunité
pour introduire des changements, rapides ou plus progressifs, afin de renforcer la
protection de l’enfance à plus long terme. 96
96 D’autant plus que les SMPE recommandent l’intégration de la PE dans les autres secteurs de l’action humanitaire pour une réponse plus holistique …, principalement pour les catégories 20, 21, 22, 23, 24
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ANNEXE Six : DIMENSIONS PAR ZONE ET TYPE ORGANISATION
DIMENSIONS PAR TYPE D'ORGANISATIONS (échelle sur 5)
Fonctions ou Domaines d’appréciation Note OCB
Note
ONG
Note
Gouvernement Note domaine
Positionnement des organisations 3,9 2,4 3,8 3
Situation de référence 4,3 2,5 3,6 4
Services procurés 4,3 1,3 3,8 4
Ressource des organisations 3,2 2,7 3,8 4
Participation communautaire 3,1 2 2,3 3
Participation des enfants 2,7 1,4 1,6 2
Gouvernance 3,4 2 2,7 3
Réseautage/partenariat 4 2,1 3,2 3
Suivi-évaluation 3,2 1,8 2,8 3
Cadre de référence politique législatif
et réglementaire de protection de
l’enfance 3,2 1,9 3 3
Total dimensions 3,5 2 3,1 3
N
m
+
Fonctions ou Domaines
d’appréciation Bamako Ségou Mopti Gao Tombouctou
1
Positionnement des
organisations 3,2 3 3,3 3,8 3,4
2 Situation de référence 3,3 4,1 3,2 3,4 3,4
3 Services procurés 3,6 4,4 3,5 3,2 3,3
4 Ressource des organisations 3,5 4,4 3,5 3,2 3,3
5 Participation communautaire 2,1 2,8 2,2 2,5 2,8
6 Participation des enfants 1,8 2,5 1,4 2,3 1,6
7 Gouvernance 2,8 2,4 3 2,6 2,7
8 Réseautage/partenariat 3 3,1 3 3,2 3,2
9 Suivi-évaluation 2,7 2,6 2,9 2,5 2,4
10
Cadre de référence politique
législatif et réglementaire de
protection de l’enfance 2,6 2,3 3 2,9 2,6
Total dimensions 3 3 3 3 3
RAPPORT D’EVALUATION DE LA PORTEE ET DES EFFETS DE LA CRISE SUR LE SYSTEME DE PROTECTION DE L’ENFANCE AU MALI
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Légende
Les besoins sont insatisfaits pour 65.1% à 100% des enfants (Lacunes)
Les besoins sont insatisfaits pour 35.1% à 65% des enfants (Insuffisances)
Les besoins sont insatisfaits pour 0% à 35% des enfants (Atouts
Tableau 3: Dimensions des Vulnérabilités par type d'organisation
i Quand les lois ne traduisent pas une volonté économique, elles restent vaines. ii Ataraxie : absence de trouble