Download - THESE POUR LE DOCTORAT EN MEDECINE
FACULTE MIXTE DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE ROUEN
ANNEE 2015 No
(Diplôme d’état)
Par
SABÉ Michel
Né le 05/01/1989 à Kafaraka (LIBAN)
PRESENTEE ET SOUTENUE PUBLIQUEMENT LE 17 JUIN 2015
PRESIDENT DU JURY
Professeur Olivier Guillin
DIRECTEUR DE THESE
Docteur Didier Feray
MEMBRES DU JURY
Professeur Pascal Delamilleure
Professeur Jacques Weber
THESE POUR LE
DOCTORAT EN MEDECINE
PRATIQUE MEDITATIVE DE PLEINE CONSCIENCE ET NEUROPHENOMENOLOGIE. REVUE DE LA LITTERATURE
ET ETUDE CLINIQUE.
1
Par délibération en date du 3 mars 1967, la faculté a arrêté que les
opinions émises dans les dissertations qui lui seront présentées doivent être
considérées comme propre à leurs auteurs et qu’elle n’entend leur donner
aucune approbation ni improbation.
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Remerciements :
J’aimerais remercier tout d’abord monsieur le docteur Didier Feray d’avoir accepté de
m’accompagner tout le long de cette thèse.
Je remercie également monsieur le professeur Pascal Delamilleure pour sa relecture et ses
précieux conseils.
Je suis tout particulièrement reconnaissant envers mon père, docteur Gabriel Sabé, de m'avoir
très tôt dans ma vie initié aux pratiques contemplatives, ainsi qu’envers ma mère, Mme Marie-
France Sabé, de m’avoir donné tout ce dont un enfant a besoin dans ce monde.
Merci à Mathilde, d’avoir accepté de se prêter au jeu de la chasse aux fautes d’orthographe.
Merci à Georges, Farid, Samuel, Thomas et Benjamin pour leur relecture attentive et critique du
manuscrit final.
Merci à Christian de m'avoir rappelé comment me tenir droit, ainsi que d’habiter le silence.
Merci à Michel Bitbol, Antoine Lutz ainsi qu'à Jean-gérard Bloch pour leur précieux
enseignement, aussi bien sur le plan scientifique que pratique.
Merci à Jon Kabat-Zinn, à Christophe André, Edel Maex, Claude Maskens, Fabienne
Bauwens, Ilios Kotsou et tant d’autres personnes formidablement ordinaire qui n’ont transmis leurs
expériences.
Enfin, je remercie tous ceux que j'ai rencontrés durant mon existence et qui ont directement
ou indirectement, participés à m'aider à prendre conscience de l'importance de l’expérience et de
l’échange humain.
Je dédie ce travail aux milliers de méditants qui ont transmis leurs pratiques sur des
millénaires, ainsi qu'à mes parents, mes frères, ma sœur, et à Mathilde.
____________________
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PLAN DE THÈSE
Introduction …………………………………………………………………….………16
I. Pleine conscience
1.1. Introduction……………………………….……………...………………………….….17
1.2. Définition…………...……………………………………………………………….….18
1.3. Pleine conscience à travers le monde et les âges .…………………....………….…….20
1.3. A- Hindouisme………………………………………………………………........20
1.3. B- Taoïsme………………………………………………………………………...21
1.3. C- Bouddhisme……………………….……………………….…………………..22
1.3. D- Judaïsme ………………………….………...………….………….…………..25
1.3. E- Chrétienté……………….…………………………..……………………….....27
1.3. F- Islam……………………………………………………………………….…...29
1.3. G- Philosophes non-dualistes…………..………….…………………...…...……..32
1.3. H- Autres…..…………………………………….…………………….…………..35
1.4. De la philosophie bouddhiste à la laïcité occidentale….………………...…………...….36
1.5. Questionnaires validés évaluant les aptitudes spontanées à la pleine conscience...……..39
II. Méditation laïque
2.1. Introduction…………………………………………………………...…….………........40
2.2. Étymologie et origine du mot………………………….……………….………………...40
2.3. État de conscience modifié versus processus de méditation……...……………………...41
2.4. Définition de la méditation laïque…………………………………………………...…...42
2.5. Premières recherches concernant la méditation…………………………………..……...43
2.6. Essor de la recherche………………………………….…………………………...……..45
2.7. Mise en pratique des programmes basés sur la pleine conscience……………….....……46
2.7.A) Indications………………………………………………………………………..46
2.7.B) Contre-indications absolues et relatives……………………...………………......47
2.7.C) Potentiels effets secondaires des pratiques méditatives………...………………..48
2.7.D) Kundalini………………………………………..……………………………….50
2.7. E) Syndrome de Kundalini……………………………………………………...…..51
2.8. Revue spécialisée sur les pratiques de neurosciences contemplatives…….....….…........53
2.9. Rencontres internationales concernant les pratiques de Mindfulness……………………55
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III. Neurophénoménologie des pratiques méditatives
3.1. Introduction..………………………………………………...…………….…….……55
3.1.A) Définition de la neurophénoménologie …………………………...……….…..55
3.1.B) Lien corps-esprit …………………………………………………….......……..58
3.1.C) La pratique méditative : un intéressant domaine de recherche ...…........……..63
3.2. Explorations scientifiques des effets de la méditation………………………..………..65
3.2.A) Méthodologie des études scientifiques.……..…………….…………………….65
3.2. B) Émerger en pleine conscience .……...……...….…………………..….……….67
3.2.C) Connectomes et réseau du mode par défaut ……………..……………………..68
3.2.D) Prise de conscience du vagabondage de l'esprit ..………………….…….……..72
3.2.E) EEG et méditation .…………….………………...……………..……..………..78
3.2.F) PET-SCAN et méditation……………...…………..………….……..…………..87
3.2.G) IRM et méditation…………………………...…...……….…………...………..89
3.3. Neurophysiologie de la méditation……………………………………………………..95
3.3.A) Neurobiologie de la méditation….……….…….……………………......……..95
3.3.B) Modifications métaboliques par la méditation…………….…………....……..103
3.4. Problème du réductionnisme lié aux connaissances en neurosciences cognitives........104
IV. Programmes basés sur la pleine conscience
4.1. Programmes internationalement reconnus basés sur la pleine Conscience ...….…….113
4.1.A) MBSR…………………………………………..……………………...…..…113
4.1.B) MBCT………………………………………………………..……..…………115
4.2. Concepts clés des pratiques contemplatives ………………………………………....118
4.3. Pratiques couramment utilisées …………………………….………………………...122
4.3.A) L'exercice du raisin .………………………………….…………..…………..122
4.3.B) Body-Scan……………………………………………………….…………....123
4.3.C) Méditation assise ..…………………………………….….....………………..124
4.3.D) Marche méditative……………………………………….….….……………..125
4.3.E) Mouvement en pleine conscience………………………….….………….…...126
4.3.F) Journée en silence……………………….………………..…………………....127
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V. Pratique clinique du MBCT
5.1. Objectifs de l’étude…….……….…………………………………………………….128
5.2. Matériel et méthode…..….……….………………………….……………………….128
5.3. Résultats de l’étude…….………………………….………………………………….131
5.4. Discussion …….…………………………………..………………………………….134
5.5. Conclusion…….…………………………………..………………………………….136
VII. Conclusion
6.1. Conclusion…………………………………………………………………………….137
Bibliographie……………………………………………………………………………….138
Abréviations………………………………………………………………….……….……152
Annexe…...……………………………………………………………….…....…….…....153
Résumé ………………………………………………………………………...…….…....164
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Introduction
Ce travail de thèse cherche à synthétiser la neurophénoménologie de l'expérience du méditant.
Travail méticuleux à la croisée de différents chemins, prenant la forme d’une revue de la littérature,
il est pour moi l’aboutissement de plusieurs années de recherches débutées lors de mon enfance, en
lien direct avec la mosaïque culturelle dont j’ai bénéficié.
L'intérêt de la psychiatrie et des patients pour ces pratiques contemplatives témoigne-t-il
d’une urgence de mutation du mode de vie occidental? L'individu postmoderne, broyé par les
mécanismes de production, désorienté par la routine sans fin du quotidien, se retrouve déchiré entre
la surstimulation exponentielle et l’appel ancestral au vide. Cet homme projeté malgré-lui dans le
circuit du rendement et de la culture de l’ego, demande à retrouver un peu de sa spiritualité perdue,
troquée pour l'extase du futile et la vénération du compulsif.
La méditation, le yoga ou encore l’hypnose, ces pratiques méditatives, viennent au secours de
celui qui a enterré ses religions. Laïcisée, ces différentes pratiques passent sous la loupe des
neuroscientifiques, alliant technologies modernes et textes millénaires afin d'essayer d'en cerner
l'efficacité et le fonctionnement.
La méditation de pleine consciencea a été introduite dans le domaine médical aux États-Unis
par le professeur Jon Kabat-Zinn. Dérivant en particulier du bouddhisme tibétain, elle permet grâce
à la réduction du stress basé sur la pleine conscience de présenter un programme laïque et complet
pour ceux cherchant à diminuer leur stress, à lutter contre les douleurs chroniques ou encore à faire
face à une tendance à déprimer.
Qu'est-ce que la pleine conscience? Existe-t-il des preuves scientifiques solides de l'effet de
ces pratiques? Peut-t-il y avoir des effets secondaires? Quels sont les programmes existants et leurs
efficacités? Quel avenir pour ces pratiques?
Au fil des chapitres nous exposerons d'abord ce qu'est la pleine conscience, ainsi que son
existence à travers les âges et les lieux. Nous nous attarderons ensuite à cerner ce qu'est la
méditation laïque, puis à détailler les différents aspects neuroscientifiques de ces pratiques
contemplatives, ainsi qu’une mise en application sur le terrain clinique.
a Pleine conscience se traduit par mindfulness en anglais.
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I. Pleine conscience
« J’ai ouvert devant toi une porte que nul ne peut fermer »
Apocalypse 3:8, selon Jean.
1.1. Introduction
Pilier commun à de nombreuses philosophies ou religions, la pleine conscience est cette
capacité naturelle dont tout être humain est pourvu, lui permettant à tout moment de focaliser son
attention et d’observer sans juger l’expérience qui est sienne. Lorsque vous contemplez un paysage
magnifique, il se peut que vous soyez en pleine conscience. Dès les premières secondes,
inévitablement, l’esprit se met à comparer, en jugeant, l’expérience offerte avec d’autres
expériences analogues. Cette tendance quasi-automatique de l’esprit à activer sa conscience
analytique, détache l’individu de l’instant présent.
Dans cette première partie, nous proposons d’exposer les différents aspects de la pleine
conscience à travers le temps et les lieux.
1.2. Définition
La pleine conscience est la qualité de conscience qui prend place lorsque nous tournons
intentionnellement notre esprit vers le moment présent.
Kabat-Zinn, scientifique américain s’est inspiré de la pratique millénaire de la pleine
conscience au travers du bouddhisme afin de l’utiliser à des fins thérapeutiques. Il en donne une
définition simple dont chaque mot revêt une importance capitalea :
« La pleine conscience est la conscience sans jugement de chaque instant, que l’on cultive en
prêtant attention. La pleine conscience surgit naturellement de la vie. Elle peut être renforcée par la
pratique. Cette pratique est parfois appelée méditation. »
Kabat-Zinn, 20111.
a Une définition moins récente existait déjà en 2003 :
« État de conscience qui résulte du fait de porter son attention, intentionnellement, au moment présent, sans juger, sur l’expérience qui se déploie moment après moment. »
Kabat-Zinn, 2003.
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Le sujet doit être hautement ‘‘conscient’’ du moment présent, sans se laisser distraire par les
pensées, les émotions ou les sensations. Il s'agit d'observer avec bienveillance, sans jugement, le
flux de stimuli internes et externes. La pleine conscience n’est pas un dogme, c'est une manière
naturelle d'être en relation, pouvant surgir spontanément chez tout être humain.
Être mindfula, c’est idéalement faire table rase des schémas de pensées acquis, et avoir
constamment un regard neuf sur l'expérience. Cultiver une attention portée à l’expérience vécue et
éprouvée, ici et maintenant.
Kabat-Zinn propose, aussi bien aux débutants qu’aux pratiquants chevronnés de la pleine
conscience, plusieurs attitudes qui seraient à la base du mindfulness2. Elles permettent aux débutants
de profiter pleinement des interventions basées sur la pleine conscience : le non-jugement, la
patience, l’esprit du débutant, la confiance, le non-effort, l'acceptation, le lâcher prise.
En réalité, la pleine conscience participe à de très nombreuses philosophies orientales et
occidentales. Nommée de différentes façons, elle peut être abordée de différentes manières.
Deux états d’être sous-jacents découlent de cette définition :
L’adoption d’une attention dite ‘‘ouverte’’ sur l’ensemble des expériences, instant après
instant : rythme respiratoire, sensations corporelles, audition, émotions et pensées.
La pratique d’exercices métacognitifs de reconnaissance et d’observation des processus
mentaux conscients ou inconscients : tendance à juger, à commenter, à contrôler ou à orienter
l’expérience de l’instant présent.
La ‘‘magie’’ de la pleine conscience consiste à parvenir à s’alléger du poids des commentaires
de l’esprit, tout en explorant au plus près toutes les facettes de l’expérience du moment présent.
« On ne peut rien apprendre aux gens. On peut seulement les aider à découvrir qu’ils
possèdent déjà en eux tout ce qui est à apprendre. »
Galilée (1564-1642).
a Mindful signifie être en pleine conscience en anglais.
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1.3. Pleine conscience à travers le monde et les âges
Nous allons essayer de retracer dans le temps et à travers le monde, comment l’état de pleine
conscience a participé au développement de nombreuses civilisations.
A) Hindouisme (Ve siècle av. J.-C.)
L’hindouisme, l’une des plus anciennes religions encore pratiquée, puise ses racines près du
sindhu, une rivière du Nord-Ouest de l'Inde. Elle serait apparue il y a près de 5000 ans, avec une
apogée il y a 3500 ans lors de la période védique. Composé de différentes philosophies et croyances
cumulées au travers des siècles, l'hindouisme comprend le védisme, les brahmanes, le saktisme, le
tantrisme, les shivaïstes, les vishnouïstes, les lingâyat ...
C’est dans cet hindouisme que les programmes laïques occidentaux de mindfulness puisent
directement le savoir millénaire yogi afin de proposer une approche intégrative à l’Homme
occidental.
Photos 1. Inscription et représentation murales, vestiges de la cité de Harrapa au Pakistan datant de près de 3000 ans avant J.C. Nous y voyons des postures de méditation propre à l’hindouisme (posture dite du Brahmane)a.
Le yoga est considéré en Occident comme étant une simple discipline psychocorporelle. Il
englobe en son sein la pleine conscience. Aujourd’hui largement diffusé, il est synonyme de bien-
être physique et mental dans la société occidentale. Les pratiquants du yoga trouvent là une quête
d’harmonie s’inscrivant dans l’instant présent. La focalisation de l’attention sur le corps lors des
a Source : Lorenzo JL, Masson VM et Obenga T. History of Humanity, Volume III, From the Third Millennium to the Seventh Century BC. New York/Paris: Routledge/UNESCO. 1996.
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exercices permet aisément aux participants d’apaiser un mental agité. C’est surtout le domaine
du hatha yoga, qui vise au perfectionnement du corps et de l’esprit qui s’est développé en Occident.
Pourtant le yoga est censé préparer à la méditation et constitue une véritable voie d’éveil
spirituellea. Patañjali grand érudit Hindou qui vécut au IIème siècle avant notre ère, est considéré
comme auteur du Mahābhāsya (grand commentaire). Il s’exprime de façon précise et simple dans
son recueil de 195 aphorismes sur le yoga3 :
« Yogaś citta vritti nirodhah »
Soit ‘‘Le yoga est la cessation des fluctuations du mental’’.
Le hatha yoga est une version émergente et approfondie du raja yoga, récupérée par des yogis
ayant diffusé le yoga en occident. Il comprend les exercices de posture (āsana) et de souffle
(prānayāma), mais en occident nous laissons de côté des aspects plus complexes de cette pratique
psychocorporelle (bandha, mudrâ..). Le hatha yoga est fréquemment utilisé préalablement aux
longues méditations. Il pourrait cependant être dangereux de pratiquer ce type de yoga puisqu’il est
à l’origine réservé aux pratiquants confirmés désirant avancer rapidement dans la voie du yoga. En
effet, plusieurs états dissociatifs ont largement été décrits et regroupés par les psychiatres
occidentaux en ‘‘syndrome de la kundalinib’’.
Le sanskrit délimite plus d’une trentaine de termes différents afin de se référer à des états de
conscience différents. Par exemple, lors de la pratique du yoga, c’est la conscience discriminante
qui est mise au repos, vijñāna4.
B) Taoïsme (Ve siècle av. J.-C.)
Le taoïsme est une des trois philosophies et religions chinoises influentes dont les racines sont
principalement fondées sur des textes, comme le ‘‘Tao Tö King5’’ (livre de la voie et de la vertu),
dont l'un des plus anciens exemplaires date de 300 ans avant J.-C. Ce texte définit ce qu'est le Tao,
terme chinois le plus adapté au phénomène de pleine conscience, plus récent.
Traditionnellement, plusieurs mots définissent ce qu’est le taoïsme : fluidité, changement,
respect, utilité, et sens. Une personne qui accepte le changement perpétuel de ce qu'il est et du
a Le yoga classique se subdivise en quatre courants distincts. Un yogi maîtrisant une de ces voies a le droit de fonder une école de yoga : Jñāna yoga- axé sur la connaissance, principal intérêt des philosophes non-dualistes (Krishnamurti J, Maharishi R, Bal-sekar R ...) Bhakti Yoga- axé sur la dévotion Karma yoga- axé sur la discipline par l’action Rāja yoga- axé sur la préparation à la méditation dans le but d’atteindre l’état de samadhi, soit l’union avec le divin, Âtman ou Brahman. Il a principalement été décrit par Patañjali. b Syndrome décrit dans la partie II.
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monde, est en harmonie avec le Tao. Le ‘‘videa’’ de l'esprit est appelé wei-wu-wei, il s'agit ‘‘d'agir-
sans-agir’’. La pratique du zuowan signifiant littéralement, ‘‘s’assoir et oublier’’ ou encore du
jingzuo, ‘‘l’assise tranquille’’ font parties des méditations millénaires transmises par le taoïsme.
Les notions d’impermanence et d’interdépendanceb sont largement reprises à travers toute la
culture orientale. Fondamentales dans le taoïsme, elles sont intimement liées aux concepts de pleine
conscience et de dualisme que nous expliciterons plus amplement ultérieurement.
Extrait du Tao Te King
«…Ainsi le Maître agit sans rien faire
Et enseigne sans rien dire.
Les choses apparaissent et il les laisse venir ;
Les choses disparaissent et il les laisse partir.
Il a, mais ne possède pas, agit, mais n'attend rien.
Son œuvre accomplie, il l'oublie.
C'est pourquoi elle dure toujours.»
Lao Tseu, vers le Vème siècle avant J.-C.
C) Bouddhisme (Ve siècle avant J.-C.)
La méditation de pleine conscience (sous sa forme samadhi), développée plusieurs siècles
durant, est un des piliers de la pratique du bouddhisme au côté de la morale (sila) et de la sagesse
(pañña). Selon les textes sacrés, c’est sous ‘‘L'arbre de Bodhi’’ que le Bouddha a atteint l’éveil, cet
état de conscience supérieur où l'être est totalement libéré de l’égo, et fait un avec l'univers.
Bouddha symbolise cet être qui a atteint l’éveil. Il aurait vécu au VIe siècle avant J-C. Plusieurs
courants appelés véhiculec (yana) se développèrent ainsi par la suite.
En langue sanskritd, méditation se dit bhâvanâ, soit ‘‘développement’’ en français. Elle prend
plusieurs aspects :
Citta-bhāvanā, signifiant développement de l’esprit
Kāya-bhāvanā, signifiant développement du corps
Mettā-bhāvanā, signifiant développement de la bienveillance équitable
Paññā-bhāvanā, signifiant développement de la sagesse
Samādhi-bhāvanā, signifiant développement de la concentration
a Vide, au sens de sans fondement. b Soit plus particulièrement celle de coproduction conditionnelle dans le bouddhisme mahâyâna. c Avec surtout l’hinayana petit véhicule et le mahayana grand véhicule, appelé aussi Bodhisattvayana. Au sein du mahayana se développera par la suite le bouddhisme tibétain : vajranaya, la voie du diamant. d Langue indo-européenne autrefois parlée dans le sous-continent indien.
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Tous ces aspects se doivent d’être pratiqués par le méditant afin d’atteindre l’état d’éveil.
Deux types majeurs de pratique en résultent et forment le socle de la méditation bouddhiquea :
Samatha-bhāvanā, le développement de la tranquillité (soit de l’attention, de la focalisation
de l’esprit en un seul point)
Vipassanā-bhāvanā, le développement de la vision pénétrante (vision de la nature de la réalité)
Dans le samatha-bhāvanā, le développement de la tranquillité est une recherche du dhyânab ;
c’est une étape souvent nécessaire afin d’atteindre les états dits de samadhi (maintien,
repositionnement de la conscience). Habituellement les méditants doivent maîtriser la méditation
samatha avant de pratiquer la méditation de type vipassanā, discipliner le corps et l’esprit étant
nécessaire avant d’entraîner ces derniers. La philosophie bouddhiste identifie cinq poisons de
l'esprit que le méditant doit apprendre à reconnaître et à accepter afin d'atteindre un état de sérénité
avec son propre mental. Chacune des cinq ‘‘méthodes’’ est un antidote à l'un des cinq poisons de
l'esprit (Tableau 1). Le bouddhisme s’est répandu à travers toute l’Asie et le Moyen-Orient en
mêlant son enseignement aux autres philosophies et religions présentes. Il se diversifie et influence
divers courants du zen japonais au chan chinois, en passant par les druzes sémites.
Ainsi le zen, célèbre en Occident, est une branche du bouddhisme mahāyāna mettant l’accent
sur la méditation (dhyāna), par la pratique du zazen (photo 2).
Le zen trouve ses origines par la compréhension de la vraie nature (satori), d’un des disciples
de Bouddha, Mahâkâshyapa6, premier patriarche zen. Ce courant naît dans le sud de l’Inde au Ve
siècle (lankâvatâra sûtra7) avant de se propager vers la Chine notamment grâce à Bodhidharma,
moine bouddhiste, en participant à la naissance du chán (méditation silencieuse en mandarin). Le
zen se définit comme l’Hishriyo, la conscience universelle, cosmique.
a Deux autres types de pratique sont plus importants pour les tibétains : Méditation shiné, ‘‘calme mental’’ en tibétain, discipline de l’esprit afin de s’engager plus profondément en méditation Méditation lagtong, visant à identifier et acquérir la sagesse transcendantale b Dhyâna pourrait être traduit par état de contemplation, mais cela dépend de la phrase accompagnant ce terme.
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Pratique ‘‘ Méthode’’ Contrecarre Développe
Samatha
(tranquillité)
Ānāpānasati Distraction Concentration
Maitrīa Haine Bienveillance
Karuna bhâvanâ Cruauté Compassionb
Muditac bhâvanâ Jalousie, envie Joie sympathique
Upekkha bhâvanâ Attachement
Aversion Équanimité
Vipassanā
(vision
pénétrante)
Contemplation de l'impermanence Avidité Liberté
Pratique des six éléments Ignorance Compréhension du non-soi
Contemplation de la coproduction
conditionnée Illusion Sagesse
Tableau 1. Principales pratiques méditatives dans le bouddhisme tibétain.
Photo 2. Posture zazen de face, profil et de dos, réalisée par le maître zen Kôdô Sawaki.
Le chan eut un bruyant écho en Corée au IXème siècle, à travers l’ordre jogye et la pratique du
seon issue du zen. Enfin du VIème au XIIIème siècle, c’est vers le Japon que s’exporta le zen. Le zen
est surtout connu en Occident pour son apparente simplicité et grâce au maître bouddhiste zen
Taisen Deshimaru8(1914-1982), considéré comme un Bodhidharma moderne. De pratique simple et
avec un ornement religieux léger, ce courant du bouddhisme apparaît comme étant le plus
‘‘laïque’’, en tout cas pour sa forme occidentalisée. Le zen se résume ainsi : pratiquer le zazen,
abandonner le corps et l’esprit et appliquer les concepts zen afin de s’ouvrir totalement à la réalité
a Maitrī est un terme sanskrit (mettā en pāli) signifiant bienveillance, ou encore amour, ou plus précisément amour bienveillant, le sens premier étant amitié, fraternité. b Karuna signifie plus précisément ‘‘empathie agissant’’ ou ‘‘empathie en action’’. c Signifiant conscience d’autrui.
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d’ici et maintenant. Le méditant s’assied dans cette posture, par laquelle un homme connu l’éveil, et
devint Bouddha.
Le bouddhisme est une religion aux chemins divers, adaptés à chacun, où la méditation et la
pleine conscience ne sont que des aspects de la pratique et de l’enseignement. Cette pleine
conscience imprègne la pensée orientale au regard de la simplicité et du naturel de son exercice.
Elle a l’intérêt d’inonder chaque instant de notre journée d’une présence, d’un éveil singulier.
Image 1. Pleine conscience, composé de deux mots pour le bouddhisme chan. Image exposée lors de ses conférences par Kabat-Zinn.
Pour approcher au plus près de la signification du mindfulness, il est utile de savoir qu'une
traduction plus adaptée en anglais serait heartfulness (sruti en sanskrit). En sanskrit le cœur et esprit
sont désignés par le même mot. La pratique de la pleine conscience demande un courage
extraordinaire, qui vient du ‘‘fond du cœur’’. La bienveillance envers soi et autrui, se traduisant par
une compassion sans limite qui émerge naturellement par la culture de la pleine conscience.
D) Judaïsme (vers 500 avant J.-C.)
Comme tous les grands courants religieux, le judaïsme est imprégné par la notion de pleine
conscience. Cependant, cette religion, profondément liée à ses textes sacrés et au quotidien des rîtes,
ne laisse qu'à quelques mystiques le développement de la pleine conscience.
Les deux branches mystiques du judaïsme que sont l’hassidismea et la kabbaleb, prônent une
expérience directe du divin, qui ne s’encombre pas du cadre intellectuel. La kabbale est perçue d’un
mauvais œil par la grande majorité des rabbins conservateurs. Quant à l’hassidisme, il a perdu de sa
dimension contemplative et représente une version plutôt orthodoxe du judaïsme. La dimension
a Fondé au XVIIIème siècle en Europe de l’Est, ce courant de renouveau religieux insiste sur la communion joyeuse avec Dieu en particulier par la pratique de chants et de danses. b Remontant au XIIème siècle après Jésus-Christ, ce courant mystique judaïque revendique un accès au divin par des textes et rîtes ésotériques.
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théurgique de leurs pratiques dérange les mouvements traditionnels qui dénoncent une errance et
une illusion de l’esprit, là où les pratiquants affirment pouvoir se comprendre et se dépasser eux-
mêmes afin d’être en contact avec le divin.
Ces deux courants sur-interprètent probablement certains écrits de la Torah où l'attention et la
présence est de mise ; en réalité, rares sont les passages largement diffusés où la notion de pleine
conscience est explicitement posée.
Des différences subtiles d’orientation entre les pratiques contemplatives juives et bouddhistes
apparaissent. Comme l’importance accordée à l’extase, à la sortie de soi dans le judaïsme, à la place
de la méditation pour le bouddhiste ou encore au développement de certaines qualités humaines.
Le seul véritable point commun entre la kabbale et le bouddhisme est la nature indicible de
Dieu. L’en-sof en hébreu, le ‘‘sans-limite’’, en accord avec la réalité ultime : shunyata, en sanskrit
soit la notion de vacuité (les bouddhistes rejetant tout type de croyance en une déité supérieure,
même en un dieu monothéiste).
Historiquement, la ‘‘pleine conscience hébraïque’’ ne semble donc pas exister. De nos jours,
aux États-Unis, la religion juive compose néanmoins avec la vague du mindfulness, tant les fidèles
trouvent dans cette pratique un enrichissement de leur spiritualité.
Aucun contact entre rabbin et bouddhiste n'est relaté dans les textes anciens. Cependant au
Vème siècle, une vague d'immigration9 des régions sémites vers l’Inde et la Chine a bien eu lieu. Ce
peuple juif fut nommé zhuhu, ou encore wotuo10 par les chinois. L'échange tardif11 entre la religion
judaïque et le bouddhisme traduit justement leurs profondes différences, aussi bien sur le plan
théorique, que sur leur répartition géographique à travers l'histoire. En Judée, les pratiques
contemplatives étaient le domaine de sectes juives comme les esséniens, qui rejetaient les liturgies
du temple au profit de l’ascèse et de méditations.
Face au constat de certains concernant la pauvreté en matière de pratiques contemplatives du
judaïsme, ce sont les JuBus (Jewish Buddhists, les juifs bouddhistes) qui se forment aux États-Unis.
L'écrivain Roger Kamenetz affirme même déceler des analogies entre judaïsme et bouddhisme dans
un de ses livres12, là où d'autres opposent action et éthique au non-agir oriental13. Le judaïsme s'est
plus attardé à développer certaines techniques de prière14, comme l'hitbodedout (repliement sur soi
par la prière), l’hitbonenout (la contemplation des écrit de la torah et de Dieu, dans une dimension
herméneutique), hitorerout (l’éveil), hishtavout (pratique de l'équanimité, ne s'attacher qu'à la parole
de Dieu) et certains exercices d'introspection et de visualisation datant du XIXème siècle musar
(l’éthique).
En conclusion il apparaît que deux mouvements répondent au phénomène ‘‘pleine
conscience’’. Certains veulent intégrer aux pratiques judaïques un volet contemplatif, ainsi que des
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techniques de focalisation de l’attention, là où d'autres désirent se distinguer de ces pratiques qui ne
sont pas comparables aux anciens exercices de méditation hébraïques.
Photo 3. Altar dans une maison jubu à Los Angelesa.
E) Chrétienté
L’histoire du monde chrétien comporte nombre d’allusions à la pleine conscience. Au IVème
siècle, sur les terres d’origine des premiers chrétiens, des moines, les ‘‘pères du désert’’ pratiquent
des méditations contemplatives et affirment atteindre Dieu en se tournant vers eux-mêmes.
« Assieds-toi, tais-toi et apaise tes pensées »15, disait Abba Arsèneb aux disciples qui
demandaient quel chemin prendre afin d’être sauvés. Tandis qu’Évagre Le Pontiquec dans son traité
des pensées, explique “comment ne pas se disperser” et introduit la notion d’apatheiad déjà
par Démocrite avec l’ataraxia, la tranquillité de l’âme. Ces différents mystiques chrétiens mettent
l’accent sur la nécessité de l’entraînement aux pratiques contemplatives accompagnées de prières et
jeûnes afin d’observer son propre mental. Cela est par exemple définit par l’hésychasme, forme de
mystique orthodoxe axée sur les pratiques contemplatives.
De nombreux échanges entre les mystiques du Moyen-Orient et des Indes ont eu lieu. La
nécessité de savoir observer son mental afin de se concentrer sur les rîtes, ou juste la prière, semble
avoir été omise ou reniée au travers des âges.
a Source : Photo provenant d'un site en ligne. http://www.buddhistchannel.tv. b Père du désert, Saint orthodoxe du IVe siècle. c Moine copte du IVème siècle. d Terme signifiant l’absence de passion.
28
Les théologiens discutenta le fait que le Christ ait été essénien ou non16. Chose certaine, Jean-
Baptiste17, qui a reconnu dans le Christ le Messie, était lui-même essénien tout comme trois autres
apôtres du Christ. Cette secte juive pratique les mantras, la prière et la méditation contemplative, un
dogme de non-attachement aux valeurs matérielles ou aux croyances était aussi de mise.
L’existence d’un essénien était ascétique et pieuse. Cette empreinte gnostique judaïque
préchrétienne rend probable la pratique des mantras et de la contemplation par les premiers
chrétiens.
Maître Eckhart (1260-1328), célèbre mystique rhénanien ayant influencé les philosophes
Schopenhauer et Wittgenstein, est souvent cité dans les livres traitant du mindfulness. Il associe
pleine conscience et proximité avec le divin : « Dieu nous rend souvent visite, mais la plupart du
temps nous ne sommes pas chez nous ». Il pense que l’homme n’as pas à prier un être transcendant,
mais à en incarner sa pure présence.
La méfiance du monde chrétien pour les pratiques orientales, c'est-à-dire le rejet du chemin
intérieur et des pratiques contemplatives, est bien représentée par le pélagianisme. Cette doctrine
enseignée par Pelageb, avance que tout chrétien peut atteindre la sainteté par son libre arbitre, sans
rôle de la grâce divine. Les pratiques orientales ou sémites de centration-décentration, de
desidentification du mental, d’identification des illusions de l’ego et des représentations sont ainsi à
l’opposé de nombreux éléments retrouvés dans l’orthodoxie ou le catholicisme.
La crise quiétiste du XVIIème siècle, est emblématique de l’absence de place faite aux
pratiques contemplatives dans le monde religieux occidental. Selon certains catholiques, le terme
‘‘quiétisme’’ représente une forme de mysticisme représentée par les pratiques contemplatives, qui
pousseraient parfois à une extrême passivité. L’église catholique romaine jugea hérétique le courant
quiétiste en 1687. Des chrétiens associèrent pélagianisme et pratique orientale, assimilant la
méditation à une auto-contemplation. René Guenon (1886-1951), métaphysicien français, expert de
l'orient, avance que confondre pratique du non-agir ou savoir du non-savoir avec une simple attitude
d’observateur passif comme l’entend le quiétisme est une grave erreur de discernement et de non-
compréhension des pratiques orientales.
Le prête roman John Main (1926-1982) avait réintroduit dans les pratiques chrétiennes les
‘‘phrases-prière’’, dérivées des mantras orientaux des premiers chrétiens, dont l’efficacité
concernant l’activation du processus méditatif est désormais connue. Ce dernier a été initié par
Swami Satyanada aux mantras alors qu’il était assigné en Malaisie18. De retour à Dublin, il rejoint
a Leur rencontre aurait eu lieu à Qumrân près du fleuve du Jourdain. Reste à déterminer si Jésus a passé plusieurs années auprès des esséniens (la vie de jeune homme de ce dernier n’étant pas connue), ou alors seulement quelques mois. Plusieurs aspects de l’enseignement du Christ et de ses pratiques traduisent cependant clairement une imprégnation essianique : la croyance dans l’arbitre, l’attente du messie, la résurrection, le déterminisme, la rétribution finale, la prédestination, l’advenue de l’apocalypse, la rupture avec le culte sacrificiel. Pour exemple la cène, qui ne se déroule point comme la pâque juive, mais bien comme un repas essénien en silence. b Moine ascète breton ayant vécu de 350 à 420 après J.-C.
29
les bénédictins. C’est alors qu’en 1970 il découvrit les écrits du Frère Jean Cassien, datant
d’environ 400 après J.-C. et traitant du mot ‘‘maranantha’’, soit ‘‘Dieu est là’’ en araméen, il est
utilisé à la manière d'un mantra bouddhiste. C’est dans le ‘‘papyrus 46’’ datant de 200 après J.-C.19,
illustrant le nouveau testament, que furent retrouvées les traces les plus anciennes de ce ‘‘mantra
occidentalisé’’ permettant au chrétien, en se repliant dans son monde intérieur, de rentrer en
communion mystique. Il s’agit là, sans doute, d’une preuve que certains premiers chrétiens
s’adonnaient au maranantha. De nombreux occidentaux, retournèrent par ailleurs en terre
nazaréenne et judaïque afin de retrouver l’essence véritable de ces derniers.
Le monde chrétien semble accueillir avec bienveillance ce mouvement favorisant le
développement spirituel et le monde intérieur de chacun. De nombreux chrétiens essaient de
déterrer les anciennes pratiques méditatives sémites laissées à l’abandon, comme la ‘‘Communauté
mondiale pour la méditation chrétienne’’. Chaque année se tient un séminaire ‘‘John Main’’ auquel
le Dalaï-lama a déjà participé. Malgré le renouveau des pratiques contemplatives, le monde chrétien
institutionnalisé considère que la méditation est un repli sur soi et non une ouverture sur le monde.
F) Islam (VII e siècle après J.-C.)
L’islam après le bouddhisme et l’hindouisme est la religion ayant le plus développé la
pratique méditative. Le prophète Muhammed aurait lui-même reçu l’illumination, par la pratique
assidue d’une forme de méditation dans la cave de Hiraa. Le soufisme est une branche de l'islam qui
cultive une voie ‘‘intérieure’’ afin de comprendre plus en profondeur les messages du Coran. C’est
le courant islamique qui a le plus développé les pratiques contemplatives, et c’est celui que nous
développerons dans cette partie.
Le dikr ou zikr signifiant rappel, évocation, est au cœur de la pratique du soufisme20. Souvent
il s’agit d’une répétition rythmique, s’énonçant avec l’utilisation d'un chapelet le misbaha. Plusieurs
versets du Coran sont utilisés afin de justifier ces pratiquesb , ainsi que des discours hadith
prononcés par le prophète Muhammed. La lecture seule du Coran, où les prières journalières,
peuvent être considérées comme un dikr.
Quatre21 conceptions différentes de la pratique méditative issues du Coran se distinguent.
Développées par le soufisme, elles peuvent toutes se nommer dikr.
Taffakur, signifiant littéralement réflexion, c’est une pensée consciente, construite et
approfondie, en opposition avec des pensées automatiques ou inconscientes. L’exercice consiste à
a Cave de la montagne de la lumière, qui fait face à la ville de la Mecque. b XXXIII.41-42 et XVIII.24.
30
se rapprocher par la pensée habitée de la présence divine, à lire les sourates du Coran et à méditer
sur leurs véritables significations. Il s’agit seulement de la contemplation de ce que Dieu a créé, de
la nature.
Tasbih, c’est le chant où la récitation de l’un ou des 99 noms musulmans divins, ainsi que des
phrases spécifiques du kalima tayyiba (phrases appréciables). Un chapelet est souvent utilisé, le
tasbeh ou masbaha durant cette pratique.
Muraqaba, signifiant littéralement ‘‘observation’’, il s’agit de l’atteinte d’un état profond de
calme et de paix intérieure et extérieure, de clarté et de présence. Cette méditation est similaire à la
pratique vipassana bouddhiste, et elle est considérée pour les soufi comme une voie profonde
menant à la réalisation de la vérité et de la réalité, en transcendant les formes et le mental.
L’accent est d’ailleurs clairement mis sur la nécessité de développer un esprit mindful,
conscient : « [..] une heure de contemplation vaut mieux que soixante années d’adoration »
Prophète Muhammed
Murabita, dérivant du mot connexion, c’est une méditation destinée aux pratiquants
confirmés qui cherche à se rendre pleinement présent au moment et à rentrer en communion avec le
divin.
La culture de la méditation islamique est censée développer chez le pratiquant le savoir et la
conscience, afin d’atteindre la révélation.
« Celui qui se connait soi-même, est comme celui qui connait son Seigneur »
Prophète Muhammed
Illustration 1. Tableau représentant des soufis en transe méditative.
Dans le soufisme, il existe de nombreuses analogies avec le bouddhisme. La transcendance du
concept d’ego est possible par la pratique du soufisme. L’ego se nomme el-nafs en arabe. Il s’agit,
là aussi, d’effectuer un voyage intérieur afin de saisir la véritable nature de l’être et de la pensée, le
31
divin étant atteignable ‘‘en nous’’. Le but du dikr est la pacification du mental et le non attachement
aux préoccupations séparant le méditant de Dieu. L’esprit doit s’élever vers le divin en parvenant à
l’anéantissement de l’ego, le fana, par une pratique consciente et intentionnelle. Cette technique
méditative est bien relatée dans les écrits soufis, et se base sur le rythme respiratoire. La pratique du
dikr peut être individuelle ou de groupe22 et vise à l’entrée en transe. Toujours en analogie avec le
bouddhisme, la vie servirait à ‘‘mourir’’ durant celle-ci, afin de réaliser la véritable nature du divin,
d’atteindre l’illumination : « Meurt avant que tu ne meurs »
Prophète Muhammed
Illustration 2. Illustration imagée de la position Allah-hu des mains.
« Ta vie au moment présent est entre le passé et le futur... Si tu le gâches, alors tu as gâché
l'opportunité d'être parmi les fortunés et ceux qui seront sauvé. »
Ibnul-Qayyim (1292-1350), théologien sunnite.
Djalāl ad-Dīn Muhammad Rūmī (1207-1273) mystique musulman d’origine perse, fait partie
des plus grands mystiques soufi. Il fonde certaines confréries soufies (de derviches tourneurs) en
Turquie, qui effectuent une méditation en mouvement, la sama (ciel) ou hadra permettant d'entrer
dans un état de transe et en communion avec le divin au son du ney et du tambûr avec des
balancements du corps.
Néanmoins, certaines branches de l'islam voient d'un mauvais œil ces pratiques
contemplatives, salafisme et wahhabisme en tête. Ils essayent de combattre ces doctrines qualifiées
d'ésotériques et de mystiques qui selon eux relèvent du sectarisme, de l'égarement de l'être, et de la
tromperie.
32
G) Philosophes non-dualistes
Les philosophies non-dualistes sont profondément liées à la pleine consciencea. Les auteurs
fondateurs du concept de mindfulness s’attardent tous sur la notion de non-dualité. Cette notion est
en opposition avec le concept de dualisme introduit par Descartes. Ce dernier se réfère à une vision
de la relation matière-esprit fondée sur l'affirmation que les phénomènes mentaux possèdent des
caractéristiques qui sortent du champ de la physique.
Et pourtant, le dualisme cartésien se fonde sur l’expérience vécue. Cette méthode de
recherche duale se fonde sur une ontologie primaire. Le dualisme de Descartes est interprété comme
un double foyer de l’ontologie, la resextensa (soit la matière mesurable, dont le corps, la chose
étendue) et la rescogitans (soit la pensée, ou l’âme) dans ses œuvres philosophiques ‘‘Méditations
métaphysiques’’. Interprété, car le fait que la méthode de recherche adoptée ait un double foyer
n’implique pas pour autant l’existence d’un double foyer ontologique.
René Descartes lui-même n’a conçu le dualisme qu’à la suite de ses réflexions sur son
expérience vécue. Il distingue deux aspects fondamentaux, les choses dont l’on peut douter, la
resextensa, la focalisation sur les choses extérieures, et les choses dont nous ne pouvons pas douter
la rescognitans, la chose éprouvante, intérieure, l’expérience. Descartes tout comme les
phénoménologues, est un investigateur de l’expérience subjective. Il déroule le tapis rouge d’une
investigation scientifique en avance sur son temps : partir de l’expérience vécue et revenir à
l’expérience vécue. L’ontologie est réifiée entre ces deux pôles, attitude scientifique et attitude
réflexive, affirmée par l’expérience vécue au lieu de constituer deux choses distinctes. L’attitude est
duale mais non-dualiste. Ainsi, nous pouvons nous demander comment Descartes, qui croyait en
deux pôles différents, pouvait se baser sur le seul rapport entre ces deux pôles afin de définir le réel.
Comment l’âme commande au corps, comment le corps informe l’âme? Quel est le mécanisme
entre chose étendue et chose pensante ?
Antonio Damasio, célèbre neurologue, cite Descartes en soulignant l’abstraction de l’émotion
humaine dans sa schématique dualiste. Descartes s’exprime pourtant une fois par écrit à la question
du lien intime entre corps et esprit. La princesse Elizabeth de Bohême correspond avec Descartes et
lui pose cette question du lien entre corps et espritb. Descartes répond que l’interaction causale entre
a Dans le bouddhisme, le non-dualisme est une particularité du mahāyāna par rapport au théravada. La plupart des inventeurs des techniques de pleine conscience sont influencés par cet aspect du bouddhisme. b« […] Comment l’âme de l’homme peut déterminer les esprits du corps, pour faire les actions volontaires (n’étant qu’une substance pensante). Car il semble que toute détermination du mouvement se fait par la pulsion de la chose mue, à manière dont elle est poussée par celle qui la meut, ou bien de la qualification et figure de la superficie de cette dernière. L’attouchement est requis aux deux premières conditions, et l’extension à la troisième. Vous excluez entièrement celle-ci de la notion que vous avez de l’âme, et celui-là me paraît incompatible avec une chose immatérielle. Elisabeth à Descartes – La Haye, 16 mai 1643.
33
le corps et l’esprit doit être prise comme primitivement ontologique et qu’il serait faux d’entendre la
relation de causalité entre le mental et le physique sur le modèle de la causalité physiquea. Descartes
n’essaie pas d’exposer un mécanisme reliant corps et âme car cela reviendrait à tomber dans les
termes de l’une des deux (la chose étendue ici). Il affirme que si l’on arrête de s’engager dans le
processus de la réflexion, et qu’on laisse libre cours à notre présence, alors nous réalisons
immédiatement l’union de l’âme et du corps, sans avoir besoin de la théoriser. Juste contempler
l’être et la présence au monde, véritable méditation que Descartes pratique régulièrementb. C’est
donc toute la conception dualiste occidentale moderne qui est à méditer.
La conception de Descartes anticipe celle de la phénoménologie : l’union de l’âme et du corps
est un vécu et non pas un penser.
Notons par ailleurs, que la célèbre citation « Je pense donc je suis », est issue d’une réflexion
sur la seule rescognitans. Le principe de non-dualité est retrouvé dans les différentes traditions
citées, et en particulier dans l’Advaïta Vedānta indien, advaïta signifiant ‘‘non-deux’’, et dont
l’exercice permet à l’homme (jīvātman) de réaliser qu’il ne fait qu’un avec le tout (Brahman).
Pour les mystiques le non-dualisme est l'effacement total de l'ego permettant d'être uni avec
le tout. A l’inverse de l'individu ignorant plongé dans l'illusion du monde : la māyā.
« De l'Esprit-Un émerge la dualité, mais ne t'attache même pas à cet un. »
Seng Ts'an, troisième patriarche du zen23.
Le bouddhisme présente certaines traditions dites non-dualistes : le zen, le madhyamaka le
dzogchen, le mahāmudrā. Les notions discutées sont le non-soi, le non-effort, la non-pensée. Le
taoïsme oppose le yin principe féminin au yáng principe masculin, formant à eux deux l'unité soit le
tai chi ou dào. La division n'est que le reflet de l’unité. C’est une illusion troublant l'esprit humain,
que doit reconnaître le méditant. La voie du non-agir, le wu-wei, met fin à la pensée dualiste.
a[…] Je considère aussi que toute la science des hommes ne consiste qu’à bien distinguer ces notions, et à n’attribuer chacune d’elles qu’aux choses auxquelles elles appartiennent. Car, lorsque nous voulons expliquer quelque difficulté par le moyen d’une notion qui ne lui appartient pas, nous ne pouvons manquer de nous méprendre ; comme aussi lorsque nous voulons expliquer quelque difficulté par le moyen d’une notion qui ne lui appartient pas, nous ne pouvons manquer de nous méprendre ; comme aussi lorsque nous voulons expliquer une de ces notions par une autre ; car, étant primitives, chacune d’elles ne peut être entendue que par elle-même. Et d’autant que l’usage des sens nous a rendu les notions de l’extension, des figures et des mouvements, beaucoup plus familières que les autres, la principale cause de nos erreurs en ce que nous voulons ordinairement nous servir de ces notions pour expliquer les choses à qui elles n’appartiennent pas…. Descartes à Elisabeth – Egmond du Hoef, 21 mai 1643. b[…] J’ai quasi peur que Votre Altesse ne pense que je ne parle pas ici sérieusement ; mais cela serait contraire au respect que je lui dois, et que je ne manquerai jamais de lui rendre. Et je puis dire, avec vérité, que la principale règle que j’ai toujours observée en mes études et celle que je crois m’avoir le plus servi pour acquérir quelque connaissance, a été que je n’ai jamais employé que fort peu d’heures, par jour, aux pensées qui occupent l’imagination, et fort peu d’heures, par an, à celles qui occupent l’entendement seul, et que j’ai donné tout le reste de mon temps au relâche des sens et au repos de l’esprit ; même je compte, entre les exercices de l’imagination, toutes les conversations sérieuses, et tout ce à quoi il faut avoir de l’attention. C’est ce qui m’a fait retirer aux champs ; car encore que, dans la ville la plus occupée du monde, je pourrais avoir autant d’heures à moi, que j’en emploie maintenant à l’étude, je ne pourrais pas toutefois les y employer si utilement, lorsque mon esprit serait lassé par l’attention que requiert le tracas de la vie. » Descartes à Elisabeth – Egmond du Hoef, 28 juin 1643.
34
Les ‘‘philosophes’’ occidentaux non-dualistes sont très nombreux :
-Les philosophes présocratiques : Héraclite, Parménide
-Les stoïciens : Sénèque, Marc Aurèle
-Les sceptiques : Pyrrhon, Démocrite
-Les néoplatoniciens : Plotin, Proclos
-Des mystiques médiévaux : Maître Eckhart, Jean de la Croix
Et enfin, parmi les auteurs plus récents : Descartes, Montaigne, Spinoza, Schopenhauer, Husserl,
Heidegger, Wittgenstein, Bataille, Merlau-ponty, Krishnamurti, Varela, Damasio…
Tous les ‘‘penseurs’’ cités ci-dessus, présentent à leur manière le concept de non-dualité sans
forcément l’affirmer de façon précise, ce dernier ayant longtemps été jugé comme blasphématoire.
Cependant ils mettent tous en avant l’expérience de l’unité entre sujet et objet : l’expérience pure.
Spinoza fut un des seuls philosophes à clairement avancer d’emblée l'existence d'une réalité
unique et insaisissable. Le spinozisme fut par ailleurs condamné pour blasphème. La substance est
selon Spinoza : « ce qui est en soi et est conçu par soi, c'est-à-dire ce dont le concept n'a pas besoin
du concept d'une autre chose pour être formé » (Éthique I, définition 3). Spinoza conçoit une
substance unique aux attributs infinis : Deus sive natura (Dieu ou la Nature).
Dans notre société occidentale, le soi est de plus en plus perçu par la science comme une
construction mentale. Francisco Varela expose son raisonnement lors d’une allocution prononcée
lors du congrès de l’Union Bouddhiste Européenne, le 18 novembre 2000, à l’UNESCO :
« Le principe que rien n’existe par soi-même, que tout existe dans le lien avec d’autres
phénomènes est avéré dans l’existence non-existante que nous attribuons au rayon laser, aux
phénomènes atmosphériques, au langage, au corps ou à l’esprit. La science qualifie ces
phénomènes ‘d’émergents’ et même si l’existence est tangible, notre esprit agit sur le monde, on ne
reconnaît plus à l’existence la substantialité au sens aristotélicien de ce concept. »
Les philosophes modernes sont aussi pour certains d’éminents cognitivistes. Dans son célèbre
livre ‘‘L’erreur de Descartes’’, Antonio Damasioa, expose avec clarté les récentes découvertes en
neurocognitive et neurobiologie24, à savoir le rôle des émotions dans le raisonnement humain
(hypothèse des marqueurs somatiques). Il perçoit d'avantage la conscience comme un
épiphénomène émergeant de l’interaction entre le corps et l’esprit en s'appuyant sur les
connaissances scientifiques modernes.
a Né en 1944 à Lisbonne il est professeur de neurologie, de neurosciences et de psychologie a l'université de la Californie méridionale.
35
Il serait trop long, et hors de notre sujet, de s'attarder sur le développement de ce concept,
cependant nous pouvons brièvement exposer les courants actuels découlant des trois grands
courants de pensée nous venant depuis l'antiquité :
Le darwinisme neuronal d’Edelman expose que le soi est une illusion construit par le non-soi
(cerveau) seule réalité existante.
Le dualisme interactionniste d’Eccles, plaçant l'esprit purement spirituel, le soi, au-dessus du
non-soi traduit par le cerveau physique.
L’énaction, principe introduit par Varela, est une théorie émergeante du constructivisme et du
connexionnisme. Elle expose la notion de non-dualité.
H) Autres
De l'Égypte antique25 à la civilisation Maya, en passant par les mythes Maori, les conceptions
d'évolution de la conscience humaine et de réincarnation de l'esprit ont largement été intégrées au
sein de ces diverses cultures. Aucune preuve fiable cependant ne nous permet de parler de ‘‘pleine
conscience’’. La seule évidence acceptée est que ces peuples avaient des pratiques
psychocorporelles : mouvements particulier, prières, méditations, transes, usages de drogues
hallucinogènes... La notion de l'espace et du temps, a priori plus floue que de nos jours, favorisait
vraisemblablement l'immersion dans le moment présent.
La prière fut étudiée en 2003 par Newberg auprès d’un groupe de sœurs franciscaines26. Il
compara les résultats obtenus à ceux d’une précédente étude d’un groupe de méditants bouddhistes
ayant aussi une pratique de prière 50 minutes durant27 (mantra ou psaumes). Le débit cérébral fut
étudié à l'aide d'injection intraveineuse de Technétium (99mTc) exametazime avec une tomographie
d'émission monophotonique. Newberg note les résultats suivants : une augmentation du débit
sanguin dans le cortex préfrontal (7,1%), ainsi que des lobes pariétaux (6,8%), et les lobes frontaux
(9%) dans leurs portions inférieures. Une augmentation importante du flux sanguin dans les lobes
frontaux est concomitant à une diminution de celle des lobes pariétaux dans leurs portions
supérieure (r= 0.76 ; p< 0,03). Ces résultats sont assez similaires pour les deux groupes, moines
bouddhistes et sœurs franciscaines, lors de la pratique des prières.
Ces observations, sur un nombre limité de sujets avec différents types de méditation basées
sur des techniques de neuro-imagerie, suggère que plusieurs processus cognitifs coordonnés se
produisent pendant la méditation (tout en soulevant des questions méthodologiques importantes).
Les conclusions sont que, bien que toutes les méditations présentent des signatures différentes, elles
semblent nécessiter la mise en action d'un même ‘‘processus méditatif’’. Il est ainsi fort probable
36
que de très nombreux peuples aient développé des techniques méditatives dont celle de pleine
conscience.
1.4. De la philosophie bouddhiste à la laïcité occidentale
Différents spécialistes occidentaux du bouddhisme tels que Jack Kornfield, Jon Kabat-Zinn,
Sharon Salzberg, ou encore Francisco Varela ont essayé de vulgariser le bouddhisme afin de le
rendre plus compréhensible pour la société occidentale. L’Orient a depuis toujours été synonyme
d’exotisme et d’ésotérisme pour les occidentaux. L’occidental, dont la spiritualité s’est appauvrie au
fil des années au profit d’une société de consommation, montre un engouement pour ces pratiques
spirituelles. Ces vestiges des temps anciens que sont les temples bouddhistes continuent de pulluler
en occident, comme les possibles indices d’un monde en reconstruction.
Néanmoins, il est souvent difficile pour un occidental de concevoir ce qu’est le bouddhisme
du fait du cadre de pensée que notre culture nous a transmis. Religieux sous certains aspects, de par
la présence de temples et de rituels, empreint de la philosophie du Dharma, mais aussi moralisateur
sous le couvert d’une ‘‘morale universelle’’… Il est également aujourd’hui en occident objet
d’intérêt pour la science de par ses écrits millénaires sur l’exploration de l’esprit.
Jack Kornfield, né en 1945 aux États-Unis, est un influent enseignant américain du
bouddhisme. Il a été l’un des premiers à parler de méditation laïque avec Jon Kabat-Zinn. Jeune
homme, il découvre au cours d’un voyage humanitaire en Thaïlande avec le vénérable Ajahn Chah
(1918-1992) la tradition theravāda. Il y restera plusieurs années afin de devenir moine bouddhiste,
tout comme le célèbre méditant Ajahn Brahm. De retour aux États-Unis il termine une formation de
psychologue clinicien et fonde l’Insight Meditation Society. Il établit la notion de méditation laïque
et de psychologie bouddhique. Il participe aussi activement à différentes conférences et débats
autour des pratiques de pleine conscience et soutient largement les efforts d’établissement d’une
spiritualité laïque.
Jon Kabat-Zinn a très largement participé à l’introduction de la pleine conscience dans la
société occidentale grâce à son programme de réduction du stress. Le zen qu’il étudie est
intimement lié à cette laïcisation, ce courant étant le plus ‘‘laïque’’ des courants du bouddhisme. Le
MBSR qui s’inspire de la méditation vipassanā, du zen et du yoga s’affirme de nos jours sous
certains aspects comme un programme d’introduction à la spiritualité.
La philosophie bouddhiste est gnostique, par son agnostisme. C’est une culture de
l'expérience, dont l’acquisition n’advient qu’après la pratique et l’épochèa. La pratique du zazen est
a Selon Husserl, l'épochè consiste à suspendre tout acquis préalable (jugement, opinion, croyance….).
37
d’ailleurs fondamentalement adogmatique, il ‘‘suffit’’ juste de s’assoir et d’observer. (shikantaza
signifiant seulement s’asseoir en japonais).
« Même si certains savent par expérience que s'asseoir est le dharma du bouddha, nul ne sait
s'asseoir pour s'asseoir. »
Dōgen (1200-1253), maître zen japonais.
En France, l’école occidentale de méditation est mise en place par Fabrice Midala. Il prétend
répondre à la demande spirituelle en Occident, avec la singularité de ‘‘L’école occidentale de
méditation’’. Il s'oppose à l'approche religieuse la qualifiant de substitut de l’expérience directe par
un corps doctrinaire. Cette école s’apparente à une forme de néo-bouddhisme dénudé de ses
croyances ésotériques.
Certains critiquent cependant l’enseignement dispensé par Midal, dont ils dénoncent la
constante référence au guru Chögyam Trungpa propagateur d'un néobouddhismeb tantrique
transatlantique, et de sa poésie de la ‘‘sagesse folle’’. D'autres saluent cependant l'œuvre de Trunpga,
comme un bouddhisme en lien avec notre époque.
Philippe Cornu, spécialiste du bouddhisme en Europe, président de l'Institut d'Études
Bouddhiques, critique également Midal tout comme d’autres personnes, qui s’investissent dans la
pleine conscience en soulignant de ‘‘ridicules tentatives de bricolage’’. Il dénonce l’habitude des
occidentaux de s’approprier certaines techniques et d'y projeter des idéaux en ignorant l’éthique qui
leur est liée. Cornu pense, toutefois, que la pleine conscience peut très bien avoir un but utilitaire
strict, thérapeutique en Occident, en diminuant la souffrance ressentie, ou en s’inscrivant dans un
cadre d’un développement personnel.
L’introduction par ces thérapies à la pleine conscience peut aussi amener certains patients vers
divers chemins spirituels. Cependant il faut distinguer une tendance actuelle à la vulgarisation du
bouddhisme par la dénaturation de l’intégrité de ces traditions et l’adoption consciente d’une voie
spirituelle par la pratique religieuse. La voie spirituelle est infiniment plus complexe que la seule
pratique de la pleine conscience dans un cadre laïque. Les courants néo-bouddhistesc émergeants en
Occident, peuvent apparaître comme une tentative d’adapter le bouddhisme à la culture occidentale,
ou comme des formes simplifiées du bouddhisme traditionnel.
Par nature, la pleine conscience est ‘‘laïque’’, et ce n’est pas une tradition spirituelle.
Conscient de la nécessité d’une transmission pratique de l’expérience, Kabat-zinn encourage
a Né en 1967 à Paris, philosophe et essayiste, il rencontre les pratiques contemplatives dès ses vingt ans, auprès de Chögyam Trungpa Rinpoché (1939-1987), maître du bouddhisme tibétain très actif et célèbre pour avoir fondé en Occident plus d’une centaine de centres de méditation, dont l’université Naropa au Colorado. Le scientifique Francisco Varela, fondateur de la neurophénoménologie, fut aussi un des admirateurs de Trungpa b Le terme néobouddhisme n'est pas péjoratif, il souligne cependant qu’un enseignement différent de l'enseignement original est donné. Souvent il s'adapte a la société ou il est proposé. c Comme la sokagakkai ou le bouddhisme won.
38
l’engagement ou l’imprégnation des instructeurs de pleine conscience dans une tradition non-duelle.
Ainsi lorsqu’un instructeur en formation reçoit les enseignements laïcisés d’un formateur investi
dans une voie religieuse ou spirituelle, alors nous ressentons souvent une certaine empreinte, en
particulier du bouddhisme, durant ces séances de méditation laïque.
Et pourtant, la vision laïque de la méditation émerge directement du monde religieux. Les
grands méditants reconnus à travers le monde par de nombreux courants mystiques établissent
souvent au terme de leurs parcours, une émancipation de l’être, au-delà de toute notion
d’identification à un courant religieux. Jiddu Krishnamurti (1895-1986) et Pir Vilayat Inayat Khan
(1916-2004) font partie de ces grands méditants ayant sans cesse multiplié les échanges entre
différents dogmes et pratiques avant de mettre en avant la spiritualité qui transcende les différences.
« Puissions-nous tous marcher ensemble au-delà de nos diversités, comme autant de bougies
brûlant d’une même flamme, éclairant l’avenir de notre humanité. Cette aventure est possible !
C’est le nouveau défi. » Pir Vilayat Inayat Khan.
En conclusion la méditation n’est pas une pratique orientale, étrangère au monde occidental.
La méditation est un entraînement de l’esprit. C’est une transformation de soi, intentionnelle.
Redéfinir la façon dont fonctionne notre esprit est un travail de chaque instant qu’incarne la pleine
conscience par l’attention portée à l’instant présent. La méditation guide l’individu vers un état de
paix-intérieure, d’altruisme et de compassion. Les différentes religions ou philosophies sont des
écoles de la spiritualité, et la spiritualité est une notion laïque sans connotation idéologique
particulière.
39
1.5. Questionnaires validés permettant d’évaluer les aptitudes
spontanées à la pleine conscience
Différents questionnaires validés permettent d’évaluer les aptitudes spontanées à la pleine
conscience :
FMI The Freiburg Mindfulness Inventory28-2001
MAAS The Mindful Attention Awareness Scale29-2003
MAAS-A The Mindful Attention Awareness Scale for Adolescent30-2011
TMS The Toronto Mindfulness Scale31-2003
KIMS The Kentucky Inventory Of Mindfulness Skills32-2004
CAMS The Cognitive and Affective Mindfulness Scale33-2004
FFMQ The Five Facet Mindfulness Questionnaire34-2005
PHLMS The Philadelphia Mindfulness Scale35 -2009
CAMM The Child and Adolescent Mindfulness Measure36-2011
Les questionnaires les plus souvent utilisés sont le MAAS et le FFMQ. Des traductions en
français ont récemment été faites. Voici un extrait du MAAS :
« Je casse ou renverse des choses parce que je suis inattentif (ve) ou parce que je pense à
autre chose »
« J’ai des difficultés à rester concentré(e) sur ce qui se passe dans le présent »
« J’ai tendance à marcher rapidement pour me rendre là où je veux aller, sans prêter
attention à ce qui se passe durant le trajet ».
Ces questions explorent nos capacités de présence ou d’absence (par distraction,
préoccupation, ou tension vers un objectif) à tout ce que nous faisons. Mais l’aptitude à la pleine
conscience peut aussi se cultiver : de nombreux bénéfices semblent être associés à cet
‘‘entraînement de l’esprit’’ que l’on nomme méditation de pleine conscience.
40
II. La méditation 2.1. Introduction :
Voilà 5000 ans qu’au travers de différentes cultures se développe cette pratique d’approche du
lien corps-esprit. Elle est souvent adoptée en tant que démarche spirituelle ou de connaissance de
soi37. L’étude de la méditation par les neurosciences débutée dans les années 197038, a permis
l’émergence d’une nouvelle branche de recherche à part entière, celle des neurosciences
contemplatives. En partie à cause de la méfiance vis à vis de certaines techniques méditatives jugées
extrêmesa.
Du bouddhisme au soufisme, en passant par la judéo-chrétienté et l’hindouisme, cette pratique
de pleine conscience a récemment rejoint le courant des psychothérapies, en raison de ses bénéfices
avérés en termes de santé physique et mentale. Principalement en tant que thérapie complémentaire
aidant à la prévention des rechutes de la dépression ou à la réduction du stress.
Véritable culture de la sagesse intérieure, la portée de ces pratiques peut dépasser le cadre de
la psychothérapie. Essayons de définir les différents aspects de la méditation pratiquée dans un
cadre ‘‘laïc’’, créditée par les neurosciences, et largement appréciée Outre-Atlantique.
Sur la question de la place de la spiritualité dans le domaine du soin, la pleine conscience
semble faire écho à la fameuse citation d'André Malraux :
« Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas. »
2.2. Étymologie et origine du mot
Le mot méditation vient du latin méditatio qui signifie s’exercer, réfléchir, et dont la meilleure
traduction serait contemplation. Il vient aussi du mot mederi ayant pour équivalent soigner et média,
milieu. La méditation peut être perçue comme ‘‘centrante’’, conformément à l’acception orientale
du concept.
En Occident, la méditation est un approfondissement, voire un dépassement de la pensée
discursive. C’est vers la fin du XIXème siècle que la société de théosophieb adopte le mot méditation
a En particulier la pratique plusieurs heures durant du hatha yoga ou de la méditation transcendantale aux États-Unis. b Le terme théosophie fait référence à un système philosophique ésotérique à travers lequel l'être humain tente de con-naître ‘‘le Divin’’ et les mystères de la Vérité.
41
pour désigner les diverses pratiques spirituelles (samâdhi, pranayama) (ou divers langues sanskrit,
pâli de racines orientales), introduisant ainsi en Occident ce terme.
Traditionnellement en Orient et en Extrême-Orient, la méditation est synonyme de sagesse et
la conscience est placée à la base de l’existence.
2.3. État de conscience modifié versus processus de méditation
Le terme de méditation regroupe plusieurs significations partageant différents points
communs39. La méditation a longtemps été décrite comme un état de concentration, de focalisation
de l’attentiona sur un objet, une image. Cette relaxation du corps et de l'esprit favorise l'émergence
d’états dissociatifs pouvant susciter une transe méditative. La méditation peut aussi être vécue
comme un état mystique propice à de profondes expériences spirituelles. À la différence de la
méditation, le sommeil par exemple constitue un état modifié de conscience. La transition entre
l’état de veille et de sommeil étant rapide et inconscient.
Il n'en est pas de même pour la prise de conscience du moment présent. L’expérience
subjective du moment présent constitue donc une dynamique de conscience particulière que nous
nommerons processus. Il se distingue aisément de la divagation mentale habituelle à laquelle notre
esprit s’abandonne lorsqu'aucune tâche particulière ne le préoccupe.
Plus largement compte-tenu des récentes avancées neuroscientifiques, la méditation est
considérée comme un processus, un ‘‘état’’ dynamique non fixé dans le temps. La terminologie
‘‘état de conscience’’ largement adoptée par la communauté scientifique est donc à réévaluer à la
lumière des découvertes récentes.
En phénoménologie, l'expérience du moment présent est largement investiguée : la
phénoménologie expérientielleb fait référence à une modification de la représentation du ‘‘corps-
soic’’, avec une décomposition des comportements habituellement vécus comme étant automatisés.
Une autre particularité de l'abord phénoménologique est la pratique de l’épochè : la suspension de
tout type de jugement. Véritable fil conducteur de la philosophie phénoménologique. Introduite par
Husserl lui-même, ses origines remontent jusqu’au concept d’ataraxie de Pyrrhon :
« Aucune chose n'est plus ceci que cela »
Diogène Laërce dit Pyrrhon, IX, 61.
aNotre attention d’une manière générale peut être focalisée ou ouverte aux stimuli de toutes sortes. Elle aide à l’induction de la transe méditative. b Expérience à la première personne de ce qui est sur le moment par la pratique de l’épochè. C’est la mise en œuvre du processus directe d’autoréférence. c En phénoménologie, le corps-soi est un concept. Il s’agit de l’interaction entre le corps humain et son environnement à différentes échelles.
42
Lors de la méditation de pleine conscience, le méditant suspend toute forme de jugement et
observe ce qui est. Il s’éveille au monde grâce à l’exercice de ses sens. Cette pratique de l’épochè
demande un entraînement régulier car bien que la suspension du jugement semble facile, les
habitudes mentales sont nombreuses.
2.4. Définition de la méditation laïque
Des définitions récentes de la méditation pratiquée dans un cadre laïc ont été avancées. Cette
méditation laïque est souvent reconnue en occident comme étant la mindfulness.
Kabat-Zinn définit la méditation de mindfulness comme une façon d’être permettant de se
familiariser avec la pleine conscience :
«La méditation est une façon d’être, non une technique. Le but de la méditation n’est pas de
tenter d’accéder à un ailleurs, mais de permettre d’être exactement là où on est, tel que l’on est, et
de permettre au monde d’être exactement tel qu’il est à cet instant.»
Kabat-Zinn, 2011.
Une définition simple est celle de Cardoso40. Il expose la méditation en divers points
fondamentaux : l’utilisation d’une technique spécifique clairement définie et pratiquée
régulièrement, transmise et communiquée par l’instructeur ; l’implication d’une relaxation
musculaire et physiologique dans le processus ; l’implication d’une relaxation mentale, sans analyse
ou jugement des états mentaux.
La méditation serait donc aussi l’acquisition et la pratique d’un état auto-induit. Elle est
parfois perçue comme une méthode que la personne peut répliquer seule, sans instructeur, en
autonomie complète. Ce principe est apprécié par certains patients qui réclament leur participation
active dans le processus de changementa.
Bien qu'il n'existe pas de consensus international sur le sujet, les chercheurs s’accordent tous
sur le fait que pour méditer, il faut user de la concentration dans le but d'apaiser le mental. La
méditation permet ce développement de l’attention par la pratique de l’auto-focalisation (ancrage ou
induction) sur un stimulus (souvent le souffle).
Dans le monde occidental, il est de coutume d’assigner un but à toute pratique ou
entraînement. La question du but de la méditation est difficile à expliciter à celui qui n’a pas encore
pratiqué. Car c’est l’expérience même de la méditation qui éclaire le sujet sur cette notion. Ainsi,
a Notion nommée empowerment en anglais.
43
bien que les thérapies se basant sur la pleine conscience ciblent des buts précis, la méditation au
sens large transcende ce concept.
Une définition intéressante, précise sur le plan phénoménologique, est celle avancée par
Berghmans41 . Il définit la méditation comme un processus psychophysiologique, complexe,
interactif et multidimensionnel qui fait intervenir les éléments suivants :
-L’intentionnalité et l’engagement du sujet dans le processus
-L’utilisation de techniques spécifiques clairement définies et pratiquées régulièrement qui doivent
être transmises par une instruction
-L’activation d’un type d’attention (focalisée, fluide et vigilante avec le développement d’une
compétence de focalisation sur un objet interne ou externe, souffle, image, son)
-L’implication d’une relaxation musculaire et physiologique
-La mise en pratique d’un état auto-induit ; c’est-à-dire d’une méthode que le sujet peut répliquer
seul sans la présence et sans dépendance à son instructeur
-L’inscription corporelle dans une posture (assise, couchée ou en mouvement)
-L’observation directe ou indirecte des états mentaux
Cette définition peut être enrichie en fonction des types de méditations pratiquées (pleine
conscience, concentration, contemplation) ainsi que de certaines caractéristiques :
-L’implication d’une relaxation mentale excluant l'analyse et le jugement des états mentaux.
-La relation au processus cognitif. Comme l’exercice métacognitif, consistant à observer ses
pensées ou à pratiquer la visualisation mentale.
2.5. Premières recherches concernant la méditation
La toute première étude occidentale répertoriée42 concernant ces pratiques date de 1931 par
Franz Gabriel Alexander (1891-1964) médecin et psychanalyste américain. Les sociétés
psychanalytiques influentes à l’époque voient d’un mauvais œil ces pratiques ‘‘psychosomatiques’’,
psychogènes selon certains, dogmatiques selon d’autres.
Parmi eux, Carl Gustav Jung (1875-1961) avait perçu un potentiel de développement de la
conscience qu'il nommera ‘‘individuation’’. Il fait la promotion de ces pratiques naturelles et
millénaires43, tout en émettant des réserves quant au choc culturel induit.
Les débuts de la recherche scientifique concernant ces pratiques sont assez maladroits. Les
objets d’étude étant pour le moins surprenants voire burlesques, allant de la lévitation (yoga sutra)
aux possibles capacités de télépathie. C’était surtout les potentiels effets secondaires de certains
44
courants spirituels qui étaient passés sous la loupe des scientifiques américains, comme par exemple
la pratique prolongée de la méditation transcendantale.
Photo 4. Maître Taisen Deshimaru participant en 1972 à une étude sur la méditation zen
Au début des années 1970, la neurophysiologie de la méditation commence à prendre forme.
Wallace RK, s'attarde sur les effets physiologiques de la méditation transcendantale44 et Herbert
Benson de la Harvard Medical School mène les premières études scientifiques visant à évaluer les
bienfaits de la méditation transcendantale45. Benson constate lors de ses études des effets physiques
et psychiques de la pratique. Sur le plan physique il note un ralentissement des rythmes cardiaques
et respiratoires, une chute de la lactatémie, et une augmentation des plages d'ondes Alpha à l’EEG
(signe de concentration mentale). Sur le plan psychique, il constate que la méditation est utile pour
arrêter ou ralentir la pensée obsédante, l'anxiété, la dépression et l'hostilité.
Benson publie ainsi des articles sur la diminution de fréquences de migraines46, et de la
pression artérielle47 grâce à la pratique méditative. Il a l'intuition de comparer différentes pratiques
psychocorporelles issues de diverses cultures à travers le monde afin de relever certains invariants.
Benson en déduit que la méditation pourrait être utilisée avec succès dans le traitement de troubles
somatiques : hypertension artérielle, maladies cardiaques, migraines, maladies auto-immunes...
2.6. Essor de la recherche
45
Des scientifiques de renommée internationale se sont investis dans la recherche en
neuroscience concernant la méditation. De Francisco Varela, à Richard Davidson, en passant par
Jon Kabat-Zinn, c’est plus de 40 ans d’investigation qui ont déjà vu le jour.
Les contacts entre le monde occidental et les dignitaires bouddhistes en 198048, ont catalysé la
recherche en méditation, en l’orientant surtout vers deux types de méditation millénaire :
La méditation de pleine conscience (d’observation)
La méditation de concentration (d’attention focalisée)
Les rencontres médiatiques organisées au Mind and Life institutea, ainsi que la collaboration
d’éminents scientifiques respectés dans le monde occidentalb ont permis d’identifier les avantages
de la pratique méditative aidant ainsi à la popularisation des programmes de méditation laïque.
Les techniques scientifiques modernes ont en effet largement permis de démontrer l’intérêt49
et l'efficacité des pratiques de méditation50. C’est ainsi que l’on observe l’augmentation au fil des
années des études cliniques sur la méditation (Figure 1).
Ces deux dernières décennies les techniques de pleine conscience constituent au sein de la
troisième vague des thérapies cognitivo-comportementales le courant de psychologie occidentale
ayant connu le développement le plus fulgurant et le plus imposant de son histoire. Aux États-Unis
en 2009 plus de 20 millions d’américains ont bénéficié des quelques 20 programmes différents
basés sur la pleine conscience dans près de 750 centres médicaux dont 200 hôpitaux51. En France
depuis cinq ans apparaissent chaque année 10 à 20 % de pratiquants supplémentaires, dont 60 % de
femmes, selon l’association pour le développement du mindfulness. La pleine conscience semble
dépasser le simple effet de mode dans notre société. Actuellement plus de 1700 publications
existent déjà sur la recherche scientifique concernant la pleine conscience. Chaque mois, une
cinquantaine d'études sont publiées dont certaines dans de prestigieuses revues scientifiquesc.
Malgré un nombre élevé de rapports scientifiques et des propositions théoriques inspirantes,
les neuroscientifiques admettent que nous connaissons encore mal les processus
neurophysiologiques impliqués dans la méditation ainsi que leur impact à long terme sur le cerveau.
Cela traduit aussi le manque de connaissances en neurophysiologie, et les nombreuses difficultés et
biais rencontrés avec les études sur la pleine conscience : manque de données statistiques, de
populations contrôles, de rigueur de la plupart des premières études, d'homogénéité des états
a Explicité dans la partie 2.9. b Antonio Damasio, Herbert Benson, Fransceco Varela, Paul Ekman… c Nature, Neuroscience, Lancet…
46
méditatifs étudiés, manque de moyens financiers également, difficulté à contrôler le degré
d'expertise des praticiens.
Ces paramètres peuvent expliquer la contribution limitée des neuroscientifiques dans le
champ de la méditation52.
Figure 1. Nombre de publication concernant la pleine conscience de 1980 à 2013.
En France, compte-tenu de l’esprit cartésien dualiste encore prôné dans de nombreuses
universités et d’une tradition psychanalytique forte, cette pratique intégrative alliant corps et esprit,
venue d'Outre-Atlantique peine à s’imposer dans les milieux hospitaliers. Sainte-Anne, la Pitié-
Salpêtrière et Haute-Pierre sont les premiers hôpitaux à proposer ces thérapies complémentaires
intégrative et moderne. D’autres centres, comme le centre hospitalier de Dieppe, arrivent cependant
à proposer à certains patients, ces thérapies innovantes et intégratives.
2.7. Mise en pratique des programmes basés sur la pleine
conscience
A) Indications
Ces indications concernant un programme de pleine conscience dépendent de programmes
spécialisés. En effet, plusieurs programmes sont apparus afin d’optimiser la part cognitivo-
comportemental de ces thérapies de pleine conscience.
Les potentielles indications pouvant bénéficier d’un programme de pleine conscience sont :
-Gestion de l'anxiété et des ruminations mentales
-Troubles du sommeil
47
-Gestion des émotions et du stress (social ou professionnel)
-Prévention des rechutes dépressives
-Hypertension artérielle
-Troubles du comportement alimentaire
-Gestion de la douleur chronique et de la détresse face à la maladie chronique
-Prévention des rechutes dans les addictions
Les bénéfices les plus souvent retrouvés sont :
-Être, vivre dans le moment présent
-Développement de la sérénité du sujet
-Développement personnel
-Développement des capacités d'empathie et de compassion
-Amélioration de l'estime de soi
-Meilleure gestion du stress à court et long terme
-Diminution des schémas inadéquats et des croyances dysfonctionnelles
B) Contre-indications absolues et relatives
Il est important de sonder l’état psychique des prétendants aux groupes, compte-tenu du
risque d’exacerbation d’un mal-être sous-jacent ou d’une pathologie plus ou moins évolutive. Ces
contre-indications doivent être recherchées par les instructeurs de méditation.
Les contre-indications absolues sont :
-Tout trouble psychiatrique en phase aiguë
-Troubles délirants
-Schizophrénie en évolution
-Troubles schizo-affectifs
-État de stress aigu
Les contre-indications relatives sont :
-Trouble de la personnalité
-Trouble du comportement alimentaire
-Séquelles psychologiques d’abus physiques, émotionnels ou sexuels
48
Certaines précisions sont à apportera : premièrement, les formes de schizophrénies bien
stabilisées ou non-évolutives peuvent tout à fait bénéficier des espaces bref respiratoires ou de
certains types de méditation courte. Cependant, seuls des psychiatres formés à l'instruction de
groupes peuvent se permettre d'accepter ce type de patients stabilisés souffrant de psychose.
De plus, si d’autres thérapies sont plus efficaces pour la prise en charge d’un trouble alors il
est du devoir du praticien de réorienter le patient vers ces thérapies en premier lieu.
Il est cependant tout à fait possible d’inviter une personne sans trouble particulier à se joindre
momentanément à un groupe, ce dernier pouvant servir de miroir aux autres participants. Toute
personne dont l’état de santé pourrait être altéré physiquement ou psychiquement par les pratiques
ou toute personne nuisant au déroulement des sessions dans de bonnes conditions peut être exclue
des groupes.
Enfin, concernant les contre-indications relatives, il existe des programmes en cours de
développement. Le cas par cas et l’expertise du praticien dans le domaine restent de mise.
C) Potentiels effets secondaires des pratiques méditatives
La notion de potentiels effets secondaires est une question difficile à étudier sur le plan
scientifique. Selon les différentes écoles de médiation, la médiation ne favoriserait pas l’émergence
d’éléments délirants. Bien au contraire, elle permettrait la prise de conscience d’un trouble sous-
jacent préexistant à la pratique méditative.
Pour les pratiquants dits ‘‘amateurs’’ (soit 30 min par jour de pratique quotidienne, sur moins
d'un an), les rares effets secondaires rapportés sont prévisibles compte-tenu de l'intensité de la
pratique méditative : des céphalées lors des exercices de concentration, de courts épisodes de
fléchissements thymiques, quelques nervosités et des douleurs musculo-squelettiques.
Il reste difficile de classer ces signes parmi des effets secondaires, car ils pourraient
effectivement n’être dus qu’aux résultats de la prise de conscience de symptômes vécus
régulièrement par le sujet, préexistants à la pratique méditative.
Pour le pratiquant dit à long-terme (plusieurs années de pratique régulière ou bien ayant une
pratique intensive), compte-tenu de l’extrême rareté d’apparition de ces effets, ils sont difficilement
imputables à la pratique méditative.
Seule une infime minorité des participants développent des effets secondaires, difficilement
rattachables à la pratique : des états de déréalisation, des états psychotiques brefs, et l’état dit de
Kundalini.
a Indications proposées par le Centre for Mindfulness américain.
49
Aucun des programmes reconnus dans le monde occidental ne semble relever de ces types
d’effets secondaires d’autant plus qu’un filtrage des divers participants est systématiquement
effectué lors de la constitution des groupes.
Concernant les troubles de personnalité, en 1984, Morse avance qu’il est difficile de savoir si
certains types de personnalité sont plus susceptibles de pratiquer la méditation53. La méditation
semble développer nos capacités introspectives, et donc la prise de conscience de nos propres traits
de personnalité.
En 1992, Shapiro professeur de psychiatrie à l’université de Stanford, a effectué une des rares
études concernant les effets secondaires de la pratique à long terme de la méditation. Cette étude fut
menée sur deux ans avec 27 méditants. En voici les résultats54 : 62,9 % des sujets ont signalé des
effets indésirables pendant et après la méditation dont 7,4 % d’effets indésirables gênants. La
longueur de la pratique (16-105 mois) n’a pas influencé la qualité ou la fréquence des effets
indésirables.
Les possibles effets indésirables relevés sont jugés transitoires : l’anxiété, la panique,
l’augmentation de la tension artérielle, des douleurs, l’épreuve de la ‘‘réalité’’ altérée, la confusion,
la désorientation, la sensation ‘‘d'absence’’ à l’être, un état dépressif, de la nervosité, l’intolérance,
et enfin des cas d'addiction à la méditation.
En conclusion, Shapiro recommande la prudence, lorsque les défenseurs des pratiques
méditatives répondent à leurs membres que : « Les effets indésirables sont fréquents et ils
constituent une forme d'illusion que seule la pratique permet de surmonter ».
En neurophysiologie, des ‘‘effets secondaires’’ identifiés, liés directement aux pratiques
méditatives seraient : des céphalées en lien avec la stimulation du cortex cingulaire et préfrontal,
l’hypovascularisation du lobe pariétal ainsi que la désactivation du pécuneus et du cortex cingulaire
postérieur (engendrant une altération de la conscience de soi), et enfin des hallucinations
hypnagogiques ou des états dissociatifs.
Ces dernières sont largement décrites par les textes bouddhiques, qui présentent les
potentielles hallucinations agréables ou désagréables comme de simples illusions à reconnaître et à
ne pas rechercher.
50
D) La kundalini
La kundalinī, de racine sanskrit signifiant ‘‘boucle’’, est un terme qui désigne une puissante
énergie résidant dans le chakra mūlādhāra, superposable anatomiquement au périnée humain. Sa
représentation symbolique est celle d'un serpent enroulé trois fois et demi sur lui-même. Selon les
croyances ésotériques orientales, ce phénomène de métamorphose psychocorporelle est le fruit de
certaines pratiques méditatives et de yoga (yoga kundalini), même s'il peut advenir spontanément. Il
est perçu comme une bénédiction en Orient où il est assez répandu, témoin d’une influence
culturelle importante. Le ‘‘serpent’’ s'éveillerait et monterait du sacrum jusqu'à la fontanelle, en
transitant par 7 chakras différents, ces centres énergétiques hypothétiques de l'anatomie dite
‘‘subtile’’. Pour les occidentaux la kundalini est un concept, plutôt qu'une expérience, de l'énergie
et de la conscience de soi.
Schéma 1. Représentation des chakras selon Paramhansa Swami, yogi indien.
La kundalini serait un état d'éveil spirituel et un état de conscience des plus abouti55. Il
s’agirait d’éveiller les centres bioénergétiques du corps. Une kundalini opérante induirait chez
l’individu un état de conscience ‘‘supérieur’’ associé à des capacités psychiques surnaturelles ou
paranormales.
51
Photo 5. Photo d’un texte sanskrit ancien relatant le processus de kundalini.
Les différentes pratiques stimulant l'éveil de la kundalini par l’exercice de la concentration sur
plusieurs chakras sont56 : la méditation focalisée sur les perceptions proprioceptives, les exercices
de respiration (pranayama), la pratique des asanas, le chant de mantra et celle des mudra et des
bandha.(Annexe A)
La description du vécu subjectif de l’advenue d’une kundalini se relate souvent comme une
décharge électrique traversant du bas vers le haut la colonne vertébrale57. Un parallèle peut être
proposé avec l'extase mystique chrétienne, comme celle relatée dans son autobiographie par Sainte
Thérèse d'Avila.
E) Syndrome de kundalini
Des universitaires américains ont proposé le terme ‘‘syndrome de kundalini’’ afin de discuter
de cet état particulier non-assimilable à une psychose (au long cours) ou à un état délirant. Ces
universitaires appellent à distinguer les ‘‘crises spirituellesa’’ des états psychotiques brefs ou
prolongés, en prenant en considération la culture orientale, complexe et méconnue de la majorité
des professionnels de santé mentale.
Rarement décrit en Occident, le syndrome de Kundalini semble partager plusieurs points
connus avec les expériences de mort imminente vécue par certains occidentaux55. Une analogie
entre la kundalini et les troubles dissociatifs est aussi intéressante.
En 1990, Ring et Rosing ont établi ‘‘l’échelle de kundalini’’ et retracent les premiers états
potentiellement annonciateurs d'un éveil de kundalini, états également retrouvés lors d’expériences
de mort imminenteb. Ce n'est pas sans rappeler l’influence inconsciente du corps sur l’esprit,
a Décrite comme une émergence incontrôlée de phénomènes spirituels avec modification importante du fonctionnement psychologique, social et professionnel. bSensation d’énergie dans les mains Sensations extatiques profondes Céphalées et migraines Sensations de décharges d'énergie, traversant le corps Sensations de démangeaisons sur ou sous la peau
52
retrouvée par exemple dans l’hypnose58 : suggérer à une personne que la pièce qu’il a sur la main le
brûle peut provoquer une réaction inflammatoire locale se traduisant par l’apparition d’une
phlyctène59 (travaux de Finne WN en 1930). Ainsi, tous ces symptômes dont certains méditants
prennent connaissance par leurs lectures ou formations dans la quête d’état de transcendance
pourraient être suggérés ou auto-suggérés. Des psychiatres parlent donc de cas de dissociation de
type hystérique ou d’hallucinations négatives chez des personnes hautement suggestibles.
Bruce Greyson, professeur de psychiatrie à l’université de Virginie, a développé ‘‘l'indice du
syndrome physio-kundalini’’ à travers un questionnaire comportant 19 items dans 4 grandes
catégories (Annexe B). Ces différentes échelles sont censées aider les cliniciens à distinguer la
kundalini, état de dissociation de type psychocorporel, des états de dissociation psychotique. Cette
singularité de la clinique de la kundalini en souligne l'aspect transculturel.
Greyson B et Scotton BW soulignent l’importance de distinguer les phénomènes de kundalini
de la maladie mentale60. Les traitements classiques antipsychotiques étant inefficaces et enkystant
les symptômes vécus par ce type de patient. Seuls quelques cas décrits par Scotton trouvent réponse
par les antipsychotiques, alimentant ainsi la confusion entre kundalini et psychose. Selon ces
auteurs dans un cas avéré de kundalini deux traitements peuvent aider l'individu61. Il s'agit d'aider le
patient à se dégager progressivement de son état dissociatif par : l’utilisation adaptée de l’hypnose
et de méditations guidées brèves, la stabilisation du processus de kundalini par différentes pratiques
psychocorporelles adaptées et supervisées de façon prudente
Kason62 liste différents critères permettant de différencier ‘‘urgence spirituelle’’ et état
psychotique. Par exemple, en kundalini l'expérience est observée et critiquable63, alors que dans la
psychose les symptômes submergent le patient et il est souvent anosognosique, incapable de décrire
ou de critiquer ce qui advient.
Donald J De Gracia64, psychiatre américain, évoque une similitude entre les états modifiés de
conscience vécus sous l'emprise de drogues hallucinogènes et les états dits de kundalini. Ce sont par
exemple des hallucinations autoscopiques et des expériences de sortie du corps qui adviennent chez
des adultes expérimentant des ‘‘trips’’ sous kétamine65. Les cliniciens confrontés à ce type de
patient rapportent dans la très grande majorité des cas, une non évolution vers des états
psychotiques, ainsi qu’une disparition plus ou moins complète des symptômes.
Perception de lumières internes ou de couleurs Mains ressenties comme chaudes Sensations extrêmes de chaleur ou de froid se déplaçant à travers le corps Vibration ou tremblement du corps
53
Nous pouvons aussi faire le parallèle entre les capacités innées ou acquisesa de synesthésies
de certains individus et la ressemblance avec les cas de kundalini. Il est probable que la pratique
assidue de certaines méditations entraîne l’acquisition de synesthésies des sens. Ce phénomène
neurologique peut advenir lors de la prise d’hallucinogènes (psilocybe, LSD et DMT) ou de la
pratique de l’autohypnose.
Cette association des perceptions peut être interprétée comme délirante par certains ou comme
‘‘transcendante’’ pour d’autres. Leurs effets sont cependant transitoires dans les trois cas cités ci-
dessus et ils ne semblent pas affecter la santé mentale de sujets préalablement sains66. Il reste
néanmoins certain que ces individus synesthétes expérimentent des qualiab additionnels au reste du
commun des mortels, tout comme ceux développant leur kundalini67 . Tous deux, peuvent
développer leurs capacités et peuvent être diagnostiqués et traités à tort comme souffrant de
psychose par certains médecins.
Pour ce qui est de la CIM-10, ces patients sont souvent étiquetés comme étant atteints d’une
schizophrénie simple ou pseudo-névrotique compte-tenu de l’absence de dissociation de type
schizophrénique et l’inefficacité des médicaments. Ils sont fréquemment traités avec des escalades
médicamenteuses préjudiciables.
Du côté du bouddhisme tibétain, le sokrlung est un tableau similaire à des états dissociatif
profonds ou à une forme de schizophrénie. Il est distingué du processus de kundalini et toucherait
des méditants fragiles s’investissant trop assidument dans la pratique.
Ce diagnostic d'états dissociatifs, si un diagnostic est à poser, reste bien entendu d’exclusion
et un suivi psychiatrique est particulièrement conseillé. Il semble intéressant de partager au niveau
international certains aspects de cette clinique propre aux pratiquants de la méditation, notamment
du fait de l'augmentation des nombres de pratiquants en Occident.
2.8. Revue spécialisée sur les pratiques de neurosciences
contemplatives
Hormis la publication de nombreux articles dans des revues aussi prestigieuses que Nature,
Brain, ou Neuroscience, nous assistons à l’émergence de plusieurs magazines se spécialisant dans la
publication souvent trimestrielle d’articles ne concernant que les pratiques de mindfulness : Mindful
a Hypothèse soutenue par Benhaiem JM, praticien reconnu pour son expertise dans le domaine de l’hypnose qui induit des synesthésies des sens lors de la transe hypnotique. b Les qualia sont les propriétés de la perception et généralement de l'expérience sensible. Phénomènes psychiques subjectifs, ils constituent des états mentaux particuliers.
54
Magazine (Mindful.org), une section internet pour le Huffington Post, ou encore le Mindfulness
Research Guide.
La revue mindful est une des plus célèbres revues concernant la pleine conscience, elle permet
de cordonner différents acteurs majeurs du mindfulness à travers le monde, de par son site web, et
de centraliser les informations les plus récentes.
Le Mindfulness Research Guide est une revue mensuelle américaine de portée internationale
qui, à travers son site en ligne publie des dizaines d'études apparues dans le mois concernant les
travaux scientifiques liés à la pleine conscience.
L'index complet des centres et universités américaines se focalisant sur la recherche ou la
pratique du mindfulness sont tous mis en lien. Ce maillage impressionnant du territoire américain
montre l'ampleur du phénomène mindfulness sur la société américaine et contraste avec le retard en
la matière de certains pays européens. Une liste non-exhaustive des centres américains provenant du
site en ligne de la revue est disponible dans l’annexe.(Annexe C)
Illustration 3. Jon Kabat-Zinn sur la couverture du magazine Mindfula.
Divers organismes cités travaillent aussi au niveau international, comme le Mind and Life
Institue. En France, seule l'association pour le développement du mindfulness (ADM) semble
s'imposer, ainsi que quelques chercheurs qui pour certains, travaillent depuis plusieurs années sur le
sujet.
a http://www.mindfulexperience.org/.
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2.9. Rencontres internationales concernant les pratiques de
Mindfulness
La première conférence internationale concernant le mindfulness a été organisée en mai 2013
à Rome avec les représentants majeurs de la pleine conscience, par l’AHWI (Americain Health and
Wellness Institue). De nombreuses et prestigieuses universités abritent au sein de leurs centres de
recherche des pôles exclusivement réservés à la recherche en pleine conscience (Harvard, MIT,
Banghor…). Il existe aussi des instituts ou des organismes qui se distinguent par leur rayonnement
international :
Le Mind and Life Institute (l'institut esprit et vie), a été fondé en 1987 aux États-Unis après
plusieurs échanges entre le Dalaï-lama et d’éminents neuroscientifiques, comme Varela, Davidson,
Engle... Association à but non-lucratif se réunissant de façon régulière, elle permet l’échange entre
les pratiques bouddhistes millénaires et le savoir scientifique moderne afin d’essayer d’éclaircir la
nature de la réalité de l’être. Le XIVème Dalaï-lama, passionné de science, tente d’adapter le
discours bouddhiste officiel à cette dernière.
Le projet Shamatha, réunit plus de 30 centres de recherches universitaires européens et
américains. Ce projet soutenu par le Dalaï-lama, trouve ses origines en 1990 lors d’une réunion du
Mind and Life Institute. Son but est d’étudier les différentes techniques de méditation disponibles
au long cours. Considéré comme le projet de recherche le plus ambitieux de tous les temps dans le
domaine des neurosciences contemplatives, il prend principalement place au Shambhala Moutain
Center, au Colorado. En 2007, plusieurs types de méditation sur 60 méditants sélectionnés furent
ainsi étudiés 3 mois durant de façon rigoureuse à court et long terme pour la première fois. Le
centre toujours actif propose plus de cent programmes de méditation par an et continue de publier
des études au long cours concernant leur efficacité.
Le projet ReSource, projet plus récent, depuis mai 2013, regroupe 60 participants suivis sur
une durée de 11 mois. Il étudie la pratique de la méditation par des techniques de concentration, de
conscience du corps et de soi, de régulation émotionnelle, d’auto-compassion, de compassion,
d’empathie et de perspective de vue. L’objectif de cette étude est d’identifier ce qui améliore la
socialisation et la santé mentale. C’est la branche des sciences sociale de l’institut Max-Planck
supportée par des fonds du conseil européen pour la recherche, qui avec l’aide de méditants et
neuroscientifiques reconnus a mis sur pied ce projet ambitieux.
56
III. Neurophénoménologie de la méditation
« Nous sommes ce que nous faisons chaque jour »
Aristote (384-322 av. J.-C.)
3.1. Introduction
A) Définition de la neurophénoménologie
La phénoménologie est une science des phénomènes, elle décrit aussi bien sur le plan
philosophique que scientifique ce qui apparaît à la conscience.
Hegel (1770-1831) est considéré comme le père de la pensée phénoménologique, il a jeté les
bases de la phénoménologie de l’esprit et avait déjà distingué la notion de conscience de soi.
Husserl (1859-1938) philosophe allemand, fondateur de la phénoménologie, la définit comme :
« [...] l’étude descriptive de tous les phénomènes qui s’offrent à mon expérience de sujet68 ».
Plusieurs aspects de la démarche phénoménologique sont importants :
-L’attrait pour le vécu subjectif au détriment des objets du monde extérieura
-La définition de l’intentionnalitéb de la prise de conscience
-L’accueil des phénomènes dans leur état premier avec la pratique de l’épochèc
-L’investigation de ce qui se présente dans le champ de notre conscienced
La phénoménologie prend donc pour point de départ l’expérience. Décrire les choses telles
qu’elles arrivent à la conscience, toucher à la véritable connaissance, à ce qui est invariant quelque
soient les modifications de perspectives qu’à l'esprit sur les choses.
Francisco Varela a proposé la démarche neurophénoménologique en anticipant la crise
méthodologique des années 90. Il instaure une ‘‘voie intermédiaire’’ entre subjectivité propre et
objectivité scientifique. La neurophénoménologie est l’analyse combinée de l’expérience subjective
et de ses corrélats neurobiologiques. La neurophénoménologie se fonde initialement sur différents
concepts : la phénoménologie d’Husserl, les théories constructivistes de Piaget, le cognitivisme, le
a Soit le cognito cartésien valorisé par Husserl. Il est emprunté à Descartes. bHusserl désigne le caractère fondamentalement orienté de la conscience vis-à-vis d'un objet, quel qu'il soit. L'intentionnalité est le fait ‘‘d'être conscient de’’. c Soit la réduction phénoménologique, et non pas un réductionnisme au sens propre du terme. d Soit de l’attitude naturelle, en usant de la réduction phénoménologique au lieu de ce qui ‘‘paraît-être’’. C’est la recherche d’une vérité apodictique.
57
connexionnisme et est enrichie par le principe d’énaction, d’autopoièse et des progrès en
neurodynamique.
Varela présente donc en premier le concept d'énaction, sur le plan biologique, puis celui
d'autopoièse sur le plan cognitif. La neurophénoménologie, est l'aboutissement de sa pensée,
enrichie par les corrélats neuronaux de l'expérience.
La théorie de l'autopoièse est proposée par Francisco Varela et Humberto Maturana en 1972,
elle vise à caractériser l'organisme vivant et son évolution à partir de son autonomie
organisationnelle. S'appuyant sur les concepts de ‘‘couplage structurel’’ ou encore de ‘‘clôture
opérationnelle’’, cette théorie avance que le principe orientant l'évolution d'un organisme vivant est
le maintien de son organisation malgré le changement de ses composants, et non les notions
d'évolution phylogénétique. Ainsi, un système autopoïétique, est un système dynamique qui se
transforme à partir de sa propre organisation pour compenser les perturbations provoquées par ses
interactions avec l'environnement.
« un système autopoiétique est organisé comme un réseau de processus de production de
composants qui (a) régénèrent continuellement par leurs transformations et leurs interactions le
réseau qui les a produits, et qui (b) constituent le système en tant qu'unité concrète dans l'espace où
il existe, en spécifiant le domaine topologique où il se réalise comme réseau»
Francisco Varela, 198969.
Pour Varela, notre réalité est issue d'un couplage opérationnel entre notre organisme et notre
environnement. La cognition ne serait donc pas seulement un traitement de l'information, ou
l'appréhension d'une réalité pré-donnée, mais l'« avènement conjoint d'un monde et d'un esprit à
partir de l'histoire des diverses actions qu'accomplit un être dans le monde70 ».
La théorie de l'énaction, découle de l'autopoièse, elle présente une alternative au dualisme de
Descartes, au cognitivisme et au connexionnisme. Partant de l'observation qu'il existe bien plus de
connexions à l’intérieur du cerveau, que dirigés vers les organes sensoriels Varela remet en cause
ces différentes conceptions se basant sur une représentation ou une reconstitution d'un monde
prédéterminé (ne prenant donc en compte qu'un point de vue à la troisième personne). Il prône un
retour « aux choses même », à l'expérience, mais en intégrant le corps et l'esprit, à la différence de
l'approche phénoménologique de Husserl qu'il juge trop théorique. L'énaction est donc une
‘‘cognition incarnée’’, réintégrant la dimension phénoménale de l'expérience vécue (en première
personne). Selon Varela, la cognition loin d'être la représentation d'un monde prédonné, est
l'avènement conjoint d'un monde et d'un esprit, a partir de l'histoire des diverses actions
qu'accomplit un être dans le monde
58
Cette démarche articulant l'expérience vécue à la première personne, et le fonctionnement
cérébral correspondant (corrélats neuronaux) donne naissance à une démarche de causalité
réciproque, la démarche neurophénoménologique.
La cognition apparaît donc comme un processus de co-émergence du sujet de la
connaissance et de l'objet de la connaissance. Le monde perçu est donc énactéa, car il émerge au
travers de notre expérience au lieu d'être prédéterminé.
La neurophénoménologie peut ainsi être considérée comme une forme d'expression du
croisement actuellement observé entre les neurosciences, le bouddhisme et la physique quantique.
Le bouddhisme avait dès les années 1970 largement influencé Varela, notamment au travers
de son séjour à l'institut Naropa et de sa rencontre avec le maître tibétain Chogyam Trungpa
Rinpoché. Constatant la prévalence de l'objectivisme dans le monde occidental, Varela revisite à
travers la démarche neurophénoménologique le concept de madhyamika développé par Nagarjuna
vers le IIe siècle après J.-C., signifiant ‘‘voie du milieu’’ en sanskrit. C'est une des deux écoles du
bouddhisme mahayana. Elle souligne le sunyata, désignant dans le bouddhisme la vacuitéb des êtres
et des choses, ainsi que leurs interdépendances.
Quand à la physique quantique, elle partage les principes de localité, de superposition, et
d'incertitude (dualité corpuscule-onde) avec le bouddhisme.
La pensée de Varela met en lumière des liens interculturels et interdisciplinaires uniques,
enrichissant les sciences cognitives. La neurophénoménologie essaye de dégager une voie
permettant la réconciliation entre science et expérience par l'intégration du vécu subjectif.
B) Lien corps-esprit
Depuis toujours la notion de conscience préoccupe l'être humain. A-t-elle une origine?
Comment l'étudier? Quel serait l'impact sociétal de potentielles découvertes à son sujet?
Du réalisme médiéval au monisme de Bertrand Russell, en passant par le fonctionnalisme et le
dualisme, tous deux rangés dans les placards de la philosophie corps-esprit, c'est aujourd'hui des
théories plus ambitieuses associant cognitivisme et connexionnisme qui s'imposent. Francisco
Varela (1946-2001), neurobiologiste et philosophe chilien, théorise ainsi la notion de cognition
incarnée. Il surajoute à ces deux théories ce que de nombreux scientifiques ont rejeté des siècles
a Le terme enaction est un néologisme en anglais. Venant du verbe to enact, en français il peut être traduit par « faire émerger », ou « faire advenir ». b Notons que le mot vacuité est une traduction peu fiable de sunyata, car il peut être interprété. La vacuité est donc l’inexistence de toute essence, de tout caractère fixe et inchangeant. Le mot interdépendance semble plus adapté afin de se rapprocher d’une traduction efficace. Selon le bouddhisme, tout étant interdépendant, rien n'a d'existence propre.
59
durant : l'enrichissement phénoménologique, cette expérience subjective humaine (à la première
personne).
Par son parcours singulier, Varela a constaté que plus les théories de l’origine de la conscience
humaine sont efficientes, plus elles constatent leur impuissance face au problème dit ‘‘difficile de la
consciencea’’. L’intuition de Varela fut alors de voir ce problème sous un autre angle.
Il perfectionne le concept du global workspace theory qu’il synthétise à partir des travaux sur
l’espace de travail global de Baars en 198071, du ‘‘système d’attention consciente’’ de Daniel
Schacter en 1989, ou encore des travaux de Gerald Eldelman et Rodolfo Llinas vers l'an 2000.
Le paradigme de l'énaction amène Varela à théoriser le brainweb72, qui précède l'espace
global de travail. Ce principe est approfondi par Jean-Pierre Changeux et Stanislas Dehaene73, dont
les mathématiques non-linéaires traduisent l'auto-organisation et l'émergence de la conscience, soit
l'interaction entre le corps et l'espritb.
Edgar Morin74 salue cette approche qui dépasse le clivage entre holisme et réductionnisme à
la faveur d’une approche systémique à travers sa ‘‘pensée complexe’’.
Cet espace de travail global distingue des régions corticales qui traitent de façon automatique
et inconsciente de l'information, avec une région qui rassemble toutes ces informations.
En simplifiant, l'espace de travail global, est une théorie de la conscience proposant qu’à tout
moment, divers sous-systèmes de travail se coordonnent de façon synchrone afin de traiter
l'information au niveau inconscient. Ce n'est que lors de l'activation de cet espace de travail global
que le sujet a accès au contenu conscient de son expérience.
L'espace de travail global ne peut être occupé que par un complexe d'information. Pour qu'une
information soit perceptible de façon consciente, elle doit être entièrement représentée par le
cerveau, avoir une durée minimale d'existence pour ne pas être subliminale et enfin être analysable
de façon cohérente entre les diverses structures corticales.
En conclusion, cette théorie neurocognitive permet de rendre compte d'un fait ou d'un
ensemble de faits de conscience.
a The hard problem of consciousness, proposé par David Chalmers, est le problème dit difficile de la conscience : pourquoi certaines expériences s’accompagnent de phénomènes conscient, et pas d'autres. b Pour Changeux et Dehaene, l'espace de travail global se traduit aussi par l'espace de travail neuronal conscient.
60
Figure 2. Le réseau neuronal de travail.(The Global neural web).
Schéma 2. Représentation des connaissances en science conceptuellea.
La conscience peut se concevoir actuellement comme étant dépendante de l'environnement.
Elle se distingue des différents processus cérébraux, sans pour autant être considérée comme une
fonction primaire ou même un épiphénomène.
« Durant l'évolution, où le système neuronal est-il apparu ? Pas chez les plantes, pas chez les
champignons, pas chez les bactéries. Il est apparu chez les animaux. Pour se nourrir, les animaux
ont trouvé la solution de manger des proies. Il leur faut donc se mouvoir - et la locomotion est la
logique constitutive de l'animal. Et c'est là qu'apparaît le système neuronal, parce que pour chasser,
se mouvoir, il faut une boucle perception-action. »
Francisco Varela, 1998.75
a Source : The Embodied Mind : Cognitive Science and Human Experience, by Francisco Varela, Evan Thompson, and Eleanor Rosch, Cambridge, MA : MIT Press, 1991.
61
Cette cognition incarnée récuse la séparation entre la cognition humaine et son incarnation.
L’étude de l'environnement présent est donc une condition sine qua non de la compréhension de la
conscience. Une boucle perception-action forge les réseaux neuronaux. La conscience semble être,
dans une certaine mesure, le produit d'une causalité circulaire entre l’environnement, l’action et
l'émotion humaine. Cette vision élargie de la conscience est une des théories les plus reconnue sur
la conscience76.
Représentation 1. Représentation d'un œil en coupe sagittale et des voies visuelles chez
l'Homme. La mise en évidence de ce ‘‘nœud de la conscience’’ est assez simple.
Michel Bitbol l’expose de la façon suivante :
Que voyez-vous sur l’image ci-dessus ?
Qui regarde l’image ?
Répondre par « c’est mon cerveau qui construit l’image au niveau du lobe occipital » est
l’erreur la plus fréquemment rencontrée.
Cela reviendrait à placer de nouveau une dimension identique à l’interaction implicite entre
ces deux représentations, que nous pouvons reproduire à l’infini, comme les dessins d'Escher.
La conscience, tout comme la tache aveugle de l’œil, est invisible dans son propre champ de
conscience.
Explorer des mécanismes neurophysiologiques nous permet de comprendre quels réseaux
pourraient sous-tendre le phénomène de vision, car isolé du reste du cerveau, le lobe occipital n’a
plus aucune fonction. C’est la conscience humaine qui prend acte du phénomène de vision et non
62
pas une partie du cerveau. La conscience est perçue comme l’expression d’une synthèse entre
réseaux neuronaux et environnement, elle n’est pas le cerveaua.
Cette longue mais nécessaire introduction permet d'aborder maintenant la question du lien
entre conscience et méditation.
La méditation s'attache essentiellement à l'expérience subjective, souvent négligée par la
science et en conséquence il est parfois difficile pour l’homme de science de suspendre ses
convictions afin d’accéder à l’expérience de la méditation. En quelques mots, la médiation offre une
connaissance alternative par coïncidence, imprégnation, acceptation et non comme classiquement
par distanciation, discrimination, et jugement.
La vision pénétrante de la méditation est en tout point semblable à la réduction
phénoménologique au sens de Husserl qui présente une sorte de conscience réflexive, une
expérience de l'expérience. Elle complète l'expérience des choses, c’est un instrument important
dans l'étude de la conscience puisque seul un examen réflexif, donne l’accès immédiat à cette
expérience. Dès lors, aucune étude scientifique de la conscience ne peut s'approcher de cette
proximité ultime. Étudier à distance la conscience est insuffisant. La neurophénoménologie est née
de ce retournement de la conscience sur elle-même. C'est l'association de la neurologie, étude par
l’extérieur, et de la phénoménologie, étude in-situ de la conscience. Michel Foucault, parle de
« retourner la pensée sur elle-même, comme un doigt de gant77 », et par la même de rejeter l’idée
d’un savoir achevé ou celle d’un discours clos sur lui-même.
Varela élabore le concept de la scission du moi, entre d'une part le moi réfléchissant et de
l'autre le moi dit sous-jacent. Le moi réfléchissant est le spectateur de moi-même, explorateur des
‘‘ mers de la connaissance’’ selon Husserl, soit la croyance élémentaire donnant naissance à tout
concept. Il ne s'agit plus de contempler l'expérience du vécu, mais de demeurer en éveil à l'intérieur
du vécu, en appliquant une dé-mutation, une neutralisation des ressorts du conditionnement de notre
approche de l’expérience. Nous assistons à titre de geste de prudence à l'interruption du jugement et
nous accédons au Moi sous-jacentb.
a Selon Michel Bitbol, traduire la conscience en termes de mécanismes physiologique est réductionniste, cette dernière serait de nature épiphénoménologique. b Pratique de l’épochè.
63
C) La pratique méditative : un intéressant domaine de recherche
Les états modifiés de conscience sont ces moments où le sujet perçoit que le vécu habituel de
sa réalité entre en distorsion. Le changement d’état de conscience est brutal et difficilement
perceptible. La méditation de pleine conscience est un ‘‘état’’ dynamiquea, nous ne parlons donc pas
d'états modifiés mais de processus. Lors de ce processus méditatif, et en fonction du type de
pratique, la conscience humaine se modifie78b. La méditation est donc un intéressant champ de
recherche afin d'essayer d'étudier la conscience humaine.
Ned Block professeur de philosophie à l'université de New-York propose quatre principales
formes de conscience différentes79 :
Conscience de soi - soit la conscience d'être au monde, de posséder un corps et un esprit
unifiés et propres. La région temporo-pariétale serait en partie responsable de la création de l'image
mentale du corps dans l'environnement grâce au système visuel, proprioceptif et vestibulaire.
Conscience d’accès - soit l'accès au contenu de l'espace de travail neuronal. Il s’agit de notre
capacité à prendre conscience d’un évènement qui ne peut avoir lieu que si une représentation de
son contenu est disponible dans l’espace de travail neuronal80. Elle est souvent altérée dans la
confusion et la maladie mentale.
Conscience phénoménale - soit les qualia : toutes les impressions mentales directes que nous
avons des choses.
Conscience réflexive - soit la qualité de conscience permettant d'explorer le cours et le
contenu de la pensée, l’introspection, la métacognition.
Lors de la transe méditative, la conscience de soi a tendance à disparaître au profit des autres
types de conscience présentée. Kitaro Nishidac propose un autre type de conscience, celui de la
conscience pure :
Conscience pure - soit un vécu sans jugement et sans réflexion explicite en tant qu'objet. Ce
‘‘type’’ de conscience se rapproche beaucoup de certaines méditations orientales.
a Tout comme l'hypnose occidentale. b Notons cependant que d'autres formes de consciences existent : Les six sens connus (conscience visuelle, auditive, kinesthésique, gustative, olfactive et proprioceptiveb). La conscience du fœtus et du nourrisson. Les transes (transe méditative, transe hypnotique, transe yogi, transe obstétricale, transe de l’orgasme, transe chamanique, transe de groupe...). La conscience de fin de vie. L'éveil spirituel (conscience pure, sentiment océanique, dhyâna ou samâdhi dans le bouddhisme et le yoga). L'expansion de conscience (expérience psychédélique sous drogues hallucinogènes ou synesthésies sous hypnose, ou méditation intensives...). Les expériences de décorporation (ou simple rêve éveillé…). c Kitaro Nishida a introduit la phénoménologie au Japon, en essayant de compléter la pensée occidentale par la pensée orientale afin de créer une pensée universelle.
64
Du coté de la science, il semble que lors de la pratique de la méditation une modification au
long cours du réseau du mode par défauta a lieu. Cela permet de moduler la réalité du moment d'un
individu, sans avoir besoin de se plonger consciemment dans un processus particulier. C'est ainsi
que la méditation changerait la réalité du sujet, jour après jour. Des milliers d'études sur la
méditation permettent ainsi d'en apprendre plus sur la conscience humaine et son fonctionnement.
Du coté du bouddhisme, dans le sanskrit ancien, la conscience est décomposée en plus de 30
termes différents. Faisant chacun référence à une qualité ou un type de conscience particulier, trois
niveaux de conscience fondamentaux y sont distingués81 :
- Jagrata, l’état de conscience éveillé
- Susupti, le sommeil sans rêve et svapna, l’état de rêve
- Turīya, forme de conscience transcendant ceux cités précédemment
Le patthāna est le dernier et le plus élaboré des volets du Abhidhamma Pitakab. Ce volet
expose l’analyse des phénomènes matériels et mentaux. Dans le patthāna est décrite la notion de
vijñāna désignant une conscience phénoménologique, analytique, permettant d’échafauder la
connaissance par discrimination. C'est aussi un des cinq agrégats (skandha) de l'ego (ahamkāra). Le
vijñāna est un phénomène mental, un simple hasard de l'évolution et non pas une essence ou une
réalité ontologique. Dans la pensée bouddhiste, tout phénomène possède trois caractéristiques : il
est impersonnel, éphémère et insatisfaisant.
La philosophie orientale millénaire a légué de nombreux écrits sanskrit et pali décrivant les
états mentaux humains. Leurs analyses et leurs développements mériteraient un travail à part entière.
La méditation est donc un processus qui met en jeu différentes formes de consciences. Depuis
exploré longtemps explorés par le bouddhisme et la philosophie il l'est désormais par la science.
a Réseau du mode par défaut : c'est un réseau constitué des régions cérébrales actives lorsqu'un individu n'est pas focalisé sur une tache précise, et lorsque le cerveau est au repos, mais actif. Cette notion sera développée ultérieurement. b L'Abhidhamma Pitaka traduit littéralement ‘‘ au-dessus de l'enseignement’’ est une des sections du pâli, le Tipitaka, exposant l'enseignement philosophique et psychologique de Bouddha.
65
3.2. Explorations scientifiques des effets de la méditation
Penchons nous d'avantage sur les différentes recherches scientifique concernant le domaine de
la pratique méditative
Population des études
Méditants expérimentés : méditants à long terme (MLTa)
Dans la plupart des études, ce sont des Lamas bouddhistes qui sont invités à participer à la
recherche neuroscientifique. L’accord du Dalaï-lama en personne fut demandé à cette fin.
En règle générale et selon les études, un méditant expérimenté est un méditant ayant plus de
8700 heures de méditationb. Les lamas sont des pratiquants dont l’expérience s’est forgée au cours
d’une longue retraite méditative de 3 ans et 3 quinzaines (3 ans, 3 mois et 3 jours). Ces lamas, peu
nombreux, constituent une ‘‘bénédiction’’ pour les scientifiques occidentaux cherchant à étudier
l’impact au long cours d’une pratique soutenue.
Méditants à court terme (MCTc)
Les études MBSR utilisent dans ce cas particulier des sujets vierges de toute pratique
contemplative ou psychocorporelle (non-méditants). Ils suivent le programme MBSR comme la
pratique l’exige (environ 6 à 10 heures de pratique par semaine), 8 semaines durant, avec une
journée de méditation en silence (6 à 10 heures également). Soit un total approximatif de 60 à 80
heures, devenant ainsi des méditants à court-terme. Ces méditants ont généralement moins de 300
heures à leur actif.
Non-méditant (NMd)
C'est une personne n’ayant aucune pratique psychocorporelle ou contemplative particulière.
Durant les études, selon la technique d’approche utilisée, il est demandé à ces sujets d’essayer
d’agir comme à leur habitude, en évitant toute action ou intention pouvant interférer avec le contenu
ou le déroulement de l’étude.
a En anglais : LTM, Long-Term Meditators. b Soit environ 8 heures par jour de méditation durant 3 ans ,3 mois et 3 jours, si nous nous référons aux Lamas bouddhistes. c En anglais : NM, Non-Meditator et STM, Short-term-meditators. d En anglais : NM, None-Meditant.
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Évaluation des essais cliniques
Une évaluation des essais cliniques concernant ces études est complexe du fait de la nature
même de la pratique. Établir le gold-standard d’un essai contrôlé, randomisé, en double aveugle est
impossible, une coopération entre patients et instructeurs étant préalable à l’apprentissage du
protocole.
La pratique individuelle peut-être évaluée, mais elle doit alors suivre des étapes précises afin
d’uniformiser les résultats. De plus, selon les instructions, il est possible d'identifier certaines
suggestions pouvant induire chez certains sujets une transe hypnotique. La frontière entre
méditation et hypnose est fine et souvent les deux états peuvent être vécus par le sujet durant les
premières pratiquesa.
La méta-analyse paraît être la méthode la plus appropriée pour étudier les pratiques de pleine
conscience, sous réserve que celle-ci sélectionne des études dont la méthodologie soit
scientifiquement rigoureuse. D'où l’intérêt d’utiliser le plus souvent le protocole MBSR lorsqu’il
s’agit d’étudier les pratiques méditatives : ce programme, impliquant de larges spectres de troubles
psychiatriques, s’impose comme étant le plus ancien et le plus détaillé de tous. Kabat-Zinn insiste
sur la nécessité de respecter point par point le protocole Mindfulness based stress reduction (MBSR)
initialement développé par le Centre de Formation à la Mindfulness américain (CFM).
Un défaut fréquemment relevé est l’absence de randomisation des variables du patient et du
thérapeute, ces derniers étant susceptibles d’influencer les résultats (par exemple : motivation,
intention, désir, influence…).
De nombreux biais méthodologiques sont ainsi identifiables :
-Méconnaissance du processus de méditation.
-Hétérogénéité des états méditatifs étudiés ainsi que des pratiques méditatives.
-Formation hétérogène des instructeurs et biais de recrutement des patients.
-Manque d'études fiables sur le sujet.
-Manque de partialité quant aux résultats, tant pour la communauté scientifique que pour les auteurs
des études.
Certaines études se consacrent depuis peu à la critique de la méthodologie de la recherche
scientifique concernant les pratiques contemplatives82.
Par exemple, notons que la qualification des instructeurs est plus déterminante que la quantité
de personnes incluse dans une étude pour ce qui est des résultats espérés83.
a Une induction par sursaturation est en effet possible lors des séances de méditation guidée oralement.
67
Outils disponibles
Les neurosciences contemplatives connaissent depuis près de 60 ans un véritable essor,
notamment grâce à l'investissement de certains scientifiques américains dans l’exploration du
processus méditatif.
La médecine basée sur les preuves, établit ainsi les bases des neurosciences contemplatives en
1970, avec à ses débuts des recherches utilisant l’électroencéphalogramme, outil le plus performant
de l’époque.
Actuellement, quatre outils sont principalement utilisés :
L’imagerie par résonance magnétique (IRM), et fonctionnelle (IRMf)
La tomographie par émission de positons au scanner (TEP-SCAN ou PET-SCAN)
La magnétoencéphalographie (MEG)
L'électroencéphalogramme de haute résolution (EEGhr)
B) Émerger en pleine conscience
L’activation du processus méditatif de pleine conscience se distingue de celui d'autres
processus comme le processus hypnotique pour exemple. Nous parlons de processus et non pas
d’état modifié de conscience car il s’agit bien d’échanges dynamiques entre différentes aires du
cerveau de façon plus ou moins synchrones et non pas d’un état fixe.
Le processus méditatif repose sur les bases neuronales de la conscience. Cette dernière essaye
d'être expliquée de nos jours par le Global Neural Workspace. Introduit plus tôt, c'est un modèle
théorique d'accès au contenu conscient de l'expérience, un espace de mise en relation de multiples
circuits cérébraux.
Cette théorie du ‘‘tout ou rien’’ de la conscience est illustrée par la métaphore d'un théâtre de
l’inconscient. Seulement quelques acteurs de premier plan seraient visibles au gré de l'orientation
d'un spot lumineux symbolisant le faisceau de la conscience, de l'attention sélective. L'observateur
est comme plongé dans le noir de la tribune, incapable de s'observer, tout comme les divers réseaux
neuronaux. Cet observateur aurait par ailleurs une dimension épiphénoménologique, non réductible
à un point, un réseau ou un phénomène. Il présente un rapport verbal conscient de l'expérience
vécue qui se déroule au sein de l'espace de travail neuronal conscient.
Bien qu'imparfaite, il s'agit là d'une des théories les plus actuelles, que certaines découvertes
récentes comme le réseau du mode par défaut ou celle du ‘‘connectome’’ viennent soutenir.
68
Une autre théorie de la conscience, la théorie de l'information intégrée, vient compléter cette
dernière. Établie par Giulio Tononi et Gerald Eldeman, cette théorie avance que c'est la quantité
d'information intégrée à laquelle peut accéder un système qui permet de mesurer le degré de
conscience dont ce système peut disposer. Premièrement par discrimination des stimuli, ensuite par
synthèse des éléments discriminés. Cette qualité d'intégration de l'information serait donc corrélée a
la qualité de ‘‘conscience’’ de l'individu, et donc à des niveaux de conscience différents (symbolisés
par la lettre Phi Φ).
Réunies, ces deux théories permettent d'avoir une vision moderne et intégrative, tant sur un
plan biologique que mathématique, de possibles corrélats de la conscience. Toutes deux viennent
enrichir la phénoménologie, à travers la neurophénoménologie.
Dans les sous-parties suivantes, nous continuons d'exposer les diverses théories pouvant
décrire la méditation en tant qu’un processus.
C) Connectomes et réseau du mode par défaut
La connectomique est ce nouveau champ prometteur pour la neuropsychiatrie qui se propose
de cartographier toutes les connexions neuronales au sein du cerveau. Globalement, la
connectomique étudie les rapports structurels et fonctionnels entre les aires corticales et sous-
corticales.
Les applications d’un tel mappage du cerveau semblent prometteuses84. Conscient des enjeux,
les États-Unis d'Amérique dépensent des sommes colossales dans le Human Connectome Projet, et
l’Europe fait de même avec le projet Connect.
Diverses techniques ont participé à l'émergence de ce champ de recherche : l’IRM pondérée
en diffusion (IRMd)a, qui met en évidence les faisceaux de substance blanche de façon détaillée
grâce à la visualisation par IRM des protons des molécules d'eau. La R-fMRI (R pour Resting state)
permettant de déceler l’activité cérébrale du cerveau d’un individu au repos. Et la
magnétoencéphalographie combinée à l’IRM, permettant la comparaison entre tâches et
associations des aires cérébrales entre elles.
a HARDI pour High angular resolution diffusion imaging.
69
Images 2. Représentation d’un connectome humain.
La connectique cérébrale permet d'étudier une hypothétique émergence depuis le cerveau de
l'esprit. Émergence qui reste encore obscure pour les neuroscientifiques. Les postulats actuels sont
fondés sur des théories novatrices, comme la théorie de ‘‘l'espace de travail neuronal conscient85’’.
Certaines recherches tendent vers le fait que les cellules seraient susceptibles de communiquer
par interaction photonique86. Des théories reconnues comme le neurofeedback pourraient être ainsi
fortement enrichies dans les années à venir. Des chercheurs avancent aussi des analogies
intéressantes entre les observations au niveau quantiquea et la philosophie bouddhiste.
Après plus de trente ans de recherche, des chercheurs de l’institut Max Planck ont identifié la
structure du réseau du mode par défaut. C'est un réseau constitué des régions cérébrales actives
lorsqu'un individu n'est pas focalisé sur une tache particulière, et lorsque le cerveau est au repos,
mais actif. Ce réseau du mode par défaut est le mode dans lequel le cerveau fonctionne quand il
n’accomplit aucune tâche particulière.
C’est un état de pilotage automatique se distinguant de dizaines d’autres ‘‘réseaux’’ activés
lors de processus ou de tâches précises. Ainsi, des régions cérébrales éloignées se révèlent être
fortement connectées d'un point de vue fonctionnel et présentent des fluctuations synchrones de
basses fréquences, dans cet état. Ce réseau du mode par défaut est donc directement en lien avec le
connectome d'un individu87. Ce dernier s'étale sur le cortex préfrontal médian, le gyrus cingulaire, le
lobe pariétal inférieur, le précuneus, l'hippocampe et le lobe temporal médian.
Varela avait déjà noté le fait qu'il existe beaucoup plus de connexions neuronales internes au
cerveau, que de connexions avec les organes sensoriels. Il avance que le cerveau n'essayerait donc
a Le principe de biologie quantique discute le potentiel d'émergence de conscience à partir de vibration de microtubules neuronaux. Stuart Hameroff et Sir Roger Penrose soutiennent la théorie Reduction Orchestred Objectif (Orch OR), suggérant que les rythmes EEG proviennent des vibrations des microtubules neuronaux. Se rapprochant ainsi plus d’une possible ‘‘origine’’ de la conscience.
70
pas de reconstituer le monde extérieur, mais de l'interpréter au sein d'un réseau neuronal. Cet
énoncé semble corroboré par ces récentes découvertes.
Ce réseau du mode par défaut est une étape de transition fréquente entre deux tâches. Il est
décrit comme un état de rêverie, d’introspection, de divagation mentale, dont la fin advient
lorsqu’une tâche est consciemment programmée. Pour le cerveau, il est moins fatiguant d'être dans
ce mode que dans l'exercice d'une tâche exécutive où la consommation en énergie est plus élevée.
Ce mode est donc en compétition permanente avec d'autres modes de fonctionnement
cérébral, comme le Global Neural Workspace (GNW) qui inhibe ce dernier.
Lors de la pratique de méditation de pleine conscience, avec l'exercice de l'attention, le GNW
supplante le réseau du mode par défaut. L'attention se substitue à la divagation mentale. Une
diminution de la prépondérance du réseau du mode par défaut est observée, ainsi que de la
connectivité fonctionnelle chez les méditants à long terme88.
Ce réseau du mode par défaut est altéré dans diverses psychopathologies89 : maladie
d’Alzheimer90, schizophrénie91, autisme92 , anxiété et dépression93, THADA, épilepsie, démence….
Une hypoactivation du cortex cingulaire antérieur est fréquemment notée conjointement à cette
altération.
Ceci amène certains auteurs à parler actuellement de connectopathies développementales94.
Les domaines de la neurologie et de la psychiatrie sont ainsi à nouveau rapprochés.
Chaque trouble a sa carte particulière. Dans la dépression par exemple, il semble que ce soit la
rumination, symptôme résiduel des dépressions récurrentes qui signe cette modification au long
cours du réseau du mode par défaut.
71
Schéma 3. Schématisation du connectome par l’IRMda.
Méditation et réseau du mode par défaut
Ces notions sont mises en valeur par l'observation de la modification du réseau du mode par
défaut sur le long terme, par la pratique de la méditation95. Les méditants présentent une meilleure
aptitude au moment présent avec une diminution des états de rêveries diurnes96.
Une pratique psychocorporelle comme la méditation, le yoga ou le qi-gong pourraient ainsi
aider les personnes ayant un réseau du mode par défaut les prédisposant à des états d’errance de
l’esprit, à limiter le développement de certains troubles psychiatriques : trouble anxieux, dépressif,
THADA ou encore des états de stress aigus ou post-traumatiques97…
Une modification du réseau du mode par défaut lors de transes hypnotiques98 a aussi été
observée. Ces modifications sont différentes de celles de la méditation pleine conscience, et cela
permet de distinguer ces deux pratiques méditativesb.
a Source : Journal Plos biology. Open Acess Journal. http://biology.plosjournals.org/archive/1545-7885/6/7/figure/10.1371_journal.pbio.0060159.g001-L.jpg#sthash.6BmXKpAt.dpuf. b Même si l’hypnose est une forme de méditation, elle se distingue de la méditation vipassanā ou samatha bouddhiste.
72
À court terme, c’est la substance blanche qui se modifie de façon significative, cela dès 3 à 11
heures de pratique méditative pour le cortex cingulaire antérieur99. Cette structure cérébrale est un
des piliers du processus méditatif et des circuits d’autorégulation, reflétant ainsi l’impact de la
modulation des circuits cérébraux par la focalisation de l’attention. D’autres études ont souligné les
capacités neuroplastiques importantes de la substance blanche100 et du cortex cingulaire
antérieur101 : 4 semaines de pratique méditative sont plus efficaces pour ce qui est des changements
connectiques que 4 semaines de relaxation (diminution de la diffusivité radiale et axialea ,
augmentation de l’anisotropie fractionnelle, qui rendent compte de l’augmentation de la quantité et
de la qualité de la substance blanche).
Des programmes de pleine conscience ont d’ores et déjà montré une efficacité certaine (au
moins aussi efficace que celle des TCC seule), dans la prise en charge des dépressions récurrentes à
court terme. Cependant, aucune étude compte-tenu de la difficulté de sa réalisation, n’a encore
évalué l’impact de ce programme à long-terme.
D) Prise de conscience du vagabondage de l'esprit
Lors de la pratique méditative, il arrive inévitablement, que l'esprit s'égare du fait d'un
relâchement des processus attentionnels. Avant d'exposer en détail comment l'esprit prend
conscience de ce relâchement, il nous faut d’abord exposer succinctement la représentation du vécu
subjectif de l'instant présent.
Le passé et le futur n’ont pas de réalité en soi, puisqu’ils ne sont que des représentations
mentales construites par nos facultés cognitives. Il ne s'agit pas là de discréditer l'utilité de la
projection du soi à travers ‘‘l'axe’’ du temps, mais bien d'affirmer le caractère ‘‘illusoire et
éphémère’’ de cette expérience.
La pleine conscience se situe dans l'instant présent, elle permet en focalisant son attention,
moment après moment de vivre l'expérience de l’instant, sans jugement.
a Marqueur de vieillissement de la substance blanche.
73
Figure 3. Illustration de l'expérience de l'instant présent.
Le phénoménologue Hegel dans son œuvre philosophique ‘‘Phénoménologie de l'esprit’’
avancera : « Le maintenant est justement ceci de n'être déjà plus quand il est »
Cette vérité universelle univoque est à la base de la philosophie de pleine conscience. Le
vagabondage mental advient souvent lorsque l'esprit perd en qualité d'attention avec son
environnement, de par la fatigue des processus attentionnels. Les pratiques méditatives adoptent un
point de vue pragmatique à mi-chemin entre subjectivité et objectivité. De ce fait, la
phénoménologie trouve un renouveau dans le monde occidental avec la neurophénoménologie.
L’aspect neurofonctionnel, de la prise de conscience du vagabondage mental et du plongeon
conscient du méditant dans le ‘‘moment présent’’ peut se traduire par un modèle. Il est constitué de
différentes étapes qui se produisent naturellement lors de la pratique de la méditation de l'attention
ciblée. Il comporte quatre intervalles au sein d'un même cycle cognitif102 (Figure 4, 5) :
1-Vagabondage mental, soit le réseau du mode par défaut (‘‘vagabondage de l'esprit’’)
Avec implication du cortex sensorimoteur et de l'insula postérieur
2-Prise de conscience du vagabondage mental
Avec implication du cortex cingulaire et de l'insula antérieur
3-Déplacement de l'attention
Activation du cortex préfrontal latéral et des régions pariétales postérieures
4-Focalisation de l'attention
Avec activation du cortex frontal dorso-latéral
74
Figure 4. Cycle cognitif se mettant en place dans la méditation d'attention focaliséea. (Phases
de connectivité fonctionnelle. ‘‘Functional connectivity seeds’’.)
(A) Un modèle en quatre étapes d'états cognitifs vécus subjectivement au cours d'une méditation sur la focalisation de l'attention est schématisé. L’attention soutenue à un objet est inévitablement interrompue par la divagation mentale. Ensuite à un certain moment au cours du vagabondage de l’esprit, la prise de conscience de ce dernier se produit, avec le désengagement et le déplacement de l'attention à l'objet. (B) Activation de la phase de ‘‘concentration’’, avec activation du DLPFC (Cortex pré-frontal dorso-latéral). (C) Activation de la phase ‘‘divagation mentale’’, avec activation du cortex préfrontal ventro-médial médian et du cortex cingulaire postérieur gauche et droit. (D) Activation de la phase ‘‘prise de conscience’’, avec activation du cortex cingulaire antérieur et des insulas antérieurs. (E) Activation de la phase de ‘‘transition’’, avec activation du DLPFC et du lobe pariétal postérieur droit. (F) Cluster comprenant des méditants entrainés présentant une activation amoindrie du PFCm (cortex préfrontal médian) et de l'ACC (cortex cingulaire antérieur) lors des phases de transition.
a Source : Effects of Meditation Experience on Functional Connectivity of Distributed Brain Networks Wendy Hasenkamp; and Lawrence W. Barsalou
75
Figure 5. Aires cérébrales activées de façon significative lors des phases d'intérêt.
(A) Phase de concentration mentale. Activation d’aires pendant la phase de concentration (en vert). Lors de tâches motrices des aires s’activent (indiqués en rouge). Durant cette phase de concentration mentale une activité importante a été détectée dans le ACC dorsale et le cortex fronto-insulaire. (B) Phase de transition. Avec activation du cortex fronto-pariétal latéral et des régions pariétales postérieures. (C) Phase de prise de conscience de la divagation mentale. Avec exercice de l’attention par activation du cortex fronto-pariétal dorso-latéral droit. (D) Phase de divagation mentale. Avec activation du cortex préfrontal ventro-médial médian et du cortex cingulaire postérieur gauche et droit. L’activation des réseaux sensori-moteurs postérieurs est observée.
Les régions du cerveau associées avec le réseau du mode par défauta sont activées durant le
vagabondage de l’esprit. La pratique régulière de la méditation modifie ce dernier103. C'est
l'activation répétée, consciente, des réseaux cérébraux attentionnels sur des semaines de pratique
qui induit des changements de connectivité fonctionnelle profonds et durables dans les circuits
concernés.
Ainsi la connectivité fonctionnelleb des méditants ayant une longue expérience de la
méditation (5 sujets avec plus de 1000 heures dans l’étude concernée) montre une connexion accrue
au sein des réseaux attentionnels ainsi qu'entre différents autres réseaux et les régions frontales
a Le réseau cérébral par défaut, constitue l’ensemble des régions s'activant au repos. Soit lorsque la personne n'a aucune activité particulière. b La connectivité fonctionnelle fait référence à la synchronisation entre deux ou plusieurs régions cérébrales en fonction du temps, soit pendant une tâche concrète, soit au repos. Cette méthode d'analyse se couple à des données d'imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle.
76
médianes. Ces relations neuronales peuvent être impliquées dans le développement de compétences
telles que le maintien de l'attention et le désengagement des distractions. Le réseau de saillance
constitué du cortex somatosensoriel et du CCA, intervient justement dans la phase de ‘‘prise de
conscience’’, il sous-tend la perception des émotions. En activité ce réseau de saillance diminue
celle du réseau de mode par défaut, et donc la divagation mentale104.
Toujours concernant la prise de conscience de la divagation mentale, une étude suggère que le
thalamus pourrait jouer un rôle important en tant que générateur d’ondes cérébrales. Une diminution
de la connectivité fonctionnelle entre thalamus et cortex cingulaire postérieur semble corrélée à de
meilleures aptitudes à être dans le moment présent. Une implication moindre du thalamus dans le
réseau du mode par défaut semble aussi corrélée à de meilleures aptitudes à la pleine conscience105.
Les effets de la méditation pleine conscience persistent donc après la pratique et modifient en
profondeur les réseaux cognitifs des sujets grâce à la neuroplasticité cérébrale exercée par un
entraînement régulier. De plus, une corrélation positive entre le temps passé à méditer et la
modification de la connectivité fonctionnelle en particulier dans les régions attentionnelles est
observée (Figure 6).
Figure 6. Parallèle entre pratique et modification du réseau du mode par défaut.
(A) Tous les groupes ont été négativement corrélés avec le temps de pratique à la durée de la phase de transition. C’est le cortex préfrontal ventro-médial qui semble en particulier modulé. (B) Diagramme de dispersion de la relation entre l’expérience de pratique et le switch (basculement en anglais) en millisecondes, précédant la phase de transition (signal en IRMf dans le cortex préfrontal ventro-médial). Nous étudions donc les secondes nécessaires à la prise de conscience précédant la phase de transition. Il s’avère que plus le méditant est expérimenté plus ce temps de switch est réduit.
77
L’attention est donc au centre de la pratique méditative de pleine conscience.
Différentes théories développent le concept d’attention chez l’être humain. Dans l’abord
neurocognitif moderne, trois facettes de l’attention sont distinguables : l’orientation de l’attention,
le maintien de l’attention et le contrôle de l’attention.
L’orientation de l’attention se présente sous la forme de l’attention dite sélective, l’attention
focalisée et l’attention divisée. L’orientation spatiale visuelle et l’orientation du regard sont ici des
paramètres importants.
Le maintien de l’attention s’étale avec intensité sur la durée, en comprenant une qualité de
vigilance toute particulière. La flexibilité de l’attention met surtout en jeu l’attention exécutive qui
nous permet de choisir une cible.
La mémoire de travail, l’inhibition cognitive et la planification de tâches sont bien
évidemment intimement liées à ce processus complexe.
Divers troubles neurologiques semblent être liés à des réseaux attentionnels dysfonctionnels,
comme le trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention du sujet jeune ou de l’adulte et le déficit
de l’attention et la dyspraxie. De même, la dépression et l’anxiété s’expriment par des troubles de
l’attention et de la vigilance. Inversement, pour certaines formes d’autisme, pour les douleurs
chroniques et certains troubles du sommeil une hyperfocalisation de l’attention est relevée.
La prise en charge des troubles attentionnels dans l’ensemble de ces cas est primordiale. La
pleine conscience permet par exemple d’identifier la prévalence du pilotage automatique ou de la
divagation mentale, tout en proposant des moyens efficaces de ‘‘rééducation’’ attentionnelle sur des
programmes de 8 semaines d’exercice divers. C’est une avancée importante au sein des thérapies
cognitivo-comportementales, avec le développement de ce qui constitue désormais la troisième
vague des TCC.
En conclusion, le cerveau du méditants est le siège d'une activité spécifique opérant des
modifications sur le court et le long terme à différents niveaux. Sur le plan psychobiologique, la
pleine conscience permet l’accroissement des capacités attentionnelles, une diminution du stress, de
la dépression, de la douleur, une meilleure gestion émotionnelle, et l’entraînement des capacités
d’introspection et de métacognition106 . Ce ‘‘surcroit de conscience’’ est interprété par les
philosophes comme synonyme de culture de l'équanimitéa.
a L'équanimité est un des ‘‘Quatre Incommensurables’’ que développe le bodhicitta, celui qui aspire à atteindre l'éveil. C'est la faculté de maintenir un climat émotionnel stable propice à la focalisation de l'attention.
78
Dans ces dernières sous-parties, une revue de la littérature reprend plus en profondeur les
résultats scientifiques intéressants l'EEG, le PET-scan et l'IRM.
E) EEG et méditation
Photo 6. Moine bouddhiste participant aux recherches menées par Davidson Ra.
Afin de mieux comprendre les différentes études réalisées chez les méditants, penchons nous
sur les différents phénomènes électriques cérébraux dans un premier temps pour ensuite s’attarder
davantage sur la genèse des rythmes EEG.
Les synchronisations ou désynchronisationsb (ERS et ERD – liées à l’activation du cortex et
dont l’analyse fine permet une meilleure compréhension de l’activité rythmique du cerveau)
Une fois ce système d’enregistrement de l’EEG mis en place, la démarche
neurophénoménologique peut prendre place. Des invariants en lien avec le comportement général
du sujet apparaissent : les rythmes de base caractérisant l’état cérébral sur une durée donnée et une
cyclicité circadienne d’environ 24 heures.
a Source : Photo du site internet http://www.investigatinghealthyminds.org/index.html b En anglais, Event-Related Desynchronization, ERD et Event-Related Synchronization, ERS.
79
Les rythmes cérébraux identifiables sont regroupés dans le tableau suivant :
Rythmes
Bande
de fréquence
(en cycle /s)
Localisation
neuroanatomique
Corrélats comportementaux
ALPHA
8-13 Hz
Amplitude plutôt
Postérieure
Veille calme (yeux fermées, pas d’activité
motrice ou intellectuelle), fermeture des yeux
BETA
14-30 Hz
Antérieur et moyen
Veille active, sommeil paradoxal, période de
concentration intense, esprit en activité,
phénomène de synchronie
GAMMA
> 30 Hz
Antérieur et moyen
Veille active, sommeil paradoxal, forte
concentration, résolution de problème, vigilance
extrême
THETA
4-7 Hz
Centro-temporala
Veille, endormissement, sommeil paradoxal,
Hypnose, mémorisation d’information
DELTA
< 4 Hz
Diffuse
Sommeil lent profond
Tableau 2. Rythmes cérébraux à l’EEG.
La synchronicité locale émerge si des neurones captés par une même électrode oscillent
brièvement de façon synchrone (à fréquence et phase similaires).
Par exemple, la synchronisation neuronale dans la bande de fréquence Gamma (25 – 70 Hz),
joue un rôle dans l’attention, la mémoire, l’apprentissage et la perception consciente107. Ces
synchronisations neuronales locales activent ainsi une ‘‘résonance’’ entre divers réseaux neuronaux
permettant l’activation de processus cognitifs particuliers. Les pratiques méditatives ont ainsi tous
une signature électroencéphalographique propre.
a Constitué d’un ‘‘générateur limbique’’, formé de l’hippocampe, du cortex entorihnal et du cortex cingulaire.
80
Plusieurs études furent réalisées ces 40 dernières années. Voici une synthèse simplifiée des
premiers résultats sérieux obtenus dans les années 1980, avec des augmentations des rythmes
d’ondes:
Alpha (8-13 Hz ou cycles par seconde) au début de la pratique
Thêta (4-7 Hz) en particulier lors des pratiques de compassion
Bêta (20-30 Hz) chez les méditant expérimentés seulement, de frontal à occipital
La méthodologie usuelle des études consiste à comparer les EEG entre trois types de sujets.
Les méditants expérimentés, dits à long terme (MLT), souvent des Lamas, les méditants débutants
dits à court terme (MCT), et les non-méditants (NM). Ces différents rythmes d’ondes ont des
corrélats physiologiques particuliers.
Quelques corrélations peuvent êtres réalisées concernant les observations relevées à la
première et à la troisième personne :
Le rythme Alpha est associé à un état de vigilance de veille, il représente une pensée non
attentive ou juste une présence, comme probablement les moments où les méditants réalisent des
‘‘méditations sans objet’’.
Les rythmes Bêta sont également liés à un état de vigilance de veille, la pensée est consciente
et active, comme lors de la focalisation sur un objet (soit une forte activité Bêta, comme lors des
méditations samatha visant à calmer l’esprit108).
Les rythmes Thêta sont associés à un état de rêveries, à la stimulation de l’imaginaire et donc
de la créativité. Ils sont surtout visibles lors de la pratique de l’hypnose ou encore de la visualisation
en méditation.
Une pratique régulière de la méditation permet de cultiver certaines compétences comme le
calme physique et mental, l’augmentation des capacités attentionnelles et un esprit plus créatif. Cet
esprit créatif est d’ailleurs lié à ce que les instructeurs appellent ‘‘avoir l’esprit du débutant’’.
Rythme Gamma et modification du réseau du mode par défaut
Récemment l’équipe du professeur Ferrareli au département de psychiatrie de l’université du
Wisconsin aux États-Unis, a publié des résultats portant sur l’aspect du stade 1-3 du sommeil109
(ancien stade 1-4) des méditants expérimentés. Une corrélation a été établie entre la pratique de la
méditation et cette phase 1-3 (soit le sommeil très profond), une analogie ressort entre transe
méditative110 et sommeil profonda.
a Lors des états de communion mystiques l’activité électrique du cerveau présente des ondes Delta de basse fréquence que nous n’observons que lors des états de sommeil profond ou de coma.
81
Le stade REM (rapid eye movement ou mouvement rapide des yeux), est le stade du sommeil
paradoxal, soit celui où le cerveau rêve. Il se distingue du stade de sommeil dit très profond N-REM
(non-rapid eye movement). Ce stade N-REM, est celui où les états de somnambulisme et de terreurs
nocturnes peuvent surgir si le sujet s’y trouve trop longtemps plongé. Une forte baisse du tonus
musculaire s’observe dans ce stade ainsi que la libération de somatotropinea.
L’activité mentale ayant lieu au stade NREM est similaire a celle liée à la production de
pensées, alors que dans les phases de sommeil paradoxal ce sont des idées abstraites et des
hallucinations qui traversent l’esprit.
Dans cette étude (Image 4) les méditants à long terme (MLT) ont une augmentation des
rythmes Gamma, au niveau pariéto-occipital constatés lors du stade N-REM du sommeil (stade 1-3).
Cette augmentation est corrélée de manière significative avec l’expérience de méditation du sujet111.
Les auteurs avancent que ce pourrait être le réseau du mode par défaut qui est durablement modifié
et de façon profonde chez les méditants, proportionnellement à leur expérience.
Image 3. Les MLT montrent plus de rythmes Gamma (25-40Hz) lors du N-REM comparés aux non-méditants dans la région pariéto-occipitale.
Comme représentés par l’échelle de gris (code couleur en µV2), les deux groupes présentent
un rythme Gamma maximal dans les régions frontale et préfrontale. Les MLTb ont présenté une
augmentation de 35% des rythmes Gamma dans la région pariéto-occipitale comparés aux NM. La
dernière représentation montre cette augmentation particulièrement élevée pour les MLT (p=0.002,
SnPMc).
a La somatotropine est l’hormone de croissance. b Méditants a long terme c SNPM, soit Statisticalnon Parametric Mapping en anglais.
82
Illustration 4 . Corrélation entre puissance des rythmes Gamma lors du NREM et le nombre d'heures de méditation cumulés. (A) Augmentation des rythmes Gamma lors du N-REM chez des MLT comparé avec des NM, avec un effet large (ES=0.8). (B) Corrélation significative entre la durée de pratique quotidienne et l’apparition du rythme Gamma (rho=0.475, p=0.017)
Des études antérieures avaient déjà observé l’augmentation des rythmes Gamma chez des
MLT pratiquant la méditation vipassanā. Ces rythmes Gamma semblent accroître les capacités de
traitement conscient des informations sensoriellesa des méditants. Plus largement, l’activité Gamma
intervient comme signature de la modification du réseau du mode par défaut chez le méditant.
Ces résultats peuvent sembler étonnants car les ondes Gamma (25-45 Hz) sont habituellement
retrouvées chez des sujets ayant une activité mentale intense comme le calcul par exemple. Le ratio
de l'activité Gamma sur l'activité de basse fréquence (4-13 Hz) est par ailleurs en condition de repos
(yeux fermées) chez les MLT plus important que chez les NM ou les MCT. Cela suggère qu’il existe
bien une modification cérébrale structurelle et fonctionnelle par la pratique régulière de la
méditation.
De même, en 2009, fut réalisée une étude avec mesure EEG des rythmes cérébraux (couplage
de 21 minutes), chez des méditants confirmés pratiquant la méditation vipassana versus un groupe
contrôle de non méditant, au repos. Les résultats obtenus confirment et précisent ceux de
précédentes études. Différentes modifications EEG sont visibles :
-Réduction des rythmes Delta frontaux (1-4Hz), surtout chez les méditants ne montrant pas de signe
de somnolence
-Intensification des rythmes Thêta frontaux (4-8Hz), comme en hypnose
-Intensification des rythmes Gamma pariéto-occipitaux (35-45 Hz), surtout chez les méditant ayant
10 ans ou plus de pratique
a Enhanced sensory awarness en anglais.
83
-Pas de modification notable pour les rythmes Bêta
-Les rythmes Alpha se modifient lors de la demande d’exécution de tâche et les méditants
expérimentés avaient tendance à ne pas présenter ces fluctuations
-Tous les participants montraient une diminution des fluctuations Alpha lors des états de
somnolence.
Cette pratique de la méditation a des applications concrètes intéressantes, comme celle de la
gestion de la douleur. Le ressenti de la douleur physique semble être modulable par la pratique
méditative112, comme le reflète la modulation des rythmes Alpha. En effet, se concentrer sur une
partie du corps entraîne une baisse des rythmes Alphaa. Lors de la méditation une modulation des
rythmes d’ondes Alpha par le thalamus est observée. Il agit comme un générateur de rythmes en
lien direct avec la formation réticulée.
En 2001, Golocheikine et son équipe de chercheurs russes relevèrent une connectivité accrue
entre le lobe frontal et le lobe pariétal chez les méditants aguerris, parallèlement à une augmentation
des rythmes Alphab et Thêta. Cette connectivité semble précéder des états de conscience particuliers
qualifiés de mystiques par les méditants113. Lors de ces états les tracés EEG semblent moins
dynamiques, traduisant une attention focalisée et un détachement des stimuli inappropriés114.
L'étude du réseau du mode par défaut intéresse aussi les variations de rythmes cérébraux
observés lors des pratiques méditatives de pleine conscience115. Une étude note une diminution des
rythmes Gamma concernant les régions antérieures et moyennes du cerveau correspondant à la
désactivation du réseau du mode par défaut et du moi-autobiographique. Cette étude constate
également une augmentation, proportionnelle à l’expérience du méditant, des rythmes Gamma
postérieurs en lien avec l’augmentation du niveau attentionnel.
La plupart de ces études ont été réalisées sur de petits échantillons sans l'usage de groupe
contrôle. Néanmoins, leurs résultats ne semblent pas être contredits actuellement.
a Par exemple, le méditant prend plus conscience de sa main, au détriment du reste de son corps. Bien que la douleur soit plus vive lorsque le méditant focalise son attention dessus, il a aussi la capacité de s’en détourner et de moduler cette intensité du ressenti. Ce phénomène semble identique à celui de l’hypnoanalgésie. C’est un argument important quant à l’introduction premier dans les programmes du scan corporel. Le méditant doit préalablement à la pratique de la méditation assise, commencer à maitriser cet outil de ‘‘modulation’’ de la douleur physique. b Possible régulation ‘‘top-down’’ de l’attention reflétée par les rythmes d’ondes Alpha.
84
Graphique 1. Puissance des rythmes Gamma occipitaux chez les MLT et les MCT.
(A). Méditants avec 10 ans ou plus de pratique quotidienne représentés par les cercles pleins de couleur bleu (n = 10, M = 19.3, SD = 8.5). Méditants avec moins de 5 ans de pratique quotidienne représentés par les cercles vides (n = 6, M = 2.5, SD = 1.4). Le plus petit des deux “+” indique la moyenne des rythmes Gamma occipitaux du groupe méditant avec peu d’expérience (groupe contrôle). Le “+” épais indique la moyenne du groupe contrôle et du groupe expérimenté (groupe méditant).
(B). Interaction entre expérience en méditation et les rythmes Gamma occipitaux pour groupe de méditants novices (groupe contrôle en blanc) et groupe de méditants confirmés en noir (groupe méditation), dans la condition d’une pratique journalière pendant 2,5 ans en moyenne (à gauche) et d’une pratique journalière pendant 19 ans (à droite).
Synchronisation de l’activité EEG
Les méditants perçoivent subjectivement la méditation comme un processus de familiarisation
avec leur propre mental, entraînant des modifications durables de la cognition et des émotions. En
troisième personne est observé une activité EEG consistant en de longues bandes Gamma et des
synchronisations de phase durant leurs pratiques.
Depuis 2001, des chercheurs de l’institut national de physiologie de l’académie russe des
sciences médicales à Novossibirsk, ont étudié l’effet de la pratique de la méditation à long terme à
l’EEG.
85
Leurs travaux portant sur les phénomènes de synchronicité ont avancé les résultats suivants :
-Les états de transcendance s’accompagnent d’une augmentation de la synchronisation des bandes
Thêta au niveau du cortex frontal antérieur et moyen110.
-Les états de transcendance semblent être caractérisés par une atténuation de certains réseaux
neuronaux110 (réseaux non-impliqués dans le maintien d’une attention focalisée, ou du traitement
d’information interférant avec l’expérience).
En 2004, une étude montre que l’activité cérébrale des méditants diffère de celle des NM,
principalement au niveau des électrodes fronto-pariétales116. Avant la pratique, sur la bande d’EEG
continu, le ratio bande Gamma sur bande Alpha, au niveau des électrodes fronto-pariétales est plus
important chez les méditant que les NM.
Ces différences s'accentuent lors de la méditation et persistent encore après la pratique. Cette
fréquence de contrôle élevée semble donc synchroniser et unifier des aires cérébrales distantes. Cela
pourrait correspondre aux modifications cognitives notées chez les méditants à long terme. D’autres
recherches préliminaires montrent que la méditation accroît la synchronisation hémisphérique. Les
effets de cet accroissement seraient en lien avec une augmentation de la créativité.
Dans une étude de 2005, des méditants furent confrontés à une stimulation visuelle
émotionnellement neutre (séquence 1- visualisation d’un clip émotionnellement neutre), et ensuite à
une exposition d’un stimulus provoquant des émotions négatives117 (séquence 2- visualisation d’un
clip vidéo désagréable).
Yeux fermés, les méditants présentaient déjà des bandes Thêta et Alpha de fréquences plus
élevées que les NM, avant l’exposition aux séquences. L’étude montre que chez les méditants et les
non-méditants une désynchronisation lors de l’exposition à la séquence 2 se crée entre les rythmes
EEG des deux hémisphères cérébraux. Les méditants ne présentent ni une augmentation des
rythmes Gamma frontaux synchrones lors des séquences 2, ni une prédominance de l’activité du
cerveau gauche lors des séquences 1. C’est l'un des premiers arguments EEG en faveur d’un
meilleur contrôle émotionnel des méditants.
Une étude de 2013, s’est attardée à examiner les fluctuations EEG chez des MLT versus des
NM, lors d’une méditation de vingt-cinq minutes perturbée dans ses cinq dernières minutes118 par
des stimuli sonores ponctuels. Les stimuli sonores produisent une synchronisation EEG des bandes
Alpha, précédant une synchronisation des bandes Thêta chez les MLT.
Ces résultats suggèrent une harmonisation des processus attentionnels et sensoriels. Cela se
traduit par le fait que les méditant ne sont pas perturbés par le stimulus sonore. En effet, l’analyse
86
des corrélats de l’étude avance que les MLT ne sont pas perturbés et présentent d’avantage de
phases synchrones de bandes Gamma.
Image 4. Modifications des plages de cohérence Gamma pour les trois groupes.
(A). Mise en évidence des plages de cohérence Gamma (35–45 Hz, 20–100 ms après le stimulus). Avec exposition de la topographie du scalp pour chaque stimuli (distraction, son blanc et neutre) et chaque
tache (méditation, contrôle et actif). (B). Mise en évidence des plages de cohérence Gamma (35–45 Hz, 20–100 ms après le stimulus pour un spectre
de l'artefact lié a la présence d'une perturbation (en dB). Avec une topographie du scalp pour chaque stimulus (distraction, son blanc et neutre) et une tâche (méditation, contrôle et actif).
Les couleurs des plages indiquent par rapport à la ligne la puissance la réponse aux stimuli en décibels (réponse en décibels associé à des gabarits spectraux, ns =non significatif).
Comme l’illustre l’image 3 une véritable propagation coordonnée des excitations à tout le
cerveau est observable à l'EEG.
La conscience de soi a aussi été étudiée à l’EEG119. Lors de plusieurs pratiques méditatives,
des différences significatives concernant les plages de rythmes Delta et Bêta sont notées, avec une
réduction de l’interdépendance fonctionnelle entre plusieurs régions cérébrales. Selon les auteurs
ces résultats reflètent que plusieurs processus cognitifs sont affaiblis, dont le ‘‘Soi’’ .
Subjectivement, le méditant adopte un point de vue plus détaché, favorisant le lâcher prise et
l’observation. Lors de certaines méditations ce sont mêmes les limites corporelles qui peuvent
devenir floues donnant là aussi au méditant l’impression de la dissolution de son ego.
87
Dans une autre étude, l’intensité du sentiment de bonheur lors de méditation sur l’amour
compassionné est proportionnelle à une augmentation de l’activité Thêta au niveau de la région
frontale gauche.
De même, la lutte contre la dépression grâce à la pratique du programme MBCT module
l’activité Thêta au niveau de la région frontale120. À l’inverse le lobe frontal droit semble plus
souvent impliqué dans les émotions négatives121.
Nos différentes conclusions concernant cette partie se résument ainsi :
La méditation se définie comme un mécanisme d'intégration globale des activités de différentes
régions cérébrales (synchronisation d’ondes cérébrales, en particulier concernant le rythme Gamma
occipital chez les MLT, pour les régions frontales et pariétales).
La méditation (vipassanā) peut se traduire comme étant un exercice des capacités attentionnelles
avec une diminution des réactions automatiques.
Le réseau du mode par défaut est modifié par la pratique au long cours.
Les rythmes Alpha filtrent les sensations corporelles et sont modulables parla pratique, leur
permettant ainsi d’atténuer des douleurs physiques et de réduire l’anxiété.
Les expériences de communion mystique sont bien identifiables par l’EEG. Elles sont spécifiques à
chaque individu.
Chaque pratique méditative présente des manifestations EEG spécifiques122.
F) PET-Scan et méditation
La tomoscintigraphie par émission de positons (TEP), aussi connue sous le nom de PET scan
pour positron emission tomography en anglais, est une méthode d’imagerie fonctionnelle permettant
d'étudier l'activité métabolique ou moléculaire d’un organe. Cette étude se fait par l’observation de
l’activité radioactive de positons injectés chez le sujet.
La TEP est particulièrement intéressante afin d’étudier la variation du CBF (cerebral boold
flow, débit vasculaire cérébrale) lors des pratiques méditatives.
Une première étude avait identifié lors de la pratique, l’élévation significative123 (p<0.05) du
taux cérébral local du métabolisme du glucose entre le lobe frontal et le lobe occipital. Ces résultats
montrent un métabolisme spécifique du glucose lors des états de transcendance.
Une autre étude par PET-scan a observé une augmentation du rCBF dans le lobe préfrontal et
les régions limbiques lors de la sensation de joie chez des pratiquants de la méditation yoga nidra124.
88
Une étude menée en 2001 par Newberg chez des méditants bouddhistes confirmés montre
une augmentation significative par rapport à la ligne de base du rCBF125 (regional cerebral blood
flow, p<0.05) au niveau du gyrus cingulaire, du cortex orbito-frontal, du cortex préfrontal
dorsolatéral (DLPFC) et du thalamus.
Nous observons principalement une corrélation entre une augmentation du rCBF du cortex
préfrontal dorsolatéral gauche et une diminution de celui du lobe pariétal supérieur gauche (LSPL).
Image 5. Image de PET-scan de l'étude de Newberg et al, 2011.
Rapporté à l’expérience à la première personne (subjective), cela semble correspondre à
l'altération de la perception spatiale du corps observée lors de certaines méditations.
De même, l'augmentation du rCBF du lobe frontal pourrait traduire une focalisation de
l’attention du méditant.
Enfin, l'augmentation du rCBF thalamique sur toute la durée de la pratique, serait le reflet
d'une focalisation intense de l’attention.
Ces différents résultats confirment ceux des études EEG suggérant que le réseau fronto-
limbique est impliqué dans les sensations de bonheur et de transcendance des états méditatifs.
89
G) IRM et méditation
L'imagerie par résonance magnétique a permis des avancées spectaculaires dans l'observation
et la compréhension de la pratique méditative. De célèbres études concernant l’épaississement
sélectif de certaines zones du cerveau pour des corps de métier précis sont représentatives de nos
capacités de neuroplasticité. Comme l'augmentation du volume hippocampique des taxis126
londoniens ou du cortex pariétal chez les pianistes127. Il semble donc pertinent de se demander quels
sont les aires ou circuits activés lors du processus de méditation.
La plasticité neuronale et la neurogénèse sont probablement les découvertes les plus
importantes dans le champ des neurosciences modernes. Le cerveau est maintenant perçu comme un
système dynamique en constante reconfiguration128. Cette métaphore du changement résonne avec
certaines traditions orientales plaçant le changement comme un événement naturel s’inscrivant dans
l’impermanence du monde.
Plusieurs études attestent des modifications corticales visibles chez les méditants. La
substance grise et la substance blanche sont dans beaucoup de régions cérébrales modifiées par les
pratiques méditatives129.
Luders note une densification de la gyrification chez les méditants à long terme130, quel que
soit le type de méditation considérée. Cette densification est particulièrement significative pour le
gyrus précentral gauche, le gyrus fusiforme droit, le cunéus droit, et les parties antéro-dorsales des
deux insulas. Cette densification s'accroît avec le nombre d'années de pratique pour la partie antéro-
dorsale de l'insula droite. L'insula a une place toute particulière dans le processus méditatif. Elle
semble impliquée dans la divagation mentale et les capacités de projection. Or, nous savons que le
les méditants à long terme ont plus de facilités à faire preuve d’introspection, d’attention et de
contrôle émotionnel.
A B C
Schéma 4. Rappels anatomiques
A-Cortex préfrontal, vue antérolatérale droite et coupe B- Coupe sagittale du cerveau C- Noyaux limbiques
90
Chez ces méditants à long terme, les régions qui participent processus méditatifs 131 sont les
suivantes :
-Le cortex préfrontal
-La partie antérieure de l’insula droit
-Le gyrus temporal inferieur gauche (cela corrélé à l’expérience de méditation)
-L’hippocampe droit
-Le thalamus droit
-Le gyrus angulaire droit et le gyrus parahippocampique postérieur (épaissit dans le développement
de la compassion)
-L’amygdale qui se réduit de volume132
-Une modification de la gyrification corticale (augmentation de l’épaisseur du gyrus précentral
gauche, du gyrus fusiforme droit, du cunéus droit, du gyrus insulaire gauche et droit)
Rappelons que l’hypothalamus, et le système limbique interviennent dans la régulation du
corps et dans tous les processus neuraux sous-tendant les phénomènes mentaux. Régulation du
corps, survie et fonctionnement mental sont donc étroitement liés.
D’un point de vue plus neurofonctionnel, ce sont les 8 régions suivantes qui sont remodelées
aussi bien au niveau de la substance blanche que grise (avec un effet d et r de Cohen modéré ;
d¯ =0.46 ; r¯ =.19) 133 :
-Cortex préfrontal antérieur (régions impliquées dans la métacognition)
-Cortex sensoriel et insulaire (dans la conscience du corps intéroceptive et extéroceptive)
-Hippocampe (dans la modulation de la mémoire)
-Cortex cingulaire antérieur et moyen, et le cortex orbito-frontal (dans le soi et la régulation
émotionnelle)
-Le corpus callosum et le faisceau longitudinal (supérieur Dans la communication intra et
interhémisphérique)
Chez les méditants à court terme, une seule journée de méditation engage l'individu dans un
début de remodelage de sa neurophysiologie, en particulier au niveau du cortex cingulaire
antérieur134.
Une autre étude indique qu’avec un simple programme MBSR s’étalant sur 8 semaines de
pratique régulière, des modifications neurophysiologiquesa sont déjà observables135.
a Utilisation de la voxel based-morphometry à l’IRM chez 16 méditants naïfs avant et après un programme MBSR. Les résultats sont une augmentation de l’épaisseur de l’hippocampe droit, du cortex cingulaire postérieur, de la jonction temporo-pariétale et du cervelet
91
Ce programme MBSR semble donc influencer des régions impliquées dans la régulation
émotionnelle, la référence à soi, la prise de décision, de perspective et les régions liées à
l’apprentissage et à la mémoire.
Toutes les structures citées précédemment semblent être intimement liées à l’activation du
‘‘processus méditatif’’, exposons chacun de leurs possibles rôles :
Le cortex préfrontal : permet à de nombreuses fonctions cognitives supérieures d'émerger
(langage, raisonnement, fonctions exécutives, goût, odorat...). Il nous différencie des primates.
Le cortex insulaire ou insula : associé aux fonctions limbiques, il joue un rôle essentiel dans la
conscience de soi, la perception, les addictions, la régulation de l'homéostasie du corps et les
émotions. La partie antérieure de l'insula influence la production de langage et la partie postérieure
intègre les aires somatosensorielles.
Le gyrus temporal : joue un rôle dans les aires visuelles associatives. Connecté à l'amygdale,
il contribue au vécu émotionnel en participant à la mémoire déclarative et à long terme.
L’hippocampe droit : il participe au système limbique et a un rôle essentiel dans la mémoire,
la représentation et l'inhibition d'un comportement. Avec la zone sous-ventriculaire, il est aussi la
seule zone cérébrale capable de neurogénèse chez l'adulte. Il se voit élargi chez le méditant
expérimenté136.
Le thalamus : il a pour rôle l'intégration des afférences sensorielles, sensitives et l'afférence
motrice. Il module la vigilance, le sommeil et la conscience.
Le gyrus angulaire : gyrus du cortex cérébral et du lobe pariétal, il appartient au lobe pariétal
inférieur, lobe associatif par excellence. Il participe aussi à la perception spatiale et à l’attention. Il
s'épaissit avec le développement de la compassion.
L'amygdale : composante du système limbique, elle joue un rôle dans l'apprentissage
associatif, la reconnaissance et l'évaluation de l'émotion. Elle orchestre aussi les réponses
neurovégétatives et comportementales dans les réactions d'anxiété, de peur et de perception du
plaisir.
Le système limbique comprend plusieurs structures cérébrales. Impliqué dans la mémorisation
il coordonne la réponse comportementale pour diverses émotions. Les structures impliquées sont
l’amygdale, le formix, l’hypothalamus, l’hippocampe et la circonvolution cingulaire. Le système
limbique est stimulé lors des états de compassion décrits par les méditants bouddhistes et les états
de transcendance mystique. Certaines épilepsies ou états physiologiques extrêmes provoquant des
états de transcendance concernent d'ailleurs directement ce système137.
92
Loin d'être une simple pratique permettant de muscler le cerveau, la pratique méditative
permet d'amplifier la connectivité entre différentes régions cérébrales comme l'expose cette étude
datant de 2011 réalisée par Luders138. Cela semble entraîner les capacités métacognitives des
individus139.
De nombreuses études se sont penchées sur les processus attentionnels lors de la méditation
pleine conscience. Par exemple, elles ont comparés des IRMf entre des méditants tibétains
expérimentés, des non-méditants et des novices réalisées sur une semaine140. Les méditants devaient
focaliser leur attention sur un objet, cela malgré la divagation mentale liée aux stimuli externes
(objet de l’étude) ou internes. Les auteurs ont trouvé une augmentation, proportionnelle à leur
expertise, de l'activité au niveau frontal, pariétal, insulaire et thalamique entre les méditants et les
novices. Il semble plus facile et plus rapide pour les méditants expérimentés d'activer ce processus.
Le calme mental observé par les méditants expérimentés facilite l’entraînement des capacités
attentionnelles. Malgré leurs âges souvent avancés, ils présentent des capacités cognitives
préservées, voire améliorées par rapport à des individus du même âge.
Il semble qu'une seule semaine de retraite méditative sur le thème de l'attention semble
suffisante à améliorer les capacités attentionnelles des méditants141.
La méditation pleine conscience développe certains processus attentionnels142, en particulier
ceux intégrant le cortex cingulaire antérieur et le cortex latéral préfrontal, hypothétique starter de la
méditation. Les ressources attentionnelles sont donc dirigées vers le système limbique. Cela permet
de se plonger dans l'expérience du moment présent avec l'implication du thalamus, de l'insula et des
aires sensorielles primitives. Cette réduction de l'élaboration cognitive, en optimisant les capacités
attentionnelles, semble réduire automatiquement la pensée auto-critique et augmenter la tolérance
aux affects négatifs et à la douleur, tout en développant les capacités d'auto-compassion et
d'empathie.
La pleine conscience fait la promotion du développement de la tolérance aux affects négatifs
et du bien-être. La régulation émotionnelle par cette pratique reste cependant encore mystérieuse.
Lors de la régulation émotionnelle, le préfrontal semble promouvoir l'attention et l'appréhension
non-conceptuelle de l’expérience, alternative à l'habituelle analyse réflexive. Le mindfulness
propose aux patients souffrant de dysrégulation émotionnelle un entraînement simple et naturel à
l'opposé des efforts entrepris afin de contrôler l'émotion.
Pour ce qui est de la douleur chronique, elle a été étudiée par Zeidan et son équipe de
l'université de caroline du nord143 . Ils ont trouvé une diminution de 40 % de l'intensité de la douleur,
ainsi que de 57 % de son aspect désagréable par rapport à des sujets contrôles, cela après seulement
4 jours de pratiques chez des non-méditants. Cette diminution est liée a une augmentation de
93
l'activité du CCA et du cortex orbito-frontal, avec une baisse de l'activité de l'insula antérieur. Enfin,
pour la douleur aigue, les méditants confirmées la ressentent comme moins désagréables144.
Selon le type de méditation considéré, les résultats à l'IRMf sont par ailleurs différents, cela
sous-entendant l'activation de réseaux distincts145 :
-La méditation de focalisation de la concentration sur un objet ou un mantra active le réseau fronto-
pariétal de l'attention à soi.
-Les méditations se focalisant sur la respiration font appel à l'activation des régions paralimbiques
de l'insula et du cortex cingulaire antérieur.
-Les méditations sur l'émotion se concentrent sur les régions fronto-limbiques.
-Les méditations de type yoga nidra, similaires à l'hypnose occidentale, activent le système
limbique.
Lors du yoga nidra, le méditant diminue son contact avec le monde extérieur tout en favorisant
ses capacités attentionnelles. Une augmentation du taux de dopamine endogène au striatum ventral
est décelée durant cette pratique. Il est observé jusqu'a 65% d'augmentation de dopamine dans le
système limbique146.
Ces diverses études en neuroscience contemplative ont permis une meilleure compréhension
de divers troubles et maladies neuropsychiatriques. Par exemple, le cortex cingulaire antérieur
périgénual dans sa portion ventromédiale semble jouer un rôle important dans la régulation par la
pratique de la pleine conscience, des réponses émotionnelles exagérées de personnes sujettes à
l’anxiété ou la dépression147.
La pleine conscience est donc unique de par sa capacité à résoudre certains traits retrouvés
dans de nombreuses pathologies mentales.
Différences entre pleine conscience, hypnose et sophrologie
Il est intéressant d'évoquer l'aspect EEG des pratiquants de l'hypnose et de la sophrologie du
fait que de nombreux méditants visitent par moment ces états lors de méditations.
Bien qu'il soit facile de distinguer relaxation et méditation, il est parfois difficile de distinguer
méditation, hypnose et autohypnose. Il est fort probable que ces états soient successivement visités
lors de chacune de ces pratiques. Nous comprenons ainsi mieux la rigueur exigée par certaines
écoles orientales de méditation.
En hypnose, l’aspect EEG varie en fonction des suggestions de l’hypnothérapeute, de
l'individu, ou encore de la méthode personnelle utilisée en autohypnose. Différentes plages d’ondes
cérébrales que nous retrouvons aussi lors des états méditatifs se manifestent, en particulier les ondes
Thêta, traduisant des états de rêveries148.
94
Il semble donc que le mécanisme de communication des différentes aires cérébrales par le
biais de synchronisation d'ondes soit clairement lié à la qualité de conscience du sujet.
Une étude par PET-scan montre une activation du cortex préfrontal gauche et du système
limbique durant des exercices de focalisation de l’attention sur les limites corporelles lors de la
pratique du yoga nidra. Les résultats obtenus varient donc selon chaque pratique, voire même selon
chaque instructeur de méditation.
Le processus hypnotique traduit en effet un état d’hypervigilance avec parfois des
synesthésies des sens. Les suggestions hypnotiques sont assimilables aux invitations utilisées durant
des exercices de visualisation lors des pratiques méditatives. Cependant le point est mis sur la
présence consciente au corps dans la méditation, alors que ce dernier ne sert souvent que de
tremplin à l’approfondissement de l’induction hypnotique.
Concernant la sophrologie, la pleine conscience s’en distingue aussi sur plusieurs aspects.
Lors des méditations de pleine conscience, un équilibre entre tension et détente est de mise. Cet
équilibre favorise la vigilance et la présence. En relaxation, les régions activées sont celles des aires
motrices (du fait du relâchement musculaire) et les régions limbiques et paralimbiques149. Les
activations de ces aires sont moins intenses que lors de la pratique de méditation de pleine
conscience, en particulier concernant l’aire cingulaire antérieure150, le réseau fronto-limbique et
l’insula118. La pratique de la méditation se caractérise donc essentiellement par une mobilisation
intense de nos circuits attentionnels, et l'activation d'un processus.
Compte-tenu du nombre important de pratiques méditatives différentes (pouvant inclure yoga
ou prière), nous pouvons considérer que l’hypnose est une forme de méditation ‘‘accompagnée’’.
L’autohypnose est une méditation de visualisation et ou de divagation mentale, facile d’accès
au non-méditant, simple à pratiquer et en accord avec la culture occidentale. Elle semble aussi
catalyser la méditation pleine conscience. Alors que la relaxation est un simple état de recherche du
lâcher-prise. Des méditants à long terme comme Matthieu Ricard pratiquent à certains moments
l’autohypnose. Ces états complémentent la pratique en la diversifiant.
95
3.3. Neurophysiologie de la méditation
A) Neurobiologie de la méditation
La méditation s'exprime au niveau neurobiologique par des changements cognitifs, sensoriels,
affectifs, hormonaux et neurovégétatifs.
Compte-tenu de l’intrication de la neurologie, de l’endocrinologie et de l’immunologie, nous
discuterons brièvement dans cette partie de la neurochimie, la neuroendocrinologie, la
neurobiologie et les conséquences sur le système immunitaire de la méditation.
Malgré la variété des pratiques méditatives, il semble que ce soient les mêmes réseaux
neuronaux qui sous-tendent le processus méditatif. Certains spécialistes sur le sujet comme
Newberg s'impliquent dans le domaine de la ‘‘neurothéologie’’. Ce dernier a synthétisé les résultats
de différentes études151 (Tableau 3) et il propose un modèle théorique du processus méditatif. Ces
différents résultats ont été observés à partir de l'étude du débit sanguin cérébral (Cerebral blood
Flow - CBF).
Tableau 3. Résumé des études d'imagerie cérébrale concernant les différentes méditations par Newberg.
Initiation du processus méditatif
L'initiation du processus méditatif semble débuter avec la mobilisation du cortex préfrontal et
du cortex cingulaire, secondairement à l'effort de maintien de la focalisation de l'attention. Ce
96
processus apparaît comme intimement lié à l'intention formulée consciemment par le sujet de
pratiquer la méditation152.
Implication des circuits attentionnels
Conjointement à l'activation du cortex préfrontal, une activation du noyau réticulaire
thalamiquea (Thalamic Reticular Nucleus) est observée. Ce processus mobilise un circuit
attentionnel global153 avec la participation des neurotransmetteurs glutamatergiques. L'excitation du
noyau réticulaire thalamique engendre la sécrétion du neurotransmetteur inhibiteur l'acide γ-
aminobutyrique (GABA) influençant des voies d'aval de ce noyau, avec l'inhibition du lobe pariétal
postéro-supérieur (PSPL) et des centres de la vision, de façon inversement proportionnelle à
l'activation du noyau réticulaire154. Cette désafférentation fonctionnelle155 liée à l'augmentation du
GABA impliquerait une baisse de la distraction du méditant. L'activité dopaminergique issue des
ganglions de la base participerait aussi à la régulation de ce système glutamatergique.
Un réseau intégratif de l’attention incluant cortex préfrontal et thalamus est sollicité. Le lobe
pariétal postéro-latéral (PSPL) est largement impliqué dans l’analyse et l’intégration des stimuli
visuels, auditif et somatosensoriels. Il est fondamental dans la représentation tridimensionnelle du
corps et de la conscience de soi et du non-soi.
Les états mystiques semblent souvent comprendre une désafférentation du PSPL s’exprimant
par une altération de la conscience de soi avec une désorientation temporo-spatiale.
Système limbique
Par la suite, parallèlement à ce réseau attentionnel complexe, c’est le système limbique,
impliqué dans la genèse d'états mystiques156, qui est stimulé avec des liens riches entre hippocampe,
cortex préfrontal, amygdale et hypothalamus. Ce processus induit une activation hippocampique,
qui advient naturellement s’il existe peu de stimulation corticale. Cette structure en module d’autres,
participant ainsi au système glutaminergique et GABA.
Thalamus et hippocampe
Pour schématiser ces différentes observations, Newberg avance que la stimulation thalamique
de l’hippocampe droit pourrait participer à l’inhibition du lobe pariétal droit. Dans ce système,
c’est le noyau accumbens qui est stimulé par l’hippocampe venant ainsi créer une boucle de
renforcement de l’influx neuronal du cortex préfrontal vers le thalamus, (compte-tenu de l’action
neuromodulatrice de la dopamine de ce noyau). Le schéma 5 synthétise cet hypothétique ‘‘circuit de
la méditation’’ proposé par Newberg et Iversen.
a Le thalamus est sollicité lors des pratiques méditatives, il organise notre schéma spatial et corporel.
97
L’hippocampe serait un des importants vecteurs de l’intention consciente d’être dans le
moment présent, par son influence sur le cortex préfrontal, avec la mise en jeu du noyau accumbens.
Il interagit aussi avec l’amygdale, en participant à l’attention, à la production d’images et
d’émotion157.
Hypothalamus et système nerveux périphérique
L’hypothalamus est fortement lié au système limbique. Il entrerait en interaction avec
l’amygdale dont la stimulation engendre celle de son noyau ventro-médian ce qui provoque une
stimulation du système périphérique parasympathique. Il s'en suit naturellement une diminution du
rythme cardiaque et respiratoire et des états de relaxation et de sérénité.
Cette activation du parasympathique induit une inhibition du noyau réticulé para-
gigantocellulaire de la médulla et donc du locus ceruleus du tronc-cérébral (structure
noradrénergique).
L’importance du système nerveux autonome dans le processus méditatif avait déjà été
documentée dès les années 70 par Gelhorn et Kiely158. Lors de la méditation, une activité
parasympathique largement prédominante est observée, associée à une chute des rythmes
cardiaques et respiratoires, de la pression artérielle et de la consommation en oxygène159.
Les systèmes sympathique et parasympathique sont tous deux modulés par la pratique
méditative160, celle-ci associe, en effet, état de présence consciente alerte (hypervigilance des sens)
et relaxation profonde.
L’activation du système nerveux autonome (SNA) peut être provoquée par une intense
stimulation du faisceau médian du télencéphale et de l’hypothalamus latéral, engendrant par ailleurs
des états de grâce et d’extase s’ils sont stimulés161.
Les circuits et leurs activations générales s'appliquent aux deux hémisphères cérébraux. Il se
peut cependant qu'un des deux hémisphères soit plus déterminant au déroulement du processus
méditatif
Durant la méditation une chute de catécholamines urinaires et plasmatiques des méditants est
observée162. Cette chute des taux de noradrénaline participerait à la désafférentation du PSPL.
98
Schéma 5. Schématisation d'un réseau neurophysiologique théorique, représentant le processus de méditation.
Modulation de l’axe du stress
Le noyau paraventriculaire de l’hypothalamus hypostimulé réduit ainsi le taux de
corticolibérine163 (corticotropin releasing hormone ou CRH). La CRH stimule l’hypophyse
antérieure libérant l’hormone corticotrope (adrénocorticotrophine ou ACTH). L’ACTH engendre la
sécrétion de cortisol par la glande surrénale. Et enfin, la diminution du taux de catécholamines
aboutit en fin de chaîne à la diminution de glucocorticoïdes et donc du stress du méditant.
On comprend aisément ici les effets des pratiques de yoga et de méditation pleine conscience
concernant la diminution de la tension artérielle de certains patients. Cette chute de tension
artérielle engendre la libération de vasopressine par l’hypophyse postérieure via les barorécepteurs
de la crosse aortique et des sinus carotidiens (noyaux supra-aortiques).
99
Tableau 4. Modifications significatives des concentrations sériques de divers neuromédiateurs impliqués lors de la pratique de la méditation et leur corrélation à la structure cérébrale majoritairement liée à leur production.
Méditation et bien-être
Une autre observation est celle de l’augmentation importante des taux plasmatiques de
vasopressine lors de la méditation164. La vasopressine contribue au maintien d’affects positifs, de la
perception du taux d’énergie ‘‘vitale’’ et à l’amélioration significative de la mémorisation et de
l’apprentissage, tout en diminuant les sensations de fatigue.
Il en résulte une diminution de la sensation de fatigue et un accroissement de la perception
subjective de l’énergie vitale. Cela encourage le méditant à s’appliquer lors de sa pratique,
expliquant d'une certaine façon l'attrait pour la méditation.
La focalisation continue de l’attention exercée par le cortex préfrontal mobilise de forts taux
de glutamate qui stimulent les noyaux infundibulaires (périventriculaires) de l’hypothalamus. Ces
derniers libèrent de la bêta-endorphine, opioïde primaire influençant les structures sous-corticales.
Or, l’altération des rythmes diurnes de bêta-endorphine et d’ACTH après la pratique de la
méditation a été observée165.
Cependant, l’implication de cet opioïde dans les états transcendantaux est réfutée par une
étude montrant la survenue de ces états mystiques malgré l’adjonction de naloxone (antagoniste des
récepteurs morphiniques) lors d’une méditation166.
Méditation et états transcendantaux
Toujours concernant le glutamate, rappelons que l’excès de glutamate active les récepteurs au
N-methyl-D-Aspartate (NMDAr), mais les détruit aussi par surstimulation. L’hypothèse avancée par
Newberg serait que dans un but premier visant à la préservation de l'intégrité neuronale, un arrêt de
la dégradation de la N-acetylaspartylglutamate (NAAG) en glutamate de produit167. Les états
méditatifs profonds seraient donc corrélés à l’augmentation de la concentration cérébrale de NAAG.
Or, le NAAG est un analogue fonctionnel de l’hallucinogène dissociatif que sont la kétamine, la
phéncyclidine et le protoxyde d’azote168.
Ces antagonistes aux récepteurs à NMDAr sont tous pourvoyeurs d’états psychotiques plus ou
moins brefs, voire d’états qualifiés de mystiques169, comme peut-être les phénomènes de sortie du
100
corps et de mort imminentea 170. De façon intéressante, ces résultats sont à mettre en parallèle avec
les résultats en EEG : des synchronisations d’onde Gamma sont visibles lors de la méditation,
surtout au niveau occipital. Ondes Gamma qui semblent tout du moins chez l’animal, largement
prédominer quelques minutes avant une mort provoquée selon une équipe américaine171. L’anoxie
cérébrale favoriserait une connectivité accrue entre parties antérieur et postérieure du cerveau,
provoquant des états mentaux extraordinaires. Un mécanisme similaire pourrait être mis en jeu dans
la méditation.
Enfin, lorsqu’elle est surstimulée, la glande pinéale synthétise naturellement de la 5-methoxy-
dimethyltryptamine (DMT), un puissant hallucinogène172. La DMT a fréquemment été associée au
vécu subjectif d’état de communion mystique, de sortie du corps, de distorsion spatio-temporelle et
d’expériences extraordinaires.
Ce modèle théorique du fonctionnement du processus méditatif, souligne qu'il est encore
difficile de comprendre s'il s’initie en premier lieu dans l’hémisphère droit avant de s’étendre à
l’hémisphère gauche. Il pourrait aussi débuter par une interaction concomitante, puisque les
résultats concernant l’initiation du processus de méditation sont inconstant selon les études d’IRMf.
Modification de l’humeur
Durant la méditation, est aussi observée une augmentation des taux urinaires de sérotonine,
traduisant la stimulation de l’hypothalamus latéral. Ce dernier libère de la sérotonine lors de cette
pratique173.
La sérotonine participe par ailleurs à la neuromodulation, en inondant les centres visuels des
lobes temporaux, responsables des associations des stimuli visuels.
Cette sérotonine provient du raphé dorsal après stimulation soit par l’hypothalamus latéral,
soit par le cortex préfrontal. Il est d’ailleurs connu que le taux de sérotonine est corrélé positivement
avec l’appréciation subjective de l’humeur d’une personne. Nous pourrions peut-être ainsi expliquer
l’effet antidépresseur naturel des pratiques méditatives, associé ou non à la TCC174.
À la différence de divers traitements médicamenteux ciblant des récepteurs particuliers, la
méditation offrirait ainsi une manière naturelle et efficace de lutter contre une tendance à la
‘‘dépression endogène’’, en diminuant le stress.
Il est aussi intéressant de noter que des récepteurs temporaux à la sérotonine (5HT-2) sont
capables après stimulation d’induire des hallucinations simples ou complexes. D’où la validation
sur un plan neurobiologique des contre-indications de ces pratiques, tout du moins dans leurs
a Selon les bouddhistes tibétains, le phénomène de mort imminente nommé de lokn est qu'un état de rêve.
101
formes intenses pour des patients pouvant souffrir de troubles psychotiques. Ces hallucinations
semblent être secondaires à la diminution du flux d’informations visuelles interprétable, par l’effet
filtre secondaire à l’inhibition par la sérotonine du corps géniculé latéral175. La génération d’images
mentales rapportées lors de la pratique méditative pourrait ainsi être favorisée, par cette association
entre ce filtre et le peu de stimuli visuels externes. Un lien avec l'augmentation de la créativité chez
les pratiquants pourrait aussi être en partie expliqué par ce type de mécanismes.
Cette augmentation des taux de sérotonine semble aussi affecter d’autres structures lors de
l’exercice méditatif. Le sentiment d’euphorie rapporté durant certains états semble être lié à une
connexion entre système sérotoninergique et dopaminergique.
En effet, la sérotonine, comme le glutamate, stimule le noyau basal de Meynert libérant ainsi
de l’acétylcholine176 (ACH). Cette augmentation de l’ACH de part son implication dans les lobes
frontaux améliore les capacités attentionnelles ainsi que l’orientation dans l’espace.
Voies Voies Voies Voies
Cholinergiques Dopaminergique Noradrénergique Sérotoninergique
Schéma 6. Schéma représentant de la gauche vers la droite les voies cérébrales de l'acétylcholine, de la dopamine, de la noradrénaline et de la sérotonine177. Systéme cholinergique- En orange, avec des noyaux dans le pontomésencéphalotegmentale, et le noyau du septum médian et le noyau basal de meyert. Systéme impliqué dans l'attention et la mémoire. Systéme Dopaminergique- En bleu, avec deux noyaux au niveau du mésencephale, l'aire tegmentale ventrale et la substance noire. Impliqué dans le contrôle du mouvement et de la motivation. Systéme noradrénergique- En vert, avec un noyau unique dans le pont, le locus coeruleus. Impliqué dans l'attention la vigilance et le stress. Sytéme sérotoninergique- Composé des noyaux du raphé, le long du pont et du bulbe. Impliqué dans l'attention, l'éveil, le sommeil, l'humeur, et la consommation de nourriture.
Méditation et sommeil
Le taux sanguin de mélatonine est plus abondant la nuit chez les méditants178, peut-être du fait
de l’activation par l’hypothalamus latéral de la glande pinéale, transformateur de la sérotonine en
mélatonine, dont le rôle a été démontré dans la régulation des rythmes chronobiologiques et dans la
réduction de la sensibilité à la douleur179.
Méditation et immunité
Un programme sur 8 semaines de méditation de pleine conscience permet déjà de montrer des
modifications immunitaires chez les sujets bénéficiaires. Davidson, Kabat-zinn et leurs équipes, ont
102
ainsi accompagné des groupes d'étudiants vaccinés contre la grippe. Après le groupe, ils présentent
50 % de plus de taux d'anticorps contre le vaccin180.
Malgré l’avancée impressionnante effectuée ces 40 dernières années concernant la recherche
neuroscientifique, de nombreuses autres études et explorations innovantes sont nécessaires afin
d’essayer de préciser les différents modèles neurobiologiques du processus méditatif. Cela
permettrait d’une part d’élargir le champ de connaissance concernant la conscience humaine et
d’autre part, celui de l’application dans divers domaines des bienfaits de la méditation. Au total, il
est fort probable que les systèmes endogène opioïde, gabaergique, noradrénergique et
sérotoninergique soient intimement liés à la modification des états de conscience lors des pratiques
méditatives. Un résumé des différentes observations est exposé dans le tableau ci-dessous.
Tableau 5. Résumé des modifications neurophysiologiques par la pratique régulière de la méditation.
103
B) Modifications métaboliques par la méditation
Les études concernant les modifications métaboliques induites par la méditation datent des
années 70. C’est en particulier les pratiques de yoga et de méditation transcendantale qui furent
examinées par les scientifiques de l'époque, pratiques qui étaient largement répandues au États-Unis
durant la seconde moitié du siècle dernier.
En 1970, l’étude de la méditation transcendantale181 effectuée par Wallace RK révèle :
Une diminution de la consommation en oxygène d’environ 17 %, et du une diminution du
rythme cardiaque (diminution par tranches de 3 battements par minutes). Une augmentation de
l’activité électrodermale (soit la conductance cutanée, reflet de l’activité du SNA) durant et après la
méditation, diminuant ensuite de façon lente. Et des modifications EEG, avec l’augmentation des
rythmes Alpha.
En 1975, l’abaissement du taux de cortisol et la stimulation du SNA étaient des effets établi
de ces pratiques182. Les études modernes confirment un état de vigilance accrue associé à un
hypométabolisme de fond183 184:
- L’augmentation de l’activité du système nerveux central
- L’augmentation de la sécrétion de mélatonine nocturne et basale
- La synchronisation des rythmes Alpha et Gamma a l’EEG
- La prédominance de l’activité parasympathique du SNA185
(diminution de la fréquence cardiaque et respiratoire, augmentation de l’AVP plasmatique, de
l’activité électrodermale et de la sensation de relaxation, diminution prononcée de la production de
CO2 musculaire…).
Plus largement, c'est le développement des maladies cardio-vasculaires dans les populations à
risque qui semble diminuer. Une étude suivant des adolescents hypertendus pratiquant 15 minutes
de méditation pat jour pendant trois mois, avance une diminution de 0.88% de la masse du
ventricule gauche, comparé au groupe control présentant une augmentation de 0.13%186.
Au total, les sujets ayant une pratique méditative semblent présenter une meilleure régulation
de leur cortisolémie187, en lien avec une modulation de l’axe neurophysiologique du stress et de
l’anxiété188. Plus récemment a été avancée l'hypothèse d'une modification de l’interaction entre
système nerveux central et végétatif chez des méditants à court terme189.
104
3.4. Problème du réductionnisme lié aux connaissances en
neurosciences cognitives
La science est démunie lorsqu’il s’agit d’expliquer le phénomène de l’émotion vécue
puisqu'elle ne sait qu’établir des relations de causalité entre des phénomènes objectifs. La question
du réductionnisme des sciences se pose donc lorsqu’une de ses branches, la neuroscience, propose
des schématisations de la conscience humaine.
Les sciences cognitives sont apparues dans les années 50. Depuis l'explosion des méthodes
d'imagerie, elles essaient de comprendre le fonctionnement de l'esprit et de la connaissance en
proposant des théories physicalistes de l'esprit. D'abord avec le cognitivisme, produit des thèses
fonctionnalistesa, qui conçoit l'esprit humain comme un système de traitement de l'information et
assimile la pensée à une suite de calculs. Le cognitivisme nourri la conception représentationnelle
de l'esprit inaugurée par Descartes190 : l'idée que le monde est prédonné et qu'il nous faut le
reconstitué par le biais de processus de représentation.
Par la suite un second courant apparaît, le connexionnisme, qui modélise les phénomènes
mentaux ou comportementaux comme des processus émergents de réseaux d'unités interconnectées.
Il tente de dépasser le cognitivisme en proposant une émergence de l'esprit à partir d'un cerveau
auto-organisé.
Alternatives au matérialisme éliminativisteb et au réductionnisme, ces théories présentent un
talon d'Achille : l'exclusion de la subjectivité de l'expérience, laissant penser que l'être serait comme
parachuté dans un monde qu'il ne serait capable d'appréhender que partiellement.
Depuis les années 1990, la neurocognition insuffle une ère nouvelle, permettant aux sciences
cognitives de sortir de ce paradigme fonctionnaliste. Partagées entre la part biologique et la part de
psychologie cognitive, ces neurosciences ne cessent de muter d'année en année avec l’impulsion de
la recherche. La neuroimagerie semble quasiment acter l'avancée de la compréhension de l'esprit
avec ses études. Les neurosciences proposent ainsi un champ dimensionnel moderne et bien plus
large que les autres courants de pensée.
Au début des sciences cognitives, l'accent a été mis sur l'élaboration de l'intelligence
artificielle, laissant pour compte les neurosciences. C’était la compréhension du traitement de
l'information qui était mise en avant au détriment de la compréhension de l'émergence de
a Issue des recherches sur l’intelligence artificielle, le fonctionnalisme conçoit l’esprit comme un système de traitement de l’information. La plupart des fonctionnalistes sont matérialistes. b L’éliminativisme est une thèse avançant qu’il n’existe aucune base neurologique aux divers concepts psychologiques. La compréhension du mental ne pourrait donc pas reposer sur la recherche scientifique.
105
l'information. Francisco Varela vient lui-même de ce noyau de scientifiques qui a su comprendre
cette évidence en élargissant son point de vue sur diverses questions fondamentales. C’est toute sa
méthodologie expérimentale qu’il a déconstruite. Un virage important a actuellement été pris,
l’étude du système nerveux central ayant renversé le STI (système de traitement de l'information).
Ce STI qui s'est effondré de lui-même, tant les résultats attendus n'étaient pas au rendez-vous191.
Cette intelligence artificielle est un paradigme réductionnistea du mental, la cognition ne se
réduit pas à une synthèse de l’information. Le prédécoupage des capacités mentales, reposant sur
des aprioris considérés comme acquis, porta préjudice aux sciences cognitives. Les divers échecs
des neurosciences cognitives ont ainsi préparé le terrain aux neurosciences, favorisant
l'interdisciplinarité et l'observation prudente par les techniques de neuroimagerie.
Il semble que plus la science pense se rapprocher des origines de la conscience humaine, plus
elle se voit dépassée par le niveau de complexification supplémentaire découvert. Ainsi, par
exemple la communauté scientifique reste sceptique et méfiante face à ce courant consistant à
qualifier la cognition de quantiqueb.
Le philosophe des sciences Daniel Andler192 propose de freiner cette tendance des
neurosciences cognitives à surinterpréter des théories, qu’il appelle le ‘‘neurofactualisme193’’:
l'établissement de données théoriques en faits, faisant écho au scientisme.
Il est vrai que la plupart des résultats d'imagerie sont des faits, des ‘‘photos’’ de quelques
corrélats neuronaux participant à la valse de l'émergence d'un phénomène mental, mais il semble
raisonnable de s'abstenir de dicter la neurocognition en fonction de quelques résultats compris et
produits dans le système fermé de l'analyse scientifique. Les neurosciences sont une science
théorique et pas une science d'observation. La neuroimagerie nourrit les neurosciences, mais
seulement d’observations et les neurosciences enrichissent les sciences cognitives, mais seulement
d’hypothèses.
Varela, reprenant les écrits de Merleau-Ponty, insiste sur la nature irréductible de l’expérience
et l’importance des récits à la première personne. Il conçoit l’homme comme un être incarné dans
un monde qu’il ‘‘co-construit’’.
a L'intelligence artificielle pourrait au mieux modéliser une reproduction mentale de l'esprit humain mais sans une once d'éléments biologiques. b Les neurosciences cognitives sont les ‘‘sciences cognitives’’ modernes, mais si les recherches sur l’aspect quantique de l'esprit se confirment, alors la chimie et la physique viendront probablement se rejoindre dans un nouveau corps de sciences infiniment complexe.
106
Une science de la conscience : la neurophénoménologie de Francisco Varela
« Une mutation de l'expérience (c'est à dire de l 'être) est aussi nécessaire qu'un changement
dans la compréhension intellectuelle, si l'on veut parvenir à suturer les dualismes de l'esprit et du
corps »
Varela, 1976194.
Varela ne conçoit pas d’approche cognitive séparant le corps et l’esprit. Il considère le corps
aussi bien comme une structure physique que comme une structure vécue, entre neurobiologie et
phénoménologie. L’esprit serait le produit de la dynamique continue entre différents pôles.
Michel Bitbol195, médecin, physicien quantique et phénoménologue, développe cette nouvelle
émergence de la connaissance imbriquée entre expérience à la première et la troisième personne196.
Selon Bitbol, la neurophénoménologie de Varela avait, dès sa conception, deux étapes d'avance sur
les discussions qui lui étaient contemporaines.
En premier, avec un retour à une conception proche de la théorie de l'identitéa des états
mentaux et des états cérébraux proposée à la fin des années 50.
En second, avec la redéfinition du problème de la conscience en établissant une synergie étroite
entre le compte-rendu des expériences vécues et des observations scientifiques objectives de la
nature.
L’approche neurophénoménologique
La neurophénoménologie, combinaison des neurosciences et de la phénoménologie, est une
approche scientifique permettant d'accorder autant d'importance à l'objectivité qu'à la subjectivité.
Dans le domaine de la philosophie de l'esprit, elle répond aux difficultés des deux thèses les plus en
vogue jusqu'au années 90 : le fonctionnalisme et l'éliminativisme. L'éliminativisme remplace l'esprit
par un processus objectif, rejetant le fait de la subjectivitéb. Quant au fonctionnalisme, il fait de
l'esprit une structure, ce qui laisse subsister un gouffre explicatif entre cette structure et le trait non-
structural qu'est la qualité subjective d'une expérience.
Le ‘‘problème difficile’’ de la conscience est de comprendre pourquoi certains processus
neurocognitifs s’accompagnent d'expérience consciente, alors que d’autres non.
a Théorie proposée par Place Ullin, reliant phénoménologie et neurocognitivisme. Elle considère l’esprit comme un état interne non réductible au seul comportement, et relie propriété des états mentaux et propriété des états physiques. Cette théorie a précédé le fonctionnalisme. b La conscience phénoménale, simple fait de la paraître, est à distinguer de la conscience réflexive.
107
Un renouveau de la théorie de l'identité de l’esprit et du cerveaua, du philosophe australien
Smart JC, est apparu comme une réponse du physicalismeb à ce défaut du fonctionnalisme :
« la simple identité n'est-elle pas l'explication la plus évidente de la corrélation
psychoneuronale ?. »
Cependant l'énoncé d'identitéc est symétrique et n'a aucun pouvoir prédictif. Il s’agit juste d’un
constat. Cette théorie de l'identité neuronale est à adapter au cas par cas. Varela s'est inspiré de la
théorie de l'identité afin d'établir l'approche neurophénoménologique.
Dans son approche, il exclut toute dualité entre un domaine intérieur d’objet mental et un sujet
introspectif capable de les observer et d'établir un compte-rendu à leur propos. Les relations entre
les événements mentaux et neurologiques sont plus étroites et plus réciproques que dans le
fonctionnalisme. Contrairement aux teneurs de la théorie de l'identité, Varela rejette l'affirmation
que les expériences ne sont que des événements neuronaux. Dans son approche, les questions
théoriques sont systématiquement réexaminées sur un plan méthodologique. La
neurophénoménologie n'est pas une théorie de l'identité neuroexpérientielle, c’est une procédure
d'examen de ces corrélations nécessitant un ajustement de la terminologie phénoménologique.
La neurophénoménologie se distingue donc clairement de la théorie de l'identité. Cette dernière
insiste sur la primauté ontologique des descriptions en troisième personne des événements
neuronaux, en omettant de valoriser l'expérience subjective. La théorie de l'identité énonce que les
événements mentaux sont des événements cérébraux, mais jamais elle n'affirme l'inverse.
Varela en revanche n'accepte pas cette asymétrie et il accorde une égale importance aux deux
termes du problème en s'abstenant de tout jugement ontologique.
Redéfinir le problème dit difficile de la conscience
« Par être ...je n'entends...rien d'autre que l'expérience.. »
Varela, 1976.
L'expérience consciente n'est pas une simple apparence qu'il s'agirait de dépasser en direction
d'une réalité pensable. Elle est la réalité d'où surgit tous les mouvements intellectuels ultérieurs : les
théories de fonctionnement neuronal, ou encore les mouvements d'objectivation que l'on prend pour
invariants.
a Théorie datant du début du XXème siècle explicitant que les états mentaux sont identiques aux états ou processus neurophysiologiques qui se déroulent dans le cerveau. C’est un matérialisme désincarné. Selon cette théorie tout état mental est identique à un état neurophysiologique singulier. b En philosophie de l'esprit, le physicalisme admet que le mental est une réalité physique. C’est une forme de matérialisme et de monisme. c L’énoncé d’identité exprime le fait que deux choses coïncident, ici le corps et l’esprit.
108
C'est la base de la neurophénoménologie de Varela établie vers la fin des années 1990 :
« L'expérience vécue est irréductible, c’est à dire que les données phénoménales ne peuvent pas
être réduites ou dérivées de la perspective en troisième personne »
Varela, 1999.
Varela a révolutionné les sciences cognitives en valorisant l’expérience subjective et en la
replaçant au centre de l’intérêt de l’étude de la conscience, ce que la science occidentale n’avait pas
fait depuis les théoriciens présocratiques.
Selon Varela vouloir établir une théorie descriptive censée résoudre le problème de
l’expérience consciente, est dès lors déjà une erreur :
« Dans tous les comptes-rendus fonctionnalistes, ce qui manque n’est pas la nature cohérente
de l’explication mais son aliénation à l’égard de la vie humaine. C’est seulement en réintroduisant
la vie humaine, qu’on abolira cette absence (de la conscience) : pas en ayant recours à quelque
ingrédient supplémentaire ou à un outil théorique profond »
Il semble évident que désirer d’élucider l’origine de la subjectivité par un modèle objectif est
un échec. Il est inadéquat de considéré les présupposés d’un observateur désincarné, qui décrit un
monde qui n’a de réalité que dans son esprit. Ce n’est que le contournement d’une impossibilité de
principe par une ruse.
Abandonner le point de départ physicaliste, serait accepter le fait que le problème dit difficile
de l’origine de la conscience humaine, se situe dans la tache aveugle de la vision physicaliste. Bien
qu'important afin de résoudre des problèmes d’intérêt scientifique, cette approche est inutile
lorsqu’il s’agit d’étudier l’origine de la conscience.
Illustration 5 . Représentation de l’hypercube n-dimensionel et des poupées russes : une complexification incessante et infinie concernant la recherche à la troisième personne.
L'approche neurophénoménologique n'est pas non plus un idéalisme. A la racine de cette
approche il n'y a pas une intériorité abstraite, mais une expérience vécue inscrite dans un corps
109
propre associée à un environnement. L’expérience incarnée est la résultante entre le domaine
psychique et physique qui se co-constitue.
Varela, est cependant conscient des limites de l’analyse phénoménologique qui n’est qu’une
activité réflexive, théorique, postérieure aux faits. Une phénoménologie étudiant la structure
d’intentionnalité de l’expérience, sans aucune référence au monde factuel, est nécessaire : l’épochè,
que pratique le méditant, une observation de l’expérience inscrite dans l’expérience.
La neurophénoménologie de Varela, s’inspire donc du bouddhisme, par son approche contre-
apodictiquea. Elle ne conçoit pas de fondement dans les processus neurophysiologiques objectivés
par la conscience, ni d’avantage dans le champ de la subjectivité. Il n’y a pas plus de primauté du
subjectif que de l’objectif. L’expérience et donc le vécu se constitue mutuellement par une
circulation de l’un à l’autre.
Le concept d’énaction, décrit la cognition comme produit de l’avènement conjoint d’un monde
et d’un esprit à partir de l’histoire de leurs interactions réciproques. L’énaction remplace le concept
de représentation, elle définit un monde vécue se rapprochant du concept de non-dualité : un monde
qui n’est pas prédéfini, mais co-constitué par l’observateur. L’énaction semblable à la tradition
bouddhiste du madhyamika, cette voie moyenne, propose donc une émergence co-dépendante de la
conscience.
Entre première et troisième personne
Varela critique la phénoménologie qu’il conçoit comme trop théorique. Il rejette l'idée du
caractère irréductible de l’expérience consciente en proposant une rétroaction entre les descriptions
à la première personne et celles à la troisième personne.
L'expérience consciente est à la base de toute élaboration cognitive. Les études du
comportement où les expérimentations neurophysiologiques ne comptent comme élucidation de
l’esprit conscient qu’à la condition d’être confrontées avec un compte-rendu en première personne.
Une aire du cerveau classifiée comme visuelle ne l’est qu’au nom d’une corrélation établie entre
son activation et un rapport d’expérience visuelle. Isolé de toute information en première personne,
un comportement ou un événement neurophysiologique, ne donne en rien accès à la conscience.
Varela conscient de cette particularité renforce la circulation des données des expériences en
première et en troisième personne, au lieu de simplement analyser les concomitances entre ces deux
points de vue. Il identifie les contraintes mutuelles auxquelles ils sont assujettis.
a Soit ce qui présente un critère d’universalité et de nécessité absolue.
110
« L’idée d’isomorphisme (entre niveaux subjectif et objectif) est poussée une étape plus loin
afin d’offrir un passage où les contraintes mutuelles ne se contentent pas de partager un statut
logique et épistémologique ; mais deviennent indispensables pour être opérationnellement
génératives ; (c'est-à-dire un passage) où il existe une circulation et un éclairage mutuels entre ces
deux domaines propres à la totalité du domaine phénoménal » Varela, 1996197.
Selon Michel Bitbol trois conditions, qui participent à la démarche neurophénoménologique
nous permettent d’établir ces contraintes mutuelles :
-La première est de cultiver la stabilité et la reproductibilité des contenus d'expériences subjectives
par des méthodes de réduction phénoménologique.
-La seconde est de développer la fiabilité du compte-rendu expressif de cette expérience par le biais
de techniques d’entretien.
-La troisième est de rendre générative les contraintes mutuelles entre expression de première
personne et description à la troisième personne, afin d'améliorer la sélectivité de l’un par l’autre, et
mettre en place une action de l’un par l’autre.
Cette sélectivité réciproque permet une avancée dans un des deux domaines. Elle permet de
délimiter et de rendre significatif un élément qui était jusque-là passé inaperçu dans l’autre
domaine.
En simplifiant ces conditions, Lutz et Thompson198 , présentent la démarche
neurophénoménologique ainsi :
1-Obtenir des compte-rendu en 1ére personne plus précis, et méthodique, en usant une approche
phénoménologique disciplinée et l'exploration de l'expérience
2-Utiliser ces compte-rendu originaux en 1ére personne pour mettre en évidence de nouvelles
information en 3éme personne, concernant les processus physiologiques de la conscience
Par exemple, l’étude phénoménologique de l’émergence des figures tridimensionnelles à
partir d’une distribution bidimensionnelle de tâches, a poussé Varela à s'intéresser aux
synchronisations d’activité neuronale à longue distance et à développer les techniques d’analyses de
ces synchronisations en EEG et EMG. À l’inverse, la mise en évidence d’anomalies focalisées des
corrélations neuronales plusieurs heures avant les crises chez des patients épileptiques199 à amener
Petitmengin à cultiver l’attention de ces patients envers certains prodromes particuliers ressentis
subjectivement, leur permettant ainsi de percevoir l’imminence des crises. Il s’agit d’une circulation
réciproque entre le neuronal et l’expérientiel.
111
D’autres affirment que la neurophénoménologie prétend répondre au problème difficile de la
conscience : pourquoi certains processus neuronaux laissent émerger de l’expérience consciente ?
Prétend-elle aider à découvrir le chaînon manquant entre le substrat corporel et l’expérience d’être
incarné ?
La neurophénoménologie est en réalité une réponse pragmatique à cette question. C’est un
remède méthodologique plus que théorique. Elle met sur un pied d'égalité toute l’expérience
pouvant être vécue, objective et subjective, en prévenant la tentation de prendre un de ces moments
à l’exclusion de l’autre.
Cette ‘‘méthode équitable’’ de la neurophénoménologie est cependant bien éloignée des
méthodes d’investigation classiques de la science. Une caractéristique de la méthode scientifique est
de repousser tout compte-rendu subjectif pour ne garder que des invariants structuraux. L’exclusion
de la singularité des événements, au profit de ce qui est qualifié de général, laisse des lacunes. De
façon analogue, l’exclusion des contenus subjectifs de l’étude de l’expérience a réduit ce dernier à
l’étude de ses corrélats physiques ou physiologiques (comme la longueur d’onde ou les pigments
rétiniens pour une sensation de couleur, identique pour tous, mais avec des représentations
subjectives). Cette faille laissée par la structure objective de la science n’a pas été comblée pour
autant, cela a demandé une autre révolution sans cesse repoussée, qu’a accomplie la
neurophénoménologie en réintroduisant l’expérience à la première personne dans un réseau
amplifié d’invariants. Les catégories phénoménologiques se juxtaposent aux objets physiologiques.
Ainsi, dans les sciences de la nature deux disciplines opèrent une même révolution, d’une part
le Darwinisme réintroduit le singulier et le contingent historique pour tenir compte de la singularité
de la biosphère, d’autre part, la neurophénoménologie réintroduit le subjectif dans un dialogue
permanent de co-constitution avec un secteur de l’objectivité afin de construire une science
beaucoup plus complète que précédemment. Réintroduction, qui place le corps comme structure
expérientielle, indissociable des processus cognitifs, porte ouverte sur le changement.
Loin d'être une position philosophique séduisante pour l'esprit, la neurophénoménologie permet
des avancées dans divers domaines, en particulier celui des sciences cognitives. La difficulté de
l'approche neurophénoménologique tient du fait qu'il est nécessaire de maîtriser aussi bien le
domaine neuroscientifique que philosophique afin d'utiliser cette approche élargie. Cette approche
tend à se développer, notamment avec les travaux d’Evan Thomspon, ou encore d'Antonio Damasio
qui avec sa théorie des marqueurs somatiques, précise le rôle de l'émotion dans le processus de la
prise de décision : soit celle d'une cognition incarnée.
112
Les modèles cognitifs modernes prennent partiellement en compte la théorie de l'énaction avec
la possibilité d'une modification de l'environnement par les notions de ‘‘connexions en retour’’
(feedback), de ‘‘connexion en avant’’ (feed forward) et de processus ascendant (bottom-up).
En conclusion, bien que certains scientifiques renommés préfèrent s'en tenir à des approches
matérialistes ou réductionnistes de la conscience humaine, la méditation représente parfaitement
cette nécessité de développer le rapport entre objectivité et subjectivité permettant d'améliorer les
sciences cognitives.
Schéma 7. La neurophénoménologie : une science équitable de la conscience
« Tout est bien comme il semble, rien comme il semble. À la fois comme il semble et non
comme il semble. Ni l'un ni l'autre. Tel est l'enseignement progressif des Buhha (18,8) »
Nagarjuna, II-III e siècle après J.-C.a
a Ecrits traduits par Guy Bugault dans un de ses livres : Stances du milieu par excellence.
113
IV. Programmes basés sur la pleine
conscience
Introduction
Les programmes laïcs qui seront présentés ici sont les programmes MBSR et MBCT, qui ont
eu le plus d’écho dans le monde occidental. Ils se basent sur de solides études neuroscientifiques.
Nous les présenterons progressivement en exposant les tenants et aboutissants de chacun, ainsi que
l’adaptation progressive des techniques de pleine conscience à un public toujours plus spécifique.
4.1. Programmes internationalement reconnus basés sur la pleine
conscience
A) MBSR : Mindfulness based stress reduction
Ce programme est le plus documenté, le plus ancien et le plus reconnu.
Les origines du programme
La MBSR (Mindfulness Based Stress Reduction) ou réduction du stress basée sur la pleine
conscience est un programme crée par le professeur Jon Kabat-Zinn en 1979 à la clinique de
réduction du stress du centre hospitalier du Massachusetts. Cette clinique est devenue le Centre For
Mindfulness in Medecine, Health Care and Society.
Plus de 500 hôpitaux et facultés de médecine américaines aussi prestigieuses que Stanford,
Duke ou Harvard pratiquent, voire enseignent les programmes de méditation lancés par Kabat-Zinn.
25000 patients ont déjà bénéficié du programme MBSR et plus de 7000 professionnels sont formés
à ces pratiques, notamment au centre américain Oasis.
Mis au point dans les hôpitaux américains entre 1971 et 1979, son champ d'application s'est
élargi et de nombreux programmes se sont adaptés avec succès à différents secteurs de la
société comme les écoles (éducation200, jeunes201 et adolescents202), les entreprises203, ou encore les
prisons et l’armée204 205.
Kabat-Zinn perçoit le stress comme le dukkha, la souffrance de l'existence, que nous pouvons
notamment traduire par ‘‘qui ne tourne pas rond’’ (sukha signifiant ‘‘qui tourne parfaitement’’ et
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kha ‘‘signifiant trou’’, plus particulièrement le moyeu d'une roue). Il s'agit d'un nouveau paradigme
concernant la façon de penser et de pratiquer la médecine.
Concentration, calme, estime de soi, baisse de l’impulsivité, développement de la compassion,
diminution de l’agressivité et de l'hyperactivité... les bénéfices sont multiples, faciles à obtenir et
durables dans le temps sous réserve d’une pratique régulière. C’est aussi le début du développement
d'un troisième courant des thérapies cognitivo-comportemental.
Encadrement du programme
Le respect strict point par point du programme MBSR explicité par Kabat-Zinn est un
préalable à son exercice. Il s'agit d’éviter toute forme de dérive ou manque de qualité concernant
son application.
Selon le site en ligne du centre de formation à la mindfulness américain, les exigences
requises afin de se former à instruire des groupes MBSR sont une pratique quotidienne de la pleine
conscience, la participation au moins à deux retraites guidées, la pratique régulière de yoga ou d’un
autre art psychocorporel et enfin une formation professionnelle en lien avec les pratiques de
mindfulness (être dans le domaine de la santé ou de l’éducation). Ce dernier point concernant les
critères préalables à la formation d’instructeur de groupe MBSR a toute son importance.
Contenu du programme
Quatre types principaux d’exercices sont proposés au sujet, selon cet ordre : le Body Scan
(scan-corporel), la méditation assise, les mouvements en pleine conscience, la marche méditative.
L'instructeur présente aux groupes de méditation, divers enseignements sur : les données
neuroscientifiques sur le sujet, des renseignements médicaux adaptés, une démystification de la
méditation, un recadrage des attentes et objectifs du programme, une valorisation de l’expérience du
moment au détriment de l’analyse, l'état d’être mindful...
Si le programme est correctement réalisé alors un travail s’effectuera entre autres sur :
la relation entre pensées, émotions et sensations, sur la conscience du corps, de l’espace, du
temps, des pensées, de soi… mais aussi de notre système de croyances, de métacognition, de mise
en perspective de la dualité de l'expérience...
Concernant l’effectif des groupes de pleine conscience, ils varient selon le type de
programme, allant de 12 à 24 participants pour un programme MBSR ou de 8 à 12 patients pour un
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programme MBCT, plus spécifique et enrichi en exercice de TCC. Un instructeur suit de 8 à 24
patients. Aux États-Unis, il est fréquent de voir deux instructeurs pour un groupe de 44 participants,
rendant l’enseignement plus impersonnel.
La plupart des programmes reprenant la structure du MBSR s’étalent aussi sur 8 semaines
bien que deux types de programmes différents soient habituellement proposés :
Soit 8 sessions de 2h30 chacune sur 8 semaines (une par semaine). Avec une pratique à
domicile : 1 h par jour, 6 jours sur 7, complétés par une journée de pratique en silence.
Il est aussi possible d'effectuer le programme sur 5 jours intensifs au sein d'un centre agréé par
le centre de formation au mindfulness américain (CFM).
Au total, ce sont environ 70 heures de pratiques qui sont effectuées dans ces deux cas.
B) MBCT : Mindfulness Based Cognitive Therapy
La thérapie cognitive basée sur la pleine conscience a été mise en place en 2002 par Zindel
Segal, Mark Williams, et John Teasdales, tous trois aujourd’hui respectivement professeur en
psychiatrie à l’université de Toronto, de psychologie à Oxford et de psychologie à Cambridge. 85%
du programme est en commun avec le programme MBSR. Seuls quelques exercices importants de
thérapie cognitivo-comportementale se surajoutent. Ils font toute la différence, le public pour le
MBCT étant ceux répondant à l’indication suivante : thérapie complémentaire dans le but de la
prévention des rechutes dépressives206 (patients ayant déjà connu au moins 2 épisodes de dépression
caractérisés). D’autres indications sont en cours d’évaluation, comme les dépressions résistantes207.
Constitué de groupe de 12 patients en général, l’accent est mis sur la prise de conscience des
distorsions cognitives secondaires à la récurrence des états dépressifs, à la conscience du corps et
des émotions, ainsi qu’à la prise de décisions adéquates. Ce protocole est mis en place pour
permettre au patient d’identifier ses pensées intrusives et d’agir en pleine conscience dans le but de
prévenir toute rechute dépressive. Il ne s’agit pas de prétendre combattre la dépression, mais bien de
changer son rapport à la maladie.
Le patient est ainsi invité à développer la prise de conscience :
-De ses schémas de pensées négatives et d’adopter un changement de perspective
-Du rapport entre pensées, émotions et sensations
-Du rapport entre humeur du moment et pensées
-De la pleine conscience de chaque instant et de la dualité de l’expérience.
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Ici aussi, le programme s’étale sur 8 semaines avec des sessions de 2h30 et une journée de
silence. Les auteurs incitent les instructeurs confiants à ajouter au besoin une ou deux séances sur
des thèmes particuliers comme l’auto-compassion.
Les huit séances sont :
Séance 1- Le pilote automatique
Découverte de la notion de pleine conscience et de pilote automatique, exercice du raisin,
prise de conscience du corps.
Séance 2- Gérer les obstacles
Exercice sur les pensées et les émotions, introduction à la méditation assise et identification
des événements agréables.
Séance 3- Conscience de la respiration
Pleine conscience de la respiration, pratique de marche méditative, prise de conscience des
événements désagréables.
Séance 4- Rester présent
Pensées automatiques et critères DSMa de la dépression, focalisation sur les sens et la
présence.
Séance 5- Permettre le lâcher prise
Longue méditation assise, marche méditative, avancée dans la pratique. Notion de lâcher-
prise et d’acceptation.
Séance 6- Les pensées ne sont pas des faits
Exercices sur l’humeur, les pensées et les perspectives alternatives. Espace de respiration.
Séance 7- Comment prendre soin de soi au mieux ?
Liens entre activité et humeur, activités de plaisir et de maîtrise, identification des signes de
rechute. Développement d’un système d’alerte préventive pour détecter les rechutes et d’un plan
d’action pour faire face à l’humeur dépressive.
Séance 8- Utiliser ce qui a été appris pour gérer les humeurs futures
Bilan de la pratique, autonomisation des participants et futur de la pratique. Méditation de
clôture.
Cette thérapie reconnue par la NICEb est incluse dans les guidelines anglais. Elle est
considérée efficace dans la prise en charge de la dépression récurrente.
a Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. b National Institue for Health Clinical Excellence, institut national pour l’excellence clinique
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En 2015, une étude publiée dans la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet, vient
confirmer les études précédentes. Elle retrouve une diminution des rechutes/récurrence dépressive
similaires à celle observées avec la prise d'un traitement seul (50 % sur 24 mois de suivi), des
symptômes résiduels et une augmentation de la qualité de vie208. (Graphique 2)
Graphique 2. Courbes de survie (rechute ou récurrence) sur 24 mois concernant les patients souffrant de dépression.
m-ADM : groupe avec maintient du traitement antidépresseur MBCT-TS : groupe MBCT avec prise discontinue des antidépresseurs
Des études MBCT ont été réalisées dans le cadre d’autres indications potentielles, en voici
une liste non exhaustive : patients dépressifs209, réduction des états d'anxiété de stress et de
dépression chez des patients affectés de retard mental210, patients dysthymiques211, patients
dysomniaques212, troubles obsessionnels compulsifs213, patients bipolaires214, amélioration de la
qualité de vie des patients cancéreux215, états de stress post-traumatique216, prise de distance avec
les idées suicidaires du patient dépressif217.
Les mêmes contre-indications que dans le programme MBSR sont applicables, dont le fait de
ne pas inclure des patients ayant des personnalités pathologiques fréquemment associées à une
dépression au long cours.
La revue de la littérature de Goyal en 2014 se penchant sur 41 études et 2933 patients avance
le fait que la pleine conscience aide modérément à diminuer la dépressiona (soit au moins aussi bien
que les autres thérapies existantes sur une courte durée).
a Ecart standard (ES0 -S : 0.32 ; Intervalle de confiance (IC) : −0.01 à 0.66 a 8 semaines ; ES : 0.23 ; CI : 0.05 a 0.42 pour 3–6 mois.
118
Une méta-analyse récente avance que le MBCT est modérément efficace dans la prise en
charge de la prévention de la rechute dépressive chez un patient ayant eu un premier état
dépressif218. Enfin, il semble que le maintien d'une pratique à domicile plusieurs mois après le
premier groupe est significativement lié à une diminution de la rechute dépressive219 (58% des
patients méditants moins de 3 jours par semaine avaient rechuté).
D'autres programmes similaires existent, comme la Dialectal Behavior Therapy pour le
trouble borderline, Acceptance and Comitment Therapy pour les troubles de personnalité, la
Mindful Awarness Practice pour les troubles attentionnels, la Mindfulness Based Eating Awarness
Teaching pour certains troubles du comportement alimentaire, la Mindfulness Based Relapse
Prevention pour la prévention de la rechute addictive, Mindfulness Based Cancer Recovery pour
aider les personnes souffrant d’un cancer, la Connecting Adolescents to Learning Mindfulness pour
les adolescents et enfin les Mindful school pour les enfants.
En France, c'est à Caen que le professeur Delamilleure, développe pour la première fois la
Compassion Focused Therapy and Mindfulness, la Thérapie Fondée sur la Compassion, qui
s’adresse aux patients souffrant de fort sentiment d'auto-culpabilité.
4.2. Concepts clés des pratiques contemplatives
Le souffle, support de la méditation
Psyché vient du mot grec psukhé220 signifiant souffle ou respiration. Par extension, il évoque
le ‘‘souffle de l’âme’’. Sa traduction arabe nafs, signifie aussi souffle.
Utilisé comme support de la méditation des siècles durant, le souffle sert de pilier dans des
activités diverses : les arts martiaux, la peinture, le chant, la chirurgie...
Ces arguments font du souffle le seul élément concret dont la majorité des méditants après un
cycle de 8 semaines se souviennent. Prendre conscience du souffle leur permet plus largement de
prendre conscience, moment après moment, sans jugement de l’expérience du moment présent.
Énumérons ces arguments :
Le souffle prend place dans le présent et permet au sujet de se focaliser sur ce dernier au lieu
de laisser place aux ruminations concernant le passé ou aux projections dans le futur.
Le souffle est toujours présent et échappe au contrôle de l’esprit, c’est un point de focalisation
quasi-instinctif et un indicateur de notre état émotionnel.
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Le souffle permet de noter le vagabondage de l’esprit grâce à nos capacités métacognitives. Il
peut servir d’ancrage afin de réduire les ruminations ou les douleurs physiques.
Le souffle permet de focaliser l’attention vers un chemin sans but, sans attente, vers un espace
de plénitude et de sérénité.
Le souffle permet aux méditants d’adopter un regard neuf et attentif sur le monde, chaque
souffle étant unique, parfait et différent de tous les autres.
La posture, support de l’attention
La posture est un élément important de la pratique méditative. Selon les écoles, elle est plus
ou moins fixée. Le yoga consacre une majeure partie de son enseignement à mettre le corps en
mouvement ou à adopter des postures particulières qui sont censées entraîner l’esprit à habiter le
corps. En occident tous les instructeurs de yoga ne terminent pas forcément leurs cours avec une
méditation, pourtant le yoga est voué à préparer le corps pour de longues méditations assises.
En général les méditants confirmés n’ont aucun problème à méditer quelque soit le cadre.
Cependant il est important d’aider le débutant en lui proposant une pratique codifiée et guidée. Bien
que semblant personnalisées, ces différentes postures respectant le corps installent le méditant dans
une dimension impersonnelle.
Différents supports sont proposés aux méditants. Les écoles de méditation laïques proposent
comme ailleurs la chaise, les bancs, les shoggi et les zafu avec leurs zabuton (Photos 7 et 8).
Un point commun aux différentes écoles est d’avoir le dos droit lors de la méditation, position
stimulant l'éveil et la présence, faisant ainsi la promotion de la vigilance.
Le méditant n’a pas une position à priori confortable sur son support, mais bien une position
humble, incarnant l’image qu’il se fait de la dignité et de la fermeté (en particulier pour l’école zen).
Il ne s’agit point d’oublier le corps, mais bien de l’habiter évitant ainsi de plonger le patient dans
des états de divagation mentale.
Concernant les yeux, ils peuvent être ouverts ou fermésa. Ils sont souvent orientés à 45 degrés
à un mètre de distance. Il ne s’agit pas de regarder un point précis, mais seulement d’être détendu,
ouvert au monde, les paupières mi-fermées. Bien que cette position semble rigide, c’est en réalité
une position ‘‘zen’’ visant à trouver l’équilibre entre vigilance et relaxation musculaire.
La position des mains importe peu pour les écoles laïques, même si la symétrie est souvent de
mise, ainsi que le contact digital signant la présence consciente au corps.
a Fermer les yeux facilite l'abord des exercices de visualisation mentale, mais cela favorise surtout le processus hypnotique.
120
Dans la mystique védique, le pouce représente le macrocosme, la conscience de la réalité qui
imprègne le tout (paratma) là où l’index représente le microcosme, la manifestation individuelle de
la conscience (jivatma)a.
Dhyana Mudra Shuni Mudra Gyan Mudra
Facilitant le recueillement Patience, responsabilité Sagesse, réceptivité
de l’esprit. Utilisé en zazen.
Photos 7. Photos des positions sacrées des mains lors de la pratique de méditation assise.
Schéma 8. Représentation schématique de profil de la position de méditation. Position du demi-lotus, sur un zafu de profil.
Shoggi Banc de méditation Zafu reposant sur le zabuton
Photos 8. Shoggi, banc de méditation et zafu avec zabuton.
La posture à une dimension symbolique. Elle relie le méditant à son environnement, ‘‘entre
ciel et terre’’, la colonne vertébrale tendue vers le ciel, les genoux reposant sur le sol. Cet
enracinement du corps favorise le regard intérieur et celui sur le monde.
a Ces 25 positions sacrées des mains sont exposées dans le gherandasamhitā, un des trois recueils du hatha yoga, avec les positions (asana) et les techniques de respiration (prānāyāma).
121
Pour calmer le mental, il est d’abord nécessaire d’assurer l’apaisement du corps. La
focalisation première sur le souffle est d'usage, en notant que la maîtrise de la position est un
préalable aux méditations prolongées, sans quoi diverses tensions peuvent apparaître.
La posture varie ensuite en fonction des courants.
Position assise dite du Pharaon Position à genou Position birmane
Position du demi-Lotus Position du lotus
Image 5. Dessins représentant les diverses positions de méditations.
La position du Pharaon est idéale pour les débutants. Elle encourage la pratique dans tous les
lieux extérieurs. C’est une des préférées des personnes plus âgées, qui peuvent aussi s’installer dans
un fauteuil, l’important étant juste de rester vigilant. La position à genoux est souvent utile aux
personnes souffrant de douleurs lombaires. Elle diminue grandement l’oscillation du tronc en
ancrant le bassin.
La position birmane souvent utilisée lors des méditations assises du yoga donne quelques fois
des douleurs dorsales hautes lors des méditations prolongées. L’exercice du yoga vise à tonifier
l’ensemble de la musculature. Les méditants confirmés s'exercent souvent au tai-chi, au qi-gong, au
karaté ou au yoga afin de permettre à leurs corps de pouvoir endurer de telles séances.
La célèbre position du lotus est difficile à réaliser. Elle nécessite une bonne connaissance des
limites de son corps et une flexibilité de ce dernier. Les yogis utilisent divers exercices avant
d’entrer dans cette posture (supta-ardha-padmâsana), qui par ailleurs nécessite plusieurs
enchaînements précis afin de ne pas léser l’articulation des hanches et des genoux lors de l’entrée
dans cette posture ou lors de sa pratique soutenue. La position du demi-lotus, est plus simple à
réaliser et moins tendue. Symboliquement, il s’agit de passer de la dualité à l’unité, favorisant ainsi
le travail méditatif, tout en se plaçant dans un juste équilibre : ni trop tendu, ni trop détendu.
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Enfin, il existe des positions de méditation debout, utilisées surtout par les yogis et les
pratiquants d’arts martiaux. Cette reconnaissance du lien entre corps et esprit permet de débuter la
pratique méditative. Certains pratiquants s’exposent volontairement au vacarme de la vie moderne
là ou d’autres comme les méditants zen préfèrent se mettre face à un mur, ou encore en pleine
nature comme les ‘‘moines de la forêta’’.
4.3. Pratiques couramment utilisées :
Ces médiations entraînent l’esprit à la pratique naturelle et spontanée de la pleine conscience.
Il s'agit d'habiter et de reconnaître le moment présent.
A) L’exercice du raisin
Cet exercice consiste a observer et a manger un raisin. Il est souvent proposé comme première
approche de la pleine conscience pour les débutants car mise en pratique de la pleine conscience est
bien plus importante que le cumul d'enseignements théoriques qui souvent freinent l’avancée des
individus (Annexe D).
Simple, il permet de réaliser que d’un ‘‘minuscule objet’’ émerge une expérience très riche,
constamment renouvelable, en interaction avec nos sens. Il s’agit de créer un espace pour toutes les
expériences, d’observer nos habitudes, nos jugements, et surtout notre présence au moment. Toutes
les habitudes de l’individu se dévoilent, son rapport aux objets, aux émotions, aux sensations et à
ses propres pensées. L’impermanence des sensations et les différences notées entre chaque
participant permettent d’introduire des notions clés concernant la démarche de pleine conscience.
Cette pratique permet d’introduire l’exercice du scan corporel mais aussi de prendre acte de
notre propre tendance à mentaliser une expérience au lieu de la vivre dans le moment présent. La
notion de coproduction conditionnelleb peut aussi être introduite lors de cet exercice en mentalisant
les ressources ou éléments ayant permis l’arrivée de ce raisin jusqu’au participant. Le participant
prend conscience qu'il passe à côté de nombreuses expériences dans sa vie quotidienne. Il prend
conscience de l’ordinaire qu’il ne regarde jamais. Le participant est invité à redécouvrir l’esprit du
débutant, le sho-shin du bouddhisme zen.
a Les moines de la forêt constituent une tradition thaï du bouddhisme theravada. b Pratîtyasamutpada en sanskrit, signifiant littéralement « l’origine d’une action », ce concept se résume essentiellement à travers la notion d’interdépendance.
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B) Body-scan
En Occident, il est fréquent que le corps n’interpelle l’individu que lorsqu’il est sujet à la
souffrance ou à l’émotion. Un culte répandu du corps contraste avec le manque de connexion de
l’Homme occidental avec ce dernier. La pleine conscience, permet de développer la prise de
conscience de nos sensations et de notre schéma corporela.
Il s’agit du premier exercice de pleine conscience introduit lors des programmes. Facile à
débuter, le body-scan permet un entraînement de nos capacités attentionnelles. La caisse de
résonance émotionnelle qu’est le corps a aussi son histoire. Prêter attention à celui-ci permet de
mieux se connaître soi-même. La langue anglaise met bien en valeur cette symbolique du corps (to
be some-body, être quelqu'un).
C’est un retour à une réflexion incarnée de l’expérience humaine comme le théorise Francisco
Varela. En phénoménologie, la conscience de son propre schéma corporel a une signification
importante puisqu’elle organise la conscience de l’espace et du temps de l’individu qui
n’appréhende directement le monde qu'au travers des limites de son propre corps. Le corps est notre
condition d’ouverture sur le monde. Cette conscience du schéma corporel, perçue comme une
image dynamique par notre cerveau compte-tenu des variations sensorielles, est un outil très
intéressant en hypnose et en méditation pour la gestion de la douleur. En utilisant des techniques de
visualisations, le souffle peut être utilisé afin de diminuer une perception douloureuse221.
Cette puissante technique de méditation, permet au méditant d'exercer son attention en se
reconnectant avec son corps. Elle se pratique de préférence allongé sur le dos. Central dans la
pratique du yoga nidra, le scan corporel a une portée symbolique avec balayage corporel des pieds à
la tête. Le méditant note le fait qu'il est difficile de sonder le corps, sans être en proie au sommeil et
à la divagation mentale. Il prend aussi conscience de son schéma corporel et des différentes
sensations auxquelles il ne porte que rarement attention.
Photo 9. Séance de balayage corporelb.
a Il s’agit bien de sentir le corps et non pas de l’imaginer. b Source : http://bhavani.at/en/
124
Le méditant meurt au passé et au futur pour être pleinement dans l’instant présenta.
Il est demandé aux instructeurs quelle que soit la pratique de garder une voix neutre lors de
l'instruction des groupes. Il faut en effet éviter de sursaturer le méditant, au risque d’enclencher une
induction hypnotique.
Notons que c’est souvent durant cet exercice que les méditant découvrent ce que Varela nomme
‘‘l’inscription corporelle de l’esprit’’. Ce dernier cite Merleau-Ponty en présentant le lien entre
expérience et corps : « L'organisme donne forme à son environnement en même temps qu'il est
façonné par lui….Les propriétés des objets perçus et les intentions du sujet, non seulement se
mélangent mais constituent un tout nouveau ». Varela, mars 1999.
Par exemple, si une personne s’est un jour fait mordre une jambe par un chien, il est possible
que le scan corporel dans la zone correspondante soit difficile à réaliser. Le lien peut être mis à jour
consciemment par le méditant qui voit de façon plus claire le rapport entre corps et esprit, façonnant
l’être qu’il est devenu.
C) Méditation assise
Pratique emblématique de la méditation, il s’agit souvent de juste s’asseoir. Aussi simple que
cela semble. Le corps s’immobilise afin d’extasier les sens ou de rentrer en transe méditative.
Le méditant cherche à s’installer dans une position pour observer son intériorité tout en
gardant un contact avec l’extérieur. Il s’agit de s’asseoir pour s’asseoir, d’agir sans agir. Quel que
soient les courants religieux ou spirituels, l’éveil, l’illumination, ou la connaissance suprême, passe
souvent par le développement ou la pratique de la méditation assise. Comme le Bouddha
l’atteignant sous l’arbre de la Boddhi, un des quatre lieux saints du bouddhismeb.
Dans de nombreuses représentations Birmane du Bouddha, la main droite prend la terre pour
témoin (bhûmisparsha mudra-mudrā), et la main gauche est tournée vers le corps.
Dans les programmes de pleine conscience, aucune position n'est exigée. Bien
qu’emblématique de la méditation, la méditation assise n’est qu’un moyen de développer des
a Sur la photo 9 est pratiquée savasana, la position du cadavre. Position importante du yoga, elle symbolise l’accueil du moment présent. b Le Bouddha a mentionné quatre principaux lieux de pèlerinage pour ses disciples : Lumbini, son lieu de naissance, au Népal. Bodhgaya, le lieu où il parvint à l’Eveil. Sarnath (près de Bénarès), où il dispensa son premier enseignement. Kushinagar, où il entra dans le Parinirvana.
125
capacités aidant à la discrimination des illusions de l’existence. Il s’agit de s’inscrire consciemment
dans une posture, et non pas une imposture.
Image 6. Tableau de Bouddha faisant face aux poisons de l’existence exercée par Māra juste avant l’Éveila.
À l’image d’un entraînement, la pratique de la méditation assise ne fait que développer une
force. La maîtrise de cette force, qui sous certains aspects est comparable à la pleine conscience, est
la véritable méditation. Seule cette force importe dans le chemin du méditant. L’éveil peut aussi être
atteint par d’autres moyens ou dans d’autres situations.
D) Marche méditative
La marche méditative est une façon simple d’introduire dans la vie quotidienne la pleine
conscience de chaque instant. Il suffit pour cela d’évoluer consciemment dans son environnement
en étant conscient de la marche, du corps en entier, ou encore avec la respiration. Les débutants
fixeront leurs attentions sur les pas réalisé et le contact avec le sol.
La particularité de cette méditation même si elle peut se réaliser sur un parcours quotidien, est
justement de marcher sans but précis. Marcher pour être présent et non pas marcher pour arriver
quelque part. C’est voir son corps comme immergé dans la réalité environnante, rayonnant de par
ses interactions subtiles, au lieu de plonger dans ses réflexions en s’exaspérant de la longueur du
chemin à parcourir. La vitesse de marche est fonction du désir de décortication de l’expérience du
méditant. La marche rapide est aussi possible et il est connu que l’effort physique permet une
libération d’endorphine222. Une libération d’endorphine se voit aussi chez les méditants, mais en
taux moins important que chez les sportifsb. Cette pratique semble se révéler bénéfique sur le plan
médical223 de par une distinction significative quant à la marche classique par une réduction de
l’humeur dépressive, une meilleure forme physique, et une meilleure réactivité vasculaire.
a Source : Five of the Leaves from an Ashtasahasrika Prajnaparamita Manuscipt ; http://asiasocietymuseum.org. b Les bénéfices semblent être une meilleure tolérance de la douleur, une mémoire plus performante et une diminution de l’humeur dépressive.
126
Illustration 6. Décomposition de la marche lors de la pleine consciencea.
E) Mouvement en pleine conscience
Ces mouvements inspirés du yoga permettent au méditant d’habiter consciemment son corps.
C’est une pratique du yoga sans tension et sans intention. Il s’agit seulement d’explorer le corps et
ses limites, sans rechercher à réaliser de performance. Ce sont donc de simples mouvements en
pleine conscience et non pas un chemin de réalisation spirituelle comme l'est le yoga.
Ces mouvements en pleine conscience servent comme exercice de déverrouillage matinal des
articulations ou de prise de conscience des tensions du corps. Le pratiquant ressent une présence à
son corps et à son environnement accrue par ce réveil au corps. L’attention est portée sur les
mouvements du corps et sur le souffle durant ces exercices où les mouvements sont largement
décomposés.
Classiquement, chaque mouvement se déroule en 3 phases : inspiration, pause respiratoire et
expiration. Lors de l’inspiration, le corps est souvent tendu et tonique afin de dynamiser muscles et
tendons. Lors de la pause respiratoire, le méditant est en contact avec les limites de son corps qu’il
peut explorer en prolongeant le mouvement d’étirement. À l’expiration, tout se relâche lentement,
permettant l’observation d’une relaxation musculaire stimulant notre sixième sens, la
proprioception. Concrètement, ces mouvements se font debout ou allongé avec extension flexion
de divers groupes musculaires (exemple : extension verticale des deux membres supérieurs puis
horizontaux, rotation cervicale à gauche puis à droite suivie de rotation des épaules…).
Cette pratique est souvent préférée des jeunes méditants, en particulier ceux en proie à une
agitation mentale intense. Elle montre de bons résultats dans l’atténuation de la rumination et de
l’agitation mentale.
a Source : Flickstein M. From Journey to the Center : A Meditation Workbook. Wisdom Publications. Boston, 1998. pp.127-132.
127
F) Journée en silence
Nécessitant une certaine expérience de la pratique, cette journée parachève les programmes.
C’est une opportunité afin d’observer moment après moment nos habitudes mentales et nos
nombreux automatismes.
Cette journée permet un partage de l’expérience à plusieurs niveaux. Le participant apprend à
communiquer sans communiquer. En anglais une expression symbolise ce partage effectué par le
groupe lors de cette journée : alone, together, soit ‘‘seul, ensemble’’. Une communication semble
s’effectuer par la simple présence du groupe.
Cette journée est parfois synonyme de punition pour certains, le silence faisant écho à des
souvenirs douloureux. Elle est remplie de moments de méditation orchestrés par l’instructeur qui est
le seul à animer les méditations. Il n’y a pas de pauses, qui permettraient le relâchement de
l’attention portée au moment présent. Le participant est invité à ne pas lire, ni écrire, ni
communiquer par un tout type de langage (hormis pour ce qui semble nécessaire lors d’interactions
avec d’autres participants, comme les repas).
Les participants explorent ainsi leurs propres limites, le silence extérieur n’étant pas
synonyme de silence intérieur.
Les pratiquants chevronnés trouvent souvent un sentiment de paix intérieure précieux lors de
la pratique régulière de méditation en silence. Les instructeurs de pleine conscience se doivent d’en
effectuer au moins une par an d’une durée supérieure à 4 jours.
128
V. Pratique clinique du MBCT
La prévention de la rechute dépressive est considérée comme un objectif important en santé
mentale, du fait du taux important de rechute ou de récurrence dépressivea, ou encore du coût social
de la dépression.
Des études précédentes ont conclus que la MBCT diminue significativement la rechute dans
le cadre de la dépression récurrente comparée avec un traitement usuel224. Cependant, aucune étude
n'a évaluée quelle facette de la pleine conscience, la MBCT pourrait le plus améliorer. L’auto-
questionnaire Five Facet Mindfulness Questionnaire (FFMQ), pourrait permettre cela.
5.1. Objectifs de l’étude
Objectif principal de l’étude
L’objectif principal est d’évaluer si les patients effectuant un groupe MBCT présentent un
meilleur score à l’auto-questionnaire FFMQ que le groupe contrôle.
Objectifs secondaires de l’étude
Le premier objectif secondaire est d’évaluer quelle est la modification du score à l’inventaire
de BECK dans les groupes de l’étude.
Le second est d’évaluer quel facteur du FFMQ s’améliore le plus dans le groupe MBCT.
5.2. Matériel et méthode
Participants
La population de l'étude comprend des patients suivis au centre hospitalier de Dieppe qui ont
reçu le diagnostic de dépression caractérisée selon les critères du DSM-IV.
S'ils n'étaient pas déjà suivis par le principal investigateur de l'étude, alors une consultation en
présence de leur psychiatre a permis de valider leur inclusion. L'inclusion fut réalisée entre janvier
et mars 2014.
Eligibilité des participants et consentement
Le diagnostic de dépression devait avoir été posé par au moins deux psychiatres différents
avec un suivi sur au moins 2 ans.
a Sans traitement, le risque de rechute dépressive chez un patient souffrant de dépression récurrente varie de 50 a 80 %. (kupfer DJ et al. 1992)
129
Les patients furent informés oralement des objectifs de l’étude. Ils avaient la liberté d'accepter
ou de refuser de participer à cette étude, ainsi que de l'abandonner en cours sans conséquences sur
les soins reçus. Le consentement était recueilli oralement.
Mesures
La sélection des échelles a été effectuée en fonction de leur reconnaissance internationale et
de leur utilisation dans des études sur le sujet de la mindfulness. Les échelles FFMQ et de BECK
sont disponibles en annexe.
Mesure du critère principal : modification du score au FFMQ
Le FFMQ de Baer et al.225 (Annexe E), adapté en français par Heeren et al. en 2010, est une
échelle d'auto-évaluation permettant d'établir l'aptitude à la pleine conscience. À travers 39 items,
sont étudiés l’observation (9 items), la description de l’expérience (8 items), l'action en pleine
conscience (8 items), le non jugement (8 items), la non réactivité aux événements privés (6 items) et
le mindfulness (39 items, addition des cinq facteurs précédents). Plus le score est élevé, plus le
patient présente de meilleures aptitudes au moment présent.
Ces items sont notés avec une échelle de jugement de Linckert de 5 point, 1= jamais ou très
rarement vrai, à 5= très souvent ou toujours vrai. Le cronbach alpha est dans la version française du
questionnaire entre 0.79 (observation) et 0.91 (non jugement).
Mesure du 1er critère secondaire : modification du score de BECK
L'inventaire de dépression de Beck est un auto-questionnaire à choix multiples de 21 items,
créé par Aaron T. Beck en 1998 (Annexe F). Il permet d'évaluer la sévérité de la dépression
clinique. La version traduite en français en 1964 par Pichot et Lampérière est celle utilisée dans
cette étude. Les résultats sont les suivants226 :
0—13 (pas de dépression)
14—19 (état dépressif léger)
20—28 (état dépressif modéré)
> 29 et 63 (état dépressif sévère).
Nous considérons dans notre étude que les patients euthymiques suivis au long cours et
présentant des scores entre ]13; 19[ sont considérés comme étant en rémission de dépression.
L'évaluation d'une rémission partielle s'est effectuée selon les caractéristiques proposées par le
130
dernier rapport HAS sur les troubles dépressifs récurrents ou persistants chez l'adultea. Les patients
en rémission complète sont ceux ayant pendant une durée supérieure à deux mois consécutifs,
montrés une disparition des éléments dépressifs et des symptômes résiduels de dépression, et ayant
un score au BECK ≤13227.
Mesure du 2éme critère secondaire : différence de score aux facteurs du score FFMQ
Il semble intéressant d'observer quel facteur du questionnaire FFMQ s'améliore le plus dans le
groupe MBCT, notamment en fonction de la présence aux séances et de la réalisation des exercices
à domicile.
Inclusion
Critères d'inclusion
Plusieurs critères d'inclusion furent utilisés :
a) Patients compris entre 18 et 75 ans
b) Patients ayant comme antécédents au moins 3 épisodes de dépression
c) Patients actuellement en rémission partielle ou complète.
d) Patients ayant été suivis par un médecin pour au moins trois épisodes de dépression dans
leurs vies dont deux par un psychiatre, et étant en période de rémission partielle de leur dépression.
Les patients souffrant de dépression résistante pouvaient être inclus.
Critères d'exclusion
Les participants étaient exclus en cas de :
a) Trouble bipolaire, trouble psychotique, ou en cas d'usage de toxiques
b) Traitement par de fortes doses de benzodiazépines (dose équivalente >2mg de lorazépam
par jour) (Annexe G)
c) Traitement par électroconvulsivothérapie récent (<3 mois)
d) Pratique MBCT ou MBSR préalable, ou pratique de méditation
e) Suivi psychothérapeutique à une fréquence supérieure à une fois toutes les 3 semaines
f) Déficit cognitif pouvant interférer avec le passage de l'auto-questionnaire ou du MADRS
a Symptômes résiduels les plus caractéristiques selon le rapport HAS de février 2009 sur les troubles dépressifs récurrents ou persistants de l'adulte : Les troubles du sommeil, de l’alimentation et les troubles sexuels ; la sensation de fatigue ; l’anxiété psychique ou physique ; la réactivité exagérée aux stress sociaux ; la persistance de l’idéation dépressive, voire suicidaire ;le pessimisme ; la baisse de l’estime de soi ;l’existence d’une dysphorie modérée, de difficultés d’investissement ; un manque de motivation ou un émoussement affectif.
131
Interventions
Groupe MBCT
Le protocole MBCT est une thérapie cognitive basée sur la pleine conscience. Elle utilise des
méthodes de thérapies cognitivo-comportementales. Elle s'adresse initialement aux patients
souffrant de dépression récurrente et/ou, de dépression unipolaire. Le programme MBCT est
appliqué suivant le protocole de Segal, Williams et Teasdale, traduit en français en 2006 (1ére
édition).
Les patients inclus sont des patients euthymiques en rémission partielle ou totale de
dépression non hospitalisés. L'intervention se déroule en ambulatoire sur 8 semaines, à raison de 6
séances par semaine, dont une de 2h30. Des exercices à domicile de 45 minutes par jour à réaliser 6
jours sur 7 sont donnés aux patients avec un cahier de suivi des sessions comprenant des
informations médicales sur la dépression.
Le suivi habituel avec le psychiatre référent avait toujours lieu, sans influence sur le groupe
MBCT.
Groupe contrôle
Le groupe contrôle bénéficie d'un traitement usuel. Aucune tâche particulière ne fut donnée au
groupe contrôle lors de ces 8 semaines
Instructeur de l'étude
L'instructeur de l'étude a été formé en Suisse à la MBCT. Un enregistrement audio des
sessions fut réalisé afin d'être envoyé aux instructeurs référents internationaux pour validation du
protocole MBCT.
Analyse statistique
Compte-tenu des faibles effectifs des deux groupes indépendants, et d'une variable
quantitative, un test non-paramétrique de Mann et Whitney fut utilisé pour répondre à l'objectif
principal.
5.3. Résultats de l'étude
Une analyse en intention de traiter fut réalisée, sans aveugle.
Dans le groupe MBCT, tous les patients ont accompli le protocole MBCT (minimum de 4
session à valider), 2 patients (patient 4 et 7) n'ont pas eu de pratique à domicile régulière (moins de
2 séances d'exercices par semaine). Toutes les données nécessaires furent obtenues.
132
Les caractéristiques des populations de patients sont décrites dans le tableau 1.
Les deux groupes furent randomisés. Le pourcentage d'hommes et de femmes dans les deux
groupes était sensiblement comparable, ainsi que leurs âges moyens.
Aucun patient n'a été hospitalisé durant le protocole. Le patient 4 du groupe MBCT ne
termina cependant pas les trois dernières séances du groupe, et il reçut un traitement antidépresseur
à la consultation suivante auprès de son psychiatre référent. Aucun autre traitement ne fut modifié
pour les autres patients, hormis un arrêt des hypnotiques pour deux patients des groupes MBCT
(patient 1 et 5).
Caractéristiques de la population Groupe MBCT( n= 8)
n %
Groupe contrôle (n=10)
n %
Age moyen
Etalement
38.77(10.59)
34-59
39.55(11.01)
33-62
Sexe Féminin
Masculin
4 50
4 50
6 60
4 40
Patients sous traitement antidépresseur 6 80 8 80
Patients en rémission partielle a T0 7 9
Patient en rémission complète a T0 1 1
Patient bénéficiant d'un suivi
psychothérapeutique de soutien ou
d'inspiration analytique
1 5
ATCD de bénéfice de TCC 1 10 1 10
T0 : Moment précédant l’étude
Tableau 6. Caractéristiques de la population
Le tableau 7 rapporte les résultats aux questionnaires FFMQ avant le début des séances (T0)
et après la 8éme séance (T1). Le pourcentage de fluctuation du score entre ces deux moments est
représenté par la variable K. Le pourcentage de fluctuation moyen est de +22,83 % dans le groupe
MBCT et de -1,58% dans le groupe contrôle.
Selon le test de Mann et Whitney ces résultats sont significatifs, avec un p = 0.04684 ( Z-ratio
a -1.6814 et U a 34, avec la valeur critique de U pour p≤ 0.05 a 34)
133
Groupe MBCT Groupe TAU
T0 T1 K T0 T1 K
Patient 1 105 137 +30,47% 110 105 -4,76%
Patient 2 101 125 +23,76% 106 102 -3,77%
Patient 3 98 120 +22,44% 105 100 -4,76%
Patient 4 108 112 + 3.70 % 91 99 +8,79%
Patient 5 102 131 +28.43% 100 106 +5,60%
Patient 6 99 128 +29.29% 105 100 -4.76%
Patient 7 105 115 +9.52% 94 100 +6.38%
Patient 8 101 138 +36.63% 96 90 -6.25%
Patient 9 104 98 -5,76%
Patient 10 98 93 -5,10%
Score moyen
(Total =195) 102.37 125.75 +22.83% 100.9 99.3 -1.58%
K : Pourcentage d'amélioration au score
T0 : Score pris juste avant la première séance
T1 : Score pris juste après la dernière séance
Tableau 7. Résultats à l'auto-questionnaire FFMQ
Score moyens pour les facteurs du FFMQ
Groupe MBCT
A T0 a T1
Groupe contrôle
A T0 a T1
1-Observation- 9 items
Différence au score maximal
2.82 3.51
+24.46%
2.50 2.56
+2.41%
2-Description- 8 items
Différence au score maximal
2.85 3.46
+21.42%
2.62 2.58
-1.52%
3-Action en pleine conscience- 8 items
Différence au score maximal
2.85 3.36
+17.89%
2.82 2.75
-2.48%
4-Non jugement - 8 items
Différence au score maximal
2.89 3.36
+16.22%
2.60 2.54
-2,30%
5-Non réactivité aux événements privés- 6 items
Différence au score maximal
2.27 3.07
+35.24%
2.2 2.17
-1.36%
Tableau 8. Scores moyens pour les facteurs du FFMQ
Selon ces résultats, c'est le facteur ‘‘non réactivité aux événements privés’’ qui est le plus
amélioré dans le groupe, suivi du facteur ‘‘observation’’, puis ‘‘description’’. L'amélioration varie
de 17 à 24 %.
Les deux autres facteurs restants, action en pleine conscience, et non jugement, sont eux
moins améliorés, de 17.89% et 16.22% respectivement.
134
Les facteurs 3, 4 et 5 sont selon les auteurs du FFMQ, plus liés aux variables psychologiques
que les deux premiers. Pour le groupe contrôle, les scores ne sont pas améliorés de façon
significative.
Score de BECK
La modification au score de Beck montre pour le groupe MBCT une rémission complète en
cours de consolidation, d'un état dépressif léger à un état sans dépression pour 5 des 7 patients
(patients qui présentaient un score de Beck inférieur à 13). Dans le groupe contrôle, nous ne
voyons pas de modification significative. Deux mois après la dernière séance 4 patients présentaient
une rémission complète effective.
Groupe MBCT Groupe contrôle
T0 T1 T0 T1
Patient 1 11 7 14 14
Patient 2 17 9 15 15
Patient 3 15 11 17 16
Patient 4 16 15 16 17
Patient 5 12 8 14 13
Patient 6 15 10 8 8
Patient 7 17 15 15 15
Patient 8 16 10 15 16
Patient 9 14 15
Patient 10 16 16
Score moyen
(Total =63) 14.87 10.62 14.4 14.5
Tableau 9. Modification du score de BECK dans les deux groupes.
5.4. Discussion
Les groupes MBCT ont l’intérêt d’être peu coûteux, rapide à mettre en œuvre, tout en ayant
un taux de participation important. La thérapie a pour but d’autonomiser le patient, en lui donnant
divers outils afin de pratiquer seul et de prévenir la rechute dépressive. Le protocole MBCT
comprend ainsi à chaque séance des informations médicales sur l'anxiété et la physiopathologie de
la dépression.
135
Afin que le protocole MBCT soit une stratégie efficace, nous avons permis la modification
des traitements des patients. Cela pouvait augmenter le taux de période sans traitement
médicamenteux de la MBCT, ou tout simplement amplifier son effet. Cependant, aucun traitement
ne fut cependant augmenté chez les patients.
Le traitement est maintenu sur les 8 semaines. L'amélioration ressentie subjectivement aussi
bien sur le plan physique que psychologique ne semble pas pousser les patients à arrêter leurs
traitements, puisque lors de notre étude aucun patient du groupe MBCT n'a arrêté son traitement.
Les informations fournies dans le livret des sessions au patient semblent aider ces derniers à avoir
une meilleure observance thérapeutique et une meilleure compréhension de leurs pathologies.
Deux patients ont arrêté leurs hypnotiques, grâce à la pratique du scan corporel avant le
coucher. Cela leur permettait d’aider l’induction du sommeil, aussi bien aux heures de coucher que
lors des épisodes d'insomnie, principalement par la diminution des ruminations. Des programmes de
recherche utilisant la pleine conscience en ce sens sont en cours.
Des scores élevés au FFMQ sont classiquement négativement corrélés aux symptômes de
dépression, d'anxiété et de stress perçu228. Nous notons effectivement dans notre étude une
diminution des scores au BECK, avec le passage du statut de rémission partielle à complète pour 5
patients sur 7. Pour ce qui est des symptômes résiduels de dépression, ce sont les troubles du
sommeil, l’anxiété, la réactivité exagérée aux stress sociaux, la persistance de l’idéation dépressive
et la baisse de l’estime de soi qui disparaissent ou s’atténuent chez les patients du groupe MBCT.
L'amélioration concernant les scores de la dépression auprès des patients suivant un protocole
MBCT s'explique sur le plan psychologique par une meilleure gestion des émotions, une meilleure
conscience du corps, une amélioration des capacités attentionnelles et un non attachement aux
éléments négatifs (défusion cognitive).
La pratique à domicile, paramètre important quant à l’efficacité des groupes, est corrélée aux
résultats obtenus par les participants. Sur les 8 participants, 2 patients n’ont pas pratiqué les
exercices (patient 4 et 7). Le patient 4 n’est venu qu’à 5 séances sur 7, la patiente 7 est venue à
toutes les séances. Cependant aucun des deux n’a pratiqué à domicile (moins de deux exercices par
semaine). Des scores respectifs de +3.7% et 9.52% au FFMQ et -1 point de -2 point au BECK,
semblent témoigner de ce manque d’investissement personnel. Lors de la tenue des groupes, les
méditations longues ou en silence (jusqu'à 45 minutes) étaient difficiles pour ces patients.
Une patiente du groupe MBCT, la patiente 2, présentait une dépression résistante aux
traitements, avec un suivi psychologique intense sur 15 ans (thérapie analytique). Après le groupe,
elle accède au statut de rémission complète de dépression, avec un score de Beck à 9, et son score
au FFMQ s'améliore de 23,76%. Cette patiente a surtout mis en avant le fait que pouvoir se
136
désidentifier de ses rumination, en se distançant avec ces derniers, lui semblait être une véritable
avancée sur le plan de la lutte contre la dépression. Il persiste néanmoins comme symptômes
résiduels une faible estime de soi et une forte propension à ruminer, dont la patiente a conscience et
dont elle se détache. Trois autres patients sont également passés du stade de rémission partielle à
celui de rémission complète. Deux mois après l’étude, sur les 5 patients en rémission complète,
seule la patiente 2 présentait une recrudescence de certains symptômes résiduels après arrêt de la
pratique (faible estime de soi et rumination excessive).
L'amélioration au score de Beck est particulièrement intéressante dans notre étude, car cette
échelle met en relief les ‘‘cognitions négatives’’ générées par la dépression. Or, au FFMQ, ce sont
justement la ‘‘non réactivité aux événements privés’’ qui s'améliore chez les patients du groupe
MBCT (+35.2%). La défusion cognitive aide les patients à se désidentifier de leurs cognitions
négatives, et à lutter contre les différents facteurs déclenchant des rechutes de la dépression. De plus,
la MBCT s’est déjà montrée efficace sur le traitement des symptômes résiduels de la dépression229.
Enfin, un élément clinique intéressant lors de la tenue des groupes était d'accepter le temps
d’une séance, la participation d’une personne extérieure au groupe, en qualité d’observateur. La
pratique puis l'échange sur les différents exercices proposés permettaient plus facilement pour
l'instructeur de mettre en relief les différentes distorsions cognitives retrouvées chez quasiment tous
les participants du groupe. Ces éléments confirment leurs diagnostics ainsi que la nécessité d’un
travail cognitivo-comportemental.
5.5. Conclusion
À notre connaissance, il s'agit de la première étude qui cherche à mettre en valeur l'efficacité
de la MBCT face au FFMQ, tout en laissant apparaître quel facteur du FFMQ est le plus améliorée
par la pratique à court terme.
Le groupe MBCT présente un score FFMQ plus élevé que le groupe contrôle, en particulier
pour le facteur ‘‘non réactivité aux événements privés’’.
Il pourrait être intéressant de réaliser un travail complémentaire à cet écrit de thèse mettant en
avant la pratique du MBCT chez une population de patients souffrant de dépression résistante, en
portant une attention toute particulière à une possible diminution de la rumination.
137
VII. Conclusion
À l'heure de la mondialisation, nous assistons à un métissage culturel inédit se traduisant no-
tamment à travers le succès de la pleine conscience, succès qui s'inscrit dans des sociétés occiden-
tales décrites comme étouffées par le stress et le matérialisme.
La méditation parfois perçue comme un outil ou un entraînement de l'esprit, est souvent adop-
tée comme un processus de familiarisation avec sa propre activité mentale. Elle conduit à des chan-
gements profonds et durables dans la gestion de nos émotions ou encore dans notre approche du
monde. Plus largement, la pleine conscience avec la pratique de l’épochè, permet d'embrasser avec
courage la totalité de l'expérience. C'est une véritable preuve d'amour envers soi-même et notre en-
tourage par la culture de l'équanimité.
Après la vague comportementaliste des années 60, et la vague cognitiviste des années 80, la
mindfulness alliant thérapie cognitive et méditation d'inspiration bouddhiste, investit la troisième
vague des TCC concernant la gestion des émotions. Ce succès tient aussi en partie au fait que le
patient devient autonome, et acteur de sa propre guérison, dans le cadre de la prévention de la re-
chute dépressive, de la gestion des émotions, du stress, ou encore de la douleur. Pouvant aussi s'ins-
crire dans le cadre d'un développement personnel, la méditation est largement plébiscitée par les
soignants afin de développer leurs capacités empathiques, ou encore leur attitude compassionnée.
Ce succès de la pleine conscience et son introduction comme outil thérapeutique dans les hô-
pitaux repose en partie en occident dans un enrichissement des sciences cognitives souvent mécon-
nues du grand public. Varela insuffle la philosophie bouddhiste à travers la neurophénoménologie
dans les sciences cognitives. Notamment avec la notion d’inscription corporelle de l’esprit : le corps
structure expérientielle, lit des processus cognitifs, est une porte ouverte sur l’émergence co-
dépendante de notre monde. Il propose une voie moyenne, à l'image du mādhyamika.
La méditation de pleine conscience ne se réduit donc pas à quelques minutes de pratiques par
jour, mais à une investigation permanente de notre expérience de tout moment. Elle module l'ins-
cription corporelle de l'esprit, en participant activement à un monde qui est énacté.
Ce succès pose de nombreuses questions, la pleine conscience va-t-elle devenir un mouve-
ment qui va modifier en profondeur la vie des occidentaux? Sera-t-elle comprise comme un appel
venant de notre fort intérieur, ou au contraire réduite à une forme de matérialisme spirituel, un outil
de développement personnel à l'image des pratiques de yoga? Quel doit être l'éthique associée à sa
diffusion? Quel est l’avenir des sciences cognitives et quel sera l’utilité de l’approche neurophéno-
ménologique?
138
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Abréviations
ACC : Cortex cingulaire antérieur CBF : Cerebral blood flow DLPFC : Cortex pré-frontal dorso-latéral EEG : Électroencéphalogramme FFMQ : Five Facet Mindfulness Questionnaire IRMf : Imagerie par résonance magnétique fonctionnelle LSPL : Lobe pariétal supérieur gauche. MBCT : Mindfulness Based Cognitive Treatment MBRP: MindfulnessBased Relapse Prevention MBSR : Mindfulness Based Stress Reduction MCT : Méditants à court terme MLT : Méditants à long terme NM : Non méditant PFC : Cortex pré-frontal SNA : Système nerveux autonome STI : Système de traitement de l’information TCC : Thérapie cognitivo comportementale
153
Annexe A)
Chakra Représentation
et couleur Localisation Qualité et signification Mantra
Sahasrāra
सह�ार
Centre coronal,
s’ouvrant vers le haut
Conscience, essence
pure, connexion au divin AUM
Ajna
आ�ा
Centre frontal ,3éme
œil, deux doigts au-
dessus de la racine du
nez
Intuition, accès aux
vérités subtiles OM
Vishuddha
�वशु�
Centre de la gorge,
entre la fosse jugulaire
et le larynx
Communication,
connaissance, joie,
impermanence
HAM
Anahata
अनाहत
Centre du cœur, au
niveau du corps, au
milieu de la poitrine
Courage et sécurité,
Amour inconditionnel
équilibre des chakras
YAM
Maṇipūra
म�णपूर
Plexus solaire, deux
doigts au-dessus du
nombril
Satisfaction, paix, désir,
émotion, ambition RAM
Svādhiṣṭhāna
�वा�ध�ठान
Centre sacré, au-
dessus des organes
génitaux relies au
sacrum
Connaissance et
créativité, famille,
procréation, sexualité VAM
Muladhara
मूलाधार
Centre coccygien,
entre l’anus et les
organes génitaux
Incarnation physique et
ancrage au corps LAM
B) L'indice du syndrome physio-kundalini :
Les symptômes moteurs
Torsion du corps sans raison apparente dans des postures particulières.
Le Corps devient gelé ou bloqué dans des positions étranges et immobiles.
Fluctuation du rythme respiratoire sans raison apparente.
154
Mouvements corporels involontaires spontanés.
Les symptômes somatosensoriels
Sensation de chatouillement profond ou d'extase orgasmique.
Les sensations physiques de départ dans les plantes des pieds, les jambes ou le bassin et en
remontant le dos et le cou vers la fontanelle, l'occiput, le visage puis la gorge et se terminant dans
l’abdomen.
Sensations extrêmes de chaleur ou de froid se déplaçant à travers le corps.
Boules mobiles de chaleur ou froideur corporelle étant assez forte pour parvenir à brûler ou affecter
quelqu'un d'autre ou un objet inanimé.
Douleurs brèves dans des parties spécifiques du corps.
Picotements, des vibrations, des démangeaisons ou des chatouillements sur la peau ou à l'intérieur
du corps.
Les symptômes audiovisuels
Bruits internes, tels que des sifflements, gazouillis, sons rugissants ou flûtés.
Voix internes (transitoires et non-malveillantes).
Lumières intérieures ou les couleurs illuminant les parties du corps
Lumières internes assez lumineux pour éclairer une pièce sombre.
Les symptômes mentaux
S’observer, y compris ses pensées, comme si on était un spectateur
Soudain, extase intense, le bonheur, la paix, l’amour, le dévouement, la joie, ou l'unité cosmique.
Peur intense soudaine, l’anxiété, la dépression, la haine ou la confusion.
Pensées spontanément accélérées, ralentir ou arrêter complètement.
Faire l'expérience d’être physiquement plus grand que le corps.
C) Centre américain investit dans le Mindfulness :
Brown University Britton Lab & Contemplative Studies Initiative
Center for Contemplative Mind in Society
Center for Mindfulness Research and Practice at Bangor University
Contemplative Science Lab an Metro Area Research Group on Awareness and Meditation
Duke Integrative Medicine & Mindfulness, Stress, and Health Lab
Emory University Collaborative for Contemplative Studies
Exeter Mindfulness Network
The Hawn Foundation MindUp Program
Harvard Medical School Osher Research Center
155
Harvard Medical School Cognitive, Affective, and Contemplative Neurosciences Lab
Institute for Mindfulness-Based Approaches
Jefferson University Hospitals Mindfulness Institute
Massachusetts General Hospital Benson-Henry Institute for Mind Body Medicine & Center for
Anxiety and Traumatic Stress Disorders
Massachusetts Institute of Technology Medical
Mind and Life Institute
Mind Body Awareness Project
Mindful Schools
Mindfulness Center for Healthy Living
Mindfulness Training Institute of Washington
National Center for Complimentary & Alternative Medicine
Oregon Health and Science University
Oxford Mindfulness Centre
Palo Alto University
Santa Barbara Institute for Consciousness Studies
Stanford Center for Integrative Medicine & Stanford School of Medicine Project Compassion &
Stanford Center on Stress and Health
University of California, Davis Center for Mind and Brain
University of California, Los Angeles Mindful Awareness Research Center (MARC) & Cousins
Center for Psychoneuroimmunology
University of California, San Diego Center for Mindfulness
University of Massachusetts Medical School Center for Mindfulness & the Stress Reduction
Program & OASIS & - Roemer Lab
University of Miami Mind-Body Research Consortium & Jha Lab
University of North Carolina at Chapel Hill Integrative Medicine
D) La tasse de thé
Nan-in un maître japonais du XIXème siècle reçut un jour la visite d'un professeur d'université
américaine qui désirait s'informer à propos du Zen. Pendant que Nan-In silencieusement préparait
du thé, le professeur étalait à loisir ses propres vues philosophiques.
Lorsque le thé fut prêt, Nan-In se mit à verser le breuvage brûlant dans la tasse du visiteur, tout
doucement. L'homme parlait toujours. Et Nan-In continua de verser le thé jusqu'à ce que la tasse
156
déborde. Alarmé à la vue du thé qui se répandait sur la table, ruinant la cérémonie du thé, le
professeur s'exclama :
"Mais la tasse est pleine! ... Elle n'en contiendra pas plus! Tranquillement, Nan-In répondit: "Vous
êtes comme cette tasse, déjà plein de vos propre opinions et spéculations. Comment pourrais-je
vous parler du Zen, si vous ne commencez pas par vous vider?".
E) FFMQ
F) Questionnaire de BECK
157
158
159
160
161
162
163
G) Tableau d'équivalence des benzodiazépines
Source : Baldwin S, Aitchison K, Bateson A et al. Diazepines ; risks and benefits. A reconsideration. J Psychopharmacol 2013, 27 (11) 967-71.
164
Résumé
PRATIQUE MEDITATIVE DE PLEINE CONSCIENCE ET NEUROPHENOMENOLOGIE. REVUE DE LA LITTERATURE ET
ETUDE CLINIQUE .
En neurosciences cognitives, l’observation à la troisième personne (objective) se heurte à un
fossé explicatif lorsqu’il s’agit d’étudier l’expérience à la première personne (subjective). La
neurophénoménologie est une approche scientifique qui se propose de dépasser ce problème en
combinant objectivité et subjectivité.
Elle a un intérêt méthodologique pour l’étude des états modifiés de conscience puisque ceux-
ci se caractérisent par des corrélats neuronaux induits par une modification consciente de
l’expérience subjective. La méditation de pleine conscience qui possède une histoire millénaire,
offre un champ de recherche faisant le lien entre ces deux points de vue.
Cette thèse se propose d’effectuer une revue non exhaustive des travaux de la neurobiologie
et de la neurophénoménologie de la méditation de pleine conscience. En particulier, l'EEG, l'IRMf,
et le PET-scan sont des outils d’investigation qui combinés à l'expérience subjective permettent de
mettre en lumière des corrélats entre neurobiologie et expérience.
Plusieurs programmes de méditation laïque, qui participent à la troisième vague des
Thérapies Cognitivo-Comportementales se sont largement imposés Outre-Atlantique depuis les
années 2000. La Mindfulness based cognitive therapy (MBCT) permet de réduire de manière
significative le stress, la dépression et la douleur.
Un groupe MBCT, permettant de mettre en valeur les différents mécanismes à l’œuvre dans la
prévention de la rechute dépressive, a été mené par l’auteur.
Ces thérapies intégratives, déjà présentes dans les recommandations de bonnes pratiques aux
États-Unis et en Angleterre, devraient trouver leur place en Europe dans l’avenir.
Mots-clés : mindfulness, pleine conscience, méditation, neurophénoménologie, bouddhisme,
MBCT, MBSR, FFMQ.