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UNIVERSITÉ DE CERGY-PONTOISE Faculté de Droit DROIT SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS LICENCE 3 Cours de Monsieur Tanguy ALLAIN Année universitaire 2016-2017 COURS MAGISTRAL SEANCE II Leçon n°1 Séance 2 : L’actionnariat de la SA. Les organes de contrôle Section I. L’actionnariat de la SA Il vous a été dit, dans le cadre du cours de droit général des sociétés que, lorsqu’ils décident de s’associer pour créer une société, ou pour y participer en cours de vie sociale, les apporteurs en capital se voient remettre en contrepartie de leur apport, des parts d’intérêt. Ces parts d’intérêts ont pour fonction de représenter la part de chacun dans le capital, et en proportion de cette part, d’attribuer des droits, qu’on présente traditionnellement comme étant soit politiques (le droit de vote), soit financiers (le dividende). Ce sont des parts sociales qui sont remises dans les SARL ou les sociétés civiles, et ce sont des actions dans les sociétés de capitaux. Juridiquement, les actions appartiennent à la catégorie des « titres de capital émis par les société par actions » (CMF, art. L. 211-1) et plus largement à celle des instruments financiers et des valeurs mobilières (C. com., art. L. 228-1). Leur particularité majeure est d’être négociable (cessible sans condition de forme). Nous reviendrons sur ces aspects plus précisément quand nous évoquerons le financement de sociétés par actions. Nous nous intéresserons d’abord à la situation de l’actionnaire, en tant que titulaire d’actions, en présentant les droits dont peuvent jouir les actionnaires (A). Néanmoins, il est impossible de comprendre l’actionnariat de la SA sans préciser aussitôt que les droits d’un actionnaire (à moins qu’un seul actionnaire détienne la totalité du capital) ne s’exercent qu’en rapport avec les droits des autres et notamment à travers l’assemblée générale des actionnaires (B). Un rapport de force, encadré par le droit s’établi donc entre les actionnaires, dont les pouvoirs en assemblée diffèrent selon la part dans le capital. C’est tout particulièrement le cas en ce qui concerne le rôle politique des actionnaires, qui ne peut s’exercer que collectivement. A la vérité et en pratique, l’actionnariat des sociétés est très diversifié : entre l’actionnaire individuel (petit porteur épargnant), le spéculateur qui achète des actions pour les revendre à plus ou moins court terme, celui qui possède la majorité du capital et est en mesure d’orienter l’ensemble des décisions, les fonds d’investissement recherchant la rentabilité de leur placement en titre de capital et se désintéresse de la politique menée, l’actionnaire salarié, etc., il existe autant de façon différentes d’exercer ses droits d’actionnaires ou de participer aux assemblées générales… A. Les droits des actionnaires 1

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Page 1: DROIT SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS LICENCE 3 Cours de … des Societes Allain (Cours... · Cours de Monsieur Tanguy ALLAIN Année universitaire 2016-2017 COURS MAGISTRAL SEANCE II

UNIVERSITÉ DE CERGY-PONTOISE Faculté de Droit

DROIT SPÉCIAL DES SOCIÉTÉS LICENCE 3

Cours de Monsieur Tanguy ALLAIN Année universitaire 2016-2017

COURS MAGISTRAL

SEANCE II

Leçon n°1Séance 2 : L’actionnariat de la SA. Les organes de contrôle

Section I. L’actionnariat de la SA

Il vous a été dit, dans le cadre du cours de droit général des sociétés que, lorsqu’ils décident de s’associer pour créer une société, ou pour y participer en cours de vie sociale, les apporteurs en capital se voient remettre en contrepartie de leur apport, des parts d’intérêt. Ces parts d’intérêts ont pour fonction de représenter la part de chacun dans le capital, et en proportion de cette part, d’attribuer des droits, qu’on présente traditionnellement comme étant soit politiques (le droit de vote), soit financiers (le dividende). Ce sont des parts sociales qui sont remises dans les SARL ou les sociétés civiles, et ce sont des actions dans les sociétés de capitaux. Juridiquement, les actions appartiennent à la catégorie des « titres de capital émis par les société par actions » (CMF, art. L. 211-1) et plus largement à celle des instruments financiers et des valeurs mobilières (C. com., art. L. 228-1). Leur particularité majeure est d’être négociable (cessible sans condition de forme). Nous reviendrons sur ces aspects plus précisément quand nous évoquerons le financement de sociétés par actions. Nous nous intéresserons d’abord à la situation de l’actionnaire, en tant que titulaire d’actions, en présentant les droits dont peuvent jouir les actionnaires (A).Néanmoins, il est impossible de comprendre l’actionnariat de la SA sans préciser aussitôt que les droits d’un actionnaire (à moins qu’un seul actionnaire détienne la totalité du capital) ne s’exercent qu’en rapport avec les droits des autres et notamment à travers l’assemblée générale des actionnaires (B). Un rapport de force, encadré par le droit s’établi donc entre les actionnaires, dont les pouvoirs en assemblée diffèrent selon la part dans le capital. C’est tout particulièrement le cas en ce qui concerne le rôle politique des actionnaires, qui ne peut s’exercer que collectivement.

A la vérité et en pratique, l’actionnariat des sociétés est très diversifié : entre l’actionnaire individuel (petit porteur épargnant), le spéculateur qui achète des actions pour les revendre à plus ou moins court terme, celui qui possède la majorité du capital et est en mesure d’orienter l’ensemble des décisions, les fonds d’investissement recherchant la rentabilité de leur placement en titre de capital et se désintéresse de la politique menée, l’actionnaire salarié, etc., il existe autant de façon différentes d’exercer ses droits d’actionnaires ou de participer aux assemblées générales…

A. Les droits des actionnaires

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Les prérogatives juridiques attribuées aux porteurs d’actions sont diverses. Il s’agit pour l’essentiel de droits d’information (1), droits d’intervention (2) - ceux-ci peuvent être rassemblées sous la manière des « droits politiques » - , droits financiers (3). A l’exclusion des droits qualifiés d’ordre public et dont les actionnaires n’en ont pas la libre disposition, des aménagements sont possibles par le biais du contrat ou des statuts (4).

1. Les droits d’information

Pour pouvoir exercer leur droits d’intervention, et en particulier le droit de vote (supra) ou participer à la prise de décision, encore faut-il que les actionnaires soient régulièrement informés. On peut distinguer tout d’abord une information permanente, et ensuite une information périodique. A titre périodique, il est prévu que les actionnaires ont droit notamment, dans les 15 jours 1

précédant chaque assemblée générale d’obtenir communication, au siège social ou au lieu de la direction administrative : 2

- des comptes annuels (le cas échéant les comptes consolidés) ;- de la liste des administrateurs (ou des membres du directoire et du conseil de surveillance) ;- des rapports des organes d’administration ou de surveillance et du commissaire aux comptes

qui seront soumis à l’assemblée ; - les textes et projets de résolutions soumis à l’assemblée par le conseil ou le directoire ; - les renseignements concernant les candidats au conseil d’administration ou au conseil de

surveillance ;- le montant global des versements effectués aux personnes les mieux rémunérées ; - la liste des actionnaires (C. com., art. L. 225-116).

Ces informations sont beaucoup plus nombreuses et détaillées dans les sociétés cotées, en raison notamment du contenu imposé à ces sociétés dans le cadre du rapport du conseil d’administration ou du rapport de gestion (C. com., art.L. 225-100, L. 225-100-1, L. 225-100-3).

A titre permanent, les actionnaires peuvent par obtenir « à toute époque », communication de ces mêmes informations, pour les trois derniers exercices, ainsi que les procès-verbaux et feuilles de présence concernant les trois derniers exercices (C. com. art. L. 225-117).

L’actionnaire accède à ces documents sur simple demande, personnellement ou par mandataire (C. com., art. R. 225-91), en les consultant au siège social. Lorsqu’il s’agit des documents préalables à la tenue de l’assemblée générale, ils sont généralement expédiés au domicile des actionnaires, ou par voie électronique . Il peut se faire assister d’un expert pour les analyser (C. com., art. R. 225-94). Il peut en réaliser des copies.

L’article L. 225-108 du Code de commerce prévoit que la charge de transmettre ou mettre à disposition des actionnaires les différents documents nécessaires pour leur permettre de se prononcer en connaissance de cause et de porter un jugement informé sur la gestion et la marche de la société, repose sur le conseil d’administration ou le directoire.

A défaut d’obtenir normalement les documents précités, les actionnaires peuvent agir en justice pour obtenir l’exécution de leur communication par voie d’injonction (C. com., art. L. 238-1). La nullité de l’assemblée peut même être encourue devant la violation des articles L. 225-115 et L. 225-116 du Code de commerce (C. com., art. L. 225-121).

En outre, les actionnaires ont le droit de poser des questions écrites jusqu’à 4 jours avant l’assemblée générale, auxquelles le conseil d’administration ou le directoire est tenu de répondre en cours d’assemblée (C. com., art. L. 225-108), sauf à être publiée sur le site internet de la

C. com., art. L. 225-115.1

C. com., art. L. 225-89 ; R. 225-90.2

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société. Elles doivent être en rapport avec l’ordre du jour. Plus étroitement, un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital (ou une association d’actionnaires ) peut deux 3

fois par exercice, poser des questions écrites au président du conseil ou du directoire, sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l’exploitation.

2. Les droits d’intervention

Les droits d’intervention reconnus aux actionnaires sont multiples. Certains ont déjà été évoqués, comme le droit d’agir en justice (action en responsabilité, action en nullité). On se contentera ici d’évoquer tout d’abord le droit de vote (a), et ensuite plus brièvement, le droit d’obtenir une expertise une gestion (b).

a. Le droit de vote

Traditionnellement, le droit de vote est présenté comme l’  «  attribut essentiel  » de l’action. Il 4

permet tout simplement aux actionnaires de s’exprimer pendant l’assemblée générale, et d’approuver ou de désapprouver les résolutions qui leur sont soumises par les dirigeants, voire de sanctionner leur gestion et de les révoquer. C’est la meilleure façon pour les actionnaires d’influer sur les décisions qui seront prises par les dirigeants et de contrôler la façon dont est utilisé leur investissement.

Ainsi, de la même façon que le droit de vote attribué à chaque citoyen, le droit de vote attaché à l’action est un attribut de la souveraineté. Au sens du droit des biens, il constitue un droit subjectif extra-patrimonial, qui ne saurait faire l’objet d’aucune convention : le droit de vote est indisponible et hors du commerce (il n’est pas cessible). Pour s’en assurer, le législateur est même venu prévoir des sanctions pénales applicables à qui souhaiterait conclure des engagement de voter ou de ne pas voter en obtenant un contrepartie (se faire accorder, garantir ou promettre des avantages), ou à ceux qui souhaiteraient empêcher un actionnaire de participer à une assemblée générale . Les conventions de vote sont toutefois valables à condition que les actionnaires ne 5 6

soient pas privés de leur droit de vote, que l’accord soit conforme à l’intérêt social, et enfin que qu’il ne soit pas frauduleux. Elles sont toutefois inopposables à la société, et la validité des assemblées générales n’est pas affectée par la violation d’une telle convention .7

Le droit de vote appartient donc en principe de façon exclusive à ceux qui, au jour de l’assemblée générale ont la qualité d’actionnaire, principalement ceux qui sont propriétaires d’une action. Pour autant, il arrive que dans certains cas de figure, ce ne soit pas un propriétaire qui soit en mesure d’exercer le droit de vote attaché à l’action : ainsi en va-t-il par exemple de l’usufruitier (qui n’a qu’un droit de jouissance et n’est pas propriétaire), pour lequel la loi attribue un droit de vote en assemblée générale ordinaire et qui ne peut pas être supprimé ; ainsi en va-t-il encore du 8

locataire d’actions .9

Il est normalement exercé individuellement, mais la loi autorise les procurations et les mandats.

Répondant aux conditions de l’article L. 225-120 du Code de commerce. 3

Cass. civ., 7 avr. 1932, DH, 1933, I, 153, note P. Cordonnier.4

L’article L. 242-9 1° et 3° du Code de commerce sanctionne ces deux comportements de 2 ans de prison 5

et de 9000€ d’amende. Elles sont d’ailleurs très utiles pour organiser le contrôle d’une société, et très fréquentes en pratique.6

A tout le moins, une action en responsabilité peut être engagée contre le cocontractant fautif. Mais cela 7

relève de la relation contractuelle conclue entre les actionnaires ayant pris des engagements sur l’exercice de leur droit de vote. C. com., art. L. 225-110. Le nu-propriétaire vote alors en assemblée générale extraordinaire. Les statuts 8

peuvent toutefois déroger à cette répartition du droit de vote. C. com., art. L. 239-3 al. 2, à l’exclusion des assemblées statuant sur les modification statutaires ou le 9

chassent de nationalité de la société, et selon la même répartition qu’entre usufruitier (pour le locataire) et nu-propriétaire (pour le propriétaire).

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Chaque actionnaire dispose en principe d’une voix par action. En effet, «  le droit de vote attaché aux actions de capital ou de jouissance est proportionnel à la quotité de capital qu'elles représentent et chaque action donne droit à une voix au moins » . Cette règle est d’ordre public : 10

toute clause contraire est réputée non écrite : on ne peut en principe, ni supprimer le droit de vote attacher aux actions, ni augmenter le nombre de droit de vote par actions, à moins que la loi ne l’y autorise, dans des circonstances spécialement déterminées. Précisément, on observe qu’à ce principe de proportionnalité, il existe de nombreuses exceptions,

Les statuts peuvent par exemple attribuer un droit de vote double, pour récompenser la fidélité des actionnaires, titulaires nominativement depuis 2 ans, d’actions entièrement libérées. Ce droit de vote double est même conféré de plein droit dans les sociétés cotées, aux mêmes conditions de détention, sauf stipulations contraires des statuts . 11

Mais c’est surtout les limitations au droit de vote qui sont les plus fréquentes. On peut évoquer tout d’abord la privation du droit de vote. La loi prive ou suspend temporairement le droit de vote dans plusieurs hypothèses. Il peut s’agir par exemple, de sanctions légales (actions non libérées dans les délais légaux ) ou judiciaires, voire encore de prévenir des conflits d’intérêts 12

(lorsque l’assemblée délibère sur l’approbation d’un apport en nature, les actions de l’apporteur ne sont pas prises en compte pour le calcul de la majorité, et l’apporteur n’a pas voix délibérative ).13

On peut évoquer ensuite la suppression du droit de vote par la voie statutaire. La jurisprudence a toutefois joué un rôle protecteur, et refuse aux rédacteurs de statuts la suppression du droit de vote en dehors des hypothèses prévues par la loi (celles-ci existent, cf. infra). Les juges considèrent, sur le fondement de l’article 1844 du Code civil que «  tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter, et les statuts ne peuvent déroger à ces dispositions » .14

On peut évoquer enfin des limitations, au sens propre : l’article L. 225-125 du Code de commerce autorise les statuts à fixer, pour toutes les actions sans distinction, un plafond en limitant le nombre de voix dont on peut disposer un même actionnaire (objectif : réduire les velléités de prise de contrôle).

b. Le droit d’obtenir une expertise de gestion L’article L. 225-231 du Code de commerce autorise une association d’actionnaires , ou un ou 15

plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital (individuellement ou en groupe), à poser par écrit au président du conseil ou au directoire, des questions « sur une ou plusieurs 16

opérations de gestion de la société » et le cas échéant les sociétés qu’elle contrôle (au sens de l’article L. 233-3 du Code de commerce). A défaut de réponse dans le délai d’un mois, ou si les 17

C. com., art. L. 225-122.10

C. com., art. L. 225-123.11

C. com., art. L. 228-29.12

C. com., art. L. 225-10.13

Cass. com., 9 févr. 1999, Chateau d’Yquem, Rev. sociétés, 1999, p. 79, note . P. Le Cannu.14

Répondant aux conditions de l’article L. 225-120 du Code de commerce : réunir des actionnaires 15

justifiant d’une inscription nominative depuis au moins deux ans et détenant au moins 5% des droits de vote (la part est dégressive en fonction du montant du capital social : par ex. elle n’est plus que de 1% lorsque le capital es supérieur à 15 000 000 d’euros). Pour les sociétés cotées, communication des statuts à l’autorité des marchés financiers.

Attention, en cas de dissociation des fonctions avec celles de directeur général, ce serait plutôt à ce 16

dernier d’apporter une réponse… Le texte ne tient pourtant pas compte de ce cas de figure. Quand un réponse est donnée, elle doit être communiquée au commissaire aux comptes. 17

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éléments de réponse ne sont pas satisfaisants, les actionnaires peuvent alors demander en référé la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

3. Les droits financiers

Comme dans toute société , les actionnaires ont vocation à partager les bénéfices qui pourra en 18

résulter. Cela se traduit naturellement par l’existence d’un droit aux dividendes (a), mais également aux réserves (b) et au boni de liquidation (c).

a. Le droit aux dividendes

De la même façon que pour le droit de vote, les actionnaires ont en principe vocation à percevoir une partie du résultat de la société, à proportion de leur quote-part dans le capital, sous forme de dividendes. Néanmoins, ce dividende n’est pas obtenu de droit à la fin de chaque année. Encore faut-il, premièrement, que la société ait effectivement réalisé un bénéfice et que celui-ci soit distribuable , sauf à prélever les réserves libres. A défaut de résultat distribuable (ou de 19

réserves), les dirigeants qui verseraient des dividendes à leurs actionnaires tomberaient sous le coup de la loi pénale, en encourraient 5 ans de prison et une amende de 375 000€ . Les 20

actionnaires de mauvaise foi et connaissant le caractère irrégulier du versement pourraient être tenus de restituer à la société les sommes ainsi versées . Il est de la même façon interdit (la 21

clause serait réputée non écrite) de stipuler un intérêt fixe ou intercalaire au profit des associés , 22

qui permettrait aux actionnaires d’être rémunérés même en l’absence de bénéfice : la rémunération des actionnaires doit rester dépendante des résultats réalisés : pas de bénéfice distribuable (ou pas de réserves libres) : pas de dividende.

Et encore faut-il, deuxièmement, qu’après avoir approuvé les comptes annuels et constaté l’existence d’un bénéfice distribuable, l’assemblée générale en décide effectivement la 23

distribution . Et, précisément, l’assemblée générale n’est jamais tenue de voter cette distribution : 24

elle peut parfaitement décider de porter ce bénéfice en réserves libres pour s’autofinancer, se constituer un trésor de guerre , etc. Cela dépendra de sa politique financière. L’assemblée 25

générale peut être tenue de distribuer ce dividende dans différentes hypothèses. Par exemple, les statuts peuvent tout à fait imposer le versement du bénéfice distribuable après dotation de la réserve légale ; il peut être stipulé à titre de premier dividende - mais toujours à condition qu’il 26

existe un bénéfice distribuable -, un intérêt calculé sur la valeur nominale de l’action ; un 27

C. civ., art. 1832.18

C. com., art. L. 232-11 : « Le bénéfice distribuable est constitué par le bénéfice de l'exercice, diminué 19

des pertes antérieures, ainsi que des sommes à porter en réserve en application de la loi ou des statuts, et augmenté du report bénéficiaire ».

C. com., art. L. 242-6 1°. De tels dividendes sont déclarés « fictifs ».20

C. com., art. L. 232-17.21

C. com., art. L. 232-15.22

Des acomptes sur dividende peuvent néanmoins être versés avant l’approbation des comptes par 23

l’assemblée générale, à trois conditions cumulatives (C. com., art. L. 232-12) : un bilan doit être établi en cours d’exerce et certifié par un commissaire aux comptes ; un bénéfice être distribuable doit être constaté ; le montant de l’acompte n peut excéder le montant du bénéfice (on ne peut pas parier sur les bénéfices restant à réaliser, jusqu’à l’approbation des comptes par l’assemblée générale).

C. com., art. L. 232-12.24

Attention : la mise en réserve systématique des bénéfices peut être sanctionnée au titre de l’abus de 25

majorité. Par ex. : Cass. 3ème civ. 8 juill. 2015, n° 13-14348, PB, Rev. sociétés, 2016, p. 169, note E. Schlumberger.

C’est tout de même assez rare en pratique, car cela interdirait toute mesure d’autofinancement et 26

d’épargne. C. com., art. L. 232-16.27

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dividende majoré, dans la limite de 10%, peut également être attribué pour récompenser les actionnaires fidèles .28

Une fois la distribution de dividende décidée, le paiement doit avoir lieu dans 9 mois de la clôture de l’exercice , selon les modalités déterminées par l’assemblée générale.29

En principe, la paiement du dividende est réalisé en espèce, mais il peut également être réalisé en nature . Les statuts peuvent prévoir que l’assemblée générale a la faculté d’accorder aux 30

actionnaires une option entre le paiement en nature (versement d’actions) et le paiement en 31

espèce .32

b. Le droit aux réserves

La société, pour assurer les coups est tenue de se constituer des réserves (dites légales) et peut 33

en constituer librement (réserves libres). Ce matelas financier, qui sont autant de sommes, qui ne sont pas distribuées aux actionnaires à titre de dividende, leur reviennent néanmoins proportionnellement à leur part dans le capital. Ils ont ainsi vocation à percevoir les réserves en cours de vie sociale, si les bénéfices ne sont pas suffisants (mais sur décision de l’assemblée générale de puiser dans ces réserves) ou lors de la liquidation.

c. Le droit au boni de liquidation

A la fin de la société, lorsque tout le passif social a été apuré (toute les dettes sont réglées), et que les apports ont été remboursés, les actionnaires ont vocation à se partager le solde restant, c’est le boni de liquidation. Celui-ci est réparti dans les mêmes proportions que la part de chacun dans le capital social .34

4. L’aménagement des droits

Les aménagements des droits d’actionnaires peuvent être réalisés à l’aide de pactes extrastatutaires (a) ou par le biais des statuts, grâce à l’émission d’actions de préférence (b).

a. Les pactes d’actionnaires

Les actionnaires peuvent prendre entre eux, des engagements, en dehors des statuts, pour organiser la façon dont ils exerceront leurs droits, et ce parfois de façon à déjouer ce qui est prévu dans les statuts . Le plus souvent, il s’agit, pour un petit noyau d’actionnaires, de s’assurer le 35

contrôle de la société, d’organiser une stabilité des participations, d’organiser les conditions d’un investissement commun, etc.

C. com., art. 232-14. Il profite alors à tous les actionnaires justifiant d’une inscription nominative depuis 28

deux ans au moins, et toujours actionnaires au jour de la mise en paiement du dividende. C. com., art. L. 232-13.29

La société peut parfaitement remettre des actions qu’elle détient en portefeuille, voire d’autres biens, 30

meubles (production de la société) comme immeubles, ou d’avantages matériels ! Cette option est doublement efficace : l’actionnaire augmente sa part dans le capital et la société voit ses 31

fonds propres augmenter. C. com., art. L. 232-18.32

C. com., art. L. 232-10. Chaque année, 5% des bénéfices doivent être prélevés, jusqu’à constituer une 33

réserve à hauteur de 10% du capital. C. com., art. L. 237-29.34

De tels accords sont valables à condition de ne pas inverser le contenu des statuts. Cass. 1ère civ., 13 35

juin 1995, Rev. sociétés, 1996, p. 75.�6

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Ainsi, les actionnaires peuvent conclurent entre eux des engagements relatifs à la cession des actions, visant à restreindre la libre négociabilité : des clauses d’agrément , des clauses de 36

préemption , les clauses visant à contrôler le niveau de participation . Il peut s’agir aussi 37 38

d’engagements visant à assurer une certaine répartition des postes au conseil d’administration : les actionnaires s’engagent par contrat à voter , en faveur de tel candidat ou tel autre, qui leur est 39

dévoué. Ainsi qu’il a déjà été dit, il peut s’agir également de conventions de vote .40

Les droits financiers peuvent de la même façon être aménagés de façon extra statutaire : une fois le dividende versé aux actionnaires à proportion de leur part dans le capital, les actionnaires peuvent, entre eux, se répartir à nouveau ce dividende, selon une autre clé de répartition, convenue dans un pacte. Il en va de même des autres droits d’ordre financier.

Ces pactes ont une valeur inférieure à celle des statuts et les sanctions en cas de défaut d’exécution beaucoup moins efficaces qu’une violation des dispositions statutaires . En tant que 41

contrat entre actionnaires, auquel la société n’est qu’un tiers, son opposabilité n’est par ailleurs pas assurée. Les pactes permettent en revanche une certaine discrétion à leurs signataires, puisqu’aucune mesure de publicité n’est nécessaire (contrairement aux statuts).42

b. Les actions de préférence

Malgré leur caractère assez rigide, les SA connaissent certains îlots de liberté assez intéressants pour organiser les droits des actionnaires. Depuis 2004, les SA peuvent émettre des actions d’un genre particulier, appelées « actions de préférence . L’article L. 228-11 du code de commerce pose le principe suivant : « Lors de la constitution de la société ou au cours de son existence, il peut être créé des actions de préférence, avec ou sans droit de vote, assorties de droits particuliers de toute nature, à titre temporaire ou permanent ».

Plus que des « préférences », ce sont les « droits particuliers » qui sont attachés à ces actions, qui fondent toute la spécificité de ces valeurs mobilières. On considère en effet qu’il peut s’agir autant

Lorsqu’il désire céder ses titres, l’actionnaire doit faire agréer le cessionnaire, par le bénéficiaire de la 36

clause. A. THEIMER, « Les clauses d’agrément », JCP E, 2005, 1587. Lorsqu’il désire céder ses titres, l’actionnaire doit les proposer en priorité au bénéficiaire de la clause. CA 37

Angers, 1re ch. A, 20 sept. 1988, aff. Cointreau, Bull. Joly, 1988, p. 850, § 271. Interdiction de monter au capital (stansdstill agreement) ; obligation de conserver son niveau de 38

participation ; clause d’inaliénabilité (nécessairement temporaire et justifiée par un intérêt légitime : Cass. civ., 20 avr. 1858, DP 1858, I, 154, Req., 12 juill. 1865, DP 1865, I, 475 ; CA Paris, 4 mai 1982, Gaz. Pal., 1983, p. 152 ) ; clause de sortie conjointe ou « tag along » (si l’un des actionnaires décide de vendre ses titres, l’autre actionnaire est en droit d’exiger du cessionnaire, qu’il acquiert également ses actions) ; clause d’entrainement ou «  drag along  » (si l’un des actionnaires décide de vendre sa participation, l’autre actionnaire est obligé d’en faire de même) ; clauses de buy or sell : cette clause vient contraindre un actionnaire soit à racheter les titres d’un cessionnaire, soit, s’il ne le fait pas, à céder ses propres titres, aux conditions proposées par le cédant…

Le résultat n’est toutefois pas assuré. Cela dépendra du vote des autres actionnaires. Au demeurant, 39

chacun restant libre de son vote, et les sanctions d’une inexécution contractuelle étant ici limitée (quel préjudice?) rien n’assure que l’engagement soit vécu comme étant contraignant, sauf à prévoir des sanctions spéciales dans le pacte (clause pénale).

La jurisprudence exige que ces conventions soient conformes à l’intérêt social.40

Dans la jurisprudence, l’exécution forcée des pactes a toujours été difficile à obtenir, mais l’on a observé 41

quelques infléchissements ces dernières années (CA Versailles, 14e ch., 27 juill. 2010, n° 10/00559, Sté Esterra). La violation des pactes se résout généralement par le versement de dommages et intérêts. La réforme du droit des obligations sur la question de l’inexécution contractuelle, y apportera peut être une solution plus satisfaisante : C. civ., art. 1217 et s.

A l’exception des pactes conclus par des actionnaires de sociétés cotées. C. com., art. L. 233-11.42

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d’avantages que de restrictions (ou de droits inférieurs à des actions ordinaires) . Les 43

caractéristiques de ces actions, c'est-à-dire les droits pécuniaires comme extra-pécuniaires, sont librement déterminées par les statuts (art. L. 228-11 al. 1 c. com.). Au titre des droits pécuniaires on peut citer par exemple :

- de nombreux aménagements du droit au dividende  : dividende prioritaire, dividende préciputaire, dividende cumulatif, dividende progressif… Et pourquoi pas un dividende désavantagé par rapport aux autres  : un dividende conditionnel, partiel, suspendu ou à durée déterminée, etc… On peut même imaginer qu’il soit calculé en fonction des résultats ou des performances d’une branche d’activité particulière d’une société ou d’un groupe. On parle alors d’actions traçantes, de «  tracking stocks » ou d’ « actions sectorielles ». Elles représentent une quote-part du capital de l’émetteur mais non de celui de l’activité qu’elles ont pour objet de retracer.

- d’autres droits financiers permettant, par exemple, d’aménager la rentabilité des titres (droit à l’amortissement en cours de vie sociale, droit au produit de cession de certains actifs, droit privilégié sur les distributions de réserves, exonération partielle des pertes, attribution préférentielle du boni de liquidation…) ou bien la géographie du capital (clauses anti-dilutive, de ratchet, de préemption, d’agrément, d’inaliénabilité, de rachat, de sortie, etc.).

Au titre des droits extra-pécuniaires :

- le droit de vote peut être supprimé, suspendu, réservé à certaines décisions, être aménagé en fonction de paramètres financiers (résultats, productivité, rentabilité, ventes) ou autres (réalisation d’un événement particulier, qualité du titulaire des titres…) ;

- plus largement, les prérogatives de « gouvernement » peuvent être modulées de façon à renforcer l’accès à l’information sociale (en autorisant certains actionnaires à poser des questions ou demander des expertises de gestion sans qu’ils aient à justifier de la détention d’un pourcentage particulier du capital ou de la réunion de conditions ordinairement prévues par la loi ; prévoir des modalités d’accès à la documentation ; offrir aux actionnaires la faculté de diligenter un audit financier et comptable) ou à associer plus fortement l’actionnaire au pouvoir de décision (droit de provoquer l’ajournement d’une délibération, droit d’avis ou de consultation préalable, droit de désignation ou de nomination à des postes clés…).

Les seules limites qui s’imposent lors de l’élaboration de ces titres sont, certes l’imagination des praticiens, mais surtout l’ordre public, c'est-à-dire notamment : interdiction des clauses léonines (art. 1844-1 al. 2 C. civ.) et des clauses d’intérêt fixe (art. L. 232-15 c. com.), l’interdiction de verser un dividende fictif (art. L. 232-12 c. com.), les règles attachées au droit préférentiel de souscription (art. L. 225-132 c. com.), l’interdiction de convertir les actions en titres de créance (art. L. 228-91 al. 3). Mais également des règles d’ordre jurisprudentiel comme le principe de hiérarchie des organes sociaux (Arrêt Motte, Cass. civ., 4 juin 1946)

Il faut savoir que la doctrine n’est pas unanime sur cette question. Les uns estiment que la notion de 43

« droit particulier » impose de voir que les actions de préférence soient dans une situation plus favorable que les autres actions. Les autres estiment qu’à aucun moment l’article L. 228-11 n’impose que les actions de préférence doivent nécessairement jouir d’un statut privilégié. D’autant, d’ailleurs que l’article donne lui-même l’exemple d’actions de préférence dotées de droits inférieurs aux actions ordinaires : le droit de vote peut être supprimé (ce à quoi les autres répondent qu’il faudrait une compensation financière). De même, le dernier alinéa de ce même article évoque expressément l’hypothèse d’actions de préférence sans droit de vote, et dotées de droit limité aux dividendes, et privées de DPS (sauf stipulation contraire des statuts). D’un point de vue pragmatique, il semble en tous les cas difficile de peser les charges et les prérogatives pour vérifier si les actions de préférence sont privilégiées par rapport aux actions ordinaires.

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De même, le principe de proportionnalité du droit de vote, clairement rappelé par l’article L. 228-11 du code de commerce par renvoi aux articles L. 225-122 à L. 225-125, et postulant la règle « une action=une voix », exclut la création d’actions de préférence dotées d’un droit de vote multiple .44

Enfin, les actions de préférence sans droit de vote ne peuvent représenter plus de la moitié du capital dans les sociétés non cotées et plus du quart dans les sociétés cotées. Toute émission ayant pour effet de porter la proportion au-delà de cette limite peut être annulée.

B. La réunion des actionnaires : l’assemblée générale

C’est en réunion, dans le cadre de l’assemblée générale que les actionnaires peuvent exercer les droits attachés à leurs actions, et en particulier le droit de vote. Deux types d’assemblées sont possible : les assemblées générales ordinaires (1) et les assemblées générales extraordinaires (2). Puisque c’est au cours de ces assemblées que la société sera amenée à prendre des décisions importantes, le code de commerce encadre les possibilités de les contester (3).

1. L’assemblée générale ordinaire

Chaque assemblée dispose d’une compétence propre. Voyons donc, tout d’abord les attributions de l’AGO (a) avant de présenter la façon dont elle fonctionne, à travers les modalités de convocation (b) et de délibération (c).

a. Attributions

L’AGO dispose d’une compétence générale, puisqu’elle prend toutes les décisions, autres que celles qui relèvent de l’assemblée extraordinaire (C. com., art. L. 225-98). Ainsi présentées, les choses paraissent peu claires. Mais les missions dévolues à l’AGE étant très limitées (Cf. infra. modification des statuts et changement de nationalité de la société), l’AGO possède en fait un champ d’attribution relativement vaste. Citons pour l’essentiel et à toute époque : - désignation et révocation des administrateurs et des membres du conseil de surveillance ; 45

- révocation des membres du directoire sauf clause contraire des statuts ;46

- nomination des commissaires aux comptes ; 47

- détermination de l’enveloppe annuelle des jetons de présence attribués aux administrateurs et membres du conseil de surveillance ; 48

- approbation des conventions réglementées ; 49

- émission d’un emprunt obligataire ; 50

L’AGO en outre et de façon plus périodique, jouer le rôle d’assemblée générale annuelle. A cette occasion, elle doit :

Il en résulte une limite qui ne sied pas avec l’esprit libéral du texte et bloque l’imagination des praticiens. 44

Au demeurant, cela réduit les possibilités d’aménagements dont pourrait faire l’objet le droit de vote : droit de vote multiple, exception au droit de vote double, droit de vote plafonné. Il en résulte par ailleurs une contradiction avec les dispositions des SAS qui excluent expressément les articles L. 225-122 à L. 225-125. Une SAS qui émettrait des actions de préférence serait donc, paradoxalement, tenue de respecter le principe de proportionnalité, qui ne s’impose pas à elle en temps normal.

C. com., art. L. 225-18, L. 225-24, L. 225-75, L. 225-78.45

C. com., art. L. 225-61.46

C. com., art. L. 225-228.47

C. com., art. L. 225-45 et L. 225-83.48

C; com., art. L. 225-38 et L. 225-86.49

C. com., art. L. 228-40.50

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- examiner et approuver les comptes annuels (consolidés le cas échéant) et les opérations de 51

l’exercice ;52

- constater l’existence d’un bénéficie distribuable et décider de son affectation ; 53

- statuer sur les rapports qui lui sont présentés (rapport annuel de gestion établi par le conseil d’administration ou le directoire , rapports spéciaux des commissaires aux comptes )…54 55

b. Convocation

C’est au conseil administration (en tant qu’organe) - ou au directoire - de convoquer l’assemblée générale des actionnaires . 56

L’assemblée générale est réunie au moins une fois par an, et la convocation doit avoir lieu dans un délai de 6 mois à compter de la clôture de l’exercice . A défaut de réunion de l’assemblée 57

générale annuelle dans le délai légal, le ministère public ou tout actionnaire peut saisir le président du tribunal compétent en référé afin d’enjoindre les dirigeants, le cas échéant sous astreinte, à convoquer l’assemblée, ou désigner un mandataire pour y procéder. L’assemblée peut en outre être convoquée par le commissaire aux comptes , le conseil de surveillance, un mandataire 58

désigné en justice ou encore les liquidateurs. 59

La convocation doit répondre à certaines exigences de formes et un processus assez précis . Un 60

avis de convocation doit être publié dans un journal d’annonces légales , au moins 15 jours 61 62

avant l’assemblée . 63

Elle doit comprendre, des informations relatives à la société , le jour, l’heure et le lieu de 64

l’assemblée, ainsi que sa nature et l’ordre du jour. Cet ordre du jour est fixé par l’organe auteur de la convocation , mais il est également permis à un ou plusieurs actionnaires (représentant au 65

moins 5% du capital), ou une association d’actionnaires (répondant aux conditions de l’article L. 225-120) de requérir l’inscription de points à l’ordre du jour ou de projets de résolution (le comité 66

d’entreprise dispose également de la faculté de requérir l’inscription de projets de résolutions ). 67

C’est à dire : le bilan, le compte de résultats et l’annexe, tels qu’établis par le directeur général et arrêtés 51

par le conseil d’administration. C. com., art. L. 123-12 et s. C. com., art. L. 225-10052

C; com., art. L. 232-11 et L. 232-12.53

C. com., art. L. 225-100, L. 225-100-3, L. 225-102.54

Par exemple, sur les conventions réglementées (C. com., art. L. 225-40, L. 225-42, L. 225-88, L. 225-90)55

… C. com., art. L. 225-103.56

C. com., art. L. 225-100. Une prolongation du délai peut être obtenue par décision de justice.57

Devant l’inaction des dirigeants. C. com., art. R. 225-162.58

Sur demande de tout intéressé en cas d’urgence (le comité d’entreprise par exemple : C. trav., art. L. 59

2323-67), ou d’un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins de 5 % de capital, ou d’une association d’actionnaires répondant aux conditions fixées par l’article L. 225-120 du Code de commerce.

Nous nous en tiendrons ici aux seules sociétés non cotées. Pour les sociétés cotées, v. art. C. com., art. 60

225-73. C. com., art. R. 225-66.61

C. com., art. R. 225-67. Au bulletin des annonces légales obligatoires (BALO) pour les sociétés cotées. 62

Par ailleurs, si toutes les actions sont nominatives, une lettre simple ou recommandée adressée aux actionnaires peut remplacer l’avis de convocation. La convocation peut être également transmise par voie électronique.

C. com., art. R 225-69. Le délai est de 10 jours en cas de deuxième convocation. En cas d’ajournement, 63

le juge peut fixer un délai différent. Forme, capital social, siège social, numéro RCS, n° INSEE…64

C. com., art. L. 225-105.65

Dans les formes prévues aux articles R. 225-72 et -73 : par lettre recommandée ou par mail, 25 jours au 66

moins avant la date de l’AG sur première convocation. C. trav., art. L. 2323-67.67

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L’ordre du jour cristallise les points qui seront abordé lors de l’assemblée. L’assemblée ne peut délibérer sur une question qui n’est pas inscrite à l’ordre du jour, sauf en cas d’incident de séance, à statuer sur la révocation des dirigeants.

L’avis de convocation contient par ailleurs : - les projets de résolutions ;- les conditions dans lesquelles les actionnaires peuvent voter par correspondance, les lieux et

les conditions dans lesquelles ils peuvent obtenir les formulaires nécessaires, et le cas échéant l’adresse électronique ou peuvent être adressées les questions écrites ;

- les questions diverses.

Les questions inscrites à l’ordre du jour doivent être libellées avec précision et il n’est pas admis de renvoyer à des documents pour en apprécier la portée

Il est à noter que toute assemblée irrégulièrement convoquée peut être annulée (nullité facultative), sauf si tous les actionnaires étaient présents ou représentés (C. com. art. L. 225-104).

c. Délibérations

L’assemblée générale est une réunion privée, réservée aux seuls actionnaires inscrits en compte 68

(ou à tout le moins ceux qui sont en mesure d’exercer les droits attachés à des actions ). Peuvent 69

néanmoins y assister, le commissaire aux comptes, deux représentants désignés par le comité d’entreprise, les représentants de certains créanciers (obligataires et porteurs de titres participatifs) ainsi que parfois les journalistes financiers (dans les sociétés cotées).

Le vote est en principe effectué sur place, par différents moyens : vote à main levée, bulletin de vote, vote par boitier électronique, etc. Mais les actionnaires qui ne seraient pas en mesure de se présenter à l’assemblée générale - peu important leur raison - peuvent néanmoins s’assurer que leur voix sera comptabilisée.

Il est ainsi possible de donner une procuration à une personne qui votera pour soi. On parle aussi de représentation. Cette possibilité est limitée : dans les sociétés non cotées, un actionnaire peut 70

se faire représenter par un autre actionnaire, son conjoint ou son partenaire de PACS ; dans les sociétés cotées, en outre ces mêmes représentants, l’actionnaire peut choisir «  toute personne physique ou morale de son choix ». Le mandat ainsi confié est « spécial », c’est à dire qu’il ne vaut que pour une assemblée donnée et pour une date déterminée (un mandat général confié pour toutes les assemblées à venir n’est pas admis). Il doit être communiqué à la société. Sa révocation est faite dans les mêmes formes. Cette procuration peut néanmoins être confiée sans indication de mandataire. Il s’agit alors d’un « pouvoir en blanc » présumant l’accord de l’actionnaire à toutes les résolutions présentées ou agrées par le conseil d’administration ou le directoire. Il appartient alors au président de l’assemblée générale (sans liberté d’appréciation) d’émettre un vote favorable à ces projets de résolution et un vote défavorable à tous les autres.

Le vote par correspondance est admis, au moyen d’un formulaire spécialement prévu à cet effet . 71

Le vote à distance est autorisé, c’est-à-dire à l’aide de « moyens de télécommunication », si les statuts le prévoient. Un actionnaire peut donc participer à une assemblée générale par

C. com., art. R. 225-85.68

Les propriétaires indivis d’actions se font représenter par un mandataire commun. C. com., art. L. 69

225-110 al. 2 ; Le nu-propriétaire et l’usufruitier se partage le droit de vote en application de l’article L. 225-110 du Code de commerce ; les incapables et les personnes morales sont également votent quant à elles par l’intermédiaire de représentants légaux.

C. com., art. L. 225-106.70

C. com., art. L. 225-107.71

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visioconférence et peut exprimer son vote depuis un site internet , qui garantit son identification 72

(transmission au minimum de la voix des participants, retransmission continue et simultanée des délibérations ; code d’accès fourni préalablement la séance ).73 74

Une feuille de présence, sur lesquels les actionnaires présents (et les autres personnes présentes), représentés et réputés présents (visioconférence ou vote par procédé de télécommunication) apposent leur signature, est tenue .75

L’assemblée est tenue par un bureau, composé du président de l’assemblée (le président du conseil d’administration ou de surveillance ; ou en leur absence toute personne prévue par les statuts, ou à défaut choisie par l’assemblée) . Le bureau désigne également un secrétaire de 76

séance, qui n’est pas nécessairement un actionnaire . Le bureau exerce la police de l’assemblée 77

générale et va avoir pour mission notable de comptabiliser les suffrages exprimés pour chaque résolution, et doit donc être en mesure de connaître l’étendue exacte des droits de vote qui peuvent être exprimés ( et tenir compte le cas échéant des causes de suppression, de suspension, d’exclusion du vote…).

L’assemblée générale étant amenée à prendre des décisions, il importe de s’assurer qu’elle soit suffisamment représentative de l’actionnariat. C’est l’objet du quorum : l’assemblée ne peut se 78

tenir que si les actionnaires présents (ou représentés) possèdent 1/5ème des actions ayant le droit de vote sur première convocation, (sauf à prévoir un quorum plus élevé dans les statuts pour les 79

sociétés non cotées). A défaut de quorum suffisant, l’assemblée ne pourra pas se tenir. Il faudra convoquer une nouvelle fois l’assemblée, mais dans ce cas, aucun quorum ne sera requis (il suffira de la présence d’un seul actionnaire que l’ « assemblée » se tienne).

Dès lors que l’assemblée peut se tenir, les projets de résolutions doivent encore réunir un nombre suffisant de voix pour être adoptés définitivement. En assemblée générale ordinaire, les résolutions doivent être adoptées (ou refusées) à la majorité (51%) des voix dont disposent les 80

actionnaires présents ou représentés.

A l’issue du vote et lorsque toutes les questions prévues à l’ordre du jour sont épuisées, la séance est levée. S’en suivent alors quelques formalités, dont notamment la rédaction d’un procès-verbal , signé du bureau, contenant notamment un rappel des éléments propres à l’assemblée 81

générale, et un résumé des débats et des votes . Le fait de ne pas rédiger de procès-verbal rend 82

l’assemblée annulable. Au delà, dans le mois qui suit l’approbation des comptes annuel, la société doit déposer au greffe du tribunal de commerce, les comptes annuels, le rapport de gestion, le rapport des commissaires aux comptes, le cas échéant les comptes consolidés, la proposition d’affectation des résultats et la résolution d’affectation votée . 83

2. L’assemblée générale extraordinaire

C. com., art. R. 225-61.72

C. com., art. R. 225-97.73

C. com., art. R. 225-98.74

C. com., art. L. 225-114, R. 225-95.75

C. com., art. L. R. 225-100. Lorsque l’assemblée est convoquée par le commissaire aux comptes, un 76

mandataire de justice, l’assemblée est présidée par celui ou par l’un de ceux qui l’ont convoquée. C. com., art. R. 225-101.77

C. com., art. L. 225-98.78

Ce qui implique de ne pas comptabiliser les actions dénuées de droit de vote (droit de vote suspendu, 79

droit de supprimé, etc.). Des majorités plus fortes (majorités qualifiées) peuvent être stipulées dans les statuts, dès lors qu’elles 80

ne contrarient pas des règles d’ordre public comme la proportionnalité du droit de vote, ou rendent impossible la révocation des dirigeants.

C. com. art. L. 225-114.81

C. com., art. R. 225-106.82

C. com., art. L. 232-23.83

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Pour l’essentiel (fonctionnement, délibérations, etc.) l’assemblée générale extraordinaire connaît des règles identiques à celles des assemblées générales ordinaires. Ce qui diffère tient à la compétence et aux exigences de quorum et de majorité. En effet, l’assemblée générale extraordinaire est spécialement compétente pour modifier les statuts, dans toutes ses dispositions : modification du capital, changement d’objet social, de la 84

dénomination, transformation, dissolution, etc. Cette compétence ne peut pas être modifiée par les statuts.

Elle reste toutefois limitée dans deux circonstances : elle ne peut pas augmenter les engagements des actionnaires, cette décision n’étant possible qu’à l’unanimité . Elle ne peut par ailleurs 85

modifier la nationalité de la société en transférant son siège social à l’étranger avec maintien de la personnalité morale, que s’il existe une convention spéciale avec l’Etat d’accueil. Or, il n’existe aujourd’hui aucune convention de ce genre…

Compte tenu de son rôle dans la modification des statuts, dont les impacts sur le fonctionnement sociétaire peuvent être importants, les règles de quorum et de majorité sont plus contraignantes. Ainsi, l’assemblée générale extraordinaire statue sur première convocation, seulement si les actionnaires présents ou représentés possèdent au moins 1/4 des actions ayant le droit de vote, et sur deuxième convocation, 1/5ème de ces actions (tant que le quorum du 5ème n’est pas réuni à compter de la 2ème convocation, l’assemblée ne peut pas être réunie). Si l’assemblée est réunie, elle ne pourra statuer qu’à la majorité des 2/3 des voix dont disposent les actionnaires présents ou représentés.

3. La contestation des assemblées générales

Dans la mesure où elles sont un lieu de confrontation et parfois de divergence d’idées, de points de vues, de stratégies financières, etc., les actionnaires déçus peuvent chercher à en obtenir l’annulation. Cette annulation ne peut toutefois pas être obtenue trop facilement, au risque de déstabiliser les sociétés. Ainsi l’article L. 235-1 du Code de commerce prévoit-il que si c’est un acte modifiant les statuts dont on souhaite obtenir la nullité, la nullité ne peut résulter que d’une disposition expresse du Livre II du code de commerce ou des lois qui régissent la nullité des contrats. Et, si l’acte ou la délibération dont on souhaite obtenir la nullité ne modifie pas les statuts, alors la nullité ne peut résulter que de la violation d’une disposition impérative du Livre II du code de de commerce ou des lois qui régissent les contrats. Précisons ce que l’on observe généralement pour les assemblées générales et les délibérations qu’elles peuvent prendre.

Il existe tout d’abord des nullités facultatives. Celles-ci peuvent être obtenues, par exemple, en cas de violation des règles de convocation des assemblées générales . On mesure tout à fait qu’une 86

convocation mal réalisée, sciemment ou non, puisse avoir empêché un actionnaire de s’y présenter ou à tout le moins de s’y préparer correctement . Il appartient toutefois au juge 87

d’apprécier la nécessité d’annuler l’assemblée générale. L’assemblée peut également être annulée si la feuille de présence ou le procès-verbal n’ont pas été établis , ou à défaut d’avoir respecté les 88

obligations d’information des actionnaires . Ce sera également le cas de toutes les délibérations 89

prises en violation des dispositions régissant les droits de vote attachés aux actions90

C. com., art. L. 225-96.84

C. civ., art. 1386.85

C. com., art. L. 225-104.86

Attention toutefois, si tous les actionnaires étaient présents ou représentés, la nullité ne peut pas être 87

obtenue. Manifestement, les actionnaires ont eu connaissance de l’assemblée générale à défaut même de convocation.

C. com., art. L. 225-114.88

C. com., art. L. 225-121, art. L. 225-115 et L. 225-116.89

C. com., art. L. 225-2-1.90

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Il existe par ailleurs des nullités impératives, concernant les délibérations prises par les assemblées générales en cas de violation des règles relatives : à la compétence des 91

assemblées, de quorum et de majorité (L. 225-96 à L. 225-99), à la présentation du rapport de gestion et des comptes annuels, et du rapport du commissaire aux comptes (C. com., art. L. 225-100), à l’ordre du jour (C. com., art. L. 225-105).

La menace de ces nullités a une double vertu : elle protège les actionnaires contre des assemblées irrégulières au cours desquelles seraient prises des décisions critiquables ; elles impliquent une grande rigueur juridique pour ceux qui en ont la charge, du début jusqu’à la fin de l’assemblée. Au demeurant, les nullités ainsi prévues ne sont pas trop largement ouvertes, afin d’assurer à la société une certaine quiétude, contre tout risque de demandes abusives de la part d’actionnaires procéduriers.

C’est ce qui explique que les nullités peuvent être couvertes ou régularisées , à l’occasion d’une 92 93

nouvelle assemblée générale régulière, et que les délais de prescription soient relativement courts : 3 ans à compter du jour où la nullité est encourue .94

Section II. Les organes de contrôle de la SAParce que la SA est, comme toute société, le lieux où se rencontrent des intérêts divergents, on peut craindre que certains des acteurs, à raison de leur place dans la société, des pouvoirs dont ils disposent, cherchent à s’octroyer des avantages, au détriment des autres acteurs. Si l’on ajoute à cela que les SA sont généralement des structures choisies pour des activités importantes, on comprends aisément que les enjeux, financiers notamment, sont grands. C’est ce qui explique l’organisation, par le législateur de différents système de contrôle. Ceux-ci peuvent être internes (comme par exemple le comité d’entreprise), c’est le cas par exemple de la procédure des conventions réglementées, qui s’articule autour du conseil d’administration et l’assemblée générale des actionnaires (A). Mais les contrôles peuvent également être réalisés par des acteurs externes. Ceux-ci peuvent être très divers : on peut évoquer par exemple les autorités administratives (Autorité des marchés financiers ; Autorité de la concurrence, et tant d’autres), mais nous arrêterons un instant sur les commissaires aux comptes (B).

A. Le conseil d’administration et les conventions réglementées

Les dirigeants, les associés ou les administrateurs sont fréquemment amenés (directement ou par personne interposée) à conclure avec leur société toutes sortes de conventions : ventes, baux, 95

prestations de services, prêts, contrats de travail, rémunérations, etc. Dans certaines circonstances, ces mêmes personnes peuvent parfois profiter, indirectement, d’une convention à laquelle elles ne sont pas parties. Afin d’éviter qu’elles ne privilégient leur intérêt personnel au détriment de l’intérêt social, et prévenir ainsi les conflits d'intérêts qui pourraient en résulter, le

C. com., art. L. 225-121.91

C. com., art. L. 235-4.92

C. com., art. L. 235-6, L. 235-7.93

C. com., art. L. 235-9.94

Attention toutefois, certaines conventions sont purement et simplement interdites (C. com., art. L. 225-43) 95

: les administrateurs (sauf s’il s’agit de personnes morales), le directeur général, les directeurs généraux délégués, les représentants permanents des personnes morales (ainsi que leurs conjoints, ascendants et descendants, ou plus largement toute personne interposée) ne peuvent contracter aucun emprunt auprès de la société, ni se faire consentir un découvert en compte courant ou autrement, ni se faire cautionner ou avaliser par elle des engagements envers les tiers. Cette interdiction n’est pas applicable si la société exploite un établissement bancaire et financier, mais à la condition que les opérations visées soient courantes et conclues à des conditions normales.

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législateur a prévu une procédure, dite des « conventions réglementées », permettant aux 96

différents organes de la société (conseil d’administration, assemblée générale des actionnaires) de les contrôler. Précisons donc son champ d’application (1), la protocole à suivre (2) et les sanctions encourues (3).

1. Champ d’application

Trois séries de conventions , qualifiées selon la qualité de leurs contractants, sont visées par le 97

code de commerce.

- les conventions intervenant directement ou par personne interposée entre la société et ses dirigeants, administrateurs, ou actionnaire de référence (disposant de plus de 10% des droits de vote) . Et, si un actionnaire est une société, les conventions visées sont celles intervenant avec 98

la société qui contrôle la société actionnaire, au sens de l’article L. 233-3 c. com. ;99

- les conventions auxquelles ces mêmes personnes sont indirectement intéressées (qui n’ont donc pas conclu eux-mêmes la convention mais en tirent un avantage) ;100

- les conventions intervenant entre la société et une entreprise, si les dirigeants de la société 101

sont propriétaires, associés indéfiniment responsables, ou dirigeants (gérant, administrateur, membre du CS) de l’entreprise cocontractante (exemple : convention conclue entre deux SA ayant des administrateurs communs).

Il s’agit d’identifier les conventions dans lesquelles il existe bien un conflit d’intérêts pour une partie qui a, à la fois un intérêt en tant que membre de la société contractante, mais également un intérêt à titre personnel (même indirectement).

Sont toutefois exclues de champ d’application (on parle de conventions « libres ») : 102

- les conventions portant sur des opérations courantes et conclues à des conditions normales ». Le caractère courant de l’opération s’apprécie par exemple au regard de l’activité de la société ou des pratiques d’autres sociétés placées dans la même situation. Il implique une certaine répétition et serait exclu si l’opération avait un caractère exceptionnel. La normalité implique une

C. com., art. L. 225-38 et s. (pour les SA à conseil d’administration) ; C. com., art. L. 225-86 et s. (pour 96

les SA à directoire et conseil de surveillance). La notion de convention doit être entendue largement : elle vise tout autant la conclusion de contrats que 97

leurs modification, résiliation d’un commun accord, renouvellement par tacite reconduction, transaction entre la société et son P-DG révoqué qui a la qualité d’administrateur… Cela implique en tout état cause, l’existence d’un accord de volonté, créant, modifiant, transmettant ou éteignant un rapport de droit.

On peut relever une difficulté : faut-il qu’effectivement l’actionnaire en question dispose de son droit de 98

vote pour être tenu par cette disposition ? A l’inverse, un actionnaire dont le droit de vote est privé ou bien suspendu peut-il échapper à la procédure ? Cela ne pose pas de problème en principe dans la mesure ou le fait de ne pas disposer de droits de vote garanti l’impossibilité de prendre part au vote, mais selon les auteurs, ce point est problématique lorsque le droit de vote a été supprimé à titre de sanction, en ce que cela revient à accorder paradoxalement un avantage. On s’interroge par ailleurs sur les difficultés que cela peut poser toutes les fois où les droits d’actionnaires ont fait l’objet de dissociations (usufruit, indivision, etc.).

Cette hypothèse est large en raison de la diversité de la notion de contrôle prévue par l’article L. 233-33 99

du Code de commerce, notamment à propos du contrôle conjoint, ou encore de la question du contrôle indirect.

On peut retenir la définition suivante (Rapport de la CCI Paris IDF, «  Renforcer l’efficacité de la 100

procédure des conventions réglementées. contributions de la CCIP aux travaux de place », 8 sept. 2011) : Est considérée comme étant indirectement intéressée à une convention à laquelle elle n’est pas partie, la personne qui, en raison des liens qu’elle entretient avec les parties et des pouvoirs qu’elle possède pour infléchir leur conduite, en tire un avantage.

Directeur général, directeur général délégué, administrateur.101

C. com., art. L. 225-39.102

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appréciation objective des conditions généralement applicables à l’opération donnée (prix, durée, pénalités, obligations respectives, etc.) ;

- les conventions conclues entre une société et ses filiales à 100%. Les situations dans lesquelles une société mère et une filiale à 100% ont au moins un dirigeant commun sont très fréquentes. La procédure de contrôle des conventions réglementées serait donc théoriquement applicable de façon systématique, alors même qu’aucun conflit d’intérêt n’est à craindre : il n’y a pas d’autre actionnaire dans la filiale. L’exclusion de ces conventions du périmètre des conventions réglementées permet donc de ne pas trop alourdir les obligations légales et de réduire les coûts de gestion du groupe. Cela permet en outre aux actionnaires de se concentrer sur les conventions présentant de véritables risques.

2. Procédure

Une fois les conventions porteuses de conflits d’intérêts identifiées, il convient de respecter une procédure particulièrement complexe.

En premier lieu, ces conventions doivent être soumises à l’approbation préalable du conseil d’administration. Il appartient ainsi à la personne intéressée à la convention de porter connaissance au conseil de l’existence d’un projet de convention . En principe, la convention ne 103

peut pas être conclue avant d’avoir été autorisée par le conseil. Lorsque le conseil d’administration statue sur cette autorisation, et par souci de prévention des conflits d’intérêts, si la personne est administrateur, elle ne peut pas prendre part au vote . 104

Lorsqu’il autorise de telles conventions, le conseil d’administration doit justifier de l’intérêt des conventions pour la société et des conditions financières qui y sont attachées . Ces motifs sont 105

repris dans le procès-verbal de la séance.

Le président du conseil donne ensuite avis aux commissaires comptes de toutes les conventions ainsi autorisées dans le délai d’un mois à compter leur conclusion, et indique les motifs justifiant l’intérêt de la convention pour la société retenus par le conseil . Le commissaire établi un rapport 106

spécial, qu’il présentera à l’assemblée . Le rôle des commissaires aux comptes consiste 107

principalement en une simple fonction de communication : il reçoit l’information fournie par le président du conseil d’administration et la transmet, via son rapport spécial, à l’assemblée générale. Il ne se prononce pas sur l’opportunité, l’utilité, la normalité, ou les justifications des conventions et n’a pas à rechercher celles qui auraient dû faire l’objet d’une autorisation préalable.

Le président doit en outre soumettre les conventions conclues à l’approbation de l’assemblée générale des actionnaires. Elle se prononce sur le rapport spécial du commissaire aux comptes. Là encore, et l’on comprend bien pourquoi, les personnes intéressées ne peuvent pas prendre part au vote et leurs actions ne sont pas prises en compte pour le calcul du quorum et de la majorité.

Si les conventions ainsi autorisées, conclues puis approuvées par l’assemblée générale voient leur exécution se poursuivre dans le temps, elles devront être examinées chaque année par le conseil

Ce qui suppose qu’elle sache qu’elle est partie - ou qu’elle est indirectement intéressée - à une telle 103

convention C. com., art. L. 225-40.104

C. com., art. L. 225-38 al. 4. 105

C. com., art. R. 225-30. On évoque bien ici la « conclusion » des conventions autorisées. A défaut de 106

conclusion, il n’y a pas besoin de poursuivre la procédure. Ce rapport contient notamment : l’énumération des conventions soumises à l’approbation de 107

l’assemblée générale, la désignation des des dirigeants ou actionnaires concernés, la nature et l’objet des conventions, leurs modalités essentielles, les motifs justifiant de l’intérêt de ces conventions retenus par le conseil, et toutes autres indications permettant aux actionnaires d’apprécier l’intérêt qui s’attachait à la conclusion des conventions ; l’énumération des conventions conclues et autorisées au cours d’exercices antérieurs et donc l’exécution s’est poursuivie au cours du dernier exercice. C. com., art. R. 225-31.

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d’administration et être communiquées aux commissaires aux comptes , qui en fera part dans 108 109

son rapport spécial . Passer annuellement en revue les conventions réglementées dont l’effet 110

perdure dans le temps permet de réévaluer régulièrement l’autorisation donnée par le conseil. Il appartiendra ainsi au conseil de vérifier si les conventions antérieurement autorisées doivent ou non être à nouveau soumises au vote de l’AG (notamment si les conditions qui présidaient lors de l’autorisation initiale ne sont plus réunies). Le cas échéant, cette revue annuelle peut permettre de poser la question du maintien ou non de la qualification du contrat en convention réglementée au regard de l’évolution des circonstances.

Pour terminer, il convient d’évoquer l’inclusion dans le rapport de gestion du conseil d’administration , d’une information relative aux conventions conclues par un dirigeant ou 111

actionnaire détenant plus de 10% de la société mère, avec une filiale détenue directement ou indirectement .112

Il ne s’agit pas ici d’autoriser de telles conventions, mais plus simplement d’en porter l’existence à la connaissance des actionnaires. En effet, bien qu’elles n’entrent pas dans le périmètre des conventions réglementées elles peuvent tout de même générer de véritables conflits d'intérêts et 113

être préjudiciables à la société. Jusqu’à présent, une convention pouvait être conclue entre une filiale et le dirigeant de la société mère pour l'exécution d'une prestation (de conseil par exemple) au sein de la société mère sans que les actionnaires de la mère et de la filiale en soient informés.

3. Sanctions encourues Le Code de commerce prévoit plusieurs sanctions encas de violation de la procédure.

Avant toute chose, il est toutefois intéressant de constater que le non-respect de la procédure n’a pas d’effet sur la validité même des conventions ni sur leur opposabilité aux tiers , sauf fraude. 114

De ce point de vue l’efficacité de la procédure apparaît assez relative, même si l’on comprend bien qu’elle vise à garantir la sécurité juridique des cocontractants de bonne foi. Le rôle de l’assemblée générale reste donc assez limité et n’empêche pas la conclusion des conventions. Pour autant, des sanctions sont applicables. D’une part, il est prévu que les conséquences préjudiciables des conventions désapprouvées par l’assemblée générale (mais néanmoins conclues et exécutées) peuvent être mises à la charge de l’intéressé et éventuellement des autres membres du conseil d’administration. 115

D’autre part, autorisées ou non, approuvées ou non, une action en responsabilité supposant la preuve d’une faute et d’un préjudice causé par la convention demeure possible, peut être engagée en application du droit commun à l’encontre de la personne intéressée à cette convention.116

C. com., art. L. 225-40-1.108

Ils doivent être informés de ces conventions dans le délai d’un mois à compter de la date de clôture de 109

l’exercice. C. com., art. R. 225-30 al. 2. Il donnera à cette occasion toutes indications permettant aux actionnaires d’apprécier l’intérêt qui 110

s’attache au maintien des conventions énumérés pour la société, et l’importance des fourniture livrées ou prestations de services fournies et le montant des sommes versées ou reçues au cours de l’exercice, en exécution de ces conventions (C. com., art. R. 225-31 7°).

Celui de l’article L. 225-102 du Code de commerce.111

C. com., art. L. 225-102-1 dern. al.112

A moins que les circonstances de fait sont de nature à démontrer l’existence d’une interposition de 113

personnes, et ce par exemple lorsque le dirigeant de la société mère qui a conclu une convention avec une filiale est en réalité rémunéré pour service rendu à la mère.

C. com., art. L. 225-41.114

C. com., art. L. 225-41.115

C. com., art. L. 225-42.116

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Surtout, une cause de nullité facultative est prévue. Outre l’hypothèse de la fraude, les conventions qui n’ont pas été autorisées par le conseil d’administration, mais qui ont été conclues en dépit de ce rejet, peuvent être annulées si elles ont eu des conséquences dommageables pour la société 117

(il convient donc d’attendre leur exécution, car la seule éventualité de conséquences dommageables ne semble pas entrer dans le champ d’application de ce texte). L’action en nullité se prescrit par 3 ans à compter de la date de la convention. Relative, cette nullité ne peut être invoquée que par la société, dont l’intérêt est protégé. Si la convention a été dissimulée, le point de départ de la prescription est reporté au moment où elle a été révélée . L’assemblée générale 118

peut néanmoins couvrir la nullité en approuvant la convention, après présentation d’un rapport spécial du commissaire aux comptes expliquant pourquoi la procédure d’autorisation n’a pas été suivie . Il semble qu’une telle couverture a posteriori vienne dans le même temps fermer la 119

possibilité pour la société de demander la mise à la charge de la personne physique ou morale concernée des conséquences préjudiciables, tel que cela est prévu à défaut d’approbation.

B. Le commissaire aux comptes

Le commissaire aux comptes est un organe de contrôle comptable. La désignation d’un commissaire aux comptes est obligatoire dans les SA . Il paraît donc important de s’intéresser à 120

son statut (1), à son rôle (2) et enfin à sa responsabilité (3).

1. StatutLe statut des commissaires procède des articles L. 822-1 et suivants du Code de commerce. Le commissaire aux comptes est un professionnel libéral, qui exerce son activité sous le contrôle de la Compagnie national des commissaires aux comptes (CNCC) et du Haut conseil du 121

commissariat aux comptes (H3C) .122

Dans les SA, le CAC (et son suppléant) est nécessairement nommé par l’assemblée générale (c’est une compétence exclusive, aucune clause contractuelle limitant le choix de l’assemblée générale n’est autorisée), sur proposition du conseil d’administration ou du conseil de surveillance . SI la société établi des comptes consolidés, il faut nommer 2 CAC et 2 123

suppléants . A défaut de provoquer la désignation du CAC, le dirigeant de la société encourt une 124

sanction pénale : 2 ans de prison et 30 000€ d’amende .125

Cette notion est relativement floue. Elle vient réduire sérieusement le risque d’annulation des 117

conventions conclues en violation de la procédure mais néanmoins conclues à des conditions équilibrées. Le contrôle du juge s’effectuera surtout autour de l’atteinte à l’intérêt social de la société.

La notion de révélation semble devoir s’interpréter en fonction de la personne qui sollicite la nullité. 118

Hypothèse dans laquelle par exemple tous les administrateurs sont intéressés à la convention, et où par 119

conséquent, le CA n’a pu autoriser la convention. C. com., art. L. 225-218. La présence d’un commissaire aux comptes est impérative dans d’autres 120

formes sociales (SCA, sociétés cotées), mais aussi en fonction de la dimension économique de l’activité. Ainsi, dans les sociétés civiles ou commerciales de même que pour les autres groupements exerçant une activité économique (une association par exemple), un commissaire aux compte doit être désigné si, à la clôture de l’exercice, deux des trois seuils suivants se trouvent dépassés : 1 550 000€ pour le total du bilan ; 3 100 000 pour le chiffre d’affaires HT ; 50 pour le nombre moyen de salariés permanents (C. com., art. L. 612-1, R. 221-5).

La CNCC a notamment un rôle disciplinaire.121

Le H3C est une autorité administrative, veillant à l’indépendance des commissaires aux comptes, eu 122

respect de leur déontologie, et qui dispose d’un pouvoir réglementaire pour élaborer des normes professionnelles.

C. com., art. L. 225-228 ; art. L. 823-1.123

C. com., art. L. 823-2.124

C. com., art. L. 820-4.125

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Le choix de la SA est doublement encadré : d’une part, elle ne peut sélectionner qu’un professionnel inscrit sur une lite établie par le H3C ; d’autre part, seuls sur cette liste, peuvent 126

être sélectionnés des CAC garantissant une totale indépendance vis-à-vis de la société . 127

Le CAC ainsi désigné exerce sa mission pour 6 exercices, éventuellement renouvelable . Si la 128

SA fait des offres au public, le CAC ne peut pas être immédiatement renouvelable, il faut attendre un délai de trois ans .129

En raison de son indépendance, les dirigeants ne peuvent pas mettre fin à la mission du CAC trop aisément. Une procédure de récusation pour juste motif (incompétence, partialité, manque 130

d’indépendance, etc.) est ouverte à plusieurs acteurs . Le Code de commerce précise 131

opportunément qu’une «  divergence d'appréciation sur un traitement comptable ou sur une procédure de contrôle ne peut constituer un motif fondé de récusation  ». S’i est fait droit à la demande, un autre CAC sera désigné en justice. Une procédure de révocation est également prévue . La révocation peut être demandée en justice à tout moment et par les mêmes 132

personnes en cas de faute ou d’empêchement du CAC.133

Enfin, notons que le CAC est rémunéré (honoraires) par la société qu’il contrôle . Néanmoins, il 134

est prévu que les honoraires versés ne doivent pas créer de dépendance financière du CAC. Un barème permettant de fixer des honoraires minimaux est prévu .135

2. Rôle

Le CAC exerce trois rôles fondamentaux. En premier lieu, le CAC est chargé de certifier que les comptes annuels (consolidés le cas échéant), sont réguliers, sincères, et donnent une image fidèle du résultat des opérations de l’exercice écoulé, ainsi que de la situation financière et du patrimoine de la société (ou de l’ensemble consolidé), à la fin de l’exercice . A ce titre, les CAC sont amenés à procéder à toutes 136

vérifications et contrôles qu’ils jugent opportun et peuvent se faire communiquer tous documents utiles à l’exercice de leur mission . Sans pouvoir s’immiscer dans la gestion de la société , ils 137 138

sont amenés à vérifier les valeurs et les documents comptables, à contrôler la conformité de la comptabilité aux règles en vigueur ; ils vérifient la sincérité et la concordance avec les comptes annuels, ou les comptes consolidés, des informations données dans le rapport de gestion, le rapport annuel et les documents adressés aux actionnaires…. Le CAC exprime son opinion (il certifie la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes, peut exprimer des réserves, ou refuser

C. com., art. L. 822-1 et s.126

C. com., art. L. 822-11 : interdiction de posséder, recevoir, conserver une participation (ou plus 127

largement un intérêt) dans la société ou de de donner des conseils ou effectuer des prestations de services portant atteinte à son indépendance. Les CAC doivent encore plus largement s’abstenir de tisser des liens personnels étroits avec les dirigeants sociaux (Code de déontologie, art. 27 et 28).

C. com., art. L. 823-3. 128

C. com., art. L. 822-14.129

C. com., art. L. 823-6.130

Un ou plusieurs actionnaires représentant au moins 5% du capital, le comité d’entreprise, le ministère 131

public, l’AMF si la société est cotée, 1/5ème des membres de l’assemblée générale (dans les seules sociétés autres que commerciales).

C. com., art. L. 823-7.132

Auxquelles il faut ajouter le conseil d’administration et le directoire.133

C. com., art. L. 823-18.134

C. com., art. R. 823-12.135

C. com., art. L. 823-9.136

C. com., art. L. 823-13.137

C. com. art. L. 823-1 : «  la mission de certification des comptes du commissaire aux comptes ne 138

consiste pas à garantir la viabilité ou la qualité de la gestion de la personne ou entité contrôlée ».�19

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de certifier) dans un rapport qui sera adressé aux actionnaires et sur la base duquel il seront amenés à approuver ou rejeter les comptes.

En second lieu, le CAC est tenu par un devoir d’information. Tout au long de la vie sociale, le CAC est amené à intervenir pour rédiger des rapports sur de nombreuses opérations sociétaires (conventions réglementées, émission d’actions de préférence, exercice du droit préférentiel de souscription, fusion, scission, etc.). En outre, le CAC est tenu de révéler les faits délictueux (abus de biens sociaux, maquillage ou trucage des comptes, etc.) dont ils ont connaissance, au procureur de la République, à l’image des « lanceurs d’alerte » . Enfin, les CAC participent à la 139

lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme en déclarant à la cellule 140

TRACFIN, « les opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une infraction passible d’une peine privative de liberté supérieure à un an ou participent au financement du terrorisme » .141

En dernier lieu, précisons que le CAC est par ailleurs tenu par un devoir d’alerte des dirigeants lorsqu’il observe des «  faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation » , c’est-à-142

dire lorsqu’il existe un risque pour la société de cessation des paiements. A défaut de réponse dans les 15 jours, ou si celle-ci ne permet pas d’assurer la continuité de l’exploitation, le CAC a la possibilité de mettre en place une procédure impliquant les différents organes de la société (CA, assemblée générale) afin qu’ils prennent des mesures pour remédier à la situation. Le tribunal de commerce est informé des avancées (ou de l’absence de mesures efficaces).

3. Responsabilité

Civilement, le CAC est responsable , tant à l’égard de la société contrôlée que des tiers, des 143

conséquences dommageables des fautes et négligences commises dans l’exercice de ses fonctions . Cette responsabilité n’est pas encourue à raison des informations ou divulgations de 144

faits auxquelles ils procèdent en exécution de sa mission (sauf s’il s’agit d’une violation du secret professionnel). En tout état de cause, le CAC ne peut pas être tenu pour responsable des irrégularités ou défauts de la comptabilité contrôlée. En revanche, peuvent lui être reprochés : un défaut de vérifications, la violation de ses obligations professionnelles et déontologiques, des erreurs dans la certification, etc.

Pénalement, l’activité du CAC apparaît très encadrée par de nombreuses sanctions. Sans compter le risque d’être puni en tant que complice s’il est trop complaisant et ferme les yeux sur des infractions pénales commises par les dirigeants (abus de biens sociaux, escroquerie, maquillage des comptes, etc.) voici quelques exemples d’infractions et de sanctions : - délit de violation des règles d’incompatibilité et d’indépendance : 6 mois de prison et 7 500€

d’amende ;145

- délit de non révélation de faits délictueux : 5 ans de prison et 75 000€ d’amende ; 146

- délit de confirmation d’informations mensongères : 5 ans de prison et 75 000€ d’amende ;147

- …

***

C. com., art. L. 823-12 al. 2.139

C. com., art. L. 823-12 al. 3. 140

CMF, art. L. 561-15.141

C. com., art. L. 234-1.142

Personnellement, même s’il agit en qualité d’associé, actionnaire ou dirigeant d’une société titulaire du 143

mandat de CAC en qualité de personne morale.Cette dernière est toutefois responsable in solidum avec le CAC (CA Paris, 14 mai 2003, BJS, 2003, §263, p. 1250, note Ph Merle..

C. com., art. L. 822-17.144

C. com., art. L. 820-6.145

C. com., art. L. 820-7.146

C. com., art. 820-7.147

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