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DumêmeauteurauxéditionsdeLaMartinièreJeunesse

IrrésistibleAlchimie2011

IrrésistibleAttraction2011

IrrésistibleFusion2013

Paradise2012

RetouràParadise2013

AttiranceetConfusion2014

RetrouvezSimoneElkelessur

Couverture:©MaxFX/Shutterstock

Éditionoriginalepubliéeen2015sousletitreWildCrush–AWildCardNovel

©2015,SimoneElkelesTousdroitsréservés.

Pourlatraductionfrançaise:©2015,ÉditionsdeLaMartinièreJeunesse,unemarquedeLaMartinièreGroupe,Paris.

ISBN:978-2-7324-7007-8

www.lamartinierejeunesse.frwww.lamartinieregroupe.com

Conformeàlaloino49-956du16juillet1949surlespublicationsdestinéesàlajeunesse.

CedocumentnumériqueaétéréaliséparNordCompo.

Sommaire

DumêmeauteurauxéditionsdeLaMartinièreJeunesse

Copyright

Tabledesmatières

Chapitre1-VICTOR

Chapitre2-MONIKA

Chapitre3-VICTOR

Chapitre4-MONIKA

Chapitre5-VICTOR

Chapitre6-MONIKA

Chapitre7-VICTOR

Chapitre8-MONIKA

Chapitre9-VICTOR

Chapitre10-MONIKA

Chapitre11-VICTOR

Chapitre12-MONIKA

Chapitre13-VICTOR

Chapitre14-MONIKA

Chapitre15-VICTOR

Chapitre16-MONIKA

Chapitre17-VICTOR

Chapitre18-MONIKA

Chapitre19-VICTOR

Chapitre20-MONIKA

Chapitre21-VICTOR

Chapitre22-MONIKA

Chapitre23-VICTOR

Chapitre24-MONIKA

Chapitre25-VICTOR

Chapitre26-MONIKA

Chapitre27-VICTOR

Chapitre28-MONIKA

Chapitre29-VICTOR

Chapitre30-MONIKA

Chapitre31-VICTOR

Chapitre32-MONIKA

Chapitre33-VICTOR

Chapitre34-MONIKA

Chapitre35-VICTOR

Chapitre36-MONIKA

Chapitre37-VICTOR

Chapitre38-MONIKA

Chapitre39-VICTOR

Chapitre40-MONIKA

Chapitre41-VICTOR

Chapitre42-MONIKA

Chapitre43-VICTOR

Chapitre44-MONIKA

Chapitre45-VICTOR

Chapitre46-MONIKA

Chapitre47-VICTOR

Chapitre48-MONIKA

Chapitre49-VICTOR

Chapitre50-MONIKA

Chapitre51-VICTOR

Chapitre52-MONIKA

Chapitre53-VICTOR

Chapitre54-MONIKA

Chapitre1

VICTOR

Cen’estpasfaciled’êtreungarçondansunefamiliadeLatinos,surtoutquandmipapás’attendàcequej’échoueetmerappellechaquejourmeserreurs.

Lescrisdemipapámeréveillent.Jenesaispass’ilgueulecontremoioucontremessœurs.Depuisquemi’amaestpartieauMexique,ilyasixmois,pours’occuperdemesgrands-parentssouffrants,iln’atoujourspascomprisquepéteruncâbleàchaquepetitproblèmen’arrangerien.J’aiapprisàl’ignorer.

Cematin,c’estrepartipouruntour.C’estlarentréeenterminale.Enthéorie,j’auraimondiplômeenjuin,maisjenesuispassûràcent

pourcentderéussir.Bon,jenevaispasêtrefierd’avoireutoutjustelamoyenne,maisaumoinsjen’aijamais été recalé. J’ai juste euune salenoteenespagnol à la finde l’annéedernière.Laprof, señoraSuárez, pensait que je me surpasserais vu que je suis mexicain. Elle ne savait pas que si je parleespagnol,écriren’estpasvraimentmontruc,quellequesoitlalangue.

MasœurMarissaestassiseàlatabledelacuisineetlitunbouquinenmangeantsescéréales.Elleaunelonguequeue-de-chevalbruneetacarrémentrepassésontee-shirtetsonjeans.Marissaestdugenreperfectionniste…hyperfectionnistemême!Ellecherchesansarrêt l’approbationdepapa.Marissan’atoujourspascomprisqu’ellen’obtiendrarienàvouloirsemontrerdigned’attention.

Ceseraitpresquedrôlesicen’étaitpasaussipathétique.Papadébarquedanslacuisineencostume-cravate,sonkitBluetoothàl’oreille.—T’étaisoù,hiersoir?Jeferaisbiensemblantdenepasl’avoirentendu,maisçaneferaitquel’énerverencoreplus.Jelui

passedevantpourfouillerdanslefrigo.—Laplaya.—Àlaplage?Victor,regarde-moiquandjeteparle.Lesondesavoixmestresseautantquelecrissementdesonglessuruntableau.Jem’arrêteet faisdemi-tourpour le regarderbienenface.JepréféreraisencoreécouterMarissa

parlerpendantdesheuresd’équationsoudesesthéoriessurl’espaceetsurlamatièreplutôtqued’êtrecoincélàaveclui.

Papaplisselesyeux.Quand j’étais petit, j’avais peur de lui. Au base-ball, pendant lesmatchs, ilme faisait sortir du

terrainsi je ratais laballeà labatteouà la réception.Quand jemesuismisau footballaméricain, ilpétaitunplombdèsquejerataisunplaquage.Deretouràlamaison,ilmepoussaitcontrelesmurs,pourmerappelerquej’étaisunraté,quejeluifaisaishonte.

Aveclui,impossibledegagner.Maintenant,jen’aipluspeurdelui,illesait.Jecroisqueçal’emmerdeplusqu’autrechose.C’était

ilyatroisans,pendantunedesescolères,quej’aieuundéclic.Jemesuistiréenpleinmilieudenotreengueuladeetiln’étaitplusassezfortpourmeretenir.

Ils’approchedemoi;sonhaleinepuelecaféetlacigarette.—J’aientenduparlerd’unebagarre,hiersoiràlaplage.¿Participó?Tut’esbattu?

D’accord,iln’apasdûvoirmespoingségratignés.Ilreculeetajustesaveste.—Bueno.Jeneveuxpasentendreaubureauquemonfilsseprendpourunvoyou.Onnelitpasà

table!crie-t-ilàmasœurens’asseyantavecunetassefumante.Marissarefermedirectsonbouquin,leposeàcôtéd’elleetcontinuedemangerensilence.PapaterminesoncaféenlisantuntasdeSMSetd’e-mailssursontéléphone,puismetlatassedans

l’évier et quitte la maison sans dire un mot. Dès qu’il est parti, je sens la tension dans mon coudisparaître.

Dani, la jumelledeMarissaet l’extravertiede la familia, entredans lacuisineavecun shortquimontrepratiquementsonculoetunhautplusieurstaillestroppetit.Jesecouelatête.SiMarissaestunetête,Danisaitsurtoutdépenserdel’argentetmontrerleplusdepeaupossible.

D’habitude,jenedisrien,maislà…c’estlepremierjourdecoursetmi’amam’afaitpromettredeveillersurmessœurs.Jen’aipasenviedemenacerlamoitiédesmecsdubahutquifixeraientleculdemapetitesœur.

—Dani,tutefichesdemoi?Ellerejetteenarrièresescheveuximpeccablesavecunhaussementd’épaules.—Quoi?—Tunevaspasàl’écolefagotéecommeça.Masœurlèvelesyeuxaucieletsoupire,énervée.—Sérieux,Vic,t’esvraimentunculero.Détends-toi.Jeluilancemonregarddegrandfrèrequinecéderapas.Jenesuispasunenfoiré.Daniveutfaire

stylequ’elleadix-huitans,ellen’enaquequatorze.Jenelalaisseraipassefaireremarquerpoursoncorps.

—Tunemettraspasuntrucpareilpouralleràl’école.Pointfinal.Ellesoutientmonregard;elledevraitsavoirqueçanemarcherapas.—C’estbon!Ellesouffle,seprécipiteàl’étageetréapparaîtquelquesminutesplustardavecunjeansslimetun

débardeurblanc.Ilestpresquetransparentmaisc’estdéjàmieuxquesesfringuesprécédentes.—T’escontent?Ellesefoutdemoientournantsurelle-mêmecommeuntop-modèle.—Bon.Queestábien…çaira.Elleattrapeunebarredecéréalesdansleplacard.—Adiós.Etavantdemedemanderquimeconduitàl’école,c’estCassidyRichards.Tutesouviens

d’elle,Vic,n’est-cepas?Elledéconne!—CassidyRichards?—Ouais.C’estpasvrai!Vulatêtequ’ellefait,elleestsérieuse.—Pourquoituvasaulycéeavecmonex?Danicroquedanssabarredecéréales.—D’une,elleal’âgedeconduire.Dedeux,elleestpopulaireetpeutmeprésenterdesgenscool.

Detrois,c’estellequimel’aproposé.Çateva?Depuisledébutdel’annéedernière,CassidyRichardsetmoi,onsortensembleparintermittence.

On a rompu définitivement pendant l’été. Elle est du genre à publier en ligne des conneries surmoi.

Évidemment,ellen’utilisepasmonnometnemetaguepas,maistoutlemondesaitque,quandelleparlederupture,c’estpourmoi.Exemple:

Situaspeurdet’engager,tumeméritespas.Aucunefillenetetraiteraaussibienquemoi.Jetedonnetoutettumechiesdessus.Jesuismieuxsanstoiqu’avectoi.

Etmapréférée:Monexestuncon.Ehouais,voilàCassidyRichards.Ellem’insulteetaprès,elleveutqu’onseremetteensemble.Àce

moment-là,montéléphoneexplosedemessagesdanslesquelselleditquejeluimanque.Ladernièrefoisqu’onarompu,jemesuisjuréquec’étaitladernière.Cassidyestlareinedesdramaqueens.C’estfini,j’enaimaclaque.

—C’estquoisonproblème,ànotresœur?demandé-jeàMarissaunefoisqueDaniestsortie.—Fautpasmedemander,répond-elleenhaussantlesépaules.Marissaposesonboldansl’évieretmesuitdehorsquandj’entendsklaxonner.Trey,monmeilleur

ami,s’estgarédansnotreallée.Ilestassisfièrementdanssavoiture,unevieilleHondaCivicavecplusdetroiscentmillekilomètresaucompteur.

Ilpasselatêteparlavitreetlanceàmasœur:—Salut,Marissa!Tuviens?—Non,merci,Trey,dit-elleenremontantseslunettesetens’éloignant.Jepréfèreprendrelebus.Demoncôté,jemonteenvoitureetTreymeregardeavecunedrôledetête.—Attends,j’aibiencompris?Tapetitesœurveutprendrelebus?—Ouais.—Elleestvraimentsingulière,Vic.—Bizarre,tuveuxdire?Treyme regardedecôté. Il essaiedebalancerdesgrandsmotsdansnosconversations.Quand il

parle,ondiraitunmélanged’intelloetdegamindesquartierspopulaires.Jememoquedelui:ilaimejouerlesdictionnairesambulantsalorsquemoi,j’utiliselesmotslesplussimplespossible.

—JecroisqueMarissavoitlebuscommeuneexpériencesociale.Elleenferasûrementunsujetderédac.

LemoteurdeTreytoussedeuxfoisetonreculedansl’allée.—Commejedisais,tasœurestbizarre.— Et la tienne ? Elle se la joue star hollywoodienne depuis que Jet lui a trouvé ce boulot de

mannequin.— Je ne nie pas l’excentricité de ma sœur, dit-il avec un sourire. Et en parlant d’excentricité,

CassidyRichardsvientdepartiravecDani.Jecroyaism’êtretrompédemaison.Qu’est-cequ’ellefichaitlà?

—Jenesaispascequ’elleaderrièrelatête.Treyéclatederire.—Elleveutressortiravectoi.Voilàcequiluitrottedanslatête.J’aiunfrissonrienqued’ypenser.—Danssesrêves.

—Ilyalebaldulycée,lemoisprochain.Elleapeut-êtrebesoind’uncavalier,etc’esttoiqu’elleveut.Situn’aspasd’autresfillesàdisposition,tupeuxtoutaussibiencondescendreàyalleravecelle.Tunevaspast’yrendreseul,quandmême.

Cebal,c’estbienlecadetdemessoucis.—Mec, on va changer de sujet. Je n’ai pas envie de parler de Cassidy ni de la soirée. Ni de

«condescendre»,d’ailleurs, jenesaismêmepascequeçaveutdire.Quand tuparles, il fautque lesgensnormauxpuissenttecomprendre,tusais.

—Tuneveuxpasaméliorertonvocabulaire,Vic?—Non.—Très bien, répond-il en haussant les épaules.Alors parlons de ta bagarre d’hier soir.Tout va

bien?Onm’aditqueçaavaitétéviolent.—Ouais.Jen’avaispaslechoix,legarsvenaitd’enmettreuneàHeather.Jebaisselesyeuxversmespoingsabîmés.JesavaisquelecopaindeHeatherfaisaitdelaboxe,

maisjen’imaginaispasqu’ill’utilisaitcommesacdefrappe.Hiersoir,ill’acognéeàlaplage.Elleafaitcommesicen’étaitpasgrave,jurantquec’étaitlapremièrefoisqu’ilétaitviolentavecelle.

Jem’enfousquecesoit lapremièreoulacinquantièmefois.Ilfallaitquecemecsachequ’onnetapepassurunenanasansconséquence.

—Jet’auraissoutenusij’avaisétélà.Toujourspropresurlui,Treydevraitsortirpremierdelapromo.Ils’inquiètedesesnotesautantque

de sa réputation, du coup je ne voulais pas l’impliquer dans une bagarre qui aurait pu se terminer auposte.

—J’aigéré.Jegèretoujours.Treyutilisedesmots,moijefaisparlermespoings.Contrairementàlui,jemefousdemesnotes.Quejebosseoupas,jemeplantetoujours.Jesuisnaze

àl’école,c’estcommeça.LetéléphonedeTreysonnetroisfois.—C’estunmessagedeMonika.Tupeuxlelire?Ilrefused’utilisersonportableauvolant.Ilnequittepaslaroutedesyeux,lesmainsàdixheures

dix,commeonnousl’aapprisàl’auto-école.—Qu’est-cequ’elleveut?—Elleveutromprepoursortiravecmoi.—Ben voyons, Vic, ricane Trey. Le jour oùma copine sort avec toi, c’est que tu as gagné une

médailleàl’école.C’estàlafoisvraietdéprimant.—Çan’arriverajamais,alors.—Exactement.Ilfaitungesteverssonportable.—Alors,qu’est-cequ’elledit?—«Coucou.»—Réponds-lui:«Coucou.»—Putain,bonjourl’ennui!—Ahouais?Lejouroùtuaurasunecompagne,qu’est-cequetuluiécriras?— Je n’aurai pas de compagne, Trey. Si j’avais une copine, je lui écrirais tellement plus que

«coucou»!Surtoutavecunvocabulairecommeletien.J’écriraissansdoutequejepenseàelletoutelanuitetquejenepeuxpasmel’enleverdelatête.

—Lesautresnanas,jeleurécrisdestrucssales,plaisante-t-il.Jenegagnepasencrédibilité,là?—Ouais,ouais.ToutlemondesaitqueTreyetsacopine,MonikaFox,sontinséparablesetvonttrèscertainementse

marierunjour.Ilnelatromperaitjamais.Lavérité,c’estqueTreyignoretotalementquejesuisamoureuxdeMonikadepuisdesannées.Maisvuqu’ilsortavecelle,elleresteraàjamaisinaccessible.Mêmesijenepeuxpasmel’enleverdelatête.

Chapitre2

MONIKA

Jedétestemelever,mêmependantlesvacancesd’été,quandjepeuxdormirjusqu’àmidi.Aujourd’hui,c’estlarentréedeterminale.Quandmonréveilasonnéàsixheures,jemesuisrappeléquelesvacancesétaientfinies.

Je titube, àmoitié voûtée, jusqu’à la salle de bains. Jeme brosse les dents et fixe le flacon demédicamentssurlatablette.Lespilulesmefixentàleurtour,d’unairdedire:«Prends-nous!»

J’enavaleuneavecunegrandegorgéed’eau.—Monika!criemamandepuisl’entrée.Tuesdebout?—Ouais!dis-jeenentrantdansladouche.—Bien,tonpetitdéjeunerestprêtalorsdépêche-toi!Ilnefautpasqu’ilrefroidisse.Sousladouche,jefermelesyeuxetlaissel’eauchaudecoulerlelongdemoncorps.Ensortant,je

mesensmillefoismieux…presquenormale.Etendescendantl’escalierdansmonuniformedepom-pomgirl,tenueobligatoirelejourdelarentrée,jesuisàfond.

Jemesensboostée,jesuisprête,jesuisautop.—C’estsupermignon,s’exclamemamanavantdem’embrassersurlajoue.Elleposeuneassietterempliedepancakesaumilieudelatableetuneautreavecdeuxœufsauplat

devantmoi.—Tiens.Jeris.—Maman,ilyenapourtouslesélèvesdeFremont!—Tamères’estunpeuemballée,ditpapaenapparaissantàlaporteavecunechemisesurmesure,

et«DrNealFox»brodédessus.Àuneépoque,j’auraispréféréquemonpèreaituneautrespécialitéquelachirurgieesthétiquemais

unjour,j’airencontréunpatientquis’étaitfaitmordrelevisageparunpitbull.Ilm’aditquemonpèreétaitunhéros,qu’ilauraitvoulumourirsimonpèrenel’avaitpasaidé,etcelaatotalementchangémafaçondevoirleschoses.

Papam’embrasselesommetducrâne.—Commentçava,mapuce?—Trèsbien.—Tuaspristescachets?—Oui,papa.Tumeposeslaquestiontouslesmatinsetjetedonnetoujourslamêmeréponse.Tu

vasarrêteroupas?—Jamais.—Ilt’enverrasansdouteunmessagechaquematinquandtuserasàlafac,s’amusemamanenlui

donnantunpetitcoupdecoude.Avecunsourirecoupable,monpèreenlacemamèrepourl’embrasser.—Tumeconnaissibien,chérie.

Oui,mesparentscontinuentdeseséduire.Jem’enplainsparfoismaislaplupartdesparentsdemesamissontséparés.C’estrassurantdesavoirquelesmienss’aimentencorevraiment.

Mamère,quitravailledanslapub,sortsontéléphoneetlebraquesurmoi.—Qu’est-cequetufais,maman?—Jeprendsunephotodetoilejourdelarentréedeterminale.C’esttellementexcitant!Elleaunsouriresigrandquej’aienviederire.—Hmm…maman,cen’estpaslaremisedesdiplômes,d’accord?Cen’estquelepremierjour.Et

sijeredouble?Tuprendrastoujoursdesphotosdemoiàcemoment-là?—Biensûrqueoui,Monika,répondpapaenbuvantunegorgéedesonthématinal.Maissituasdes

bonnesnotes,tuobtiendraslafacdetonchoix.C’estunplus!—Bonjourlapression,papa.Jedisçaenplaisantant,mêmesitoutlemondesaitquemonpèreestsortidulycéepremierdesa

promo.—Onveutseulementquetufassesdetonmieux,ajoutemamanenprenantuneautrephoto.Sinon,on

feravenirtononcleThomaspourqu’iltefasseentendreraison.—Cool.J’aimebienoncleThomas,mêmes’ilestassezsévère!Etsi,enfaisantdemonmieux,j’ai

àpeinelamoyenne,vousserezquandmêmecontents?Mesparentss’échangentunregardavantdeseretournerversmoi.—Tun’espasdugenreàavoirjustelamoyenne,Monika,ditmaman.— Et ton petit copain non plus d’ailleurs, ajoute papa. À ce qu’on m’a dit, Trey devrait sortir

premierdeFremont.—Commenttulesais?—C’estluiquimel’adit,répond-ilenlevantsatasse.Cegosseestungénie.Avecuncopainpareil,ilfallaits’attendreàcequ’ilparleàmonpèred’universitésetdeclassement

àl’école.Aveclefootballaméricain,cesontsessujetsdeconversationpréférés.Montéléphonevibre.C’estunmessagedupetitgénieenpersonne.

Trey:Jesuisdehors.Prête?Moi:Ouais,1s.

—Lepetitgénieestlà,dis-jeàmesparentsenfourrantlerested’unpancakedansmabouche.—Ilveutvenir?demandepapa.Dis-luiqu’ilrestepleindepancakesavecdesœufs.

Moi:Pveutsavoirsituveuxpancakes+œufs.Trey:Déjàmangé.Remercie-lesurtout!Moi:Lèche-cul.Trey:☺

Jeprendsuneautrebouchéed’œufs,embrassemesparents,posemescouvertsdansl’évieretsors.Mamanmesuit,sontéléphoneàlamain.—Laisse-moienprendreunedevousdeux,dit-elleenfaisantsigneàTrey.Ellen’apasvuqueVictorSalazarétaitdanslavoituredeTrey.Dèsqu’ellel’aperçoit,ellesefige.—Ah…

Peu importe ce que je dis à mes parents, la réputation de Vic n’est plus à faire. Il a été arrêtéplusieursfoisparcequ’ils’étaitbattuetilsn’aimentpasquenousappartenionsaumêmecercled’amis.Enplus,ilatoujoursl’airsombre.Jecroisquec’estsafaçonàluidefairecomprendreauxgensdenepasl’approcher,commeçailsnepeuventpassavoiràquelpointsaviefamilialeestchaotique.

—D’accord,bon,euh…,faitmaman.Treydescenddevoiture.—Vic,viens,MrsFoxveutprendreunephotodenous.—Jecroisqu’elleveutjusteunephotodeMonikaettoi.Vusontongrave,ilsefichecomplètementdenepasêtredessus.J’ouvrelaportièrepassagerettireVicparlebras.—Viens,c’estl’heuredelaphoto!—Jedétesteça,marmonne-t-il.—Fais-lepourmoi.Sionfaitçarapidement,onneserapasenretardetonnefinirapasencolle.Vichausselesépaules.—Moi,j’aienvied’êtreàlabourre.Mamanse racle lagorgequandVicdescenddevoiture. Jene l’aipasbeaucoupvucetété, ilest

devenubaraqué.TreyetVicsesontbeaucoupmusclésenvuedelasaisonàvenir.Ilported’ailleursunmaillotdefootball,commeTrey,maisVicaaussiunjeanstrouéalorsqueTreyluiaunjeansmoulantquisouligne ses longues jambesmusclées. Ils sontmeilleurs amis et enmême temps si différents l’un del’autre.

Jememetsentrelesgarçonsetsourispendantquemamanprendlaphoto.—Vousmel’envoyez?demandeTrey.—Biensûr,répondmamanquis’exécuteillico.Oui,mesparentsontlenumérodeportabledemoncopainenregistrédansleurrépertoire.Vicsecouetrèslégèrementlatête,commes’ilnecomprenaitpascommentTreypeutêtreaussibien

acceptéparlesparentsdesacopine.Vicestlegenredegarçonàévitertoutcontactaveclesparents.Quandonarriveaulycéedixminutesplustard,onmarcheverslebâtimentpourseretrouvertous

danslecouloirdesterminales.Tousnosamissontlà.DereketAshtynseregardentdanslefonddesyeuxcommes’ilsvoulaientplongerdans l’âmede l’autre.Breeajustesacoiffure,pouravoir l’airplusqueparfaite.Jetattirel’œildetouteslescélibataires.Ilal’habitude,surtoutdepuisqu’ilfaitdumannequinatet qu’on peut voir sa photo dans différentes boutiques et plusieursmagazines.C’est devenu unemini-célébrité,àFremont.

Trey,quiestrestéàcôtédemoidepuisnotrearrivée,reçoituntexto.Iltournesonportabledesorteàéloignerl’écran;j’ail’impressionqu’ilmecachequelquechose.

—Jerevienstoutdesuite.—Pourquoi?Qu’est-cequisepasse?Quiest-cequit’écrit?Je me rends bien compte que je passe pour une copine possessive et envahissante. La semaine

dernière,onétaitensembleetilpassaitsontempsàécrireàquelqu’unavecsontéléphone.Ilm’aassuréplusieursfoisquec’étaitsoncousin,aprèsilm’aditquec’étaitsasœur.Jen’yaipasfaitattentionmaisj’ail’impressionqu’ilyaunmurentrenousaujourd’hui.

—C’estmonpère,ilveutquejel’appelle.Jereviens.Ilm’embrassesurlajoue.—J’t’aime.Jeluirépondsdefaçonautomatique:—Jet’aimeaussi.

Puisjeleregardepartiravecunnœuddansl’estomac.JemetourneetvoisCassidyRichardsmarcherversVic,quiasoncasieràcôtédumien.Ellejoue

aveclespointesdesescheveuxblonds,longsetbouclés,enseléchantleslèvres.Ellelecherche,c’estévident,maisilnecèdepas.

—Bonjour,Vic,susurre-t-elle.—Salut.Cassidyestdansl’équipedepom-pomgirlselleaussietellechercheàrécupérerdesinfossurla

viedeVicdèsqu’ellelepeut.J’aménagemoncasiertoutenessayantd’ignorerleurconversation.C’estdifficile,celadit,ilsdiscutentjustedevantmoi.

—Ilparaîtquetut’esbattuhiersoir,commenceCassidysuruntonaccusateur.ÀcausedeHeatherGraves.Alorscommeça,elleteplaît?

Vicclaquesoncasier.—Tuessérieuse?—J’ailedroitdeteposerlaquestion,ditCassidy,lesmainssurleshanches.—Non.—Trèsbien,souffle-t-elle.C’étaitjustepourfairelaconversation.—Tuvoulaisluicasserdusucresurledos.Cassidys’envaenvitesseetVicsecouelatête,énervé.J’accrocheunmiroiretdécorel’intérieurdemoncasieravecdesphotosd’amisetdescoupuresde

magazines,conscientequeVicm’observe.—Quoi?luidis-jealorsqu’ilsecouelatête.Ilfaitunsigneverslesphotos.—Pourquoitutesensobligéededécorertoncasier?—Parcequeregarderdesphotosdemesamisetdechosesquej’aimemefaitsourire.Jepointeledoigtverssonvisagecontinuellementimpassible.—Tudevraisessayer.Çafaitdubiendesourire,tusais.Ila les traits tendusen regardantCassidy,à l’autreboutducouloir,échangerdespotinsavecses

copines.—Peut-êtrequejen’aiaucuneraisondesourire.—Allez,Vic!Toutlemondeaquelquechosequilefaitsourire.—Toioui,Monika.Pasmoi.Siseulementilsavait.Ils’appuiecontresoncasier.BrandonButterarriveàcemoment-là.—Hmm,Vic…euh,çam’embêtequetul’apprennesparmoimaisquelqu’unavuunedetessœurs

danslecouloirHavecLukeHandler.Vic marmonne une série d’injures, pour lesquelles il finirait sans doute dans le bureau de la

directricesiunprofl’entendait.LukeHandleralaréputationd’essayerdesetaperleplusdefillespossible.Ilaaussil’habitudede

publierenlignedesphotosdefillesentraindel’embrasser.Çaflattesonegoetsonstatutdeplayboy.Ilaparfait sa technique pour convaincre chaque fille que, contrairement à toutes les précédentes, elle estcellequilepousseraàunerelationmonogamesérieuse.EtsiLukepassepourunbeaugosseunefoisleur«relation»terminée,lesfillesgagnentunemauvaiseréputation.

Vicatoutàcoupunvisagedetueur.—JesouriraiquandjebotteraileculdeLukeHandler,déclare-t-ilenseprécipitantverslecouloir

H.

—Nevapast’attirerdesennuis!JesaisbienqueVicn’apaspeurdeça.Ilfautquequelqu’undiseàVictorSalazarqu’onn’estpascensésourireensebattant.Jamais.

Chapitre3

VICTOR

Danidébarquetoutjusteaulycée,ellen’apasidéedecequisepassedanslecouloirH.Engénéral,lesnouveauxapprennentauboutdequelquesjoursquesituveuxunmomentd’intimité,tuvasdanslecouloirHpouréviterlesprofs.

Autrementdit,l’espacedesgarces.LasonnerieretentitpileaumomentoùjechoppeLukeHandlerentraindeparleràmasœuralors

qu’elleestappuyéecontrelemurdebrique.Elleleregardeparendessous,enbattantdescils,etricaneàcequ’ildit.

—Hé,Handler!Cecrétinétaitsurlepointdeluitoucherlevisageavecsesmainsdégueulasses.Jel’attrapeparle

coletfixesesyeuxdefouine.—Qu’est-cequetufichais?Ilmetlesmainsenl’air.—Euh…rien.—Tutefousdemoi?LeregarddeHandlerjongleentreDanietmoi.—C’esttacopineouquoi?Jesourisavecmépris.—Non,c’estmasœur,espècedepetitemerde.Si je tevois juste laregarder, laramenerdansle

couloirHouprendreunephotod’elleetlapublier,tuteprendsmonpoingdanslagueule,compris?Legarsdéglutitbruyamment.—D’accord,j’ai…j’aicompris.Jelelibèreetilseprécipitedanslecouloirpours’éloignerleplusvitepossibledemoi.J’entends

masœurgémirdefaçonexagérée.—Franchement,Vic!T’estropnaze!Jevoulaisjustem’amuser.Tuvastoujoursmepourrirlavie?—Oui.— Je ne suis pas fragile commeMarissa, assure-t-elle en levant les yeux au ciel. S’il avait fait

quelquechosequejenevoulaispas,ilauraiteumongenoudanslesparties.Je n’ai aucun doute là-dessus,maisDani n’a pas l’habitude des types commeHandler la grande

gueule.Lasecondesonnerieretentit.C’estpasvrai!—Marissadoitdéjàêtreenclasse.CequivautbienmieuxquedeseretrouverdanslecouloirH

aveclebranleurdeFremont.Ilvoulaitunmomentavectoipourpouvoirpublierdelamerdeàtonsujetsur Internet. Je ne compte pas le laisser faire. Maintenant, va en classe avant que le gardien ne tesurprenneentraindesécher.

Masœurrassemblesesbouquinsetcommenceàs’éloigner.—Tuesunhypocrite,Vic.Tutelajouesgrandseigneuralorsquec’esttoilapiresaloperiedans

cetteécole.Ilparaîtquelesgensparientpoursavoirsituvasfinirdiplôméouentauled’iciàlafinde

l’année.Tuasbesoinquejetedisesurquoionmiseleplus?—Paslapeine.Ellemelanceunsouriresatisfait,méchant,commeceuxdepapá,avantdefilerenclasse.JepénètredanslecouloirMpourmonpremiercoursdelajournéequandjetombenezànezavec

l’hommequiestcenségarderladrogue,laviolenceetlescasseurshorsdel’école:l’agentJim.—Stop!Àsatête,onvoitqu’ilaimebeaucouptropsonmétier.—Gamin,jepariequetun’aspasd’autorisationdesortiedeclasse.Jesecouelatête.—Alorsonvasebaladerjusqu’aubureaudeladirectrice.Sijem’attiredesennuis,lecoachDietervafairedemavieunenfer.Lestourssupplémentairesà

l’entraînementneserontjamaisqu’unproblèmeparmitantd’autres.—Jenepeuxpasjusteallerenclasse?Soyezsympa.L’agentJimsecouelatête.— Mon travail, c’est de signaler tout retard ou toute activité suspecte pour faire baisser la

délinquancescolaire.—Ladélinquance?Allez, vous n’êtes pas sérieux.C’est la rentrée ! Jeme suis peut-être juste

perdu.—Salazar,tuesenterminale.Situt’esvraimentperdu,jeteconduiscouloirB,làoùilyalescours

spécialiséspourceuxquisouffrentdetroublesdel’apprentissage.Tuveuxqu’onyaille?—Non.—C’estbiencequimesemblait.Ilme fait signede le suivre jusqu’à l’administration.Onmeditdem’asseoiretd’attendreque la

directriceFinnigansoitmiseaucourantdemadélinquancescolaire.Lablague!L’agentJimsetientàcôtédubureaudelasecrétaire,letorsebombéetunegoaussiénormequeson

bideàbière.—VictorSalazar,MrsFinniganvavousrecevoir,m’annoncelasecrétaire.J’entre dans le bureau de Finnigan ; elleme dévisage depuis son fauteuil. Elle porte un costume

d’homme.Cheveuxbrunscourts.Elleveuttroppasserpourunedure.Oupourunmec.Lesdeuxpeut-être.—MrSalazar,asseyez-vous.J’obéis.Lesmainscroisées,ellesoupireungrandcoup.—Vouscommencezl’annéedumauvaispied.Sécherlescoursestinacceptable.—Jeneséchaispas,m’dame.—Voustraîniezdanslecouloirsansautorisation,Victor.Durantlapremièreheure.Ellesepenchecommesicequ’elleallaitdireétaitvraimenttrèsimportant.—Onnevapas tournerautourdupot.Vousavez l’habitudede sécher, jeunehomme.Vous savez

pertinemmentque jene tolèreni ladélinquanceni les retards.Vousêtes joueurde football,Victor.Enterminale.Ilfaudraitsongeràprendredebonneshabitudes,cettefois…oujedemanderaiaucoachDieterdevousvirerdel’équipe.Vousvousréveillerezpeut-êtreàcemoment-là.

Jamaisdelavie!Jenepeuxpaslaisserfaireça.Lefootball,c’esttoutemavie.J’ail’habitudedetrouverdesexcusespourmesortirdupétrin,c’estcommeunjeu,etj’aimegagner.

—Écoutez,m’dame,j’aidaisunepetitenouvellequinetrouvaitpassaclasse,ducoupçam’amisenretard.Honnêtement,jedevraisrecevoirunemédailleduboncitoyen,d’actedebravoure,jenesaispasquoi,plutôtqu’unesanction.

Jevoisqu’elleessaiedecontenirunsourire.

—Unemédailleduboncitoyen?Jeprendsunairinnocent.—Jen’allaisquandmêmepassécherlepremierjourdeclasse.—Sanscommentaire.Elles’enfoncedanssonfauteuil;saleçonestterminée.— Aujourd’hui, je vais être gentille et me contenter d’un avertissement. Une dernière chose,

appelez-moimadameFinniganoumadameladirectrice…jamais«m’dame».Elledécrochesontéléphoneetditàlasecrétairedefaireentrerl’agentJim.—Veuillez escorterMrSalazar à sonpremier cours.EtVictor… jemedélecte de nos échanges

maisjepréféreraisqu’ilsconcernentvosambitionsuniversitairesplutôtquevosinfractionsaurèglement.Desambitionsuniversitaires?Elleplaisante?Jen’ajouterien.Jevaislaisserm’dameaupaysdesBisounoursencorequelquesjours.

Chapitre4

MONIKA

MrMiller,notreprofdesocio,faitl’appel.IlrépètetroisfoislenomdeVictorSalazaravantdelenoterabsent.

—Est-cequequelqu’unauraitvuMrSalazarcematin?Plusieurspersonneslèventlamain.—Jel’aivuàsoncasier,affirmeungarçon.Unefilleauraitentendudirequ’ilsebattaitdevantl’école,etuneautreprétendl’avoiraperçudans

lecouloirjusteavantlecours.CassidyRichardsestassiseaupremierrang.EnentendantparlerdeVic,ellegrimaceetmarmonne

quec’estuncon.MrMillercommenceàprésenterleplanducoursquandlaportes’ouvreetVicentredanslasalle,

suiviparl’agentJim,letypequipatrouilledanslescouloirsdeFremont.CedernierdiscuterapidementavecMrMillerpuisrepart.

—C’estgentildevousjoindreànous,monsieurSalazar.—Merci,marmonneVic,quidetouteévidencedétesteseretrouveraucentredel’attention.—Asseyez-vousdevant,ordonneleprofalorsqueVicsedirigeaitverslefonddelaclasse.Ilfaitdemi-touretécarquillelesyeuxenvoyantlaplacelibreàcôtédeCassidy.—L’avant,çamerendclaustro,dit-ild’unevoixtraînante.—Dommage,répondMrMillerenpointantdudoigtlachaisevideaupremierrang.Visiblement,il

fautquejegardeunœilsurvous.Vicremontel’alléeavecréticenceet,ens’asseyant,nepeuts’empêcherdedonnerunpetitcoupde

coudeàCassidy.Pendantlerestedel’heure,leprofexpliquequelasocioconsisteàétudierlespersonnesauseinde

groupes.—Les réactions individuelles sont très différentes des réactions collectives ou communautaires.

Nous nous conformons à des normes sociales, que nous en ayons conscience ou non. Et lorsque nousbrisons les normes sociales ou sortons de ce qui est attendu de nous socialement, que se passe-t-ild’aprèsvous?

Cassidylèvetoutdesuitelamain.—Çanousmetmalàl’aise.—Exactement!Celaenvoieunelégèresecousseànossystèmes.Réfléchissezauxnormessociales.

J’aienvieque,vousaussi,vouslesbrisiez.Observezcequ’iladvientlorsquevoussortezdecequelasociétéattenddevous.Filmez-vousentraindefairequelquechosequisortedelanormeetvoyezcequisepasse.

MrMillerseplacedevantlebureaudeVic.— Pour certains d’entre vous, il me semble qu’aller à l’encontre de la norme est une habitude

quotidienne.Iltapotelebureauavecsesdoigts,enfixantVic.

MrMillerfaitcoursencoreunedemi-heurequandlaclochesonneenfinettoutlemondeseprécipitedehors.

—C’étaitviolent,ditVic.—Pourquoi?Parcequ’ils’enestprisàtoi?demandé-je.— Tu crois que j’en ai quelque chose à foutre queMiller s’en prenne à moi ? rétorque-t-il en

secouantlatête.Non.Danscecours,onestcensésavoirfacilementunebonnenote.MaisavecMiller,jesensqueçanevapasêtreunepartiedeplaisir.

Vicn’apasdetrèsbonnesnotes.Ilnefaitpasvraimentd’efforts;c’estprobablementparcequ’ilnesepensepasassezintelligent.Ilm’aditunjourqu’ilallaitseconcentrersurlescoursfaciles.J’aichoisilasocioparcequelamatièrem’intéressevraimentetjepenseétudierlasociooulapsychoàlafac,pasparcequec’estcenséêtredugâteau.

—Jet’aideraiaveclescours,proposé-jeàVic.JejetteunœilversCassidyquimarchedevantnousenroulantdeshanches,sansdoutepourqu’illa

remarque.Jeletireversmoipourluichuchoteràl’oreille.—OujesuissûrequeCassidyaimeraitbeaucouptedonnerdescoursparticuliers.Ilneregardemêmepasdanssadirection.—Necommencepas.Elledisparaîtaudétourd’uncouloir.—Vic, jene comprendspaspourquoi tune lui donnespasune autre chance.Elle t’aimeencore,

c’estévident…quandellenetetraitepasdesalaud.—Jesuisunsalaud.—Non,pastoi.Vicfaitpartiedemongrouped’amisdepuisqu’onestarrivésaulycée.Jeleconnaisbien,mêmes’il

aconstruitunmurd’unkilomètredehautautourdelui.Àcertainsmoments,savraiepersonnalitéperceàtraverssafaçadedegrosdur.

—Parfois,tues…—Untrouducul.—Non,j’allaisdirevifoulunatique.Passionné!Ilcommenceàpartirmaisjeluiagrippelebras.—Tuesvrai.Ettuprotègeslesgensquitesontchers.J’aimeçacheztoi.Ildétourneleregard,lecomplimentlerendvisiblementmalàl’aise.Cen’estpasunratécommesonpèreveutluifairecroire.Àvraidire,jemereposesouventsurVic.

Treyaussi,d’ailleurs.Vicestd’uneloyautéinégalableetcelareprésentebeaucouppourmoi.Il a aussi beaucoup de charisme.C’est drôle, il n’a pas conscience d’être populaire ni d’être un

grand sujet de conversation chez les filles. Il apourtant sonpropre fan clubdans lesgradins lorsdesmatchsdefootball.

Vicestaucentredel’attentiondelaplupartdesélèves,qu’illeveuilleounon.Jeregardeàl’autreboutducouloiretremarqueunenouvellelepointerdudoigtetricaner,toutexcitée,puiselleprendunephotodeluipendantqu’ilaledostourné.

—Qu’est-cequeturegardes?demandeTreyquiapparaîtderrièremoietm’embrasselanuque.Jemetourneetleserredansmesbras,balayantl’imageducorpsdeVicdemonesprit.—Rien.Alors,tapremièreheure?—Honnêtement, je stressedéjà, répond-il en reculantunpeu.Çavaêtre ardude faire toutes les

optionssansheuresd’étude,etjeneteparlepasdetouslesdossiersetlettresdemotivationàécrirepourlafac.Sansoublierlefootball.Jesuissousl’eauetc’estjustelarentrée.

—Tun’aspasbesoindeprendretouteslesoptions,luidis-jealorsquenousdescendonslecouloir.JeremarquequeTreynemetientpaslamain.Avant,ilmetenaittoujourslamaindanslescouloirs.

Là,ilesttropangoissé,tellementstresséqu’ilnepeutpaspenserànotrecouple.Jecomprends,celadit.Onnesortpasmajordepromotionenétantunbonpetitcopain. Il fautavoir lesmeilleuresnotesdanstouteslesmatières.

—Allègetonprogramme,situstressesautant.—Jenepeuxpas.C’estuneannéecharnière.—Jesais.Ilpasse ses livresd’unemainà l’autreetunpetit sachet transparent remplidepilules tombedes

pagessurlesol.Ils’empressedeleramasser.—Qu’est-cequec’est?—Desmédocspourl’anxiétéquelemédecinm’aprescrits.Çamecalme.C’estbizarre.Ilnem’ajamaisditqu’ilprenaituntraitement.—Pourquoilespilulessontdansunsachet?—Parcequejen’avaispasenvied’apportertoutleflaconàl’école.Pasdequoienfaireunplat.— Trey, je n’ai pas envie qu’on croie que tu te drogues, murmuré-je. Les sachets, c’est ce

qu’utilisentlesdealers.Demandeàtesparentsderemplirunformulairedetraitementàl’infirmerieet…—C’est une perte de temps,Monika. En plus, je n’ai pas besoin que l’infirmière ou une tierce

personnemettesonnezdansmesaffaires.Ilapresquel’airénervédemasuggestion.J’ail’estomacquifaitdesbonds.—D’accord.—Ladeuxièmeclochevabientôtsonner.Jetevoisplustard.Etils’enva.Deplusenplus,j’ailasensationquequelquechosenevapasavecTrey.Jemerépètequec’estle

stressdelarentréeparcequ’ilveutêtrelemeilleur,àl’écolecommesurleterrain.Ets’ilyavaitautrechose?

Chapitre5

VICTOR

LesentraînementsdefootballducoachDietersontrudes,surtoutenété,quandilfaitunechaleurmortelledehors.Lescoursontreprisilyapresquedeuxsemaines.Lelancementofficieldelasaisondefootballauralieuvendredi,alorsDieternenouslâchepas.

Après l’école, on doit passer une heure dans la salle de musculation. Je suis en chemin pourrejoindremes coéquipiers quand j’aperçoisHeatherGraves debout à côté de l’entrée. Elle porte deslunettesdesoleiletsemblenerveuse.

—Salut,Vic.Jepeuxteparler?—Biensûr,qu’est-cequ’ilya?Elleretireseslunettes,dévoilantunsaleœilaubeurrenoir.—Je,euh…voulaisjusteteparlerdel’autresoir.Joes’énervefacilementmaisjetejurequec’était

lapremièrefoisqu’ils’enprenaitàmoi.Bref,j’étaisjustevenueteremercier.Elleditçacommesij’étaisunsuper-héros;jenemebaladepasàlarecherchedegensàsauver.

J’aifaitcequen’importequiauraitfaitquandunefilleprenduncoup.—Lesgarçonsnedoiventpastaperlesfilles.Jamais.Ellebaisselesyeux.—Jesais.Je…ildevientcommeçaquandilabu.Sonpèreletraitecommedelamerde.—Monvieuxmetraitecommedelamerdeetjen’aijamaistapésurunefille.Ellesoupire,avantd’acquiescer.—Onarompu,lâche-t-elleenessuyantunelarmepuisellesereprend.Jedoisyaller.Désoléede

t’avoirdérangé.Ellesepenchepourmeprendredanssesbraspuispartencourant.Je me retourne et découvre Jet appuyé contre le mur opposé. De toute évidence, il a suivi

l’intégralitédenotreéchange.—C’estcool,cequetuasfaitpourelle.Dis-moi,tuasdécouvertquesoncopainétaitunasenarts

martiauxavantdeluibotterlecul,ouaprès?—Pendant,luidis-jeetçalefaitrire.—Hé,Vic!lanceTreyquandj’entredanslasalledemuscuetsautesuruntapisdecourse.Ilva

falloirquetuaccélèressituveuxespérercouriraumoinsdeuxfoismoinsvitequemoi.Treyetmoi,onesttoujoursencompétition.Jeleregardealorsqu’ilaugmentelavitessedesontapis

pourdépasserlamienne.—J’aicouru tout l’été,monpote, luiannoncé-je.Tunevaspas rester leplus rapidede l’équipe

bienlongtemps.J’accélèrelerythmepourlerattraper.Ilmerépondenriantdeboncœur,etaccélèreànouveau.—Bandedecrâneurs!Ashtyn,del’autrecôtédelasalle,faitdesdéveloppés-couchésavecsoncopain,notrequarterback

Derek.Ellealaplacedekicker,alorsellen’apasbesoindetropmusclersesbrasmais,commemoi,elle

aimedépasserseslimites.C’estsansdoutepourçaquenoussommesamis.Onsecomprend…enfin,jene comprends pas sa relation avecDerek Fitzpatrick, dit « le Fitz ». Là, je ne capte pas du tout. Ilss’engueulentenpermanence;çamerendfoudelesentendreseprendrelatêtecommeunvieuxcouple.

—IlparaîtqueCassidyveutquetul’invitesaubaldulycée,meditAshtynaprèsavoirfinisasérie,enessuyantsonfrontdégoulinantdesueuravecuneservietterose.

—Jamaisdelavie.—Ilfautbienquetuinvitesquelqu’un.Ilfautquetuviennes,c’estnotreterminale,Vic!—Hmm…non.—Écoute,Salazar,tuviens!Quetuleveuillesounon.—Tudoispesercentgrammes,max.Tucroisquetupeuxmeforceràfairequoiquecesoit?—Oui.Ellemetapedansledos.—Etjeveuxquetusoisheureux.Heureux?Bonneblague.Jedescendsdutapispourallerboireuncoup.Ellemesuit.Dansunmomentdefaiblessel’annéedernière,j’aiditàAshtynquej’étaisamoureuxdeMonika.Au

début,elleaéclatéderire,pensantquejedéconnais.Puiselleavuquej’étaisonnepeutplussérieuxetacomprisquejedisaislavérité.

C’estlaseulepersonneaucourant,enplusdemacousineIsabel,etellesm’onttouteslesdeuxjuréqu’ellesnediraientrienàpersonne.

Ashtynprendunegorgéed’eaupuismedévisageavecunairdepitiéterrible.—Inviten’importequiaubal.Personned’autreneteplaît?Mêmepasunpeu?Endehorsdelaseulefillequejenepeuxpasavoir?—Non.—Trèsbien,toutlemonde,éclatelavoixducoachDieter,jevousretrouvesurleterrainentenue

complète dans exactement quinze minutes. Tout retardataire aura le plaisir de courir plusieurs tourssupplémentaires.Ilfaittrentedegrésdehors,lesgars,alorssivousnevoulezpasunemaredesueurdansvosjockstraps,soyezàl’heure.

Personneneveutfairedetourssupplémentairesparcettechaleuralorsonseprécipitetousdanslesvestiairespourmettremaillotsetprotections.Ashdisparaîtdanslevestiairedesfilles.

Treysoupire.—Commentest-cequej’inviteMonikaaubal?demande-t-ilàtoutlemonde.Jeveuxfaireuntruc

quilachoque,danslebonsensduterme.Maisc’estpasvrai!Encorecebal?Jepréféreraisencoreparlerdejockstrapspleinsdesueur.Ou

alorsmeplanterdesaiguillesdanslesyeux.—ÉcrisBALsurungâteauavecduglaçageethop,répondJet.— Bonjour l’originalité ! s’amuse Derek. Je vais inviter Ashtyn en écrivant sur un des ballons

demainsoir.Elleleverraenpleinmilieudel’entraînement.—Etsiellenelevoitpas?lanceJetavecunsouriredecôté.Etsic’estnotresecondkicker,Jose

Herrejon,quiletrouveàsaplace?TuvasinviterJoseàlasoirée?—T’inquiètepaspourmoi,lecôtéromantique,çameconnaît.Mesplansneratentjamais.EttoiJet,

c’estquilapauvrefillequivarecevoirtoninvitation?Jetfaitrebondirsessourcils.—JepensaisàBree.Aumoins,avecelle,onsaitqu’onneserapasdéçu.Jeluijettemoncrampondessus.

Jetme le renvoie,puis regardedans lemiroir la seulechosequ’ilaimeplusquesavoiture : sescheveux.

—Tu invites qui, Salazar ? dit-il en s’admirant, pour vérifier que sesmèches sont parfaitementplacées.

Pasbesoindeluidirequedansdeuxminutes,soncasquevacomplètementécrasersacoiffure.—Personne,jen’yvaispas.—Ondoittousyaller,intervientTrey.C’estlatradition.—Tunepeuxpasrompreaveclatradition,renchéritJet.Treylèvelamain.—Nevousinquiétezpas,lesgars.Jevaistrouverlemoyendefairevenirnotrecélibataireendurci

àlasoiréemaisdonnez-moidesidéespourMonika.Jevousjure,j’aitellementdetrucsdanslatête,jen’arrivepasàréfléchir.

—Tudevraispeut-êtrearrêterdeprendretouteslesoptionsetrejoindrelapopulacedanslescoursnormaux,Trey,luiditJet.Onnet’apasditquelaterminale,çadevaitêtretranquille?

—Pasquandtuveuxsortirmajordepromo,ducon.—Les sportifsnepeuventpas êtremajors.Tuvasperturber l’équilibrede l’univers tout entier !

RegardeSalazar…soncerveaunetournepasàpleinrégime.Jegrogneenlerepoussant.—Va te faire foutre ! J’aiuncerveau,seulement jenepeuxpas le faire fonctionnercorrectement

avecvousautour.Vousnecomprendriezrienàcequejedis.—C’estça,monpote,s’amuseJet.— Jet, c’est scientifiquement prouvé qu’aucun cerveau ne tourne à plein régime, corrige Trey.

Maintenant,dites-moicequejedoisfaireavecMonika!SijedevaisinviterunefillecommeMonikaaubal,jem’assureraisqu’elles’ensouviennetoujours.

JedonneunpetitcoupdecoudeàTrey.—Et si tu faisaisquelquechosesur le terrain?Tudemandesà l’orchestrede jouerunechanson

romantiqueettuluimetsunpanierdepique-niquesurlalignedesquarante-cinqmètres.Jetfaitsemblantdevomir.—L’idée pourrie,Vic !Mec, amène-la dans un parc d’attractions et invite-la en pleinmilieu du

grandhuit.Ça,elleselerappellera!—Ungrandhuit!Bonneidée,ditTreydontlevisages’illumine.Merci,Jet,tuesgénial.Ungrandhuit?—Monikadétestelesgrandshuitnon?luidis-je.Jepréfèredeloinmonidéedepique-niquesurleterrain.C’estplus…Monika.Elleestdélicateet

parletoutletempsdefilmsromantiques.Treym’adresseunclind’œil.—Jeluitiendrailamain,ceseraromantique.Nickel!— Il vous reste deuxminutes, les gars ! crieMr Huntsinger, l’assistant du coach. Ramenez vos

fessessurleterrainouDietervavouspourrirlavie!Merde ! Avec toutes ces discussions sur le bal, on a pris du retard. Tous les autres garçons de

l’équipeontdisparuetsontprobablementdéjàentraindefairedesexercices.J’enfilevitefaitmatenueetcoursavecJet,TreyetDerek.LecoachDieterestsurleterrain,lesyeuxrivéssursamontre.

—Vousquatre,vousavezuneminuteetonzesecondesderetard.J’attendsbeaucoupmieuxdemesterminales.Vousmefaitesquatretours,envousarrêtantentrechaquepourvousréhydrater.

Mince!Jelâchemoncasqueetmemetsàcourir.Touslesquatre,onsuecommedesporcssouslesoleildeplomb.

Pour être honnête, on est trois à dégouliner de sueur.Trey, lui, ne transpire pas et ne s’essoufflemêmepas.

Treyestunemachine,toujoursprêtàcourir,ànousdéfierpourmontrerquiestleplusrapide.C’estcommeunjeupourlui,ilsaitqu’ilgagneàchaquefois.Unjour,jelebattrai.Questiond’ego.

—Rappelez-moideneplusjamaisêtreenretard,râleJet.Dieterneplaisantepas.J’ailesbonbonsquicollentaujock.

—J’aiuneidée,lanceDerek.—Ausujetdenosbonbonsquicollent?renchéritJetquis’accrochelespartiessanssesoucierdes

fillesquiregardentdepuislesgradins.—Non.Enfin, peut-être.C’est à propos du bal.On pourrait tous aller chezmagrand-mère pour

l’after.Jetlèvelesmains.—Tagrand-mère,c’estunedingue!Mêmelecoachauraitlesbouless’illarencontrait.—Vousoubliezuntruc,lesgars,ditTreyquiestleseulànepasmourirsouscettechaleur.OnsetournetousversluiquandDieterdonneuncoupdesiffletpournousdired’arrêter.Monmeilleuramimetapedansledos.—OndoittrouverunefillepourVic,parcequejen’yvaispass’iln’yvapas.Jenerépondspas.Laseulefillequejeveuxestjustementlaseulequejenepeuxpasavoir.Lasienne.Heureusementqu’ill’ignoretotalement.Jesuisdanslebrouillardlerestedel’entraînement.Surlecheminduretour,Treyparledefacsetde

candidatures.Jen’aipasencoreréfléchiàlaquestion.Treysegaredansmonallée.Endescendantdevoiture,jedécouvreunpanneausurlequelestécrit

VICTOR SALAZAR #56 DE L’ÉQUIPE DE FREMONT sur la pelouse et ma porte est couverte de messagesencourageantsetniais,dugenreTUVASYARRIVER!,ONAIMEVIC!etMEILLEURLINEBACKERDEL’ILLINOIS!

Commentnepasaimer lespom-pomgirls,quidécorentnoscasiersà l’écoleet lesportesdenosmaisons ? Chaque fille a écrit un message personnel et le colle sur notre porte d’entrée. Mes yeuxcherchentceluideMonika.

ÀmonamiVic,S’ilteplaît,aideTreyàgagnersonpremiermatchpourqu’ilailleàHarvard.Pasdepressionlol!Tonamie,Monika

Mince!Ashtynaraison,ilfautquejetournelapage.Leproblème,c’estquejenesaispascommentfaire.

Chapitre6

MONIKA

Letopquandonauncopainappréciéparsesparents,c’estqueçanelesdérangepasqu’ilvienneàlamaison.Lepirequandonauncopainappréciéparsesparents,c’estqu’ilsletraitentcommeleurfilsadoptérécemment.

Depuis queTrey est rentré de son entraînement,mon père nous a déjà interrompus deux fois. Lapremière,ilestvenudanslacuisinequandjepréparaisdupop-cornavantquel’onregardeunfilm.IlademandéàTreycommentsepassaitl’entraînementets’ilpensaitqueFremontavaitunechancedegagnerlechampionnatd’État.

Laseconde,papaadébarquépilequandonallaitmettrelefilm.IlademandéàTreysonavissurl’idéed’acheterounonuneperceuse-visseuse électriqueavecou sans clédynamométrique. Jene saismêmepascequec’est,alorsjesuisrestéeassiseàjouersurmontéléphoneletempsqu’ilsterminentleurconversation.

Treymeprendlamainalorsqu’onestinstalléssurlecanapé.—J’t’aime.Jelèvelesyeuxverssonmagnifiquevisageébèneetmeblottiscontresapoitrinechaude.—Jet’aimeaussi.J’aienviedeluidirequejelesensdistant.Mêmemaintenant,alorsqu’ilasonbrasautourdemoi,il

yaunmurentrenous.Direquec’étaitlegarçonparfait.Aujourd’hui,ondiraitqu’àlamoindreoccasion,ilmelaissesans

seretourner.Monpèredébarquedanslapiècesanscriergare.— Trey, je peux te déranger quelques minutes ? J’essaie de remplacer une tête d’arrosoir

automatiqueetjem’arrachelescheveux.—D’accord,DrFox!lanceTreysanshésitation.—Papa,onallaitregarderunfilm,dis-jeengeignant.Ilnepeutpast’aideraprès?Treymetapotelegenouetbonditpresque.—Nesoispasimpertinente.Jerevienstoutdesuite.Impertinente?Avant, je trouvais touchante la façondeTreyde lancercequemonprofdeprimaireappelaitdes

« mots à cinq dollars ». Cela le rendait unique et me rappelait combien il était intelligent. Maisaujourd’hui,çam’énerve.

Treyquittelapièceavecmonpère,melaissantseuleàavancerlegénériqueetmettresurpausejusteaudébutdufilm.

Je sais bien qu’aider mon père prendra plus que quelques minutes. Je vérifie l’heure sur montéléphoneàmesurequeletempspasse:cinqminutes,dixminutes,quinzeminutes.

LetéléphonedeTreyvibre.Iladûtomberdesapochequandilétaitassissurlecanapé.Jemedisquecedoitêtreundenosamis,maisjemetrompe.

Zara:Salut,bébé!Tumemanques,Einstein!Télquandtttseul.

Letextosetermineavecpleindepetitscœurs.Marespirationralentitalorsquejeprendslamesuredelasituation.Moncopainmetrompe.Jene

suispassurprisemaisécœurée,abattue.Netirepasdeconclusionhâtive,medis-je.Jerelisletextodixfois;surcecoup-là,jevaisêtrebienplusqu’«impertinente».Refusantdecéderàlapanique,jesorsettrouvepapamontrantfièrementàTreylanouvelletondeuse

àgazonqu’ils’estachetéeilyaquelquessemaines.Agenouillé,Treyexaminelamachinetandisquemonpèreluiexpliquetoutexcitélesfonctionnalités.Ilsontcrééunvrailienpère-fils.

Moncopainremarqueenfinmaprésence.— Trey, tu as unmessage, dis-je en brandissant son téléphone. Tu as laissé ton portable sur le

canapé.Ilmeleprenddesmainsetlerangedanssapoche.—Merci.—Tunevaspaslelire?Ilnemeregardepas.—Plustard.—RentreavecMonika,intervientmonpère.Jeneveuxpasinterromprevotrerendez-vous.—Çava,DrFox.N’est-cepas,Monika?conclutTreyavecunclind’œiletsonsourireunique.Jemesouviensdelapremièrefoisqu’ilm’asouri.C’étaitjusteaprèsl’entraînementdepom-pom

girls, l’été avant d’entrer au lycée. L’équipe de football est passée devant nous pour rentrer auxvestiaires.Trey etVicmarchaient côte à côte.Vicm’a juste fait un signe de tête tandis queTreym’asouri. Il a un sourire qui transpire la confiance et la sincérité. J’aurais bien voulu faire plus ampleconnaissanceavecVic,maisluinem’apasprêtéattention,contrairementàTrey.Lelendemain,Treym’aretrouvéeàmoncasieretm’ademandédesortiraveclui,toujoursensouriant.Onestensembledepuis.

—Trey,ilfautqu’onparle.—Çaal’airgrave,répondpapa.Tuveuxunconseild’homme,Trey?Quandunefemmeditqu’il

fautparler,prépare-toipsychologiquement,plaisante-t-ilavecdesridesaucoindesyeux.Treyricane.—Mercidel’avertissement,DrFox,dit-ilavantdemesuivredanslesalon.Qu’est-cequ’ilya?Jedéglutis.—QuiestZara?Ilaunregardconfus.—Zara?fait-ilcommes’iln’avaitjamaisentenducenomauparavant.—Ouais,tusaisquic’est,puisqu’elleestenregistréedanstontéléphone.—Tuasfouillédansmescontacts?—Non, jen’aipasfouillédans tescontacts.Untextos’estaffiché,venantd’unefilleprénommée

Zara.Lis-le.Ilsortsonportabledesapoche.Aprèsavoirlulemessage,illerangeimmédiatement.—Detouteévidence,c’étaitpourquelqu’und’autre.Tunepeuxpascroireuneseulesecondequece

textoétaitpourmoi,quandmême?Maintenant,c’estmoiquisuisconfuse.J’ailatêtedanslebrouillard.

—Jenesaispasquoipenser,Trey.C’estassezlouche.—Sérieux,c’estabsurde!s’exclame-t-ilensecouantlatête.Tun’aspasconfianceenmoi?Avant,jerestaispendueàseslèvres.Ilestsiintelligent!Jemetournaisversluipourdesconseilset

sonamitié.Aujourd’hui,lesmotsquisortentdesaboucheontl’airforcés,videsdesens.—Jenesaispas.Ellet’appelleEinstein,Trey.C’esttellementtoi.J’aienviedelecroire,maisjen’yarrivepas.—Jen’aiplusenviede regarder le film, là. Jevaisyaller.Franchement, si tunepeuxpas faire

confianceàtoncopainaprèstroisans,çarimeàquoi?—Attends!Tuneveuxpasqu’onendiscute?Tunem’asmêmepasditquiestcettefille.Elleest

danstontéléphone,donctulaconnais.—Excuse-moidenepasvouloirresteravecmacopinequandellerefusedemecroire.Ilcommenceàsortirdelapièce.—Jet’appelleplustard.J’ailecœurquibatàcentàl’heureetjenesaispasquoidirepourarrangerleschoses.—Trey…Ilseretourne.—J’aienviedetecroire.—Maiscen’estpaslecas.—Jenesaispas.Entrelespilules,ça…—Tuosesmeparlerdeçamaintenant ?Cen’estpas lemoment. J’ai tropde trucs sur lesbras,

Monika.Mercidemestresserencoreplus!Moncorpsseraiditàcesmots.—Quandtuparles,ondiraitquejeresteàlamaisonànerienfairedelajournée.Moiaussi,j’ai

mesdossierspourlafac,Trey.Jevaisencours,ilyalespom-pomgirls.Jesuisstressée,moiaussi.—Tun’aspasdeboulot,tun’aspasàtesoucierd’argentpourpayerl’université.Ilfaitungesteverslestableauxetlesystèmehi-fidansnotresalon.—Tesparentspeuventsepermettredetepayerlafacettesmanucures.Paslesmiens.Tunepeux

pascomprendrecequec’estd’avoirunboulotetd’allerencoursenmêmetemps.Je suis abasourdie, comme si je vivais dansunmondeparallèle où je nepeuxpas exprimermes

sentimentsnimesémotionssansêtreattaquéepourça.—Oùveux-tuenvenir?—J’enviensaufaitquetuesunediva,tuattendsdemoiquejesoislepetitcopainparfaitalorsque

jenepourraijamaissatisfairetesexigences.Ilportesamainàsesyeuxetrespirelentement.—Ilfautquej’yaille.J’aibesoindetempspourmecalmer.Ilpartpourdebon,etjesensunmurinvisiblesedresserdansmoncœur.CettesensationqueTrey

étaitdistantn’étaitpaslefruitdemonimagination.Ilrépète«j’t’aime»commeunrobot,pascommesicelavenaitducœur.Iltientàbalancerdesgrandsmotsdanssesphrasesmaisn’estmêmepascapablededire«jet’aime»commeavant.

—OùestpasséTrey?demandemamanalorsque jerentredans lacuisinequelquesminutesplustard,avecuneseuleenvie,pleurer.Jecroyaisquevousalliezregarderunfilmdanslesalon.

Jesoupire.—C’étaitl’idée.Maisilestparti.—Toutvabien?Mesparentss’inquiètentsuffisammentpourmoicommeça.Jenevaispasenrajouter.

—Ouais,toutvabien.— C’est vraiment un bon garçon. Tu pourrais te trimballer ce Salazar. Là, on aurait un sacré

problèmesurlesbras.—Vicestungarçonbien,maman.Ellemelanceunregarddecôté.—Cen’estpascequej’entends.TononcleThomasm’aparléd’unealtercationàlaplage,l’autre

soir. Il a suggéré que Vic était impliqué. Je sais que c’est un ami de Trey mais tu dois garder tesdistances.Lesgarçonscommeluin’attirentquedesennuis.

Jelacontrediraisbienmaiscen’estpaslapeine.Mamannechangerapasd’avissurVic.Ellel’acataloguécommedélinquantetj’auraibeaudire,ellenechangerapasd’avisàsonsujet.Lefaitestqu’ilsebat.Maispersonneneréaliseque laplupartdu temps,on leprovoqueouqu’ilnefaitquedéfendrequelqu’und’autre.Ilpeutêtreviolentquandils’agitdeprotégerlesgensqu’ilaime.Iln’enparlepasetnerépondjamaisauxregardsouauxcommentairesdesautres,commes’illeméritait.

UnepetitepartiedemoiaimeraitqueTreysoitpluscommeVic,qu’ilsesoucieplusdeceuxqu’ilaimeplutôtquedesonclassementàl’école.

Treym’areprochédenepassavoircequeçafaitdedevoirtravaillertoutenallantàl’école.—Maman,jepeuxmetrouverunboulotaprèslescours?—Jenepréfèrepas.Concentre-toisurtesdevoirs,plutôt,conseille-t-elleenmefrottantlebras.En

plus,ilfautquetoncorpsserepose.Tunepeuxpastepermettreunnouveaucoupduretteretrouvertrophandicapéepouralleraulycée.

J’aitoujoursétéunefillebien,cellequiobéit,quinefaitpasdevagues.Résultatdescourses,jemefaistraiterde«diva».Etd’handicapéeparmesparents.

J’enaimarred’êtrelagentillefille,tropeffrayéepourselâcheràcausedeslimitesétabliesparmesparents,parlesmédecins,etparmoi-même.

Ilesttempsquejemerebelle;vivresansprendrelemoindrerisquenemeconvientpasdutout.

Chapitre7

VICTOR

ÊtreenterminaleàFremontasesavantages.Maisonaaussilaresponsabilitédejouerdestoursauxécolesrivales.Heureusement,onesttoujourspartants!Notrequarterback,Derek«leFitz»Fitzpatrick,aautantenviequemoidecommencerl’annéeavecuncanulardontonparleraencorependantdesannées.

On s’est retrouvésdans le sous-sol de sa grand-mèrepourmanger des plats de traiteur qu’elle acommandéspournous.Ellen’imaginepascequeDerek,Trey,Jetetmoipréparons.

—OnpourraitjeterduPQsurleursmaisons,lanceTreyquireçoituntextoettapecommeundinguesursontéléphone.

—Déjàfait,tropbanal,répondDerekquifaitsemblantdebâiller.Jetn’estpasconvaincunonplus.—Ilfautquelquechosed’original.Jem’efforcedetrouveruneidéequinenousconduirapasenprison.—EtsionteignaitleursmaillotsaveclescouleursoretnoirdeFremont?proposeDerek.Voirnosrivauxporternoscouleurs,ceseraiténorme!—Commentrécupérerleursmaillots?DerekmefaitungrossouriredeTexanprétentieux.—Fais-moiconfiance.Jepourraism’infiltrerdansuneprisondehautesécurités’illefallait.Soudain,uneidéemevient.—Ilyapeut-êtreplussimple.EtsiontaguaitREBELSsurleurterrain?Onseregardelesunslesautres.Derekaletalent,Treylecerveau,Jetestprêtàtoutquandils’agit

des’amuser.Etmoi?Jen’aipaspeurdemesalir lesmains,etsi l’art,cen’estpasmon truc, jem’yconnaisenbombesdepeinture.

—Quiestpartant?—Moi!lanceJet.Derekselève.Onsentqueçachauffedanssoncerveau.—Àfond.Çavaêtreénorme!OnsetournetousversTrey,occupéàécriresursontéléphone.—Trey,poseceputaindeportable,grondeJetenessayantdeleluipiquerdesmains.JelanceuncoussinsurTrey.—Allez!Onlefait.Treyal’airtellementpréoccupé,j’ignores’ilaentenduunmotdecequ’onadit.—Ouais,répond-ilenfinenlevantlesyeux.Toutcequevousvoulez.Soudain,MrsWorthington,lagrand-mèredeDerek,apparaît.EllevientdedéménagerduTexaspour

êtreplusprochedelui,commesamèreestmorteetquesonpèreestenmission.Ellesetientenbasdesescaliersavecunchapeaurougeridiculementgrandsurlatête.

Jetseprécipitesurelle,lesbrastendus.—MamieWorthington!crie-t-ilavantdel’enveloppercommeunourstropenthousiaste.MrsWorthingtonluitapepolimentdansledos.

—Jacob,monchéri,dit-elleenutilisantsonvrainomcontrairementaurestedumonde,s’ilteplaît,nem’appellepasMamie.MrsWorthingtonsuffira.

Jetéclatederire.—Vousêtessûre?MrsWorthington,çasonnetellement…formel.—Celas’appellelesbonnesmanières,Jacob.Tuenaspeut-êtreentenduparler?Lavieilledameseraclelagorgeetajustesonchapeauquiétaitdetraversàcausedel’embrassade

deJet.—Mercipourlerepas,MrsWorthington,luidis-jequandellecroisemonregard.—Leplaisirétaitpourmoi,Victor,sourit-elleavantdeleverlessourcilsendécouvrantunboutde

painparterre.Qu’est-cequevousfaitescesoir,petitsbrigands?Ilyaclassedemain,voussavez.Dereklèvelamain.—Tuneveuxpassavoir.Destrucsdemecs.— Amusez-vous bien alors… mais pas trop, ajoute-t-elle en agitant un doigt. Et ne faites rien

d’illégal,vousm’entendez?Elles’envamaispassansuncommentairedeJetquidéclarequ’elleestassezcanonpourunjeune

beaugossecomme lui.Cette femmeapresquequatre-vingtsans,ducoup tout lemondeéclatede rire.Cela dit, je ne suis pas sûr que Jet plaisante vraiment. C’est le genre de type qui adore briser lesconventions.Mesamisn’ontpaslaréputationdesuivrelesrègles,c’estlemoinsqu’onpuissedire.

—OnseretrouvechezJetjeudiàminuit,annoncé-jeauxgarçons.ÇavaêtreOufementdingue!Treymelanceunregard.—Oufementn’existepas,Vic.—Hé,Trey,dis-jeensouriant,lesbrasgrandsouverts.Qu’est-cequeçapeutmefaire?

Chapitre8

MONIKA

Lesoir,quandmoncorpscommenceàflancheretquejesuisépuisée,jememetssimplementsurlelitetfixeleplafondpourréfléchir.

Cesoir,mespenséessontenvahiesparZaraetl’idéededécouvrirquiestcettefillemystère.JevaissurInternetpourvoirsijepeuxlatrouver.Ellenevapasdansmonécole,c’estunepremière

chosedesûr.JepasseenrevuelesélèvesdulycéedeFairfield,nosrivaux.JecommenceparlapageduplusgrosdébiledeFairfield,MatthewBonk:ilestpopulaireetconnaîtpratiquementtoutlemonde.

J’inspecte son profil, j’ai l’impression d’être une espionne. Il publie beaucoup de photos de sesabdos.Cetypeestégocentrique,ilveutqu’onl’admire.Jesondesesquatremillecontacts,àlarecherched’unefilleprénomméeZara.

Ilnemefautpaslongtempspourlatrouver.—Alors c’est elle…, murmuré-je à moi-même quand je tombe sur une photo de Bonk avec un

groupedepom-pomgirls.Wow!Sescheveuxrosesressemblentàdelabarbeàpapa.Degrandsyeuxbleus.Unepeaublanche

commelaneige.Toutl’opposédemoi.Nomcomplet:ZaraHughes.Je n’ai jamais vu cette fille auparavant mais quand je clique sur son profil, je suis inondée

d’informations.Ellepubliepresquetouslesjourssursapage,quecesoitunephoto,unecitationouuncommentairesursajournée.

ElleneparlepasdutoutdeTreyetiln’yaaucunephotod’euxensemble.Maissoudainjetombesurunmessagequ’elleaécritenjuin,alorsquej’étaisenvacancesdanslecomtédeDooravecmafamille.

«La meilleure nuit de ma vie. Les relations secrètes sont les meilleures. Pas de drame, pasd’emmerdes.»

Mon cœur s’accélère. J’ai beau vouloir vivre dans le déni, les pièces du puzzle commencent às’assembler.

Danslamatinée,moncopainsetientdevantmoncasier,uneroserougeàlamain.—Désolépourhiersoir,dit-ilenmetendantlafleur.J’étaisstressé.—Pasdesouci.Jeprendslafleur.Elleatoujourssesépines.J’attendsqu’ils’expliquepourletextodeZara.Ilnele

ferapas.—C’esttout,Trey?C’esttoutcequetuasàmedire?—Non,répond-iletilmefixedroitdanslesyeux.Sijedoisêtrehonnête,Zaraestunefillequej’ai

rencontréeaufestivalLollapalooza.Elleplaisantaitenm’envoyantcemessage.—Elleteplaît?Jenesaispassij’aienvied’entendrelaréponse.—C’estuneconnaissance,c’esttout.Ilmetlesmainsenavant,commesimoncommentairel’énervait.—Jenepeuxpasavoirdesfillescommeamies?

—Si!Tupeux.Jen’aijustepasenviequ’ellesflirtentavectoi.Elleneflirtaitpas,peut-être?Jerésisteàl’envied’ajouter:«Ettoi,tuneflirtespasavecelle?»—Jenesaispas,répond-ilrapidement.Ildoitvouloirconsidérerlesujetclos.Ilenesthorsdequestion.Soudain,notregrouped’amisdébarqueetTreypassesonbrasautourdemoi.C’estunefaçadepour

lesautres,pourqu’ilsnesachentpasquenotrerelationestenpéril.Jedétestecespectaclemaisjesaisqu’ilveutgardernosproblèmessecrets.

—Nenousposepasunlapincesoir,mec,lanceVicàTrey.Oujetejurequejeviendraitebotterlecul.

—Vousposerunlapinpourquoi?Jesuiscurieuse;Treynem’ajamaisparléd’unesortieaveclesgarçons,cesoir.Ilfautdirequ’ilne

meracontepastout,cesdernierstemps,alorsjenesuispassurprise.—Uneblaguequ’onvafaireaulycéedeRollingMeadows,expliqueDerekavantdes’assurerqu’il

n’yaaucunprofdanslesparages.Çavaêtregénial.—Quelgenredeblague?—Untrucdemecs,répondTreypourmefairebiencomprendrequejenesuispasdanslecoup.Jericaneetlerepousse,vexée.—Untrucdemecs?Tuessérieux?—Ouais,commeVicquitravailleaugaraged’Enrique.C’estuntrucdemecs.Jemetslesmainssurleshanches.—JepourraisbientravaillerchezEnrique,moi.Jet,DereketTreyéclatentderire.Vical’airhorrifiéquejepuissesimplementémettrel’idée.— Vous êtes tellement sexistes, intervient Ashtyn. Monika peut faire tout ce qu’elle veut, dont

travaillerchezEnrique.—Ouais!JepeuxtravaillerchezEnriquesijeveux.Vicattrapesonlivredemathsdanssoncasier.—Non,tunepeuxpas.—Pourquoipas?Treypasseànouveausonbraspar-dessusmonépaule.—Parcequetun’aspasl’habitudedutravailmanuel,turisquesdetecasserunongle.Puisilfaitunsigneàsespotes.—Maintenant,discutonsdecesoir.Jerestebouchebée.Jen’arrivepasàcroirequ’ilaitditça,alorsmêmequejebaisselesyeuxvers

mesonglesfraîchementmanucurés.—Rendez-vouschezJet,ditVic.Vingt-troisheurestrentepile.J’achètelematos,vousvousoccupez

delalogistique.—Nevousfaitespassurprendre,lanceAshtynensecouantlatête.—Pasdesoucis,faitJet.Onauradescagoules.—D’accord…commesiunmasqueàlaconallaitvousempêcherdevousattirerdesproblèmes.Derekl’embrasse.—Net’inquiètepas,Sucred’orge.Cen’estpaslapremièrefoisquejefaisça,etceneserapasla

dernière.Vouslesfilles,vousn’êtespasfaitespourça.Ashetmoinouséchangeonsunregardentendu.S’ilsavait!

Chapitre9

VICTOR

JeroulejusquechezJetavecmacamionnette,parépourlablaguequimarqueraledébutdenotreannéedeterminale.DereketJetm’attendentdéjàdansl’allée.Onesttouslestroisentee-shirtetpantalonnoirs.

—Onnepeutpasmontrernosvisages,aucasoùilyauraitdescamérasdesurveillance.Derekbranditfièrementquatrebonnetsnoirs.Iladécoupédestrousdedanspourqu’onlesmettesur

nostêtes.—OùestTrey?—Ilm’aenvoyéuntexto,merépondJet.Ilnevientpas.Ildoitbossersursesdossierspourlafac

ouuntrucdanslegenre.Merde!—Bref,ditDerekénervé,onpeutfaireçasanslui.Je n’ai pas envie de continuer sans Trey. J’essaie de l’appeler mais tombe directement sur sa

messagerie.J’essaiedeluiécriremaisilnerépondpas.—Qu’est-cequiluiarriveàTrey,cestemps-ci?demandeDerek.Qu’est-cequ’ilseprendlatête,

sérieux!Jetgrimpesurmabanquettearrière.— Il est carrément devenu chiant. Je vous jure, hier, il n’a pas arrêté de taper sur son putain de

téléphone.—Ilapasmaldesoucis, lancé-jepourdéfendremonmeilleuramialorsquemoiaussi je luien

veux.Allez,qu’onenfinisse.Onroulejusqu’auterraindulycéedeRollingMeadowsetjemesensd’uncouptoutexcité.Onade

lachance,cetteécolen’apasdegardiendenuit.Pourplusdesécurité,onsegarequandmêmeunpeuplusloin.

—Onal’airridicules,chuchoteJetenajustantlestrousdesonbonnetquandondescend.Mestrousnesontpasalignéscorrectement.Jenepeuxregarderqu’àtraversuntrou.

C’estvraiquelestroussonttellementéloignésqu’ondiraituncyclope.Pasletempsderéparerça,plusletempspasse,etplusonprendderisques.Jenecomptepasmefairesurprendre.

Onprendchacundeuxbombesdepeintureetonfoncesurleterraindenosrivaux.—Jen’yvoisrienavecceputaindebonnetsurlesyeux!—J’aifaitdemonmieux,répliqueDerek.Débrouille-toi,monpote.Onvasauterpar-dessuslegrillagequandsoudainjedistinguedeuxsilhouettesnoiresdansl’ombre.

Jemefige,prêtàfairedemi-tour,quandlesdeuxsilhouettesentrentdanslalumière.C’est.Pas.Possible!JesuischoquédevoirMonikaetAshtyndevantlegrillage.—Qu’est-cequevousfoutezlà,touteslesdeux?MesyeuxpointentdirectementsurMonika.Elleporteunhautjauneetunjeansmoulantquiembrasse

sescourbes.Qu’est-cequ’elleestbelle!

—Onveutvousaider,ditMonika.Jetessaied’ajustersonbonnet.—Monika?Ashtyn?demande-t-il,nevoyantqued’untrou.—Vousnepouvezpasnousaider,dis-jeauxfilles.Rentrez!—Ouais,rentrez,répèteDerekenrepoussantAsh.Situt’attiresdesproblèmes,tonpèrenevapas

telâcher.—Jem’enfiche.Monikaposelesmainssur leshanches, lamâchoireenavant.Çanelarendpasintimidante,mais

sexy.—Onvavousaiderquevouslevouliezounon.Maintenant,vouspouvezrésisteretperdredutemps

ounousinclure,histoirequ’onailleplusvite.Alors?Dereklèvelesyeuxauciel.—Vousmetuez,touteslesdeux.Monikajetteunœilalentour.—OùestTrey?—Ilnousalâchés.Ellefaitclignersesmagnifiquesyeuxvertocéan.—Allez!lanceDerekquiaideAshàgrimperlegrillage.—Jevousrejoinsdansuneminute,dis-jeentirantMonikaparlebraspourparlerplusloin.— Quoi ? s’écrie-t-elle, avec une telle passion et une telle détermination que j’ai envie de

l’embrasser.Jeveuxlefaire,tunem’enempêcheraspas.Jereprendsmesesprits,prétendantquejenesuispashypnotiséparsesyeuxétincelantsetseslèvres

charnues.—Rentrecheztoi,Monika.Tun’espasfaitepourça.J’aisurtoutenviedeluidirequejecrainspoursasécurité.Jenemepardonneraisjamaisqu’illui

arrivequoiquecesoit,qu’elleseblesse.—Pasfaitepourça?Mercidem’insulter!Ellemerepousseetcommenceàescaladerlegrillage.Elleadespetitspieds,etelleestbientrop

délicatepourréussircequ’elleessaiedefaire.Jechuchote:—Monika,redescends.J’espèrequepersonnenenousentend,sinonlesflicsvontdébarquer.Jen’aivraimentpasbesoinde

ça.—Non.SiAshpeutlefaire,moiaussi.C’estpasvrai!—Alorslaisse-moit’aider.—Non.—Nesoispastêtue.— Je serai têtue si je veux, Vic. C’est ma vie. Si je veux grimper ce foutu grillage, alors je

grimperaicefoutugrillage.Je lasuis rapidementenhautdugrillage,priantpourqu’elle réaliseenfinquec’estunemauvaise

idée.Elleadéjàpresqueatteintlesommet.—Netombepas!—Maisnon!

Maisdansladescente,sonpiedglisse.Elletombedesdeuxderniersmètresetatterritavecfracas.Soudain,moncœurs’arrête.

Jesautedugrillage,m’agenouilleàcôtéd’elleetcrie:—Çava?—Laisse-moitranquille,dit-elled’unevoixfaibleenserelevant.Jecroisqueçava,alorsva-t’en.—Tucroisqueçava?Elleenlèvelaterredesesgenoux.—Jenepartiraipas,sic’estcequetuimagines.Jesuistombée,etalors?Cen’estpasgrave,Vic.

Arrêtedemeregardercommeunehandicapée.Jen’aipasbesoindeça.Jesecouelatêteetlèvelesmainsensignededéfaite.—D’accord,d’accord,faiscequetuveux,Monika.Jetaccourtentitubantetmanquedetrébuchercommeilregardetoujoursparunseultrouàtravers

sonbonnet.—Sonhautsevoitdanslenoircommeunfoutusurligneurfluo,Vic.Siellenepartpas,file-luiau

moinstontee-shirtetcouvre-moicettemerde.—Tiens,dis-jeenpassantmonhautnoirau-dessusdematête.Mets-leetattendsici.Jerevienstout

desuite.JecoursàlacamionnetteetrécupèrelequatrièmebonnetquiétaitcenséêtrepourTrey.Jeretourne

directsurleterrainetpasselebonnetsurlatêtedeMonika.—Jen’yvoisrien!seplaint-elletandisqu’elleserelèveens’appuyantsurlegrillagemétallique.—C’estbienledernierdetessoucis.Tut’esblessée…Elletressailleunpeuavantdesetenirdroite.—Jevaisbien!Ellem’arracheunebombedepeinturedesmainsets’éloigne.Ellecroitcacherqu’elleboiteunpeu

maisjelevoistrèsbien.—C’estillisible,ditAshàDerek.LesRebelssontlesquoi?Jetéclatederire.—Sij’arrivaisàvoiruntrucàtraverscettesaletédebonnetquigratte,j’auraisfaitgaffeàcequ’il

écrivait.Derek,quandtucherches«sportifàlacon»surInternet,tutrouvesdesphotosdetoi,non?Jem’avanceetcorrigelegribouillisen«mejores».—Joli,amigo,mefaitJetenmetapantdansledos.—Merde!crieDerek.V’làlesflics!Jemeretourneetvoisunevoituredepatrouillepénétrerdansleparkingdel’écoleenprojetantun

énormepharesurleterrain.—Onsetire!hurleJetquifonceverslegrillage,talonnéparDereketAshtyn.Monikaestenpanique.Ellenepourrajamaiscourirjusqu’àlacamionnettesanssefairevoir.Jemeprécipitesurelleetluiattrapelamainpourl’attirerverslesgradins.—Vite!Cache-toisousundesbancs.Sansunmot,onseretrouveétendusnezànez,serréssouslesbancs.L’adrénalinecouledansmes

veines.MefairesurprendreavecMonikaFoxsous lesgradins,unebombedepeintureà lamain,celan’annonceriendebon.Jeveuxlaprotéger;qu’est-cequisepasserasionnoussurprend?

Jemefichedecequipeutm’arrivermaisjeveuxqu’ellerentrechezellesansencombre.—Tut’esfoulélachevilleentombant?chuchoté-je.Parcequemêmesionnesefaitpasattraper,tu

nepourrasjamaisgrimperlegrillage.

—Jen’ai rien de cassé,Vic,m’assure-t-elle d’une voix très douce. Je vais bien. Je vis avec ladouleurtouslesjours.

Attends,quoi?—Dequoituparles?Elledétourneleregard.—Rien,oublie.Trouvejusteunesolutionpournoussortirdelà.

Chapitre10

MONIKA

Onobservelapoliceentraindesonderleterrain.—Ilsn’ontpasencoreremarquéletag,maisçanevapastarder,murmureVicquipasseunetêtepourregarderlesagentssortirdeleurvoiture.Ilfautqu’onsortedelà.

Mesarticulationsmefontplussouffrirqued’ordinaire.Cettechuten’apasfaitdubienàmongenou.—Jenesaispassijepeuxmedéplacer.—Jevaisteporter.Ilyauneouverturedanslegrillagelà-bas,dit-ilenindiquantuneissue.Est-ce

quetupeuxsauter?—Jecrois.Ilal’airterriblementinquiet.—Tuessûre?Jepeuxteporter,net’enfaispas.D’accord?Ilparlesérieusement,commesimeprotégerdelapoliceétaitsapriorité.—Nem’enveuxpasd’êtrevenue.Jedétournelesyeux.—Jesuisdésolée.—Pasgrave.—Jecroyaisquej’enétaiscapable.Je m’en veux tellement d’être allée trop loin pour prouver au monde que, moi aussi, je savais

m’amuser.—Tupeux lefaire.Allez!m’encourageVicavantdedescendredesgradinsetdetendrelesbras

versmoi.Saute.Jebaisselesyeuxverslui.—J’aipeur.—Jesuislà,chuchote-t-ilenm’incitantàsauterdanssesbras.Fais-moiconfiance.Jeprendsuneprofondeinspirationettressailleensautantdanssesbras.Ilmetientfortalorsqueje

passelesmiensautourdesoncou.Jemepressecontresontorsenuetmusclé.—Etmaintenant?—Accroche-toi.Ilsedirigeverslapartiedugrillagecachéepardesbuissonsàl’autreboutduterrainparrapportà

lapolice.Si l’on nous surprend, on va tous les deux avoir des problèmes.Vic est un expert, il se déplace

furtivementverslegrillageetparvientàpasserdansuneouvertureétroite.Avecmoidanssesbras,Vic trottineà travers les rues jusqu’àcequ’onsoitsuffisamment loinde

l’école.—Merci,dis-jeavecunsoupirdesoulagement.Tum’assauvélavie,cesoir.Nosregardssecroisentetdanscetteétreinte,sontorsenucontremapeau, jeressensuneintimité

quejen’avaisplusconnuedepuislongtemps,sinonjamais.L’adrénalinedoitencorefaireeffetcarjelutte

contrel’enviedeleserrerfort.Meslèvressontsoudaintrèssèches.Jepasselalanguedessus.—Vic?Ilmescrute,moietmeslèvreshumides.—Ouais?Lesilences’installealorsquenousnousregardonsdanslesyeux.Aucundenousneditmotmaisje jurequej’aperçoisunedouceur,uncharmeaufonddesesyeux

chocolat.Jenel’avaisjamaisremarquéauparavantmaisilaunregardmagnétique.Enivrant.Jemesenssivulnérable,physiquementetémotionnellement.Toutestsiintense.Tropintense.—Euuuh…tupeuxmelâchermaintenant,dis-jepourromprecetinstant.—Oh,pardon!marmonne-t-ilavantdemereposerausol.Jem’éloignedelui;lachaleurdesoncorpslaisseplaceàlafraîcheurdelanuit.Jemesensencore

étourdie,confuse.Netrouvantrienàdiresanspasserpouruneidiote,jesorsmonportabledemapochepourappelerAshtyn.

—Toutvabien?demandeVicquandjeraccroche.Nerveux,incapabledesavoirquoienfaire,ilfinitparmettrelesmainsdanssespoches.—Ouais,Ashetlesgarçonsvontvenirnouschercher.Ilfaitunsignedetête.Auboutd’uneminute,illanced’uncoup:—Qu’est-cequ’onvadireàTrey?Est-cequ’ilveutparlerdufaitqu’onaitrejointlesgarçonscettenuitouquequelquechosetranspire

entrenous,loind’êtreinnocent?Enfin,si,c’estinnocent,maisintime.—Jenecompterienluidire.—Cen’estsansdoutepasunebonneidéedecacherdeschosesàtoncopain.Jesenslecoindemaboucheserelever.—Ouais,ben,taguerleterraindenosrivauxn’étaitprobablementpasunebonneidéenonplus.—Tumarquesunpoint,dit-ilalorsquenoscomplicesarrivent.Ons’empressedemonterenvoiture.—Soiréemémorable!faitDerek.Pasvrai,lesgars?JesuisassiseàcôtédeVic,nosdoigtssetouchentpresque.—Ouais,dis-jeenmedemandantpourquoiunenouvellevagued’idéesfollesmevientsubitement

ausujetdumeilleuramideTrey.J’oublie tout ça et me concentre sur ma douleur persistante au genou. C’est plus facile de se

concentrerlà-dessusquesurtoutlereste.

Chapitre11

VICTOR

AlorsqueMrMillernousdiviseengroupesetnousdemandedetrouverdesidéespouruneexpériencesociale,l’agentJimtapeàlaportedelaclasse.

—LadirectriceveutvoirVictorSalazar.Ilmepointedudoigtetmefaitsignedemelever.—MrSalazar, vous serait-il possible de passer une semainedansma classe sans être convoqué

chezMrsFinnigan?Cen’estpasunequestionrhétorique.—Jesaispas,MrMiller.Ellen’avisiblementriendemieuxàfairequedediscuteravecmoi!Millerlâcheunpetitrire.—Ilfautcroire.Revenezvite,sinonvousallezratertoutlecours.—Bien,monsieur.JecroiseleregarddeMonika,àl’autreboutdelasalle.Ellemefixed’unairentendu.Noussavonstouslesdeuxquejesuisconvoquéàcausedelablagued’hiersoir.Jemimelesmots

«çaira»pourqu’ellenes’inquiètepas.Jevoisbienqu’elleangoisse,àsafaçondefroncerlessourcils.J’arriveaubureaudeFinnigan.Trey,JetetDereksontdéjàlà.LecoachDieteraussietiln’apas

l’aircontent.Lepauvres’estsansdoutefaitboufferparFinnigan.—Allonsdroitaubut,messieurs.Quiestleresponsable?demandeFinnigand’untongravetouten

faisantlescentpasdevantnous.—Le responsable de quoi ? réplique Jet en feignant de ne pas savoir que le terrain deRolling

Meadowsestrecouvertdepeinture.—Jenesaispasdequoivousparlez,madame,souritDerekenforçantsonaccenttexan.—Pourriez-vousexplicitervotrequestionpourquenousnerestionspasdans l’ombre?renchérit

Trey.—Ouais,dis-jeàmontour.Jesaispasdequoivousparlez.Finnigans’arrêtedevantmoi.—Jevaisvousdirequelquechose,Victor.LecoachDieteretmoi-mêmenesommespasstupides.

Vousquatreêteslesleadersdel’équipedefootball,ouplutôtlesfauteursdetroubles.L’undevousestresponsable,sinonvoustous.Quiveutpasserauxaveux?

Personnenebougelepetitdoigt.—Lesgarçons,vousvalezmieuxqueça,intervientDieter.Levandalismeestillégal.Évidemment,

celuiquia faitçaseracollé,etsansdouterenvoyé temporairement.Enplusdecela,nousseronsdansl’obligationd’avertirlapolice.

—C’étaitpeut-êtredesjoueursdeRollingMeadowsquivoulaientnouscauserdesproblèmes,dis-jeimpressionnéd’yavoirpensésivite.

Dieters’approchedemoi.—C’étaitpeut-êtretoi,Salazar.Onaécrit«Mejores»,c’estdel’espagnol.—Excusez-moi,monsieur,rétorqueTrey,maislamoitiédesélèvesiciapprennentl’espagnol.—Tuveuxavouer,Trey?Vas-y,jen’attendsqueça.

Jeproteste:—Iln’arienfait.J’aientendudirequedesnanascomptaientfaireuneblagueàRollingMeadows.

Cen’étaitpasnous.—Desnanas?répèteFinnigan.Par«nanas»,vousvoulezdiredes«filles»?—Moiaussi,j’aientenduça,affirmeJet.Lesfillespeuventêtredevraisfauteursdetroubles,vous

savez.—D’accord,lespetitsmalins,peut-onsavoirdequellesfillesvousparlez?demandeFinnigan.Que

lapoliceviennelesinterroger.—J’aioublié.—Tuasdesproblèmesdemémoire,Salazar?ironiseDieter.Tuaspeut-êtrereçutropdecoupssur

latêteettuasunecommotioncérébrale.Lemédecindusportseraitravidet’examiner.—Matêtevabien,coach.Onadescasd’Alzheimerdanslafamille.C’estgénétique,voussavez.Finnigantapedeuxfoisdanslesmains,commesionétaitenmaternelle,pourattirernotreattention.—Lesgarçons,vousalleznousdirequiavandaliséleterraindeRollingMeadows?Commeonnerépondpas,ellesoupire,exaspérée.—Trèsbien,nousdevonsfairedeseffortstoutenpunissantlescoupables.Voilàcequenousallons

faire, messieurs : je vais être indulgente et proposer une suspension qui ne sortira pas du cadre del’école.Nousdirons auxautoritésquenousnousoccuponsde l’affaire.Sipersonnene sedénonce, jevoussuspendstouslesquatreetvousprivedumatchdecesoir.

—C’estmoi,luidis-je.Horsdequestionquejelaissemesamistrinquer.Unesuspensiondansmondossiern’auraaucune

conséquencepourmoi,ilestdéjàpleind’infractionsaurèglement,véridiquesousupposées.—Non,cen’estpastoi,Salazar,clameJet.Dis-luilavérité,c’estmoi!Dereklèvelesyeuxauciel.—Jetmentcommeilrespire.C’étaitmoi.OnsetournetousversTrey.—Jen’airienfait,déclare-t-ilenlevantlesmains.Mondossierdoitresterintact.—Mercidetonsoutien,Trey,dis-jeenlevantlamain.M’dame,lasuspensionestpourmoi.—Trèsbien.Finniganal’airsatisfaitequecesoitmoiquiprennepourl’équipe.—Vouspouvez tousyaller.Saufvous,Salazar. Jevaisvousconduireà la sallede retenuemoi-

même.—J’aihâte!Enréalité,jepréféreraisallern’importeoùplutôtquedanscettefichuesallederetenue.

Chapitre12

MONIKA

Cesoir,c’estenfinlepremiermatchdefootballdelasaison.Toutlemondeestsurexcité.Jesuissurlecôtéduterrainaveclespom-pomgirls,sentanttoutelamotivationdelafoulequiespèrelavictoire.J’aideségratignuresàcausedemachutedugrillagehieretmoncorpsmefaitplusmalqued’habitudemaisjem’enfiche.Jemeconcentresurlescrisdesfansetl’excitationdumatch.

Entre chacune de nos chorés, j’assiste aumatch.Mes yeux se fixent directement sur Trey. Il estdéterminéetveutsefaireremarquer.Ilesttellementconcentré,j’ail’impressionqu’iln’apasregardéuneseulefoisverslesgradins…pasmêmedanslesmomentsdecalme.

Pasmêmepourmevoir.JemetourneversVic,quiquitteleterrainquandlaligneoffensivefaitsonentrée.Ilboituncoupet

enlèvesoncasque.Sachevelureluiretombesurlefront.Jen’arrivepasàdétournerlesyeux,j’ailachairdepoulequandsesyeuxnoirsetintensesrencontrentlesmiens.

Jemerappellelanuitdernière,allongéeavecluisouslesgradins.Jenesaispass’ilaremarquéquesamainétaitsurmescheveux,pourmeprotéger.Ilm’aprotégéeinstinctivement.

Qu’est-cequej’enpense?Qu’est-cequejeressens?Je l’ignore moi-même. Je suis tellement confuse ces temps-ci, mes émotions sont sens dessus

dessous.Je souris àVic avant deme remettre en place avec les filles.À côté demoi, CassidyRichards

secouelatête.Seslèvresformentunefinelignepincée.—Çava?—Ouais,lance-t-elle.—Tuessûre?Ellelèvelégèrementlesyeuxauciel,commesijeluiprenaislatête.—J’aiditqueçaallait.Pointbarre!Wow.—Ok…DirequeCassidyaétéd’humeurassassinecesderniers tempsestuneuphémisme.Cedoitêtre le

contrecoupduretouraubahut.Toutlemondeautourdemoial’airstresséencemoment.Enfin,exceptéBree.Cettefillen’estjamaisstressée.Ellenevoitpaslemondeautourd’elle.—Prêtes?lanceBreeavecsongrandsourireetsesdentsblanches,leparfaitsouriredepom-pom

girl.—Prête.Allez!Etoncommencenotrenouvellechoré.

LesRebels,onestlesmeilleurs!Onrepartiravainqueurs!LycéedeFremont,jusqu’oùtuiras?Notreéquipefiniraauchampionnatd’État!Ouais!

Youhou!

C’estBreequiaécrit lesparoles,qui sontbienmeilleuresquesapremièrepropositionsurnotreéquipedebeauxgosses,etnosrivauxmochesàenpleurer. Iln’yaqu’ellepourécriredes trucsaussiridicules.

Àlafindelami-temps,JetcourtversBreejusteavantquel’arbitrenesifflelareprise.—Hé,Bree!Ellesemordlalèvre.—Ouais?—Viensaubaldulycéeavecmoi!Ellepousseunpetitrireetposeunemainsursahanche.—Sérieusement,Jet?C’étaituneinvitationouunordre?Pournepasperdreuneseuleseconded’attention,Jetposeungenouà terre. Ila toujourssa tenue

complèteetportemêmesoncasque.Lafouledoitavoirl’impressionqu’ilvalademanderenmariage.Toutlemondedevientfou.IlprendlamaindeBreedanslasienne.—BreeTurner,meferais-tuleplaisirdeveniraubalavecmoi?—D’accord,j’iraiavectoi.Maintenantlève-toi,toutlemondenousregarde.TousceuxquiconnaissentBreesaventqu’elleadoreça.Lasituationestparfaitepourelle.Aulieuderejoindresescoéquipiers,Jetétendlesbrascommeunaigleenvoletcrieàlafoule.—Elleaditoui!Lafoulelaisseéclatersajoie.JetsoulèveBreeetlafaittourneravantquelecoachDieterluicrie

derejoindresonéquipe.—C’étaitgênant,ditBreealorsqueJetrentresurleterrain.Maintenant,lamoitiédel’écolecroit

sansdoutequ’onestfiancés.Elleaunsourirejusqu’auxoreilles.—Etalors?TuaimesJet.—Ouais,maisplutôtcommeunplancul.Attends,ilestmannequin.Elleluimatelesfessesetfaitrebondirsessourcils.—Etilsaitquoifaireaveclecorpsd’unefille,cequinegâcherien.Maisjeneveuxpasdecopain.

Beurk!—Merci.—Treyettoi,cen’estpaspareil.Jeparlaisdemoi.—Jetettoidevriezvousmarier.Voussortezdumêmemoule.Ellemejetteunregardcurieux.—Àproposdemariage,est-cequeTreyt’ainvitéeaubal?Jesecoue la tête.DèsqueBreeseraaucourantdenosproblèmesdecouple, lamoitiéde l’école

saura.—Non.—Cen’estqu’unequestiondetemps.Ashtyn,toietmoidevonsallerfairedushopping,nousacheter

unerobe.EllefaitsigneversAshtynquitireunballondanslefiletd’entraînement.Elleenramasseunautreet

lescrute.Deloin,jevoisqu’ellelitquelquechosedessus.Avecunpetitcri,elleseprécipiteversDereketluidit«oui!»avantdeleserrerfort.

Ehoui,ilvientdel’inviteraubal.Çanefaitaucundoute.Jesuisheureusepourmameilleureamiemais mon cœur s’enfonce dans ma poitrine en réalisant que Trey et moi ne sommes pas follementamoureuxcommeAshtynetDerek.

JejetteunregardàTrey.Iln’asansdoutemêmepassongéàm’inviteraubal,tropoccupépartoutlereste,àcommencerparZaraHughes.

Bree me tapote l’épaule avec ses ongles parfaitement manucurés, sur lesquels brillent de petitscœursenor.

—Onadu travail : il fautqu’Ashtynressembleàunefillepourunefois,pasàun joueurdefootaméricain.Lebal,c’estl’occasionrêvée!

—Sij’yvais…—Treyvat’inviter.Maisjenepeuxpasmeprononcerpourlerageuxdelabande,Vic.Cedoitêtre

uncasdésespéré.On le regarde toutes lesdeux,peusurprisesde le retrouvernezànezavecun joueurde l’équipe

adverse,entraindeledéfier.Jecroiselesdoigtspourqu’ilnesebattepasetnesefassepasvirerduterrain.

—Arrêtedejouerauconetoublie!crielejoueuràVic,avecunegrossevoixdégoûtée.Aprèsl’altercation,Vicjetteunregardverslestribunes,oùsonpèreestinstallé.MrSalazaral’air

furieuxdel’attitudedesonfils.En général, pendant les matchs, Vic est concentré et déterminé. Mais là, il a un regard sévère,

presquemenaçant.Ilremetsoncasqueetcourtàtraversleterrain.Durantlanouvellephasedejeu,Vicrepousselaligneoffensiveetfoncesurlequarterback;illeplaqueavecunetelleforcequ’ilestétonnantqu’ilsrespirentencorel’unetl’autre.LafouleestenliessealorsquelesgarsdenotreéquipetapentVicsurlecasquepourleféliciter.Pourtant,iln’apasl’aird’yfaireattention.

Ilréintègresaplacesurleterrain,prêtàreprendrelejeu.Avec toutecette tension,ondiraitqueVicaunépaisnuageau-dessusde la tête. J’aiunmauvais

pressentimentquandilviselequarterbackunesecondefois.Pouryarriver,ildoitpasserdeuxtypes…c’estunparirisqué.

LecoachdoitbiensentirqueVicselaisseguiderparsesémotionsplutôtqueparsoncerveau.IlluicriedesortirduterrainmaisVicfaitvolte-faceetseremetsurlalignedemêlée.

Lejeureprendetdeuxjoueursdelaligneoffensivefoncentsurlui.Ilbaisselatêteetcourt.Oh,non!Jene jouepasaufootballaméricainmais jesaisbienqu’ilvasefairemals’ilcontinuede jouer

sansréfléchir.Quelquechoseaufonddemoitrembleàl’idéequ’ilneseblesse.Quandnotreligneoffensiveentreenjeu,iltrottineenfinhorsduterrain.Dieterl’attrapeparlecasque.Cen’estpasdifficiled’entendreleuréchange.—Qu’est-cequetufoutais,Salazar?—J’airéussideuxplaquages,coach!—Jem’en fous,Salazar ! Jeveuxque tu jouesavecconviction,pascommeuncrétinà fairedes

trucsdangereux.Quand le coach le lâche enfin,Vic bouillonne tellement qu’il est sur le point de le provoquer à

nouveaumaisTrey,JetetDerekinterviennent.Ilsdoiventbiens’ymettreàtroispourleretenir.—Monika!lanceBreeenagitantlamaindevantmonvisage.Arrêtederegarderlematchetchante

avecnous.Jeneregardaispaslematch.JeregardaisVicperdrelecontrôledelui-même.

Chapitre13

VICTOR

Ouais,j’aipétélesplombshiersoiraumatch.Monpèremehurlaitdessusdepuislesgradins,jesavaisqueMonikal’entendait,çam’atellementénervéquejen’aipassumecontrôler.Jemesuisdéchargésurl’autreéquipe,surDieter,surmespotes…

Le contrôle demoi-même, c’est bien la dernière chose qu’ilme restait. Et je suis en train de leperdre.

Cematin,jevaissortirdelamaisonquandmipapámebloquelepassagedanslecouloir.—Tuesuncrétin,Victor.—Merci,papá.Oui,mercipapademerappelerconstammentquejeneseraijamaislefilsquetusouhaiteraisavoir.—Jesuisenretardpourleboulot,luidis-jeenm’attendantàuneautreinsulte;aprèstout,c’estce

qu’ilfaitdemieux.Papadétestel’endroitoùjetravaille.Luiquipensedéjàquelefootballetlesportengénéral,deux

chosesquimedéfinissent,sontunepertedetemps.Ilvientauxmatchspoursemontreretfairecroirequec’estunpèreencourageant.Enréalité,ilpréféreraitquej’intègrel’associationdesjeunesentrepreneursaméricains.Lefaitquej’airefuséunstageprestigieuxdansunedesplusgrandesentreprisesdupaysl’étédernierluiestrestéentraversdelagorge.Enrevanche,ilnedirajamaisquesonfils,quitravailledansungarage,sesalitlesmainsetgagnetroisfoisrien,faitpartiedesmeilleursjoueursdefootballlycéendel’État.

Ilagiteundoigtdevantmoi.—Tu sais ce que le fils de JackWeigel a fait, l’été dernier ? Il a travaillé dans une banque en

centre-ville.—Nonseulementjemesuisentraînédeuxfoisparjourtoutl’étémaisj’aiaussiunboulot.Ilsecouelatête,déçu.—Pourtoi,allerdansunvieuxgaragemiteux,c’estuntravail?—Sí.—Netefaispasd’illusions.Travaillerdansungarage,c’estaumieuxunhobby,Victor.Isatepaie

combien?Lesalaireminimum?—Parfoismoins,dis-jeenhaussantlesépaules.—Tu veux gagner le salaireminimum pour le restant de tes jours ? Je vais te dire : je vais te

construireunechozadanslejardin,commeçatupourrasvivrededansetcomprendrecequec’est,lavieavecunsalaireminimum.

—Isafaitpartiedelafamilia.J’espèrequ’ilvas’arrêter.C’estdifficile,jesensmesveinessegonfleretmoncorpsseraidir.Je

merépètequesesmotsneveulentriendiremaismoncorpsréagitdemanièreincontrôlable.—Isaestuneracaille.Salèvresupérieureserelèvelégèrement.Retiens-toi.

Jeledépasse,sorsdelamaisonetrespireungrandcoup.Je conduis la vieillemoto rouillée qu’Isam’a offerte l’été dernier quand j’ai travaillé pour elle.

Trèsvite, je traversedesrailsetmedirigeversFairfield,d’oùvientnotreéquiperivale.Jeconduisàtravers les rues, parfaitement conscient d’être en territoire ennemimais en ayant l’air dem’en foutre.D’accord, jem’en fousvraiment. Si onme cherche, je réponds.Disons que je n’ai jamais refusé unebagarre.J’enaimêmecommencéuneoudeux.

Peut-êtreunpeuplus.Non pas que j’aime utiliser mes poings, mais j’ai l’habitude. Quand j’étais plus jeune, je me

recroquevillais quand on s’en prenait àmoi.Un jour, aumariage demon cousin,mi papám’a pris àpartieaprèsqu’unpendejom’apoussé.Papam’aagrippélachemiseetm’aditquejedevaism’endurcirsijevoulaisdevenirunhomme,unvrai.

Trèsvite,ilacesséd’êtremonhéros.Etjesuisdevenuunconnard.—Tuesenretard,meditIsadèsquej’aimisunpieddanslegarage.—Tun’asqu’àmevirer.J’enfilemonuniformebleuquipendaumurdanslebureau.Ellemelanceuntorchonsale.—Tusaisquejenepeuxpastevirer,pendejo.Tuesleseulquiacceptedetravaillerpourunrepas

chaud,quelquesdollarspourl’essence,etunevieillemotouséequinevautpasleprixdel’essencequetumetsdedans.

Isaal’aircoriaceavecsaqueue-de-chevalstricteetsasalopettefaitepourunmec,deuxfoistropgrandepourelle.SansoublierlestatouagesdugangdesLatinoBloodqu’elles’estfaitsaulycéeetquirendentcetteLatinatrèsintimidante.

Je dois saluer le mérite d’Isa. Elle ne connaissait rien aux voitures avant qu’Enrique, l’ancienproprio du garage, ne meure dans une guerre de gangs. Apparemment, il s’est fait descendre sanssommation,àl’entréedesongarage.Danssontestament,illuialéguélaboutique.Avecça,illuiaaussiléguélesdettesdugarage.Plutôtquedelevendre,Isas’estdécidéeàapprendrelamécanique.

Ilyadeuxvoituresenréparation:uneMustangde82quiabesoindenouveauxfreinsetunevieilleF150dontlemoteurestdéfectueux.

—Tiens,dit-elleenmetendantlesfichesdesbagnoles,commenceparlaMustang.Ceserarapideetpayant,etj’aibesoindecash.

Ellemarqueunepauseavantdereprendre.—Ilmefautencorequatrecentsdollarspourremboursermonprêtcemois-ci.—Tupourraispeut-êtrearrêterdemepayerl’essence.Jemarcheverslaboîteàoutilsetsorslematosdontj’aibesoin.Jetravailleraismêmegratuitement,

ellelesait.J’aienvied’êtredanscegarage,quejesoispayéoupas.C’esticiquejem’évade.—Sinonvendslegarageetpasseàautrechose.—Jenepeuxpasfaireça,rétorque-t-elleenjetantlesépaulesenarrièrepoursedonnerungenre.Il

fautquecetendroitresteouvert.Pourmoi.EtpourEnriquemaisça,ellenel’admettrapas.—Net’inquiètepas.Jevaisdistribuerdesprospectusenville,çavaboosterlesaffaires.Sestraitsseradoucissentunpeu.—Tuestropbonavecmoi,Vic.Jeneteméritepas.Ellenememéritepas?—Isa,jesuisunconnard.

—Jesais.Maistuesleplusgentilconnardquejeconnaisse.Maintenant,auboulot!Etellemedonneunpetitcoupdansleventre.JetravaillesurlaMustangtandisqu’Isaselancedansl’inventaire.Lavoitureseraitjolieavecune

nouvelle peinture et un intérieur neuf. À une époque, cette caisse aurait fait tourner des têtes. Plusmaintenant.Enfin,aujourd’huiellefaittournerdestêtesmaisparcequec’estunepoubelleambulante,pasparcequec’estunebellebagnole.

J’en ai fini avec laMustang et passe à la F150.Réparer lemoteur ne va pas être une partie deplaisirmaisj’ensuiscapable.Quandjetravaillesurlesvoitures,j’arriveàfuirlerestedemavie.Jemesenspluschezmoiaugaragequedansmapropremaison.

—Bonjour!Ilyaquelqu’un?Jemetourneversl’entréeetdécouvreBernie,unmécanoquiaideIsaquelquesjoursparsemaine.

Lemecestamoureuxdemacousinedepuissonpremierjourici,maisellelerepousseconstamment.Jedoisreconnaîtrequ’iladumérite,iladescojonesderevenirsefaireagresser.

—Jecroyaist’avoirviré,grondeIsacommeunanimalsauvage.Dégage!Bernie,latrentaineavecuneraiesurlecôté,têted’intello,s’avanceversIsa.—Tum’asviréparcequejet’aidemandédesortiravecmoi.—Exactement.—C’estirrationnel,Isa.—Non,dit-elleens’installantàl’accueilpourmettreunobstacleentreeux.Cequiestirrationnel,

c’estquetuveuillessortiravecmoi.Çan’arriverajamais.—Pourquoi?—Parcequejenesorspas.—Jenecomprendspas.—D’accord,alorsécoutebien.Ellefrappedesmainssurlebureau.—Jenesorspasavecdesintellos.Maintenant,va-t’en!Bernie,qu’onpourraitprendrepourunemauviette,l’ignore.Ilavanceversunedesvoituresetlitles

fichesensifflotant.Etilsemetautravail.Ilsmefontvraimentriretouslesdeux.—Tuveuxquej’appellelesflics?hurleIsa.—Jet’enprie.—Nemeprovoquepas,crétin.Berniearrêtedesiffler.—Jet’aidéjàditquetuétaissexyquandtut’obstines?—Jet’emmerde!Elleluifaitundoigtetfileàl’étagedanslapartieprivée.—Tuchercheslesennuis,dis-jeàBerniequihausselesépaules.—Jel’aime,Vic.IlfixelonguementlaporteparlaquelleIsaadisparu.—Etjeveuxmachance,sielledaignemeladonner.Tun’asjamaisvoulusortiravecunefilleàtel

pointquetuseraisprêtàfairen’importequoipouravoirunechanceavecelle?—Non,dis-jeenpensantàMonikaetàcequejeressenspourelledepuisdesannées.Àtaplace,je

laisseraistomber.—C’estunebonnechosequetunesoispasàmaplacealors.Tupeuxmepasserlacléàcliquet?—Jecroyaisqu’ellet’avaitviré.

—Ellenepeutpassepermettredemevirer,Vic.Net’inquiètepas,jelaferaicéderunjour.Jem’occuped’unchangementd’huile.—Tusaisqu’elleaunflinguesouslebureaudel’accueil,non?Ellen’aurapaspeurdes’enservir.—Certainesfillesvalentqu’onprennedesrisques.Tun’asjamaisétéamoureux?—Si,maisj’ailaissétomberilyalongtemps.Monmeilleuramil’aséduiteàlasecondeoùilluiademandédesortiravecelle.—Unechosequemonpèrem’aappriseavantdemourir,c’estdenepasbaisserlesbras.Jamais!Ilfixeavecenvielaportedel’appartementàl’étage.—Enfin,tantqu’ellenemetirepasdessus…

Chapitre14

MONIKA

Dimanchematin,Treym’envoieuntextodisantqu’ilveutm’emmenerquelquepart.L’ennui,c’estquejenemesenspasbien.J’ail’impressionqu’onmetordlespoignets,ilssonttrèsdouloureux.

Treyn’aimepasvraimentlessurprises,cedoitdoncêtreimportant.J’entreàmoitiévoûtéedansladouche,enfilemonshortneufetattendsqu’ilviennemechercher.

Duranttoutletrajet,moncœurbatàcentàl’heure;Treyal’airtellementnerveux.Iln’arrêtepasdepianotersurletableaudebord,etagitelegenou.

Est-cequ’ilstresseparcequ’ilcompteenfinmedévoilerlavéritésurZaraHughes?Ilaprisdeladrogue?Est-onsurlepointderompre?Mon angoisse laisse place à la curiosité quand nous nous garons sur le parking d’un parc

d’attractions.—Qu’est-cequ’onfaitlà?dis-jealorsqu’ilpaiecinqdollarspourlaplace.—Crois-moi,tuvasadorer.—Trey,jedétestelesgrandshuit.Tulesais.Ilmetapotelegenoucommesij’étaisunegamineàquionallaitfaireunepiqûre.—Toutvabiensepasser.Jepénètredans leparc, scrutant les installations immenses etmonstrueuses. J’ai surtoutpeurque

moncorpsnetolèrepaslaviolencedessecousses.Àchaquepas,j’ail’impressiond’avoirquatre-vingt-dixans.

C’estdéjàunmiraclequejesoisparvenueàcachermonétatàTreypendantsilongtemps.Quandjesuislenteouquemesosmefontmal,jeluidissimplementquemesgenouxontsouffertàl’entraînementdepom-pomgirlsetilnecherchepasplusloin.

Je crois que j’ai toujours eu peur qu’il ne sache la vérité. Est-ce qu’il ne me traiterait pasdifféremment?Penserait-ilquejesuistropfragile?Est-cequ’ilmelarguerait?

Rienquedelirelesavertissementsdanslaqueuepourlegrandhuit,j’aimalauxarticulations.—Tuvas temarrer,meditTreyquimeprendlamainetmeconduitvers leBlitz, laplusgrande

attractionduparc.Jetelepromets.—Hmm…jenesaispassijepeux,dis-jed’unevoixtremblante.Jenemesenspasbien.—Faispastachochotte,Monika.C’estriendefou.Çanevamêmepasvite.Ilvérifiesontéléphone,commes’ilattendaitunmessageouunappel.Zara?Nousnesommesplusdutoutenphase.Dans lafileduBlitz, je l’observe.Ilporteunshort,unmarceletdes lunettesnoires. Ilestgrand,

mince,unemâchoirecarréequelaplupartdesgarçonsluienvient.Ilsouritenpassantsonbrasautourdemoi.

Jelisunautrepanneaud’avertissement,àl’attentiondesfemmesenceintesetdespersonnesquiontmalaudosouaucou.Iln’estpasspécifiquementquestiond’autresmaladies.JeneveuxpasalarmerTreydufaitquejenesuispasenaussibonnesantéquej’enail’air.J’airéussiàleluicacherpendanttrois

ans.Jenecomptepasluidévoilerlepotauxrosesmaintenant,surtoutquenotrecouplevitunepériodecompliquée.

Jerespireprofondément.Allez,jepeuxlefaire!Jedoisbientôtsubiruntraitement,messymptômesdisparaîtrontvite.

Pouroubliermonangoisse,jechangedesujet:—Tuastrèsbienjoué,l’autresoir.Ilmeserrelamain.—Merci.Mais j’ai paniqué quand jeme suis fait plaquer sur la ligne demêlée à la troisième

période.Sérieux,siGordonnefaitpassonboulotpourmeprotéger,jevaisluibotterlecul.Jeledévisage,unsourcilrelevé.—Là,tuparlescommeVic.—Vicaréussidixplaquages!Jeneconnaispersonnequilisemieuxlejeuduquarterbackquelui.

Ilsefoutcomplètementdescours,maisc’estunsacréjoueur.—Tuesjaloux?—Non, sourit-il avant de regarder à nouveau son téléphone puis de le ranger dans sa poche. Je

courstoujoursplusvitequeVic,etiln’apasdecopineaussiextraordinairequelamienne.Jeglisselesbrasautourdesatailleetleserrefort.—Jesuisheureusequ’onpassecettejournéeensemble.Lebaletmessouciss’envolentalorsqu’unedélicieusetranquillitém’envahit.Jusqu’àcequejesentequelquechosedanslapochedeTrey.Despilules.Jem’efforced’ignorerlesentimentquigranditenmoi.Maintenantjecomprendspourquoisongenou

rebondissaitetsesdoigtstapotaientletableaudeborddemanièreincontrôlée.C’estl’effetdescachets.Serait-ildevenuaccro?

Ilfautquejeluienparleànouveau.JevaisdirequelquechoseausujetdespilulesquandjejetteunregardauBlitz.Lapeurs’emparede

moncorpstoutentier,jusquedanslaplantedemespieds.J’oublietout,surtoutquandj’entendsdesgensentraindehurlerau-dessusdenostêtes.

—Trey…jenesaispassijepeux.Ilmedonneunegentilletapedansledos.—Soisforte.Onpeutàpeineappelerçaungrandhuit.—Onalatêteenbas!J’imaginedéjàleharnaisdesécurités’ouvriretmoiquitombeverslamort.—Etsijetombe?Jevaismourir!Etsimoncorpscède?Mesarticulationsnesontpassolides.—C’estridicule,tunevaspasmourir,tunevaspastomber.Soudain,iléclatederire.—Et tesarticulationspeuventrésister.Sérieux,Monika,arrêtedepaniquer.Je teproposeun truc

marrant.Ce serait sympaque tu acceptes.Onm’adit que tu avais escaladéungrillage avec lesmecsl’autresoir.Nefaispassemblantd’êtrefragile.

Iljette,encore,unœilàsontéléphone.—C’estpeut-êtrelegrandhuitleplushautmaisc’estloind’êtrelepluseffrayant,jetelepromets.Jeluipiqueletéléphonedesmains.—Pourquoituregardesenpermanencetonportable?Ilmelereprend.—Pourrien.

Unautregroupedevisiteurssefaitattacher,prêtsàavoir lapeurdeleurvie.Onavanceet jemerongefurieusementlesongles.

Onestlessuivants.Ilyadumondeautourdenous,onestentassésetilfaitchaud;lesodeurscorporellessediffusent

danslafoule.JemeconcentresurTreyettentedefairedisparaîtretoutcequinousentoure.Çanemarchepas.J’aiencoreunepeureffroyabledecepiègemortel.Cenepourraitpass’appelerleVoyageRelaxantplutôtqueleBlitz?—Suivants!L’employénoussommedeveniraupremierrang.Lepremierrang?Oh,non!J’hésitemais le typenousrefaitsigne,visiblementénervédemevoirhésiter.Celafaitplusd’une

heurequ’onattend.Jenepeuxpasfairemachinearrière.J’aimerais.CependantjeneveuxpasdécevoirTreyquiessaiedepuistoutcetempsdemeconvaincrequejesuiscapabledelefaire.Ilseraavecmoi.Avecunpeudechance,monarthritesetiendratranquilleetjeneregretteraipas.

Je respire profondément, m’avance et m’assois. L’employé m’ordonne de m’attacher. J’obéis etfermelesyeuxquandilfaitdescendrelabarredesécurité.

Jepeuxlefaire.Jepeuxlefaire.Jenevaispasregretterçaaprès.Maisquandjecherche, lesyeuxclos, lamaindeTrey,quelquechosenevapas.Treyalesmains

doucesetpuissantes.Cellequejetiensestrêchecommedupapierdeverre.J’entrouvrelesyeuxetdécouvreuntypeattachéàcôtédemoi.Non!Jepousseuncrihorrifié.Cen’estpasdutoutmoncopain!Àsaplaces’estassisMatthewBonk,de

notreécole rivale, legarçonquimehérisse lepoil. Jecroisqu’ildétient le recordde touchdownsenfootball lycéenenIllinois,maiscelanefaitqu’alimentersonegosurdimensionné.Enplusdeça, ilestamiavecZara.

—Salut,bébé!melanceBonkd’unevoixtraînantealorsquesesyeuxdefouinedescendentetsefixentsurmapoitrine.

Beurk!Jeretiremamainetl’essuiesurmonshort,puisjetteunœilrapidepar-dessusmonépaule.Oùest

Trey?Quandjeletrouveenfin,jesuischoquée.Treyesttoujoursdanslafile,sontéléphoneàl’oreille.IllanceunregardhaineuxàBonk.Leregarddésoléqu’ilm’adressenesertàrien:legrandhuitdémarre.

Donc,jemeretrouveaupremierrangd’ungrandhuitquimontelentementetpéniblementencoreetencoresurdesrailseffrayants.Bon,jenesuispastouteseule.LepirecrétindelaTerreestassisjusteàcôtédemoi.

JemerépètedenepasregarderBonkmaislefaisquandmême.J’écarquillelesyeuxenvoyantcetypeallumerunjoint,pourdevrai.Ilprendunelongueboufféeavantdemeletendre.

—Tuveuxunelatte?—Tuplaisantes?Non!Range-moiça,abruti.Ilritavantdeprendreuneautrebouffée.—Çavatedétendre,tuvasoubliertoncopain,lapetitebite.—Jen’aipasbesoindemedétendre,mercibeaucoup.Etmoncopainn’arienàt’envier.Jecommenceàentameruneprière.

Jesuisharnachéecommeunanimalencage.Impossibled’arrêtercetruc,maintenant.JevaismouriraveccefichuMatthewBonkàmescôtés.Avecmachance,sonjointvaluiéchapperdesmains,atterrirsurma cuisse oumon visage etme brûler. Si je survis, je vais finir avec unemarque de brûlure demarijuanaàvie.

Jerefermelesyeuxetcontractemoncorpstoutentiercommejefaisauréveil,enattendantquecetteattractiondel’enfersetermine.J’ignoreoùl’onenestets’ilresteencoreunlongparcoursàfaire.

Soudain,j’ailasensationd’êtreenchutelibreverslamort,puisjesuisbousculéed’uncôtéetdel’autre…encore…sansoublierlescendresdemarijuanaquis’éclatentsurmonvisage.

Je.Vais.Mourir.J’entendsBonkrireetcrier«Wow!»plusieursfois,cequin’arrangerien.Mesarticulationssont

tropraidespourmefairesouffriràl’instantmêmemaisellesmeleferontpayerplustard.Jesaisquecesattractionsnedoiventdurerquesoixantesecondesmaximum.Maisçamesembleune

éternité.Oualorsjesuisdéfoncéeàcausedelafuméedujointetjen’aiquelesentimentqueletempss’allonge.Lapeurprendpossessiondemessens.Jedétestelasensationquej’aidansleventreàchaquechuteetàchaquevirage.

Enfin,onralentit.Est-cequec’estfiniouest-cequec’estjusteuneruse?J’expireungrandcoupetouvrelesyeuxalorsquenousnousarrêtonsdéfinitivement.—C’était top ! lanceBonk. Il faut que tu apprennes à te détendre, là tu fais poufiasse froide et

rigide.Ilsortdelanacelle.—Onsevoitaubal!—Hein?—JeviensavecDaniSalazaràvotrebal,m’annonce-t-ilavecunclind’œil.Unefillequiinviteun

mecdel’écolerivaledontl’enneminumérounestsonfrère.Merveilleux!Labarresesoulèveet jesuisenfin libre. Je titubehorsdusiège,moncorpshurlant,etvoisTrey

appuyécontreunerambardequim’attend.Ilestencorependuautéléphone.BonkluipassedevantmaisTreyneleremarquemêmepas.

C’estpascroyable.Jedépassemoncopain,enessayantdecamouflertoutsignequemoncorpsestloind’êtreravi.Trey

etmoi ne nous disputons jamais car on a décidé il y a très longtemps que l’on ne voulait pas d’unerelationfaitededramesetdeconneries.C’estnouveaupourmoi.Jenesaismêmepasquoidire,alorsjemetais.

—Monika,attends!Jecontinuedemarcher.EtsiTreyn’étaitpasentraindeparleravecZara?Etsisamèreavaiteuun

accidentdevoiture,ousonpèreunecrisecardiaque?Etsisasœurétaitretournéeencurededésintox?Pff,jen’aipasenviedepasserpourunepoufiassefroideetrigide.Jem’arrêteetmetourneverslui.—Désolée.C’étaitquiautéléphone?Uneurgence?—Non.C’étaitmoncousinDariusquivoulaitm’emprunterdel’argent.—Tuplaisantes?Tum’aslaisséesurce…cetengindelamortpourDarius?Cetypeestundealerquim’afaitdugringueuncertainnombredefoisquandonétaitchezTrey.Je

neluiaijamaisdit.Celaleferaittropsouffrirdesavoir.—Désolé,bébé.

—Nem’appellepasbébé.Etjereparsverslasortie.—Jen’aipasenviequ’onsebattepourça,medit-il.—Leschosesontchangéentrenous.Jemeretiensdedéballercequej’aivraimentsurlecœurcarjen’aipasenviedemedisputeravec

lui.Unefoisenvoiture,ilsetourneversmoi.—Jesuisvraimentdésolé.—Moiaussi.IlallumelemoteuretprendladirectiondeFremont.Alorsquenousapprochonsdelamaison,Trey

éteintlaradio.—Tuveuxveniraubalavecmoi,Monika?Je le regardede côté. Il fait çamaintenant ?Dans la voiture ?Alors qu’il conduit ? Je finis par

murmurer:—Ouais,ok.Ilsepasseunemaindanslescheveux.—Tuesbouleversée,çasevoit.Monplanétaitdeteledemanderenpleingrandhuit.—C’esttrèsromantique,Trey.—C’estJetquim’adonnél’idée.Surlecoup,çaparaissaitsympa.—TuassuivileconseildeJetThacker?Jecroiselesbrasetm’enfoncedanslesiège.—Maintenant,jecomprends.—D’accord,j’aicompris.J’aimerdé!Ilmeprendlamainetlaserredoucement.Autrefois,celamerendaittoutechosemaisaujourd’hui,

rien.—J’ailapressionencemomentetj’aifaitunmauvaischoix.Jesuisdésolé.—Arrêtededirequetuesdésolé.Çamepassera.J’esquisseunpetitsourireaumomentoùilarrivedansl’alléedemamaison.—Appelle-moiplustard,dis-jeendescendant.Jeremontelechemindebriquesversmamaisonpuismeretourne.Treynepartpas.Non,ilécritàquelqu’un.Àcestade-là,jemefichedesavoirqui.

Chapitre15

VICTOR

Treym’aappelécematinpourmedirequ’ilemmenaitMonikaauparcd’attractionspourl’inviteraubal.Jeluiaiditquec’étaitstupide,maisilnem’apasécouté.

Dansmachambre, j’essaiededormir,mêmesic’est lemilieude la journée.Jechercheàoublierqu’àcetinstantmême,Treyestentraind’inviterMonikaaubal.

Écouterdelamusiquenesertàrien.Scruterleplafondnesertàrien.Laportedemachambrecraqueens’ouvrant.Jen’aipasenviedevoirDaniquim’aprislatêtetoute

lajournéepourquejel’accompagneaucentrecommercial.—Déga…Jem’interrompsenapercevantdescourbessexydansunhautampleetunshortenjeansquidévoile

delonguesjambesbronzées.Ellesnepeuventappartenirqu’àlafillequihantemonesprit.Monika.—Salut, dit-elle avant de plaquer samain contre ses yeux en découvrant que je ne porte qu’un

boxer.Danim’alaisséeentreretm’aditquejepouvaismonter.Évidemment,jenesavaispasquetuétaispresquenu.Jevaisjuste,euh…

—Pasdesouci.J’attraperapidementmonpantalonparterreavantdel’enfiler.—Vic,ilestdeuxheuresdel’après-midi.Tuestoujoursaulit?—Jesuisrentrétard.TrouverMonikadansmachambremefaitpaniquer.Cen’estpascommesiellen’étaitjamaisvenue,

maisj’aipenséàelletoutelajournéeetjemesensbêtementdépriméetaffaibli.—Tupeuxarrêterdetecouvrirlesyeux.Elleécarteàpeinelesdoigts.—D’accord.Désoléed’avoirdébarquéàl’improviste.Ellepenchelatêtedecôté,dévoilantunepetitetachedenaissanceenformedelunesousl’oreille.—Ilfallaitquejeparleàquelqu’unetAshtynestavecDerek.Bree,bon,jel’adore,maiselleestun

peutêteenl’air.Àvraidire,ilmefautl’avisd’unmec,ettuesl’amimecleplusprochequej’aie.Jet’aurais bien appelé, mais tu ne réponds jamais au téléphone et je sais que tu détestes écrire desmessages…

—Pasgrave.Jeregardelesvêtementsetlescanetteséparpillésparterre.—Tunesaispasranger,remarque-t-elleeninspectantmachambre,sefrayantunpassagejusqu’àla

chaisedevantmafenêtre.Jecontemplesapeaumateetsescheveuxchocolat,quifontunsuperbecontrasteavecsesyeuxvert

clair.Rienquedelavoir,moncœurs’accélèreetjem’excitecommeuncollégienfaceàuneterminale.Jelajouetranquille,commed’habitude,etmeposeauborddemonlit.—JecroyaisquetuvoyaisTrey.

—Oh,jel’aivu,t’inquiète.Ellepousseunlongetlentsoupir.—Çaaétéunecatastrophe.Jedétestelapartiedemoiquijubileenl’apprenant.—C’est-à-dire?Allez,çan’apaspuêtresihorrible.— Ah, tu crois ? Alors d’abord, dit-elle en se massant les poignets, on est allés dans un parc

d’attractions.Jedéteste çamaisTreyvoulaitque je surpassemapeurdesgrandshuit.Mauvaise idée.Ensuite,quandjesuismontéedansuntrucappeléleBlitz,tonpotem’aplantée!

C’estquoicedélire?—Non,jenetecroispas.—Jetejure.D’ordinaire,Monikaestcompréhensiveetcalmemaisàcertainsmoments,elles’enflammetellement

qu’elles’agitedanstouslessens.Commemaintenant.C’estmarrantdelavoirpasserd’unétatàl’autre,commesielles’autorisaitàenleversonauréole.

—Etécouteça,d’aprèstoiavecquijemesuisretrouvéecoincéedanscetrucinfernal?—Balance.Ellecroiselesbras,cequifaitgonflersapoitrine.Mince,latorture!—Lapersonnequetudétestesleplusaumonde.Uneseulepersonnemesauteàl’esprit.—MatthewBonk?Elleacquiesce.Ohbordel!Cependejo,monennemijuré!—Putain!—Tupeux ledire ! Il a fuméun jointpendant l’attraction.Et attends, ilm’a racontéun trucde

dingue,qu’ilallaitaubaldeFremontavectasœurDani.—Ben,voyons!Masœurneconnaîtmêmepascetype.—Et tusaiscequefaisaitmoncopainpendantquej’étaisattachéeàcôtédeBonk?Ilparlaitau

téléphoneetn’ajamaisfaitlegrandhuit.Trey est mon el mero mero, celui sur qui je peux toujours compter. Je dois admettre que c’est

difficiledeconciliermonamitiéavecTreyetMonika, surtoutàcausedemessentimentspourelle. JecomprendsMonika. Je sais ce qu’elle aime et ce qu’elle déteste.Mais comme elle dit, Trey estmonpote:moncoéquipier,monmeilleurami.

—Ilparlaitàqui?—Ilprétendquec’étaitsoncousinDarius.Tuycrois,toi?Franchement,jen’enferaispastouteune

affaire si c’était un appel urgent,maisDarius? Le gars qui emprunte de l’argent à Trey sans aucuneintentionde le rembourser ?Darius se fichequeTrey soit pauvre et n’ait pas d’argent à jeter par lesfenêtres.

Treynerefuseraitjamaisd’aiderquelqu’undanslebesoin,mêmes’ildoitsesacrifier.C’estuneconversationdifficile.NonpasqueMonikaetmoineparlonsjamais,aucontraire,maisen

généralellenes’enprendpasàTrey.—Peut-êtrequetudevraisendiscuteravecAshtynouBree.—Vic,tuconnaisTreymieuxquepersonne.Tuasremarquécommeilétaitbizarreencemoment?Il

ditquec’estlestressmaisilyaautrechose.—Quoi?

Ellehausselesépaules,commesiellen’étaitsûrederien.—Jen’aipasenviedeteledire.Ilfautquetuluiparles.—Ilvabien.Soisindulgenteaveclui.Luietmoinesommespassurlamêmelongueurd’ondequandils’agitdel’écoleetdesnotes.Ellefroncelessourcils,complètementabattue.—Peux-tuaumoinsparleràTrey,histoiredevoirs’ilvabien,s’ilsepassequelquechose?Jenesaispasquoipenser.—Tuveuxquej’espionnemonmeilleurami?—Plusoumoins.Ellecommenceàserongerlesongles.Moninstinctmeditdelaserrerfortetdelaréconforter,pour

qu’ellesecalme.Maiscen’estpasmonrôle.—Jenecomprendspascequisepasseentrenous.Enfin,cesderniers temps, jemesensplusen

phaseavecd’autrespersonnes…Savoixs’efface.Enphaseavecmoi?J’aimeraisluiposerlaquestion,maisjem’abstiens.Jen’aipasledroitd’être

amoureuxd’elle,etencoremoinsd’essayerdelafaireentrerdansmavie.—Jeneteprometsaucunrésultat,maisjeluiparlerai.J’aimerais que quelqu’un s’inquiète autant pourmoi. Je tente d’ignorer la jalousie qui grandit en

moi. Le seul problème, c’est que chaque fois que je parle avec elle, mes sentiments ne font ques’amplifier.

Ungrandsourire,deceuxquiferaientfondreuncœurdepierre,illuminesonvisage.—Merci, Vic ! s’exclame-t-elle en traversant la pièce pour m’embrasser sur la joue. Tu es le

meilleur.Ouais,ouais.Jevaisgardercebaiserenmémoirependantlongtemps.Enseredressant,ellemetunemainaubasdesondosettressailletrèslégèrement.—Qu’est-cequ’ilya?—Rien,rien.Ben,voyons.Jel’aisuffisammentobservéepoursavoirqu’elleadesdouleursrégulièrement.Elle

essaiedelecachermaislà,ellenepeutrienyfaire.—Jenetecroispas,parle-moi.—Jevaisbien.—J’aideuxsœurs.Jesaisquec’estdesconneriesquandunefilleditqu’ellevabien.Parle-moi.Jetendslamainetluiattrapelepoignetpourqu’ellenepartepas.—Parle-moi.Monikaparletrèsrarementd’elle.Ondiraitqu’ellepréfèreseconcentrersurlesautresplutôtque

surelle-même.Nosregardssecroisentetmoncœuraccélèreunpeu.Jenedétournepaslesyeux,commesielleavaituneprisesurmoi.J’ignoresielleressentcelien

maisdemoncôté,jen’aipaslemoindredoute.Etjeneveuxpasdétournerlesyeuxpournepaslebriser.Sonregardintenseetsesyeuxémeraudesontenivrants.—Jenepeuxpas,répond-elledoucement.—Parle-moi,Monika.Pourquoiest-cequetusursautesdedouleurtoutletemps?Silence.Elledéglutitettournelatête;elleal’airvulnérable,vaincue.Jenelalâchepas.Jesensauplusprofonddemoiquequelquechosenevapas.

—J’aidel’arthrite,tuescontent?lance-t-elleenfinenmefixantdroitdanslesyeux.Là,j’aiunecrise.Tomberdugrillagesurleterraindefootballetallersurungrandhuit,çan’apasaidé.Jen’aipasenvied’enparler.Oubliecequejeviensdedire.

Del’arthrite?Rien que de l’entendre partager sa maladie me donne envie de la prendre dans les bras, de la

protégerdeladouleurdontellesouffreencetinstant.—Treyestaucourant?Elletientlatêtehaute.—Non,etjet’interdisdeluienparler.Promets-moiquetunedirasrien.—Pourquoi?—Parceque j’arriveàcontenir ladouleur laplupartdu tempset jeneveuxpasqu’onme traite

commeunehandicapée.EnparticulierTrey.Jen’arrivepasàcroirequejetel’aidit.Desesyeuxvertclair,elleregardemamainautourdesonpoignet.—Situmetraitesdifféremment,jetejurequejeneteparleplusdemavie.—Tuesmontéedansungrandhuit.Cen’étaitprobablementpasunebonneidée.—Jesais,jesuisbête,j’aicompris.Ellesecouelatêteetposesamainpar-dessuslamienne.Cegesteintimefaitbattremoncœurencore

plusvite.—Écoute,Vic, jeneveuxpasmeménager,c’estpourçaquejepousseleslimitesdemoncorps.

C’estunequestiond’étatd’esprit.Jeveuxvaincre.Jevaisvaincre.—Vaincrequoi?demandeunevoixfamilièredanslecouloir.Jemetourneetaperçoismonexàmaporte,unsourcilrelevéenmedécouvrantauborddemonlità

tenirlepoignetdeMonikaFox.Samainrestesurlamienne.Etmerde.Jeretiremamain.—Salut,Vic,ditCassidylatêtelégèrementdecôté.Elleavaitl’habitudedefaireçaquandellevoulaitmeparlerdequelquechosedemalquej’avais

fait.Àsesyeux,jefaisaistoujoursquelquechosedemal.Monikas’écartededeuxpas,comprenantqu’onal’aircoupables.—Salut,Cassidy.—Salut,lancé-jeàmontourenessayantdefairecommesiderienn’était.Qu’est-cequetufaisici?—Danim’ademandédel’emmeneraucentrecommercialpouracheterunerobepourlebal.Elleplisselesyeuxlégèrement.—Jeme suisditque jeviendrais te saluer avantd’yaller.Évidemment, je ne savais pas que tu

avaisdelacompagnie.—J’allaispartir,répondMonikaenattrapantsonsacsurlachaise.Onsereparleplustard.EllesalueCassidyetsortdemachambre.Cassidylasuitduregardjusqu’àcequ’elleaitdisparu.—C’étaitquoi,ça?Tubaiseslacopinedetonmeilleurami?—Tuesridicule.—Jevousaivusmaindanslamain.Jememetsdeboutenlevantlesyeuxauciel.—Onn’étaitpasmaindanslamain,Cass.Jeluiaiattrapélebraspouruneexpériencepourlecours

desocio.Sijeluidisaislavérité,lesexplicationsn’enfiniraientplus.

Je suis dans de beaux draps là, Cassidy ne sait pas se taire. Si elle pense que je couche avecMonika,toutlemondeaulycéeseraaucourant.

Mince,ellevasansdoutepublieruntrucsurInternet.Cassidy,quim’accusait à tortde la tromperetme répétait enpermanenceque j’étaisunmauvais

copain,respireprofondément.—Bon,c’estparti.Vic,jepenseàtoitouslesjours.—Cass…Ellelèvelesmainspourmecouperlaparole.—Jet’aimetoujours.Ellebaisselatête.—Quoi?Jesaisqueturacontesdelamerdeàmonsujet.Tucroisquejenesuispasaucourantde

cequetudisdansmondos?Fremontestunepetiteville.—Jefaisçaparcequetumemanques.Elleditçacommesic’étaituneexplicationtoutàfaitsaine.Ellerelèvelatête,leslarmesauxyeux.—Notrecouplememanque.Situsortaisavecquelqu’und’autre,çametuerait.Tunemeregardes

mêmeplus.Quandjesuisentréeetquejevousaivus,Monikaettoi,j’aiététellementjalousequej’enétaismalade.

—Tun’asaucuneraisond’êtrejalouse.—Est-cequ’onpeutréessayer,Vic?Elleavancecommeunprédateur.Quandelleestsuffisammentprès,ellepasselentementsesmains

surmontorseetglisseverslebas.—Jeteprometsquejepeuxêtrelacopinequetusouhaites.Jeretiresesmains.—Jenepeuxpasêtrelecopainquetusouhaites,Cassidy.—Pourquoi?Ilyaquelqu’und’autre?—Non,dis-jeenressentanttoujourslelienaveclafillequivientdequitterlapièce.Tuneseras

jamaissatisfaite.—Jetejurequej’aichangé.Jen’aimêmepasdecavalierpourlebal,commetoutlemondesaitque

jeveuxyalleravectoi.—Doncengros,c’estàcausedemoisitun’aspasdecavalier?—Exactement,soupire-t-elle.Merdealors!Jemedétestemaisjen’aipasenviequ’ellen’aitpersonnepourlebal.—Situveuxvraimentyaller,jet’emmènerai.Sonvisages’illumine.—Sérieusement?—Ouais,maisçaneveutpasdirequ’onestensemble.Çaveutjustedirequ’onvaaubalensemble.—Ok!Ellepassesesbrasautourdemesépaules.—Tufaisdemoi lafille laplusheureusede laTerre,Vic!Maintenant, jevaisacheterunerobe

avectasœur!Aumoins,quelqu’unestheureuxparici.

Chapitre16

MONIKA

Mercrediaprèslescours,Ashtyn,Breeetmoiavonsprévud’allerfairelesboutiquespourtrouverunerobepourlebal.

Breefoncedirectementaufonddumagasinoùsetrouventlesrobes.—J’enveuxuneencuirnoir,lance-t-ellehautetfort.—Tuveuxdeschaînesetunfouetaussi?s’amuseAshtyn.Breeacquiesce,visiblementimpressionnéeparlasuggestion.—Etpourquoipas?Jetauraitbesoind’unpetitcoupdefouet.Àcepropos,j’aientendudireque

Treyt’avaitamenéesurungrandhuitpourt’inviteraubal.—C’étaitunvraidésastre.Jemeconcentresurlesrobesetentrouveunerougeàépauledénudée.—Celle-lànet’iraitpas?dis-jeàAshtyn.—Troprouge.J’ensorsunenoireàpaillettes.—Tropflashy.BreechoisitunerobevraimentcourteetlatientdevantAshtyn.—Etcelle-là?Ashtynportesamainàsabouchepours’empêcherderire.—Etoùestlerestedutissu?fait-elleenremettantlarobesurleprésentoir.Honnêtement,jedois

avoirquelquechosedansmonarmoirequiferal’affaire.Pourquoiacheterunenouvellerobesic’estpourlamettreuneseulefois?

—Écoute,chérie,lanceBreeenprenantuneautrerobequ’elleluimetentrelesmains,tunevaspasyallerenmaillotdefootouaveccequ’ilyadanstonarmoire,parcequeMonikaetmoi,onavutouteslesdeuxceque tugardaisdans ton trouetc’est juste triste.Fais-toià l’idéeque l’onva t’habillerenvraiefillepourlebal.

Ashsetourneversmoipourquejelasoutienne.—Désolée,jesuisavecBreesurcecoup-là,déclaré-jeavantdeluiprésenteruneautrerobequilui

iraitbien.Essaie-les.Auboutducompte,nousallonstouteslestroisauxcabinesetnousamusonsbeaucoup.Onessaiedes

robesqu’aucunefilledenotreâgeneporterait,sinonlesplustraditionnellesdel’école.Puisonessaiedesmodèlesquidévoilentsansdouteplusdepeauquelaloinel’autorise,derobespourlesquellesonseferaitsansdoutevirerdubal.Enfin,onchoisitnospréféréesetl’onvotepourlesmeilleures.

C’est sympa d’être entre copines. Bree et Ashtyn sont là pour moi, que je sois heureuse, triste,angoissée,bizarreouquejepartedansundélire.Onatoutesconnudesmomentsmouvementésensemble.Jepartagepratiquementtoutavecelles.

Pratiquement.Ellesnesaventpasquejeluttecontrel’arthrite.

Seulsmesparents,etmaintenantVic, sontaucourant. Jemesuis sentieprochede lui l’autre jourchezlui,plusprochequ’avecunautredepuislongtemps.J’airougisoussonregardintensejusqu’àcequeCassidydébarqueetbrisenotrelien,cequin’estpeut-êtrepasunemauvaisechose.J’étaiscomplètementchambouléeensentantlaforcedesamainautourdemonbras.Jen’aijamaisressentiçaauparavantaveclui.

C’estlemeilleuramideTreydepuistoujours.Unmecdelabande.Leschosesétaientdifférentesdanssachambre.Jesuissûrequec’estdemafaute,j’étaisàfleurdepeauetpercevaisdeschosesquin’yétaientpas.

AvectoutcequisepasseentreTreyetmoi,ilnefautpass’étonnersijesuisperdue.Tandisqu’Ashessaieuneautrerobe,Breeconsultesontéléphone.—Mince!Jeregardepar-dessussonépaule.—Qu’est-cequ’ilya?—Apparemment,Cassidyestentraindebalancersurunefillequiauraittrompésoncopain.Moncœurs’arrête.—Qui?Breem’adresseunregardpuisrevientverssonportable.—C’estanonyme.Tusais,elleécrittoujoursdefaçonmystérieuse,histoiredefaireparler.—Commenousencemomentmême?Onestentraindetomberdanssonpiège.Breebalaiemoncommentairedureversdelamain.—J’assumeparfaitementdejaser.Onlefaittous,non?—Pasmoi,intervientAsh,lamainenl’air.Breeseredresse,approchesontéléphoneetsemetàlirelemessagedeCassidy:«Quandtuesen

couple,arrêtedeflirteravecd’autresmecs.Jedisçacommeça.»—Àtonavis,elleparledequi?demandeBree,lesyeuxécarquillés.—Jem’enfiche,répondAsh.—Tunet’enficheraispassiDerekflirtaitavecuneautrefilledanstondos.—Biensûr,mais…Ashsemetàserongerlesongles,maisBreeluidonneunetapepourqu’ellearrête.—Ash,Derekneflirtepasavecd’autresfilles,luidis-je.—Ouais,s’ilyabienuncouplesolide,c’esttoietDerek,ajouteBree.Commentvontleschoses

avecTrey,Monika?—Toutbaigne,marmonné-je.Jen’auraispeut-êtrepasdûallerchezVic.LafaçondontCassidym’aregardéequandVicmetenait

lepoignetasuffiàmefairepartir;j’auraisvouluqu’ellenesoitpaslà.Jeneveuxpasqu’onparledansmondos.Jeneveuxpasqu’onmesoupçonnedetrompermoncopainavecsonmeilleurami.Mêmesij’aiimaginébrièvementqueVicmeprennedanssesbrasfortsetagiles.Etd’accord,j’ai

fantasmél’espaced’unesecondequeleslèvresdeVics’appuientcontrelesmiennes…maisjen’aipaslaissémonespritsefixersurcetteimagetroplongtemps.

Alorspourquoiest-cequej’ypenseencore?

Chapitre17

VICTOR

Jenecherchepaslesennuis.Ilsmetrouventquoiquejefasseetpeuimporteavecquijesuis.Sérieusement,jedoisêtremaudit.

Ilparaîtquejesuissortiduventredemamèreenhurlantetendonnantdescoupsdepied.Jesuisarrivédanscemondeenmebattantetjen’aijamaisarrêté.C’estprobablementpourçaquejesuisdouéaufootballaméricain…Lecoachditquec’estunsportpourgladiateursdestempsmodernes.

Dieter a annulé l’entraînement de lundi. Je joue au basket avec Trey devant son immeuble. Aucollège,jepassaisdenombreusesnuitschezlui,principalementpouréchapperàmonpère.QuandTreyacommencéàsortiravecMonika,onsevoyaitmoinsparcequ’ilsétaienttoujoursfourrésensembleetjenevoulaispastenirlachandelle.

—Tuavaisraison: legrandhuit,c’étaitunemauvaiseidée,ditTreyenratantlepanier.Celamesemblaitêtreunebonneidéesurlecoupmaisc’étaitnaze.

—Ellem’aracontécequis’étaitpasséavecBonk,dis-jeavantdefaireunlay-up.Écoute,situveuxfairelepique-niquesurleterrainavecl’orchestre,dis-le-moi.

—Commentça,tuasunréseau?—Peut-être,fais-jeenhaussantlesépaules.Treydribbleàtraversleterrainetjeletalonned’unboutàl’autre.Aujourd’hui,ilestdansuntel

étatdenerfsqu’iltiretroptôt.Depuisqu’onestpetits,onestdansuneformederivalité;l’unetl’autre,ona trop l’espritdecompétitionpourarrêtermaintenant,mêmes’il ratedes tirsfacilesetsemble tropsurexcitépourseconcentrer.

—Sijegagne,tudoism’offrirunMcDo,lance-t-ild’unevoixtropassurée.—Etsijegagne,c’esttoiquim’offresdestacos!—Bonjourlecliché,unMexicainquidemandedestacos!—Mec,c’esttropbon!D’uncoup,jeluipiqueleballondesmainsetdribblejusqu’àl’autreboutduterrain.—Pourungarsquidevraitsortirmajordepromo,jetecroyaisplusmalin.Jesauteettirejusteau-dessusdesatêteetmarqueunpanier.Ilrécupèreleballon.—Merdealors!Vic,jesuisimpressionné.Iltientleballonàsonflanc.—Bon,euh,tupeuxm’aideraveccettehistoired’invitationpourMonika?Ellem’enveutàmort

d’avoirtoutgâché.—Nedéconnepasavecelle.Iltraverseleterrainendribblant.—Macopinecommenceàêtreprisedetête.—Monikan’estpasprisedetête,mec.Tul’asplantéependantlebaluneannéeparcequetasœur

voulaitpartirtôtetellenes’estjamaisplainte.Elleadormiavecsamainsurtontorsetouteunenuitalorsquetut’étaisendormibourréchezJetl’étédernierparcequ’elleaeupeurquetunet’étouffesdanston

vomi.Monpote,j’yétais.Elledemandaitdesserviettesmouilléesenpermanenceparcequetutranspiraiscommeunporc.PasseunenuitavecCassidyRichards,tuvasvoircequec’est,unefillevraimentprisedetête.Monikaest…

J’aienviededireparfaite.J’aienviededirealtruiste.J’aienviededireattentionnéeetfacileàvivre,maisj’aipeurdemetrahir.J’enaidéjàtropdit.Ilsortsontéléphonedesapoche,écritenvitesseetlerange.—Dis-moicequejedoisfaire.—Écoute,situveuxréparertonerreur,tudoisl’impressionner.—L’impressionner?Vic,jesuisraide.Jepeuxluioffrirunoursenpelucheou…—Unours?Treyestàl’ouest!—Tusaisqu’elleaimelespingouins.Unoursenpeluche,çaneleferapas.Tagueuleavantqu’ilcomprenne!—Ouais,marmonne-t-ilensecouantlatête.Lespingouins,jelesavais.Iltireunpanier.—Donctuveuxbienm’aideràl’impressionner,oujesaispasquoi?—Ouais,d’accord.C’estcequefontlesamis…ons’entraide,mêmequandçanoustue.

Deuxjoursplustard,Treyestfinprêt.Il a orchestré une nuit entière de trucs romantiques et a engagé ses amis pour l’aider. Trey ne

s’impliquait dans rien alors c’est moi qui ai presque tout planifié. Sérieusement, pendant toutel’organisationdelasoirée,ilestrestépenduautéléphoneoucoincédanslasalledebains.

Ilnevapasbiendutout.Ilprétendquecesontlesnerfsetlestress.Jeneluienparlepas,maisjecomptebiendireàMonika

qu’ellearaisonquandelleditqueTreyauncomportementbizarre.Ce soir, je suis responsabledugâteau, sur lequel est écritBAL DU LYCÉE suivi d’un énormepoint

d’interrogation.C’estdébilemaisçaferarireMonika.Jeporteun jeans,unechemiseetunecravate à la con ; jenepourrai jamais fairemieux. Jen’ai

aucuneenviedepasserpourungarçondecafémaisTreyestmonpoteet,bon,jeferaisn’importequoipourlui.Jesuispeut-êtreunconnardparmomentsmaisjesuisunconnardfidèle.

Danslesalon,MarissaestassisesurlecanapéàlireL’Odyssée.—Ont’ademandédelelirepourlescours?—Non,jelelispourleplaisir.Hein?—TulisL’Odysséepourleplaisir?—C’estvraimentbien,Vic,dit-elleenlevantlesyeux.Jetelepasseraiquandj’auraifini.—Ouais,ouais.Jeneluidispasquejenel’avaismêmepaslucommedevoir.Jenevaiscertainementpaslefaire

pourleplaisir!J’aidéjàdelachancesij’arriveàlireuneconsignejusqu’aubout.JedevaislireL’Odysséel’annéedernière, jen’aipascomprisunmot.Çanem’étonnepasquece

livreplaiseàmasœur.Elleveuttellementêtrelameilleureélèveetrejoindredesclubsdontellesefiche

seulementparcequeçadevraitl’aideràintégrerunefacprestigieuse.Danidébouledansl’escalieretmepassedevantencourant.—Tuvasoù?—Çaneteregardepas.—Tuesmasœur,çameregarde.Alorsqu’elleestsurlepointdesortir,jebloquelaporte.Elleposelesmainssurseshanches.—Bougedelà,Vic.—Non,tuvasoù?—Jevaisêtreenretard.—Jem’enfousquetusoisenretard.Dis-moioùtuvas.Mon téléphone vibre. Eh merde ! Je l’ai laissé dans la cuisine. C’est sans doute Trey qui me

rappelledenepasêtreenretard.—Attends-moilà.Tunebougespas.J’attrapemon téléphone et retourne dans l’entréemaisma sœur nem’a pas écouté : j’entends la

portes’ouvriretserefermer.Daniestdéjàpartie.Jeregardepar lafenêtreet lavoismonterdansuneJeepjaune.

Merde!UneJeepjaune…MatthewBonk.Cemecferaitn’importequoipourmegâcherlavie,mêmes’ildoitutilisermasœur.Danisetrouvedanssavoitureetlavoitures’enva.J’attrapelegâteaupourMonikaetleposesurleplancherdemacamionnette.Jecompterécupérer

masœurenunseulmorceauavantlafindelasoirée.Pourlegâteau,jenepeuxpasmeprononcer.

Chapitre18

MONIKA

Treyarrivechezmoidanslasoirée,vêtud’unjeansetd’unechemiseblanche.Ilsourit.—J’aiunesurprisepourtoi.

J’enaimarred’ignorernosproblèmes.—Trey,ilfautqu’onparle.—Çanepeutpasattendre?J’essaiedefaireuntrucspécialcesoir.Jen’avaispasremarquélamainqu’ilgardaitderrièreledos.Illasort,dévoilantuneroserouge.—C’estpourtoi.Jeprendslaroseenfaisantattentionànepasmepiqueretsenssondélicieuxparfum.—Merci.—Jecomptet’emmenerquelquepartmaisilfautquetuarrêtesdefairecettetête.Jefaisdesefforts,

là.Laisse-moiunechance.Onparleradechosessérieusesdemain.Jesoupire.—D’accord,çamarche.Ilmeprendlamainetmeconduitàsavoiture.—Pourquoiest-cequetuhésites?medemande-t-ilquandjeralentisenapprochantdelavoiture.Jenesaispascommentl’exprimersansqu’ils’énerve.—Trey,est-cequetuasprisdespilulescesoir?—Pourquoi?—Parcequesic’estlecas,jenemontepasenvoitureavectoi.Ilouvrelaportièrepassager.—Jen’aipasprisdepilules,d’accord?Fais-moiconfiance.Jemonteenvoiture;j’aimeraisêtreexcitéeàl’idéedecequeTreyaprévu.—Fermelesyeux,dit-ilenconduisantversnotredestinationsecrète.—Allez,Trey,dis-moioùonva.Jeteprometsd’avoirl’airsurpriseenarrivant.—Non,garde-lesfermés.Jesaisquetuaimesavoirlecontrôlesurtoutetquetuaimesquetavie

soitrangéeetorganiséemaisjeteprometsquecelaenvautlapeinecettefois.Cettefois.Ilcomptedoncm’inviteraubal,pourlasecondefois.L’angoisse s’empare de mon corps quand les choses ne se passent pas comme prévu. J’ai peur

d’énerver ou de décevoir Trey en gâchant notre soirée. J’ai l’impression qu’on reste ensemble parhabitude,etquel’onneressentplusvraimentlesémotionsquelescouplessontcenséspartager.

Lesémotionsquejecommenceàavoirpourquelqu’und’autre.Jem’enfoncedansmonsiège,lesmainsposéessurlesgenoux,àattendredenouvellesinstructions.

Laradioestallumée;j’imagineTreyhocherlatêtesurlamusique.Uneminuteplustard,lavoitures’immobiliseetj’entendslemoteurs’éteindre.—N’ouvre pas encore les yeux, dit Trey d’une voix pleine d’excitation avant de descendre de

voiture.

L’airchauddel’Illinoism’enveloppequandjedescendsàmontour.Treymesoulèvesanseffortetjepasselesbrasautourdesoncoupournepastomber.Nousdevonsêtreauparcàcôtédechezluicarj’entendsl’herbecrissersoussespas.

—Nousysommes?—Ouais.Ilmereposeparterreetmemurmureàl’oreille:—Ouvrelesyeux.Jeclignedesyeuxdeuxfois,letempsdem’habitueràlalumière.Jerestebouchebée.Cen’estpaspossible!Nous sommes au milieu du terrain de football du lycée de Fremont. Une grande couverture est

étendue sur la ligne des quarante-cinq mètres. Des bougies électriques forment un cercle autour,illuminantl’endroitavecunelumièreromantique.

Treymeprendlamainetmeconduitjusqu’àlacouverture.—C’estmagnifique!Commentas-tueulapermissiondefaireça?Ilrit.—Quit’aditquej’avaiseulapermission?Jeluilanceunregardméfiantenmedemandants’ilplaisanteounon.—Onvaavoirdesproblèmes,Trey.Lapolicevanousvirer.CelaressembleplusàVic.—Détends-toi,toutvabien.Vicconnaîtlejardinierquientretientlapelouse.Iladitquejepouvais

venirici.—Tuessûr?Ilmerépondenm’embrassantsurlajoue.—Ouais,fais-moiconfiance.On s’assoit sur la couverture quand, sorties de nulle part, dix personnes de l’orchestre du lycée

débarquentsurleterrainenjouant«JustTheWayYouAre»deBrunoMars.Treychantesurlamusiquedesavoixdouceetprofonde.—C’estnotrechanson,murmuré-je.J’essaiedeprofiterdelasoiréealorsquelamusiquerésonneetquelalumièredesbougiesdanse

autourdenous.Onsecroiraitdansunfilmromantiqueoùlehérosséduitl’héroïneetgagnesoncœur.Dèsle début de notre relation, Treyme laissait desmots dansmon casier et m’écrivait un petit messagemignonchaquematinjustepourmedonnerlesourire.

Ilnefaitplusriendepuissixmois.Quandlemorceausetermine,l’orchestreretourneàlapénombreetdisparaît.J’admirelapeaubruneetparfaitedeTrey,sestraitsciseléspourlesquelsplusd’unefilleavoulu

melepiqueraufildesannées.—J’t’aime,dit-ilenplongeantsonregarddanslemien.Jerépondsnaturellement:—Jet’aimeaussi.Unrirefaux,bruyantetdétestablemefaitleverlesyeux.—Bon,sérieusement,vousêtesdégueulasses.Jet,enchemiseblancheetpantalonnoir,porteuneassiettedanslesmains.—Qu’est-cequetufaislà,Jet?

—Jeseraiundevosserveurspersonnels,cesoir.Sivousavezbesoindequoiquecesoit,faites-moisigne.

Ilnousprésentel’assietterempliedepetitssandwichsaubœuf,avecdupainfaitmaison,commeunmajordomeexpérimenté.

—Monpèrevousapréparécesamuse-bouchesàsonrestaurant.C’estunerecetteexpérimentale.Sivousvomissezoumourez,cen’estpaslafauteduchef.Jevousauraisprévenus.

—Toutcequetonpèrecuisineestdélicieux.Jeprendsundessandwichs.Treym’imiteetnouslessavouronssousleregardtrèsfieretsatisfaitde

Jet.—Wow,Jet,lanceTrey,tudirasàtonpèrequec’estunetuerie!J’ai la bouche pleine de délicieux bœuf tendre, de pain frais et d’épices qui se mélangent

parfaitement.Jen’airiend’autreàdireque:—Mmmh!—C’estqueledébut!Jetfaitsigneàquelqu’undanslacabineducommentateurenhautdesgradins.Jefroncelessourcils,

confuse,enadressantunregardàTreyquisefrottelesmainsdejoie,commeaudernierNoëljusteavantdedécouvrirlamontrequejeluiavaisofferte.

AshtynetDerekdescendentdesgradinsetentrentsur le terrain. Ilsportent tous lesdeuxlamêmetenuequeJet.Jen’arrivepasàcroirequeTreyaittoutorganiséavecnosamis,lesmêmespersonnesquinousentourentdepuisledébutdenotrerelation.AshtynapporteunénormepingouinenpelucheetDerekunpanier.

—OùestVic?demandé-je.C’estleseulabsentdenotregroupe.Treyhausselesépaulesetregardesontéléphone.—Ilétaitcenséêtrelà.—Jen’aipaseudenouvellesdelui,ajouteJet.—Nousnonplus,renchérissentDereketAshtyn.—Peut-êtrequ’ilsebastonneavecquelqu’unpourlefun,plaisanteJet(mêmesil’onsaitqu’ilpeut

avoirraison).Oualorsilpleureensachantqu’ilvadevoiralleraubalavecsonex.Sonex?—VicvaaubalavecCassidy?dis-je.—Ouais!Moncœurseserre.Pourtant,jem’enfichedesavoiravecquiilvaaubal.Ilpeutbienyalleravec

Cassidy.Maisalorspourquoiest-cequelajalousiecouledansmesveines?Est-cequ’ilssesontremisensemble?Jenedevraispasm’ensoucier.Vicetsavieamoureusenemeconcernentpas.—OubliezVic,profitezdevotrerepasetdecettesoiréespéciale,conclutAsh.Treyregardeànouveausonportable,puismarmonnequelquechoseausujetd’ungâteau,deVic,et

quetoutelasoiréeestratéeparcequ’iln’estpaslà.— Je n’arrive pas à croire que vous vous soyezmis sur votre trente et un, dis-je en ouvrant le

panier.Je suis agréablement surprise en découvrant son contenu : poulet, purée de pommes de terre et

légumes.—C’estgénial,lesgars.Mercibeaucoup!Jevousadore.Treyprendlepingouinenpeluchedesmainsd’Ashtynetmeletend.

—C’estpourtoi.—Oh,j’adorelespingouins.Trey,c’estparfait.OncommenceàmangeralorsqueJet,AshtynetDerekpassentdelamusiquedanslehaut-parleuret

jouentlesserveurs.Aprèsdîner,ilss’envonttouslestroispournouslaisserseuls.Treynousenveloppedansuneautrecouvertureetéteint lesfaussesbougiespourquenoussoyons

dansuneobscuritépresquetotale.Nous avons beau être au plus près l’un de l’autre physiquement, je sens que nos pensées et nos

émotionssontàdesannées-lumière.Jemeredresse.—Qu’est-cequ’ilya?demandeTrey.Jen’aipasenviedeluidiremaisjeneveuxpasmaintenircettefaçadepluslongtemps.Cen’estpas

juste,pourluicommepourmoi.J’aienvied’unerelationmaisjeréalisesubitementquejeneveuxpasquecesoitaveclui.

—Toutçaparaîtsifaux,Trey.Neteméprendspas,j’aimetoutcequetuasfaitpourmoicesoir.J’aijustel’impressionquec’est…forcé.

—Jeconfirme.Ilseredresseàsontour.—Monika,tenonslecoupjusqu’aubal.—Pourquoi?—Parcequejeveuxyalleravectoi.Toutlemondesaitquetuvasêtreéluereinedubal…—Ettoiroi.Ilsepasseunemaindanslescheveux.—C’estjustequejeneveuxrienperturberencemoment.—Alorspourquoiest-cequetut’obstinesàécrireàcetteZara?Jecroisqueçaperturbepasmalde

choses.—Tunesaisriend’elle,rétorque-t-ilpourladéfendrecommes’ilétaitsoncopain.—Parcequetunem’enparlespas!Tufaiscommes’iln’yavaitrienentretoietcettefillemais

c’est évidentque si.Tues tellementoccupéà lui écrirequ’ondirait que tu te fichesde savoir cequim’arrive.Enplusdeça,lespilulesquetuprendsmefontpeur.Jenesuisniaveuglenibête.Jesaisqu’ilsepassequelquechose.

Soudain,sontéléphonesonne.—Ondoitterminercettediscussion.Nerépondspas.Maismesmotstombentdansl’oreilled’unsourdpuisqu’ilmepousselégèrementdecôté.—Hé,mec,tuesoù?Ilécarquillelesyeux.—C’estpasvrai!—Quoi?C’estqui?—J’arrivetoutdesuite.Ouais,d’accord.Trèsbien.Ilraccroche.—Vicadesproblèmes.Unventdepaniquemeprend.—Qu’est-cequis’estpassé?Oùest-il?Treyrassemblenosaffaires.—Entaule!

Chapitre19

VICTOR

—Jevousdisquejen’airienfait!JeregardelebadgeenargentbrillantavecOFFICIERTHOMASSTONEgravédessus.CegrandtypeseprendpourunagentduFBI,assisenfacedemoidanslasalled’interrogatoire.C’estluiquim’amenottéetm’apoussédanssavoituredepatrouilleilyauneheure.

—Écoute,Victor,commence-t-ilenmeregardantdroitdanslesyeux.Jevaisêtretotalementhonnêteavectoi.TebattreavecMatthewBonk,cen’estpasunebonneidée.Sonpèreestunmembretrèsrespectédelaville.

—Jevousrépètequejen’aipastouchésaJeep.J’allaischerchermasœuretBonks’estinterposé.C’estluiquiafrappélepremier.Jenevoispaspourquoic’estmoiquisuisicialorsquelui,vousl’avezjustelaissépartir.

L’agentStonesoupire.—Tout lemonde au commissariat connaît les histoires dans lesquelles tu t’es fourré.Ton casier

n’estpasvraimentvierge.DestémoinsontdéclaréquetuétaisarrivéprêtàendécoudreetqueMatthewn’avaitpasdonnélemoindrecoup.

— Tout le monde là-bas venait de Fairfield, monsieur l’agent. Évidemment qu’ils prennent ladéfensedeBonk!

—Tudisquetouslestémoinsmentent?Tous?Mêmetapropresœur?—Ouais!Vousavezbiencompris.Jepenchelatêteenarrière,fatiguédedevoirprouveràcetypequejenemesuispaspointélà-bas

pourmebattre.J’ysuisallépourrécupérerDaniavantqu’elles’attiredesennuis.L’agentm’acatalogué.Quoiquejedise,quoiquejefasse,ilnechangerapasd’avis.L’agentStonemelaisseunmomentpuisrevientavecundossierépais.—Alorsdis-moi,Salazar.Fais-tupartied’ungang?—Non.Cen’estpasparcequejesuismexicainquej’appartiensàungang.—Jesais.Maislesfauteursdetroublesdanstongenrecherchentlesproblèmes.Tudoistetenirà

carreau, Salazar, ou tu vas finir derrière les barreaux plus que quelques heures, d’autant que ton pèren’étaitpasspécialementpressédevenirtechercher.Jecroisquesesmotsexactsétaient:«Qu’ilrentreàpied!»

L’agent Stone me conduit jusqu’à l’accueil, où il m’annonce que je peux partir. À l’entrée, jeretrouvemesamisquim’attendaient.

—Qu’est-cequis’estpassé?demandeAshtyn,paniquée.Tuvasbien?—Ouais.Jen’aipasenvied’enparler.Treymetapedansledos.—Tum’asfoutulesboules,mec.Monikasetientàsescôtés.Soudain,jerepenseaugâteauquej’aioubliédansmacamionnette.—Jesuisdésoléd’avoirgâchévotresoirée.Etvotregâteau.

—Pasdesouci,répondMonika.Jeremarquequ’ellenemeregardepasdirectementmaisfixeleplancher.—Onestjustecontentsqu’aucunechargenesoitretenuecontretoi.Detoutemanière,onauraitpayé

tacaution.Contrairementàmonpère,commetoutlemondesait.—Merci,monpote.JeregardeDereketAsh,MonikaetTrey,BreeetJet.Jenesaispascommentleurdirequesanseux,

jenesuisrien.—C’estbon,conclutJet.Tudevrasjustedonnermonprénomàtonpremierenfantetonseraquittes.

TupeuxappelertongaminJakeEvanThackerSalazar.OuJet.OuJT!JericanecarJetneplaisantemêmepas.—D’accord,autantquetulesaches,çan’arriverajamais.Treymeraccompagnechezmoienvoiture.Jesuisassissurlabanquettearrièreconscientqu’ilse

passe quelque chose avecMonika. Elle est assise devant et regarde par la fenêtre. Elle ne m’a pasadresséunregardniuneparoledepuislasortieducommissariat.

QuandTreys’arrêtepourfairelepleind’essence,Monikaetmoinousretrouvonsseulsenvoitureetjerompslesilence.

—Toutvabienentrevous,Monika?Elleneseretournepasmaisgardelesyeuxdroitdevant.—Pourquoitumedemandesça?—Parcequetuestrèsbizarre.Jen’aipasenviequ’ellem’ignore.Sonamitiém’empêchededevenirfoulaplupartdutemps.Elle

meprendsansdoutepourunloseraprèsmonarrestationcesoir.—Quetusaches,jen’aipascommencélabastonavecBonksic’estcequetucrois.Ellemelanceunregard.—Jenepensepasquetuascommencélabagarre.Jeteconnaismieuxqueça.C’estjusteque…—Quoi?Elleaunregardtellementintense,ondiraitqu’elleveutmedirequelquechosequines’exprimepas

avecdesmots.—Tun’espèresjamaisqueleschosessoientdifférentes?medemande-t-elle.Mincealors.Letempss’arrête.J’ouvrelabouchepourrépondremêmesijenesaisabsolumentpasquoidirequandsoudainTrey

ouvrelaportièreetseglissesurlesiègeduconducteur.—Qu’est-cequeçacoûtecher,l’essence!lance-t-il.J’ail’impressionquemonportefeuillevient

desefairevioler.Monikaricanedoucementetjemarmonne:—Ouais,jetecomprends.Ilyadel’électricitédansl’airentreMonikaetmoimaisTreyneremarquerien.Ilrâletoutlereste

du chemin au sujet du prix de l’essence puis se lance dans un discours sur les voitures électriques ethybridesquej’écouteàmoitiéparcequejesuisconcentrésurlaquestionlourdedesensdeMonika.

UnefoisqueTreym’adéposé,jesongetoujoursàlaquestiondeMonikaetjen’arrivepasàtrouverderéponse.Jemarchejusqu’àmachambre,conscientquejevaisressassernotreconversationinachevéependantdesheures,sansbeaucoupdormir.

Daniestassisesurmonlit,furieuse.

—Jetedéteste.—Jem’enfiche.Bonktraîneavectoipourm’emmerder.C’estunserpent.Ellecroiselesbrasetplisselesyeux,commesij’étaisleméchantdansl’histoire.—TunesaisriendeMatthew.Jelèvelesyeuxauciel.—Parcequetoi,si?Labonneblague!Tul’asrencontré,quoi,cinqminutesavantvotrerencard?—Jemefousdecequetupensesdelui,Vic.Ah,etpourinfo,Matthewetmoi,onvaaubaldulycée

ensemble.—Bonkn’aimequelui.Etpourinfo,tun’iraspasaubalaveclui.C’estnotreputainderival,Dani.

Ilestprêtàmentir,tricheretvolerpournousbattre.Enfinmerde,ilavolénotrequarterback,onseraitfoutussiFitzn’étaitpasintervenu.

—Jenet’appartienspas,lanceDaniensoufflantcommetouteslesgaminesdequatorzeans.Jefaiscequejeveux,quandjeveux.

—PasavecMatthewBonk.Elle quitte la pièce en trombe mais je ne lui dis pas ce que j’ai envie de lui dire. Elle ne

m’appartientpasmaispuisquemi’aman’estpaslà,jedoisfairedemonmieuxpourqu’ellenefassepasd’erreursquigâcherontsavie.

Jesuisbienplacépourenparler.J’aifaitdeserreursquiontgâchélamienne.Est-cequej’enaifaituneautreavecMonikacesoir?

Chapitre20

MONIKA

Dimanchematin.Premièrechoseàlaquellejepenseenmeréveillant:Vic.Iln’apasréponduàmaquestiondanslavoiturelanuitdernière.Jeretenaismonsouffle,àl’affûtd’unmotquisuggéreraitqu’ilauneoncedesentimentpourmoi.

Maisqu’est-cequejesuisentraindefaire?Jedevraismedemanderpourquoimoncopainveutquel’onabordelesujetd’uneruptureaprèsle

bal.JeroulejusquechezTreypourterminernotreconversationd’hiersoir.Iln’apeut-êtrepasenviede

parler,maisignorernosproblèmesnelesferapasdisparaître.Commed’habitude,laportedesonappartementestouverte.Jepasseunetêteàl’intérieur.—Ilyaquelqu’un?Jeserrelespoingscontreladouleurdansmesdoigtsquimerappellequejesuisplusfragilequeje

nevoudrais.Aucunbruit,sinondel’eauquicoule.Jem’enfoncedansl’appartement,priantpourquepersonnenemevoieavancerauralenti.Treydoit

dormir.Jepasseunetêtedanssachambremaisiln’estpaslà.Jel’entendstousserdanslasalledebains,satouxparticulièrequejereconnaîtraisn’importeoù.

Laporteestentrouverte.Treysetientdevantlelavabo,uneservietteautourdelataille.Ilplongelamaindansunpetitsacdepilules.Moncœurs’accélère,j’aienviedepartir,fairesemblantdenepaslevoirfourreruncachetdanssabouche.Jepourraisvivredansl’ignorance.

Maisnon,jenepeuxpasfermerlesyeux.Jepousselaportequicraque,alertantainsiTreydemaprésence.—Trey,sérieux?Tutedrogues.Jecommenceàpartirmaisilmecourtaprès.—Monika,cen’estpascequetucrois.—Jecroisquetuasuneaddictionàdessubstancesillicites.Non,jesuissûre.Tuimaginessitute

fais surprendre ? Tu pourrais être arrêté ! Tu ne sais même pas ce qu’il y a dans ces cachets. Ilspourraientcontenirdesproduitsmortels.

Latensionentrenouscréeunmurdebéton.—Jesuisdésolé,dit-ilavecunhaussementd’épaules.Jenesaispasquoidire.Avecça…jeme

sensplusfort,plusréveillé.Çanevapasmetuer.Etjenesuispasaccro.Jetendslamainenavantalorsquedeslarmesseformentaucoindemesyeux.—Jenepeuxpassortiravectoi,pasdanscesconditions.Ilsoupire,exaspéré.—Je subisdéjà tropdepression.Tun’aspas lamoindre idée de ce que je vis. Je ne peuxpas

ralentirlerythme.Tuvasdirequ’ilfautjustearrêterlespilules,çavabienplusloinqueça.Unfrissonmeparcourtlacolonnevertébrale.—Tuvast’arrêteretessayerderéparernotrerelationouest-cequ’onvarompre?

Ilposelatêtecontrelemur.—Jen’aipaslechoix.Çaneveutpasdirequejenetienspasàtoi,Monika.Leschosesontchangé,

j’aichangé,onachangé!—J’aibiensentiqueleschosesétaientdifférentesdepuisquelquesmois.Ilfautcroirequec’estla

find’unegrandehistoire.—Notrecouplebattaitdel’ailedepuislongtemps,jenesavaispascommentteledire.Jenevoulais

pasteblesser.Alorsquejem’éloignedelui,ilm’attrapeparlecoude.—Nousallonstoujoursaubalensemblesamedisoir,n’est-cepas?Jeclignedespaupières,jen’arrivepasàlecroire.—Jenevaispasaubal.Ceseraittropbizarre.Ils’approcheetsonvisages’adoucit.—Écoute,jesaisquetuasunerobeetquenosamisontdéjàprogrammétoutelasoirée.Jeveuxy

alleravectoi,Monika.Qu’onsoitélusounonroietreine,c’estnotredestind’alleraubalensemble.—Notredestin?Pourquoi?—Tuveuxlavérité?Jeleregarded’unairdedire:«Tutefousdemoi?»—Jeveuxtoujourslavérité.—Jesaisquetumehaisencemomentmême.—Jenetehaispas,Trey.Çafaitdesannéesqu’onestensemble,jenepourraispastehaïrmêmesi

jelevoulais.—Jenet’abandonnepas,m’assure-t-il.Viensavecmoi.D’accord,cen’estpasledestin.Ilmefaut

justeducalme.Cen’estpaslapeinededireàquiquecesoitqu’onarompuavantlebal,commeçapasdedrame.Ok?

Mentiràmesamis?Fairecroirequetoutvabienquandtouts’effondre?—Jen’aipasenviedeleurmentir.Ilsoupire.Jeressenstoutlestressquiémanedelui.—Tunepeuxpasmefairecetteuniquefaveur?Il n’enparlepasmais j’ai compris. Il préfère se concentrer sur lematchde football à causedes

recruteursd’université.Ilneveutpasêtredéconcentréparlesdramesetlesrumeurs.Jerespireprofondément,etravaleledésespoirquimeprenaitlagorge.—D’accord,Trey.Jenedirairien.Sajambetremble;lecachetqu’ilaprisdoitcommenceràfaireeffet.—Jeneveuxpastefairedemal,dit-il.Jen’aijamaisvoulutefairedemal.Jet’aimeraitoujours.Jescrutelespilulesqu’iltienttoujoursàlamain.— Je te préviens, en prenant ces drogues, tu joues un jeu dangereux. Je t’aimerai toujours et te

souhaitelemeilleur,mêmesinousnesommesplusensemble…Jetournelestalons.—…maiscen’estplusmonboulotdeteprotéger.Enpartant, jemesens libredefaireceque jeveux,d’êtreceque jeveux.Êtredéfiniecommela

petitecopinedeTreynem’intéresseplus.

Chapitre21

VICTOR

Isasecouelatête,penchéeau-dessusdescomptes.—Jesuisdanslepétrin.—Àcausedequoi?

—L’argent.Elletournelespagesdesonlivredecomptesetfaitdesadditionssursacalculatrice.—Cen’estpasassez…Merde,Vic,c’estjamaisassez!—Tudoiscombienàlabanque?—Trente-cinqmille.Jem’approche,medemandantcommentelleafaitsoncoup.—Iltefautcombien?— Quatre cents pour le remboursement du prêt ce mois-ci. Je vais trouver une solution. On

m’accorderapeut-êtred’étalerlespaiementssij’acceptedesintérêtsplusélevés.—Jepeuxtepasserquatrecentsdollars,intervientBerniedepuislefonddugarage.Iltravailleensilencedepuisuneheureàsouderdesvieillespiècesetàlesrangeraveccellesqu’Isa

stockedansl’arrière-boutique.—Jeneveuxpasdetonargent,Bernie!Enplus,jet’aiviré,tutesouviens?—Oui, je me souviens. Et si tu sortais avecmoi ? Tu n’auras qu’à me virer à nouveau après.

D’accord?—Non.Jen’aipasbesoindetonargent, lance-t-elleavantdesedirigerverssonbureau.Jevais

justedemanderàlabanquedemelâcherduleste.Jecommenteavecsarcasme:—Ouais,çamarcheàtouslescoups!—Çanecoûteriend’essayer,marmonne-t-elle.— Je ne comprends pas pourquoi elle refuse mon aide, me dit Bernie. Je lui ai proposé des

centainesdefois.—Peut-êtrequ’elleneveutpasdépendredel’aided’unautre.Enplus,jecroisqu’elletedéteste.Bernieagitelamain.—Netelaissepasbernerparsarésistance.Jevaislafairecraquer.—Jet’entends!hurleIsadepuissonbureau.EtVicaraison,Bernie.Jetedéteste!—Commentpeux-tumedétester?Jen’airienfait.—Taseuleexistencemehérisselepoil,grosnaze.Aulieudesesentirinsulté,Berniemelanceunclind’œil.—Ellefaiblit.Jepariequ’unjour,ellevamêmesortiravecmoi.Isasortdesonbureauentrombe,lesmainssurleshanches.—Dans tes rêves,Bernie !Regarde-toi !Tuescoiffécommeungamindehuitans, tuas lapeau

tellementblanchequejedoismettredeslunettesdesoleilpourt’approcherettunesauraispast’habillercorrectementmêmesitavieendépendait.

—Nel’écoutepas,Bernie.Elleestamère,c’esttout.—Jet’emmerde,Vic!Tusaispasdequoituparles.—Pasdeproblème,répliqueBernie,visiblementamuséparlesinjuresd’Isa.—Excusez-moi,lanceunevoixfamilièredefilledepuislaported’entrée.Monikaestlà.Elleporteunjeansmoulantetunhautendentellequisoulignesapeaudemiel.Mince

alors,elleestmagnifique.Jenepeuxm’empêcherdelaregarder,ébahiqu’ellesoitlà,augarage.Isamepoussedesoncheminetafficheunsourirequ’ellen’utilisequ’aveclesclients.—Quepuis-jefairepourvous?Monikahochelatêteetmelanceunregarddesesyeuxvertsétincelants.—Salut,Vic.—Salut.Isaestfacilementpasséed’emmerdeuseàentrepreneuse.— Isabel, propriétaire du garage d’Enrique. Vous avez besoin d’une vidange ? D’une nouvelle

batterie?—J’auraisbesoind’unboulot.Hein,quoi?J’aidûmalcomprendre.—Unboulot?dis-jeenmanquantdem’étouffer.Tuplaisantes!—Non.Elleseredresseets’adressedirectementàIsa.—Jenem’yconnaispasbienenvoituresmaisjesuisdisponibleaprèslescoursetlesweek-ends.

Vousn’avezpasbesoindemepayercher.—Non,luidis-je.Monikamepoignardeduregard.—J’ensuiscapable.Isa la regarde de haut en bas, comme si elle jaugeait ses compétences par sa seule façon de

s’habiller.—Tuasunequelconqueexpérienceaveclesvoitures?—Jesais lesconduire,marmonneMonikaavantdefaireungrandsourire.Mais jevous jureque

j’apprendsvite.J’enaibesoin.S’ilvousplaît.Jevoisqu’Isayréfléchit.Oh,non.—Ellenepeutpastravaillerici!Jeneveuxpasd’elleici.C’estdangereux.Sansoublierqueceseraitunetorturedetravailleravec

elle. Elle ne sera jamais àmoi.Combien de temps réussirai-je à faire semblant de ne pas vouloir laserrerdansmesbras,latoucher,l’embrasser?

—Monika a l’entraînement des pom-pom girls. Elle a beaucoup trop de pression et a pété lesplombssiellecroitpouvoirtravaillerdansungarage.C’estunepom-pomgirl,Isa,pasunmécano!

Isamepoussedesonchemin.—Tun’aspasàmedirequijepeuxengageroupas.C’estleseulendroitoùjepeuxoublierMonika.Siellerestelà…Jepointedudoigtsonhautendentelle.—Regarde-la,Isa.Elleaimeladentelleetlesbellesfringues,paslesvoituresetlasaleté.C’estune

diva,çasauteauxyeux.Enplus…Lemomentestvenudel’achever.—Elleestmalade.

—Jevaisbien, répliqueMonika. Jene suispasunediva, etmonétatde santéneposerapasdeproblème.Nel’écoutezpas.

—Pourquoitufaisça?Ilfautquejegardemesdistancesavecelle.Isaal’airtrèsamuséeparlatournuredesévénements.Lesouriresursonvisagemefaitpenserque

mavievasecompliquerencoreplus.—Parcequetoietlesgarçonsditesquej’ensuisincapableetjeveuxvousprouverquevousavez

tort.Écoutez,sivousm’engagez,jetravailleraigratuitementpendantquevousmeformez.Isaluitendlamain.—Tuasunnouveauboulot!Etmerde!Demoncôté,j’aisurtoutunnouveauproblème.

Chapitre22

MONIKA

Aujourd’hui,jesuisobligéederaterlescourspourmontraitementetj’auraisvraimentpréféréalleraulycée.Maislebalalieuceweek-endetcommemoncorpstoutentiermefaitsouffrir,lemédecinavouluanticiperletraitementavantqueladouleurnesoittropdifficileàsupporter.

Mevoilàdoncàl’hôpital,àattendrequelesinfirmièresmefassentdespiqûres.L’uned’ellesentredanslapièceavecungrandsourire—Commentvas-tuaujourd’hui,Monika?—Jepréféreraisêtreailleurs.Elleritdeboncœurcommesij’avaisracontéuneblague.Mamère, assise sur la chaise en face de moi, fronce les sourcils. Cela me fait mal de la voir

s’inquiéterautant.—Maman,vatravailler.Tuasunrendez-vousavecdesclientsdansdixminutes.C’estlamillième

foisquejefaisça.Mamans’enfoncedanssachaise,agrippéeàsonsacsursesgenoux.— Je veux attendre jusqu’à ce qu’on temette sous perfusion. Je peux avoir quelquesminutes de

retard.L’infirmièreadisposélesseringuesetlestubesdevantelle.—Ilparaîtqu’ilyalebalceweek-end.Tuasuncavalieretunerobe?—Lesdeux.—Tudoisavoirhâte!—Ilfautcroire,dis-jeavecunhaussementd’épaules.Jene lui racontepasquemoncopainetmoiavons rompumaisque j’yvaisavec luimalgré tout,

poursauverlesapparences.L’infirmièrepoursuit lesbanalités tandisqu’ellemet laperf. Jevaisêtrecoincée làpendantdeux

heures,quec’estnul!Maisaprès,l’inflammationetladouleurdansmesarticulationsvonts’estomper,aumoinsuntemps.Ça,j’aihâte.

En revanche, je n’ai pashâtede subir les effets secondairesduRemicade, lemédicamentqui vas’immiscerdansmoncorps.Ladernièrefois,j’aivomieteuunmaldecrânependantdesjours.J’avaiségalement envie de dormir car je n’avais aucune énergie et ne parvenaismêmepas à garder les yeuxouverts.J’espèrequeceseradifférent,cettefois.

L’infirmièreinsèrelaperfusiondansmaveine.Jedétourneleregardmaismamèreobserve,commesilemédicamentallaitguérirsafille.Iln’yapasdeguérisonpossible.

Dèsquemamères’envaetquelemédicamenttombedoucementgoutteàgouttedansmoncorps,jem’enfonce dans le grand fauteuil en cuir de l’hôpital et ferme les yeux. Me retrouver ici me donnel’impressiond’êtreincapabled’avoirunevienormalesansmédocs.Jenecomprendspascommentdespersonnessainesd’espritpeuventprendredesmédicamentsdontellesn’ontpasbesoin.

Trey,parexemple.Penchantlatêteenarrière,jem’imaginen’importeoùailleurs.

—Je ne comprends pas comment quelqu’un qui peut à peine se déplacer sansmédicaments peutvouloirdevenirmécano.

J’ouvresubitementlesyeuxenentendantlavoixdeVicSalazar.IlsetientdevantmoietobserveleRemicadecouler.

—Qu’est-cequetufaislà?—Jemesuisditquejeviendrai te tenircompagnie,répond-ilens’asseyantsur lachaisequema

mèreaquittéequelquesminutesauparavant.— Comment… je n’ai pas… tu ne devrais pas être là, Vic. Je t’ai demandé de n’en parler à

personne.—T’inquiète,jenet’aipasbalancée.Jel’observe;ilalesbrascroisés,commeunsentinelleenfaction.— Tu n’es pas censé être en cours ? Comment tu as su que j’étais là ? Comment tu as eu la

permissiondemerendrevisite,d’ailleurs?Illèvelesyeuxauciel.—Ouais,jesuiscenséêtreencours.J’aiétéconvoquédanslebureaudeFinniganetj’aientendula

secrétairerecevoirunappeldetamèredisantquetuavaisuntraitementàl’hôpitalaujourd’hui.Onm’alaissépassercar j’aiprononcé lenomdemonpèredevant la réceptionnisteà l’accueil. Il adonnéunpaquetdefricàcethôpital.

—Tuvasavoirdesennuiscommetuasséché…Ilmefaitunclind’œiletj’ensuistouteretournée.—Tusaisbienquejemefiched’avoirdesennuis.J’ailagorgesèchealorsqu’ilapprochedemoi.—Pourquoies-tuvenu?—Pourteconvaincrequec’estidiotdetravailleraugaraged’Enrique.Tuvasfinirpartefairemal.Sesmotsmeplombentlemoral.—Tunecroisabsolumentpasenmoi,toutcommeTrey.—Oh, je crois en toi,Monika. Je crois que tu es capablede faire tout ceque tuveux. Je pense

simplementquetufiniraisparleregretter.Regarde-toi,dit-ilenpointantdudoigtlaperfusion.Jesuistonami.Écoute-moietnetravaillepasdansunendroitquipourraitteconduireàl’hôpital,sinonpire.

—Mercidet’ensoucier,Vic.Maisjevaiscontinuer,quetuleveuillesounon.—Tuesaussitêtuequemacousine!s’écrie-t-il,déçu.Tonegot’empêchederéfléchir.Jesaisque

çavafairecul-cul,maisonestsurcetteTerrepourmoinsdecentans,aprèsc’estfini.Jeneveuxpasquetugâches ton tempsàfairedes trucsquine teplaisentpas.J’aimetravailleraugarage.Toi, tuyviensjustepourprouverquetuenescapable.Cen’estpasuneraisonsuffisante.

L’infirmièrevientprendrematension.—Jevoisqu’onaunvisiteur.C’esttoilepetitcopainquil’emmèneaubal?Vicsecouelatêteetdétourneleregard.Jerépondsenrougissant:—Non.Cen’estqu’unami.L’infirmièrecontrôlemesfonctionsvitales.—Ehbien,c’estunamivraimentspécials’ilresteassisiciavectoipendanttontraitement.—Ouais.Jesongebrièvementàl’idéed’avoiruntypecommeVicpourcopain.Jebalaietrèsvitecettepensée

demonespritenvoyantàl’écranquemapressionsanguinegrimpeenflèche.—Ilestvraimentspécial.

J’aurais aimé qu’il ne vienne pas ici seulement dans l’optique deme dissuader de travailler augarage.Sijevoulaisqu’unepersonnecroieenmoi,c’étaitVic.

Chapitre23

VICTOR

Jeudiaprèslescours,Dieternousditdenousrassemblerautourdeluidanslesvestiairesavantdenousmettreentenue.

—Demain,iln’yapasquelebal,ilyaaussiundenosmatchslesplusimportants.Dieterestaumilieudesvestiairesetjaugel’équipe.—Onjouecontrenosplusgrandsrivaux.OnprétendquelelycéedeFairfieldestmeilleurquenous.

Est-cequec’estvrai?—Non,coach!crions-nousd’uneseulevoix.Notreenthousiasmeneleconvaincpas.—Jenesaispas,dit-il.Vulafaçondontcertainsd’entrevousjouentàl’entraînement,jenesuispas

sûrquevousayezvraimentenviedegagner.Avecunmarqueurnoir,ilécritVAINQUEURSsurletableau.—Onnefinitpasvainqueursenselacoulantdoucedurantl’entraînement.Nevousentraînezpasen

pensantaubal.Nevousentraînezpasenpensantauchampionnatd’État.Jouezcommesivousétiezdansuneéquipedeliguenationale!Mettez-yduvôtre,del’énergie,delapassionetdutalent!Chacund’entrevous.Sinonvousne jouezpas à lahauteurdevotrepotentiel.Autantdégagerdemon terrain, vousneméritezpasd’êtredessus.Maintenant,quandvousjouerezaujourd’hui,jeveuxvoirdesvainqueurs!Pourmoi,vousêtesdesvainqueurs.Laquestion,c’estdesavoirsivousavezcequ’ilfautpourça.Nemeditesrien,montrez-moi!Votrejeuparleramieuxquelesmots.

Voyantquesonmessageaétéentendu,Dietersortdesvestiaires,suiviparsesassistants.Unsilences’installe.— Il faut qu’on gagne demain, lance enfin Ashtyn. Pour montrer à Fairfield et à leur traître de

quarterback,LandonMcKnight,quel’équipequ’ilaabandonnéeestplusfortesanslui.Jelarassure:—Onvagagner!—Oupas,vulafaçondonttujouescestemps-ci,ricaneTrey.—Trey,jeteplaquelesyeuxfermés.—Il faudraque tume rattrapesd’abord,dit-il enme tapant l’épaule.Pas facilequandonadeux

piedsgauches.—C’estvraiquetutombessouvent,renchéritJetavecungrandsourire.—Ladernièrefoisquejesuistombé,j’étaisbourré,Jet.—Ouais,enfinbourréoupasbourré,Treyresteunebête.Cederniercontractesesmusclesets’embrassechaquebiceps.—Regardelaréalitéenface,Vic.Jesuisplusrapideetplusfortquetoi.Mesamisetmoi,nousnousbalançonscegenredevannesdepuisdesannées.—Laréalité?Laréalité,c’estquejevaistetuersurleterrainaujourd’hui,Matthews.Treysemetàrire.

—Benvoyons.Laseulefaçondonttupourraismetuer,c’estavecunflingue,parcequetunepeuxpasmerattraper,vucommetueslent.

Ilsebrosselesépaulesavantd’enfilersatenued’entraînement.Lent ? Personne n’a jamais dit que j’étais lent. Je peux plaquer n’importe qui et intercepter un

quarterbackavantqu’ilnecomprennecequiluiarrive.Derek, qui d’habitude reste spectateur des piques qu’on se lance avecTrey, pointe un doigt vers

nous.—Commel’aditDieter,votrejeuparlerapourvous.Ensortantdesvestiairespour l’entraînement, jenepensequ’àprouverà tout lemondeceque je

vaux…surleterrain,aumoins.Personnenepeutmedépasseràlacoursenimesurpasseraujeu.PasmêmeTreyMatthews.Celui-cimarcheàcôtédemoimaissoudainmedit:—Jerevienstoutdesuite,j’aioubliéuntruc.—Tuvasoù?Tufuisdéjà?—Danstesrêves!J’aijusteoubliéuntrucdansmoncasier.S’ilarriveenretardàl’entraînement,Dietervalemassacrer,puisluifairecourirplusieurstourset

fairedespompespourleplaisir.Le tempsqueTrey revienne,nous sommes tous en ligneprêts ànous échauffer.Dans son rôlede

capitaine,Ashtyncommenceàfairedessautsavecécartlatéralpuisdesétirements.Jejetteunœilverslespom-pomgirlsquisepréparentdevantlesgradins.Jedevraisdétournerleregard;chaquefoisqueMonikasetournepournousregarder,jesensl’adrénalinemonteretj’ail’entrejambequiseréveille.

Elleallumequelquechoseenmoiqu’aucunefillen’ajamaisallumé.PasmêmeCassidy.Jamaisdelavie.

—Tumatesmacopine?lanceTreyavecuntonmoqueur.Jesecouelatêteetiléclatederire.—Mec, je déconnais. Je sais que tu as invité Cassidy au bal. Je savais bien que tu en pinçais

toujourspourelle.Cen’estpasvrai,maispeuimporte.Treyetmoiattendonsenrangpourfairedessprints.Quandc’estànotretour,jeleregarde,prêtà

fairedemonmieuxpourluibotterlecul.Ilmetapedansledos.—Onsevoitsurlaligned’arrivée,monpote.C’estlaguerre.OudumoinsunecompétitionbrûlanteentreTreyetmoi.AuMoyenÂge,onseseraitbattusenduel

pourMonika.Maisnousnesommespasàl’époquemédiévale.EtMonikan’estpasunbienàvendre.Unefoisdeplus,jejetteunœilverslespom-pomgirls.Monikarestetournéeversnous.DietersouffledanssonsiffletetjemelanceàcôtédeTrey;j’aitellementenviedegagner!Mes

jambesbattentlapelouseetmesbrasfendentl’airàtoutevitesse.Toutestfinitrèsvite.Tropvite.Treymebatd’undixièmedeseconde.Je me penche, les mains sur les genoux, tentant de récupérer mon souffle. Bonjour la honte. Je

devraisaccepterlefaitquejeviensdemeprendreunbeaucoupdepiedaucul.Treysetientàcôtédemoi,àpeineperturbéparlesprint.—Tuesunemachine,Matthews,dis-jeencorehaletant.—Rends-toiàl’évidence,Salazar.Jefaisdetoiunjoueurmeilleur.—Commentça?

—Sansmoi,quis’occuperaitde tonpetitcul?fait-il lesbrasgrandsouverts.Àquoiservent lesmeilleursamissicen’estpaspourterendremeilleur?

—Jeteplaqueraidèsquetuaurasleballon.—Tuvois?Jetemetsaudéfi.Trèsvite,Dieternousremetàl’exerciceetlespom-pomgirlssurlescôtésabandonnentrapidement

leurentraînementpournousencourager.L’espaced’uneseconde,jefaissemblantdecroirequeMonikam’encouragemoi,etqu’elleestavecmoi.

Pour l’heure, je suis sur la lignededéfense, concentré sur le joueurde la ligneoffensive,DavidColton.Ducoindel’œil,j’aperçoisTrey.Cen’estpasdifficilededevinerqu’ilvaporterleballon.Ilnesaitpascachersonjeuetserrelesdoigts.

On prend place sur la ligne demêlée etDieter donne un coup de sifflet. En un éclair, je plaqueColtonausol.DereklanceleballonàTrey.Jenelelaisseraipaspasser.

Pascettefois.JemetstoutemonénergieàcouriraprèsTrey.Jesuissursestalons.Jedoisyarriver.Dansunélan

toutenforce,jeleplaque,mettanttoutmonpoidssurluipourleclouerausol.Voilà!Jesoufflecommeunbœufetj’ailesjambesencotonmaisjem’enfous.J’aiplaquéTrey,lejoueur

leplusrapidedel’Illinois.C’estbonça!—Prendsça,luidis-jequandj’aireprismonsouffle.JemeredresseettendslamainàTreymaisilnelasaisitpas.—Trey,lève-toi.Iln’aaucuneréaction.Jem’agenouillepourvérifiers’ilplaisante.—Hé,Trey!Allez,lève-toi,mec.Ils’estévanoui?Pourquoiest-cequ’ilnebougepas?Jesuisperdu,etcommenceàpaniquer.Mes

mainssemettentàtrembler.—Coach!QuelquechosenevapasavecTrey!Venezvite!Jeneveuxpasletoucher.J’aipeurdeluiavoircasséledos.C’estmoileresponsable.Ilalesyeux

ouvertsmaisiln’estpasconscient.Ilneplaisantepas.Ils’estévanoui…ou…jen’arrivemêmepasàréfléchir.

—Aidez-le!Jehurle leplus fortpossiblemaismagorgeseserreet lemédecinetDietermepoussentde leur

chemin.—Trey,réveille-toi!J’étouffe,lemondesefermeautourdemoi.Sij’aiblessémonmeilleurami…ilesttoutpourmoi.Lemédecins’agenouilleàcôtédeTreyetapprochesatêteducasque.—Trey,est-cequetum’entends?Pasderéponse.Moncorpstoutentiers’éteintalorsqu’illuiprendrapidementlepouls.—Appelezlessecours,vite!lance-t-ilpaniquéavantd’enleverlecasquedeTreyetdeluifaireun

massagecardiaque.Non.Jeregardelesol,ilestflou.Toutestflou.

Jeregardeavechorreurlemédecins’occuperdeTrey;ilcomptetandisqueluietDieterpressentàtourderôlesurlapoitrinedeTreyetluisoufflentdanslabouche.Jesondelesmainsetlespiedsdemonmeilleuramipourchercherlemoindremouvement,envain.

Cen’estpaspossible!Jemefrottelesyeux,espérantmeréveillerdececauchemar.C’estpeut-êtreuneblaguequetoutlemondemefait.

Maiscen’estpasuneblague.Etjenerêvepas.Jem’éloignedelafouleenentendantlasirèned’uneambulanceauloin.Uneseulepenséeserépète

dansmatête,encoreetencore.Toutestdemafaute.Toutestdemafaute.Toutestdemafaute.

Chapitre24

MONIKA

—Qu’est-cequisepasse,là-bas?demandeBreeenmontrantlebazarsurleterrain.—Ondiraitquequelqu’unestblessé,dituneautrefille.Jemedemandequic’est.

—Çacraintdeseblesserlaveilled’untelmatch!Breejettesespomponsdanslesairsavantdelesrattraper.—Tunecroispas,Monika?—Ouais,jemarmonne.Jeme tords lecoupouressayerdevoirquiestausol.Onvoit souventdes joueursmalenpoint,

alorsjegardemoncalme.Jusqu’àcequejevoietouslesgarsdel’équipeàgenoux.C’estmauvaissigne.J’entends approcher une sirène d’ambulance. Vic est figé comme une statue, loin de la foule, à

regarder la scène. Je sais qu’un truc terrible vient d’arriver rien qu’à voir sa posture et son visagehorrifié.

Jemeprécipiteàtraversleterrain,imaginantd’abominablesscénarios.Enm’approchant,jevoislenumérosurlemaillotdujoueuràterre.

Trente-quatre.—Trey!Sonnomsortdemabouchedansuncridedouleur.Jemeprécipitevers luimaisJetetDerekmeretiennent immédiatement.Leursvisagessombreset

pressantsmefendentlecœuretmoncorpssefige.—Monika,tunedevraispasvoirça,ditDerekd’unevoixdouceenmecachantlascène.—Qu’est-cequinevapasavecTrey?Qu’est-cequis’estpassé?Jepleureetluttepourmelibérer.—Parlez-moi!Jetmeserrefortdanssesbras.—Ons’occupedelui,Monika.Calme-toi.Jem’agrippeàeux,incapabledemecontrôler.—Jeneveuxpasmecalmer.Trey!Oh,monDieu!Qu’est-cequisepasse?Treyestétenduparterre,immobile.Quelqu’unluifaitunmassagecardiaque,maispourquoi?Qu’est-cequis’estpassé?Soudain,Ashtynapparaît.Elleaccourtversmoienpleurs.—Oh,monDieu!crie-t-elle.—Qu’est-cequiluiarrive?Est-cequ’ilvas’ensortir?Dis-moiqu’ilvas’ensortir,Ash.JeregardeJet,mavisionsetrouble.—S’ilvousplaît…Peuimportequ’onaitrompu,Treyfaittoujourspartiedemoi.Onaétéensemblependanttroisans,

onavécutantdechoses.

—Ilfautquejesoisaveclui.Ashtynposesesmainssurmonvisage.—Monika,ilestblessé.—Qu’est-cequis’estpassé?Jenepeuxm’empêcherdesangloterdemanièreincontrôlée.—Ils’estfaitplaquer,explique-t-elle,aussidésemparéequemoi.Jenesaispascequisepasse.Il

nebougeplus.—Jedoisl’aider.Laissez-moil’aider.S’ilvousplaît!—Lessecoursfonttoutcequ’ilspeuvent.—Tuessûre?J’aibesoindesavoirqu’ilvas’ensortirindemne.—Ilestfort.S’ilyabienunepersonnequipeutsubirlescoupsdurs,c’estTrey,megarantitAsh.Maiselleneditpascequej’aienvied’entendre,cequej’aibesoind’entendre:qu’ilirabien.Une

partiedemoisesentresponsable.Uneambulancearrivesurleterrain.—Jeveuxlevoir.Jevousenprie,laissez-moilevoir!Jenemerendsmêmepascomptequejedoiscriercommeunehystérique.Maisonnemelaissepaslevoir.Ondiraitquetoutel’équipeveutmebloquerlavueetmediredemecalmer.Jenecontrôlepasmes

sanglotsnimestremblements.J’ail’impressiond’êtregelée.L’ambulances’envaavecTreyàsonbord.Mesgenouxcèdentet je tombepar terre.Ashtynreste

avecmoi,DereketJetaussi.—Respireprofondément,Monika,m’ordonne-t-elleavecuntremblementdanslavoix.Allez,vas-y.

Jelefaisavectoi.—D’accord.J’essaiederespirer,envain.JeréessaieavecAshtyn.Maisjesuisdétruite.Jen’arrivepasàréfléchir.Ilfautquejemecalme,jenesersàriensinon.Alorsquej’essaiedecontrôlermesémotions,jene

peux pas regardermes amis dans les yeux. Ilsmontrent trop de tristesse et d’abattement, comme s’ilssavaientqu’ilsepassaitquelquechosedegraveetqu’ilsvoulaientletaire.

—Ilfautqu’onailleàl’hôpital,leurdis-jeengardantleventdepaniqueaufonddemoi.Vite!—Jevaislaporter,intervientJetmaisjelerepousse.—Jepeuxmedébrouiller.JemerelèveetvoisVictorsurlalignedebut.Ilenlèvesonéquipementetlelaissesurleterrain.—Vic!s’exclameAsh.Onvaàl’hôpital.Viensavecnous!Ilseretourne,commes’ilnel’avaitpasentendue,etsemetàcourir.Jetmetlesmainsdepartetd’autredesabouche.—Oh,Vic!—Jepariequ’ils’enveut,ditAshtyn.Quelqu’undevraitallerluiparler.—AmenezMonikaàl’hôpital,ordonneDerek.Onvousretrouvelà-bas.DereketJetcourentaprèsVic.C’estlechaos,jesuisperdue.Jenesaispasquoifaire,quoidire.

Mes amis ignorent que Trey et moi avons rompu et qu’il se drogue. Trop de choses m’encombrentl’esprit.Est-cequeceseraitl’effetdespilules?Est-cequejedevraisrompremapromesseetenparleràquelqu’un?

Quandonarriveàl’hôpitalunquartd’heureplustard,jemeprécipiteauxurgences.

—OùestTrey?demandé-jeauxentraîneurs.Est-cequ’ilvabien?Personne ne parle. Jem’appuie contreAshtyn, j’ai besoin d’elle en cet instant.Au fond demon

esprit,jecrainslepiremaisjerefused’ycroire.Cen’estpasvrai.TreyMatthewsestfort.— Le coach Dieter ne le quitte pas d’une semelle, déclare un des assistants. Il n’est pas seul,

Monika.—Jeveuxlevoir,dis-jeàuneinfirmièrequiapparaîtdansunetenueblancheimmaculéeavecdes

chaussuresassorties.—Jesuisdésolée,c’estimpossiblepourlemoment,répond-elled’unevoixdouce.Sivousn’êtes

pasdelafamille,jenepeuxpasvouslaisserlevoir.Delafamille?Onaparlé demariage.C’était il y a longtemps, avant qu’il ne commence àprendre ces cachets,

avantquetoutnechangeentrenous.PersonneneconnaîtlepetitsecretdeTrey.Personnesaufmoi.Etsigardercesecretdevaitluifairedumal,jenemelepardonneraisjamais.

Chapitre25

VICTOR

J’aifaitdumalàmonmeilleurami.Treynebougeaitpasquandonl’amissurunecivièrepourl’emporterdansl’ambulance.Lasirènehurlanterésonneencoredansmesoreilles.Toutemavie,jemesuisditquequelquechosedemalallaitm’arriver,commesimontempsétaitcompté.Jen’auraisjamaisimaginéquejeblesseraisphysiquementquelqu’unquej’aimesincèrement.

Jen’aipassupportédelesvoiremporterlecorpssansviedeTreyhorsduterrain.LemédecinetDieters’acharnaientsurluienattendantlessecoursquiontprislerelais.J’aivul’air

sombresurleursvisagesencherchantdésespérémentunespoir,unsignedeviedelapartdeTrey.Iln’yenavaitpas.L’ambulanceest repartieet lavoixcasséedeMonikas’estmiseàcrier lenomdeTrey ; j’aurais

vouluêtreprésentpourelle,laprendredansmesbras,luidirequej’étaisdésolé.Aulieudeça,jemesuisenfui.Mespiedssedéplacentd’eux-mêmes,mescramponsfrappentlesolàchaquepas.Jenesaismême

pasquelledistancej’aiparcourueetmevoilàsuant,soufflantsurlarivedulacMichigan,tentantdefuirl’image de Trey étendu dans l’herbe après mon plaquage. Je garde le rythme soutenu, refusant dem’arrêterouderalentirdepeurquelaréalitédesévénementssurleterrainnemerattrape.

Jeveuxéchapperàmespensées,maiscelanefonctionnepas.Quandenfinjem’arrêteetmetourneverslelac,j’ailesjambesenguimauve.Lesvaguess’écrasent

surlesableetlèchentmescrampons.Malheureusement,lebruitdesvaguesnecouvrepaslebruitdelasirèned’ambulancenil’échodescrisdeMonika.

J’aitoujoursvécucommesilavieétaitunjeuetquej’étaisinvincible.Enréalité,jemefichaisdevivreoudemourir.Peut-êtreàcausedelafaçondontmonpèremeregardait,commesijenevalaisrien.MaisTrey…c’estlegenredemecquiatantdechosesàvivre.Sonpèrelesoutient,sacopinel’aime,etson cerveau ferait pâlir d’envie ce foutu Einstein. De nombreuses fois j’ai souhaité échangerma viecontrelasienne.

EtsiTreyétaitparalysé,oupire?Toutestdemafaute.Etsij’avaisgâchétoutcequ’ilavaitetquejedésirais?Commentleregarderdanslesyeuxetluidirequejenevoulaispasluitomberdessus?Ceseraitluimentir.Jevoulaisleplaquerviolemment,luiprouver,àluietàtouslesautres,quejepouvaisvaincrelemeilleur.JevoulaisprouveràMonikaquej’étaisplusfort,quej’étaismeilleurquelui.

J’aisurtoutprouvéquej’étaisunsalaud.Pressermespaumescontremesyeuxpourtenterd’effacermespenséesnesertàrien.Jenesupportepasça.Jecoursaubureaudemonpère,enpleincentre-ville.Sasociétéd’investissementSalazar,Meyer&

Kingmanestimpressionnante.Lebâtimentoùiltravailleestnickel,éclatant,avecdegrandesfenêtresquidonnentsurlarue.Lisseetimposant,àl’imagedemonpère.

J’aitellementlesjetonsquejenesaispasquoifaire.

Papas’occupetoujoursdetout.C’estcommesij’étaisaveugleetqu’ildevaitmeguider.Ilm’adéçuàdenombreusesreprisesmaiscettefois,jenesaispasversquimetournerendehorsdelui.

J’aibesoinquemipapásoitlàpourmoi.Jen’aijamaisautanteubesoindeluidemavie.Autantquejem’ensouvienne,c’estlapremièrefoisquejesensleslarmesmemonterauxyeux.Je

lesessuiedureversdelamain.Brenda,laréceptionniste,estunefilleminceauxcheveuxblonds,avecunrougeàlèvreséclatant.Je

suisassezsouventvenuiciaucoursdesdernièresannéespourqu’ellemereconnaisseimmédiatement:lefilsvoyoudupatron.Jemefousdesétiquettes,mêmesiçamecorrespondbien,d’ailleurs.Etcommeça,lesemployésm’évitentcommelapeste,çameconvientparfaitement.

Avant même que je ne me présente à l’accueil, Brenda murmure déjà quelque chose dans sontéléphone.

Ducalme,Vic.Tupeuxyarriver.—J’aibesoindevoirmonpère.J’essaiedecontenirlestremblementsdemavoixetdemesmains.Ellemelanceunregardfaussementpeiné.—Désolée,Victor.Ilestenréunion,ilneveutpasêtredérangé.—C’estuneurgence.Jevousenprie.Dites-luiquec’esturgent.Ellereprendlecombiné.—Ilditquec’estuneurgence,murmure-t-elleensecouvrant labouche.Ilveutsavoirquelgenre

d’urgence.Iltedemanded’êtreprécis.—Jenepeuxpas.Ellereposelecombiné.—Ilditqu’ilteverraàlamaison,aprèsqu’il…Avantmêmequ’elle termine saphrase, jepars en courantde l’accueil et passedevant l’agentde

sécurité;lesdeuxprotestentderrièremoimaistantpis.J’entre sans frapper dans l’immense bureau de mon père. Quatre types, tous en costards

impeccables,sontassisautourd’unelonguetable.Dèsquemipapámevoit,ilfroncelessourcils.—Jevouspriedem’excuser,dit-ilauxquatrehommes.J’enaipouruneseconde.Ilnemeprésentepascommesonfilsmaisjem’enfiche.Jelesuishorsdelapièce.Ilal’airénervé.—Je…je…j’aibesoindetoi,luidis-je,désespéré.—Quoiencore?soupire-t-il.—C’estTrey.On faisaitdesexercicesà l’entraînementet il s’estpasséquelquechosedegrave.

Papá,j’aibesoindetonaide.Jenesaispasquoifaire.Ilmeregardeennuyé,irrité.—Victor,jesuisenpleineréunion.Çanem’étonnepasquetuaiesfaitquelquechosedemal.J’en

aimarredetesortirdupétrin.Débrouille-toietarrêtedem’importunerauboulot.Tunesaispascequec’est,tuestropoccupéàmerdertoutletemps.Peuimportecequetuasfait,grandisetarrangeça!

—Jenepeuxpas.Illèvelesyeuxauciel.—Alorstunesersàrien.Jescrutesondostandisqu’ilretourneàsonbureauetmeclaquepratiquementlaporteaunez.Jedoisfuir,faireoubliermonexistence.Jecoursjusqu’augaraged’Enrique.Isamesuitdanssonappartement.

—Est-cequejepeuxrestericiunmoment?dis-jeenm’asseyantsursoncanapé,latêtedanslesmains.

—Biensûr.Qu’est-cequisepasse?—Jen’aipasenvied’enparler.Jenepeuxpasenparler.—Tuveuxresterseul?Jeluifaisouidelatête.Unefoisqu’elleestpartie,jetrouvelecouraged’appelerMonika.Sontéléphonesonneetmonpouls

s’accélère.—Allô?répond-elled’unevoixfaible.—C’estVic.CommentvaTrey?J’entendsdesvoix.Comptetenudubruit,jecomprendsqueletéléphonepassedemainenmain.—Vic,dis-moioùtues,résonnelavoixdeJet;ondiraitqu’ilapleuré.Toutlemondetecherche.—Jevaisbien.Disauxautresd’arrêterdemechercher.CommentvaTrey?—Dis-moioùtues.—Non.Trey?Ilyaunlongsilence.—Iln’apassurvécu.Jesuisdésolé.Jen’auraispascrupossibledemesentirencoreplusmal,etpourtant…Monmeilleuramiestmort.Etc’estàcausedemoi.

Chapitre26

MONIKA

LanouvelledelamortdeTreys’estrépanduecommeunetraînéedepoudredansnotrepetiteville.Depuisquejesuisrentréedel’hôpitallanuitdernière,montéléphonen’apascessédevibrerpourdesSMSetdesappels.Laplupartmedemandentcommentjevaisetmeconfirmentqueleconseild’administrationdel’écoleadécidédereporterlematchetlebal.Jefinisparéteindremonportableetparlejeteràtraverslapièce.Ilestpresquemidietilesttoujoursaumêmeendroit.

Jen’aienviedeparleràpersonne.Jen’aienvied’êtreavecpersonne.JeveuxquetoutlemondearrêtedemerappelerqueTreyn’estpluslà.Peut-êtrequesilesgensn’en

parlaientplus,celavoudraitdirequetoutçan’étaitqu’uneénormeerreur.Siunepartiedemoiaenviedecroireàcefantasme,jesaisqueTreynereviendrapas.

Monregardtombesurmanouvellerobebleueencoresursoncintre,avecl’étiquetteduprixencoreaccrochée. L’année dernière, nous étions allés au bal avec Cassidy et Vic. Après de nombreusesdiscussions,onavaitmêmeréussi à fairedanserVic.Onpassait tousun supermoment jusqu’àcequeCassidysoitivreetvomissedanslavoiture.QuandVicétaitlà,Treyn’étaitjamaisloin.QuandTreyétaitlà,Vicn’étaitjamaisloin.

Nousavonspartagédesmomentsfoustousensemble.Aujourd’hui,cenesontplusquedessouvenirs.Mamèrequivientmevoirtouteslesdeuxheurespasseunetêtedansmachambre.—Commenttesens-tu,mapuce?Jesuisallongéesurmonlit,àregarderdanslevagueà travers lafenêtre.J’ai lesyeuxouvertset

l’espritencombré.—Jenesaispas.—Tuveuxenparler?—Non.Enparlerrendleschosesplusvraies.Jeneveuxpasaffronterlaréalitépourlemoment.Jenesais

mêmepassijedoisdireauxgensqu’onavaitrompu.J’ail’impressionquecelaterniraitsonsouvenir.—Tuaimeraispeut-êtreparleràunprofessionnel?Moncœurs’emballe.JemesouviensdelafoisoùVictorm’avaitracontéquel’assistantesocialede

l’école l’avait convoqué dans son bureau et avait voulu le faire parler des raisons pour lesquelles ilparaissait toujours en colère. Comme il refusait, elle l’a convoqué à quatre reprises avant de laissertomber.

—Non,s’ilteplaît,nem’obligepasàlefaire,maman.—D’accord. Jeneveuxpas te forcerni te stresserdavantage.Dis-moi simplement si tuchanges

d’avis.Elleentredanslapièceetsetientaupieddemonlit.Sesyeuxmarronfoncéetseslongscheveux

noirsetlissesjurentavecmesyeuxvertsetmesbouclesdanstouslessensquej’aihéritésdelafamilledemonpère.

—Tudevraisdescendremangerquelquechose,Monika.Cen’estpasbonpour tonorganismederestersansnourriture,surtoutdanstonétat.Ilfaudraquetusortesdecelitettemettesàbouger,sinontoncorpsvaseraidir.

—Jesais.Jeteprometsdedescendrequandjeseraiprête.Mesgenoux semblentdéjà avoiroublié comment sepliermais jem’en fiche.Lesdouleurs et les

souffrancesquemoncorpsmefaitsubirnesontrienencomparaisondecequejeressens.—Celairamieuxavecletemps,meditmamand’unevoixdouceetcalme.Lorsqu’ellequittelapièce,jepaniqueàl’idéequ’elleoumonpèremeposenttropdequestions,des

questionsauxquellesjen’aipasderéponse.Leproblème,c’estquepersonnenesaitcequis’estpasséentreTreyetmoicesdernièressemaines. Ilm’a faitpromettred’emporter le secretdansma tombeausujetdescachets.Pourluiêtrefidèle,jedoismentiràtouslesautres.

Treydisaitqu’ilavaitbesoindecespilules.Jecroisqu’unepartiedemoicompatissait,enraisondesmédicamentsquejeprendslorsqueladouleurdansmoncorpsesttropforteetquej’aibesoindelasoulager.Quandjemeredresse,mesosprotestent,merappelantquejen’aipasprismesmédicamentscematin.

Argh ! Jedétestemesentir impuissante faceàmoncorps, à lamortdeTreyet au faitqueVictorrefuse toutcontactavecquiquecesoit. J’ignoresi j’arriveraiàvivre toutçasans lui. J’entredans lasalledebainsetouvreleflacondemonmédicament,etdenouvelleslarmesinondentmesyeux.Ellesnes’arrêterontdoncjamais!

J’ail’impressiondetomberdansuntrounoirsansfond.

L’enterrement de Trey a lieu deux jours plus tard. J’ai reçu un appel deMrsMatthews qui medemandait d’y assister avec la famille ; je n’ai pas pu refuser,même si une partie demoi voulait luiannoncernotrerupture.Jepréféreraisresterdanslefondetfairemondeuildansmoncoin.Personnenecomprendcequejeressens.

J’arrivetôtchezTrey.Quandj’entre,MrsMatthews,lesyeuxgonflésetrougis,meprenddanssesbras.Elleal’airaussi

malheureusequemoi.—Monika, nous aimerions que tu ailles dans la chambre de Trey et que tu prennes ce que tu

souhaites,dit-elled’unepetitevoixfaiblarde.Ilabeaucoupdephotosdevous.Nousvoulonsquetulesgardes.Emportetoutcequetuveux,machérie.

—Vousêtessûre?—Maisoui.Treyt’aimait.Jesuismaladedel’entendre.Leslarmesmemontentauxyeux.JesuisdéjàalléedanslachambredeTreyd’innombrablesfois.Ilchantait,jouaitdelamusiquepour

moi.Maisenmontantl’escalieretenlongeantlecouloir,jesensuneprofondetristessem’envahir.Jemetiensdevantsaporte,àcontemplerlevieuxbois.Je tourne la poignée et pénètre dans la chambre. Tout m’est familier dans le monde tranquille,

paisibledeTrey.Lachambreparaîtvidesansluimaisenmêmetemps,jeressenssaprésence.Lesmurssontcouverts

d’affichesdeseschanteurspréférésetsestrophéesdefootballaméricainsontparfaitementalignéssursacommode.J’avanceetscrutelesphotosépingléessurletableauenliègeau-dessusdesonbureau.

Ilyenabeaucoupdenous.

Etplusieursdenosamis.Nous sommes toujours souriants sur les photos mais personne ne savait que Trey avait un côté

sombre.Ilnesavaitpasgérerlapressionquicontrôlaitparfoissavie.J’aimeraisremonterletempsetreparleravecTreydesespilules.J’auraisaimédirequelquechose

àsesparents…àquelqu’un.Maisjen’airiendit.QuandjepasselesdoigtssurunephotodeTreyetdemoiàlaplagel’étédernier,uneautrephoto

tombedederrièreletableauetatterritsurlebureau.Jelaramasse,etsoudaintoutmoncorpssemetàtrembler.

C’estunclichédeTreyetdeZaraauxcheveuxroses.Elleestassisesursesgenoux,lesbrasautourdesoncou;ellesouritàl’objectif.Treyneleregardepas.Non,c’estellequ’ilregarde,commes’ilenétaitfouamoureux.Ilmeregardaitcommeçaaudébutdenotrerelation.

Unfrissonparcourtmacolonnequandjeretournelaphotoetlisl’inscriptionaudos.PourtoujoursetàjamaisDespetitscœurssontdessinéssouslaphrase.Treyavaitl’habituded’employercesmotspourmoi.JerécupèreuntasdephotosdenousdeuxquanduneautredeTreyetZaratombesurlebureau.Cette

fois,ilss’embrassent,étendusdanslaneige.Jejetteunœilderrièreletableauetcinqautresclichésensortent.TousdeTreyetZara,dontunselfiealorsqu’ilssontdanssonlit.Trèsclairement,elleestnuesouslacouverture.

J’ailatêtequitourne,monesprits’affole.Je songe à desmilliers d’explications et d’excusesmais la véritéme frappe comme un coup de

poingdansleventre.Treymetrompaitdepuislongtemps.Jen’arriveplusàrespirer.Toutceenquoijecroyaisn’étaitquemensonges.Toutcequejesavais

deTreyétaitfaux,ycomprisnotrerelation.Jenepeuxpasenparleraveclui,iln’estpluslà.Jevoudraishurler,crier,exigerdesréponses.

Jenelesauraijamais.Jesuisperdue,fatiguée,attristée.Lavieestinjuste.Jeluiaitantdonnéet,enretour,ilm’aoffertdes

mensongesetfaitpromettredegardersessecretsidiots.Jelehais.Respireprofondément.Jemetslerestedesphotosdansmonsacetredescends,presqueentranse.Commentjouerlacopine

amoureuseendeuilquandnotrehistoiretoutentièreétaitunmensonge?JesurprendslaconversationdeMretMrsMatthewsdanslacuisine.— Ils se trompent, dit à voix basse la mère de Trey à son mari. Notre fils ne prenait pas

d’amphétamines.Ilétaitintelligentetavaittoutelaviedevantlui.— C’est ce que révèle le rapport toxicologique. Son cœur a lâché et il est mort d’une crise

cardiaque.Ilafaituneoverdose,Clara.Iln’étaitpasdéshydratéetVictorSalazarn’yestpourrien.J’aiparléàlapolicequiboucleral’enquêteunefoisqu’elleaurareçulerapportfinaldulégiste.

—Jen’ycroispas,pleure-t-elle.Jerefusedecroirequemonfilssedroguait.Jamais!J’entredanslacuisine.MretMrsMatthewssetaisentsubitement.Luiprendlescommandesetnous

pressedemonterenvoiturepournousconduireaufunérarium.Nousarrivonslespremiers.J’aidumalàregarderlamèredeTrey.Elleesthabilléetoutennoiret

necessedesangloter.Dèsquejel’entends,leslarmescoulentlelongdemesjoues.

MrMatthewsresteimpassible.Ilaccueilleleursproches,levisagesérieux,leslèvrespincées.Ilnepleurepasmaisjecomprendsquec’estunefaçade.Treyétaitprochedesonpère.C’étaitsonplusgrandfan, il assistait à tous sesmatchs et portait fièrement le tee-shirt « Parents des Rebels de Fremont »chaquefoisqu’ilserendaitàunévénementscolaire.Ilfaisaitl’élogedeTreyàtousceuxquivoulaientbienl’écouter.

Jen’aijamaisvuunetellefouleaucimetière.Ondiraitquelelycéetoutentierestlà,ainsiquelesparents, lesprofesseurset lepersonneladministratifdeFremont.LamortdeTreyacrééunevéritableondedechocetlavilletoutentièrepleurelamortd’undesesenfants.

Quelqu’unmetapotedansledos.—Salut, ditAshtyn d’une voix réconfortante avant de se pencher pourmemurmurer à l’oreille.

Commenttesens-tu?Jehausselesépaules,repensantauxphotosdeTreyetZaradansmonsac.Etlefaitquelamortde

Treyestsansdoutedueàuneoverdosequej’auraisprobablementpuempêcher.—Jenesaispas.C’estlaseuleréponsequejepeuxdonnerpourlemoment.SavoirAsh,Derek,JetetBreederrièremoimerassuremaisj’aiencoreunedrôledesensationau

fonddemoi.Enplusdecela,mesossemblentvieuxetfragiles.Cematinauréveil,j’étaisraideetjen’aipasréussiàmedétendre.J’aiprismesmédicamentsmaisilsn’ontpaseuleureffethabituel.

—OùestVic?Jemedemandes’ilétaitaucourantpourTreyetZara.—Personnen’adenouvelles,merépondJet.—Ilparaîtqu’iltraîneaveclesLatinoBlood,ajouteBree.LegangdesLatinoBlood?Non,cen’estpaspossible!JeregardeAshtyn.Elleal’airinquiètemaislemasquetrèsviteetm’adresseunpetitsourire.—Jesuiscertainequ’ilvabien.Iln’estpasavecleLB,Monika.Ceseraitdelafolie.MaisVicpeutêtrefou.Treyet luiétaientcommedeuxfrères.Vicaadmisplusieursfoisquesans

Treyilseraitsansdoutedéjàmort.Treyétaitlecalmeduduo,celuiquiamenaitVicàlaraison.MaintenantqueTreyn’estpluslà,est-cequeVicvas’enfoncer?J’ail’impressionquejevaiscraquermoiaussi.J’aimeraisqueVicsoitlàpourpouvoirluiparler,

luidirequenoustraversonstouslesdeuxunenfermaintenantqueTreyestparti.Jesuisnerveuseàl’idéedel’appeler.Qu’est-cequejepourraisluidire?

Jemeretournefaceaucercueiletsoudainladouleurconstantedansmondoss’intensifie.—C’estavecunegrandetristessequenousdisonsadieuàTreyAaronMatthews,unjeunehomme

quifutlegrandmodèledesescompagnons,clameleprêtreenfixantlecercueil.Jeplantemesonglesdansmespaumesenentendantleprêtre.Mondeuilsemêleàunefortedosede

colèreetdeculpabilité.—Treyresteraprésentenchacundeceuxquil’ontaimé.Moi,jeneressenspassaprésence.Jeressensseulementlevideetlasolitude.

Chapitre27

VICTOR

—Hé,réveille-toi!Jesuisallongésurlecanapéd’Isa,espérantdormirunpeu.Envain.J’ouvrelesyeuxàmoitiéetlavoisaccroupieàcôtédemoi.Sonvisageestàquelquescentimètresdumien.

—J’essayaisdedormir.—Tudorsdepuisunesemaine,Vic.C’estl’heurederetrouverlemondedesvivants.—Nonmerci.Quandjedors,jemevidelatêteetmesidéesnoiresdisparaissentquelquesinstants.Jeneveuxpas

rejoindrelemondedesvivants,alorsqueTreyreposesixpiedssousterre.Ellemepincelebras.—Lève-toi!—Tumefaismal!—Tantmieux.C’estfaitpour!Je retiremon bras etme relève. En regardant par la fenêtre, je réalise qu’il n’y amême pas de

lumièreau-dehors.—Quelleheureest-il?—Dixheures.Dusoir.Ellemetendunpullàcapuchegris.—Tiens,metsça.Jedoisfaireunecourse,tuviensavecmoi.—Jeresteici.—Non.Lesgensmeurent,Vic.J’aivutantd’amismourirdevantmesyeux.Onnes’enremetjamais

maisilfautavancer.—Jen’aipasenvied’avancer.J’aimelàoùjesuis,surcecanap’.—Tuvasrestersurcecanapétoutetavie?—Ouais.—Alorsrappelle-toiquenotretempsestcompté.Onvatousmourirunjouroul’autre.Autantvivre

commeunebêteetdireàlamortd’allersefairefoutre.C’estcequePacodisait.—Jen’aipaspeurdemourir.Enréalité,j’ailesboulescarj’aituémonmeilleurami.Çam’étonnequelesflicsnesoientpasà

mes trousses pourm’enfermer à perpétuité. Je lemérite. Je voulais sa vie, sa copine, son talent, sonintelligence…toutlemondevoulaitêtreassociéàTreyMatthews.

LaplupartdesélèvesdeFremontontétémisengardecontremoiparleursparents.Personneneveutêtreassociéàmoi.

—Jemedébrouillerai.—Vraiment,Vic ? Parce que tu as ton cul posé ici depuis une semaine et tu neme sers à rien.

Monikam’amêmeparlédetoichaquefoisqu’elleestvenuetravailler.—Elleétaitlà?

Je sais qu’elle était censée commencer à travaillermais je pensais qu’avec les événements, elleauraitjetél’éponge.

Isaacquiesce.—Je lui répèteque tuveuxêtreseul.L’autresoir,ellem’apriéede la laissermonter icipour te

parlermaisjeluiaiditquetun’étaispasenétat.—Jen’aienviedevoirpersonne.SurtoutpasMonika.JenedispasàIsacequej’aisurlecœur,quec’estmafautesilecopaindeMonikaestmort.Avantdepartir,elles’arrêteetsetourneversmoi.—Deuxhommesdontj’étaisamoureusesontmorts,Vic.Ondoitcontinueràvivremalgrétout.Ça

faitunmaldechienmaisjelefaistouslesjours.Ellemetouchelebras.—Jetecomprends.—Personnenecomprend.Pasmêmetoi.

Chapitre28

MONIKA

LaclassedeMrMillerestuneépreuve,surtoutquejenepeuxpasmeconcentrerfaceàlachaisevideaupremierrang:celledeVic.

—Quelqu’unsaitoùestpasséSalazar?demandeleprof.—Ilestparti,répondCassidy.Personnen’adenouvelles.Ellesetournealorsversmoi.—N’est-cepas,Monika?Jehausse lesépaules.Pourquoiest-ceque tout lemondeme regarde?D’accord, je saisoù il se

cache.Commesij’allaisledire!J’aimeraistellementqu’ilmeparle.Ilmemanque.Vicsèchedepuisdeuxsemaines.C’estdéjàassezgravequeTreynesoitpaslà.L’absencedeVic

aggraveladouleur.Jenesaispasquoifaire.Dans lecouloir, je rencontresasœurDaniavant la repriseaprès ledéjeuner.Elleesten trainde

discuteravecdesterminales.—Jepeuxteparleruneminute?Ellehausselesépaules.—D’accord.Cen’estpasfaciledeparleravecelle.OndiraitqueDaninesongequ’àpartirencourant.Ellefait

signeàsesamisdel’attendre.—Je,euh…jemedemandaissituavaisdesnouvellesdeVic.—Monpèreluiacoupélesvivresquandilestparti.—Tuluiasparlé?Ellesecouelatête.—Écoute,Monika,jen’aipasdesesnouvellesetjen’enattendspas.Ilfautquej’yaille.Avantquejenepuisseposeruneautrequestion,elles’envarejoindresesamis.Desélèvespassentdevantmoi.—TuasentenduqueVicracontaitdelamerdesurTreyavantdeleplaquerviolemment?ditl’un

d’entreeuxtoutexcitédejaser.—Çanem’étonneraitpasqu’ill’aitfaitexprès,ajouteunautre,TreyavaittoutcequeVicn’avait

pas.—Tusaiscequ’ondit:ilfautseméfierdesesennemis,maisencoreplusdesesamis!conclutun

troisième,del’équipeprincipaledefootball.—Tuvasbien?medemandeMrsGoldsmith,uneprofdebio,alorsquejefixelepetitgroupede

commères.Tuveuxallervoirl’assistantesociale?—Non.Celamerappellel’annoncequ’afaitel’assistantesocialedegarde,disponibleàtouteheurepourles

élèvesquivoudraientparlerdeleursdifficultésàdigérerlamortd’uncamarade.LamortdeTreyaeuunimpactimmensesurnotrepetiteville,dontlaviesocialetournetantautour

du football américain. Tout le monde en parle encore. Bien sûr, chaque fois que des personnes me

reconnaissent,lesdiscussionscessent.Onmetraitecommeunepestiférée,commesij’étaistropfragileetquej’allaismebriserrienqu’àentendrelenomdeTrey.

— Tu as l’air épuisée, Monika. Tu devrais parler à quelqu’un. Viens avec moi, me presseMrsGoldsmithenmeconduisantversl’administration.

—Jevaisbien.Commej’aimeraispartirencourantdansladirectionopposée.Ellemetapedansledos.—Je saisque tu traversesbeaucoupde choses en cemoment. Il fautque tudemandesde l’aide,

mêmesitun’enaspasenvie.Trèsvite,nousnousretrouvonsàl’administration.MrsGoldsmithchuchoteàlasecrétaire.—VoiciMonikaFox,lapetiteamiedeTrey.Lasecrétaireacquiescecommesiellecomprenait l’urgencede lasituationet seprécipitevers le

bureaudel’assistantesociale.Tandisquej’attends,MarissaSalazarentredanslapièce.Jem’empressedeluidemander:—TuasparléàVic?—Non.Ellesetourneets’enva.Jesuisencoreplusperduequ’avant.Moinsd’uneminuteplustard,onm’inviteàentrerdanslebureaudeMrsBean.Notreassistantesocialeestunegrandefemmerousse, lescheveuxmi-longs.Ellemefaitsignede

m’asseoirsurlachaiseenfaced’elle.—JesuisdésoléepourTrey,commence-t-elled’unepetitevoixaiguë.C’étaitunélèveexemplaire,

admirédesescamaradesetdelacommunauté.Sondécèstouchebeaucoupdegens.J’ignoresiMrsBeanajamaisparlédirectementàTreymaisnoushabitonsunepetiteville,oùtoutle

mondeconnaîtplusoumoinstoutlemondedulycéedeFremont.Ellepenchelatêtedecôtéaveccompassion.—Tusortaisdepuislongtempsaveclui.Jefaisouidelatête.— Tu veux en parler ? Je suis là pour t’écouter, te conseiller, ou juste t’offrir une épaule pour

pleurer.La dernière chose dont j’ai envie, c’est de parler, surtout à l’assistante sociale de l’école. Si je

voulaisdiscuter,j’appelleraisAshtyn.Maisàellenonplus,jenepeuxpasdirelavérité.Etjen’aiparléàpersonnedesphotosdeTreyetZaraquej’aitrouvéesderrièreletableaudeTrey.

—Jepeuxretournerencours,MrsBean?Ellesoupire.Ellevavouloirinsisterpourquejedisequelquechose,n’importequoi,maisaulieude

cela,ellepoussesachaiseenarrièreetselève.— Lemur émotionnel que tu as érigé est une étape normale et naturelle du processus de deuil,

Monika.Tuviensdeperdre tonpetitami. Jouraprès jour,celadeviendraunpeuplus facile.Fais-moiconfiance.

—Jel’espère.Mercidevousensoucier,MrsBean.Avantquejenesorte,ellemetendunpapier.— Tiens ! dit-elle en me le mettant entre les mains. Il s’agit des étapes du deuil. Lis-le tout

simplement.Tuverras,tun’aspasàvivreçatouteseule.Jesorsdesonbureauet longe lescouloirscommeunzombie ;mes jambeserrent sansbut. Jene

ressensrienencetinstant.Jebaisselesyeuxverslepapier.Celanefaitpaspartiedesétapesdudeuil.Peut-êtrequejesuisseule.

Peut-êtreresterai-jetoujoursseule.J’aimeraispouvoirparleràTrey,luidirequegardersessecretsmepèse.Toutlemondeleprésente

commeunmodèle,meditcombienonl’admirait,àquelpointilétaitparfait.Maisiln’étaitpasparfait.EtpluslesgensévoquentlaperfectiondeTrey,plusonécraseVic.Unangecontreundémon.Jebaisselatête,fixelesol;c’estplusfacilequederegarderlesgensdanslesyeuxtandisqu’ils

s’accrochentàleurvisiontorduedelaréalité.Enfindejournée,j’ouvremoncasierettrouveunefeuilledepapier.Jeladéplieetlis:

Disàmonfrèrequ’ilmemanque.Marissa

Chapitre29

VICTOR

JenesaispasdepuiscombiendejoursjevischezIsa.Jefaisdemonmieuxpourdormirlepluspossibleetignorertoutettoutlemondeautourdemoi.

Lanuitestretombée.Jem’enaperçoiscarlalumièreneperceplusparlafenêtre.—Tuvasenfinlevertoncul?demandeIsaenseregardantdanslepetitmiroiraccrochéaumurde

sonsalon.—Nan.Elleseretourned’uncoup.—Bon,Vic,passeàautrechose.Sérieux,tournelapage.TucroisqueTreyaimeraittevoirgâcher

tavie?C’estunmanquederespectenverslui,d’ailleurs.Ilauraitvouluquetuaiesdescouillesetqueturetournesbosser.

—Parcequec’estuneviedebosserici?—Biensûr.Travaillericimedonneunbut.—Quellemerde.—C’estpeut-êtrepaslemeilleurtafquet’aurasjamais,maisçavautmieuxquederesterallongé

danslenoirvingt-quatreheuressurvingt-quatre,septjourssursept,àporterlesmêmesfringuesdepuisunesemaine.

Jebaisselesyeuxversmontee-shirtetmonjeanssales.—J’aimebiencesfringues.—Bref,Vic,ceseraitbiensitunousdonnaisuncoupdemain,àMonikaetàmoi.Unechoseque

j’aiappriseaufildesannées,c’estquelesregretsnevalentrien.—Merciduconseil.—Jet’enprie.Jevaisfairelababy-sitterpourlegamind’AlexetBrittany,jerentreraitard.Non

pasquetut’enaperçoives…Isaquittel’appartementenmarmonnantd’autresconneriessurlefaitdetournerlapage.Jefermelesyeux,dansl’espoirdedormir.Envain.Etmerde!Leproblème,c’estquej’aidéjàtellementdormiquemoncorpsserebelle.J’aibesoindecourir,dem’épuiseraupointdem’écroulersurlecanapé.Jedescendsl’escalierettraverselegarage,raviqu’Isanesoitpaslà.Jenesaispasoùjevais.J’ai

justebesoindemeviderlatête.Jecoursjusqu’aulycéeetreviens,attentifàmonentouragedanscettevilleàlacon.Jesaiséviter

lesconflitscommejesaischercherlabaston.Quandjesuisderetouraugaraged’Enrique,ensueuretprêtàpioncer,jeremarqueunefillesurle

parking.Elleporteunpullàcapuchenoirquiluicouvrelamoitiéduvisage.J’aiunchocenvoyantses longscheveuxépaissortirde lacapucheetses lèvrescharnuesque je

reconnaîtraisenpleinelumièrecommedansl’ombre.MonikaFox.

J’essaiedem’enleverdelatêtesonimage:lesmainssurlabouche,entraindehurlerdedésespoiralorsquel’ambulanceemportaitTrey.Maisc’estinutile.

Putain!Jen’aienviedevoirpersonne.Enparticulier,paselle.Hélas!jen’aipaslechoix.Monikasursauteenmevoyantetsacapuchetombe,dévoilantsonparfaitvisageencœur.Elleportelamainàsapoitrineetsouffledesoulagement.—Ah,c’esttoi!À la voir si près… je ne sais pas quoi dire. Mes paumes sont subitement moites alors que je

m’arrêtedevantelle.—Qu’est-cequetufaislà?MavoixsortplusdurequejenelevoulaisetMonikatressaille.—Je,euh…suisvenueici,pour,euh…teparler.Sesyeux,d’habitudeéclatantsdevie,sontrougis.—Tun’étaispasàlacérémonie,alorsaucasoùtun’aiespaseulanouvelle,Treyaétéenterré…—Jesais.Lavoiricimefaitl’effetd’uncoupdepoignard.Treydésiraitunaveniravecelleetj’aitoutfichu

enl’air.—Toutlemondes’inquiètepourtoi.IlfautquetureviennesàFremont,Vic.Reviensavecmoi.—C’esttoilechasseurdeprimesdésignéqu’onaenvoyépourmerameneràFremont?Tuasdit

auxautresoùj’étais,cesdeuxdernièressemaines?—Non,sedéfend-elleenreculant,presqueinsultée.Personnenesaitquetueslà.—Pourquoiest-cequetuesvenue,alors?—Parcequetucomptespourmoi.Elleseraclelagorgeavantd’ajouter:—Tucomptesbeaucoup.

Chapitre30

MONIKA

Vicaunesaletête.Sontee-shirtesttachéetilalescheveuxenpagaille.Ondiraitqu’iladormidanslaruependantdeuxsemaines.Ondiraitqu’ilabaissélesbras.

—Jemefichedecompterpourtoi.Pasaprèscequej’aifaitàTrey.Jesuisétonnéquelesflicsnesoientpasvenusm’arrêterpourmeurtre.

—Tun’aspastuéTrey,Vic.C’était…J’aienviedeluidirelavérité,queTreyétaitresponsabledesapropremortmaisjenepeuxpas.—C’étaitunfichuaccident.Etjenerentreraipas,pasavantquetumepromettesdereveniraulycée

etderetournerdansl’équipedefootball.Ellenepeutpasgagnersanstoi.Ilsecouvrelesoreilles.—Jeneveuxpasparlerdel’école,deTrey,nidefootball.—Pourquoipas?Ilhausselesépaules.Jemetslesmainssurleshanches,pouressayerdememontrerautoritaire.—Tunepeuxpastecachericiàvie.—Etpourquoipas?—Parcequec’estidiot.Jefixemeschaussurescarjenepeuxpassoutenirsonregardendisant:—Treynet’auraitjamaislaisséfaireça.—Ouais,benTreyestparti,Monika.Ettudoisbiensavoirdepuisletempsquejesuisidiot.Ilsedirigeverslaportedugarageetladéverrouille,déclarantainsiqueladiscussionestclose.Je saisque lepèredeVic est intraitable avec lui.Onne luimontre jamaisqu’il est importantni

même digne d’attention, sauf pour des choses négatives ou pour sauver les apparences en public. Jecomprendsquec’estenpartiepourcelaqu’ilestaussirenfermémais jerefusequelamortdeTreynel’enfoncedavantage.

Jelerattrape.—Onatoujourslechoix.Tunepeuxpassimplementlaissertomberl’écoleetlefootball.—Si,jepeux.Etarrêtedefaireattentionàmoi.—Fais-toiuneraison,parcequetucomptespourmoi,Vic.Je tends lebraset lui touchedélicatement lamainmaisà la secondeoùmesdoigtseffleurent les

siens,jel’entendsretenirsonsouffle.Ilretiresamaind’uncoup.—RetourneàFremont,Monika.—Jesuisvenuepourt’aider.Nemerejettepas.Deslarmesseformentdanslecoindemesyeux.Personnenesaitcombienj’aimal.Vicignorece

qui s’est vraiment passé sur le terrain. Si Mr et Mrs Matthews décident de ne pas divulguer cetteinformation,ilpourraitmêmenejamaislesavoir.

Illèvelesmainsdansungested’énervement.—Rentre!Jeneveuxpasdetoiici.

Jedoisrésister.—Jerentrerailorsquetuaurasacceptédereveniraulycée.—D’accord.Unepartiedemoisedétend.—Vraiment?—Ouais.Situparstoutdesuite,jeretourneraiaulycéelundi.Jeteconseilled’acceptermonoffre,

sinonjejetteraitonculpar-dessusmonépauleetjeteferaipartir.Tun’aspaslechoix.Etpourinfo,situcriesdanscequartier,toutlemondes’enfout.

Jeplisselesyeux,medemandants’ilseraitvraimentcapabledelefaire.—Tun’oseraispas.Ilpousseunpetitrirecynique.—Tuveuxparier?

Chapitre31

VICTOR

Lundi,jesuisassisdanslesalond’IsaàfairesemblantdenepaspenseràMonikaetaumensongequejeluiairaconté:retourneraulycéeaujourd’hui.Enmeréveillantcematin,j’aipourtantenvisagédesauterdansladoucheetd’allerencours.Maiscen’étaitqu’uneidéepassagère.Detoutemanière,jen’auraipasmondiplômecommej’airatétropdecoursetnepourraisansdoutepasrattraper,alorsàquoibon?

Pilequandjevaisallumerlatélépourchassertoutepenséequitraverseraitmoncerveauinutile,IsadébarqueavecsasalopettetropgrandeetsonattitudedeLatinatoutaussidémesurée.Mince,siseulementjel’avaisenferméedehors.J’auraispufairesemblantdenepasêtrelà.

Jem’enfoncedanslecanapé.—Salut.—Ceciestuneintervention,lance-t-elleensepostantentremoietlatélé.J’enaimarredevoirton

culcollésurcecanapéànerienfaire.—J’aieudessemainesdifficiles,jeveuxjustequ’onmefichelapaix.—Jesuisdésoléequetuaiesperdutonami.Jesais tropbiencequecelafaitdeperdrelesgens

qu’onaime.Maisjecroulesousleboulotenbasettoi,tuesauxabonnésabsents.Ellefaitungestedelamainversmoi.—Ettuasunesalegueule!—Désolé.—Désolé?C’esttout?Sesyeuxnoirsmepercentcommedespoignards.—Sijeneterminepascettemontagnedeboulot,jevaisêtresurlapailleetilfaudraquejevende

cetendroit.—Jenepeuxpasbosser,là.Ellepointelatélédudoigt.—Parcequetuesassissurtonculàmaterdesdessinsanimésdébiles?J’essaiederestercalme,denepasmelaisserprendreparcequ’elledit.—Nemesaoulepas,Isa.Jen’aipasbesoindeça.—Donctucomptesêtreunclodolerestedetavie?—Pasunclodo.Jepréfère«espritlibre»!Jeveuxsurtoutqu’elles’enailleetqu’ellearrêtedemerelancerpourquejepuisserecommencerà

fairelelézard.Là,ellemefaitréfléchir.Jen’aipasenviederéfléchir,surtoutaujourd’huiqueMonikas’attendàmevoiraulycéeetquejeladéçoisenséchantànouveau.

—Tutecomportescommeunabruti.—J’ensuisun.Toi,tuétaisdansungang,Isa.Tut’yconnaisenabrutis!Elledevientécarlate.—N’osemêmepasallersurceterrain,Vic.—Jedisçacommeça…tuaspeut-êtredesastucesàmefiler.

Elles’emparedelatélécommandeetmelabalancesurletorse.Sestatouagesdegangstersontpeut-êtrepermanentsmaisellealaissélaviedecriminelderrièreellelorsquesesamissontmortssouslesballesdumêmegangauquelelleavaitjuréfidélité.

—Tun’espaslepremierquiperdquelqu’un,espècedependejosanscœur!Etellesortentrombe.Sesmotsfontmal.Tropmal.Jusqu’oùjevaisencorem’enfoncer?

Chapitre32

MONIKA

Leréveilcematinaétésimple.LaperspectivedevoirVicaulycéem’afaitbondirdulitetoubliermesdouleursauxarticulations.DepuislamortdeTrey,toutestsensdessusdessous.LeretourdeVicàl’écoleramèneraunpeudenormalité;dumoins,c’estcequejemerépète.

Jemegaresurleparkingdel’écoleetavecuncertainélan,jerejoinslecouloirdesterminales.—Salut,jelanceàAshtynetDerek,assisdevantleurscasiers.Ashlèvelesyeuxversmoi.—Tusouris.—Jesais.EllepousseDerekducoude.—Tuasvu?Mameilleureamieestcontente,aujourd’hui.—Ouais,jevoisça…répond-il,visiblementpasaussisûrqu’elle.Félicitations?Ashluitapelebrasetilaunhaussementd’épaules.—Désolé,jenesaispasquoidire!Ashlèvelesyeuxaucieletserelève.—Lesgarçonsnecomprennent rien ! Jesuiscontenteque tuaillesmieux,dit-elleenpassantson

bras autour de moi. Je m’inquiétais pour toi. Tu ne m’as pas rappelée et tes rares textos étaient sicourts…

—Jesais,jesuisdésolée.Ellebalaiemaphrased’unreversdelamain.—Tun’aspasàêtredésolée,Monika.Jenesavaispassijedevaistepousseràfairedestrucsoute

laissertranquille.Treynousmanqueàtous…Vicaussi.AshtynetVicsontbonsamis,suretendehorsduterraindefootball.Jesaisqu’elleasouffertdene

pas l’avoir à ses côtés. Lamort de Trey a laissé un vide dans notre groupe d’amis. Le fait que Vicdisparaissearendulavieinsupportable;ilfautabsolumentqu’ilrevienne.

Jenepeuxcacherlanouvellepluslongtemps.—Vicrevientaulycéeaujourd’hui.—Quoi?s’écrie-t-elle,lesyeuxécarquillés.Tuessûre?Commenttulesais?Sesquestionsfusentcommedestirsdemitraillette.—Jeluiaiparlé.—Autéléphone?—Non,jel’aivu.—Tul’asvu?Où?—ÀFairfield,quartiersud.Souslechoc,ellerestebouchebée,lessourcilsrelevés.Personnedenotreentouragenevadansle

suddeFairfield;lesruessontcontrôléesparlesgangs.—Doncilt’avraimentditqu’ilrevenait?—Ouais,ill’apromis.

Saufqu’aprèsdeuxheuresdecours,Vicn’esttoujourspaslà.Débutd’après-midi,toujoursrien.Milieud’après-midi,jecommenceàm’énervercar,detouteévidence,ilneviendrapas.Dernièreheure,j’ailarage.Aprèslescours,jemerendsàl’entraînementdepom-pomgirls.J’enairatétellement,maisjesais

queBreemesoutient.Jelaretrouvesurlapelouseàcôtédesgradins,às’échaufferaveclerestedel’équipe.—Wow!Jenepensaispastevoirici,s’exclameBreequandjelarejoins.Jeretiremonpullàcapucheetposemabouteilled’eauparterre.—Jenevoulaispasraterànouveaul’entraînement.Breeal’airconfuse.—Onpensaitquetutereposeraisdavantage,Monika.—Ehbien,mevoilà.Les fillesse taisent, lesyeuxrivéssurmoi. Je regarde l’équipeprincipaleet jemerendscompte

qu’ellessonttoutesenposition.EtCassidyRichardssetientàmaplace.—Qu’est-cequisepasse?—Cassidyteremplace.Jusqu’àcequetureviennes.—Ehbien,mevoilà.—Non,jeveuxdire…pourdebon.Maistuasratél’entraînementdesdernièressemainesetcomme

onnesavaitpasquandtureviendrais,onaconçuunenouvellechorégraphieet…Ellemefaitungrandsourireetsaqueue-de-chevalsebalanceautourdesonvisage.—Tudevrais lavoir !Elleestvraimentcool.Cassidya faitunstageenCalifornieauprintemps

dernieretonluiaapprispleindetrucsqu’ellenousamontrés.—C’estgénial,dis-jeenmeforçant.Jesuisimpatientedevoirça.Unsoupirdesoulagementluiéchappedeslèvres.—Oh,c’estsuper!Alorsassieds-toi là,m’indique-t-elleenpointantvers lesol.Ontemontre la

choréetturegardes.Tuvaslatrouvertropgéniale!Jem’assiedsdansl’herbeetobservelachorégraphiesurunenouvellemusiquequejen’ai jamais

entendue,dansuneformationenFcompliquéequidonnelieuàdesmouvementsvraimentsuperbes.Le fait est queCassidy a fait de l’excellent travail. Etmon arthriteme relance. Jememasse les

poignetsenespérantsoulagerladouleurcontinue.«Wow!»C’esttoutcequejetrouveàdireàlafindelachoré.Breeapplauditplusieursfoislesfilles…etelle-même.—Alorsçateplaît,Monika?C’estgénial,non?J’acquiesce,lecoulourdetankylosé.—C’estvraimentgénial.Breen’estpasunefillesubtile,etcettefoisnefaitpasexception.Ellenes’occupequed’elle.C’est

une demesmeilleures amiesmais parfois jeme demande si notre amitié résisterait si je n’étais pascocapitainedel’équipedepom-pomgirls.

—Jemedisais qu’onnedevrait pas la faire à l’assembléegénéraledes élèvesmais attendre leprochainmatchpourladanseràlami-temps.

Elles’accroupitàcôtédemoi.—Biensûr,ont’apprendralachorépourquetupuissesprendrelaplacedeCassidy.Àmoinsquetu

n’aiesenviedelaluilaissercommetuasratépleinde…Jel’interromps,commesicelan’avaitaucuneimportance:

—D’accord.Cassidy faitdu trèsbonboulot.C’estellequidevraitêtreà l’avant,enpositiondeleader.

—Vraiment?s’exclameCassidy,lesyeuxécarquillésetlesmainsàlabouche,commesielleavaitgagnéàlaloterie.Tuessérieuse?

Jerépondsavecfranchise.—Ouais, vous étiez super.Bree a raison. Si personne n’y voit d’objection, jeme retire et vous

laisseterminerlasaison.—Tuveuxquitterl’équipe?s’écrieBree.—Oui.À vrai dire, je n’ai aucune envie de la quittermais il est évident que j’ai été remplacée et que

personnenes’attendàcequejereviennecetteannée.Jelesobserveencoreunmoment;j’ail’impressiond’êtreuneconnaissancedontpluspersonnene

veut.Quandellesretournentauxvestiaires,jeramassemabouteilled’eauetremetsmonpullàcapuche.J’aitoujourscruquemavieétaitsurlesrails.J’avaistoutfaux.

Chapitre33

VICTOR

Jemedétested’avoirratél’enterrementdeTrey.Jen’auraispassupportédevoirlafouledegensvenusrendrehommageàceluiqu’ilsconsidéraientcommeunhéros.Ilallaitsortirmajordepromotion,intégreruneuniversitéd’éliteetdevenirquelqu’un.QuelquechosedegrandauraitpusortirdeFremont.

Aujourd’hui,Treyn’estplus.ÀFremont,onsesouviendrademoicommeleloserresponsabledelamortd’unhéros.Voilàmonhéritage.Jemesuisretenud’alleraucimetière;voirlatombedeTreyrendraittoutcelavrai.Allongésurle

canapéd’Isa,jepeuxprétendrequelemondeextérieurn’existepas.Quandjedors,j’échappeaumonderéeletoubliequemavies’esteffondrée.

Maisdèsquejerouvrelesyeux,lescauchemarsm’explosentauvisage.JenepeuxplusrepousserlaréalitédelamortdeTrey.Ignorerlefaitquemonmeilleuramigîtsix

piedssousterreprouveunefoisdeplusquejesuisunsous-homme,quejenesuispasdignedevivreàlaplacedeTrey.

Ilmemanque,putain!Aprèsavoirprismadoucheetenfilédesvêtementspropres,jesorsdechezIsaetconduisjusqu’au

cimetière.Jetrembletoutlelong,j’ail’estomacenbouillie.Jedoislefaire.PourTrey.Jen’aipeut-êtreplusaucunedignitémaisjerespectemonmeilleurami.Allersursatombeestun

minimum.Cen’estpasdifficiledela trouver.Unetonnedefleurs jonchel’herbeautourdutalusquimarque

l’endroitoùl’onaenterrésoncercueil.Envoyantlapetitecroixenboistemporaireaveclenom TREYAARONMATTHEWS,j’aileslarmesauxyeux.

Jemarchejusqu’àsatombeetunevagued’émotionsmesubmerge.J’aiunfichunœuddanslagorgequirefusedepasser,peuimportecombiendefoisjedéglutis.Putain,c’estdur!Jedétesteça.

Jebaisselatête.Qu’est-cequejedoisdire?Est-cequejedoissimplementcommenceràluiparler?Jemarmonneenessuyantunelarme:—Salut,monpote.Treyestlà,jesenssaprésence.—P-p-p-ardon!Maismes excuses ne sont pas acceptées. Comment pourraient-elles l’être puisqu’il est parti ? Il

faudraquejeviveaveccetteculpabilitélerestantdemesjours.Ilnem’absoudrajamaisdemespéchés.—Jesuisperdu.Qu’est-cequetuveuxquejefasse,Trey?Onétaitcensésêtreamispourtoujours.Pourquoiuneviesicourte?

—Tiens,jet’aiapportéça,dis-jeentendantunejolierosejaune.Jel’aicoupéed’undesrosiersd’Isa,àl’arrièredugarage.Çaneluimanquerapas,jetelepromets.ElleesttropoccupéeàrejeterlesavancesdeBernie.

Je reste planté là, à scruter le talus et à imaginer le cercueil de mon meilleur ami qui reposepaisiblementàl’intérieur.

—Tusaisquej’aibesoindetonaide.Jeneméritepasd’êtreenvie.J’aimeraispouvoiréchangermaplaceavectoi,Trey,sincèrement.

Sijemetuais,lemalheurquejeressenss’éteindrait.J’aitrahiTreyettrahimonéquipe.LesautresontperdutousleursmatchsdepuislamortdeTrey.Je

suisunlâche,jedevraisêtrecapabledelesentendremedirequejesuisunemerde,quej’aitoutgâché.C’estmafaute.Etçamerongedel’intérieur.Jen’avaisquelefootballetmescoéquipiers.Quandmonvieuxmerépétaitquejenevalaisrien,ils

étaient là pourme rappeler que je valais quelque chose.QuandCassidypubliait des conneries àmonsujet,ilsenriaientplutôtquedeluidonnerraison.

Àprésent,jenelesaiplusetjenesuispluslàpourprotégermessœurs.J’aiperdumonmeilleuramiettoutcequiétaitimportantpourmoi.

Etenplusdeça,lafillequicompteleplusdansmavie,lafillequejen’auraijamais,medéteste.Unrayondesoleiléclaireletalus.Ilaunedrôledeforme,commeunéclair.Cenepeutêtrequ’unsignedeTrey.Que signifie-t-il ? Je ne sais pas.Si les rôles étaient inversés,Trey aurait toutes les réponses. Il

avaittoujourslesréponses.Moi,jen’enaiaucune.

Chapitre34

MONIKA

—Tudiscutesavecl’assistantesocialedel’école?demandemamanquandjedescendsauréveil.—Non,pasvraiment.Pourquoi?

Ellehausselesépaules.— Parce que ton père et moi avons remarqué un changement chez toi. Tu as l’air d’avoir plus

d’énergie,etjet’aivuesourireenrentrantdel’entraînementdepom-pomgirlshier.Jenet’avaispasvuesouriredepuisdessemaines.

Ahoui,j’aioubliédelesprévenir.C’estparti…—J’aiquittél’équipedepom-pomgirls.—Quoi?—Ouais,etavantque tunedisesquoiquecesoit,c’estceque jevoulais.Moncorpsne résiste

plus.Etçanemeditplusriendepuis…tusais.Ellefroncelessourcils;ondiraitqu’elleestsurlepointdepleurer.—Jesuisvraimentdésolée,mapuce.—Arrêtederépéterquetuesdésolée.Jevaisbien,jetelepromets.Mamanmecaresselatête.—Tonpèreetmoi,nousnousinquiétonspourtoi.NoussavonsquelamortdeTreyaétéunchoc.Je

nevaispasmentirentedisantqu’onvousimaginaitvousmarierunjour,maisjesaisquetutenaisàlui.Jehochelatête.Jetenaisàluimaisjen’aipastenuassezfort.—Tuveuxquejeteconduiseàl’écoleetquejeviennetechercher?—Non.Àvraidire,j’aitrouvéunboulotaprèslescours.Elleestabasourdie.Jesensqu’ellenevapasmelâcheralorsjemensetajoute:—C’estdubénévolat!Aucentrededésintoxication.CelaferabiensurmonCVet,bon,maintenant

quejenesuispluspom-pomgirl,j’ailetemps.—Ah,trèsbien.Elleattrapesonsacetsesclés.—Situasbesoindequoiquecesoit,appelle-moi.Jeveuxquetum’envoiesunSMSpourmedire

quandturentresàlamaison.C’estd’accord?—D’accord.—Etsituasmalouqueturestesdeboutplusd’uneheure,disàtonemployeurquetuasbesoinde

conditionsparticulièresàcausedetonétatdesanté.—Compris.Çaira,maman.Net’inquiètepaspourmoi.—Jem’inquiètetoujourspourtoi.C’estbienleproblème.J’enaimarrequelesgensmetraitentcommesiTreyoumamaladiemedéfinissaient.Biensûr,Trey

alongtempsétéunegrandepartiedemavie…jusqu’àcequ’ilmetrompeetsedroguepoursurvivreàsajournée.Jemesuissentiesiseulependantquenousétionsensemblecesderniersmois;c’estcommesi

nousn’étionsmêmeplusamis.Audébut,jenevoulaispasvoirquenotrerelationchangeait.Enréalité,c’estluiquichangeaitetallaitmelaissersurlecarreau.

Est-cemonétatquim’empêchedeparleràquiconquedeladrogue?JedoiséchapperàlaculpabilitéquejeressensdepuislamortdeTrey.Quandjetravailleaugarage,

jel’oublie.J’oublied’êtretriste.Jesensquej’aiunbut.Isabelnemetraitepascommesij’étaisfragile.EllesefichequejefréquenteFremontouquej’aie

unsoucidesanté.J’adoreça.QueVicviveàl’étagenourritenmoiunfeuquimemanquait.Jen’avaispassenticefeuintérieur

depuislongtemps.Quandj’arriveaulycée,jevaisimmédiatementaubureauducoachdespom-pomgirlsetl’informe

officiellementquejequittel’équipe.Ellenesemblenisurpriseniirritée.Non,ellesouritetmeditquepourguérir,jedoismeconcentrersurmoi-même.

Quandonarriveànotrepremiercoursdelajournée,jepréviensAshtyn:—Jequittelespom-pomgirls.—Sérieux?—Oui.Mameilleureamieralentit.—Quelquechosenevapas,jelevoisbien.Jebaisselesyeuxverslesmanuelsdansmamain.—Iln’yarien.C’est justequej’ai ratédenombreusesheuresd’entraînementet l’atmosphèreest

bizarredepuislamortdeTrey.J’aibesoindechangement.—Dechangement?Quelgenredechangement?medemande-t-elleavecinquiétude.—Justeunchangement,c’esttout.—Jemefaisdusoucipourtoi.—C’estleproblème.Jem’arrêteavantdeluidirecequej’aiàl’esprit.—J’enairaslebolquetoutlemondesefassedusoucipourmoi,Ash.C’estcommesij’avaisun

nuageau-dessusdelatêteetquetoutlemondevoulaitm’apporterunparapluiepourquelesgouttesnem’atteignentpas.J’étouffe!

Jebaisselesyeux.—C’estnormalquetunecomprennespas.— Que je comprenne ou pas, ce n’est pas la question, Monika. Je t’ai demandé plein de fois

pourquoitutemassaissansarrêtlespoignets,maistunem’enparlespas.Tutecachesdetoutlemonde,mêmedemoi.

Ellehausselesépaules.—Situveuxqu’ontelaissetranquille,jetelaisseraitranquille.Sachesimplementquejeserailàen

casdebesoin.Toujours.Jelaregardedanslesyeux;jevoisqu’ellen’éprouveaucunerancœur.—Jet’aime,luidis-je.Ellemeprenddanssesbras.—Jet’aimeaussi!Elles’écarteetagiteundoigtdansmadirection.—Maisjetepréviens:jetelaisserespirer,maispasindéfiniment.Sijen’aipasdenouvellesde

toid’iciàdeuxsemaines,jeplantematentesurtapelouseettusaiscombienjedétestelecampingetlesbestioles.J’auraibesoindemameilleureamieàunmomentouàunautre.

—TuasBree.Ellemerépondavecunrirequiéclatedanstoutlecouloir.—SitucroisqueBreet’arriveàlacheville,tutetrompes.Jenesaispascequejeferaissanstoi,tu

sais.Toietmoi,onestmeilleuresamiespourlavie.Jesaisqueçafaittrèscul-cul,maisc’estvrai.Jeplanependanttouslesautrescoursdelajournée,presséequeladernièresonnerieretentissepour

quejepuissealleraugarage.Aprèsl’école,jesorsàtouteallureetfileversFairfieldretrouvermonjob…etVic.Ildoitsavoirquejenesuispaslafillesansdéfensequ’ilimagine.Jevaisluiprouverqu’ilatort,mêmesipourcelajedoisrepoussermeslimites.

Chapitre35

VICTOR

Cen’estpasfaciledeveillersurmessœurs,surtoutquandl’uned’entreellesestdécidéeàm’échapper.JecroiseMarissaàlabibliothèquedeFremont.Jevaisdanslasalled’étudequ’ellearéservée.Monpullàcapuchemecouvrelevisageautantquepossible.

—Tuvasbien?Marissameregardeetremonteseslunettessursonnez.—Jesuisextatique.—Extatique?Vraiment?Marissa,tusaistrèsbienquejecapterien.Utilisedesmotsnormaux.SonvocabulairededinguemerappelleceluideTrey.—C’estunmotnormal,Vic,rétorque-t-elledesontonhautain.Jevaistrèsbien.Ettoi?—Jesurvis,dis-jeenhaussantlesépaules.J’aimequeMarissanefourrepassonnezpartout,qu’ellenecausepasdeproblèmesetneposepas

tropdequestions.—CommentvaDani?—Elleafuguéilyaquelquesjours.Maiselleestrentréehier.Papaétaitfurieux.—Tum’étonnes!JemedemanderapidementsielleestpartieavecBonk,quiprofiteraitbiendufaitquelegrandfrère

nesoitpaslàpourlaprotéger.—Toujourspasdenouvellesdemaman?—Non,ricane-t-elle.Ellenerentrerajamais,tusais.JesavaisquemamannequitteraitsansdouteplusleMexiquemaisjen’enavaisjamaisdiscutéavec

messœurs.Nonpasquecelaauraitarrangé leschoses.Mais lesavoir,c’estunechoseetenparler larendtellementplusconcrète.

JeneveuxpasqueMarissasesenteabandonnée.Jesuispeut-êtrepartiphysiquementmaisjerestesongrandfrère.

—Qu’est-cequejepeuxfairepourtoi?Ellemeregardedesesgrandsyeuxbrunsinnocentsmaisacérés.—Jenetediraipasquejen’aipasbesoindetoi,ceseraitmentir.Daniabesoindetoi,elleaussi,

mêmesiellenel’admettrajamais.Ellesoupire.—Maistoiaussituasbesoindefuir,exactementcommemaman.J’espèresimplement…Etsavoixs’éteint.—Quejereviendrai?—Oui.—Jeveilleraitoujourssurtoi,manita.—Jelesais,dit-elleenserelevantetenremettantsonsacàdos.Maispromets-moiunechose.—Quoidonc?Ellem’adresseunpetitsourire.

—Jesaisquecequis’estpasséavecTreyt’achoqué,maisilfautquetutereprennesetquetusoisheureux. Si cela exige que tu ne reviennes jamais à la maison, je comprends.Maman aussi en avaitbesoin.

Êtreheureux?Çan’ajamaisétémonbut.—Est-cequetoi,tuesheureuse?—Jesuisextatique!répète-t-elleenriant.Cetéchangeavecmasœurmelaisseunnœudentraversdelagorge.Jelaserrefortdansmesbras.—Situasbesoindemoi,appelleetj’accours.Elles’agrippeàmoi.—Jesais.Faisattentionàtoi,Vic.Ondiscuteencorequelquesminutesetjequittelabibliothèque.Encheminverslegarage,jerepense

auxparolesdeMarissa.Elleveutquejesoisheureux.J’ignorecequeçasignifie:bonheurnefaitpaspluspartiedemonvocabulairequ’extatique.

Letravailaugaragem’offreuneformed’accomplissement.EtlasimpleprésencedeMonika,lavoiràl’autreboutdelapièce,mecalmecommerienaumonde.

Peut-êtrequelacombinaisondesdeuxmepermettrad’approchertantbienquemallebonheur.

Chapitre36

MONIKA

J’entredanslegaraged’EnriqueaveclafermeintentiondeparleràVicaujourd’hui.Ilsecachedansl’appartementd’Isatandisquejeresteenbas,incapabledemeconcentrerensachantqu’ilestsiprès.Isamedemandedefairedutravailadministratifetdenettoyerlegarage,ellenemefaitpasencoreassezconfiancepourtoucherauxvoitures.

Aujourd’hui, elle était censée entamer ma formation de mécano. L’autre type qui travaille ici,Bernie,s’estfaitvirertantdefois,jenecomprendspaspourquoiilcontinuedevenir.

Maisaujourd’hui,Bernien’estpaslà.Isaestpenchéesouslecapotd’unevoitureavecquelqu’und’autre…untype.Unevagued’excitation

metraverseàl’idéedevoirVic.Jetienslatêtehauteetlanced’unevoixassurée:—Jesuisprêtepourmonpremierjourdeformation.Le type lève la tête.Cen’estpasVic. Iladescheveuxnoirsqui lui tombentsur lefrontetunair

assuréquimefaitpenseràlui.—Maisilfautd’abordquejeparleàVic,situesd’accord,dis-jeàIsa.—Jeveuxbien,maisiln’estpaslà.—Ahbon?Bonsang!D’aprèscequem’aracontéIsa,ilestrestécoincédansl’appartementàl’étagedepuis

l’accident.—Oùest-ilallé?—Pas lamoindre idée, répond Isa en faisant un signevers lemur.Si tu es prête à travailler, tu

trouverasunbleuparlà.Mets-lepournepastesalir.—Merci.J’attrapelebleudetravailetl’enfile.L’odeurdeparfumpourhommemélangéeàcelle,familière,

d’ungarçonémanede la tenue… leparfumdeVic. Je regarde alors l’étiquettebrodée sur ledevant :VICTOR.

C’estétrangemaisjeressensuneforcesupplémentaireenleportant.Commesiàlasecondeoùjel’enfilais, jegagnais l’assurancedeVic.Savoirque je le remplacealorsqu’ildoutaitdemoime rendplusdéterminéeencore.

JerejoinsIsaetletypequil’aideaveclavoiture.J’essaiedeneplussongeràVicetàsessortiesmaisjenepensequ’àlui.Oùpeut-ilbienêtre?

—Jesuisprête!leurdis-je.Mettez-moiauboulot.Lesdeuxmedévisagent.—Tut’yconnaisenvoitures?medemandeletype.—Pasvraiment.Ilrelèveunsourcil.—Tusaiscommentchangerl’huile?Unpneu?L’heureestvenuedediretoutelavérité.

—Jesaismettredel’essence.Etc’estàpeuprèstout.Jen’aipeut-êtrepasbeaucoupdepratiquemais j’aivuunevidéosur la façondechanger l’huile.Et sur lapermutationdespneusmêmesi jememélangedanslesdétails.

Letypericane.—Isa,tuasengagéunmécanoquin’yconnaîtquedalleenbagnoles!—Jesais.Maiselletravaillegratuitementpourlemomentalorselleferal’affaire.Isatapel’épauledutype.—Tupourraisluiapprendredeschoses,Alex.J’aiconfianceentoi.Aprèstout,c’esttoiquim’as

toutapprissurlesvoitures.—J’apprendsvite!Etmonpèrem’aapprisàconduireavecunetransmissionmanuelle.Iln’estpasimpressionné.—Jepeuxbienluimontrercommentchangerl’huile,leliquidedetransmission,etlesplaquettesde

frein.—Tueslemeilleur,ditIsa.J’aioubliédefairelesprésentations.Monika,jeteprésentemonami

Alex.Nousavonsgrandiensemble.C’estungénieenmatièredevoitures.Ellebaisselesyeux.—Enréalité,cetendroitauraitferméilyabienlongtempssisafemmeetluin’avaientpasétélà.Alexsecouelatête,commes’ilneméritaitpasceséloges.—Noesgrancosa.C’estBerniequit’abeaucoupaidéemaistuestroptêtuepourlereconnaître.—Nedispasquecen’estpasgrand-chose,insisteIsa.C’estbeaucoup.Cematin,quandj’aiparléà

BrittanydeVicetdetouslesproblèmesaugarage,jenem’attendaispasàcequ’ellet’envoieici.Tudoisétudierpourlafac,Alex.Britettoin’avezpasbesoindeveniràmarescousse.Vousavezungamindontilfauts’occuper,ettafemmeestenceinte!

J’aipitiéd’Isa.Ellejouelesduresmais,l’espaced’uninstant,elleamontréqu’elleestvulnérableettriste.J’aimeraislaprendredansmesbrascommeAshtynetmoifaisonslorsqu’onestdéprimées,maisj’auraispeurqu’Isanemetapedessus.Ellem’intimidemaisj’aimeça;ellenemetraitepascommeunepetitedivafragile.

—Net’inquiètepas,répondAlex.Britetmoivoulonsaider,alorstravaillependantquej’apprendscertaineschosesàMonika,qu’ellenerestepasplantéelààfairenada.

Isame laisseentre lesmainsd’Alexaprèsavoirannoncéqu’elleavaitunecourseà faire.Jesuisnerveuse car je ne suis absolument pas qualifiée pour réparer des voitures. C’est rassurant qu’Alexm’aide.Celan’apasl’airdeledéranger,d’ailleurs.

Jeregardeànouveaulenomsurmapoitrine:Victor.IlafaittoutcequiétaitensonpouvoirpourdissuaderIsadem’engager.Treynecroyaitpasquejepouvaismesalirlesmains,luinonplus.Jenevaispas me laisser influencer. Leur manque de confiance ne m’empêchera pas de prouver à tous, et àcommencerparmoi,quej’ensuiscapable.

—Suis-moi,ditAlexquimeconduitaumilieudugarage,oùsetrouveunegrandeboîteàoutils.Jedoist’apprendrelesfondamentauxpourchangerl’huile.

Tandis que nous passons sous une voiture, je mets la main sur la tête, comme si cela allait meprotégerencasdechutedelavoiture.

—Etsilavoituretombeetnousécrase?—Çan’arriverapas.Lelevierestsolide.J’yjetteuncoupd’œil.Jenesuispasconvaincue,côtésécurité,maisAlexfaitcommes’ilsefichait

desefaireécraserparunemassedemétald’unetonneetdemie.

—Tiens,dit-ilenallumantunelampetorchesouslavoiture.Tudoisd’abordtrouverlavisdepurgesurlecarterd’huile.Tulavois,là?

Jepasselamaindansmondospoursoulagermacolonnevertébrale.—Non.Ilgémittrèslégèrement.—Donne-moitamain,dit-ilavantdeplacermesdoigtssurlavis.Tulasens?—Oui,jelasens.—C’estbon,Fuentes!Jeprendslerelais,résonneunevoixfamilièreàl’entréedugarage.Vicfaitunetêtesombre.—Siquelqu’unvamontreràMonikaquoifaireparici,ceseramoi.

Chapitre37

VICTOR

Quandjerentredanslegarage,AlexFuentes,untypequiestalléaulycéeavecIsa,setientsousuneBuickpourmontreràMonikacommentchangerl’huile.CeneseraitpasgravesiFuentesressemblaitàunogreousic’étaitcelourdinguedeBernie,maiscen’estpaslecas.

Aucontraire!Cependejoressembleàunmannequinouunacteur,etilfaitressortirsesmusclesdanssonmarcel

noir.QuandsamaintouchecelledeMonikapourluiapprendre,mespoingsseserrent.Jen’aijamaisvuAlexauparavant.C’estlecousind’Enrique.Ilparaîtqu’ilétudielamédecineouun

truc du genre à Northwestern. Autrefois il venait plus souventmais c’était avant que je commence àtravaillerpourIsa.

—Ah,vraiment?s’exclameAlex.Parcequed’aprèscequem’aracontéIsa,turestesàl’étage,lesfessesposéessurlecanapé.Jesuisvenudonneruncoupdemainparcequetun’enfouspasune.

IllaisseuninstantMonikasouslavoituretandisqu’ilvachercherunbidon.—Jet’emmerde!Iln’apasidéedecequejetraverse.Jenevaispaslelaissermejuger,luiouquiquecesoit.Alexsefigenetetsetourneversmoi.—Qu’est-cequetuviensdedire?—Je-t’em-merde!—Vic,arrête,intervientMonika.Ilaraison.—C’estbon,Monika.Çaal’aird’amuserAlexquequelqu’unosedéfieruntypecommelui.—Écoute-moibien,amigo,fait-ilenserapprochantdemoi,tubossesoututecasses.Compris?Onsefixel’unl’autreunmoment.—Victor,faitMonikasuruntonmenaçant.J’aimerais soutenir le regard de Fuentes mais la voix de Monika résonne dans mes oreilles.

D’instinct, jevoudrais cogner lepremier, surtout avecunmeccommeFuentesquinecéderapas.Mesveinessegonflent.Jemefousqu’ilsoitbalaise.Jen’aipaspeur.Onpeutsefoutredessusici,maintenant.

Treyn’estpluslàpourlaprotégerdetoutetdetoutlemonde…àprésent,c’estmonboulot.Jenepeuxpasladéfendresiellem’enveut,alorsj’abandonnelepremier.Mesyeuxtombentsurlebidonqu’iltienttoujoursàlamain.Jeleluiarrachedesmainsetlèvelesyeuxaucielsoussonregardsatisfait.—Tume rappellesmoi quand jeme prenais pour une racaille. Jem’enflammais tout le temps !

Attendsqu’unefilledébarque,elletemettraàgenoux.Lesmecscommetoinesontpasimmunisés,güey.—Ouais,ouais.Jesuisbiencontentqu’ilaitunefemmeetungossepourl’occuperetl’empêcherdeveniricinuitet

jour.—Jen’airienàvoiravectoi.—Situsavais!

JepassesouslavoitureàcôtédeMonikaquiportemonbleudetravail.Ilesttropgrandpourellemaisqu’est-cequ’elleestcanon!Ondiraitunecouverturedemagazine.

—Jen’aipasenviequetumeservesdeprof.Jepréfèrequecesoitlui.Qu’est-cequej’aimeraisvirercesouriredébileduvisagedeFuentes!—Pourquoi?—Parcequ’ilestgentil.—Jesuisgentil.—Non,tunel’espas.Tum’ascomplètementabandonnée.Tuveuxsavoircequejepense?—Non.—Trèsbien,jeteledisquandmême.Jecroisquetut’esisolépourpouvoirrejeterlesgensautour

detoietoublierlavieetlaréalité.Devinequoi,Vic.J’aimal,moiaussi.JedoisgérerlamortdeTreytoutcomme toi,alors si tuesprêtà rejoindre lemonde réeletàmeparler,d’accord.Mais si tuveuxcontinueràvivredanslenoiretlasolitude,alorsdisparaisdemavue.

Alexéclatederire.—Andasbien,Vic?Elleadesacréshuevos.Faisgaffe.—Occupe-toidetoncul,Fuentes.—D’accord,d’accord.Jevais travaillersuruneautrevoiture, là-bas.Si tuasdessoucisavecta

chica,fais-moisigne.Jeneluiprécisepasquec’étaitlachicademonmeilleurami,paslamienne.Quand il est assez loinpournepasnousentendre, jeme tourneversMonika.Elleadescheveux

devant lesyeuxetde lagraissepartoutsur lesdoigtsàcausedufiltre.Ondiraituneprincessetombéedanslaboue.

—Tiens,dis-jeenluitendantuneserviette.Tuaslesmainssales.Elleprendlaservietteavecréticence.—Tuvasm’écouterpendantquejetemontrequoifaire?Ellelèvelementon.—Onverra.—Tucommencesàterebeller,Monika.—J’aipeut-êtredécouvertdeschosesquimerendentamère.—Commequoi?Ellene répondpas. J’aimerais toutpartageravecelle, luidirecomme jem’enveuxhorriblement

pourcequej’aifaitàTrey.Maisj’ensuisincapable.Je luimontrecommentchanger l’huile.Ellesuitmes indicationscommeunrobot.Nous terminons

troisvoituresavantquejenelaregardechangerl’huiletouteseule.Puisjeremarquequ’ellesetientledos.

Jeluisuggèredefaireunepause,maisellerefuse.Nousneparlonspasdelaseulechosequenousavonssansdoutetouslesdeuxàl’esprit :cequi

s’estpassésurleterrainquandTreyestmort.Jesuissûretcertaindenepasvouloirenparler.Jeseraisprêtàmecouperlesjambessicelapouvaitramenermonmeilleurami.JedonneraismavieenéchangedecelledeTrey!

J’essaie demaintenir une distance avecMonikamais en réalité, je ressens toujours ce lien entrenous.Quellemerde!Jesuislàpourluiapprendreàdevenirunbonmécanoetpourlaprotéger,riendeplus.

—Jem’envais,lanceAlexauboutd’unmoment,letéléphoneàlamain.Mafemmem’envoiedesmessagespoursavoirquandjerentre.DitesàIsaquej’aidûpartirmaislaFordestterminéeetlaMonte

Carloavaitbesoind’unenouvellecourroie,jem’ensuisoccupé.Monikaluifaitunsigne,avecungrandsourireamical.—Çam’afaitplaisirdeterencontrer,Alex.—Àmoiaussi!Àplus,Vic.Ilsort,nouslaissantseulsdanslegarage.Nousvoilàdonc,Monikaetmoi,seuls.Jemeraclelagorgeetmarcheverslaboîteàoutils.Ellemesuit.Jepeuxsentirsaprésence.—Jepeuxdirequelquechosesansquetut’énerves?demande-t-elle.—Balance.—Tuprometsdenepast’énerver?—Ouais,vas-y.—Reviensaulycée,Vic.SitunelefaispaspourtoioupourTrey,fais-lepourl’équipedefootball.

Ondevaitarriverauchampionnatd’Étatcetteannée.Onaperdulesdeuxderniersmatchs.Situavaisétélà…

Jel’interrompsenjetantuneservietteparterre.— Quoi ? Si j’avais été là, on aurait gagné ? Trey était le plus rapide. Trey marquait des

touchdowns.Moi,jeplaquecommeuncon,c’esttout.Jenesuisqu’unidiotderobot.N’importequipeutprendremaplace.

—Cen’estpasvrai.Jet’aiobservé,tusaislirelejeudesquarterbacks,Vic.Ondiraitquetusaisd’instinctcequevafairel’équipeadverse.

Elleramasselaserviette.—Etmalgrécequetupeuxpenser,tuneserspasqu’àplaquer.Toutlemondet’admire,parcequetu

jouesencroyantquetupourrasgagnerchaquematch.Lesautressontperdussanstoi…etilsperdentsanstoi.

—Tunecomprendspasquejenesuisqu’unsportifstupideetinutile.Jecommenceàpartir.Ilfautquejem’enaille,quejeremonteàl’étageoùjepeuxm’isoler.Jeme

suisconvaincudevouloirl’aider,defaired’ellelemécanoqu’elleveutêtre.Pourlaprotéger.Maisjemesuismenti.J’aiproposédel’aiderpourmerapprocherd’elle.J’aienvied’êtreprèsd’elleentouteoccasion,ni

pourTreynipourquiquecesoit.Elleestlàpouruneautreraison.Elle est là pour accomplir des choses dont Trey la croyait incapable, dont on la croyait tous

incapable.ElleestlàpourmeconvaincredereveniràFremont.Ellen’estpaslàpourserapprocherdemoi.

Jesuisuncrétin.—Oùest-cequetuvas?s’écrie-t-elle.Ilfautquejegardemesdistances.Sinonjeseraitentédeluidirecequejeressens,delaprendre

dansmesbras.—J’aibesoindeprendrel’air.—Arrêtedevouloirfuir!Tun’espasunraté,Vic.Tuasdessentiments.Exprime-lesaulieudetout

garderàl’intérieur.—Jenepeuxpas.SinonjetrahiraisTrey.—Jeneressensrien.

Ellemeregardedroitdanslesyeuxàprésent.Jem’attendsàcequ’ellemerépètedeparlerouderetournerencours,pourmonbien.Jem’attendsàcequ’ellemedisequejedoisaiderl’équipedefoot.Jem’attendsàcequ’ellesoitencolèredemevoirdécevoirtoutlemonde,ycompriselle.

Maisellenelefaitpas.Aulieudecela,ellesemetsurlapointedespiedsetpassesamaindansmescheveux.—Si, tu ressens des choses,murmure-t-elle enme tirant à elle pour caresser ses lèvres douces

contrelesmiennes.Etjevaisteleprouver.Diosmío.J’aiembrasséMonikadesmilliersdefoisdansmatête.Jen’avaisjamaisimaginéçacommeça…

seslèvresdoucesethumidescontrelesmiennes,sesmainsdansmescheveux,etsonsouffledouxquisemélangeaumien.

Lefaitestquemoncorpsréagitàsonbaiser,àelle.Elleatoujourseuuneemprisesurmoimaisjesavaisquejenepourraisjamaisl’avoir,parloyautéenversTrey.

Ohmince!Cen’estpaspossible.Etpourtant.Etjen’aipasenviequeças’arrête.Toutesmesinquiétudesetmespenséess’effacent.Jenemeconcentrequesurcequisepasseiciet

maintenant.Celafaitsilongtempsquejen’aipasressenticettepaixintérieure;jen’enrevienspas.Ellegémitalorsquesabouches’ouvreetsalanguecherchelamienne.Jesensuncourantélectrique

passerdansmesveinesquandnoslanguessecroisentetglissentl’unecontrel’autredansunedanselenteetsensuelle.Songoûtestsibonquejepourraiscontinuerpendantdesheures…oupourtoujours.

J’imagineleparadiscommeça.Jelèvelamainetcaressesanuqueaveclepoucetandisquenouscontinuonscommesinousavions

envie de ce baiser toute notre vie. Il y a quelque chose de sexuel ! J’ai l’impression de vivre monfantasme.Justeàl’embrasser,moncorpsréagitdefaçonincontrôlée.

—Oh,Vic,gémit-elle.J’étaistellementperdue.J’aibesoindetoi.Merdealors.Elleabesoindemoi?Laréalitévientdememettreuneénormegifle.OnparledeMonika,lafilleinatteignable,pourdescentainesderaisons.Jesuisresponsabledela

mortdemonmeilleuramietmaintenantjesuisentraind’embrassersacopine.Jevioletouteslesrègles,touslescodes,toutesleslimitesjamaiscrééesouenvisagées.J’aiplusenvied’ellequederespirer,maiscelan’aaucuneimportance.

Jedoisfaireuneffortsurhumainpourm’éloignerd’elleetbrisercelien.—Qu’est-cequ’onfait?dis-jed’unevoixrauquededésir.Onestdingues!TueslacopinedeTrey,

Monika.Jel’aituéetmaintenant,j’embrassesanana…Jem’essuieleslèvresdureversdelamain.—…c’étaituneerreur.Ilnes’estrienpassé.Ellereculeetm’observedesesgrandsyeuxvertclair.Sonregardpassetrèsvitedelapassionàla

gêne.—D’accord,répond-elleenhochantlatête.Ilnes’estrienpassé.

Chapitre38

MONIKA

J’aienviededirelavéritéàVic,qu’iln’estpasresponsabledelamortdeTrey.J’aienviedeluidirequeTreyetmoiavionsrompu.

J’aienviedeluidirequeTreysedroguaitetmetrompaitdepuislongtemps.LecorpsdeTreyalâchéàcausedeladrogue.Lavéritépèselourdsurmesépaules.«TueslacopinedeTrey»,m’aditVicàl’instant.Maisjen’étaisplussacopine.Jen’aipasenviedeternirlaréputationdeTreymaiscacherlavéritéaufonddemoimetue.Vicestlaseulepersonneavecquij’aienviedediscuter.S’ilsavait…Maisilignoretout.Etjenepeuxpasluienparler.Aulieudecela,jel’aiembrasséetluiaiditquej’avaisbesoindelui.Quejesuisbête!Impossibledefairesemblant:Vicpréfèreoubliernotrebaiseretçamedétruit.Lafaçondontils’est

essuyélaboucheavecledosdelamain,commesij’allaisluirefilerunemaladiecontagieuse,m’afaittressaillir.

Lefaitestquej’aivraimentbesoindelui.Quandilmetourne ledosetquitte legarage, jevoudrais luicrierderevenir.Aulieudequoi, je

restefigéesurplace.Jepasselesdoigtssurmeslèvres,sentantencorenotrebaiser.Moncorpsn’apasétéaussivivant

depuisdesmoiset jene ressensaucunedouleur.Monadrénalinedoit atteindredes sommetscar jeneremarquemêmeplusladouleurlancinantedansmondosetmespoignets.

J’entendsunemotos’éloignerdugarage.Vics’enfuitunefoisdeplus.—Lâche…Alorsquejeresteparalysée,Isaapparaîtàlaporte.—Salut.C’estVicquivientdepartir?—Oui.—Oùest-cequ’ilva?JenepeuxpasregarderIsadanslesyeux,sinonellesauraqu’ilsepassequelquechose.Surtoutque

deslarmesvontbientôtcouler.—Ilaparléd’unciné.—Vraiment?—Quelquechosedanslegenre.—Mmh…fait-elleavecunpetitsourire.Bon,jevaisfairesemblantdetecroire.Çateva?—Ceseraitsuper.Isafaitungesteversmatenue.—Lajournéeaétélongue.Jeteproposedereposertonbleuetderevenirdemain.J’observe lesvoituresalignées, attendantqu’ons’occuped’elles.L’entouraged’Isaveut l’aiderà

garderlaboutiqueouverte,alorsmêmequ’elleavouenepasêtreexperteenvoitures.—Pourquoiest-cequetugardescetendroit?

Cen’estpasletravailleplussimplequisoit,nileplusglamour.—Parrespectpourceluiquimel’alaissé.Elleregardesesmainscouvertesdegraisse.—Ilvoudraitquejesoisheureuse.Cetendroitestmonrepère,ildonneunsensàmavie.Jenesais

pas.Sanslui,jeseraissansdouteencoreàtraîneraveclesLatinoBlood.—Doncgrâceàcegarage,tunet’attirespasd’ennuis?Ellefaitungesteverssonjeansmaculé.—Jemesalisici,maisçam’évitelesennuis.Monika,toi,tueslegenredefillequines’attirepas

d’ennuis.Jenecomprendspascequetufaislà,sinonpourêtreavecVic.—Jen’aipasenvied’enparler.Ellenecèdepas.—Jel’auraisparié.Peut-être,jedisbienpeut-être,quetucherchesàt’attirerdesennuisavecmon

cousin.

Chapitre39

VICTOR

J’aiembrasséMonikaFox.Non,cen’estpastoutàfaitvrai.Ellem’aembrassé.Moijesuisd’abordrestéplantélà,choquéetconfuscommeuncrétinencorepuceau.Sescheveuxavaientleparfumdesfleurs,seslèvreslegoûtdumiel,etsesgémissementsm’ontrendufou.

C’étaitencoremieuxquedansmesrêves,etdeloin.Comment jemesuis retrouvédanscette foutuesituation?Monikaauraitdûêtrechezelle,pasau

garaged’Enrique.Jenemeseraispasretrouvéseulavecelleetn’auraispasfaitdeschosesquejedoiseffacerdemamémoire.

J’ail’impressiond’êtreungaminamoureux.Moncœurbatàtoutevitesse,jesuissurvoltéetlesangfusedansmespartiesrienqu’ausouvenirdesesdoigtsquim’agrippentlescheveux.

Papaavaitraison.Jesuispathétique.Malgrécequej’aiditàMonika,avoirdésertémonéquipepèsesoudainementlourdsurmesépaules.

SavoirquelesautresontperdutousnosmatchsdepuisladisparitiondeTreymefaitl’effetd’uncoupdepieddansleventre.Enplus,nonseulementjesuisresponsabledelamortdemonmeilleuramimaisj’aiembrassésacopine.Onnefaitpasdepirependejoquemoi.

Mavien’estqu’unesuccessiond’emmerdes.Jeroulejusqu’àlatombéedelanuit.Lesombresmouvantesetlescrispersistantsdansl’ombreme

rappellentquecettevillen’estpassûre.JenecroispasquemipapásoitjamaisvenudanscettepartiedeFairfield.Ilrelèvelenezdevantlespauvres,commesic’étaitunehontedelasociété.

L’ironie,c’estqu’ilvivaitdansleghettoquandilétaitpetit.J’entredansunbarloucheenborduredeville.L’endroitn’estpasfaitpourlesfaibles,surtoutquand

ilyadesmembresdegangéparpilléspartoutprêtsàsebattre.—Qu’est-cequetuprends?medemandeleserveur.—Unepression.Ilfautquej’oublieMonika,l’équipe,Treyettoutcequis’estpassé.Ilfautquej’oubliequej’existe.Mebourrerlagueule,voilàunebonneidée!Nemedemandantpasmacarted’identité,etmêmepasmonâge,ilmetendunepinteavecunebière

dégueu.Aprèsquatrepintesdeplus,cetrucdevientplutôtbon.—Hé!lanceuntypeenmetirantparl’épaulepourmieuxmevoir;ilporteunjeansetunmarcel

taché de bière. Tu n’es pas le gamin qui a buté ce joueur de Fremont, Trey Matthews, pendantl’entraînement,ilyaquelquessemaines?

Jenerépondspasetretourneàmabière.—Charlie,fileunautreverreaugamin!Ilnousabienrenduserviceenmettantcejoueurd’élite

danslatombe.Je ne lui laisse pas la chance d’esquivermon poing. Il finit par terre, jeme fais sortir par deux

videursetjetersurleparkingengravier.Toutestflou.Enfin,toutsauflevisagedecetypeaprèsavoirdéblatérédestrucssurlamortdeTrey.

Jem’assoisparterreetlemondesemetàtournoyer.Jesuisbourré.Jepeuxbienroulersurlamotojusqu’augaragemaishonnêtement,jenesuispassûrd’yarriversans

tomberouvomir.Jedécidedemarcher,cequimegonflevuqu’Isahabiteàl’autreboutdelaville.Fuirverscebarmoisi,tuparlesd’uneidéedemerde!Jemetraîneàl’intérieurdugaragevingtminutesplustardetmonteàl’étage.Isaestassisesurle

canapésurlequeljedorsdepuisquelquessemaines.Jemedisquejeferaismieuxdel’ignorercardèsquej’ouvrelabouche,moncerveaunetrouverienàdire.

—Tuétaisoù?—Nullepart,dis-jeenm’affalantsurlecanapé.—Tuesivre?—J’espèrebien.—Qu’est-cequeDaniouMarissapenseraientsiellestevoyaientcommeça?—Jem’enfous.—D’accord,alorsrépondsplutôtàça,faitIsadontlabrutalitémesecouecommeunetornade.Etsi

DaniouMarissarevenaientivrescommetoiencemoment?Jesuispeut-êtrebourrémaiscen’estpastrèscompliqué.—Jeleurbotteraislecul,àellesetàlapersonnequilesafaitboire.—Exactement.Elleselèveetmeregardedroitdanslesyeux.—Laprochainefoisquetuteprendsunecuite,situosesneserait-cequesongeràvenirchezmoi

après,c’estmoiquitebotterailecul.—Situt’encroiscapable,Isa,vas-y!Jem’allongecarj’ailatêtequitourneetj’aienviedevomir.—L’alcoolneréglerapastesproblèmes,cousin.Etçanetemènerapasàl’université.J’aibeauavoirlongtempsrepoussél’idée,lavéritéc’estquejen’iraipasàlafac.Detoutefaçon,je

n’en aurais probablement jamais eu l’opportunité.Aumieux, j’en aurais intégré unegrâce au football,maisjemeseraisfaitvirerauboutd’unsemestre.

Monikaneméritepasuntypecommemoi.Treyétaitlegenredemecquipouvaitluioffrirunavenirstable,contrairementàmoi.Jedoisluiprouverquejesuisl’opposécompletdeTrey.Jeneméritenisesbaisersnisonattention.

Jenemériterien,àl’heurequ’ilest.Toute ma vie se résume à ce quartier sud de Fairfield, à travailler dans un garage automobile

vieillot. Je n’ai pas envie d’affronter la réalité. Jeme répète que je peux veiller surDani etMarissamêmesanshabiteràlamaison.

Quandmonvertiges’arrête,jeressensunecertainesérénité,quimedonnelaforcededirelavéritéàIsa.

—J’aituémonmeilleurami,jedéclareenm’enfonçantdanslecanapémarron.Etj’aiembrassésacopine.

Macousinerelèvelessourcils.—Tué?Vic,j’ailulejournal.C’étaitunaccident!—Ah,tucrois?Jevoulaisêtrelui,Isa.Jevoulaissavie,jevoulaissonfoutucerveau.Etjevoulais

sacopine.Isaposeunecouverturesurmoi.—C’étaitunaccident,Vic.Riendeplus.J’ensuissûrecarjeteconnais.Onalemêmesang.

Jesecouelatête.—Onestliésparlesang,çaneveutriendire!Jesuisliéparlesangavecmonpèreetilneme

supportepas.Aprèscettesoirée,jenepensepasqueMonikamesupporteranonplus.—JepensequeMonikat’aimebien,Vic.—Tuesfolle.Folleàlier.Isaéclatederire.—Cen’estpasmoiquiboispouressayerd’oublierlaréalité,Vic.C’esttoi.—C’estclair!—Unjourtuteréveillerasetturéaliserasquetugâchestavieàavoirpeur.Maisputain!—Jen’aipeurderien.—Ouais,ouais.Continuecommeça:unjour,tufinirasbienparycroire.

Chapitre40

MONIKA

J’évitelegaraged’Enriquelerestedelasemaine.J’aidestiraillementsdansleventreenmedemandantsiVicvam’appeler,cequ’ilnefaitpas.Ladéceptionetladouleurpèsentsurmapoitrine,ellesrestentlàcommeuncancer.

C’était idiot de l’embrasser mais sur le moment, je voulais juste sentir sa force et sa chaleur.D’accord,j’aivouluétablirunlienémotionnel,etphysique.L’espaced’uninstant,jevoulaisoublierlepasséetnesongerqu’auprésent.

Quejesuisbête!Vendredisoir,jenevaispasaumatchdefootball.Non,jeresteàlamaisonetm’allongesurlelit.Je

ne peux pasm’arrêter de penser à Vic et à la façon dont il m’a regardée après notre baiser. Il étaithorrifié, comme si cela changeait tout et qu’il avait besoin de fuir. Autrefois, nous étions amis et ons’entendaittrèsbien.Ilatoujoursétéd’unehonnêtetébrutaleavecmoi,mêmequandceladevaitmefairemal.

Àcetinstant,j’aimeraisretrouvercettehonnêteté.J’aimeraisretrouverl’ancienVic.—Çava?demandemaman.Jehausselesépaules.—C’estàcausedeTrey?Tonarthriteterelance?Onpeutdemanderauxmédecinsd’augmenterla

dosesi…Jemerelèvedoucement.—Jen’aipasbesoindeplusdemédicaments,maman,vraiment.Etcen’estpasàcausedeTrey.Jenevaistoutdemêmepasluidirequec’estàcaused’unautregarçon.Sonvisageinquietmefaitregretterdemesentiraussimalcesoir.Lefaitestquemoncorpsmefait

souffrirmaisça,jepeuxgérer.J’ailemoralenbernecarj’aidessentimentspourquelqu’unquineveutpasdemoi.

— Tu ne veux pas aller au cinéma avec papa et moi ? demande maman avec un sourire pleind’espoir.

—Non.Faites-vousunesoiréeenamoureux.Çaira.—Etsituappelaisunecopine?—Toutlemondeestaumatchdefootball,maman.—Ah,j’avaisoublié.D’un côté, elle doit être soulagée que je quitte l’équipe, car elle craignait que je ne poussemon

corpstroploin.Maismaintenant,tousmesamissontoccupéspendantlesmatchs,melaissantspectatriceoutouteseuleàlamaison.

—Çaira,jetepromets.Allezaucinéavecpapa,amusez-vous.—D’accord,maissituasbesoindequelqu’un,tum’envoiesunmessage.Jegarderaimontéléphone

surmoi.—D’accord.Mesparentss’envontetjerecommenceàscruterleplafond.

Chapitre41

VICTOR

Samedi,jemeregardedanslemiroiretpenseàmescoéquipiers.Ilsontencoreperduhier.J’aiécoutélematchàlaradiolocaleetj’aitressaillichaquefoisqueFremontlâchaitleballonouquelesreceveursrataientuneréception.Monikapensequej’ignoretoutdecequiarriveàl’équipemaisj’aisuivisesstatistiquessemaineaprèssemaine.

C’estmafautesielleaperdu.J’aimerais pouvoir parler à l’équipe, dire aux autres de la jouer fine et de ne pas trop cogiter à

chaquephasedejeu.Qu’ellegagneenl’honneurdeTrey,qu’ellejoueautantaveclecœurqu’aveclatêtepourdémolirlesautreséquipessurleterrain.

Maisjenepeuxriendire.JesuissansdoutelemecleplusdétestéàFremont.Monikamehaitdéjà.Jefermelesyeuxenpensantàelle.Rienquel’imaginermerassure.

Mêmesiàcausedemaréaction,ellenemeregarderaplusjamaiscommeellel’afaitaprèsm’avoirembrassé.Elleaditqu’elleavaitbesoindemoi.

Ellenesaurajamaiscombienj’aibesoind’elle.

Chapitre42

MONIKA

—Debout.Onestsamedisoiretj’avaisprévuderesteraulittoutelasoiréeàjouersurmontéléphone.Enfin,jusqu’àcequeAshtynetBreenedéboulentchezmoi.

Breetientunverreremplid’eaujusteau-dessusdemoi.—J’aiditdebout,Monika!Maintenant!Jeremetslacouverturesurmatête.—Pourquoi?Ashtirelacouverture.—Parcequ’onadécidéquetuvenaisauClubMystiqueavecnous.—Non,dis-jeensecouantlatête.Jen’iraipasdanser,pascesoir.Peut-êtreplusjamais.Jen’aipasenviededansernid’écouterdelamusique.Onyallaitsouvent.Le

ClubMystique laisse entrer lesmineursmais sans élastiquemarquéMAJEUR, pas d’alcool. Ce n’étaitjamais un problème. Quand Ash, Bree et moi sommes ensemble, on n’a pas besoin de boire pours’éclater.

—Si,tuviens!décrèteBreedontlesénormescréolesenargentsebalancentàchaquecoupdetête.Jeconnaislevideuretilnouslaisseraentrerdèsqu’onarrivera,onn’aurapasbesoindefairelaqueue.Tuenasbesoin,Monika.

JelanceunregardàAshtyn,quiatoujoursétélavoixdelaraison.Ellevacertainementserendrecomptequec’estunemauvaiseidéedemefairesortir.

—Ash,nem’obligepas.Mameilleureamie,cellequimesoutienttoujours,attrapemacouvertureetlajettedulit.J’auraisdû

mesouvenirqu’ellejouaitdansl’équipemasculinedefootballaméricain;cen’estpasunefaibleetelleaétéentraînéeparlecoachleplusexigeantduMidwest.

—Désolée,Monika,Breearaisoncettefois.Turestescoincéedanstachambre,ilfautquetusortesetquetut’amuses.Pasd’excuse!

Jeprotesteenfrottantmesmainsl’unecontrel’autredansl’espoirdesoulagerladouleurtoujoursprésentedansmesarticulations.

—Jen’aipasenviedem’amuser.J’aijusteenviederesterallongéeicietdememorfondrelerestedemavie.

—Ouais,bençac’estpourleslosers!Etjesuistropcoolpourtraîneravecdeslosers,faitBreeenreposantsonverred’eaufataletenscannantmapenderie.Alorslèvetesfessesetprendsunedouche,tusenslevieuxsushi.Onpartdansuneheure,quetuportescesurvêtpourrioupas.

—C’estconfortable!—Confortable,çanousintéressepas.Ilnousfautquelquechosedesexy!déclareBreeentendant

unepetiteroberougedontl’étiquetteestencoreaccrochée.Écoute,onestlàpourtesauver.Maintenant,tuaslechoix:tufaistaloqueoutuviensavecnous.Alors?

Parfois,ilfautsortirdesazonedeconfortpoursesentirvivant.C’estcequeVicnousaditquandilaplongédansl’eauglacéedulacMichigan,l’hiverdernier.

Jeluiaiditqu’ilétaitfou.Enretour,ilm’asoulevéeetm’afaitsauteraveclui…touthabillée!Treyari,jusqu’àcequeVicle

tireàsontourdansl’eau.Vicmerépétaitque jemenaisuneviesûreetprévisible.J’essaie lapetite roberougequeBreea

choisiepourmoi et j’aimeraisqueVicmevoie en cet instant.Ce soir, jenevaispas la jouer sûre etprévisible.Jevaissortir,oublierTreyetsessecrets.JevaisoublierVicetseslèvreschaudes,lapassionquiémanepartoussespores.

Jeprendsunedouchepuismeregardedans lemiroir.Alorsque jemepenchesur le lavabopourmettreducrayonsurlesyeux,mondosmelance.Jeprendsunepilulepourlesoulager.

JemedemandecequefaitVicencetinstant.Ilnem’apascontactéedepuisquejel’aiembrassé.Leregretpèsesurmapoitrine,surtoutquejen’arrivepasàmelesortirdelatête.

Qu’est-cequinevapaschezmoi?Laseuleidéed’embrasserVicallumeunedrôledesensationdanstoutmoncorps.Jen’aipasenvie

deressentirquoiquecesoitpourlui,maisessayerd’ignorercequisetrameentrenousn’effacerien.J’aimeraisqu’ilm’enparleplutôtquedefairesemblantquejen’existepas.Avantquenousnesortionsdemachambre,BreeetAshm’observent.Ellesignorenttotalementmes

histoiresdecœur.—Tuesmagnifique,s’exclameAsh.Maintenantsouviens-toi,lanuitt’appartient.Amuse-toi,lâche-

toi,oublielesemmerdesetconcentre-toisurtonbonheurpourunefois.Promets-le-moi.Jeluiadresseunsourirebienfaux.—Jetelepromets!Cettesoiréeestfaitepourmoi,pourquejesortedemazonedeconfortetquej’oublieVicettoutle

reste.Jeprendsuneprofondeinspiration.Jepeuxyarriver.Jecrois.QuandonarriveauClubMystique,delamusiquerésonnebruyammentdel’intérieurdelaboîteetil

yaunetonnedegensquifontlaqueueàl’entrée.Lesfillesenrobessexy,maquillagesombreetcheveuxlongssontlégion.Jem’intègretrèsbienetl’antidouleurcommenceàfaireeffet,jemesensplaner.

Soudain,j’aimeraisqueVicsoitlàavecmoi.Ilatoujoursl’airsûrdeluientouteoccasion.C’esténervant,d’ailleurs.J’aimeraisêtreaussisûredemoi.Jepeuxdonnerlechange,celadit.Breeprenddescoursdethéâtre.Elleditqu’ilfautdevenirlepersonnagequel’onjoue.Ilfauts’investirsinonrien.

Cesoir,jevaism’investirdansmonrôle.Jepeuxlefaire.JepeuxêtrecommeVic,sûredemoi.Jen’auraipasdeproblèmeàmefondredans

lamasse.Deuxfillessurletrottoirsedirigentverslaboîte.Ellesontlescheveuxtoutlissesetdesfauxongles

trèslongs.Avecleurstalonshauts,ellesmedominentcomplètement.QuandoncoupelafilepourparlerauvideurqueBreeconnaît,onnousjettedesalesregards.Mais

Brees’enfiche,surtoutqu’onentreimmédiatementdanslaboîte.Dès qu’on arrive dans l’entrée bondée, on nousmet un verre à la main. C’est un type vraiment

bronzéentee-shirtmarquéFANDEFUMETTE.—Tenez,cadeau!Ashtynsepencheversmoi.—Neleboispas.Ilyasansdouteunproduitdedans.

Elleprendmonverreet levidedansuneplantedansuncoinmaisBree, elle, est sur lepointdeboirelesien.

—Bree!hurlé-jepar-dessuslamusiqueenluiprenantleverredesmains.Ets’ilyavaitunproduitdedans?

—Alorsallonsprendredesbonsverres,lebarestparlà!Elle sort des braceletsMAJEUR qu’elle a piqués à son ami videur. Elleme prend lamain etme

conduitaubar,sousleregardflippantdufandefumette.Lenombredegensconfinésdansunespaceaussipetitdoit représenterunvraidanger.Çasent la

transpiration,labièreetl’herbemélangées.Laplupartd’entrenousn’ensortirionspasvivantss’ilyavaitunincendie.

Jemefraieunchemindans la foule, tenantBreed’unemain,Ashtynde l’autre.Lamusiqueest sifortequemesoreillesbourdonnentetlesbassesfontvibrerlesol.

Trèsvite,Breeflirteavecleserveurquinousapporteunpremiertourdeshots.Puisundeuxième.Puisuntroisième.—Ilfaudraquej’appelleDerekpourqu’ilnousramène,s’écrieAshtyn.J’ailatêtequitourne.—Moi,çava.J’aimelachaleurquimetraverselecorps.Jen’aipasdedouleur,absolumentaucune.—Tuveuxdanser?medemandeungarçonauxcheveuxbrunsenbataille,avecdelabièrequicoule

desonmenton.Euh…—Non,merci.—Vadanser,Monika!lanceBreeenmepoussantversletype.Pourquoi je me retrouve dans cette situation ? Ce n’est pas comme si je n’avais jamais bu

auparavant.J’aidéjàbu.C’estjusteque…jen’aibuquequelquesfoisavecmesamis.Jamaisaumilieud’unefouled’inconnusdansuneboîtedenuit.

Ilmetraînesurlapisteetoncommenceàdanser.J’essaiedenepaspenseràsesmainssurmatailleouaufaitqu’ilvientjustedemetoucherlesfesses.Jem’éloignemaisilmetireàlui.

—Allez,soissympa,medit-ilàl’oreille.JenesuispasdouéecommeBreepourfairesemblant.Jeprendssamain,cellequ’ilserreautourde

monbras,etlegriffe.—Salope!crie-t-ilpar-dessuslamusique.Ilmelâcheetjefonceàtraverslafoule,trébuchantdeuxfoissurlechemin.Jecroisquejesuisivre.Soudain, j’aperçoisunefilleavecdescheveuxroseclairet jedessaoule immédiatement.Dansun

coin,elleavaleunepilulejaune.Quandnosregardssecroisent,elleplongedanslafoule.—Zara!Jecrieaussifortquepossibleenfaisantdemonmieuxpourlasuivredanscettemaréehumainequi

boitetquidanse.L’espaced’uneminute, je crois l’avoir perduedevuemais soudain j’aperçois ses cheveux roses

alorsqu’ellefuitdanslestoilettes.Sansperdredetemps,jemefraieuncheminverselle.Pasdecheveuxrosesenvue.Elledoitêtredansunecabine.

—Hé,Zara!Ilfautquejeteparle.Jenepartiraipasavant.Alorsuneportes’ouvre.ZaraHughes…lajoliefillesurlesphotosavecTrey.Pourtoujoursetà

jamais.—Tusaisquijesuis?

Elleal’airnerveuse,lesyeuxrivéssurlaporte.Est-cequ’ellecomptes’échapperpouréviternotrepetiteconversation?

—Ouais,jesaisquitues,répond-elle.Desfillesdanslaqueuepourlestoilettesnousécoutent.Impossibled’avoirunpeud’intimitéalors

jevaisfaireçaicietmaintenant.—Je,euh…Jeréfléchisàlasuitemaismoncerveauestembrouilléetavoirdupublicmeperturbe.JeregardelescheveuxrosesdeZara,seslèvresroses,etsapeauparfaite.Contrairementàceque

j’aimerais croire, elle n’a riend’une traînéeoud’unemanipulatrice.Elle a l’air triste, comme si ellevenaitdeperdrel’amourdesavie.

Jen’aipasbesoindelaquestionner.Rienqu’envoyantleslarmesquiluimontentauxyeux,jesaislavérité:elleétaitamoureusedeTrey.Etd’aprèslesphotosquej’aivuesdanslachambre,jesaisqu’ilétaitamoureuxd’elle.

Jeplongelamaindansmonsacetsorslesphotos.—Tiens,jelesaitrouvéesdanslachambredeTrey.Elle accepte les photos avec hésitation.Une larme coule sur sa joue tandis qu’elle les passe en

revueuneàune.—Merci,dit-elleenlespressantcontresapoitrine.JeparsquandZaracrie:—Jesuisvraimentdésolée,Monika.J’acquiesceet,aprèsuncertaintemps,metourneverselle.—Moiaussi.Deretoursurlapiste,j’aperçoisAshtynetBreeavecungroupedeFremont.Ellesmefontunsigne

delamainettandisquejemedirigeverseux,untypeenpullàcapuchegrismerentrededans.Son visage est en partie couvert par sa capuchemais je le regarde et sa tête se lève lentement,

révélantdesyeuxd’unnoirflamboyant.Jeretiensmonsouffle.Je suis encore assez sobre pour savoir que ces yeux noirs ne peuvent appartenir qu’à une seule

personne.VictorSalazar.

Chapitre43

VICTOR

Jen’aiqu’uneenvie:quittercetteboîte.Maisjenepartiraipassansmasœur.ClubMystique…Combiendefoissuis-jevenuiciavecmesamis?Lecluboùlesadospeuventsemêlerauxadultes.

Ungringoavecuntee-shirtmarquéFANDEFUMETTEvientmevoir.—Tuasdequoifumer?Fumer?—Non,jecherchequelqu’un.—Commetoutlemonde,mec!Quelqu’unmetapotel’épauleetcriequelquechosequejen’entendspasàcausedelamusique.Jemeretourne,énervé.—Putain,c’estquoiton…Malangueoubliedefonctionnercardevantmoisetientunedéesse.MonikaFoxnepourraitjamais

sefondredanscettemassemêmesiellelevoulait.Sescheveuxlongsetboucléssontmagnifiques,sonvisageéblouissantetsonauraattiretouslesregards.

Àcommencerparlemien.Celadit,ellealeregardvitreuxetondiraitqu’ellevatomber.Jel’attrapepourlasoutenirmaiselle

viremamaind’uncoup.—Nemetouchepas!bredouille-t-elled’unevoixpâteuse.—Tuessaoule.—Jesuispompette,répond-ellelentement.C’estpaspareil.—D’accord,commetuveux.Je jetteunœilderrièreelleetaperçoismasœurdansuncoindelaboîte.Bonkasesbrasautour

d’ellecommesielleluiappartenaitetmonsangnefaitqu’untour.—Jedoisyaller.—Évidemment,tuestrèsbonpourfuir.Jenerépondspas.—Nem’ignorepas,Vic.—Jenet’ignorepas.Jevoudraisluidirequec’estpoursonbienquejelalaissetranquillemaisellenemecroiraitpas.Ellem’attrapel’épauleetmetireversellepourquejel’entende.—Jenepartiraipasetjenetelaissepaspartir!Tunepeuxpastecacheréternellement.J’abandonnemamissionpoursauverDanietprendsMonikaparlamain.Ellelaretire.—Oùest-cequetum’emmènes?—Dehors.—Peut-êtrequejen’aipasenvied’allerdehors.Ellesetordlecoupourvoirlapiste.—JesuisvenueavecBreeetAshtyn.Mesamies.

—Ettuvaspartiravecmoi.Jelareprendsparlamainetlaconduisdehors.Elletrébucheplusieursfois,s’emmêlantlespieds.—Tuasbucombiendeverres?—Jesaispas,répond-elleentenantunemainenl’aircommesiellesefaisaitarrêter.Assezpour

mesentirvraiment,vraiment,vraimentbienetvraiment,vraimenténervée.—Tuesdéchirée!—Pasdutout!Bond’accord,unpeu.Jenesaismêmepaspourquoiçam’affecteautantquetusois

làoupourquoiçam’embêtequetumedétestes.—Jenetedétestepas,luiassuré-jeàvoixbasse.Monikalèvelatête,àlafoisencolèreetdéfiante.—Jet’aiembrasséettun’enavaisrienàfoutre.Tuasmêmeditquec’étaituneerreur.Moi,jete

déteste.Elleseredresseetmeregardedroitdanslesyeux.Houlà,jenesuispassortidel’auberge.Surtout

qu’elletrébucheenarrièreetjedoislarattraper.Monikajetteunœilauxgensquimarchentautourdenouspuismeregardeavecsesyeuxbrillants.—Tuesentraindefoutretavieenl’air.Treytecasseraitlagueules’ilsavaitcequetuesdevenu.Elleplisselesyeux,attendantmaréaction.—Vic,jem’enfoussitumedétestesoupas.Moi,jetedéteste.—Ouaisben,tantmieuxsitumedétestes.—Pourquoi?—Parcequeturesteslacopinedemonmeilleurami.Voilàpourquoi.—Salut ! lance quelqu’un autour de nous.Mais c’estVictorSalazar ?Dis, j’ai vu ta sœur avec

MatthewBonk.Ilss’embrassaientprèsdubar.Oh,merde!—Fautquej’yaille.JetiensMonikaparlesépaulesetlaregardedanslesyeux.J’aienviedelasentirànouveauprèsde

moi,deluidirequejeserailàpourellequoiqu’ilarrive.Maiscelacompliqueraittoutsij’étaishonnêteavecelle.

—Jedoisyaller.Maisjenepeuxpastelaisserlàcommeça.—Vas-y.Va-t’en.Jen’aipasbesoindetoinidetesbaisersdébiles.Ellerepoussemesmains.—Tuesbonàfuirquandlesgensontbesoindetoi.C’esttaspécialité.—Tunecomprendspas.Treyetmoiétionsmeilleursamis.Jemesensplusabattuquejamais.—Jenepeuxpas…jenepeuxpas.—TunesaisriendeTreyetmoi!s’exclameMonika.—Jesaisqu’ilt’aimait.—Tusaisquedalle,Vic!Tut’esfaitavoir,exactementcommemoi.TucroyaisconnaîtreTreymais

c’étaitunétrangerpourtoicommepourmoi.Elleregardeversl’entréedelaboîteoùattendentBreeetAshtynquiluifontsignedelesrejoindre.

Maisàcetinstant,Ashtynmereconnaîtetvientnousvoir.—OhmonDieu!s’écrieAsh.Jenel’aipasrevuedepuisl’accidentmaiscen’estpaslemomentdediscuter.Pasmaintenant.—Occupe-toid’elle,Ash,dis-jeenluiconfiantMonika.—Attends,tut’envas?

—Ouais.Jeretournedanslaboîte.Bonksetapemasœur…jevaisluitaperdessus.

Chapitre44

MONIKA

—Tuesdéjàtombéeamoureusedequelqu’unquetudétestais?dis-jeàIsapendantqu’ontravailleensemblesurunevoiturelelundisuivant.

—Oh,chica,jesuistombéeamoureusedepleind’hommesquejedétestais.—C’étaitqui,tonpremiercopain?Elleposesacléàmoletteetsoupire.—Ils’appelaitPaco.Nousn’étionspasofficiellementensemblemaisj’avaisdix-septansetj’étais

folleamoureusedelui.J’imaginaisnotremariage,nosenfants…—Qu’est-cequis’estpassé?—Ils’estfaittuer.Ellerenifleplusieursfois,reprendlacléàmoletteetseremetautravail.—Jesuissortiedugangaprèsça,maiscelanel’apasramené.—Jesuisdésolée.—Moiaussi,répond-elleenmejetantunregarddecôté.Alors,qu’est-cequisepasseentremon

cousinettoi?Lesangmemonteauxjoues.—Rien.—Nefaispasgenrequ’iln’yarien.Jevoisbiencommenttuleregardes.—Onestjusteamis.Bon,cen’estpastoutàfaitvrai.—Pourlemoment,jeledéteste.Nousnesommesplusvraimentamis.Ellemefaitunsignedetêteentendu.—Alex,viensvoir!Alexquinousaideencoreaujourd’huis’éloignedelavoituresurlaquelleiltravaille.—RaconteàMonikacommentvousvousêtesaimésaupremierregard,Britettoi.—Ha!Jeladétestais!dit-il.Etellemedétestaitaussi.Onvenaitdedeuxmondesdiamétralement

opposésetjepensaisquenousétionstropdifférents.Ilrit.—Quiauraitpusavoirquec’étaitmonâmesœur!—Moi,répondIsa.—C’estvrai,dit-ilenriantànouveau.—Entantquegarçon,tuasunconseilàdonneràMonika?—Ouais.Mafemmerepoussaittoujoursmeslimites.Çam’adonnéenviedemedépasser.J’essaiederepousserleslimitesdeVicmaisaulieudesedépasser,ilbaisselesbras.Soudain, la porte du garage s’ouvre.Bernie apparaît dans un costume surmesure, un bouquet de

rosesàlamain.—Tureviensd’unenterrement?plaisanteIsa.—Non,répondBernie,trèssérieux.Jesuisvenupourmonrendez-vousavectoi.

Isarecule.—Jet’aiditquejen’acceptaispasderendez-vous.Alex,pasunmot!—Jen’airiendit,Isa.Bernieluitendlesfleurs.—Accepteunrendez-vousavecmoi.—Jenepeuxpas.—Pourquoi?—Parceque…Isajettelesfleursdanslapoubelle.Ellecommenceàs’éloignermaissoudainretourneàlapoubelle

etlesressort.—Tuesunenfoirédemefaireça,Bernie!—Jeveuxjustet’aimer.—Ouais,bentouslesgarsquej’aimecrèvent.Tuasenviedemourir?—Jen’aipaspeurdemourir.Etjen’aipaspeurdetoi.Sorsavecmoi.—J’aiduboulot.—Jet’aideraiàrattrapertonretard.—Jet’aiviré,crétin.Isa parle durementmais sa façon de tenir l’énorme bouquet, comme si c’était la clé du bonheur,

trahitsesvraissentiments.—Tu auras beaume virermille fois, je reviendrai à chaque fois. Toi etmoi formons une belle

équipe.Accepteunrendez-vouscesoir.Situveuxquejetelaissetranquilleaprès,alorsj’ysongerai.—Fais-le,renchéritAlex.Donneunechanceàcepauvregringo.—Jenet’aipasdemandétonavis,Fuentes.Alexhausselesépaules.J’aipeurdedonneràmontourunconseilàIsa–ellerisquedemehurlerdessusoudemevirersur-

le-champ.—Ilnevapaslâcherl’affaire,luidis-je.Etcesfleurssontsuperbes.Isasoupirebruyamment. Il lui fautun longmomentpour répondre.Enfin,elledéglutitetditd’une

petitevoix:—Bon.Laisse-moiletempsdemechanger.—Netechangepas,l’arrêteBernieenluiprenantlamain.Jeteveuxcommetues.—Quetuesbête.—Jesais.Jepariequetun’esjamaissortieavecquelqu’uncommemoi,Isa.Laisse-moitedire,les

typescommemoifontlesmeilleursmaris.Isalèvelesyeuxauciel,puissetourneversmoitandisqueBerniel’entraîneàl’extérieur.—SituveuxvenircesoirparleràVic,tupeux.Jerentreraitard,j’imagine.Jememordsnerveusementlalèvreinférieurealorsqu’ellemelanceuneclédugarage.—Tuessûre?—Tusais,s’ilyabienunepersonnequipeutlesortirdel’ombre,c’esttoi.—Commentlesais-tu?Isam’adresseunclind’œil.—Jenesaispasgrand-chosemaisjesaisquetuluifouslesboules.Etc’estlegenreàn’avoirpeur

derien.

Vingt-troisheures, jesorsdechezmoiavec lesmotsd’Isaetd’Alexencoreà l’esprit. Jecompte

trouverVicetlepousserdanssesderniersretranchements,coûtequecoûte.Ilvavoirqu’ilestentraindepasseràcôtédesavie.

Jedoisaussisavoirsilessentimentsquej’aipourluisontréelsouimaginaires.Je roule jusqu’à Fairfield, le cœur battant et lesmains tremblantes. Jem’agrippe au volant pour

masquermonangoisse.Mesarticulationsmefontsouffrir,j’aiététenduetoutelasoirée.Jeme gare devant le garage puis entre. Une faible lueurmontre le chemin vers l’appartement à

l’étage,devenulacavernedeVic.Jevaismonterquandunevoixrésonnedansl’ombre.—Monika?JemetourneausondelavoixdeVic,appuyécontrelecapotd’unevoiture.—Vic,ilfautqu’onparle.—Dequoiveux-tuparler?demande-t-ilens’approchantdemoi.—Detrucs.Detrucsimportants.—JeneretourneraipasàFremontalorséconomisetonsouffle.—Jesais,dis-jeenleregardantdroitdanslesyeux.Ilfautqu’onparlesérieusement.Je rassemble assez de courage pour être honnête avec Vic sur tout. Je me suis retenue trop

longtemps.JevaistoutsortiretdireàViccequejeressens.Mêmesiceladoitl’éloignerdemoi.

Chapitre45

VICTOR

LefaibleéclairagedelaruequiperceàtraverslesvitresdépoliesdugarageoffreassezdelumièrepourvoircequeporteMonika.

J’essaied’oublierlefaitquenoussommesseuls.Jenesaisabsolumentpaspourquoielleestlà.Peuimportecequ’elleveut,jedoisresterinsensibleetdétaché.JenevaispasentraînerMonikadansmaviemerdique.

Elleapproched’unevieillecamionnetterouillée.—Jetravaillesurcevéhicule,cestemps-ci.—Cool,dis-jeenobservant lacamionnette.Jesaisque jemesensutilequand j’arriveà réparer

quelquechosedecassé.Tudoisressentirlamêmechose.—Àproposdechosescassées…jevoulais tedemanderquelquechose.Est-cequetusavaisque

Treymetrompait?—Non,c’estimpossible.TreyétaitfoudeMonikadepuislepremierjour.Quandilsontcommencéàsortirensembleilyades

années,onadûétablirunelimitedefoisoùilpouvaitprononcersonnomouparlerd’elle.Jetsemoquaitbiendelui,d’ailleurs.

—Alorstuneleconnaissaispassibienqueça.C’étaitmonmeilleurami,évidemmentquejeleconnaissais.Ilyaplusieurschaisesalignéesdansla

zoned’attentedugarage.Jem’assoissuruned’elles,lesjambesallongées,etobserveMonika,lesyeuxplissés,alorsqu’elletraverselegarage.

VoirMonika à côté de la camionnetteme donne l’impression d’un papillon à côté d’une vieillechaussure.Lesdeuxne semélangent pasmais ony trouveune certainebeauté.Elle se retourne etmesurprendàl’observer.

—Soishonnêteavecmoi,medit-elle.Honnêtement,j’aienviedelaprendredansmesbras.Maispourl’heureiln’yaqu’uneseulechose

honnêtequejepuissepartager:—Jevaisêtrehonnête,jen’aimepaslefromageindustriel,j’aimeceuxquicoulentbien.Saboucheserecourbeensourire.—J’étaisentraindetedirequeTreymetrompait.—Jenesuisaucourantderien.Moi,jeteparledefromage.—Jen’aipasenviedeparlerdeteshistoiresdefromage.JeveuxparlerdeTrey,parcequetoiet

moinepouvonsavancertantquetunesauraspaslavérité.TreymetrompaitavecunefillenomméeZaraHughes.Tulaconnais?

—ZaraHughes?Elle se redresse et prend une profonde inspiration, comme si elle se préparait à recevoir des

mauvaisesnouvelles.—Raconte-moitout.Nemecacherien.

—D’accord.Jelaconnais,Treyluiécrivaitsouventmaisildisaitqu’ilsétaientjusteamis.EllevaàFairfield.

—Oùest-cequ’ilssesontconnus?—Jenesaispas.AufestivalLollapalooza,jecrois.Ellehochelatêteendigérantl’information.— Il était amoureux d’elle, Vic. J’ai trouvé des photos d’eux qui datent du début de l’été. Il la

regardecomme…disonsqu’ilnemeregardaitpluscommeçadepuislongtemps.Je fixe la boîte à outils. Franchement, je n’ai pas envie qu’elle analyse la façon dontmoi je la

regarde.Çameperturbelecerveau.TreyaimaitMonika.D’accord,ouais,ilparlaitdeZaraetpeut-êtrequ’il

lavoyaitdetempsentemps,mais…Jen’aipasenviedecroirequeTreyfaisaitdessaloperiesdansledosdeMonika.Commentaurait-il

pu?Pourquoiaurait-ilfaitça?Monikaestunefilletrèsfidèle,dévouée,quiadonnéàTreytoutcequ’unmecpeutdésirer.Onpeutcomptersurelle,elleestdrôle,intelligente…sansoubliersublime.

C’estlafilledontonfantasme.—Iln’étaitpasparfait,tusais,murmure-t-elled’unevoixvulnérableetdouce.Jel’admirais.Ilavaitlaviedontj’aitoujoursrêvé.Desparentsattentionnés,untalentinnépourle

sport,etunespritqui rivalisaitavecceluid’Einstein.Etpourcouronner le tout, il sortaitavec la filleparfaite.

—J’auraissus’ilcouchaitdanstondos,Monika.Iln’auraitjamaispumelecacher.—Tutetrompes.Ellepenchelatêtedecôtéetunrayondelumièrebrilledanssesyeuxétonnés.Jenepeuxpassupporterça.Pasici,pasmaintenant,quandjeressenslebesoindelaréconforter.Sesyeuxseremplissentdelarmesetdecolère.Non,jenesupportepasdelavoircraquer.Çame

tue.—Vic,avantsamort,Treyetmoiavionsrompu.Ilvoulaitquejegardelesecretjusqu’aubal.—Non.Jem’avanceverselleetcueillesajouedansmamain,lapressantdeleverlesyeuxversmoi.—Treyvoulaitquetusoisheureuse.Ilt’aimait.Samaindouceettièdemonteetm’attrapelepoignet.—Ilessayaitpeut-êtredemerendreheureuse,maiscen’étaitpasvrai.Ilm’aoffertlarelationdont

ilcroyaitquejevoulaismaiscen’étaitqu’unefaçade.Ilm’atrompéependantlongtemps.DepuisNoël,peut-êtremêmeavant.

Jecamouflemoncombatintérieurenreculantpourcréerunedistanceentrenous.—Jenesaispasdequoituparles,Monika.Treyt’aim…— Arrête ! hurle-t-elle. Trey Matthews n’était pas le saint que tout le monde imagine. Il m’a

manipulée,m’afaitcroirequ’ilétait fidèle,mais ilnel’étaitpas.Ilm’afaitpromettredeprotégersessecretsmaisenagardéunénormevis-à-visdenous.Oui,ilétaitintelligentetsemblaitavoirtoutpourlui.Maistoutétaitfaux!Etmaintenant,j’aidessentimentspourtoietj’aienviedetenterlecoup.

—Jevisdansunmondeobscur,Monika.Tun’aspasenviedeleconnaître.—Peut-êtrequesi.Ledésirs’allumedanssesyeux.— Emporte-moi loin de la réalité, Vic. Fais-moi oublier que je croule sous les questions, les

mensongesetlestromperies.—Jenesuispaslabonnepersonnepourça.

Jeseraistropprisparsadouceuretsabeauté,jenevoudraisplusjamaislalaisserpartir.Elleserapprochedemoi.—Laisse-moientrerdanstonmonde.S’ilteplaît!Iln’yauraaucundrame,jetelepromets.Quelenfer!Ellemefixe,attendantmaréponse.—Fais-moil’amour,Vic.Montre-moiquejenesuispasseule.Jemesenssiseule.Jesuissurlepointdemedégonfler,maisjemeraclelagorgeetscrutelapeaucrémeusedesoncou

etlesoupçondepoitrinequelaisseentrevoirsonhaut.J’aitellementenvied’elle,pourdesmilliersderaisons.Dequijememoque?Jenepourraisjamaisluirésister.

—Tuessûredecequetuveux?Elledéglutitbruyamment.—Oui,répond-elledansunsouffle.J’essaiedegardermoncalmeetdefairesemblantquec’estunesimplefaveurquejefaisàuneamie.

Enréalité,mesémotionssontunvraisacdenœuds.Jevaislacouvrirdepassion,d’amouretd’affectioncesoir.J’espèreseulementqu’aumatin,jepourrailalaisserpartir.Ellepensaitàuneéchappatoire.Ellen’a

pasparléd’éternité.

Chapitre46

MONIKA

Jen’arrivepasàcroirequenousallonslefaire.Jesuisàlafoisexcitéeetnerveuse;mesjambestremblentmaisj’enaienvie.Vicestlapersonneparfaitepourmefairesentirquetoutirabien.Jemesenstoujoursensécuritéquandilestlàetjesaisqu’ilnemeferapasdemal.

Ilsepencheetmeglisseàl’oreille:—Détends-toietlaisse-moim’occuperdetoi.Avecluisiprèsdemoi,jepeuxpresquesentirl’électricitéentrenous.—Merci.Jefaisdemonmieuxpourquemavoixnetremblepas.Ilsepencheenarrièreetlèveunsourcil,curieux.—Merci?—Jeveuxdire…jenevoulaispasdiremerci.Jevoulaisdireoui,voilà.Jemetapelatêteaveclapaume.—Jesuistropbête!Jenesaispasquoidire,Vic.Jesuishorsdemonélément,là.Ilprendmamaindanslasienneetmoncœurs’emballe.Sonregardglissedemesyeuxàmapoitrineetcontinueplusbas;j’aimeraisqu’ilmesoulèvecar

mon corps tout entier n’est plus qu’une grosse boule de nerfs. Vic est sûr de lui et incroyablementséduisant.Jel’aitoujourssumaisjeneleregardaispasdecettefaçon.Maintenantsi,etsoudainement,jesuistrèsintimidée.

La simple idée que Vic me touche fait vaciller mon corps d’excitation. J’essaie de respirercalmement.

—Suis-moi,dit-ild’unevoixpleinededésir.Monpoulss’accélèreetjebloque.—Oùallons-nous?—Tunecroyaistoutdemêmepasqu’onallaitfaireçaparterre?—Jenesaispas.Jen’avaispasvraimentdeplandéfini.—Évidemment.Viens.Ilmeprendlamainetmeconduitàl’étagedansl’appartementprivéd’Isaau-dessusdugarage.Ce

n’estpasgrand,maisc’estconfortableetmignon.Ilyadesphotosdefleurssurunmuretd’autresclichésdegenssurceluid’enface.IlyanotammentunephotodeVicetIsadanslegarage.Elletientunecléàmolettedanslamainetlabranditau-dessusdesatêteàluicommesielleallaitluitaperdessusavec.Luisetientsimplementlesbrascroisés,stoïque.ExactementVic.

Il me conduit devant le canapé et memet face à lui. Sa peau tannée est parfaite et sesmusclessaillants qui ressortent de son tee-shirt rappellent que c’est un athlète incroyable, fort et agile. J’aisoudainbesoindesontoucheretmonattractionpourluimesubmerge.

Est-cequ’ils’aperçoitquejesuisplusqueprêteàfuirlaréalitéaveclui?—Fermelesyeux,dit-ild’unevoixdoucemaisautoritaire.J’ailatêtequitourneettendslesbrasverslui.

—Tuveuxmefaireperdrelessens?—Tuveuxfuirlaréalité,n’est-cepas?Jesenslelégerchatouillisdesesmainsquifontdepetitsdessinssurmespoignets.Mapeauvibreà

chaquepassageetladouleurlatentedemonarthrites’efface.Illâchemespoignetsetdessineuncheminlelongdemesbras,demesépaules,demanuque.Son

toucher estd’unegrandedouceur, commeuneplume.Etquand sesdoigtsglissent surmes lèvres,monmenton,moncou,etplongentversmapoitrine,moncorpss’enflammesubitement.

—Vic,c’estparfait.—Tuveuxquejecontinue?murmure-t-ilàmonoreille.—Oui.Sesmainscaressentmapeausensibleetseslèvreschaudeseffleurentlesmiennes.—Tuaimesperdrelecontrôle?demande-t-ilenm’embrassantunepremièrefois.Puisuneseconde.Malanguecherchelasienneetsoudainseslèvresnesontpluslà.Ils’estreculé.C’estunetorture.—Embrasse-moi,luidis-je.Maintenant,jet’enprie!—Soispatiente.Nevapastropvite.Jesenssesdoigtscontournermontétonpar-dessusmonhaut.Samainsedéplaceverslesecond.La

passionbrûleaufonddemoietungémissements’échappedemeslèvres.—Tuaimesça?—Jenetelediraipas,luidis-jeenessayantdecouvrirmespetitsgémissementsdeplaisir.—Toncorpsrépondàtaplace,s’amuse-t-il.Ilm’embrasseencore.Etencore.Cettefois,jenepeuxplusmeretenir.Legémissementquis’échappedemaboucherésonnedansla

pièce. Je suis contente qu’il n’y ait personne au rez-de-chaussée sinon on pourrait certainementm’entendre.

Cettefois,sabouchesucréeestlàquim’attend.Nousnousembrassonspleinement.—J’aimelegoûtdeteslèvres,murmure-t-ilcontremonvisage.Ses baisers sensuelsm’étourdissent et sesmains sur le bout demes seins, qui les caressent l’un

aprèsl’autrepar-dessusmonhaut,mefontdésirerdavantage.Jepasselesbrasautourdesoncou,l’attirantàmoi,etils’assoitsurlecanapéetm’entraînepour

quejelechevauche.Jesenssoncorpsétonnammentpuissantetmusclécontremescuisses.Monespritestembrouillépar

lapassionetledésiretj’aienviedemerapprocherencoredeluietqu’ilmeserredanssesbras.Luietpersonned’autre.J’aisoudainoubliémesproblèmeset tout le reste.Pour lapremière foisdepuis longtemps, jeme

senslibre.J’aienviedemeconcentrersurl’instantetnepluspenseraumondeàl’extérieurdecepetitappartement.

Jesaisqu’ils’agitdeVic,legarçonquiveutéchapperàlavie,fuir.Maispourlemoment,ilesttoutcequejesouhaite,toutcequimemanquait.J’aienviedem’échapperaveclui.Ensemble,nouspourronstrouverlapaixetsentirunvrailien,quandbienmêmeceneseraitquepourunenuit.

Ilresteassis,presquesansbouger; je l’entendsjusterespireràtouteallure.J’aienvied’avoir ledessussurlui,deluifaireperdrececontrôledelui-mêmequiluiestsicher,autantquemoijeperdslemien.Jemetslesmainssursesépaules,leserre,senssesmusclesàmesurequej’exploresoncorpsavecmesdoigts.

—Qu’est-cequetufais?demande-t-ild’unevoixlenteetsaccadée.—Jeprendslecontrôle.Jebouge très légèrementmeshanchescontre lessiennes.Jepeuxsentir lachaleurdesoncorpsà

traversmonjeans.Ilgémitalorsquejetouchesonérection.—Tumetues.Jemepencheenavantetluimurmureàl’oreille:—Pourquoi?Parcequetuaspeurd’admettrequetuaimesça?—Jen’aipaspeurdel’admettre,chérie.Bonsang,qu’est-cequej’aimeça!Tumetuesparceque

j’essaiedemecontenir.Jesenssoncœurbattrefortetvitealorsquejemefrotteàlui,lentementd’abord,puisj’accélère.

C’estsibondenepenseràriend’autrequ’àça.—Neteretienspas.Jecessedebougerleshanchesetpasselesdoigtssursesbiceps.—Touche-moi,Vic.Fais-moitoutoublier.Ils’immobilise,commes’ilyréfléchissait.—J’enaienvie.Tun’aspasidéeàquelpointj’enaienvie.Jem’agrippeàlui.—Alorsneteretienspas.Net’inquiètepas,jen’attendsrienau-delàdecettesoirée.Nousfuyonsla

réalité,d’accord?Moncorpsdésespèredesentirsontoucher.D’unmouvementhabile,j’enlèvemonhaut,prendsses

mainsetlesporteàmataille.Jemepencheenavantpourquenoslèvresserencontrent;j’adoreembrassercegarçon.Ilmemeten

transe,jen’aipasenviequeçasetermine.—Touche-moi,VictorSalazar.Il jureàvoixbasse, et soudain sesmains se retrouvent surmes fesses,mepressentplusprès ; il

imposelerythme.Jeplongemesmainsdanssachevelureépaisseetpenchelatêteenarrière.Sa bouche se pose au creux de mon cou, m’embrasse. Mon corps n’a jamais autant vibré

d’excitation,surtoutlorsquesalangueglissesurmapeauchaudeplusbas…plusbas.—Dis-moiquetuaimesça,murmure-t-ilcontremapeau.Quandjesenssalanguelongerlescontoursdemonsoutien-gorge,marespirationdevienthaletante,

j’enveuxplus.—J’aimeraisquetun’arrêtesjamais.Ilpassesesmainssurmondos.D’ungesterapide,ildégrafemonsoutien-gorgequitombeparterre.

Ilenveloppemondos,mesarticulationssedétendent.Sa langue remonte àmon lobe hypersensible, avant de redescendre vers d’autres parties demon

corpsenfeu.Avantquejem’enaperçoive,mesvêtementssontparterreaveclessiensetnousvoilànus.—Regarde-moi,dit-il,lamaincontremajoue.L’espaced’uninstant,jejureraisquejepeuxvoirsonâmeaufonddesesyeux.Toutdevientsoudaintropintense,tropvrai.J’ai envie de fermer les yeux et de faire semblant d’être hors de la réalitémais jeme sens plus

vulnérablequejamais.Desémotionsquej’ignoraismenacentdemefairevenirleslarmesauxyeux.Jedoisempêcherça.Jeravalecettevagued’émotions,j’espèrequ’ellesdisparaîtrontàjamais.

—Allons-y,luidis-je.Ses lèvres rencontrent les miennes. Elles sont d’abord douces et sucrées.Ma langue cherche la

sienne et je ne peux m’empêcher de faire bouger mes hanches contre les siennes en rythme. Ilm’embrasse, très déterminé, au point que je dépasse un cap émotionnel et physique. Je n’ai jamaisressentiçaauparavant.Salangueglissecontrelamienneetlesbruitsdenosgémissementssemélangentdansl’airdelanuit.

Jesuistotalementabsorbéeparcemoment.Jesuistoutétourdie,maisdanslebonsensduterme.Jemesensvivante.Messoucis,mesproblèmessemblents’êtreévaporés.

—Est-cequeçava?Tonarthritenetefaitpassouffrir?—Jevaisbien.Plusquebien,murmuré-je.Je me place au-dessus de lui et m’apprête à passer à l’étape suivante. Je sens la pression ;

impossibledefairemachinearrièreàprésent.—Attends,m’interrompt-il,lavoixcassée.Il m’attrape par la taille pour m’arrêter. Il tend le bras vers son pantalon au sol et sort son

portefeuilledelapochearrière.Àl’intérieursetrouveunpréservatifdansunemballageargenté.—Désolée,j’avaisoublié,dis-jeenespérantqu’ilneremarquepasletremblementdansmavoix.—Pasdesouci.Maintenantquenoussommesprotégés,ilmeremetsurlui.—Tuesparfaite.Jebaissemoncorpssurlesientandisquesesmotss’installentenmoi.Maisenreprenantlemouvement,jetressailleetils’arrête.—Qu’est-cequ’ilya?Jetefaismal?—Cen’estrien.—Si,ilyaquelquechose.C’esttoiquiasdel’arthrite,onyvaàtonrythme.Ilme laisse faire jusqu’à ce que la douleur s’apaise et que le plaisir prenne le dessus.Vic a sa

bouchecontrelamienneetsesmainsexplorentmapeau,jesuisfollededésir.Ilalesoufflehaletantetbougelentementavecmoi,mecaresseledospuispassesamainentrenous.

MonDieu!Jen’aijamais…ilsaitquoifaireaveclecorpsd’unefille,c’estcertain.Jemerendsbien compte qu’il essaie de me soutenir avec ses mains pour que mes articulations ne soient pasdouloureuses.

On souffle, on transpire, nos mains se baladent et l’on bouge en rythme pendant une éternité.J’aimeraisquecelanes’arrêtejamais.

Jeneressensaucunedouleur,justeduplaisir.—Jet’attends,chuchote-t-ilàmonoreilled’unevoixrauqueetcontrôlée.Neteretienspas.Laisse-

toialleravecmoi.—J’aipeur,Vic.Nosdoigtss’entrecroisent.—N’aiepaspeur.Onestlà,ensemble.Tun’espasseule.Sesmots trouventun échoenmoi. Jene suispas seule. Il est là. Ilmeprotégeramêmequand je

baisselagarde.Jemelaissealleraveclui.Vic tressaille et je le sens se raidir. Je regarde dans ses yeux et mon corps vibre de manière

incontrôléetandisquejerejoinslesétoilesavantderedescendreprogressivementsurterre.Wow!Jenesavaispasquecelapouvaitressembleràça.Nosrespirationslourdesemplissentl’air.

—Jen’arrivepasàlecroire,marmonné-jecontreseslèvrestandisquemoncorpssecalme.J’entremble.

Ilretiremescheveuxdemonvisage.—Moiaussi,c’étaittellementintense.—Ouais.Nousrestonsquelquesminutesenlacés,puisilseredresse.—Tun’enparlesàpersonne,d’accord?—Commentça?—Jeneveuxpasqueçasesache,c’esttout.Moncœurseserredansmapoitrine.—Jenesuispasdugenreàlecriersurtouslestoits,maisc’estpeut-êtreplusqu’uncoupd’unsoir.Ilmeregardedecôté.—C’étaituncoupd’unsoir.Sesmotsmetranspercent.Jemerelèved’unbond.—Tuavaisraisondepuisledébut,Vic.Tun’esqu’uncon.Illèvelesmainsenl’air.—Qu’est-cequetuveuxquejetedise?Cen’estpascommesionétaitencouple.—Tuasraison,nedisrien.Jeramassemonsacavecénervement.—D’accord,super.Ilseretourne,commesimeregarderallaitluifaireregrettercequis’estpassécesoir.—Écoute,Vic,jenet’aipasdemandéd’êtremoncopain,niunquelconqueengagementenversmoi

sic’estdeçaquetuaspeur.—Jen’aipaspeurdeçamais…Ils’éloigneencréantunedistancetoujoursplusgrande.—Onnepourrajamaisêtreensemble.Treyétaitmonmeilleurami.J’aidumalàrespirer.—Etmoi,jenesuispastonamie?Treyn’estpluslà,Vic.Moi,jesuislà.Jesuistonamie.Ilsetourneversmoi,lamâchoireserréeetlecorpsraide.—Jenem’amusepasàbaisermespotes.Nileurscopinesnileursex.—Parcequetuessidroitqueça?dis-jeenlevantlesyeuxauciel.Tun’étaispasobligédecoucher

avecmoi,Vic.Désoléedet’avoirforcé!C’estdemafaute!Dans une tentative de préserver le peu de dignité qui me reste, je garde la tête haute, sors de

l’appartementetdescendsdanslegarage.Vicgalèreàremettresonjeanstandisquejefonceàtraverslegarageverslaported’entrée.Alorsquejevaisattraperlapoignée,quelqu’unl’ouvredel’extérieur.

Isa.—C’estquoicebor…,s’exclame-t-elle.Elle allume la lumière et nous voit, Vic et moi, dans le garage. Vic est torse nu, son pantalon

déboutonné.Àtouslescoups,jeneressembleàrien.—Vousm’avezfoutulesboules!—Désolée,j’étaisvenueparleràVic…et,euh…—Je vois ça, réplique-t-elle avant de se tourner vers lui. Tout va bien ?On dirait que vous en

voulezàlaterreentière.Oualorsl’unàl’autre.Oulesdeux.Vouspouvezresteretarrangerleschoses.—Jem’envais,Vicneveutpasdemoiici.—Cen’estpasvrai!

Jefaisdemi-tourd’uncoup.—Ohquesi!Nemenspas.—Donctoutnevapasbien,ditIsabel.Jevousproposedevousasseoiretdediscuter,d’accord?—Onn’arienàsedire,rétorqueViccommes’ilétaitunmartyrquiatoutsacrifiépourmeveniren

aidedansunmomentdedétresse.Jeluiaidéjàditquej’étaisdésolépourtoutcequis’estpassécesoir.Lamaind’Isabelbonditàsaboucheetelleécarquillelesyeux.—Wow!Commentça,«tout»?Vicignoresaquestion.—Tuvoulaisque je teprennedansmesbrasetque je t’aideàfuir.Tuasparléd’uneseulenuit.

C’esttoiquil’asvoulu…IsabelavanceversVicetagitelamaindevantsonvisage.—Hep,Vic!Tudevraispeut-êtretetaire.—Non,continue,dis-jeavecsarcasme.Jetesensàfond,pourquoit’arrêterensibonchemin?Ilsecouelatête.—J’aiterminé.—Tuessûr?JerefusequeVicaitpitiédemoioumefassecroirequejel’aimanipuléetforcécesoir.Est-ceque

jel’aimanipulé?Unventdepaniquemeprend;aprèstout,jen’aipasditlavéritéàVic.Jeneluiaipasditquedernièrement,lorsquej’aibesoindemecalmer,c’estluiquej’aienvied’appeler.Jeneluiaipasditquelorsquejesuisaveclui, toutmeparaîtdérisoire.Jeneluiaipasditqu’unepartiedemoiétaitsoulagéelorsquej’aidécouvertl’existencedeZaraHughes.

Jeluitapelapoitrineavecledoigt.—JenesuispastaB.A.,Vic.Jepeuxmedébrouillertouteseule.—Tuasbienraison.C’étaituncoupd’unsoir,tul’asdittoi-même.—Continuedeterépéterça,tiens.Etjemetiredelà.

Chapitre47

VICTOR

AprèsledépartdeMonika,Isamelanceunregardpleinderancœur.—Quoi?

EllefaitungestedansladirectiondubruitdelavoituredeMonika.—Valaretrouver.—Jenepeuxpas.—Pourquoi?Ilyatantderaisonspourlesquellesjenepeuxpaslasuivrenilaramenerici.—Isa,ellevoulaituncoupd’unsoir.Fuirlaréalité.Jesuislemecqu’elleachoisi,c’estterminé.

Findel’histoire.Isalèvelesyeuxauciel.SoncôtéLatinatransparaîtdanslemoindredesesgestes.—Tuesuncon,VictorSalazar.Unconpuretsimple.Tupourraisécrireunbouquin:LeGuidedu

roidescons.Avecungrandsoupiretunhochementdetête,ellecommenceàmonterl’escalier.—Etpourquoic’estmoilecondansl’histoire?—Parcequ’elleabesoindetoi.—Elleavaitbesoind’unmecquilaserredanssesbrasletempsd’unenuit.Aprèstout,elleauraitpuprendreJets’ilavaitétélààmaplacecesoir.Ellesetourneetmepousselapoitrinedetoutessesforces.—C’esttoiqu’elleachoisi,pendejo!Ellen’apasprisunautre type.Tues tellementbouché, je

n’arrivepasàcroirequ’ilyaituncerveaudanscecrâne!—Merci.Qu’est-cequejesuiscenséfaire,servirdejouetàMonikajusqu’àcequ’elleselasseetpasseàun

autremec,quelqu’undeplusdigned’elle,quiluiferaressentirdestrucs?—Rentrecheztoi,Vic.Taplaceestlà-bas,tunecroispas?—Non,dis-jeenlasuivantdansl’appartement.Jen’aipasmaplaceàFremont.—C’estpourtantl’impressionquetumedonnais.—JenepeuxpasavoirMonikadansmonlit.Treyétaitavecelle.Isasemetlatêtedanslesmains.—Pourtantelleadéjàétédanstonlit.Mets-toibiençadanslecrâne,Vic.Ellerelèvelatête.—Treysortaitpeut-êtreavecellemaiscen’estpluslecasaujourd’hui.Qu’est-cequ’elledoitfaire,

êtreendeuiljusqu’àlafindesesjours?—Non.Jetrouverailaréponsemoi-même.—Pourquoi?Tun’espasseul,Vic,alorsarrêtedefairecommesi.Maintenant,jecomprendscequeressentMonika.DepuislamortdeTrey,jemesenstotalementseul.

Leseulmomentoùjen’aipaseucettesensation,c’étaitavecMonika,qu’onsedispute,qu’ons’embrasseouqu’ontravailletoutsimplementl’unàcôtédel’autre.

Jepasseuneheureétendusurlecanapéàscruterleplafondquandmacousineentredanslapièceavecletee-shirttropgrandqu’elleportepourdormir.

—JesuissortieavecBerniecesoir.—Non,sérieux?—Ouais,acquiesce-t-elleavantdeprendreuneprofondeinspirationetdes’asseoir.Ilveutvraiment

quecetendroittourne,tusais.Audébutjenecomprendspasdequoielleparlemaislesensmevientauboutd’unmoment.—Legaraged’Enrique?— Ouais. Je sais que tu as toujours voulu customiser les voitures qui arrivent ici, les vieilles

MustangoulesCadillac.Enriquel’envisageaitaussi.Jene t’ai jamaismontré l’entrepôt,à l’arrière.Ilavaitacquistoutlematérieldesoudureetcomptaitdévelopperl’activitéavantdemourir.

—Tunem’enasjamaisparlé.—Oui,ehbien,ilyabeaucoupdegensàquijenedisrien.Jeretiensleschoses.Commetoi.Et

Bernieadel’argent,ilveutinvestiretagrandircegarage.Ilsouhaiteégalementm’épouser.—T’épouser?Qu’est-cequetuasrépondu?—Àtonavis?Jeluiaiditd’allersefairevoir!Ilaprisçapourunoui.—Tul’aimes,n’est-cepas?Ellehochelatête,avecdeslarmesdanslesyeux.—J’aipeurdeleperdre.Onm’arrachetousceuxquej’aime.Elleenroulenerveusementsescheveuxautourdesesdoigts.—Jesaisque tuas sansdouteenvied’allerà la fac,d’obtenirun jolidiplôme,mais tupourrais

peut-êtretenterlecoupavecnous.Elleseraclelagorge.—Jen’aipasenviedeperdrecetendroit,Vic.Tupeuxmêmeretourneraulycéeetvenirtravailler

icilesweek-endsjusqu’àcequetuvalidestonannée.Jeneluidispaslavérité,quejen’iraiprobablementpasàlafacdetoutefaçon.Jenesuispasassez

bon,pasassezintelligent.Maisça…c’estl’occasiondefairequelquechosepourlequeljesuisdoué.—Tunedevraispascroireautantenmoi.Quoiquejefasse,jefinispartoutgâcher.—Jesais,répond-elleenmetapantlajambe.Maisilesttempsqueleschoseschangent,parceque

tucommencesvraimentàmesaouler.Metsdel’ordredanstavie,Vic.Après,Bernieettoipourrezmettredel’ordredanslamienne.

—Etsijen’arrivepasàm’occuperdelamienne?Ellemelancesonsouriresiparticulier.—Alorstuesencoreplusconquecequejecroyais.

Chapitre48

MONIKA

—Qu’est-cequetuenpenses,Monika?Parle-nous.JesuisassisedanslebureaududocteurSinger,regardantmamèrequiessuieseslarmesavecunmouchoir.Mesparentsm’ontempêchéed’allerencoursaujourd’huiquandilsontvuàquelleheurejesuisrentréelanuitdernière.Jeneleuraipasditoùj’étais.

Mamanvientde terminer sondiscoursau thérapeute,expliquantqu’elle s’inquiètepourmoi.Monpèrepasseunbrasréconfortantautourdemamèreetmeregardecommeunechosefragilequivasebriserd’uneminuteàl’autre.

—Çava,leurassuré-jealorsquej’aimeraisqu’ilss’intéressentàautrechose.Vraiment.LedocteurSingersefrottelementon,analysantmesparolesdanssoncerveaud’intellectuel.—«Çava»estuneexpressionbienvague,Monika.Pourrais-tuapprofondir?—Non.—Tusaisquenoussommestoujourslàpourtoi,ditpapa.—Jesais.—Tunet’exprimespas,Monika,ditmamandontlescheveuxnoirsbrillentsouslalampedudocteur

Singer.Sinousnesavonspascommenttuvas,nousnoussentonsperdus.Etpuis,tusorstard,sansnousdireoùtuterends.C’estinquiétant,surtoutvutonétat.

Ilsneveulentpasque jedisequeçava,maisceladécritparfaitement lasituation.Jenevaispasbien,jenevaispasmal.Çava.

—Qu’est-cequevousvoulezquejedise?Est-cequejesuisdéprimée?Oui.Est-cequ’ilm’arrivedepleurer?Oui.Est-cequemoncorpsmefaitmallaplupartdutemps?Biensûr.

Jem’enfoncedanslecanapéencuir.—Sijen’aipasenviedem’exprimer,c’estquejenepeuxpas.Pasmaintenantentoutcas.—Nousvoulonsjustequetusoisheureuse,rétorquemonpère.Mamanessuiesesyeuxhumides.—Tugardestoutàl’intérieurettut’isoles.—JesuisalléeauClubMystiqueavecAshetBree,vousvoussouvenez?—C’estunexcellentpremierpas,ditpapa.Sortiret fairedeschosesque tuaimes.C’estceque

Treyauraitvoulu,mapuce.Jejetteunœilàl’horlogesurlebureaududocteurSinger.Plusquequatreminutesavantlafindela

séance.Jenesaispassij’iraiaugarageaprès.Jen’aipasenviedecroiserVic,aprèslanuitdernière.Iladitquejen’étaisqu’uncoupd’unsoir.Enréalité,c’estluimonmeilleurami.— La guérison est un long processus, Monika, explique le docteur Singer. Et tout le monde

s’exprimedifféremment.Ilsortunepetitebrochure.—Tesparentsetmoipensonsquepeut-êtreintégrerungroupedeparolepouradosendeuilpourra

t’êtrebénéfique;ils’adresseàceuxquiontperduunproche.

Mamantoujoursenlarmesmefaitunsignedetête.Jedétestelavoircommeça.C’estcommesielleétaitcasséeetquej’étaisresponsable.

— C’est à l’hôpital Glenbrook, au service ambulatoire. Tu aimerais sans doute partager tonexpérienceavecdesadosquiconnaissentlesmêmessentimentsquetoi.

Jen’aivraimentpasbesoindeça.Jen’aipasenviedeça.Maisjeprendslabrochurepourquetoutlemondesoitcontent.

—Jetesterai.LedocteurSingersourit.Papahochelatêted’unairsatisfait.Mamanreniflequelquesfoisenmeprenantlamainetenlaserrantfortdanslessiennes.—Tuesunefilleépatante,Monika,conclutpapa.Etnoust’aimons.Tudoistoujourst’ensouvenir.

Tuesunesurvivante.Jen’aipasl’impressiondesurvivre.J’ai l’impressiondegardertout justelatêtehorsdel’eauet

d’êtresurlepointdecouler.Jebaisselesyeuxverslabrochuredugroupedeparole.Commej’aimeraisladéchirersousleurs

yeux!Maisaulieudeça,jelaplieetlarangedanslapochedemonjeans.C’estmapunitionpouravoirgardédessecrets…je ferai toutcequ’ilsveulentpourcalmer leurs

inquiétudes,mêmesipourcelajedoisrestermalheureuse.

Chapitre49

VICTOR

RetrouverMonikan’estpasfacile,surtoutqu’ellenerépondpasauxappelsniauxtextos.JenesuispasretournéàFremontdepuisdessemaines.

JesenslesveinesdemoncousegonfleralorsquejerouleàtraverslavilledansunevieilleGTquej’aipuemprunteràIsa.

Cen’est pas tous les jours que je conduis jusqu’à lamaisondeMonika. Je sais que samèremeprendpourundélinquantetnemesupportepas.D’habitude,jegardemesdistancesmaisjenesuispluslamêmepersonne.

Jesuisdécidéàvoirlaseulefillequimerendheureuxdevivre.Jesonneàlaporte.Pasderéponse.Merde!Jeconduisjusqu’àlamaisond’Ashtyn.Peut-êtrequ’ellesauraoùsetrouveMonika.Lasœurd’Ashtynm’ouvrelaporteavecseulementunBikiniminusculeetlebronzagequivaavec.—Ashestàlamaison?—Non.Jecroisqu’elleestàl’entraînementdefootball,quelquechosecommeça,dit-elleavantde

soufflersursesonglesqu’ellevientdevernir.—Merci.Situlavois,dis-luiquejesuispassé.Jen’aipaslamoindreidéed’oùjedoisaller,alorsjevaisaupostedepoliceenfacedel’hôpital

Glenbrook.Jenesuisjamaisvenuici…demonpleingré.L’entréeduposteestpetite,aveclesphotosdesagentsaccrochéesauxmurs.Onditquecesontdes

héros.J’aimeraisêtreunhéros.Maisjenesuispersonne.Cen’estpasvrai,non.Jesuisletypequisebatetquiatuésonamisurleterraindefootball.—Jepeuxvousaider?medemandeleréceptionniste.—Euh,ouais…est-cequejepeuxparleràl’agentStone?Letypequim’aarrêtéaprèsm’êtrebattucontreBonkarriveauboutd’uneminute.—VictorSalazar.Jenem’attendaispasàtevoir.Tum’étonnes.Moinonplus!—Ilfautquejevousparle…enprivé.Ilacquiesceetmeconduitàl’arrière.Jeconnaiscetendroitcommemapocheetsuisdéjàentrédans

lasalled’interrogatoireoùilmeconduit.—Tu t’esbiencaché, après l’accident au lycéedeFremont avecTreyMatthews.On t’a cherché

partout,surtoutaprèsl’avisdedisparitionducoachDieter.—LecoachDieterasignalémadisparition?—Ouais.Ils’inquiétaitpourtoi.Ilhausselesépaules.—Mais tun’es plusmineur,Victor.Tu asdix-huit ans, et si tu as enviededisparaître, c’est ton

choix.

—Attendez,jenecomprendspas.Vousn’allezpasm’interrogernim’arrêter?—Pourquelmotif?demande-t-ilaussiperduquemoi.C’estdifficileàprononcercarj’aiunnœudterribledanslagorgeetjesuiscomplètementtendu.—J’aituémonmeilleurami.—Touslesrapports,dupersonneld’entraînementauxjoueursenpassantparlesmédecins,pointent

versunaccident.Crois-moi,Victor,sinoust’avionssoupçonnéd’uncrime,onteseraittombésdessusàlasecondeoùtuasmislespiedsdanscebâtiment.

L’agentStones’enfoncedanssachaise.—SituasdumalàdigérerlamortdeTreyMatthews,ilexisteungroupedeparolepourlesjeunes

àl’hôpitaljusteen…—Çaira.Jen’aipasbesoind’ungroupedeparole.—Victor,fuirnerésoudraaucunproblème.Attends-moiici.Ilmelaisseseuldanslapiècefroideetrevientauboutdequelquesminutes.—VoicilalettrequelecoachDieternousaenvoyéeaprèsl’accident.Jelalis:

Àquidedroit:J’ai perduunmembredemon équipede football la semainedernière.TreyMatthews était un joueur exemplaire, ungamin intelligent avec un brillant avenir devant lui. Je n’ai jamais perdu un joueur de toutes mes années en tantqu’entraîneur, et c’est une épreuve difficile. L’esprit et l’intelligence de Trey subsisteront toujours dans son équipe,mêmes’iln’estplusparminousphysiquement.J’aiégalementperduunautrejoueurlasemainedernière:VictorSalazar.C’estunjeunehommecombatif.Jen’aivuçaquechezderaressportifsaufildesannées.Ilétaitcommeunlion,prêtàbondiraumoindremouvementdel’équipeadverse.Jedevaislecontenirenpermanencecarilavaituninstinctférocepourdéfendresescoéquipiers.Maislefaitestquej’admiraiscejeunehomme.J’auraisaiméavoirlamêmepassionàsonâge.C’étaitunleaderpoursonéquipeet,sanslui,j’aipeurquemesjoueursneperdent.VictoradisparulejourdelamortdeTreyMatthewsetunepartiedemois’estenvolée.JevouspriedenepasinterromprelesrecherchesdeVictorSalazar.IlfaitpartiedulycéedeFremont,demonéquipeetdemavie.Cordialement,CoachDieterEntraîneurprincipaldel’équipedefootballaméricainLycéedeFremont

—Victor,est-cequeçava?Jefixelalettre.Jenemeseraisjamaisattenduàcequ’onécrivecesmotsàmonsujet,surtoutvenant

deDieter,unentraîneurtrèsdurquinemontrejamaissesémotions.Jemeraclelagorge.—Ouais.C’estbon.—Jepeuxt’aideravecquoiquecesoit?Jeluirendslemessage.—Non.—Alorstueslibre.JevaissortirdupostequandlavoixdeStoneretentitderrièremoi.—Victor!—Ouais?Ilmetendunebrochure.—C’estsurlegroupedeparolepourlesjeunesendeuil.Tupourrastoujoursyjeterunœil.

Aprèssondépart,jeregardelabrochure.Entraideentreados.Jelarangedansmapochearrièreetmedirigeversleparking.Jen’aipasbesoinderejoindreun

groupedegaminsassisrépétantcombienilssonttristes.Mais enm’asseyant dans la voiture et en réfléchissant à ce qu’est devenuema vie, la véritéme

frappe.Jesuistriste.Putain!

Chapitre50

MONIKA

J’entredansleserviceambulatoiredel’hôpital.Lapersonneàlaréceptionm’indiqueoùsetrouvelegroupedeparolepouradosendeuil.

Jepénètredanslapetitesalleauxmursblancs.Unedouzainedechaisesgrisesformentuncercleaucentredelapièce.Deuxgarçonsdemonâgesontdéjàassis.L’und’euxadescheveuxblondsjusqu’auxépaules,porteletee-shirtd’ungroupequelconqueetunjeanstroué.L’autreadescheveuxrouxcourtsetdestachesderousseursurlenezetlesbras.Ilyaunetroisièmepersonne,unefille.Elleadescheveuxcourtsenpiquesetdespiercingsauxoreilles.Jenesaispassiellefaitpartiedugroupecarellesetientdeboutdevantlafenêtreàl’autreboutdelapièce,àscruterleparking.

Unefemme,latrentaine,entredanslapièce.Lesourirechaleureux,elleporteunepilededocumentsdanslesbras.

—Jesuiscontentedevoirqu’ilyadumonde!s’exclame-t-elleens’asseyant.Elledéposesesaffaires sur lachaisevideàcôtéd’elle.Avecquatreparticipants, cedoitêtre la

personnelaplusoptimistesurterre.Ellemefaitsignedem’asseoir.— Bienvenue à tous dans ce groupe de parole, lance-t-elle avant de regarder sa montre. C’est

l’heurededémarrer.Jeproposequetoutlemondecommenceparseprésenter.Çavousva?Pasderéponse.—Jeme lance!dit-elle,pasdu toutdéstabiliséeparnotremanqued’enthousiasme.Jem’appelle

WendyKane,c’estmoiquidirigecegroupedeparoleàl’hôpital.J’aideuxenfants,deuxchiens,etunseulmari.

Jecroisqu’elles’attendàdesriresendisant«unseulmari»maisonsecontentede laregardersansréagir.

—Àmoi,ditlegarçonauxcheveuxlongs.Iljettesesmèchesenarrièreetavancelamâchoire,commes’ilseprenaitpourundur.—Jem’appelleBrian.C’esttout.Brianserenfoncedanssachaise,ilaterminé.—Je,euh…jem’appellePerry,enchaîne le rouquinnerveux.Je,euh…jesuis làparcequemon

pères’est,genre,suicidé,ilyasixmois.—Genre?s’exclameBrian.Commentest-cequ’onpeutgenresesuicider?—Jenevoulaispasdireça.Je…je…je…jevoulaisdirequ’ill’afait.—Voilà!Brianal’airsatisfaitd’avoirbousculécepauvregarçon.Jegrogneenlefusillantduregard:—Laisse-letranquille.Wendytapedanslesmainspourattirernotreattention.—Poursuivonssimplementaveclesprésentations,d’accord?Wendysetournealorsverslafilleàlafenêtre.

—Hailey,tuveuxteprésenter?—Vousvenezdelefaire,répondHaileyencontinuantderegarderparlafenêtre.—Onaimeraitbienquetutejoignesànous.Tuveuxvenirt’asseoir?—Non.Wendysetourneversmoi,pleined’espoir.—Ettoi?Est-cequetuveuxteprésenter?—Jem’appelleMonika.Jem’arrêtelàmaisvoyantqu’elleenattendplus,jepoursuis:—Monexestmort.Jen’ajoutepasqueVicneveutplusfairepartiedemavie.Àquoiçaserviraitd’enparler?Cen’est

paspourcelaquejesuisici.Jesuisiciparcequejedoisparlerdelaperted’unêtrequej’aimais.Leproblèmec’estquej’aiégalementperduVicetqueçametueàl’intérieur.

—Mesparentssesontditquejedevraisvenir,doncmevoici.—Bahc’estbon,tupeuxrentrercheztoimaintenant,lanceBrianenricanant.Perry,quifixaitlesol,lèvelatête.—Jepensequ’onesttouslàparcequenosfamillesnousontobligés,pasparcequ’onenavraiment

envie.Briantendlesjambesetcroiselesbrassursapoitrine.—Personnenem’obligeàquoiquecesoit.Pasmafamille,personne.Haileygrognebruyamment,toujourslesyeuxrivésverslafenêtre.—Ben,voyons!—Tunemeconnaispas,luilanceBrian.Wendyprendunefeuilledanssapile.—Jeconnaisunjeuquel’onpeutfairetousensemble.—Jenejoueraipas,marmonneHailey.Necomptezpassurmoi.—Quelgenredejeu?demandePerry,hésitant.Wendysetourne,toutexcitée,mêmesijesuiscertainequesonauditoireestunvraidéfipourelle.—Ilfautremplirdesblancs.Personnenerépondalorsellecontinue,enlisantunpapier.—Monika,tucommences.Complètecettesuite:Quandjesuistriste,je…—J’aimeêtreseule.—C’estpathétique.—Iln’yapasdemauvaiseréponse,Brian,rétorqueWendy.Lerestedelaséancesedéroulesurlemêmeton.JemesensmalpourWendymaisellen’apasl’air

desesoucierdupeud’intérêtqu’onluiporte.Àlafindel’heure,jesuissurlepointdemeleverquandquelqu’unapparaîtàlaporte.J’ailesoufflecourt.C’estVic,entee-shirtetenjeans,commes’ilvenaitdirectementdugarage.—Salut,dit-il,lesyeuxrivéssurmoi.—Bonjour,tuvienspourlegroupedeparolesurledeuil?demandeWendy.Ilregardelesautrespersonnesprésentes.—Ilfautcroirequeoui.—Tuesenretard,mec,lanceBrianentapotantsamontre.Onafini.Vicseraiditquandilentendl’autreluidire«mec»maisilnerépliquepas.

—N’oubliezpasquel’onserevoitlasemaineprochaine,s’assureWendy.Est-cequetuveuxunebrochuredenotreprogramme?Elleexpliquetouslesbénéficesquel’onpeuttireràparlerdesondeuilaveclesautres.

—Jel’aidéjà.Jenecomprendspascequ’ilfaitlàmaisjeneluiposepaslaquestion.Ilpeutêtrelàs’ilveut.Je

n’aiqu’àl’ignorer.JesuislesautresparlaporteetpassedevantVic.—Onpeutparler?medemande-t-ilenmesuivant.Jegardelementonhaut.—Jen’aivraimentrienàtedire.—Net’envapas.—Pourquoipas,Vic?Toi,tulefaisbien.—Plusmaintenant.Jecontinuedemarcherversmavoiture.Vicmesuitdeprès. Je sens l’électricitédans l’airentre

nous.—Jeneveuxpasteparler.—Pourquoi?Parcequetun’aspasenvied’entendrelavérité?Tusaissibiengarderdessecrets,

Monika.Tropbien.Arrêtedetecacherderrièretespeursetsoisvraieavecmoi.Jeveuxm’assurerquetuvasbienaprèslanuitdernière.

Ilseraclelagorge.—J’aiétéunvraisalaudet,bon,jen’étaispaspréparépourcequiestarrivé.Toutça,c’étaittrop

pourmoi.Maisj’aienvied’enparler.—Pasmoi.Toutvabien.Un nœud se forme dans ma gorge. J’ai envie de crier la vérité, que je suis tombée follement,

éperdumentamoureusede lui.Quand jeme suisdonnéephysiquement à lui l’autre soir, je lui ai aussioffertmoncœur.

Maisjesuistroplâchepourluidirequejel’aime.—Tuessûre?—Cen’étaitrien.Enréalité,c’étaittout.J’avaisenvied’êtreenlacée,savoirqu’ons’occupaitdemoi.Peut-êtrequeje

voulaismêmeentendrequ’ilm’aimait.Jedevraisavoirtournélapagemaisj’ailecœuràl’enversdepuiscefameuxsoir.

—J’aibeaucoupréfléchietjesuisdésolé.Tuméritaismieux.—J’acceptetesexcuses.Jemepinceleslèvres.Ilfautquejemeprotègedeladouleurquejeressens.Peut-êtrequesijelui

mens,ladouleurdansmoncœurs’envoleracommeparmagie.—Maintenant,va-t’en.Jeneveuxrienavoiràfaireavectoi.Ilplongelesmainsdanssespochesetfaitunpasenarrière.—Tulepensesvraiment?Parcequej’aipleindetrucsàtedire.Non.—Oui,jelepensevraiment.Laisse-moitranquille.J’aipeurqu’ilnemedisequetoutcequis’estpasséentrenousétaituneerreur.Jenelesupporterais

pas.—D’accord,j’aicompris.Ilfaitunautrepasenarrière.

—Aurevoir,Monika.Jenetedérangeraiplusjamais.Jeravalelenœuddansmagorge.—Trèsbien.

Chapitre51

VICTOR

—Maisbordel,tusaisqu’ilestquatreheuresetdemiedumatin?melanceIsaquandelledescenddanslegarageenpyjamaetmevoittravaillersurunedesvoitures.

—Ouais.—Qu’est-cequetufaislà?Quandj’aientendudubruitici,j’aitoutdesuitesuquec’étaittoi.Iln’y

a que toi pour faire tout ce boucan quand tu bosses sur des bagnoles. En particulier avec ce que tuécoutes,Vic.Cen’estpasdelamusique,c’estdubruit.

—Çamebooste.—Tuneveuxpasallerdormiretteboosteràseptheures?Sixheures,situveux!—Non,c’estmaintenantquej’aidel’énergie.Elleagiteundoigtversmoi.—Emportetonénergieailleursetreviensàseptheures.—Onaduboulot,Isa.Sionveutdévelopperl’activité,ilfautqu’onbosse.Elleclignedesyeux,stupéfaite.—Quiêtes-vousetqu’avez-vousfaitdemoncousinVic?—Trèsdrôle.—Pourquoies-tud’uncoupsimotivé?demande-t-elle,maissoudainellehochelatêtelentement

commesiunepetitelumièrevenaitdes’éclairerdanssatête.C’estgrâceàMonika,n’est-cepas?—Jenesaispasdequoituparles.—Jevaisfairesemblantdetecroire.Jenefaisqueça,encemoment,fairesemblant.Bon,tuveux

ducafé?demande-t-elleenremontant.—Non,jevaisparleraucoachDieter.Etàd’autresgens.—D’accord,bon,moijeretournemecoucher.Ellesetourneunedernièrefoisavantderentrerdanssonappartement.—Pourêtrehonnête,jesuiscontentequetuaiesenfintournélapagesurcequetuvivais.—Ouais,moiaussi.FuirFremontàcausedelamortdeTreyn’aaidépersonne,etsurtoutpasmoi.L’heureestvenuedetoutarranger,mêmesijedoisravalermafierté.Avantdepouvoirarrangerles

chosesavecMonika,ilfautquejeréparemaproprevie.Etiln’yaqu’unseulmoyendelefaire:rentrerchezmoi.EnarrivantaulycéedeFremontàsixheures,j’ail’impressiond’êtreunétranger.Jenesuispasvenu

ici depuis des semaines mais il me semble que ça fait une éternité. À la vue du terrain de footballaméricain,j’aienviedemettremonéquipementetdejouer.

JesavaisqueDieterseraitlàenavance,commed’habitude.—Salut,coach!dis-jeenfrappantàlaporteouvertedesonbureau.Ilreposelespapiersqu’iltientàlamainetmedévisagecommes’ilavaitvuunfantôme.Ilneditrien.Jem’avancedoncdanssonbureau.—Jevoulaisvousparler.

Jerepenseàcefameuxjoursurleterrain,lejouroùmonmeilleuramiestmort.—Je,euh…Leslarmesmemontentauxyeux.Putain!Jelesessuiedureversdelamain.—Assieds-toi,Vic.Ilselèveetrefermelaporte.Unefoisqu’ilest revenuàsonfauteuil, je luidisenfinceque jesuisvenu luidire.Lesmotsont

beaucoupdemalàsortir.—Jesuisdésolépourcequej’aifaitàTrey.Jesuisvraimentdésolé.Je…je…jenevoulaispas

vous décevoir, coach. Si je nem’étais pas jeté aussi violemment sur lui, il serait encore en vie. J’aimerdéetj’aifaitplongerl’équipe.

Leslarmescoulentàflotsdésormais.Jenepeuxpasm’enempêcher.L’hommedevantmoiaétéunmeilleurpèrepourmoiqueceluidontjepartagelesang.Pendantces

troisans,quandj’avaisbesoind’êtrerecadré, ils’estadresséàmoisansm’insulteretsansmetraînerdanslaboue.

—Victor,regarde-moi.J’obéis.J’obéiraisàtoutcequedemandecethommequisacrifieunetellepartiedesaviepourses

joueurs.—Cen’était pas ta faute, affirmeDieter, lesyeuxpleinsde compassion.Trey a succombéàune

crisecardiaque.—Sijeneluiétaispastombédessusaussifort…Mavoixs’éteintcarjenepeuxpasledireàhautevoix.—Vic,écoute-moibien,car jene te lediraiqu’unefois.Treyestmortàcausedeschoixqu’ila

faits.Desmauvaischoix.JenepeuxpasentrerdansledétailcarcesontdesinformationsconfidentiellesetTreyétaitencoremineur,maisilseraitmortquetul’aiesfaitounon.Est-cequetucomprendscequejetedis,fiston?

J’emmagasinesesmots.Treyprenaitdeladrogueetsoncorpsalâché.Jesavaisqued’autrestypesd’autresécolesenprenaient,maisjen’auraisjamaiscruquemonmeilleuramipuissesedroguer.Monikaavaitraison.Treyavaitbeletbiendessecretspourmoi.

—Oui,monsieur,jecomprends.Lesvoixdesautresjoueursquiarriventdanslesvestiairesrésonnentàtraverslesmurs.—Ilfautquej’ailleàl’entraînement,meditDieterenmetendantlamain.C’étaitbondeterevoir,

Victor.Jesuisvraimentcontentquetusoisvenuetsituasbesoindequoiquecesoit,jesuislàpourtoi.Nenouslaisseplussansnouvelles.

C’estlesignalpourmefairepartir.—Jereviensaulycée.—Ravidel’entendre!Ilatoujourslamaintendue,attendantquejelaprenne.Jenelefaispas.—Jeveuxrejouer,coach.Jeveuxvousprouver,àvousetàmescoéquipiers,quejenevousaipas

abandonnés.Ilsefrottelementon.—Tuasdescoursàrattraper,Vic.Jenesaispassil’administrationtelaisserajouer.Enplus,ona

essuyédenombreusesdéfaitesd’affilée.Ilvaudraitpeut-êtremieuxquetunejouespluspourmoi.Avecunregaind’énergie,jepersiste.

— Je vais jouer pour vous, coach, même si je dois me battre contre chaque membre del’administration.

Commeillèveunsourcil,jepoursuis:—Façondeparler!Jeveuxyarriver.Jevouslepromets.Onvagagnerlechampionnatd’État.Je

vouslepromets,coach.Jepeuxaiderl’équipe.J’ensuissûr.JesecouevigoureusementlamaindeDieter,etremarquelesouriretriomphantsursonvisage.—Bonretourparminous,Salazar.

Chapitre52

MONIKA

Vicaditquej’avaistropdesecrets.Jecacheàtousquijesuisvraiment,mêmeàmesmeilleursamis.Jen’aiplusenviedemecacher.Peut-êtrequelasensationquej’airessentieenétantavecVicl’autresoir,êtrevulnérable,pourraitêtrelaclé.Êtrevulnérablem’apermisdem’ouvrir,d’êtrevraie.Jen’aiplusenviedemeplanquerderrièredessecrets,quecesoitceuxdeTrey,ceuxdeVicoulesmiens.

Jeprendsuneprofondeinspiration,m’assoisàmonordinateuretallumemawebcampourfaireunevidéo.

—Bonjour,jem’appelleMonikaetjesuisatteinted’arthritejuvénile.Jerespirelongtempsavantdepoursuivre.—Laplupartdutemps,j’aidesdouleursdanslespoignetsetlesgenoux.Parfois,j’aitellementmal

audosque jedoism’allonger jusqu’àceque ladouleurdisparaisse. J’ai l’impressiond’êtredéjàunepetitevieille.Jen’enaipasparléàmesamiscarjeneveuxpasqu’onmetraitedifféremment.Jeneveuxpasquelesgensmecroientincapabledefairelesmêmeschosesqu’euxetmemettentàl’écart,c’estpourcela que je suis devenue pom-pomgirl. J’ai poussémon corps dans ses derniers retranchements pourcachermasouffranceintérieure.Ladissimulern’ajamaisfaitpartirladouleur.Lacrainted’êtretraitéecomme une handicapée par tout lemonde si l’on découvraitmamaladiem’a fait gardermon arthritesecrète.Maismaintenant,quelqu’undontjesuistombéeamoureusem’aditd’arrêterdecacherquijesuisvraiment.L’heureestvenuedecesserdefairesemblantetderacontermonhistoire.Jenesaispassicelaaideradesgensatteintsd’arthritejuvénileoupermettrademettreunvisagesurlamaladie.Maisvoilàmavie.

Les larmesmemontent auxyeux. Je les essuie et raconte le restedemonhistoire,puis charge lavidéoenligne,accessibleàtous.

Enfin,j’envoieuntextoàVic:

Ilfautquejetemontrequelquechose.

Jeluienvoieleliendelavidéo.Etjem’endorsenscrutantmonportable,dansl’attentedesaréponse.

Chapitre53

VICTOR

Famille.Familia.Cemotrenvoieàtellementdeproblèmes.Jedétestaiscemot.Ilsignifiequel’onestliéàdesgens,qu’onlesouhaiteounon.Ilsignifiequel’ondoitsemontrerdigne,mêmesil’onsefaittapersurlesdoigtsouinsulter,cequifaitencoreplusmal.

Jen’auraisjamaiscruquemesamisseraientunefamilleétendue.Cesontdesgensquitiennentàmoique je sois dans l’équipe ou non, que je sois intelligent ou con, etmême si je fais des conneries quim’attirentdesproblèmes.

C’estinconditionnel.C’estpourcelaquejemedirigechezmoiaprèslescours.Marissamesautedanslesbrascommesij’étaisunchienperduquirentraitàlamaison.Cen’estpas

loindelavérité.— Je suis tellement contente de te voir ! bredouille-t-elle en pleurant. Ou bien est-ce que tu es

revenupourrepartirencoreunefois?—Jesuisderetour.—Etpapa?S’ilneveutpasquetureviennes?—Laisse-moifaireavecnotrevieux,d’accord?Net’inquiètepaspourlui.Danilèvelesyeuxauciel.Elleestassisesurlecanapédevantlatélé.—Sérieux,c’étaitsuperquandtun’étaispaslà,Vic.Papasefichecomplètementdenous,etc’est

parfait.Retourned’oùtuviens.—Ellenepensepascequ’elledit,s’empressed’ajouterMarissa.—Maissi!répliqueDani.D’uncoup,jecomprends:Dani,c’estmoienfille.Unerebelle.Qu’est-cequ’ellevafairecomme

bordel,sijeneveillepassurelle?Danireçoituntexto.—Jesors.—Tuvasoù?—Nousallonsquelquepart,dit-elleenprenantsonsaceten filantvers laporte. J’aiun rendez-

vous.—AvecBonk?—Oui.Ahouais, c’estvrai, tun’étaispas làdonc tun’espasaucourant. Je sors avecMatthew

Bonk.Merde!Jeparsquelquessemainesetquandjereviens,masœursortavecSatan.Elles’envamaisjesuissur

sestalonsetmeglisseàl’arrièredelavoituredeBonktandisqueDanimonteàl’avant.—Qu’est-cequetufousdansmacaisse,mec?Jecroyaisquetuétaismort.Oudumoins,c’estce

qu’onespérait.Jeluilanceunsourirecynique.

—Jesuisderetour.Etavantd’imaginerpasserdutempsseulàseuleavecmasœur,oublie.Jelachaperonne.

Danifaitvolte-faceetmefusilleduregard.—Descendsdebagnole,Vic.Maintenant!—Non.Jemepencheetpasselesbrasautourd’eux.—JesuislefrèredeDani.Tusorsavecelle,tudoist’habitueràm’avoirsurledosenpermanence,

monpote.—Tuesmalade,ditBonk.Écoute,mec,j’aimebientasœur.Jel’aimebeaucoup.Daniluisourit,unsourirenaturelquiadoucitsestraits.—Jet’aimebeaucoup,moiaussi.Ohnon!—Alorsondiraitqu’onvapasserbeaucoupdetempsensemble!Jemerenfoncedanslesiège.—Oùest-cequ’onvadîner?DisàMarissadenousaccompagner.Onsefaitunesortieenfamille.—Tuparlesd’unenfer!faitBonk.C’estexactementça.

Chapitre54

MONIKA

—Est-cequetuasvuVic?demandeBreeenmerejoignantàmoncasierdanslamatinée.Rienqu’enentendantsonnom,j’ailecœurquifaitunbond.

—Non,oùest-il?—Justelà,répondBreeavecungesteversl’autreboutducouloir.VicestavecJetetDerek.Ilrestelemêmegarçonassuré,àl’exceptiondelabarbedetroisjoursqui

s’épaissitlelongdesamâchoireetquilerendplusdur,plusviril.Vicetlesgarçonsontl’aird’êtreaumilieud’uneconversationsérieuse.DereketVic,dumoins.Jet

nesaitpasêtresérieux,alorsjesupposequ’ilplaisantepourévitertoutcequipourraitlefairesortirdesoninsouciancehabituelle.

Soudain,ilssetournenttouslestroisetnousregardent.—Hé,regardezquiestderetour!s’exclameJetjoyeusement.VicestsurprisqueJetaitl’airsincèrementcontentdelevoir.Derek,quineconnaîtVicquedepuis

quelquesmoispuisqu’ilestarrivéàFremontaumilieudel’annéedernière,letapedansledos.Onvoitquelesdeuxontbeaucoupderespectl’unpourl’autre.

Avecdegrandspaslents,Vicavanceversnous.—Bonjour,dit-ilcommesil’onnes’étaitpasvusdepuislongtemps.—Salut,dis-je,nerveuse.Ashtynquis’estavancéelabouchegrandeouverteserreVicdanssesbras.—Tum’asmanqué!—Vousm’avezmanquéaussi,lesgars.Maissilesmecsettoi,vousnevousdonnezpasàfond,je

nerevienspasdansl’équipedefootball.Ashtynetlesgarçonsledévisagent,souslechoc.—Tuvasjoueraufootball?Avecnous?— J’ai parlé à Finnigan. Elle a dit que si je promettais de venir en cours tous les jours sans

exception,ellemelaisseraitjouer.—Oùest-cequetuétaispendanttoutcetemps?demandeBree.—Ouais,intervientJet,onpensaitquetuavaisdisparudelasurfacedelaTerre.Pourêtrehonnête,

mec,c’étaitdéjàassezdifficiledeperdreTrey.Teperdreaussin’afaitqu’aggraverleschoses.Lefaitestqu’onabesoindetasaletroncheparminous,Vic.

—Jem’étaismisdansuntrou.Maisjesuisderetour.Ilcroisemonregardunbrefinstant;sesyeuxbrunsrévèlenttantdesescombatsintérieurs.Jesuis

contentequ’ilsoitlà,mêmesimavidéonereprésenterienpourlui.—Finidetecacher,ditDerek.Jure-moiquetuviendrasnousvoirlaprochainefoisquetuvoudras

disparaître.Vic a l’air étonné qu’on s’intéresse autant à sa vie privée alors qu’elle est aussi compliquée et

douloureuse.—Pourquoiest-cequeçavousintéresseautant?

—Parcequ’onestunefamille!s’écrieAshtyn.Vicsouritcommeungaminquireçoitsonpremiercornetdeglace.—Merci.Çaveutdirebeaucouppourmoi.La première sonnerie retentit, signe que nous n’avons plus que cinqminutes pour nous rendre en

classe.Toutlemondesedisperse,melaissantseuleavecVicdanslecouloir.—Tuasreçumontextohiersoir?—Oui.De toute évidence, il n’a pas compris le message, que je suis en train de changer. C’était une

déclarationd’amourpourlui.—Euh…ilfautquejetedisequelquechose.Treysedroguait,Vic.Ilm’avaitditdeluifoutrela

paixavecçaetj’aiobéi.Situcroisquejeneculpabilisepas,détrompe-toi.Jeculpabilisechaqueminutedechaquejour.

J’essuieunelarmedemonœiletpriepournepascraquer.—Vic,tun’espasresponsabledesamort.Siquelqu’unestresponsable,c’estmoicarjen’airien

dit.Jesensunpoidsdisparaîtredemesépaules.Jeleregarde,dansl’espoirdevoirlemoindresignedechaleuroudepardon.Aulieudeça,ilresteimpassible.—Écoute,Monika,jedoisyaller,répond-il,visiblementpréoccupé.—Oui,d’accord,pasdesouci.Ilfoncedanslecouloiretmoncœurseserre.LaclassedeMrMillerseremplitrapidement.Notreprofesseurestassisaucoindesonbureaualors

quelasecondesonnerieretentit.Vicn’estpaslà.J’entendsdesgenschuchoter,commentantleretourdeVicaulycée.Jemedemandes’ilsèche.—Bonjourà tous, commenceMrMilleren regardant la tabledeVic,onm’aditquenotreélève

disparuétaitderetourmaisdetouteévidenceilne…Soudain,lehaut-parleursonnedeuxfois,pourannoncerunecommunication.—Salut,lesRebels,icivotrerebellepréféré,VictorSalazar.Notreclassevibred’excitation.ToutlemondesedemandecequeVicvanousdire.Iln’ajamaisété

trèscausant,préférants’exprimeravecsespoingsplutôtqu’aveclesmots.—Je,euh.j’aivécuunmomentdifficileaveclamortdeTreyMatthewssurleterrainquandjel’ai

plaqué, poursuit Vic d’une voix douce pleine de sincérité. C’était mon meilleur ami. Je me sentaiscoupable, j’auraisvouluéchangermaplaceaveclasienne.Voussavez,onm’adit très jeunequejeneservais à rien. On m’a rabaissé, traité d’imbécile tant de fois que j’ai commencé à le croire. TreyMatthewsméritaitdevivre,pasmoi.

Savoixsemetalorsàtrembler.— Je continue de décevoir des gens mais la nuit dernière, une fille exceptionnelle m’a fait

comprendrequejen’étaispasinutileetquejepouvaisréparermeserreurs.Jeveuxsimplementluidirequejesuisdésolédel’avoirblesséeetquejepasserailerestedemavieàrattraperlecoupavecelle.Jel’aime tellement ! Elle m’oblige à devenir meilleur et à briser les barrières. Je suis désolé d’avoirabandonnémescoéquipiersetjetravailleraidurpourvousaideràremporterlechampionnatd’État.Et,MrMiller, je comptebienobteniruneexcellentenotepourvotredevoirqui consistait à fairequelquechosehorsnormepourchoquer.J’espèrequevousêtesfierdemoi.

Jeporte lesmainsàmoncœurquibatsi fortetcourshorsdelaclasseretrouverVic.IlestassisdanslebureaudeFinnigan.Elle-mêmesetientàcôtédeluiavecunsourirechaleureux.

—Beautravail,MrSalazar,commente-t-elleunefoislemicroéteint.—Vic!dis-jeleslarmesauxyeux.MonDieu,qu’est-cequej’aimecegarçon!Duràl’extérieuretsivulnérableàl’intérieur.—Tuasditquetum’aimais!—Oui.Jet’aimedepuisqu’onestentrésaulycée.Treyetmoivoulionstouslesdeuxtedemander

desortiravecnous.—Maistul’aslaisséfaire.—Ilétaitmeilleurquemoi.Jen’arrivepasàcroirequeledestinnousréunisseaujourd’hui,aprèstoutcetemps.—Tues intelligent,drôleet terriblementsexy,Vic.Tun’étaispassimplement lemeilleuramide

moncopain.Tuétaismonmeilleuramiaussi.Treynemepoussaitpasàdevenirmeilleure.Toi,si.Etjet’aimepourça.Cequ’ilyavaitentreTreyetmoi,c’étaituneamourettedelycée.Toietmoi,c’estpourtoujours.

—Toujours?fait-ilenhochantlatête.Çameplaît!Jemehissesurlapointedespiedsetl’embrasse,mefichantdujugementdesautresetduqu’en-dira-

t-on.Seslèvreschaudessepressentcontrelesmiennesetmoncorpsfondentresesbras.Finniganseraclelagorge.—Pasdeçaaulycée,vousdeux.C’estdanslerèglement.Vicsourit.—Jeveuxbienallerencolle,luidit-il.Jepenchelatêtedecôté.—Moiaussi.Vicmeserredoucement,soutenantmondosdanssesbraspuissants.—Commenttesens-tu?—Là,jen’aiaucunedouleur.—Bien.Maissituenas,dis-le-moi.Onestensemblemaintenant,tusais.Plusdesecrets,plusde

cachoteries.—D’accord,dis-jeenm’appuyantcontresontorse.J’aijusteunderniersecretàterévéler.—Dequois’agit-il?—J’aiaccidentellementmisduliquidedetransmissiondanstavoitureàlaplacedulave-glace…—Ahvraiment?—Vraiment.Ilsourit.—Jetemontreraicommentrattraperça.Maisjenepeuxpaslefaireaujourd’hui.—Pourquoipas?—Parcequetoietmoiavonsrendez-vousencollepourça…Surce,ilmesoulèveetm’embrasse.Jemesensplusvivanteetheureusequejamais.Jevaispasser

lerestedemavieàluimontrercombienilestspécialetprécieux.C’estmonhéros,legarçonquim’asauvéedemoi-même.

Jemereculeetprendssonvisageentremesmains.—J’aiapprisquelquechosedetoi,Vic.S’attirerdesennuisenvautparfoislapeine.—Là,tumefaisplaisir!dit-ilavecungrandsourire.