du microbiote intestinal au clostridium difficile · ü stratégies visant à restaurer...
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Du microbiote intestinal au Clostridium difficile.
Dr Th Levent. Référent antibiotique-Centre hospitalier de Sambre Avesnois.
DPC- Infectiologie. 14/06/2016
1. Le microbiote intestinal: terra incognita en cours de défrichement.
u Définition: Ecosystème complexe de plus de 1014 micro-organismes, u Plusieurs milliers d’espèces différentes, u 80% des espèces bactériennes sont non cultivables, u Séquençage du gène bactérien codant pour l’ARN 16S = outil permettant
la description de cet écosystème.
Composition d’Homo sapiens : 1,5 à 2 kg de notre poids sont des bactéries, La proportion de gènes humain est de 0,5%! La notion de microbiome : Organe à part entière, Interaction constante système immunitaire-flore intestinale.
Description du microbiote intestinal: u Colonisation du TD dès la naissance, u Prédominance des anaérobies, u 2/3 des espèces dominantes sont propres à chaque individu, u Extraordinairement stable dans le temps,
Entité structurée et fonctionnelle qui en fait un organe caché.
Principales fonctions: u Digestion, production de nombreux métabolites, u Effet barrière à la colonisation des bactéries pathogènes, u Rôle majeur dans la stimulation permanente du système immunitaire.
Equilibre perturbé au cours de certaines maladies inflammatoires intestinales
u Joue un rôle dans l’obésité, la carcinogénèse colique…
Connaissance et étude du microbiote intestinal en pleine explosion1: u Limites des cultures bactériennes , u Explosion des découvertes depuis les outils moléculaires:
ü Répertoire des gènes: le métagénome, ü Soit plus de 4 millions de gènes (150x plus que le génome humain), ü Un noyau métagénomique commun, un métagénome spécifique.
Nau. JY. Qu’est-ce qu’un microbiote intestinal normal? Rev Med Suisse 2011;7:1435a-1435a
Notion d’ »eubiose» et de «dysbiose».
Eubiose: Microbiote normal du sujet sain (état d’homéostasie*)
Dysbiose: u Microbiote avec «distorsion», u Etat hautement pertinent pour les grandes pathologies ayant une
composante immune (maladies inflammatoires, immunes, dégénératives), u Perspective:
ü d’études sur les mécanismes reliant dysbiose et pathologies, ü Stratégies visant à restaurer l’homéostasie de l’eubiose
* Capacité d’un système à conserver son milieu intérieur en équilibre.
Agents infectieux et cancers. Rôle du microbiote
Infection à H pylori et cancers1. u Facteurs génétiques mais…. u Certaines souches d’H pylori:
ü Possèdent un îlot de pathogénicité cag, ü Production d’une oncoprotéine Cag A
1. Varon. C et al. Infection à H pylori et cancer gastrique. Revue Francophone des Laboratoires- Novembre 2013-N° 456
Agents infectieux et cancers.
Infection à H pylori et cancers1. u Facteurs génétiques mais…. u Certaines souches d’H pylori:
ü Possèdent un îlot de pathogénicité cag, ü Production d’une oncoprotéine Cag A
Cancer colorectal et génotoxines du microbiote intestinal2. u Certaine souche de E coli synthétisent la colibactine u Colibactine:
ü induit des cassures doubles brins (ADN des cellules de la muqueuse intestinale),
ü D’où une instabilité chromosomique, ü Puis mutations génétiques moteurs de la carcinogénèse.
u Modèle murin: E coli producteur de colibactine, effet promoteur oncogène. 2. Petit. C et al. Rôle des génotoxines produites par des bactéries du microbiote dans le cancer colorectal. Revue Francophone des Laboratoires- Novembre 2013-N° 456
1. Varon. C et al. Infection à H pylori et cancer gastrique. Revue Francophone des Laboratoires- Novembre 2013-N° 456
Pour en revenir au Clostridium difficile
2. L’agent causal.
ü Bacille Gram positif anaérobie sporulé, ü 15-25% des diarrhées post-antibiothérapie, ü 95% des CPM, ü 1° cause de diarrhée nosocomiale.
3. Epidémiologie.
3.1. Incidence: ü 0,5 -3/ 10 000 JH ü 70% nosocomial à l’hôpital. ü Epidémies fréquentes en institution, ü En ville,
² épidémiologie mal connue, mais incidence en augmentation, ² ICD communautaire (sans facteur de risque: ATB).
3.2. Portage asymptomatique: ü 3% de la population (souche non toxinogène) ü Porteur sain = réservoir
3.3. Constats inquiétants: ü Les ICD deviennent difficiles à traiter, ü Patient atteint= 2,5 x plus de risque de décéder dans les 30j1, ü La(es) récidive(s)= problème majeur ü Impacts médico-économiques importants,
² Durée d’hospitalisation prolongée de 1 a 3 semaines2, ² Surcoût moyen de 11 366 euros/séjour pour une récidive2.
1. Hensgen, CID, 2013, 2. Etude ecodif 2011, CHE, 2009.
3.4. Problèmes en médecine générale: ü Augmentation de prescriptions des ATB en MG, ü Large prescription des IPP, ü Taux croissant de patients à risque en milieu communautaire, ü Difficulté de dépistage, ü Population considérée sans risque,
Tendances observées: ü Antibiothérapie FR majeur mais pas le seul. Souvent absence
d’exposition aux ATB, ü Errance diagnostiques, donc augmentation des formes sévères, ü Patient plus jeunes, fréquence de la souche O27
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Nb cas
Semaines
O27+ acquis O27 -
Récidive O27
CH Maubeuge CH Avesnes
O27+ importé
Le cas de Cd O27: CH Hautmont en 2006
Nb de cas coût
41 148 538 €
Potentiel épidémique évident.
3.4. Mode de transmission: ü Féco-orale, ü Résistance importante dans l’environnement (forme sporulée), ü Source environnementale = réservoir,
3.5. Facteurs favorisants: ü Hospitalisation prolongée, densité de soins importante, contacts entre
patients, ü Age supérieur à 65 ans, ü Antibiothérapie:
² C2G et C3G, ² Amox-Ac clavulanique, ² Clindamycine, FQ, macrolides ² Déséquilibre de la flore et colonisation possible par Cd.
4. Physiopathologie.
3 éléments concourent à la survenue d’une ICD: « Une diminution de la résistance à la colonisation par Cd, « L’acquisition d’un Cd, « La sécrétion de toxines.
Toxines A-B Entérotoxiques et cytotoxiques
« Lésion des entérocytes, « Réaction inflammatoire +++
Aucun facteur prédictif évolutif vers une forme sévère ou non
5. Diagnostic clinique.
5.1. Diarrhée simple post-antibiotiques: ü Diarrhée et signes généraux modérés ü Amélioration clinique à l’arrêt des ATB en 24-48h.
5.2. CPM: ü Diarrhée abondante, glaireuse (≥ 7 épisodes/j), ü Douleurs abdominales, déshydratation, T°, ü Hyperleucocytose élevée (jusqu’à 80 000 PN/mm3), ü Coloscopie: pseudo-membranes, ü Complications: choc septique, mégacôlon toxique, perforation colique.
5.3. Récidives: LE PROBLEME! ü 20% des cas ü Si récidive 1: risque de récidive 2 = 40%, ü Si récidive 2: . risque de récidive 3 = 60%, ü Mécanisme:
² persistance de forme sporulée (70% = rechute), ² Réinfection (30% = nouvelle souche), ² !!! Rôle de l’environnement (gîte).
Récidives: § Réapparition de l’ICD dans les 8 semaines suivant un premier
épisode résolutif sous TT bien conduit, § ≠ De l’échec (pas d’amélioration sous TT, § ≠ Nouvel épisode (Sup 8 semaines)
5.4. Définition d’une ICD ü Diarrhées ou mégacôlon toxique, Et ü GDH + Et PCR +
5.5. Exclus de la définition: Patient asymptomatique et Culture de selle + pour Cd et GDH+ et toxines-PCR -
5.6. Définition d’un Cas sévère: ü Patient transféré en réanimation, ü Mégacôlon, perforation , colite réfractaire, ü hyperleucocytose ≥ 20 000 /mm3,
ü Signes de sepsis.
Etape 1: Dépistage de la présence de Cd
6. Le diagnostic microbiologique:
Recherche de GDH1
Absence de Cd Présence de Cd
1. Glutamine déshydrogénase
Etape 1: Dépistage de la présence de Cd Recherche de GDH1
Absence de Cd Présence de Cd
Etape 2: Dépistage de toxines PCR
Souche toxinogène
Tests Avantages Inconvénients
GDH VPN +++++, sensibilité Peu spécifique
PCR Spécificité et sensibilité ++++ Coûteux
En pratique: ² En cas de suspicion clinique, faire une recherche de GDH, ² Si GDH +, le laboratoire réalisera une PCR pour confirmer le caractère
toxinogène de la souche, ² Ne plus prescrire de recherche de toxines, ² Une GDH ne sera pas demandée et recherchée:
u sur des selles moulées, u En cours ou en fin de traitement, u ! Il persiste un portage asymptomatique en fin de traitement.
7. Thérapeutique.
7.1 Traitement du premier épisode.
Forme légère: Arrêt des ATB
Forme modérée: ² Flagyl® PO, 500 mg/8h pendant 10j, ² Dificlir® PO, 200 mg/12h pendant 10j
Forme sévère d’emblée, Ou Absence de réponse après 3-5j de Flagyl® ou Dificlir®:
² Vancomycine 125-250 mg/6h pendant 10j
Forme compliquée (iléus, mégacôlon, choc toxique): ² Vancomycine 500 mg/6h pendant 10j (lavement* ou SNG) ² Et Flagyl IV, 500 mg/8h
* 500 mg dans 100 ml de solution saline/4-6h
Traitement Posologie Durée
Vancomycine 125-250 mg/6h PO Puis 125-250 mg/J tous les 2-3J
10 jours
3-4 semaines
Fidaxomicine 200 mg/12h 10 jours
7.2. Traitements des récidives multiples
§ Pas de Flagyl, § Aucun intérêt à augmenter la posologie de la Vancomycine
8. Les nouveautés thérapeutiques.
La Fidaxomicine (Dificlir®)
þ Lactone macrocyclique, spectre étroit, þ Absorption digestive quasi nulle, tolérance excellente, þ Non infériorité (FDX 200 mg/12h Vs vanco 125 mg/6H, 10jours)*, þ Mais moindre récurrences dans les 4 semaines suivant la fin du TT (26,9%
vanco Vs 12,7 FDX, p < 0,01).
* Critère principal: guérison en fin de tt
En pratique: cibler les indications, þ En première intention dans les situations où une antibiothérapie curative
autre ne peut pas être stoppée (situation la mieux documentée), þ Coût: 200-250 €/J soit 2 000-2 500 €/traitement…. Contre-indications: þ Enfants, þ Femme enceinte.
Cattoir et al. Fidaxomicine, un nouveau traitement pour les infections à C difficile. Journal des Anti-infectieux (2012) 15,32-38.
La transplantation fécale1.
þ Infusion d’une suspension fécale d’un sujet sain vers le tube digestif d’un autre individu,
þ Objectif: restaurer une écologie microbienne adaptée (microbiote déséquilibré),
þ Indication: récidives multiples. þ Résultats: taux de guérison de 92%.
Fumery et al. Intérêt et technique de la transplantation fécale. Journal des Anti-infectieux (2013) 15,187-3192.
þ Donneurs: u même famille, sélection à la manière des dons du sang, u Il existe des contre-indications (HIV, Hépatites, Toxicomanies…), u Dépistage: Cd et toxines, parasites…
þ La préparation: Solutions salines (500 ml) + 200-300 g de selles, filtration.
þ Le transfert: voie haute ou basse.
Cette méthode est en cours d’évaluation et de formalisation.
þ Au 3° épisode après vérification du diagnostic et du traitement de chaque épisode,
þ Reporter si patient justifie d’un ATB prolongée, þ A ce jour pas de CI à la TMF.
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1 TF x TF Vancomycine Vancomycine + lavage colique
P = 0,003
P = 0,008
P < 0,001
P < 0,001
Van Nood. Et al. N Engl J Med 2013;368(3): 407-15
Proportion de guérisons sans
rechute (%)
Réduction très significative du risque de récidive
9. La prévention.
Recommandations
u Signes et histoire clinique faisant évoquer une ICD, u GDH et PCR +.
Mesures barrières: Chambre seule, voire cohorting si plus de 2 cas,
Précautions complémentaires spécifiques aux ICD: ü Gants ü SHA avant contact, ü Lavage des mains puis SHA après contact ü Surblouse à manche longue si contact étroit, ü Tablier plastique si soins mouillants, ü Locaux: nettoyage puis eau de Javel (spores)
La prévention repose sur le bon usage des antibiotiques
Isolement
Diarrhées glaireuses (≥3/j) Antibiothérapie
- +
PCR -
Traitement
Isolement
GDH
PCR +
72h sans diarrhées
Lever l’isolement
10. Question-réponses.
Questions Réponses
Bionettoyage: combien de fois/j Une fois au minimum
Vaisselle à usage unique Aucun intérêt
Eau de Javel Oui, active sur les spores
Quand faire des coprologies de contrôle Jamais, aucun intérêt
Quand lever l’isolement Selles moulées
Doit-on prendre des précautions standard Toujours
Protocole pour la douche d’un patient avec une ICD Non