e reputation these doctorat camille alloing

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1 Université de Poitiers Ecole Doctorale Sociétés et Organisations Laboratoire CEREGE Processus de veille par infomédiation sociale pour construire l’e-réputation d’une organisation Approche par agents-facilitateurs appliquée à la DSIC de La Poste Thèse de Doctorat en Sciences de l’Information et de la Communication Présentée par Camille Alloing Sous la direction de Christian Marcon et Nicolas Moinet Jury M. Serge Agostinelli, Professeur des universités en sciences de l’information et de la communication à l’Université d’Aix-Marseille – Rapporteur M. Madjid Ihadjadene, Professeur des universités en sciences de l’information et de la communication à l’Unversité Paris 8 Vincennes-Saint-Denis – Président M. Christian Marcon, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, HDR, à l’Université de Poitiers – Directeur Mme. Louise Merzeau, Maître de conférences en sciences de l’information et de la communication, HDR, à l’Université Paris Ouest Nanterre - Rapporteur M. Nicolas Moinet, Professeur des universités en sciences de l’information et de la communication à l’Université de Poitiers – Directeur M. David de Amorim, Directeur Innovation SI, Prospective & Force d’Action Rapide, DSIC de La Poste - Invité tel-00915004, version 1 - 6 Dec 2013

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  1. 1. 1 Universit de Poitiers Ecole Doctorale Socits et Organisations Laboratoire CEREGE Processus de veille par infomdiation sociale pour construire le-rputation dune organisation Approche par agents-facilitateurs applique la DSIC de La Poste Thse de Doctorat en Sciences de lInformation et de la Communication Prsente par Camille Alloing Sous la direction de Christian Marcon et Nicolas Moinet Jury M. Serge Agostinelli, Professeur des universits en sciences de linformation et de la communication lUniversit dAix-Marseille Rapporteur M. Madjid Ihadjadene, Professeur des universits en sciences de linformation et de la communication lUnversit Paris 8 Vincennes-Saint-Denis Prsident M. Christian Marcon, Matre de confrences en sciences de linformation et de la communication, HDR, lUniversit de Poitiers Directeur Mme. Louise Merzeau, Matre de confrences en sciences de linformation et de la communication, HDR, lUniversit Paris Ouest Nanterre - Rapporteur M. Nicolas Moinet, Professeur des universits en sciences de linformation et de la communication lUniversit de Poitiers Directeur M. David de Amorim, Directeur Innovation SI, Prospective & Force dAction Rapide, DSIC de La Poste - Invit tel-00915004,version1-6Dec2013
  2. 2. 2 LUniversit de Poitiers nentend donner aucune approbation ni improbation aux opinions mises dans les thses. tel-00915004,version1-6Dec2013
  3. 3. 3 Je suis comme tout le monde, mais dune manire diffrente (Catherine Grimaldi) A ma mre qui ma appris vivre avec des quilibres A Maureen et au futur nous tel-00915004,version1-6Dec2013
  4. 4. 4 Remerciements Je tiens tout dabord remercier les membres du jury pour lhonneur quils me font de lire et de questionner mon travail, ainsi que pour leurs recherches qui ont inspir mes rflexions : Madjid Ihadjadene pour ses travaux sur la recherche dinformation et les pratiques informationnelles, Serge Agostinelli pour ses analyses sur les artefacts ainsi que nos changes durant des colloques, et Louise Merzeau pour ses recherches sur le web et sa mmoire autant que pour nos conversations numriques. Cette thse naurait pas vu le jour sans les conseils aviss et le soutien dans des moments parfois difficiles de mes deux directeurs. Nicolas Moinet, qui depuis six ans suit mes avances dans le monde de lintelligence conomique et de la recherche, et qui a su morienter de manire stratgique dans les mandres de mes rflexions et des impratifs de jeune chercheur. Merci pour tous tes conseils et ta sympathie. Christian Marcon, qui aprs mavoir fait dcouvrir lintelligence conomique il y a de cela sept ans ma accueillie lIcomtec, ma permis de faire mes premires confrences sur le- rputation et ma donn got la recherche. Merci de mavoir guid et davoir t prsent chaque moment de russite comme de doute. Ce travail de recherche ne se serait pas concrtis sans David de Amorim qui a fait le choix de dvelopper la recherche La Poste mtier Courrier et ma soutenu dans mes dmarches, et que je tiens remercier ici. Ainsi que tous mes collgues postiers qui mont accompagn durant ces trois annes : Eric, Jean-Michel, Naura, Chady, Victorine, Marie-Laure, Olivier, Marie-Liesse, Patrice Et David Fayon pour mavoir offert une riche collaboration concrtise par un ouvrage. La recherche est une aventure humaine, et je tiens ici remercier tous les chercheurs qui mont accord un peu de cette humanit en moffrant de leur temps et de leur attention pour rpondre mes interrogations ou me proposer de travailler avec eux. Merci Thomas Stenger pour ses conseils et pour mavoir donn loccasion de prsenter mes recherches des collgues confirms, Alexandre Coutant pour mavoir incit dconstruire une notion avant de proposer un concept, Julien Pierre pour nos travaux pistmologiques et industriels, Marie Haikel-Elsabeh pour son soutien et notre travail sur les leaders dopinion, Olivier Le Deuff et Antonio Casilli pour nos changes numriques ou non Et tous ceux croiss en colloque ou ailleurs et que jai oubli ici. Je remercie Christophe Deschamps qui, malgr mes rticences, ma incit ouvrir un blog, et a eu la bonne ide de me proposer comme sujet le-rputation. Un blog qui ma permis de rencontrer et dchanger avec de nombreux professionnels : Fred (et son dtecteur anti-bullshit), Flavien (Le modrateur), Antoine D (et son ct obscur), Anne-Laure, Dorothe, Thibault, Silvre, Stphanie, Hanah, Tahiry, Antoine M, Nicolas, Gautier, Aref Et de nombreux autres. Enfin, je remercie du fond du cur celles et ceux toujours prsents pour moi depuis tant dannes. Mes amis Olivier, Gilles (aka Tonton), Vince, Julien et Terry. Les femmes de ma vie : ma grand-mre, Julia, Clara, et ma maman qui ma appris vivre libre (puisses-tu tre fire de moi l o tu es). A la plus belle dentre toutes, celle sans qui ce travail aurait peu de saveur et qui ma rassur (et support) au-del du raisonnable : Maureen. Merci vous. tel-00915004,version1-6Dec2013
  5. 5. 5 Rsum Cette recherche-action mene au sein de la DSIC de La Poste sintresse la rputation des organisations et son pendant numrique (le-rputation) par le prisme des sciences de linformation-communication. Elle propose le dveloppement dun processus et dun dispositif de veille stratgique par infomdiation sociale permettant une organisation dvaluer, de grer et in fine de construire son e-rputation. Dans un premier temps, nous prsentons un cadre thorique de la rputation des organisations comme objet info-communicationnel. Puis nous abordons le-rputation (ou rputation en ligne) des organisations comme une information stratgique constitue de lensemble des indicateurs issus de la commensuration des interactions intentionnelles endognes ou automatises des communauts virtuelles avec lorganisation : productions dopinions, notations ou encore agir des publics. Dans un deuxime temps, nous nous questionnons sur les moyens disposition du groupe La Poste pour construire cette e-rputation. Par construction , nous entendons la manire de structurer lenvironnement informationnel dans lequel les publics de lorganisation voluent chaque jour sur le web dit social, et plus spcifiquement sur la plate-forme Twitter. Dans ce cadre, nos observations empiriques nous permettent de mettre en exergue, de questionner et danalyser des utilisateurs du web dont les pratiques informationnelles nous amnent les qualifier dagents-facilitateurs , et dont la caractristique principale est de participer la prescription informationnelle et la mdiation documentaire sur le web. Suite lobservation de certains de ces agents et la production dune typologie, nous proposons un modle et un processus de veille les intgrant. Processus dont les rsultats oprationnels au sein de La Poste mettent en avant la ncessaire prise en compte et analyse des pratiques de recommandation des internautes au sein des rseaux socionumriques afin que lorganisation construise son e-rputation de manire proactive. MOTS-CLES : E-REPUTATION, AGENTS-FACILITATEURS, WEB SOCIAL, INFOMEDIATION SOCIALE, VEILLE STRATEGIQUE, RESEAUX SOCIONUMERIQUES, IDENTITE NUMERIQUE, AUTORITE REPUTATIONNELLE, TWITTER, INTELLIGENCE ECONOMIQUE, RECHERCHE-ACTION tel-00915004,version1-6Dec2013
  6. 6. 6 Abstract This research within La Poste's DSIC is focused on corporate reputation and on e-reputation through the prism of information and communication sciences. It proposes the development of a web monitoring and a social search process enabling to assess, manage and build online reputation. At first, we present a theoretical framework for corporate reputation as an info-communicational object. Then we discuss corporate e-reputation such as a strategic information made up of all commensuration indicators constituted by intentional (endogenous or not) interactions with the virtual communities and the firm : productions of opinions, assessment or public behavior. In a second step, we investigate how La Poste group can build its e-reputation. By "build" we mean the way to structure the informational environment where customers evolve each day on social web, and more specifically on the Twitter platform. In this context, our empirical observations allow us to highlight, question and analyze, web users whose informational practices permit us to qualify of "facilitators-agents", and whose main characteristic is to participate in informational prescription and the documentary mediation on the web. After the observation of some of these agents and the production of a typology, we propose a model and a monitoring process to integrate them. Our process's results in La Poste show the need to take into account and analyse recommendation practices on social networks to build corporate e- reputation proactively. KEY-WORDS : ONLINE REPUTATION, FACILITATORS-AGENTS, SOCIAL WEB, SOCIAL SEARCH, WEB MONITORING, SOCIAL NETWORKS, DIGITAL IDENTITY , REPUTATIONAL AUTHORITY, TWITTER, COMPETITIVE INTELLIGENCE, ACTION-RESEARCH tel-00915004,version1-6Dec2013
  7. 7. 7 Avant-propos Nous tenons signaler aux lecteurs certains choix oprs, et ce pour faciliter la lecture de notre texte. Lensemble des auteurs cits dans le corps de notre texte le sont entre parenthses sur le modle (Auteur, Anne, Page de la citation) afin de faciliter la lecture, et sont rfrencs dans la bibliographie. Ainsi que nous lexplicitons dans notre premier chapitre nous avons eu recours de nombreux articles scientifiques publis ou conservs en ligne. Si certaines citations sont issues de ces articles mis disposition sur Internet, nous nen prcisions pas le numro de page. Le lecteur pourra se rendre notre bibliographie afin dy trouver le lien hypertexte dirigeant vers larticle. A linverse, toute lecture effectue sur papier comporte le numro de page de la citation. Nous avons choisi de ne rfrencer dans notre bibliographie que les articles ou ouvrages scientifiques. Les rfrences , par exemple, des billets de blog ou des articles de presse en ligne se trouvent en notes de bas de pages et ne sont pas intgres notre bibliographie. Les indexes de notre texte ont t regroups dans un document part afin de faciliter leur lecture et le ncessaire va et vient avec notre texte. Certains passages son extraits darticles scientifiques que nous avons publis durant notre travail doctoral. Plus quune reproduction lidentique, ces passages ont t amnags et nous prcisions systmatiquement chaque partie o nous les employons la rfrence de ces articles. Enfin, lensemble des URL prsentes dans notre texte ont t consultes et vrifies le 15 fvrier 2013. Dans lhypothse o, lors de la lecture, certaines dentre elles ne sont plus accessibles, nous invitons le lecteur se rendre sur le site http://web.archive.org afin den obtenir une version antrieure. tel-00915004,version1-6Dec2013
  8. 8. 8 Sommaire REMERCIEMENTS 4 RESUME 5 ABSTRACT 6 AVANT-PROPOS 7 SOMMAIRE 8 LISTE DES ABREVIATIONS ET DES SIGLES 12 INTRODUCTION GENERALE ET MISE EN CONTEXTE 14 1. CONTEXTE DE LA RECHERCHE : UNE RECHERCHE-ACTION A LA DIRECTION DES SYSTEMES DINFORMATION DE LA POSTE METIER COURRIER 17 2. LE CIFRE : UN CONTEXTE PARTICULIER ? 24 3. PRESENTATION DU PLAN DE LA THESE 29 PARTIE 1. CADRAGE THEORIQUE ET CONTEXTUEL DE LANALYSE 30 INTRODUCTION DE LA PARTIE 1 31 CHAPITRE 1. STRATEGIE DE RECHERCHE 32 INTRODUCTION DU CHAPITRE 1 33 1. ELEMENTS NOTIONNELS ET DE CONTEXTE 34 2. OBJECTIF DE LA RECHERCHE 41 3. POSTULATS ET PROBLEMATIQUE(S) 42 4. DEMARCHE DE RECHERCHE 46 5. HYPOTHESES 58 6. UNE RECHERCHE EN SIC 60 7. QUELQUES ELEMENTS METHODOLOGIQUES UN DOCTORANT 2.0 ? 62 CONCLUSION DU CHAPITRE 1 73 CHAPITRE 2. ANCRAGES THEORIQUES DE LA RECHERCHE 74 INTRODUCTION DU CHAPITRE 2 75 1. APPORTS DES THEORIES DE LINFORMATION 76 tel-00915004,version1-6Dec2013
  9. 9. 9 2. APPORTS DES THEORIES DU DOCUMENT 83 3. APPORTS DES THEORIES DE LA COMMUNICATION 92 4. LINTELLIGENCE ECONOMIQUE 99 5. APPORTS DES PHENOMENOLOGIES 109 6. APPORTS DES EPISTEMOLOGIES CONSTRUCTIVISTES 117 CONCLUSION DU CHAPITRE 2 122 CHAPITRE 3. LE WEB ET SES MEDIAS SOCIAUX 125 INTRODUCTION DU CHAPITRE 3 126 1. INTERNET ET LE WEB DIT 2.0 OU SOCIAL : HISTOIRE ET CARACTERISTIQUES PRINCIPALES 127 2. VERS UNE TYPOLOGIE DES APPLICATIONS WEB 141 3. SOCIABILITES ET COLLECTIFS 161 4. QUELQUES ASPECTS INFORMATIONNELS : ATTENTION, IDENTITE NUMERIQUE, PRESCRIPTION ET DIFFUSION 169 CONCLUSION DU CHAPITRE 3 187 CONCLUSION DE LA PARTIE 1 188 PARTIE 2. DE LA REPUTATION A LE-REPUTATION 189 INTRODUCTION DE LA PARTIE 2 190 CHAPITRE 4. LA REPUTATION DES ORGANISATIONS 191 INTRODUCTION DU CHAPITRE 4 192 1. REPUTATION : DEFINITION COURANTE, ETYMOLOGIE ET HISTOIRE 193 2. REPUTATION : REVUE DE LITTERATURE 195 3. IMAGE ET IDENTITE DE MARQUE, NOTORIETE, RUMEUR QUELLE(S) DIFFERENCE(S) ET ARTICULATION(S) AVEC LA REPUTATION ? 214 4. REPUTATION ET OPINION 225 5. LA REPUTATION COMME EVALUATION : QUELS APPORTS AUX DECISIONS DE LORGANISATION ? 235 6. LA REPUTATION COMME CONNAIT-SENS ET CONNAISSANCE 243 7. VERS UN CADRE CONCEPTUEL EN SIC DE LA REPUTATION DES ORGANISATIONS 247 CONCLUSION DU CHAPITRE 4 250 CHAPITRE 5. E-REPUTATION : CONSTRUIRE LE CONCEPT EN DECONSTRUISANT LES PRATIQUES 251 INTRODUCTION DU CHAPITRE 5 252 1. BREF HISTORIQUE 253 2. LE-REPUTATION VUE PAR SES PRATICIENS 256 3. LE-REPUTATION DES ORGANISATIONS DANS LA LITTERATURE SCIENTIFIQUE 291 4. DE LA REPUTATION A LE-REPUTATION : QUELLES TRANSPOSITIONS DES NOTIONS ? 298 5. PROPOSITION DUN CADRE DANALYSE EN SIC POUR LE-REPUTATION DES ORGANISATIONS 307 6. VERS UN CADRE CONCEPTUEL EN SIC DE LE-REPUTATION DES ORGANISATIONS 313 CONCLUSION DU CHAPITRE 5 323 tel-00915004,version1-6Dec2013
  10. 10. 10 CONCLUSION DE LA PARTIE 2 324 PARTIE 3. METHODOLOGIES : IDENTIFICATION DAGENTS-FACILITATEURS ET MISE EN PLACE DUN PROCESSUS VEILLE 326 INTRODUCTION DE LA PARTIE 3 327 CHAPITRE 6. METHODOLOGIES DE COLLECTE DES DONNEES ET PREMIERS RESULTATS 328 INTRODUCTION DU CHAPITRE 6 329 1. UNE ENQUETE AUPRES DES DIRIGEANTS ET MANAGERS DE LA POSTE 330 2. METHODOLOGIE DE COLLECTE DE DONNEES WEB : UN PROCESSUS DE VEILLE STRATEGIQUE ET DE RECHERCHE DINFORMATION APPLIQUE AU CAS DIGIPOSTE 361 3. RESULTATS ET DISCUSSION 377 CONCLUSION DU CHAPITRE 6 386 CHAPITRE 7. LES AGENTS-FACILITATEURS 388 INTRODUCTION DU CHAPITRE 7 389 1. VERS UNE TYPOLOGIE DES AGENTS-FACILITATEURS 391 2. AGENTS-FACILITATEURS : RECOMMANDATION, MEDIATION ET AUTORITE 416 3. AGENTS-FACILITATEURS ET E-REPUTATION 439 4. SYNTHESE 448 CONCLUSION DU CHAPITRE 7 451 CHAPITRE 8. DISPOSITIF DE VEILLE PAR AGENTS-FACILITATEURS POUR CONSTRUIRE LE- REPUTATION 452 INTRODUCTION DU CHAPITRE 8 453 1. ETAT DES LIEUX DES DEMARCHES DE VEILLE EXISTANTES A LA POSTE 455 2. QUEL PROCESSUS ET DISPOSITIF DE VEILLE PAR AGENTS-FACILITATEURS ? 459 3. APPLICATION DU DISPOSITIF 472 4. LES AGENTS-FACILITATEURS AU-DELA DE LA SURVEILLANCE ET DE TWITTER 483 5. LA NECESSAIRE PRISE EN COMPTE DU MANAGEMENT DE LINFORMATION 490 6. LA VEILLE POUR CONSTRUIRE LE-REPUTATION : RETOUR SUR NOS PROBLEMATIQUES ET PROPOSITION DUN MODELE 497 CONCLUSION DU CHAPITRE 8 502 CONCLUSION DE LA PARTIE 3 503 CONCLUSION GENERALE ET PERSPECTIVES 505 1. SYNTHESE DE NOS CONTRIBUTIONS 506 2. CE QUE NOUS AVONS VOULU MONTRER 510 tel-00915004,version1-6Dec2013
  11. 11. 11 3. CE QUIL NOUS RESTE A ABORDER 512 4. NOS PERSPECTIVES DE RECHERCHE 514 BIBLIOGRAPHIE 516 TABLE DES MATIRES 559 LISTE DES FIGURES 566 LISTE DES TABLEAUX 570 tel-00915004,version1-6Dec2013
  12. 12. 12 Liste des abrviations et des sigles A-F : Agent(s)-Facilitateur(s) AIG : Analyse Inductive Gnrale API : Application Programming Interface CdR : Cycle du Renseignement CIFRE : Convention Industrielle de Formation par la Recherche CMS : Content Management System CNRTL : Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales CNU : Conseil National des Universits CS : Crowdsourcing CSS : Centre de Services et Support DH : Digital Humanities DM : Direct Message DSIC : Direction des Systmes dInformation du Courrier FCS : Facteurs Critiques de Succs GCSE : Google Custom Search Engine IE : Intelligence Economique NSF : National Science Foundation PKM : Personal Knowledge Management RA : Recherche-action RcI : Recherche collaborative dInformation RH : Ressources Humaines RI : Recherche dInformation RSE : Responsabilit Sociale dEntreprise RSN : Rseau(x) SocioNumrique(s) RT : Retweet SEO : Search Engine Optimization tel-00915004,version1-6Dec2013
  13. 13. 13 SHS : Sciences Humaines et Sociales SI : Sciences de lInformation SIC : Sciences de lInformation et de la Communication SRI : Systmes de Recherche dInformation TIC : Technologies de lInformation-Communication TMI : Thorie Mathmatique de lInformation UGC : User Generated Content URL : Uniform Resource Locator WOM : Word Of Mouth YP : Yahoo Pipes tel-00915004,version1-6Dec2013
  14. 14. 14 Introduction gnrale et mise en contexte Cest le docteur qui fait la rputation de la maladie, et cest la maladie qui fait la rputation du docteur Aurlien Scholl tel-00915004,version1-6Dec2013
  15. 15. 15 Lorsquun jeune chercheur se lance dans laventure dune thse, lun des premiers conseils que lon peut lui donner est dvaluer la pertinence de ses questionnements par le prisme de ses pairs : est-il en accord avec les rfrences de sa discipline, et ce afin de mieux sinsrer dans celle-ci ? Puis on lui souligne limportance de participer des colloques ou dcrire dans des revues cotes . Mais, au- del de la pertinence de ces ouvrages ou des auteurs quil convoque, comment dfinir ce qui a de la valeur pour ses recherches et surtout son futur de chercheur ? Et, si son objectif premier est de faire avancer la connaissance, quen est-il encore une fois de la valorisation de ses travaux ? Arrive alors la notion de rputation : celle de ses pairs, des revues, des colloques, des travaux quil produit Cette rputation qui, comme le laisse supposer son tymologie latine, permet de calculer limportance dune recherche, tablir des classements de revues, choisir son jury ou encore dfinir ce qui sera accept ou non par la communaut dans laquelle le jeune chercheur souhaite sinscrire. Et si, comme cest le cas pour nous, celui-ci a dvelopp son auctorialit par le biais de plates-formes web tels les blogs, alors la notion de rputation lui apparait encore plus inhrente son positionnement et sa visibilit dans un domaine prcis. Dans le travail de recherche que nous restituons ici, nous ne souhaitons pas aborder la rputation sous langle de son importance dans le monde de la recherche scientifique, mais plutt nous questionner sur sa dimension et son intrt, lheure o Internet est devenu un medium ordinaire pour sinformer et communiquer, pour les stratgies des organisations. Car le dveloppement dun web dit 2.0 ou social , dont un certain imaginaire laisse entendre que linternaute est au pouvoir , semble redfinir les contours de cette rputation des organisations. E-rputation, rputation en ligne, cyber rputation, rputation numrique Un ensemble de termes dont lusage actuel dsigne une myriade de pratiques, de technologies, ou de prestations commerciales. Une notion qui, au niveau de lindividu, questionne les instances tatiques et incite dbats1 . Une notion qui, pour les organisations, amne de nombreux prestataires dvelopper un rel march o les prestations de gestion de cette rputation en ligne se multiplient questionnant alors linstrumentalisation dun objet aux contours encore flous. Aujourdhui, la notion de rputation en ligne nest plus seulement employe ou discute par les seuls praticiens du marketing ou de la communication. Elle est intgre des offres dassurance aux particuliers2 , elle est mise en avant comme un risque grer pour les jeunes internautes 3 , elle bnficie de formations ddies4 , ou encore est discute pour llaboration de certaines normes5 . Au-del de cet usage devenu courant du terme e-rputation ou de ses synonymes, les organisations investissent 1 Voir titre dexemple les recommandations de la Commission Nationale de lInformatique et des Liberts, in Le-rputation en question , http://www.cnil.fr/la-cnil/actu-cnil/article/article/le-reputation-en-questions, 24/08/2011. 2 Voir titre dexemple la Protection Familiale Intgr@le propose par la compagnie dassurance AXA (cf. http://www.axa.fr/prevoyance-protection-des-proches/Pages/protection-familiale-integrale.aspx, sur le site de lassureur). 3 Comme le fait, par exemple, la Mairie de Paris avec son site Soyez net sur le net : http://ereputation.paris.fr. 4 Voir Linstitu Suprieure de lE-rputation , http://www.is-er.com. 5 LAssociation Franaise de NORmalisation (AFNOR) travaille llaboration dune norme pour mieux grer les faux commentaires/avis sur les sites dachats en ligne, afin dviter toute dtoriation volontaire de le- rputation dune organisation (cf. Contre les faux avis de clients, l'Afnor prpare une norme sur le site Numerama, http://www.numerama.com/magazine/21096-contre-les-faux-avis-de-clients-l-afnor-prepare-une- norme.html, 29/12/2011). tel-00915004,version1-6Dec2013
  16. 16. 16 de manire accrue dans les solutions technologiques et prestations de gestion et danalyse de leur rputation numrique6 . Pourtant, les principaux crits sur ce sujet restent majoritairement ceux de praticiens, nous questionnant alors : ne doit-on pas dconstruire cette notion-cran afin de lui donner un cadre danalyse permettant par la suite dinterroger les phnomnes qui la composent autant que ceux qui lont amen clore dans les problmatiques des organisations franaises ? Plus quune simple question smantique ou conceptuelle, le-rputation soulve des problmatiques stratgiques pour les organisations. Sur un web o la popularit est facteur de visibilit, o linfluence prend le pas sur lautorit informationnelle, o lidentit (numrique) des auteurs est gage de crdibilit voire de lgitimit in-former, le-rputation et ses marqueurs documentaires multiples (toiles, notes, avis, like, retweets, etc.) apparaissent comme un point de repre pour les organisations dans ce contexte informationnel numrique. Encore plus quand leurs propres actions ou discours sont valus et deviennent alors tout autant dindicateurs inscrivant les relations passes entre ces organisations et leurs publics, et venant rgir les interactions futures. La rputation en ligne soulve ds lors de nombreux questionnements et une multitude dapproches possibles. En effet, le-rputation apparait comme un objet hybride, encore peu discut dans la recherche franaise, faisant appel pour le circonscrire et lanalyser des approches et courants de pense varis : lconomie, la gestion, la sociologie Qui plus est quand le e vient appuyer lide que la rputation est aujourdhui sous lemprise des dispositifs sociotechniques du web et des technologies de linformation-communication. Un web qui peut tre autant abord par la question des usages et des pratiques de ses utilisateurs, que par les technologies et dispositifs qui lui sont associs. Par cette recherche nous souhaitons dfinir un cadre danalyse de la rputation des organisations, et plus spcifiquement de leur e-rputation , par lapport des Sciences de linformation-communication et des diffrents courants thoriques qui les traversent. Et cela afin de rpondre un questionnement plus oprationnel : comment une organisation peut-elle construire son e- rputation ? Cette construction suppose de bien prendre en compte le contexte organisationnel dans lequel elle doit samorcer, mais aussi de sappuyer sur un outil conceptuel et mthodologique pertinent. En loccurrence pour nous la veille stratgique. Mais cette veille, qui recouvre la collecte et le traitement de linformation, nous amne alors observer un nouveau phnomne lui aussi propre au web dit 2.0 : linfomdiation sociale. En effet, si les dispositifs sociotechniques du web sont apprhendables comme des machines informer et communiquer , certains de leurs utilisateurs en font de rels instruments de prescription de linformation et du document numrique. Prescriptions qui peuvent ainsi devenir un levier de la veille sur le-rputation des organisations, et un moyen pour la construire. Notre problmatique centrale est la suivante : une stratgie de veille sappuyant sur les pratiques dinfomdiation des internautes peut-elle permettre de capter les signaux informationnels participant la construction de le-rputation dune organisation ? 6 Comme le souligne cette tude ralise en 2011 par lObservatoire franais SAS-IDC auprs de 124 entreprises franaises, et o il est indiqu que 40% des entreprises considrent d'ailleurs qu'anticiper et viter les risques concernant la rputation de l'entreprise est l'un des principaux apports des mdias sociaux , et que (en 2011) 30% dentres elles ont investi dans des solutions visant mesurer ces risques (cf. http://www.sas.com/offices/europe/france/actualite/presse/pr300611.html). tel-00915004,version1-6Dec2013
  17. 17. 17 Lintrt de notre recherche est donc double. Dune part dfinir un cadre danalyse info- communicationnel de la rputation en ligne dans le but de mieux dfinir ce terme et cet objet employ aujourdhui de manire courante dans certains discours mdiatiques et par des spcialistes de la question toujours plus nombreux. Dautre part, dfinir une stratgie de veille incluant les pratiques informationnelles de recommandation et de mdiation de linformation propres certains internautes dans lobjectif de capter des signaux informationnels participant la construction de la rputation dune organisation apprhende comme le terrain contextualisant la recherche prsente ici et qui, pour nous, est La Poste. 1. Contexte de la recherche : une recherche-action La Direction des Systmes dInformation de La Poste mtier Courrier En paraphrasant Egard Morin, nous pouvons dire quil ny a pas de ralit objective donne (et nous y reviendrons plus longuement tout au long de cette thse). La ralisation de la recherche que nous prsentons ici sappuie fortement sur une certaine ralit : celle de La Poste et de ses activits. Si nous ne pouvons objectiver le fonctionnement dune entreprise aussi vaste en termes dactivits et complexe dun point de vue organisationnel, il nous semble cependant ncessaire de donner quelques descriptions de son fonctionnement. Cela permettra de mieux situer lintrt de la recherche, mais aussi de se rfrer certains aspects propres cette organisation lors de lexplicitation de choix oprs. De mme, si nous sommes ici dans une recherche-action, qui plus est en contrat CIFRE, il nous parait alors essentiel de mettre en relief les contraintes, tenants et aboutissants dun tel type de recherche scientifique. Et ce, pour permettre aux lecteurs de mieux apprhender le contexte global dans lequel la recherche sest effectue. 1.1.La Poste : une entreprise en mouvement(s) 1.1.1. La Poste : un acteur historique De par son histoire et ses activits, La Poste peut tre vue comme une organisation du quotidien : le maillage territorial sappuyant sur prs de 17000 points de contacts travers la France offre la possibilit une majorit des habitants du territoire daccder aux diverses offres postales. Au-del de sa prsence, La Poste sappuie pour son dveloppement sur son ancrage historique. De la cration doffices de messagers royaux en 15767 en passant par les premires tournes de facteurs dans les 7 Voir : http://www.laposte.fr/legroupe/Nous-connaitre/Histoire/Les-grandes-dates-cles/Chronologie-de-1477- a-1672 tel-00915004,version1-6Dec2013
  18. 18. 18 campagnes en 18308 jusqu la cration dun ministre des Postes et Tlgraphes en 1879, pour enfin obtenir en 2010 un statut de Socit Anonyme, La Poste et ses activits accompagnent les changements aussi bien politiques que socitaux en France depuis de nombreuses annes. Si proposer une vision exhaustive de lhistoire postale mriterait un travail de recherche part entire9 , il semble nanmoins intressant de porter lattention des lecteurs certains changements organisationnels observs au sein de La Poste durant la fin du XXe et le dbut du XXIe sicle : - En 1991 La Poste devient un Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC) obtenant ainsi une plus grande souplesse dans sa gestion et, surtout, dans sa mise en concurrence. Cette modification de statut permettra entre autres la meilleure intgration de la directive 97/67/CE 10 (de 1997) ou Directive Postale mise en place par la Commission Europenne visant libraliser le march des services postaux, confrontant ainsi La Poste lun de ses premiers grands changements en matire de stratgie de dveloppement ; - En 2003, lapplication de la directive 2002/39/CE 11 ouvre la concurrence pour les lettres suprieures 100 grammes (touchant ainsi directement lactivit dacheminement des colis) ; - La loi du 20 mai 200512 vient assouplir le principe de spcialit li au statut EPIC de La Poste, lui permettant ainsi de crer des tablissements de crdits postaux (proposant des offres de crdits immobiliers) ; - En 2006, La Poste accueille La Banque Postale partir du 1er janvier et endosse enfin le statut dune banque 13 ; - Selon le Dcret n 2010-191 du 26 fvrier 2010 fixant les statuts initiaux de La Poste et portant diverses dispositions relatives La Poste 14 , La Poste prend le statut de Socit Anonyme aux capitaux 100% publics. 8 Voir : http://www.laposte.fr/legroupe/LeGroupe2/Nous-connaitre/Histoire/Histoire-de-La-Poste/Histoire-de- La-Poste3 9 Nous pouvons citer tire dexemple la thse de Sebastien Richez Le dveloppement des postes au XIXe sicle : acculturation des franais, implantations et mutations des infrastructures et des personnels par l'illustration de la Normandie, 1830-1914. , Thse dHistoire, sous la direction de J.-P. Daviet, Universit de Caen, 2002, 853 p. 10 Voir larticle de loi sur le portail Eur-Lex : http://eur- lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:31997L0067:FR:HTML. 11 Voir larticle de loi sur le portail Eur-Lex : http://eur- lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2002:176:0021:0025:FR:PDF. 12 Voir larticle de loi sur le portail Legifrance : http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000446769. 13 In : http://www.laposte.fr/legroupe/LeGroupe2/Nous-connaitre/Histoire/Les-grandes-dates- cles/Chronologie-de-1911-a-2010. 14 In Journal Officiel : http://www.journal- officiel.gouv.fr/publication/2010/0227/joe_20100227_0049_sx00.html?verifBaseDir=/verifier&notVerif=0&veri fMod=load.php&verifExplMod=attente.php&ficBaseDir=../publication/2010/0227&joDate=27/02/2010#test9. tel-00915004,version1-6Dec2013
  19. 19. 19 Ce rapide panorama historique nous offre un premier constat : lensemble des changements structurels de La Poste sont engendrs pour les plus profonds dentre eux par des changements dans lenvironnement (juridique, politique, etc.) de lorganisation. La Poste sadapte son contexte afin dassurer la continuit de ses services historiques (le courrier en tte), mais aussi pour lancer ses propres mutations internes, quelles concernent lorganisation de ses mtiers ou de ses filiales ou encore les produits et services proposes aux clients. 1.1.2. Le groupe La Poste En 2012, le groupe La Poste se divise en plusieurs entits aux activits distinctes, appeles mtiers au sein de lentreprise. Ces mtiers sont au nombre de cinq : - Le Colis-express : dont lactivit consiste en lacheminement de colis pour les particuliers (par la marque ColiPoste) et pour les professionnels (GeoPost ainsi que ses filiales linternational) ; - Les activits bancaires pour les particuliers et les professionnels (crdits, pargne, investissements, etc.), avec La Banque Postale ; - Lenseigne La Poste, regroupant les activits de gestion des points de contacts et bureaux de poste travers le territoire ; - La Poste Mobile : lance en mai 2011, cette activit regroupe la vente de forfaits et de tlphones mobiles ; - Le Courrier : o nous avons effectu nos travaux de recherche, et dont lactivit principale consiste en lacheminement des lettres pour les particuliers et professionnels. A noter que le mtier Courrier, par le biais de la holding Sofipost, possde un plus large domaine dactivit, allant du marketing (Mediapost) l'optimisation des processus des relations d'affaires (Docapost). Lensemble de ces mtiers sont coordonns au niveau du groupe (lactivit dite Corporate ) mme si, en pratique, nous avons pu observer durant notre mission de recherche une difficult communiquer entre diverses entits ou mtiers, voire mme dans certains cas une recherche de lgitimit (plusieurs mtiers tant en concurrence sur des problmatiques similaires) amenant parfois certaines formes de conflits. Mais, dans un groupe de la taille de La Poste, cette volont de territorialisation des activits passe ncessairement par un dialogue soutenu entre les divers responsables des mtiers. Car, en 201115 , avec prs de 300 000 collaborateurs (les postiers ), un chiffre daffaires de 21,3 milliards deuros, et 2 millions de clients par jour accueillis dans ses points de contacts, La Poste savre tre une entreprise dont la coordination organisationnelle peut tre complexe. Et ce malgr le cap donn par son dirigeant J-P Bailly au travers des discours et objectifs fixs dans le document Ambition 2015 16 , dont ladaptation au sein de chaque mtier se 15 Voir : http://www.laposte.fr/legroupe/LeGroupe2/Nous-connaitre/L-essentiel-2011 16 Voir : http://www.laposte.fr/legroupe/LeGroupe2/Nous-connaitre/Entretien-avec-Jean-Paul-Bailly tel-00915004,version1-6Dec2013
  20. 20. 20 fait en fonction dobjectifs et de moyens propres chaque activit (la traduction de ces objectifs et ambitions au sein du mtier Courrier sintitulant 2015 Rinventons le Courrier17 ). 1.1.3. Le mtier Courrier, la DSIC et le CSS Innovation SI, Prospective et FAR Nos travaux de recherche sinscrivent donc au sein du groupe La Poste et nous ont amen collaborer avec diffrents mtiers. Cependant, la mission en elle-mme ayant t commandite par la Direction du Courrier, et comme nous lavons soulign le fonctionnement de chaque mtier pouvant parfois relever dintrts et dobjectifs qui leurs sont propres, il nous parait utile de prsenter succinctement lorganisation mme de lactivit Courrier, et dy situer la Direction des Systmes dInformation du Courrier (DSIC) dans laquelle la recherche sest effectue. Lorganigramme suivant18 reprsente lorganisation du Courrier et de ses filiales : 17 Voir : http://www.bnf.fr/documents/qualite_courrier_poste.pdf 18 Issue du site web de La Poste : http://www.laposte.fr/legroupe/LeGroupe2/Nos- activites/Courrier/Organisation-du-Courrier-et-de-ses-filiales/L-organisation-du-Courrier-et-de-ses-filiales tel-00915004,version1-6Dec2013
  21. 21. 21 Figure 1 : Organisation du mtier Courrier et de ses filiales La DSIC, dirige par Michel Foulon, est directement rattache la Direction Gnrale du Courrier. Les missions qui lui sont attribues relvent principalement de la conception, du dploiement et de la gestion des systmes et applications informatiques utiles aux collaborateurs du Courrier aussi bien qu ses clients (entendus ici aussi bien comme clients internes autres directions ou mtiers, quexternes comme dautres organisations). Plus prcisment, notre recherche sest effectue, dans la DSIC, au sein du Centre de Services et Support (CSS) Innovation SI, Prospective et FAR , et dont voici le positionnement au sein de la DSIC : tel-00915004,version1-6Dec2013
  22. 22. 22 Figure 2 : Organisation du CSS Innovation SI, Prospective et FAR Les missions de ce CSS sont subdivises en trois activits : - Innovation SI : mise en place de processus dinnovation visant dfinir de nouveaux produits ou services postaux, ainsi que rpondre des demandes dinnovation de la part des mtiers du Courrier voire du Groupe La Poste ; - Prospective : activits de veille et de prospective sur divers sujets lis principalement aux systmes dinformation et informatiques. Notre mission de recherche tait trs prcisment inscrite dans cette activit ; - Force dAction Rapide (FAR) : production des innovations technologiques (applications mobiles, logiciels, etc.). Afin de donner une dynamique aux activits du CSS, mais aussi proposer un produit aux diffrents mtiers du Groupe et du Courrier, le CSS a dvelopp un processus dinnovation regroupant ses diverses activits et nomm InnovUp. Les rsultats de la mission de recherche sinsrent dans le processus InnovUp. En 2012/2013 les missions dvolues au CSS sont diverses. A titre dexemple nous pouvons citer : la conception & ralisation dune application web relative la remise de plis pour faciliter et dmatrialiser les tches affrentes, la conception et ralisation dune application web permettant tout utilisateur denvoyer des cartes postales via Facebook, le dveloppement dun trois prototypes utilisant la ralit augmente , la ralisation dune application permettant de reconnatre les veines de la main (dans le cadre dune application dauthentification) Au-del de ces missions, soulignons que le dveloppement dune activit comme celle du CSS Innovation SI Prospective et FAR est motive en partie par les profondes modifications du march du tel-00915004,version1-6Dec2013
  23. 23. 23 Courrier, ainsi quau dveloppement dInternet et du web, parfois perus comme destructeurs de lactivit Courrier . 1.1.4. Le courrier : un mdium repenser ? Lactivit Courrier reprsentait en 2011 51,1% du chiffre daffaires total de La Poste (tous mtiers confondus)19 . Selon lAutorit de Rgulation des Communications Electroniques et des Postes (ARCEP) reprise par le site laposte.fr20 le trafic de courrier (tous segments de clientles confondus) a baiss de 5% en 2009 et de 3,5% en 2010. LARCEP note par ailleurs que le volume des objets envoys et reus de l'international [courriers et colis] baisse de 4,4% en 2010, mais ce repli est bien plus faible qu'en 2009 (-10% environ) 21 . Le courrier comme mdium dinformation et de communication entre particuliers apparait donc comme de moins en moins privilgi par les individus, qui plus est pour des changes que nous pourrions qualifier d faible valeur ajoute (lexemple typique tant les lettres damour ou la lettre la grand-mre ). Une question se pose alors : la diminution du volume de courrier est-elle due au dveloppement des technologies numriques dont Internet et ses avatars les rseaux socionumriques (Stenger et Coutant, 2010, A) sont les emblmes ? La rponse cette question est bien entendu plus complexe que la simple dsignation dun bouc missaire ou dun facteur unique comme le dveloppement des usages dInternet. Mais le dveloppement dInternet et ses applications web apparait nanmoins de manire rcurrente dans le discours de certains collaborateurs de La Poste comme facteur aggravant de la perte dintrt des individus pour le courrier et in fine de la baisse du volume total dactivits. En dmontre certains extraits recueillis lors de nos entretiens avec des dirigeants du Groupe La Poste22 : - On a eu une anne 2008 et une anne 2009 assez terribles puisquon a quand mme perdu 80% de notre marge () et peu prs 10% du trafic, donc a nous tait jamais arriv a nous a fait quand mme un peu tout drle ; - Je pense quil y a une part imputable de manire directe sur la baisse de lactivit du Courrier au dveloppement des nouveaux usages et notamment la dmatrialisation ; - Au dpart on disait concurrence technologique , mme si je suis convaincue aujourdhui quon ne parle pas de concurrence () mais disons la menace, sans parler de concurrence, tait bien la menace de la dmatrialisation ; Cette menace de la dmatrialisation des activits comme celle du courrier semble tre lune des principales motivations au lancement dune mission de recherche et au recrutement dun doctorant au sein de la Direction du Courrier. Mission dont voici les contours. 19 Voir : http://www.laposte.fr/legroupe/LeGroupe2/Nos-informations-financieres/Chiffres-cles 20 Voir : http://www.laposte.fr/legroupe/LeGroupe2/Nos-activites/Courrier/Strategie-du-courrier 21 In : http://www.arcep.fr/index.php?id=8837#c19931 22 Et que nous prsentons de manire dtaille dans le Chapitre 6 tel-00915004,version1-6Dec2013
  24. 24. 24 1.1.5. Description de la mission de recherche La mission de recherche se dfinit au travers des constats lis aux activits courrier, et des missions propres au CSS Innovation SI Prospective et FAR. La formulation de la mission lors des premiers contacts effectus avec la DSIC et ses reprsentants peut se traduire synthtiquement de la manire suivante : dfinir afin de mieux apprhender le contexte numrique (i.e. le web dit 2.0 et les usages, principalement valuatifs de ses utilisateurs) dans lequel La Poste et plus spcifiquement le mtier Courrier voluent, afin notamment de mieux y diffuser et communiquer les diverses innovations dveloppes par le CSS. Cette mission vise dfinir une stratgie de veille stratgique axe sur le-rputation des produits et services postaux. Comme nous le verrons par la suite, et plus spcifiquement lors de la prsentation des entretiens effectus au sein de lorganisation, cette volont de mieux sapproprier le contexte informationnel web est lheure actuelle un objectif (et surtout un besoin) clairement dfini par La Poste. Afin datteindre ces objectifs (apprhender le contexte), ou tout du moins den amorcer certains (comme rflchir long terme la dmatrialisation des activits courrier) la DSIC a choisi de nous recruter en contrat CIFRE. Contractualisation de la recherche dont les tenants et aboutissants mritent dtre prciss ici, afin de mieux comprendre en quoi ils ont pu influer sur le travail de recherche en lui-mme. 2. Le CIFRE : un contexte particulier ? Les Conventions Industrielles de Formation par la Recherche (CIFRE) cres en 1981 subventionne[nt] toute entreprise de droit franais qui embauche un doctorant pour le placer au cur d'une collaboration de recherche avec un laboratoire public 23 . Dans notre cas, un contrat (du 5 juillet 2010 au 4 juillet 2013) a t tabli entre la DSIC, le laboratoire CEREGE de lIAE de Poitiers, et nous. Ces conventions offrent la possibilit au doctorant de devenir un salari part entire de lorganisation daccueil, et de bnficier ainsi des droits et avantages propres au statut de salari. Au- del dun certain confort matriel, le doctorant CIFRE est, comme le dmontre lenqute ralise par Rachel Levy (2005) un mdiateur entre les universits et les organisations. Le rle dun doctorant CIFRE, comme cela a t le cas pour nous, ne se limite pas dvelopper un projet de recherche par et pour lorganisation, mais vise surtout raliser un change mutuel de connaissances qui peut dboucher sur la cration de connaissances nouvelles et communes l'ensemble des acteurs du projet (Op. Cit., p. 91). 23 Sur le site de lAssociation Nationale de la Recherche et de la Technologie (ANRT), cf. http://www.anrt.asso.fr/fr/espace_cifre/accueil.jsp?p=1 tel-00915004,version1-6Dec2013
  25. 25. 25 Au-del de la mission donc, le rle dun doctorant CIFRE est aussi douvrir dans un certain sens lorganisation aux spcificits et intrts de la recherche ; et inversement, apporter au laboratoire et lUniversit un ancrage dans le monde de lorganisation (ancrage qui, aujourdhui, est parfois critiqu par les professionnels24 ). Mais cet acte de mdiation influe diffrents niveaux sur les travaux de recherche et la rflexion mene par le doctorant. En effet, dans une organisation comme La Poste o la recherche est prsente dans certains mtiers ayant dj accueilli des doctorants CIFRE, mais dont la Direction du Courrier (et qui plus est la DSI) na pas expriment ce type de relations avec le monde de la recherche , dvelopper une stratgie de recherche ncessite continuellement une forme dvanglisation quant aux intrts et au fonctionnement de tels projets. Cela peut paraitre paradoxal (La Poste ayant elle-mme souhait recevoir un doctorant), mais, de notre point de vue, ncessaire pour amener la recherche son bon terme. La place du doctorant CIFRE est particulire : il doit la fois pouvoir rpondre des besoins spcifiques de lorganisation, tout en respectant les rgles et mthodologies acadmiques propres son champ de recherche. Si cela nest bien entendu pas impossible (et nous esprons que ce travail le dmontrera), certains aspects de ce continuel aller-retour entre lorganisation et le laboratoire, entre les intrts professionnels et ceux acadmiques, jouent dans la construction mme du projet de recherche et dans llaboration de la rflexion. Les diffrences de temporalit tout dabord. Si lorganisation admet quun projet de recherche ne peut fournir des rsultats dans les mmes dlais que des projets plus oprationnels, notre exprience La Poste nous a amen tout de mme proposer des rsultats que nous qualifions dintermdiaires - au fil de notre recherche. Autrement dit, l o un projet de recherche, et qui plus est une thse, ncessite de balayer de manire large un champ disciplinaire et de circonscrire au fur et mesure un terrain de recherche, les attentes envers un doctorant CIFRE et son statut hybride nous ont amen parfois synthtiser certaines rflexions avant mme davoir pu les dvelopper aussi loin que nous le souhaitions. Dveloppement que nous avons men par la suite, mais qui influe inexorablement sur lapprhension de certains sujets. De mme, les rflexions et rsultats produits lors de nos travaux doivent tre intgrs la fois par lorganisation, mais aussi par les instances scientifiques. Sest pos alors nous des questions lies la smantique : peut-on utiliser les mmes terminologies pour lorganisation et pour le laboratoire ? Doit-on fortement modifier le discours tenu La Poste de celui tenu (par exemple) aux directeurs de thse ? Souhaitant rellement effectuer une forme de mdiation entre lorganisation et le laboratoire, nous avons donc choisi dutiliser dans les aspects exprimentaux certaines notions propres lorganisation et plus gnralement au monde professionnel, et de dconstruire ces dites notions dans le cadre de cette thse notamment, tout en nous appuyant sur des terminologies propres la recherche lorsque celles-ci viennent soutenir un rsonnement scientifique. Comme le 24 Voir ce propos le dbat par blogs interposs entre C. Marcon soulignant le manque de prise en compte de la recherche par les blogueurs en Intelligence conomique, in Cest prouv : les bloggeurs en intelligence conomique se f de ce qucrivent les chercheurs en intelligence conomique , en ligne : http://blogs.univ- poitiers.fr/c-marcon/2012/07/02/c%e2%80%99est-prouve-les-bloggeurs-en-intelligence-economique-se- f%e2%80%a6-de-ce-qu%e2%80%99ecrivent-les-chercheurs-en-intelligence-economique, 02/07/2012. Et les rponses que certains professionnels lui ont apportes, comme Vedocci sur la paillasse , en ligne : http://www.vedocci.fr/2012/07/19/vedocci-sur-la-paillasse, 19/07/2012. tel-00915004,version1-6Dec2013
  26. 26. 26 rappelle Paul Ricur (1965, P. 22) les mots, par leur qualit sensible, expriment des significations et [que], grce leur signification, ils dsignent quelque chose . Nous avons donc choisi de dsigner au mieux pour chacune des parties prenantes du contrat CIFRE les mmes choses , en nous appuyant sur des terminologies admises de tous ou en construisant des adquates. Cette diffrence de temporalit, ces questions smantiques, mais aussi la ncessaire dcouverte de lenvironnement de recherche, ninfluent pas que sur la forme de la restitution des rsultats, mais aussi plus profondment sur la manire daborder la recherche, voire de se situer dans un courant de pense plutt quun autre. Comme le soulignent Rasolofo-Distler et Zawadzki (2011, p. 4) pour les sciences de gestion Le caractre oprationnel des connaissances produites par une CIFRE sintgre au projet () voqu par Le Moigne (1990) qui est de construire une reprsentation intelligible des interventions des acteurs au sein des organisations (p. 116). Les rsultats dune CIFRE sont contextualiss(). . Ce projet voqu par Le Moigne sinscrit notamment dans les pistmologies constructivistes, que nous prsenterons par la suite dans cette thse, et semble cohrent avec le type de relation entre contexte et recherche que nous avons pu observer durant trois annes : avant dexprimenter, nous avons d (re)construire lenvironnement (lorganisation) dans lequel nous nous trouvions afin de mieux apprhender son impact sur les observations que nous pouvions formuler. Certaines actions, comme ladministration dentretiens semi-directifs, nous ont la fois permis de dvelopper notre projet de recherche, mais aussi de mieux comprendre et de faciliter notre orientation dans lorganisation daccueil. Au-del, le doctorant CIFRE peut parfois souffrir dun certain isolement scientifique , qui plus est si, comme ctait le cas pour nous, son laboratoire est dans une ville loigne de son lieu de travail. Mais nous le verrons plus loin, les possibilits offertes par de nombreuses technologies numriques dinformation-communication dchanger avec de nombreux autres chercheurs (dont bien videmment ceux de son laboratoire) peuvent pallier cette sensation de confinement. Le doctorat CIFRE ne nous semble donc pas une simple contractualisation dun projet de recherche, mais un processus de recherche quasi part entire, ncessitant notamment une prise en compte forte du contexte. Processus de recherche propre celui de la recherche-action (Lewin, 1947), dont nous souhaitons maintenant dfinir certains aspects qui, de manire introductive, permettront de mieux contextualiser nos travaux. tel-00915004,version1-6Dec2013
  27. 27. 27 2.1. Une recherche-action Selon Lewin, repris par Liu (1992, P. 294) : La recherche-action est une dmarche de recherche fondamentale dans les sciences de lHomme, qui nat de la rencontre entre une volont de changement et une intention de recherche. Elle poursuit un objectif dual qui consiste russir un projet de changement dlibr et ce faisant, faire avancer les connaissances fondamentales dans les sciences de lHomme. Elle sappuie sur un travail conjoint entre toutes les personnes concernes. Elle se dveloppe au sein dun cadre thique ngoci et accept par tous . Ce cadre thique et ngoci est donc, dans notre cas, celui de la convention CIFRE. Dans notre contexte, la volont de changement est celle formule par la DSIC (et plus globalement la Direction du Courrier de La Poste) de mieux sapproprier le contexte web et de dvelopper des mthodologies et outils conceptuels aptes surveiller voire mesurer la rputation en ligne de certain de ses produits/services. Quant lintention de recherche, nous pouvons dj souligner quelle vise mieux dfinir cette dite notion de rputation en ligne et proposer des instruments de collecte et danalyse de cette e-rputation . Mais nous y reviendrons plus prcisment en prsentant dans le chapitre suivant notre design. La recherche-action (RA) est guide par deux principes (Meyer, 2012) : toute action, entendue au sens dun agir visant au changement social (Hess, 1983) dans un environnement donn, permet de construire une connaissance actionnable par la suite par les parties prenantes ; la RA ne doit pas confronter deux savoirs (le profane et le savant ), mais au contraire il nous semble, les combiner, ou tout du moins comme nous lexpliquions dans la partie prcdente, chercher une forme de mdiation offrant un meilleur dialogue entre lun et lautre. La position du praticien-chercheur est donc intermdiaire, lore des attentes et besoins professionnels et acadmiques. Il sagit en somme la fois dun professionnel et dun chercheur (De Lavergne, 2007) dont la recherche est oriente par lactivit professionnelle, elle vise accder de nouvelles comprhensions dun monde professionnel connu, mobiliser un ensemble de rfrents thoriques et de mthodes pour le regarder autrement, comme un monde trange (Op. Cit., p. 30). Mais comme nous lavons point dans les interrogations lies au statut CIFRE, si lintgration dune dmarche de RA peut signifier une ncessaire adaptation de lorganisation et du chercheur aux impratifs propres chacun (notamment de temps, mais aussi, dans un certain sens, culturels), cette dmarche peut aussi tre questionne par le prisme des instances acadmiques et scientifiques. Et elle lest parfois Comme nous le rappelle Meyer (2012, p. 6), les productions de RA doivent toujours tenir compte de la manire dont les individus sapproprient les rsultats et propositions du chercheur, tout en relativisant leur validit au regard des conditions de production (temporalit, posture et implication du chercheur) . Cette question de la validit interpelle en effet souvent le monde de la recherche, et ce sur plusieurs points (De Lavergne, 2012, p. 32) : sur le lien entre innovation, diffusion et recherche (notamment dans les manipulations de traduction ou de dtournement du discours scientifique dans le monde professionnel ) ; sur la ncessaire dmarcation entre le monde de la recherche et celui professionnel (certains chercheurs pouvant parfois tre rigides quant la porosit de ces deux univers ). tel-00915004,version1-6Dec2013
  28. 28. 28 Ces potentielles critiques ou remises en questions de la RA par le monde de la recherche, cette permanente coexistence de deux statuts, [et de] leurs interactions rciproques () (Kohn, 2001, p. 31), ncessite de poser les limites voire les risques dune telle recherche lors de llaboration du projet. Nous appuyant sur Liu (1997, p. 184), nous pouvons mettre en avant ce que nest pas la RA, afin de ne pas cder certains biais, parfois justement souligns, mais aussi dlimiter prcisment notre contexte de recherche : - La RA nest pas lobservation dun projet. () Elle ne rclame pas [la simple observation dun projet, mais+ une coopration troite entre llaboration de la recherche et la conduite de laction () . Au-del de laspect contractuel, et comme nous le prsenterons dans notre stratgie de recherche, cette coopration a t dfinie prcisment ; - La RA nest pas la recherche dune optimisation de laction . En loccurrence, la DSIC a souhait travers cette collaboration dfinir de futures actions, et ne pas simplement amliorer les processus dj en uvre ; - La RA nest pas une intervention suivie dune rflexion . Plusieurs questions de recherches pralablement tablies ont orient nos rflexions et actions. Enfin, et comme nous lavons voqu pour le contrat CIFRE, la RA en Sciences Humaines et Sociales (SHS) suppose la ncessaire construction du monde social dans lequel le chercheur volue (celui de lorganisation, mais aussi du milieu professionnel , avec ses propres codes et structures) qui a une signification particulire et une structure pertinente pour les tres humains qui y vivent, qui y pensent et qui y agissent. Ils ont sri et interprt lavance ce monde par de nombreuses constructions (Schtz, 1987, p. 10). Pour notre part, il nous semble important de signaler que cette interprtation lavance du monde professionnel dans lequel nous avons volu pour notre recherche, ne vient pas de possibles prjugs ou de croyances, mais dune exprience prcdent le lancement du projet. En effet, avant de dcouvrir le chemin menant au monde de la recherche, notre parcours post- Master25 nous a amen pratiquer lactivit de consultant en veille dopinion et e-rputation durant un peu plus dune anne dans deux agences ddies ces prestations. Ce parcours professionnel influe encore une fois sur notre approche de la recherche restitue dans ce manuscrit, il en a mme t une motivation : aprs plus dun an de pratiques que nous trouvions assez rptitives, et surtout conduites par une recherche de bnfices avant une volont de fiabilit ou dinnovation, la volont de questionner plus profondment nos pratiques quotidiennes de gestion de linformation (et particulirement de veille stratgique), les usages que nous faisions dInternet et du web, ou encore des termes propres au consulting et que nous souhaitions donc dconstruire pour mieux les manipuler par la suite, nous a orient vers la recherche scientifique. Cest de ces expriences professionnelles que sont ns un blog ddi la thmatique de le-rputation (et sur lequel nous reviendrons dans le chapitre suivant pour son apport notre recherche), mais aussi de nombreuses rflexions critiques quant lindustrie de le-rputation se dveloppant sous nos yeux. Si le praticien-chercheur est partag entre la ncessit de dcrire son implication, et la crainte de verser dans lexhibition de soi (De Lavergne, 2007, p. 35), nous ne souhaitons que dvoiler ici les aspects les plus essentiels de notre motivation nous insrer dans le monde de la recherche. 25 Intelligence Economique et Communication Stratgique, LICOMTEC de lIAE de Poitiers (2007-2009). tel-00915004,version1-6Dec2013
  29. 29. 29 Les diffrents lments de contexte prsents dans lintroduction ont donc fait partie intgrante de nos rflexions, de notre projet de recherche et de son laboration, et ont influ lors des diffrentes phases exprimentales et dappropriation du terrain de recherche. Ce contexte biparti (La Poste et la RA/CIFRE) nous apparait comme englobant la recherche en elle-mme. Cette recherche a ncessit de dfinir dautres lments contextuels (la notion de web dit 2.0 ou social notamment), conceptuels et thoriques (comme linformation ou le constructivisme) ou encore notionnels (la rputation et le- rputation). 3. Prsentation du plan de la thse Dans une premire partie nous proposons de prsenter la stratgie de cette recherche (Chapitre 1) puis le cadrage thorique et pistmologique inscrivant celle-ci dans le champ des Sciences de linformation-communication, et dans une posture constructiviste et phnomnologique (Chapitre 2). Puis, nous prsenterons, dans un troisime chapitre, le terrain non-pas dans lequel nous avons dvelopp notre stratgie de recherche, mais sur lequel nos observations et exprimentations ont t effectues : le web et les rseaux dits socionumriques (Chapitre 3). Dans une deuxime partie nous dfinirons plus prcisment le concept de rputation, tel quil est trait dans diffrents champs des SHS, afin de proposer une approche informationnelle de ce concept (Chapitre 4). Et, dans un deuxime chapitre, nous interrogerons la notion de-rputation telle quelle est employe aujourdhui par les milieux professionnels, et ce dans le but de la dconstruire pour mieux la reformuler par la suite (Chapitre 5). Enfin, dans une troisime et dernire partie, nous prsenterons nos mthodologies de collecte des donnes et en dtaillerons les rsultats principaux (Chapitre 6). Ces rsultats nous offriront lopportunit de prsenter, dtailler et expliciter ce que nous nommons les agents-facilitateurs (Chapitre 7). Pour finir, nous prsenterons lapplication concrte de notre projet de recherche au CSS Innovation SI Prospective et FAR de la DISC de La Poste, ainsi que lapport de lintgration des agents-facilitateurs dans une stratgie de veille pour observer des phnomnes de construction de le-rputation. Le tout, en faisant constamment rfrence au contexte global prsent dans cette introduction tel-00915004,version1-6Dec2013
  30. 30. 30 Partie 1. Cadrage thorique et contextuel de lanalyse tel-00915004,version1-6Dec2013
  31. 31. 31 Introduction de la partie 1 Cette premire partie de notre travail de recherche est pour nous loccasion den poser les bases : - Le chapitre 1 exposera la dmarche de recherche, la stratgie que nous avons retenue : paradigmes, problmatiques et hypothses y seront synthtiss ; - Le deuxime chapitre prsentera les cadres thoriques retenus pour notre dmarche et faisant cho nos observations de terrain : thories de linformation, de la communication et du document y seront tudies. Ainsi que la notion dintelligence conomique, et les apports que nous retirons des pistmologies phnomnologiques et constructivistes ; - Le chapitre 3 visera dfini plus prcisment le contexte de notre recherche, le terrain (au- del de lorganisation) dans lequel nous nous sommes immergs : le web dit 2.0 . Nous questionnerons alors cette notion mme de 2.0 , et mettrons en relief la manire dont les dispositifs sociotechniques 2.0 redfinissent (ou non) les interactions et les pratiques sociales et informationnelles des usagers du web. La premire partie de notre synthse est l pour dfinir les principaux concepts que nous articulerons par la suite dans la restitution de nos actions de recherche. Elle nous permet de mme dinsister sur les ncessaires choix pistmologiques et thoriques dune recherche. Il nous semble en effet que plus quun exercice impos, exposer clairement notre positionnement, la manire dont nous abordons les phnomnes que nous souhaitons analyser autant que les courants thoriques qui nous ont permis de dvelopper notre regard de chercheur, est un cheminement indispensable pour construire nos rflexions. Mais aussi pour clairement indiquer aux lecteurs lambition autant que les limites de notre travail. Par ltude de lhumain et du social nous proposons une vision subjective des phnomnes que nous analysons. Cette partie vient alors baliser en quelque sorte cette subjectivit, sans prtention de toute objectivation, mais avec la volont de tracer un cadre pertinent et cohrent. tel-00915004,version1-6Dec2013
  32. 32. 32 Chapitre 1. Stratgie de recherche La sauvegarde du point de vue subjectif est la seule garantie (cependant suffisante) que le monde de la ralit sociale ne se verra pas substituer un monde fictif inexistant construit par l'observateur scientifique Albert Schtz (trad. Blin, 2007) tel-00915004,version1-6Dec2013
  33. 33. 33 Introduction du chapitre 1 Dans ce chapitre nous prsentons le design et la stratgie de recherche employs. Par design nous entendons la trame qui permet d'articuler les diffrents lments d'une recherche : problmatique, littrature, donnes, analyse et rsultats (I. Royer & P. Zarlowski, 2003, p. 139). En loccurrence, plutt quun design stricto sensu, nous prfrons parler de stratgie au sens premier du terme : Ensemble d'actions coordonnes () en vue d'atteindre un but prcis 26 . Comme nous le prsenterons, notre recherche se veut inductive (voire inductive amnage ) car ancre dans une recherche-action qui comme nous lavons vu offre naturellement une posture constructiviste, dont le couple positivisme/hypothtico-dductif est mis de ct (mais nous y reviendrons). Cest donc tout dabord le but prcis , lobjectif de recherche, que nous prsentons ici. Les approches et mthodes inductives incitant la proposition de modles partir dobservations organises (Farrugia, 2006), nous allons prsenter dans ce chapitre les actions ayant permis dorganiser nos observations (les actions coordonnes de la stratgie). Actions reposant sur la dfinition dune problmatique, de postulats, la dlimitation dun terrain de recherche, ou encore certains choix mthodologiques. Souhaitant construire un fil conducteur pour le lecteur, une forme de mise en rcit des diffrentes interrogations, constats ou dcouvertes, certains aspects propres au design de la recherche seront occults ici : la revue de littrature interviendra dans chaque chapitre thmatique (et spcifiquement lorsque nous aborderons les notions centrales de rputation et e- rputation ) pour appuyer dune part notre dmarche (immersion et constats de terrain amenant des interrogations, et in fine une recherche de littrature pour clairer ou orienter les observations), et dautre part pour offrir une comprhension contextualise des sujets traits. Les donnes et rsultats seront aussi prsents dans un chapitre ddi, car ils rsultent dune imbrication dobservations effectues lors du projet de recherche, et gagneront selon nous en puissance nonciative tre proposs dans lordre logique par lequel nous les avons traits durant notre recherche. Ce chapitre vise donc prioritairement offrir au lecteur une vision synthtique du projet de recherche, une mise en avant des rflexions stratgiques dveloppes lors de son commencement (en concertation avec les acteurs du projet CIFRE) et affines tout au long de la recherche. Sil ne dvoile quen partie des rflexions qui seront approfondies par la suite, ce chapitre se veut nanmoins la base du travail doctoral, la fois guide pralablement pos et restitution des diverses rflexions conceptuelles utiles son orientation. Dans cette optique, nous proposons tout dabord quelques lments notionnels et de contexte afin de favoriser la comprhension des diffrents composants de notre stratgie, et poser les premires bases de dfinitions et manipulations de concepts tout au long de cette thse. Elments qui, dans une vision chronologique de notre projet de recherche, ont t proposs la DSIC et lANRT afin de mettre en avant lintrt de la recherche pour lorganisation comme pour les instances acadmiques. 26 Le Trsor de la Langue Franaise informatis, http://atilf.atilf.fr/tlf.htm tel-00915004,version1-6Dec2013
  34. 34. 34 1. Elments notionnels et de contexte Internet27 est l'heure actuelle un vecteur de diffusion de l'information (commerciale, institutionnelle, stratgique) essentiel pour toute organisation souhaitant dvelopper et optimiser la mise disposition d'un produit ou service au plus grand nombre de consommateurs (Chaibi, 2007), qui plus est pour les organisations dont le modle conomique se tourne peu peu vers la dmatrialisation de leurs produits/services, et qui doivent pour cela repenser leurs modes de communication et leurs stratgies marketing (Isaac et Volle, 2008). Depuis plus de sept ans, l'volution rapide des outils de cration et de diffusion de contenus sur Internet, mais aussi son accs de plus en plus massif (notamment grce au dveloppement sur le territoire franais du Haut Dbit) ont sensiblement modifi les usages et les pratiques du web28 (Musser et O'Reilly, 2006). De simple consommateur de contenus, l'utilisateur d'Internet est devenu ce que Jol de Rosnay (2006) nomme un prontaire , soit une nouvelle classe dusagers des rseaux numriques capables de produire, diffuser, vendre des contenus numriques non propritaires, en sappuyant sur les principes de la nouvelle conomie (dite de l'immatrielle). Cette capacit produire et diffuser du contenu (texte, image, vido, etc.), qui vient concurrencer celle des organisations, remet en cause la relation de celles-ci avec leurs publics. L o les schmas de communication classiques dfinissent la communication d'une organisation vers sa cible comme l'envoi d'un message dcoder dans un contexte perturb de bruit (Shannon et Weaver, 1949), les nouveaux outils et usages du web, appels de plus en plus communment web 2.0 , permettent de dtourner le message de sa cible, de le modifier ou encore de le rendre quasi inaccessible, mais aussi, dvaluer la pertinence des actions ou des discours des organisations par la diffusion dopinions ou lutilisation de dispositifs de notation intgrs de nombreuses plates-formes (les toiles sur E-bay.com, les Jaime sur Facebook.com, etc.). Ces formes dvaluations, lorsquelles sont transmises, influent voire construisent la rputation des organisations. Les marquages documentaires ainsi crs forment le paysage rputationnel numrique (Origgi, 2007) des dites organisations. Certains acteurs du web (professionnels ou institutionnels voire chercheurs) parlent alors de rputation en ligne , ou e-rputation , pour souligner le dveloppement de ces formes dvaluations propres au web. Le fait que chacun puisse substituer son propre discours celui d'une organisation, et obtenir une mdiatisation quivalente celle des mdias dits traditionnels (tlvision, presse, radio, cinma), est donc un critre essentiel prendre en compte lorsqu'une organisation souhaite prendre la parole sur Internet (Lepage, 2006). Il apparat alors ncessaire de pouvoir couter, qualifier et analyser le discours des internautes afin de mettre en adquation les stratgies de communication ou de marketing de l'organisation et leurs attentes (Berkman, 2008). Cette coute, ce recueil des avis et opinions, cette observation des pratiques informationnelles et usages des applications web, ncessite de mettre en place une stratgie de veille stratgique, dont les contours sont propres chaque organisation, en fonction de ses objectifs, moyens et besoins. 27 Que nous dfinissons plus prcisment dans le Chapitre 3 de cette partie, mais qui, globalement, peut tre apprhend comme un rseau informatique connectant diverses machines par le biais de protocoles. 28 Le World Wide Web, qui peut tre vu en premire dfinition comme une application de lInternet permettant de naviguer travers des pages de contenus laide de liens hypertextes reposant sur le protocole applicatif http. tel-00915004,version1-6Dec2013
  35. 35. 35 Ces rapides constats lis aux volutions du web et leurs prises en considration par les organisations vocation commerciale, sont donc ceux ayant motiv (avec le contexte propre lorganisation et ses activits) globalement le projet de recherche en contrat CIFRE propos par La Poste. Avant de prsenter la manire dont cette recherche a t organise, il nous semble essentiel de proposer ds maintenant certaines notions que nous emploierons couramment, la fois dans ce chapitre mais aussi dans les suivants. Ces notions sont de notre point de vue lore des terminologies employes la fois par le monde de la recherche et celui de lorganisation (comme La Poste). Certaines dentre elles seront nanmoins discutes voire dconstruites par la suite dans les chapitres et parties qui leurs seront ddis. Veille stratgique La veille stratgique est le processus informationnel par lequel lentreprise se met lcoute anticipative des signaux faibles de son environnement dans le but cratif de dcouvrir des opportunits et de rduire son incertitude (Lesca, 1994). La veille comme un moyen de collecter et traiter des signaux informationnels, mais aussi danticiper les changements dans lenvironnement de lorganisation. Cette ide de processus, mais aussi de capacit anticiper les changements venir, se retrouve dans de nombreuses dfinitions, dont une autre donne par Lesca (1997) : la veille est un processus collectif continu par lequel un groupe d'individus traquent, de faon volontariste, et utilisent des informations caractre anticipatif concernant les changements susceptibles de se produire dans l'environnement extrieur de l'entreprise, dans le but de crer des opportunits d'affaires et de rduire des risques et l'incertitude en gnral, ce qui permet l'entreprise d'agir trs vite et au bon moment . La veille est donc, en quelque sorte, un instrument visant rduire lincertitude, mais aussi appuyer lorganisation dans ses dcisions, et dans la manire dont elle peroit son environnement et son contexte : Le projet des systmes de veille est de dvelopper alors un processus informationnel cratif visant assurer aux entreprises un dveloppement stratgique en phase avec les volutions perues. (Rouibah, 2000, p. 102). Cette notion de crativit vise selon nous souligner la ncessaire adaptation au terrain sur lequel seffectue la veille, quil soit humain (collecte dinformation auprs dindividus) ou encore construit de dispositifs techniques (sur des bases de donnes documentaires ou, dans notre cas, sur le web dit 2.0). A noter que des auteurs, dont Jakobiak (2004), soulignent le fait que plusieurs sortes de veille existent, chacune tant spcifiques aux types dinformations manipules, aux dcideurs et aux types de dcisions quelles visent (mme si, fondamentalement, les pratiques qui les accompagnent sont similaires) : la veille concurrentielle, la veille technologique, la veille scientifiques (gnralement sur les brevets), etc. Dans notre cas, nous pourrions parler de veille dopinion ou de veille de- rputation . La veille offre donc lorganisation un ensemble de processus (sur lesquels nous reviendrons en dtail dans notre chapitre 6) pour collecter, traiter et diffuser des informations appuyant ou orientant certaines dcisions stratgiques qui, par nature, sont anticipatives. tel-00915004,version1-6Dec2013
  36. 36. 36 Le web 2.0 La notion de web 2.0 apparait dans les sphres professionnelles anglo-saxonnes la fin de lanne 2005. Plus prcisment, cette notion est employe (nous pourrions mme dire cre) par Tim OReilly, prsident dune maison ddition spcialise dans les livres sur linformatique. Dans un article publi sur son blog le 30 septembre 200529 , OReilly dtaille prcisment ce quil entend par web 2.0 , soulignant notamment que Vous pouvez voir le web 2.0 comme un ensemble de principes et de pratiques qui, la manire dun systme plantaire, verrait des sites utilisant tout ou partie de ses prceptes graviter des distances variables du centre en question . Le web 2.0 semble donc se construire de principes et pratiques30 agrgs par ou sagrgeant sur un ensemble de technologies prsentes sur des sites web. Spcialiste des technologies et des techniques informatiques, OReilly, dans une dfinition plus synthtique propose dans la foule de sa premire approche du web 2.031 , saxe sur certaines caractristiques techniques qui seraient selon lui dterminantes dans la caractrisation dun service ou dun site web comme 2.0 ou non32 : Le Web 2.0 est le rseau comme une plate-forme, recouvrant toutes les machines connectes ; les applications 2.0 sont celles qui offrent intrinsquement le plus davantages ces plates-formes : dlivrant des logiciels comme des services continuellement mis jour et qui samliorent plus ils sont utiliss, consommant et remixant des donnes en provenance de multiples sources, y compris des utilisateurs, tout en fournissant leurs propres donnes et services sous une forme qui permet le remix par d'autres, crant des effets de rseau travers une architecture de participation, et allant au- del de la mtaphore de la page Web 1.0 pour offrir des expriences utilisateurs riches . Le web 2 .0 repose donc sur des plates-formes o plusieurs appareils ou machines peuvent tre connectes (ou plusieurs plates-formes entre-elles). Ces plates-formes sont continuellement mises jour pour sadapter au mieux aux usages et besoins des utilisateurs, utilisateurs qui sont alors au centre du modle conomique et technologique (Quoniam et Lucien, 2009), notamment car ils fournissent leurs donnes personnelles (identifiants, prfrences, localisation, etc.) permettant alors aux dites plates-formes ou aux autres utilisateurs de les remixer pour gnrer de la valeur. OReilly parle darchitecture de la participation confrontant ce quil nomme le web 1.0 , semble-t-il plus statique (une page web que lon ne peut que consulter) aux pages 2.0 dlivrant une meilleure exprience utilisateur . 29 Quest-ce que le web 2.0 : Modles de conception et daffaires pour la prochaine gnration de logiciels , traduction de Jean-Baptiste Boisseau du texte de T. OReilly publi sur son blog le 30 septembre 2005 (http://www.oreillynet.com/pub/a/oreilly/tim/news/2005/09/30/what-is-web-20.html) sur le site Internet Actu : http://www.internetactu.net/2006/04/21/quest-ce-que-le-web-20-modeles-de-conception-et-daffaires- pour-la-prochaine-generation-de-logiciels/, 21/04/2006. 30 Que nous prsenterons et questionnerons dans le Chapitre 3. 31 Tim O'Reilly, Web 2.0: Compact Definition? : http://radar.oreilly.com/2005/10/web-20-compact- definition.html, 01/10/2005. 32 Traduction par nous. Texte original : Web 2.0 is the network as platform, spanning all connected devices; Web 2.0 applications are those that make the most of the intrinsic advantages of that platform: delivering software as a continually-updated service that gets better the more people use it, consuming and remixing data from multiple sources, including individual users, while providing their own data and services in a form that allows remixing by others, creating network effects through an "architecture of participation," and going beyond the page metaphor of Web 1.0 to deliver rich user experiences . tel-00915004,version1-6Dec2013
  37. 37. 37 A la suite dOReilly, de nombreux praticiens se sont appuys sur ce terme pour dlimiter ce qui est de 2.0 de ce qui ne lest pas (Gervais, 2007 ; Fayon, 2008 ; Anderruthy, 2009). Dlimitation souvent focalise sur les plates-formes plus que sur les usages : les blogs, les rseaux dits socionumriques, les wikis, etc. A leur suite (ou parfois en parallle) la recherche (et spcifiquement celle en Sciences de linformation-communication) sest elle aussi approprie la notion de web 2.0, tant celle-ci en quelques annes est devenue parlante ou tout du moins admise par une majorit (Lefebvre, 2005 ; Rebillard, 2007 ; Pirolli, 2009 ; Ramrajsingh, 2010 ; Paquiensguy, 2011). Bien entendu, cette insertion de la notion de web 2.0 dans la recherche franaise a engendr de nombreuses discussions quant la pertinence ou la dlimitation du terme, discussions sur lesquelles nous reviendrons par la suite. A noter que certains praticiens ou chercheurs parlent de web social (de Kaenel et Iriatre, 2007 ; Millerand et al., 2010 ; Pirolli et Cretin-Pirolli 2011) gnralement pour mettre en avant les usages et pratiques de linternaute (offrant aux utilisateurs des services et plates-formes une possible socialisation ou forme de sociabilit). Internaute Si web 2.0 englobe les technologies et les usages, la notion dinternaute est l pour dsigner lutilisateur du rseau tlmatique Internet (Larousse, 2012). Constitue du prfixe inter dsignant la partie d'espace (ou de temps) spare par deux lments ou dlimite par plusieurs lments 33 , et de naute issu du grec ancien nats signifiant navigateur dans le sens de marin, matelot 34 , la notion dinternaute vise souligner les usages de navigation35 propre aux utilisateurs dInternet et de ses applications. Linternaute navigue entre plusieurs lments disposs dans lespace, et plus prcisment dans le cyberespace (Levy, 1995), sappuyant sur les caractristiques mmes du World Wide Web, savoir la navigation entre pages et sites par le biais de liens hypertextes. Comme le navigateur qui emprunte la mer pour atteindre une destination et utilise son bateau pour naviguer, linternaute emprunte Internet et utilise le web pour produire du contenu ou encore en partager. Pour Chantepie (2009), le rle de linternaute ne sarrte pas son usage de lInternet ou du web ; il nest pas extrieur son dveloppement, mais il devient au contraire central, lment de liens entre les diffrentes plates-formes et autres utilisateurs (lauteur parle dinternaute-hypertexte ). Allant plus loin, Chantepie (2009, p. 26) souligne que linternaute se retrouve en dfinitive en situation de constituer lui-mme une plate-forme, jouant entre les diffrentes plates-formes Web 2.0 et les annonceurs. Devenu comme un mdia, cest--dire support de publicit, linternaute est susceptible de manifester limpasse ou la fragilit des modles du Web 2.0, car il na pas, pour sa part, la 33 Le Trsor de la Langue Franaise informatis, http://atilf.atilf.fr/tlf.htm 34 Wiktionary, http://fr.wiktionary.org/wiki/-naute 35 Usages ncessitant lutilisation dun navigateur web tel-00915004,version1-6Dec2013
  38. 38. 38 possibilit dinternaliser les externalits quil cre. . Linternaute de simple navigateur devient mdia : il est la fois un utilisateur des plates-formes et une plate-forme lui-mme36 . Cette multitude dacceptions possibles du rle et du statut dinternaute nous semble bien rsum par Merzeau (2010, A, p. 9) lorsque lauteure emploie la notion dusager numrique , ne se focalisant pas ainsi sur certaines technologies, voire machines (tlphones portables, tablettes, etc.) mais bien sur la posture informationnelle et communicationnelle de cet usager : Tantt rcepteur (de messages), utilisateur (doutils), consommateur (de services et de produits) ou producteur (de ressources et de valeurs), le digital user semble de fait capitaliser toutes les postures que les systmes dinformation et de communication peuvent assigner aux usagers. . Linternaute est donc la fois un usager numrique incitant une pluralit de postures info- communicationnelles, un utilisateur dInternet et du web 2.0 mais aussi un mdia part entire de par son positionnement et sa capacit produire certaines externalits. Dans ce chapitre, mais plus globalement dans cette thse, nous choisirons de garder cette notion dinternaute afin de dsigner plus largement les usagers du numrique utilisant des plates- formes web. Si ce terme fait appel des significations plutt vastes, il nous permettra alors par la suite de faire des distinctions plus fines entre chaque usage ou pratiques informationnelles que nous aurons identifies. Pratiques informationnelles Dans cette recherche, nous nous sommes intresss aux pratiques informationnelles des internautes sur le web dit 2.0. Il nous semble alors ncessaire de dfinir plus prcisment ce que nous entendons par pratiques informationnelles , mais aussi de diffrencier la notion de pratique de celles dusage ou de comportement. Pour cela, nous nous appuyons sur Chaudiron et Ihadjadene (2010) qui nous offrent une dfinition et une distinction de la notion de pratiques informationnelles. Pour ces auteurs (Op. Cit., p. 4), le terme de pratiques informationnelles dsigne la manire dont un ensemble de dispositifs, de sources formelles ou non, doutils, de comptences cognitives sont effectivement mobiliss, par un individu ou un groupe dindividus, dans les diffrentes situations de production, de recherche, dorganisation, de traitement, dusage, de partage et de communication de linformation. Nous englobons dans ce terme de pratique aussi bien les comportements, les reprsentations que les attitudes informationnelles de lhumain (individuel ou collectif) associs ces situations . Ce que nous avons observ, et ce que nous restituerons dans ce manuscrit, est donc principalement la manire dont lensemble des dispositifs, des sources, des outils, des comptences cognitives sont effectivement mobiliss dans les diffrentes situations de production, de recherche, traitement de linformation. (op. cit, p. 5), plutt que lutilisation stabilise dun objet, dun outil, pour obtenir un effet (Perriault, 1989) propre aux usages. Chaudiron et Ihadjadene proposent eux aussi une distinction entre ces notions dusage et de pratique laquelle nous adhrons : La distinction que nous proposons suggre de rserver le terme dusage pour dsigner les travaux portant sur les dispositifs, techniques ou non, et leurs interactions avec les 36 Notons quau passage Chantepie remet en cause implicitement la notion de prontaire voque par de Rosnay, puisquil souligne que linternaute na pas la possibilit dinternaliser les externalits quil cre . Mais nous y reviendrons dans le chapitre ddi au web. tel-00915004,version1-6Dec2013
  39. 39. 39 usagers ; le terme de pratique sera rserv pour caractriser les approches centres sur le comportement composite luvre dans les diffrentes sphres, informationnelles, culturelles, journalistiques, etc. Lobservation des pratiques, quelles soient individuelles ou collectives, ncessite alors dadopter une approche de laction envisage comme un processus en tension entre les savoirs mobilisables, les comptences immdiates, les habitus, les arts de faire, les dsirs dagir, etc. . Nous ne prendrons donc pas le prisme de loutil (moteur de recherche, blogs, rseaux dits socionumriques, etc.) pour identifier les interactions quil permet ou non avec son utilisateur, mais bien les pratiques informationnelles observables des internautes, et qui appuient notamment ce que nous nommons la suite de plusieurs auteurs linfomdiation . Infomdiation Lorsque nous parlons dinfomdiation, nous faisons rfrence au concept dinfomdiaire tel quil est propos par Bourre et Smyrnaios (2006), savoir des acteurs conomiques du web proposant des plates-formes o Ils organisent une offre htrogne et clate [de contenus informationnels] en effectuant des rapprochements entre diffrentes sources sur la base de critres gographiques, smantiques, linguistiques ou chronologiques. Ce sont donc des acteurs concerns par lassemblage et ldition de contenus. . Ces infomdiaires portails dinformation ou agrgateurs, deviennent des acteurs de plus en plus importants dans le monde journalistique en simposant comme lune des principales portes dentre la consommation de nouvelles en ligne. (Goyette-Ct, 2012). Linfomdiation est donc, sur le web, un systme en partie automatis (reposant sur des algorithmes ddis, comme lagrgateur Google News) de slection, de tri, de hirarchisation et de mise disposition de contenus informationnels produits sur le web (par des internautes au sens large du terme, allant du journaliste au blogueur37 ). Rebillard et Smyrnaios (2010) soulignent la recherche dexhaustivit (sur certaines thmatiques) et surtout de personnalisation de linformation propre ces services. Mais aussi (op. cit, p. 188) que Si lintervention humaine fait partie intgrante de lactivit dinfomdiation, son poids est plus ou moins affirm selon les acteurs. . Pour notre part, nous souhaitons tendre dans cette recherche la notion dinfomdiation lensemble des activits humaines (en dehors des infomdiaires classiques et au-del de lappui sur des algorithmes ddis) visant identifier, collecter, tirer, hirarchiser et mettre disposition les contenus informationnels prsents sur le web dit 2.0 (et reposant donc sur des pratiques informationnelles nous semblant spcifiques). Une infomdiation que, pour saccorder avec certains prceptes semblent-ils inhrents au langage du 2.0 , nous pourrions qualifier de sociale ( la suite du web social , des rseaux sociaux , etc.). Et qui va au-del de la simple slection de contenus, mais aussi (comme pour les infomdiaires classiques) proposant une forme de personnalisation, souvent par lexpression dopinions ou par une valuation implicite ou explicite constitutive de la notion de-rputation . Car si les usagers ne produisent que modrment des contenus premiers, leur contribution est en revanche dterminante pour ce qui concerne linformation sur linformation. Or, ce registre mta des donnes prend une importance dautant plus considrable que linstabilit des informations saccentue sous leffet 37 Auteur dun blog. tel-00915004,version1-6Dec2013
  40. 40. 40 conjugu de la vitesse des mises jour, de louverture des codes et de la dsintermdiation des modes daccs. (Merzeau, 2010, A, p. 23). Linternaute comme une plate-forme permettant la mdiation dinformations de plus en plus personnalisables est au centre de lvolution du web dit 2.0. Rputation et e-rputation La partie 2 de ce manuscrit sera ddie une dfinition et une rflexion plus prcise sur le concept de rputation en SHS, ainsi qu la notion de-rputation. Mais puisque nous comptons employer ces termes dans la dfinition de notre stratgie de recherche, il nous apparait intressant den donner de trs brves dfinitions. La rputation est, par dfinition, lopinion favorable ou dfavorable attache quelqu'un ou quelque chose ; le fait dtre connu pour 38 . Cette notion, fortement discute dans certains champs de recherche en SHS, ne bnficie pas dapproches et de dfinitions admises de tous (Boistel, 2008). Dans ce chapitre, nous ferons cependant rfrence cette dfinition pour linstant assez large. Les dfinitions de le-rputation sont multiples elles-aussi39 . En premire approche, nous proposons celle donne par Paquerot et al. (2011, p. 281) en Sciences de gestion : Nous dfinissions le- rputation dun objet comme la rputation construite partir de lensemble des perceptions que les stakeholders40 auront de lobjet, partir de tout lment dinformation circulant sur le Net. . Comme les auteurs le mettent en exergue par la suite : Le-rputation apparat alors comme une composante de la rputation. La multiplication et la rapidit de circulation de linformation sur Internet en font une composante majeure, susceptible de la faire vaciller rapidement. . De prime abord, le-rputation sera aborde dans ce chapitre comme une forme de rputation propre au web et lInternet, et construite partir des informations circulant sur le web propos dun objet ou dune entit (en loccurrence, pour nous, une organisation) et de la manire dont ces informations sont perues voire manipules par les parties prenantes de la dite entit. Ces quelques notions ayant t poses, nous proposons maintenant de nous concentrer sur la stratgie de recherche telle quelle a t dfinie avec les diffrentes parties prenantes du contrat CIFRE, mais aussi comme fil conducteur de la recherche et de sa restitution. 38 Le Trsor de la Langue Franaise informatis, http://atilf.atilf.fr/tlf.htm 39 Nous en exposerons certaines dans le Chapitre 4 de ce manuscrit 40 Entendu ici au sens de Freeman (1984), savoir les parties prenantes lies lorganisation (clients, actionnaires, etc.). tel-00915004,version1-6Dec2013
  41. 41. 41 2. Objectif de la recherche Comme nous lavons prsent en introduction, cette recherche a pour objet ce que nous nommons la suite de nombreux praticiens et plusieurs chercheurs le-rputation , et plus spcifiquement les diffrentes manires dont une organisation (pour nous La Poste) peut apprhender ce phnomne de construction de la rputation en ligne pour ensuite le mesurer et lintgrer ses diverses stratgies, quelles soient dinnovation, de communication ou encore de marketing. Lobjectif central de la recherche a quant lui t dfini en accord avec les diffrentes parties prenantes du contrat CIFRE : les responsables du CSS Innovation SI Prospective et FAR de la DSIC, lANRT41 , le laboratoire et nous-mme. Sil ne sagit pas ici proprement parler dune commande (nous avons t libres dadapter lobjectif premier aux constats effectus), lobjectif de recherche doit cependant sinsrer dans les attentes et besoins de lorganisation daccueil. Par objectif, nous entendons ici ce quoi la recherche doit mener, ce qui dirigera la stratgie mise en place par la suite, que ce soit les choix mthodologiques, pistmologiques ou thoriques. Cet objectif, comme nous le verrons dans la suite de ce chapitre, a servi dappui la formulation dune problmatique, de postulats, mais aussi de certaines hypothses (le tout en lien avec le contexte de recherche ainsi que les observations effectues tout au long de la recherche). Lobjectif de cette recherche est alors le suivant : dfinir la manire dont une s