economie solidaire ou economie comme ecologie

14
L'ÉCONOMIE SOLIDAIRE OU L'ÉCONOMIE COMME ÉCOLOGIE SOCIALE Bernard Eme, Jean-Louis Laville Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) | « Ecologie & politique » 2004/1 N°28 | pages 13 à 25 ISSN 1166-3030 ISBN 9782847970819 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- http://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2004-1-page-13.htm -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Pour citer cet article : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Bernard Eme et Jean-Louis Laville, « L'économie solidaire ou l'économie comme écologie sociale », Ecologie & politique 2004/1 (N°28), p. 13-25. DOI 10.3917/ecopo.028.0013 -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Distribution électronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.). © Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.). Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit. Powered by TCPDF (www.tcpdf.org) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. © Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) Document téléchargé depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et Métiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. © Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.)

Upload: jeanlouislaville

Post on 17-Sep-2015

58 views

Category:

Documents


5 download

DESCRIPTION

ecologie et politique

TRANSCRIPT

  • L'CONOMIE SOLIDAIRE OU L'CONOMIE COMME COLOGIESOCIALEBernard Eme, Jean-Louis Laville

    Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.) | Ecologie & politique 2004/1 N28 | pages 13 25 ISSN 1166-3030ISBN 9782847970819

    Article disponible en ligne l'adresse :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    http://www.cairn.info/revue-ecologie-et-politique-2004-1-page-13.htm--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Bernard Eme et Jean-Louis Laville, L'conomie solidaire ou l'conomie comme cologiesociale , Ecologie & politique 2004/1 (N28), p. 13-25.DOI 10.3917/ecopo.028.0013--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.). Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.). Tous droits rservs pour tous pays.

    La reproduction ou reprsentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorise que dans les limites desconditions gnrales d'utilisation du site ou, le cas chant, des conditions gnrales de la licence souscrite par votretablissement. Toute autre reproduction ou reprsentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manireque ce soit, est interdite sauf accord pralable et crit de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislation en vigueur enFrance. Il est prcis que son stockage dans une base de donnes est galement interdit.

    Powered by TCPDF (www.tcpdf.org)

    D

    ocum

    ent t

    lc

    harg

    de

    puis

    www.

    cairn

    .info

    - Co

    nser

    vato

    ire N

    atio

    nal d

    es A

    rts e

    t Mt

    iers

    - -

    163

    .173

    .9.3

    - 02

    /06/

    2015

    15h

    04.

    Pre

    sses

    de

    Scie

    nces

    Po

    (P.F.

    N.S.

    P.)

    D

    ocument tlcharg depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et M

    tiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.)

  • Ltconornie solidaire orr ltconorniecorrlrtre cologie sociale

    Br,nNeno Eur nrJreN-Loun Levrrrr

    Le terrne corrorniqrre que l'on utilisecouramment pour dsigner un certain type d'activit humaine oscilleentre deux ples de significationtu. Le premier sens, le sens formel, pro-vient du caractre logique de la relation entre fins et moyens, colmedans les termes conomiser et conome: la dfinition de l'conomiquepar rfrence la raret provient de ce sens formel. Le second sens, ousens substantif, souligne ce fait lmentaire que les hommes ne peu-vent continuer vivre sans des relations entre eux et sans un environ-nement naturel capable de leur fournir leurs moyens de subsistance: ladfinition substantive de l'conomique en dcoule. Le sens substantifprovient de ce que, pour leur subsistance, les hommes dpendent, detoute vidence. de la nature et des autres hommes t21. Cette distinctionentre la dfinition de l'conomique par rfrence la raret et par rf-rence au rapport entre les hommes et avec leur environnement a toublie.

    L conomie noclassique entrine cette rduction du champ de lapense conomique qui a entran une rupture totale entre l'conomiqueet le vivant, ainsi que le dveloppent des conomistes soucieux d'unerflexion pistmologique sur leur science t3l. Comme le dit Marchal:

  • -14-

    [5] Ces propositions renvoient la cration d'un secteurd'activits dtermines dontl'appellation varie selon laperspective envisage par lesauteurs: tiers secteur. secteurquaternaire, quatrimesecteur, sphre de l'autonomieet de l'aide mutuelle, etc.[6] Voir Commissioneuropenne, Le premiertappoft sur |es initiativesIocales de dveloppement etd'emploi. Des |eons pour lespactes tenitoriaux et locauxpour l'emploi, Document detravil des services de lacommission, novmbre 1996el Ls initiatives locals dedveloppem ent et d'e mploLEnqute dans I'Unioneuropenne, Bruxelles, 1 995.

    f/l M. Jouen, Les initiativesIocales de dveloppement etd'emploi, Commissionsuropenne, Bruxslles,mars 1995.

    ['conomie s0lidai]e, une D0l0giB s0cialo

    vent tre considres comme des composantes d'une cologie socialeayant pour spcificit de fonder I'activit conomique sur une prise encompte des interactions sociales et environnementales.

    Il s'agit dans un premier temps de mettre en vidence et de caract-riser des initiatives locales porteuses de nouveaux services. Dans undeuxime temps, la convergence entre ces pratiques et celles apparuesdans d'auffes champs d'activit est souligne, ce qui amne dans un troi-sime temps synthtiser leurs traits communs.

    Initiatives locales et services deproxinritLe Livre blanc, qui constitue une rflexion de la Commu-

    naut europenne sur le 19" sicle, a mis I'accent sur la rponse desdemandes sociales en plein essor. Ce document avanait pour la Commu-natt

  • f6conomie solidaile ou l'conomie comme cologie sociale

    de solidarit travers deux caractristiques majeures: la constructionconjointe des services et l'hybridation des conomies.

    La constnrction coniointe des serrrices:rciprocit et espace prrblic de prorirnitEn dpit de leur diversit, toutes les expriences, aussi diverses soient-

    elles, plongent leurs racines dans les incapacits cornmunes du marchet de la redistribution rsorber des problmes sociaux devenus struc-turels la suite de la crise affectant la synergie tat-march.

    L'innovation dans les services de proximit s'appuie sur un prin-cipe de comportement conomique diffrent du march et de la redis-tributon tatique, le principe de rciprocit qui guide les conduites pourlaborer des services correspond un processus d'interacton entre despersonnes volontairement impliques, renvoyant une rationalit noninstrumentale o I'intercomprhension est recherche travers larf-rence une galit en droit.

    L'action collective, ainsi initie, gnre les conditions ncessaires I'expression d'une demande formalise en mme temps qu'elle consti-tue I'offre; I'impulsion rciprocitaire engendre la construction conjointede l'offre et de la demande. Pour rpondre une demande en partie cacheil importe de crer les conditions de son expression. Les services de pro-ximit se fondent sur les relations et changes symboliques qui tissentla trame journalire de la vie locale, les aspirations, les valeurs et lesdsirs de ceux qui en sont les usagers.

    En outre, au lieu que chacun essaie de rsoudre individuellement etdans la sphre prive les problmes quotidiens auxquels il est confront,ces services proposent de les traiter dans la sphre publique, c'est--direune sphre de la parole et de l'action en commun qui se distingue parson ouverture de la sphre prive de la famille tsl. Au dpart, ce ne sontsouvent que quelques personnes qui commencent aborder entre ellesdes questions dont elles ne parlaient pas auparavant. C'est par la priseen compte de ces ralits multiformes dans la discussion que demandeet offre peuvent s'ajuster rciproquement. Que ce soit des usagers, desbnvoles ou des professionnels, se constituent alors des espaces publicsde proximittel qui autorisent une rponse aux demandes autres que cellesmanant d'tudes de march ou de besoin. Les rapports qui se nouenttransgressent le cadre traditionnel d'une prestation de service et condi-tionnent l'innovation socio-conomique. Dans des services o I'enjeude la confiance est dcisif puisqu'ils pntrent dans l'intimit des usa-gers, il s'agit de produire un type particulier de confiance interperson-nelle par le recours un espace-temps commun de parole partage. Sil'on distingue, la suite de Giddenslr0l, deux types de confiance, la

    -15-

    [8] P. Chanial, "Espacespublics, sciences sociales etdmocratie", introduciion audossier

    " Les espaces

    publics', Quaderni, n' 18,automne 1992.

    [9] B. Eme, "

    Changementsociaf et solidrits., Travail,n" 29. t-automne 1993.[10] A. Giddens, Beyond Leftand Right.me Future ofHadical Politics, Polity Press,Cambridge, 1994.

    tcoq{rc aiQtlr laut

    D

    ocum

    ent t

    lc

    harg

    de

    puis

    www.

    cairn

    .info

    - Co

    nser

    vato

    ire N

    atio

    nal d

    es A

    rts e

    t Mt

    iers

    - -

    163

    .173

    .9.3

    - 02

    /06/

    2015

    15h

    04.

    Pre

    sses

    de

    Scie

    nces

    Po

    (P.F.

    N.S.

    P.)

    D

    ocument tlcharg depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et M

    tiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.)

  • -16-

    [11] J.T. Godbout et A. Caill,lesprit du don, LaDcouverts. Paris. 1992.p.197.[12] L. Ben-Ner et O. VanHoomissen.

    "Non ProfitOrganizations in the MixedEconomy

    ", Annals of Public

    and Cooperativ Economy,vol. 4. 1 991 .

    fconomie s0lidairs, une c0logie sociale

    confiance en des systmes-experts et la confiance envers les personnes,les services de proximit relevant d'une logique solidaire dmontrent,plus que d'autres, leur capacit dvelopper ce second type de confiancebas sur l'engagement de face--face, la rencontre et la coprsence. Dansles espaces publics de proximit qu'ils construisent se joue plus que l'ex-pression de la demande; c'est la formation d'une confiance interperson-nelle qui est rendue possible par le dveloppement de sociabilits primairesfondes sur la recherche d'un

  • [ conomie solidaire ou l'conomie comme 6cologie sociale

    I'intervention de professionnels qui sont devenus conscients des deman-des insatisfaites en raison de leur immersion dans la production de services.

    La consolidation des serrrices parItlrybridation des conorniesLes premiers projets de services de proximit situaient I'action rci-

    procitaire dans l'conomie non montaire. Les inconvnients lis laseule inscription dans le cadre de l'conomie non montaire n'ont pastard se manifester avec violence. La face cache de l'alternative at dcouverte sans avoir t anticipe: faiblesse des moyens, isolement,precant des actions, taux de rotation des volontaires, ampleur des respon-sabilits au regard des gratifications retires de I'exprience. L puise-ment a entran la disparition de bien des tentatives, mais par-del lesabandons, leur force at de relativiser et de contextualiser leur utopieinitiale sans y renoncer. Parce que leur objectif n'tait que de lancerdes services dans un domaine limit" cette orientation a t facilitepar rapport des expriences de communaut de vie et de travail versantdans l'affrontement interpersonnel au fur et mesure que les transfor-mations projetes se drobaient. En somme, l'utopie a tle fermentd'une mise en mouvement que les dveloppements de chaque projet ontfortement tempr de ralisme, volution que la crise afavorise, en mettant au premier plan des proccupations telles que lemaintien de services collectifs accessibles tous et la cration d'emplois.

    Les services de proximit, marqus l'origine p:r une connotationalternative, se sont tourns avec le temps vers une hybridation entrel'conomie non montaire et les conomies marchande et non marchande.En effet, l'conomie, considre de manire extensive comprend les troisprincipes de comportement conomique que sont le march, la redistri-bution et la rciprocittr3l, dont les agencements concrets s'effectuentdans des combinaisons de ressources la fois montaires et non mon-taires. L enjeu est de mobiliser les ressources de manire approprie afinde raliser les projets collectifs. Dans ce cadre, au lieu de poursuivrel'laboration d'un contre-modle au sein de l'conomie non montaire,les acteurs de ces projets se sont donns pour but le changement inst-tutionnel par la promotion de solutions mixtes: l'impulsion rciproci-taire est amplifie par le recours au march et la redistribution dans lefonctionnement d' insttutions micro-conomiques.

    En somme, les services de proximit peuvent tre dfinis comme desservices qui, partir d'une impulsion rciprocitaire, oprent une cons-truction conjointe de I'offre et de la demande dont la consolidation passepar la combinaison avec les principes du march et de la redistribution.Uoriginalit des services de proximit autant que les difficults qu'ils

    -17-

    [13] K. Polanyi, La gnndetran sfor mation. Aux orig i nespolitiques et conomiques denotre temps (traductionfranaise), Gallimard, Paris,1983.

    *o$caP,9[11rO U

    D

    ocum

    ent t

    lc

    harg

    de

    puis

    www.

    cairn

    .info

    - Co

    nser

    vato

    ire N

    atio

    nal d

    es A

    rts e

    t Mt

    iers

    - -

    163

    .173

    .9.3

    - 02

    /06/

    2015

    15h

    04.

    Pre

    sses

    de

    Scie

    nces

    Po

    (P.F.

    N.S.

    P.)

    D

    ocument tlcharg depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et M

    tiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.)

  • -18-

    [14] A.-M.Alcola, "Del'conomie solidaire l'conomie solidaireterritoriale : quelles fi guresconomiques

    ", journss

    d'tuds Les autres figures deI'conomie,24 iuin 1999, p.5,Facult des sciencsconomiques et de gestion, LaVarenne.

    fconomie s0lidairs, uns c0l0gie sociale

    affrontent tiennent l'articulation durable entre rciprocit, march etredistribution qu'ils cherchent raliser au sein d'units micro-cono-miques.

    L'ampleur de celles-ci reste difficile prciser, nanmoins quelquesdonnes sont disponibles. Aprs les tudes dtaillant le contenu des initia-tives existant dans les diffrents pays de I'Union, ces dernires ont tretenues pour des progftunmes pilotes europens sur l'innovation et ledveloppement rural (programme d' initiative communautaire Leader),sur le

  • lconomie solidaire ou l'conomie comme cologie sociale

    projets, reprsentant 388 emplois dans les ftois ans venir, pour un mon-tant total de crdit de plus de 1,5 million d'euros.

    Ces ralisations proposent des orientations porteuses d'une autreconception de l'argent. D'abord, elles incluent dans les projets ceux ma-nant d'entrepreneurs collectifs comme les dmarches avec un objectifsocial ou cologique. Ensuite elles suivent les projets, passent du temps les consolider et les pargnants peuvent limiter volontairement leurrmunration.

  • -20-

    [22] J. Cfarke, DemocratizingDevelopment: the Role otVo I untary O rganizations,Earthscan, Londres, 1991 ;L. Favreau,

    "La dynamiqueassociativ au Sud: une misen prspective", La Revue duMauss, dossier

    " Une seule

    solution. l'association? Socio-conomie du fait associatif '.no 11, 1" semestre, 1998.

    [23] Ritimo-Solag1, Pour uncommerce qu itale, CharlesLoopold Mayer, La LibrairieFondation pour l progrs deI'Homme, Paris, 1998, p. 15.

    I conomie solidaire, une 6col0gie socialB

    dtournements de fonds par manque de discernement politique, il convientde prendre acte de leur existence. Elles ont prouv leur capacit treplus proches des populations que l'action tatiqtetzzt, laquelle ellesne se substituent pas et elles ont jou un rle de premier plan dans lesluttes pour les droits des plus faibles et contre la discrimination, pourI'annulation de la dette, etc. La rencontre de certaines de ces organisa-tions du Sud avec des associations cologiques et en faveur des droitsde I'homme du Nord explique la naissance du commerce quitable. Celui-ci vise les deux objectifs suivants.

    Tout d'abord

    C'est une prsentation du commerce quitable qu'est consacrl'ar-ticle d'Elisabetta Bucolo, suivi d'une interrogation de Jacques Gautratsur la pertinence d'une approche de l'agritourisme travers le prisme del'conomie solidaire. Celle-ci incite rflchir sur ce qui peut rassem-bler des pratiques qui se sont largement diversifies dans un ensemblecommun.

    Des traits cornrnrrils au* ptatiquesdtcononrie solidaireDans la priode de mutations actuelle, les actions micro-

    collectives cites traduisent la recherche de nouvelles rgulations quitentent de crer des formes de solidarits concrtes en ayant recours des initiatives conomiques. Plutt que de corriger les dysfonctionne-ments de l'conomie par la solidarit institutionnalise, elles proposentde rinscrire la solidarit au cur mme de l'conomie. ffavers ce ren-versement de perspective, elles dpassent la simple fonction de pallia-tifs, elles alimentent une rflexion sur la nature du lien social et sur lesfinalits de l'change conomique. En fait,l'horizon des initiatves parattre celui d'une conomie qui soit la fois mixte, marchande et non mar-chande, tout en intgrant des changes non montaires, relevant de larciprocit et du don au sein de rseaux de sociabilit. Les synergiesqu'elles tentent de dvelopper entre conomies produisent des innova-tions organisationnelles.

    ECO19r a-Flflrlout

    D

    ocum

    ent t

    lc

    harg

    de

    puis

    www.

    cairn

    .info

    - Co

    nser

    vato

    ire N

    atio

    nal d

    es A

    rts e

    t Mt

    iers

    - -

    163

    .173

    .9.3

    - 02

    /06/

    2015

    15h

    04.

    Pre

    sses

    de

    Scie

    nces

    Po

    (P.F.

    N.S.

    P.)

    D

    ocument tlcharg depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et M

    tiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.)

  • f conomie solidaire ou l'conomie comme cologie sociale

    cet gard l'approche descriptve et comprhensive traven laquelleelle a t construite met en vidence que la notion d'conomie soli-daire n'est pas une reprsentation de ce qu'il serait souhaitable de faireen termes de changement des finalits et des modes de fonctionnementde certaines organisations, l'inverse elle constitue une tentative d'appr-hension de pratiques sociales qui sont mises en ceuvre, pour rpondre des problmes. ravers cette notion, c'est un essai de problmatisationdes pratiques existantes et non une suggeston portant sur des pratiquessouhaitables qui a t poursuivi.

    En dpit des questions qui restent largement ouvertes, il est d'ores etdj possible de distinguer radicalement l'conomie solidaire d'autresformes d'conomie. De l'conomie caritative qui prsente le risque desubstituer la sollicitude et la bienveillance au droit. Mais galement del'conomie d'insertion quand celle-ci est pense uniquement comme unsecteur de transition et de > vers l'conomie de march.

    llne articrrlation socio-conorniqrre spciliqrre ct d'autres formes d'conomie et non sans tension avec celles-

    ci, l'conomie solidaire propose en fait une recomposition des rapportsentre conomique et social.

    Sur le plan conomique tout d'abord, l'emploi n'est pas une fin ensoi, il est englob dans une dmarche plus globale grce laquelle l'ac-tivit conomique est rencastre dans des structures porteuses de senso le sujet s'inscrit dans des collectifs concrets. La production est assu-re, mais en structurant des activits dans un cadre collectifqui seul peutgarantir la qualit des prestations et des emplois comme l'implicationdes bnvoles et des usagers. Au lieu de dfendre l'emploi tout prix,quelles que soient les conditions sociales de son exercice, c'est la com-plmentarit entre engagements volontaires et vrais emplois qui veut treinstaure.

    Sur le plan social ensuite, ces ralisations permettent la constitutionautour de projets librement dtermins par celles et ceux qui les conoi-vent, de solidarits de proximit qui ont pour verru d'activer des rseauxd'autant plus importants qu'ils s'insrent dans un monde o se multi-plient les phnomnes d'anomie, de retrait ou de repli identitaire. Tou-tefois, de tels rseaux ne signifient pas le retour un localisme quiprocderait d'une dngation des acquis sociaux de la modernit. Aucontraile, les structures d'conomie solidaire constituent des entits col-lectives qui aident une laboration interactive de solutions autres quecelles offertes par le march ou l'tat. Elles s'ancrent sur une apparte-nance revendique pour sortir certaines questions de la sphre prive et

    -21 -

    .cotate a!:+*1rlou E

    D

    ocum

    ent t

    lc

    harg

    de

    puis

    www.

    cairn

    .info

    - Co

    nser

    vato

    ire N

    atio

    nal d

    es A

    rts e

    t Mt

    iers

    - -

    163

    .173

    .9.3

    - 02

    /06/

    2015

    15h

    04.

    Pre

    sses

    de

    Scie

    nces

    Po

    (P.F.

    N.S.

    P.)

    D

    ocument tlcharg depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et M

    tiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.)

  • -22-

    [24] A. Giddens, 1994, op. cit.

    f6conomie s0lidaire, uns e0l0gie soDiale

    en socialiser le traitement en raction contre les insuffisances des sec-teurs priv et public.

    Une dirnension politiqrre poe par desacteurs de clrangernentOn parle de crise de la politique parce que la politique est perue sous

    deux angles: la dsignation des reprsentants par le suffrage universelet l'action revendicative par les mouvements sociaux. Mais en fait, cequi est en crise c'est la rduction de la politque ces deux aspects. C'estdu moins ce qui ressort de l'examen des pratiques d'conomie soli-daire qui attestent d'engagements dans la vie de la cit. Il ne s'agit pasl de reconstitution de forum sur le modle de I'agora grecque, mais d'ac-tivits d'implication citoyenne autour de problmes quotidiens t2al. C'estune forme de politique de la vie quotdienne qui merge, travers la miseen dbat public de problmes qui ne sont entirement rsolus ni par lesecteur public, ni par le secteur priv. travers ces actions, les partici-pants se rendent compte qu'il est possible de ne plus subir la crise, maisde redevenir sujet de son propre avenir, mme si c'est un niveau trsmodeste. En fait, des champs d'activits nouveaux peuvent donner lieu autre chose qu'une nouvelle forme de consommation ou qu'une actioncaritative, ils peuvent consolider des modes de socialisation porteursd'un dans la socit de demain. C'est pourquoi ils ontune signification profondment politique.

    tablir une sparation entre ce qui relve de l'engagement politiqueet du dveloppement culturel d'une part, ce qui relve du domaine co-nomique et social d'autre part, apparat dans ces condilions artificiel.Autant les offres institutionnelles de participation n'ont rencontr qu'unfaible cho, par exemple dans la politique de la ville, autant foisonnentles actions qui essaient de rpondre des demandes sociales non satis-faites. Les rgulations conomiques et sociales y sont penses partirde la prise de parole d'usagers, de professionnels ou de bnvoles, adop-tant pour finalit la construction d'une conomie solidaire, c'est--dired'une conomie qui internalise le souci de la solidarit. La sparationentre les lieux o se traitent les questions politiques et ceux o se traitent les questions conomiques et sociales est donc bouleverse parI'imrption d'une nouvelle question sociale qui suscite sur le plan natio-nal et internatonal, un regain d'investissement dans l'espace public empi-riquement observable. La dimension politique de l'conomie solidaireest tout aussi constitutive des pratiques que leur dimension socio-co-nomique: les projets formuls ont pour vise le changement institu-tionnel et non la seule production, ce qui les positionne comme denouveaux espaces dmocratiques par leur

  • f 6eonomie solidaire ou l'conomie comme cologie sociale

    dans les socits civilesL2sl>>. De plus, ils stimulent un apprentissage dela vie publique et ils concourent rendre la dmocratie plus vivante parcequ'ils sont l'manaton d'acteurs de la socit civile qui prennent la parole propos des problmes concrets qu'ils rencontrent. Ces acteurs s'en-gagent en outre s'inscrire dans la dure des relations bases sur la libertet l'galit des membres du gtoupe en recherchant l'expression et la par-ticipation de chacun quel que soit son statut (salari, bnvole, usager...).

    C'est cette nature multidimensionnelle qui tait la richesse mais aussila difficult de l'conomie solidaire. Son dfi rside dans ce qu'elle pro-pose un nouveau modle d'action collective fond sur I'hybridation, quia pour ambition de s'attaquer aux cloisonnements hrits.

    lln norrvearr rnodle dtaction collectiveLe problme pos par ce modle mergeantn'estpas celui d'un rem-

    placement de la solidarit institutionnelle par des solidarits de proxi-mit, ou d'une compensation de la rduction des financements publicspar un appel au bnvolat. Il importe au contraire que ces expriencesde l'conomie solidaire se combinent avec une action renforce des pou-voirs publics. Pour que les initiatives ne soient pas condamnes unemarginalit, elles appellent un retour de l'tat assorti d'un renouvelle-ment de ses formes d'intervention. Leur dveloppement plus grandechelle dpend d'un soutien et d'une stimulation lis une nouvelle figurede l'tat rgulateur qui articule troitement la politique de I'emploi avecdes politiques de l'espace public et du lien social.

    l.]absence d'une telle articulaton a des effets dvastateurs, elle entre-tient la confusion entre conomie solidaire et traitement du chmage.Les pratiques d'conomie solidaire ont t assimiles un secteur d'in-sertion fond sur des statuts intermdiaires entre emploi et assistance,avec des consquences ngatives qui tiennent la perte progressive del'exigence dmocratique et la tentative de recomposer les rapports entreconomique et social par le seul biais de mesures d'insertion. Cefte drivea pu s'insinuer, chez les acteurs eux-mmes, sous le prtexte de l'urgencede I'action. Les logiques de projet ont t rabattues sur des logiques deprogramme. Un tel dtournement, vritable perte de sens, est appel se perptuer, si ne sont pas trouvs des droits susceptibles de garantirl'autonomie des projets, gage de leur crativit, tout en leur apportantun soutien manant des pouvoirs publics pour les financer selon leur uti-lit sociale. C'est le point de vue que dveloppe dans sa contributionGianfaldoni.

    L exemple des services de proximit est frappant cet gard. Toutesles mesures les concernant ont eu pour effet pervers de dstabiliser lesservices prcdemment tablis dans le cadre des politiques sociales. Au

    -23-

    [25] A. Evers, " Part of theWeliare Mix : The Third Sctoras an Intermediate Aroao,Vo I u ntas, I ntern ational Jou r nalof Voluntary and Non-ProfitOrganisations, n' 6/2, 1995.

    tcorfre a-q9!1T lO u E

    D

    ocum

    ent t

    lc

    harg

    de

    puis

    www.

    cairn

    .info

    - Co

    nser

    vato

    ire N

    atio

    nal d

    es A

    rts e

    t Mt

    iers

    - -

    163

    .173

    .9.3

    - 02

    /06/

    2015

    15h

    04.

    Pre

    sses

    de

    Scie

    nces

    Po

    (P.F.

    N.S.

    P.)

    D

    ocument tlcharg depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et M

    tiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.)

  • -24-

    [26] P. Strobel, . Servicepublic, fin de sicle", lnC. Grmion (dir.),Modernisation des seruicespubllcs, Commissariat gnraldu plan, Ministre de larecherche, La Documentationfranaise, Paris, 1995.

    Uconomie s0lidaire, unB c0l0gie s0ciale

    lieu d'une combinaison nouvelle qui aurait cherch concilier politiquessociales et d'emploi travers le soutien des activits structures, lapriorit a t donne la construction d'un march pour crer rapide-ment des emplois. En raction, la perspective de l'conomie solidairepropose de ne plus concevoir ce champ d'activits conomiques commeun simple gisement d'emplois, mais de le considrer plus largementcomme le lieu d'une possible articulation entre de nouvelles formes d'ex-pression politique et des actions alliant les soucis de cohsion socialeet de cration d'emploi.

    Inventer des formes appropries la reconnaissance de l'conomiesolidaire n'est pas vident. Mais 1'enjeu est de taille. La question socialeau 19" sicle a abouti une invention institutionnelle" celle des servicespublics. En leur sein, I'accessibilit des services rendus est assure parle contrle dmocratique de la redistribution dont les rgles sont dic-tes par la reprsentation nationale avec pour contrepartie

  • Uconomie solidalre ou l'conomie comme cologie sociale -

    25 -

    justifiant les mesures drgulatrices par l'pret de la concurrence inter-nationale et des politiques sociales essayant d'attnuer la fragmenta-tion sociale accentue par les politiques conomiques. Les inadquationsne peuvent qu'tre patentes entre des actions o il y a la volont d'or-ganiser les conditions de vie en fonction des raisons de vivret2Tl et desrgulations hrites d'une socit conomique centre sur la rsolutiondu problme de la raret. C'est pourquoi en I'absence de dbat social surles mdiations institutionnelles susceptibles d'accompagner la montedes incertitudes contemporaines et devant I'incapacit des rgulationsmacro-institutionnelles assurer la cohsion sociale, les actions micro-collectives constituent des phnomnes ngligs malgr leur relative dif-fusion. Paradoxalement, les changements institutionnels qu'ellesengendrent restent de I'ordre de l'adjonction de procdures la margealors que le questionnement dont elles sont porteuses touche les choixfondamentaux de socit.

    I24 M. de Certau, La cultureau pluriel, Christian Bourgois,Paris. 1980.

    .coLtz el-o-!l1l au E

    D

    ocum

    ent t

    lc

    harg

    de

    puis

    www.

    cairn

    .info

    - Co

    nser

    vato

    ire N

    atio

    nal d

    es A

    rts e

    t Mt

    iers

    - -

    163

    .173

    .9.3

    - 02

    /06/

    2015

    15h

    04.

    Pre

    sses

    de

    Scie

    nces

    Po

    (P.F.

    N.S.

    P.)

    D

    ocument tlcharg depuis www.cairn.info - Conservatoire National des Arts et M

    tiers - - 163.173.9.3 - 02/06/2015 15h04. Presses de Sciences Po (P.F.N.S.P.)