ecrivains juifs contemporains

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    LE DOUBLE LIEN ENTRE ECRITURE ET IDENTITE : LE CAS DES

    ECRIVAINS JUIFS CONTEMPORAINS DE LANGUE FRANAISE

    Clara Lvy

    Presses de Sciences Po | Socits contemporaines

    2001/4 - no 44pages 75 90

    ISSN 1150-1944

    Article disponible en ligne l'adresse:

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------http://www.cairn.info/revue-societes-contemporaines-2001-4-page-75.htm

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Pour citer cet article :

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------Lvy Clara, Le double lien entre ecriture et identite : le cas des ecrivains juifs contemporains de langue franaise ,

    Socits contemporaines, 2001/4 no 44, p. 75-90. DOI : 10.3917/soco.044.0075

    --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

    Distribution lectronique Cairn.info pour Presses de Sciences Po.

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    Socits Contemporaines (2002) n 44 (p. 75-90)

    LE DOUBLE LIEN ENTRE ECRITURE ETIDENTITE : LE CAS DES ECRIVAINS JUIFS

    CONTEMPORAINS DE LANGUE FRANAISE

    RSUM :Il sagit ici denvisager la question de la rciprocit des liens entre criture etjudit. De manire classique, les crivains juifs contemporains de langue franaise utilisentleur exprience, notamment biographique, comme matriau littraire : lidentit, par exempleavec ce qui se joue au travers du rapport au stigmate, est donc susceptible de nourrirlcriture. De manire symtrique, il est possible de montrer au travers du cas de GeorgesPerec que lcriture peut galement nourrir lidentit en la revivifiant, voire en la ressus-citant. Il nen reste pas moins que la relation entre criture et judit nest reconnue et vali-de par les instances critiques, notamment la presse communautaire, quau prix duneconception relativement classique de lidentit.

    INTRODUCTION

    Travailler sur les crivains juifs contemporains de langue franaise suppose, dansltape de construction de lobjet, de proposer un certain nombre de dfinitions suf-fisamment prcises et le moins contestables possible. On doit ainsi assigner cet ob-

    jet des limites littraires (quest-ce quun crivain de langue franaise ?), ethnico-religieuses (quest-ce quun crivain juif ?), chronologiques (quest-ce quun cri-vain juif de langue franaise contemporain ?). Nous avons pris le parti de constituerun corpus rassemblant les textes littraires, publis entre 1945 et le dbut des annesquatre-vingt, rdigs par des auteurs sauto-dfinissant comme juifs (Lvy, 1998). Ilsagit alors pour nous de rpondre une double interrogation : existe-t-il une affini-t, pour ces auteurs, entre criture et judasme et, si cette affinit existe, de quellenature est-elle ?

    La question du lien entre criture et judasme se transforme, lorsque lon tudie

    les crivains juifs contemporains, et devient celle du lien entre criture et judit. Ladistinction entre judasme et judit a t tablie, pour la premire fois, par AlbertMemmi, qui a forg un nologisme pour distinguer plus radicalement la doctrine re-ligieuse (le judasme) du sentiment subjectif dappartenance (la judit). Le voca-

    bulaire courant tant fort imprcis, je propose de distinguer entrejudit,judacitetjudasme :la juditest le fait et la manire dtre juif ; la judacitest lensembledes personnes juives ; le judasme est lensemble des doctrines et des institutions

    juives (Memmi, 1962).

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    Lhypothse retenue ici est que la judit et lcriture entretiennent une relationsusceptible dtre mise au jour : la judit constitue une caractristique de lauteurreprable dune part dans sa position dans lespace littraire, dautre part dans sonuvre. La question de lexistence de cette relation se trouve prolonge par une se-conde question concernant sa nature. Si ce quun crivain crit, le style dans lequel illcrit et la place quil occupe dans le monde littraire sont susceptibles dtre lisavec le fait que cet crivain se sente juif, quelle est la nature de ce lien ? Comment la

    judit dun crivain transparat-elle dans son uvre ? Est-il possible dvaluer so-ciologiquement la nature et lintensit du lien unissant lcriture et la judit ? Plu-sieurs pistes sont possibles, qui sont dailleurs compatibles les unes avec les autres.Ainsi, on pourrait considrer que la relation entre criture et judit est principale-ment thmatique : les crivains traitent de la judit, des questions juives ; la juditcomme thme littraire privilgi par les crivains juifs constituerait un symptme

    du lien entre judit et criture. La seconde relation possible serait de nature institu-tionnelle : les crivains juifs seraient regroups au sein dcoles littraires, de r-seaux qui les rassembleraient et dans le cadre desquels ils poursuivraient une car-rire littraire en tant que juifs . Enfin, la troisime relation serait de nature stylis-tique : outre les thmes voqus, jouerait alors la stratgie discursive mise en uvre

    pour les traiter. La judit dun crivain serait alors perceptible non seulement autravers de lintrigue et des ides abordes, mais galement au travers de la formeadopte. Pour proposer une rponse cohrente une partie de la question delexistence dun lien reliant lcriture la judit, nous procderons en trois temps :nous tenterons dabord de montrer quelle aporie aboutit la dfinition de lidentit

    juive des crivains par les instances communautaires ; nous analyserons ensuite lesmodalits selon lesquelles les textes littraires sont nourris par les crivains de leuridentit juive ; nous nous efforcerons enfin de mettre au jour, symtriquement, les

    modalits selon lesquelles lidentit juive se renforce et se conforte dans le proces-sus de cration littraire.

    1. LES INSTANCES COMMUNAUTARISTES

    Depuis le milieu des annes cinquante jusqu aujourdhui, resurgit sporadique-ment dans les priodiques communautaires la question de la dfinition des crivains

    juifs de langue franaise1. Plusieurs approches de cette question sont possibles, dont

    1. Except dune part les nombreux articles sur tel ou tel crivain particulier, o le journaliste saisitloccasion fournie par la critique dun ouvrage littraire pour prciser ce quil convient dentendrepar lexpression crivain juif de langue franaise , et dautre part les articles consacrs llaboration de la dfinition de cette expression rpartis au milieu darticles traitant dautres sujets,plus dune dizaine de numros spciaux de journaux communautaires ont consacr leurs dossiers la question de lexistence dune littrature juive franaise, entre 1956 et 1995 alors que ces jour-naux ne sont pas vocation littraire, mme si tous possdent une rubrique littraire, qui recensergulirement les publications des auteurs juifs. La rubrique littraire dun des mensuels commu-nautaires les plus diffuss, LArche, fut dirige successivement par Arnold Mandel jusquen no-vembre 1963, puis par Wladimir Rabi partir de dcembre 1963. LArche, magazine mensuel duFonds Social Juif Unifi, est fond en 1957. Arnold Mandel est n Strasbourg en 1913 ; la foisromancier et essayiste, il endosse aussi le rle de chroniqueur et critique littraire pour plusieurs ti-tres de la presse communautaire, jusqu sa mort en 1987. Wladimir Rabinovitch (dit Rabi) est nen 1906 en Lituanie ; il arrive en France lge de quatre ans, poursuit des tudes de droit, devientavocat puis juge avant de se reconvertir dans la critique littraire pour la presse communautaire ;il meurt en 1981.

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    toutes sont combines pour parvenir expliciter qui est, en dfinitive, digne dentrerdans le groupe des crivains juifs. Les journalistes soctroient, dans le cadre de cesdossiers, le rle de gardiens du temple rigoureux, mais parfois bienveillants, quiconcdent ou refusent le titre dcrivain juif, manifestement considr par euxcomme une marque valorisante. Quon ne sy trompe pas : lenjeu est de taille pourles journalistes, parfois eux-mmes crivains, qui abordent cette question parce quela rponse quils lui fournissent constitue lindicateur des critres de la judit nonseulement pour un crivain, mais encore pour tout individu. Autrement dit, en dfi-nissant lcrivain juif, cest de manire mtonymique, le Juif lui-mme quils dfi-nissent2 : lcrivain est la figure visible, emblmatique, quon scrute pour mieuxconnatre lensemble du groupe dont il est issu. Les dfinitions journalistiquesconsidrent alors un certain nombre de critres quelles sont amenes rejeter car ilsmnent des impasses, avant de se polariser autour de lide dun engagement juif.

    1. 1. LES CRITERES ECARTES

    Trois critres de dfinition possible des crivains juifs sont traditionnellementcarts dans la presse juive communautaire o sexpriment les critiques littraires :lorigine juive, la langue et la thmatique ne sont ainsi pas considres comme descaractristiques suffisantes pour qualifier un auteur et ses textes de juifs .

    Le critre de lorigine juive est considr comme implicite par plusieurs journa-listes mme si certains lenvisagent cependant explicitement et doit, selon eux,tre combin une thmatique juive pour que lcrivain puisse tre considrcomme juif : tous soulignent quil ne suffit pas dtre un crivain dorigine juive

    pour pouvoir prtendre la qualification dcrivain juif : Admettons que je sois charg de prparer une anthologie juive. Quels cri-

    vains y figureraient-ils ? Ceux dont lorigine est indiscutable, comme le faitEdmond Fleg ? Mais alors, Proust en serait absent. Pourquoi ? Il ntait quedemi-juif. Pallire en serait exclu galement. Pourquoi ? Il ntait pas cir-concis. Mais Simone Weil, oui, elle devrait y apparatre en bonne place, dedroit. Cela ne me satisfait pas. (Rabi, 1956)

    Le critre de lorigine juive est donc ncessaire (origine dfinie dailleurs plus oumoins rigoureusement par les journalistes, dont certains se rfrent la lettre mmede la rgle talmudique, cest--dire au judasme de la mre, et dont dautres admet-tent comme juifs les crivains dont seul le pre est juif) mais se rvle non suffisant :nest pas crivain juif tout crivain qui est juif. Cest ce que dmontre la polmiqueentretenue par Arnold Mandel sur lidentit de Romain Gary, plus dun an aprs lamort de ce dernier.

    Romain Gary, un hybride sil en fut, et pas du tout juif, est mentionn entant qucrivain juif en fonction deLa Dame de Gengis Khan (sic), un livreincohrent et calamiteux lavis de toute la critique. (Mandel, 1982a)

    2. La rflexion suivante tmoigne du fait que, derrire la dfinition de la littrature juive, pointe ladfinition plus gnrale de lidentit juive : Un certain nombre dambiguts psent sur cette litt-rature juive. Ces ambiguts traduisent les ambiguts de notre condition juive, ce qui se traduit g-nralement par limpossibilit radicale dapporter une dfinition cohrente et universelle lidentitjuive (Rabi, 1971).

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    Dans le numro suivant de la mme revue, Mandel persiste et dveloppe lesarguments qui le poussent considrer Gary, en tant qucrivain, comme non juif alors mme que celui-ci voque (et mme revendique) sa judit maintes reprisesdans ses textes littraires (Lvy, 2001).

    Quant au problme de lidentit de Gary, sa judit atteste par Albert Ben-soussan, je nai pas qualit pour juger sur le fond. N de mre juive, selon lahalacha, il tait formellement juif. Mais, en loccurrence, la halachalgifresans emporter la conviction, ni faire en sorte quune telle identification soitressentie comme relle. Cependant, dans le contexte incrimin, il sagitdcrivain juif. Et Gary nen tait pas un, mme formellement. Un crivainjuif, cest quelquun qui, dans ses crits, exprime dune certaine manire uneexprience affective juive, sil ne tmoigne pas dune culture juive. Cest aus-si et avant tout quelquun qui sassume en tant que juif. Rien de tel chez

    cet auteur narcissique, frott de cosmopolitisme, produit et producteur dunparisianisme de mauvais aloi, celui de la pose et de linauthenticit et voluant trs longue distance de tout domaine spirituel dans un milieu artificiel.

    (Mandel, 1982b)

    Le rejet du critre de lorigine juive amne les journalistes et critiques exami-ner la pertinence dautres indices de la judit dun auteur. Le critre de langue servle immdiatement inoprant pour les crivains de langue franaise, quinutilisent par dfinition ni lhbreu, ni le yiddish, ni le judo-arabe (mme si cer-tains termes idiomatiques de lune ou de plusieurs de ces trois langues peuvent, loccasion, apparatre dans leurs textes). Certains critiques privilgient alors le cri-tre de la thmatique aborde par les crivains : les thmes abords contribuent ainsi dfinir un crivain comme juif.

    La dfinition dAndr Elbaz progresse ainsi du rejet de la langue et de lorigine

    jusqu la prise en compte de la thmatique : Il serait aberrant pour un romancier qui vit en France de choisir dcriredans une langue que personne ou presque ne comprend. Le problme a tanalys avec beaucoup de pntration par Albert Memmi, qui souligne que lesjuifs, disperss de par le monde, crivent dans la langue de leur pays respectif(...).Certains considrent comme romanciers juifs tous les romanciers juifs denaissance, quels que soient les thmes ou lorientation de leurs uvres. Ainsi,lcrivain franais Piotr Rawicz inclut dans la littrature juive Simone Weil,pourtant peu suspecte de sympathie ou dintrt pour le judasme. Oui, je suisun peu annexionniste de ce ct-l, affirme-t-il.Pour nous, un romancier juif sera un juif qui crit des romans mettant en ac-tion des personnages juifs. Nous rejetons la thse extrmiste de ceux qui vontjusqu prtendre quun romancier juif ne mrite cette tiquette que si ses h-ros sont entirement positifs. (Elbaz, 1970)

    La dfinition dun crivain juif devient plus dlicate encore laborer lorsque lesjournalistes puristes, dont toujours Arnold Mandel, refusent de labelliser commejuifs des crivains runissant les critres de lorigine juive et du traitement de th-mes juifs dmontrant par l quils les tiennent pour ncessaires mais nullementsuffisants si la conception du judasme que les crivains expriment littrairementne leur convient pas, cest--dire sils la considrent comme trop dulcore par rap-

    port aux normes quils ont eux-mmes fixes.Mais mme pour les journalistes qui

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    accordent aux crivains juifs toute licence de sexprimer comme ils le dsirent surdes thmes juifs, la difficult, aussitt souleve par le critre de la thmatique, rsidedans le fait que des crivains non-juifs peuvent tout aussi bien que les crivains juifscrer des personnages juifs et voquer des situations juives3, alors que certains deceux-ci nabordent que marginalement des thmatiques juives. Ce dernier critre estdonc lui aussi abandonn, au profit dune dfinition moins rigoureuse et plus flouede lcrivain juif en tant que vecteur dune sensibilit proprement juive cest--direen tant qucrivain assumant dlibrment son destin juif.

    1. 2. LINSCRIPTION DANS LE DESTIN JUIF

    Une fois quont t examins puis rejets les trois critres de lorigine, de la lan-gue et de la thmatique, reste ainsi prendre en compte un critre supplmentaire

    nomm indiffremment par les journalistes engagement juif, conscience juive, ins-cription dans un destin juif, et qui renvoie au traitement par lcrivain de la questionde la condition juive. Cest ce qutablit Wladimir Rabi :

    Seuls sont compts les crivains engags dans le dur destin juif, pleinementconvaincus de leur responsabilit au sein dun univers, qui est le leur, quils leveuillent ou non, et pour lequel ils portent tmoignage. (Rabi, 1956)

    Cest alors en rfrence cette perspective identitaire de lauteur que doivent secomprendre des rgularits thmatiques dans les ouvrages des crivains juifscontemporains de langue franaise, rgularits que Wladimir Rabi rsume ainsi :

    Dans la littrature juive, je distingue trois caractres : un aspect de dli-vrance, un aspect de marginalisme, enfin un caractre circonstanciel.a) Dlivrance: en une premire uvre, lcrivain juif a tendance se librerde son enfance, de son adolescence, de son milieu traditionnel avant de

    sengager dans le grand courant universaliste de la nation environnante.b) Marginalisme : lcrivain juif qui se veut crivain juif demeure constam-ment dans une zone priphrique. Il ne franchira le barrage que sil se soumetau credoet aux valeurs de lenvironnement, sil consent rompre avec sa pa-roisse, son milieu dorigine, son ghetto.c) Caractre circonstanciel: cette littrature est enfin circonstancielle ou oc-casionnelle, cest--dire quelle ne se manifeste quen priode de crise, lors-que le problme juif se pose et simpose. Elle apparat alors par vagues suc-cessives. (Rabi, 1971)

    La dmarche est ici circulaire, et donc tautologique : on dfinit comme juifs lescrivains qui traitent de leur destin juif (on retrouve alors en fait le critre de la th-matique, quon avait feint de rejeter) et, du coup, on repre les lignes principales dece destin, visibles aussi bien pour les crivains que pour lensemble des Juifs. Privi-lgier la dfinition de lcrivain juif par son inscription dlibre dans le destin juif,

    puis remarquer, de manire artificielle, la trace de ce destin en synthtisant son ex-pression thmatique de manire trs gnrale, permet de porter son maximum de

    3. Cest ce quatteste la bibliographie intitule La littrature dinspiration juive depuis la secondeguerre mondiale qui clt le numro spcial de LArche, 1971, qui recense une production deprs dune centaine de titres, par des auteurs juifs ou non juifs (sont ainsi cits Abahn, Sabana,David, Gallimard, Paris, 1970 de Marguerite Duras etLe Roi des Aulnes, Gallimard, Paris, 1969 deMichel Tournier).

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    cohrence lhomologie entre la judit dun crivain et celle de tout individu. Or,puisque cest la dfinition de lindividu juif qui est en question derrire celle delcrivain juif, lenjeu consiste tablir la plus grande quivalence possible entrelidentit individuelle et lidentit artistique et ce en mettant en vidence une nette

    proximit entre les proccupations des crivains et celles de lensemble de la popu-lation juive.

    Dans la suite de notre propos, consacr la prise en compte des thmatiques etdes procds stylistiques reprables pour un certain nombre dcrivains juifscontemporains de langue franaise, nous ne reprendrons donc pas les critres propo-ss/imposs par les instances communautaristes, mais ceux signals en introduction

    cest--dire se rapportant lauto-dfinition comme juifs dauteurs ayant publides textes, considrs comme littraires, entre 1945 et le dbut des annes quatre-vingt.

    2. LA LITTERATURE NOURRIE PAR LA JUDEITE : LES THEMATIQUES

    De manire assez classique, les crivains juifs comme beaucoup dautres cri-vains nourrissent en partie leurs textes littraires de leur exprience personnelle, etdonc notamment de la dimension identitaire de cette exprience. Parmi les ouvragesanalyss, cet usage du matriau identitaire apparat comme polymorphe. Plusieursthmatiques communes telles que la mmoire, lengagement ou la solitude sontainsi frquemment abordes et lestes du poids de la judit des crivains.

    2. 1. LE STIGMATE ET SON RETOURNEMENT : LA BOSSE

    La solitude sociale des Juifs constitue un thme rcurrent dans le corpus analy-s : les crivains sattlent alors lesthtisation de la stigmatisation, cest--diresefforcent de donner une forme littraire leurs expriences en tant que membresdune population stigmatise. Une des modalits les plus abouties de cette esthtisa-tion concerne le travail sur limage de la bosse. Ainsi, Romain Gary renvoie la sp-cificit des Juifs un rel handicap physique, un stigmate auto-inflig : la difformi-t physiologique est, pour lui, le signe de la victoire des stigmatiseurs qui ont russi imposer le stigmate une population qui en tait initialement dpourvue :

    Les Juifs du ghetto, qui on a rpt pendant des sicles quils taient sanshonneur, (...) ont t persuads au point de changer de physique et dacqurirun air humble, coupable, et une colonne vertbrale dforme cest un faithistorique force de courber le dos. Les Juifs auxquels on a impos des v-tements distinctifs pour les infrioriser, mais quils ont fini par adopter sibien que les Juifs orthodoxes les portent encore... et refusent de les quitter enIsral ! (Gary, 1974)

    Cette image de la bosse (qui renvoie explicitement un handicap, un stigmatephysique et visible) est travaille par plusieurs des crivains juifs contemporains delangue franaise, comme Edmond Jabs, qui consacre de nombreux passages au dos gibbeux des Juifs, et qui revisite, lui aussi, la double mtaphore de la bosseet du fardeau :

    Sa bosse nen tait pas une, dit la lgende. Elle tait le fardeau qui faisaitflchir son corps.Juif errant dont lombre se profile sur chaque page du livre, un bton la main.

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    Et ils le punirent dtre encore en vie. (Jabs, 1989)

    Le stigmate nest plus alors quune particularit exemplaire dont il convient desaccommoder avec plus ou moins de plaisir :

    Aujourdhui, alors que mon regard se pose sur ces murailles qui entourentcette ville tant convoite (Jrusalem), je cherche, sans hte, lesprit paisible, comprendre quelle est la nature de ma judit ; mexpliquer moi-mme lasignification qua pour moi, ici et maintenant, ce judasme auquel jenappartiens pas seulement par la naissance, mais aussi bien plus encore parceque je lai toujours voulu ainsi, mme dans les pires circonstances. Et ce ds ledbut, non pas parce que le peuple juif est un peuple lu, mais malgr cela. Cestatut tait-il un don inluctable ou un fardeau trop lourd porter ? Cette ques-tion ne ma proccup que durant mon enfance, car jai dcouvert assez ttque la Grce sattache nous comme une bosse un bossu. Pas plus que de

    cette protubrance, on ne peut se librer de la Grce, le plus accablant de tousles poids. (Sperber, 1994)

    Une consquence de la politique de lidentit mene jusquau bout de sa logiqueconsiste retourner le stigmate et lui confrer une charge symbolique puissam-ment positive ; Goffman explique ainsi que la communaut, la faon des ghettos,constitue un havre dauto-dfense, un lieu o chaque dvieur peut soutenir ouverte-ment quil vaut bien nimporte qui. Mais non contents de cela, les dviants sociauxont souvent le sentiment dtre non seulement gaux, mais suprieurs aux nor-maux (Goffman, 1975). Albert Cohen considre dabord la bosse comme le stig-mate infamant qui affecte les Juifs rejets par la socit. Cest ainsi que, une fois in-sult par le camelot antismite, le petit Albert se vote et saffuble dun

    dos neurasthnique o pousse la bosse des Juifs, couronne de leurs mal-heurs, bosse des tranges qui pensent trop, qui remchent trop.

    (Cohen, 1972)Lcrivain reprend cette ide dintriorisation et dinversion du stigmate pour les

    Juifs. Il situe un des pisodes de la trajectoire de son hros Solal dans une cave ber-linoise, o il se rfugie aprs avoir t molest par des soldats allemands du Troi-sime Reich ; dans cette cave, Solal ne croise quune personne, Rachel (symbole, elle seule, de lensemble du peuple juif reclus dans de sombres cachettes pourchapper la menace hitlrienne) qui est naine et bossue. Or, aprs un premier mou-vement de frayeur et de dgot, Solal est submerg par une grande tendresse pour la

    petite naine bossue dont il comprend quelle est la dpositaire de tous les malheurspasss et de tous les espoirs venir :

    Lui, il la considrait et il avait piti, piti de cette petite difforme aux grandsyeux, beaux yeux de son peuple, piti de cette petite insense, hritire depeurs sculaires, et de ces peurs le fruit contrefait, piti de cette bosse et enson me, il rvrait cette bosse, bosse des peurs et des sueurs de peur, sueursdge en ge et attentes de malheurs sueurs et angoisses dun peuple traqu,son peuple et son amour, le vieux peuple de gnie, couronn de malheur, deroyale science et de dsenchantement. (Cohen, 1968)

    Cette volont de retournement du stigmate amne notamment Cohen rdiger,dans quasiment chacun de ses ouvrages, quelques pages sur la grandeur et la sup-riorit du peuple juif qui compte son actif, selon lui, pas moins que la victoire de

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    lhumanit sur la bestialit grce lobissance la Loi biblique (qui changea leshommes bestiaux en hommes humains) :

    Quelles le sachent ou non quelles le veuillent ou non les plus nobles por-tions de lhumanit sont dme juive (...). Cest notre gloire de primates destemps passs notre royaut et divine patrie que de nous sculpter hommes parlobissance la Loi que de devenir ce tordu et tortu ce merveilleux bossusurgi de cette monstrueuse et sublime invention cet tre nouveau et parfois re-poussant car ce sont ses dbuts maladroits et il sera mal venu rat et hypocritependant des milliers dannes cet tre difforme et merveilleux aux yeux divinsce monstre non animal et non naturel qui est lhomme qui est notre hroquefabrication en vrit cest notre hrosme dsespr que de ne vouloir pas trece que nous sommes et cest--dire des btes soumises aux rgles de natureque de vouloir tre ce que nous ne sommes pas et cest--dire des hommes.

    (Cohen, 1968)

    Le mcanisme dinversion du stigmate fonctionne ici plein : jewish is beauti-ful , et mme ce qui parat laid et difforme chez les Juifs nest que le symptmedune splendeur et dune grandeur dissimules. Limage de la bosse, lide delanormalit sont reprises, mais sont prsentes comme symboliques dune noblesseet dune exceptionnalit valorises. Le stigmate, tant dcri par les autres, est lou

    par les Juifs eux-mmes comme un signe dsormais manifestement positif.

    2. 2. LINSCRIPTION DANS LA MEMOIRE COLLECTIVE

    tablir la fresque de lhistoire juive dans son ensemble nest certes pas lobjectifprimordial des crivains juifs contemporains de langue franaise. Rares sont en effetles ouvrages qui relient explicitement lhistoire narre la priode biblique ou mme un pass plus lointain que le XIXe sicle. Demeure lexception notable duDernier

    des justesdAndr Schwarz-Bart, dont lintrigue se fonde sur une lgende talmudi-que voulant que le sort du monde repose sur trente-six Justes dont les curs recueil-lent toute la douleur humaine. Lunique survivant du massacre des Juifs dYork en1185 se trouverait, selon certaines lgendes juives, parmi ces Justes et, chaque g-nration, un de ses descendants mourrait pour la cause des Juifs. Le roman retrace

    brivement lhistoire de cette famille sur plusieurs sicles, en Pologne, puis suit plusparticulirement la vie en Allemagne des derniers descendants des Justes, lesgrands-parents et les parents du hros, Ernie Lvy, qui meurt dans une chambre gaz, assumant ainsi, le dernier, son destin de Juste. Ds les premires pages de sontexte, Schwarz-Bart prcise que lhistoire de son hros ne peut se concevoir et secomprendre que dans une optique de long terme :

    Nos yeux reoivent la lumire dtoiles mortes. Une biographie de mon amiErnie tiendrait aisment dans le deuxime quart du XXe sicle ; mais la vrita-ble histoire dErnie Lvy commence trs tt, vers lan mille de notre re, dansla vieille cit anglicane dYork. (Schwarz-Bart, 1959)

    Si aucun autre ouvrage ne se situe clairement dans la perspective aussi ambi-tieuse de retracer plusieurs sicles dhistoire juive, on peut cependant noter une vo-lont assez gnrale dinsrer les pisodes raconts au sein dun mouvement histori-que plus large. Autrement dit, mme les ouvrages consacrs la priode la pluscontemporaine sont maills de rfrences de lointains vnements, puiss dans laBible ou lhistoire juive ; mme les histoires les plus individuelles et les plus ponc-

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    tuelles sont systmatiquement contextualises dans une optique collective de longterme4.

    Ces remarques valent surtout lorsquil sagit, pour les crivains, de rappeler ladimension tragique de lhistoire juive. loccasion de lvocation dinsultes anti-smites qui lui ont t adresses pendant son enfance, Albert Cohen consacre ainsi

    plusieurs pages daffile retranscrire, dans un style flamboyant et pique, la rsis-tance juive obstine toutes les nations qui, par le biais des perscutions, ont vouluradiquer la foi juive (Cohen, 1972). Dautres crivains se mettent eux-mmes enscne au milieu des pisodes historiques voqus, comme si mmoire biographiqueet mmoire historique sentremlaient inextricablement :

    Mon histoire. Dbute l. Finit l. La suite, du rab. De la frime. Jaurai tvivant quen apparence. Pourtant, un youpin. A la peau dure. chapp laGestapo. Rescap des arabes. Pogroms du Pre en Ukraine. Mes doux souve-nirs de Pologne. Mon Inquisition dEspagne. Je parle pas de Philippe le bel. Jeremonte pas au Temple. On tait bons comme la romaine. lpoque. Je re-monte pas au Dluge. Quand mme, jai les reins solides. Lorsque jaurai d-pass lan 2000. Jaurai presque 6000 ans. (Doubrovsky, 1977).

    Lensemble de ces rfrences des mythes historiques, des poques anciennes,aux vnements qui sy sont drouls et aux prjugs qui y avaient cours permettentaux crivains juifs de langue franaise de puiser dans la mmoire collective juive,tout en contribuant lalimenter et la faonner. Si lon considre lagrgation litt-raire dvnements historiques incontestables, de lgendes douteuses, de rfrences

    bibliques, de mythes retravaills par les gnrations successives et dinterprtationspersonnelles de la part des crivains, on constate que se met en place dans leursouvrages une conception contemporaine de lhistoire juive. Les individus brico-lent et recomposent des lments issus, les uns des mmoires des grandes religions,

    les autres de la mmoire ethnique ou nationale pour constituer une mmoiredorigine indissolublement religieuse et historique, qui fonde leur participation descommunauts affectives ou des fraternits lectives. (Schnapper, 1993). La thsede Maurice Halbwachs, selon laquelle la mmoire individuelle se dveloppe et serenforce dans les cadres fournis par la mmoire collective du groupe dappartenance

    qui enveloppe les souvenirs individuels en mettant laccent sur la continuit qui lesrgit se trouve, dans ce cas, confirme (Halbwachs, 1950). Limportance tant du

    point de vue numrique que comme repre identitaire des rfrences la Shoahparticipe du jeu avec cette mmoire collective. En tmoigne lanecdote sur laquellesouvre le premier roman de Patrick Modiano (crivain n en France en 1945 et quina donc pas personnellement vcu la seconde guerre mondiale), qui place pourtantsa premire publication sous lgide de lvocation de cette poque :

    Au mois de juin 1942, un officier allemand savance vers un jeune homme

    et lui dit :Pardon, monsieur, o se trouve la Place de ltoile ?Le jeune homme dsigne le ct gauche de sa poitrine.(Histoire juive) (Modiano, 1968).

    4. Plus spcialement propos de la production littraire autobiographique des crivains sfarades,Lucette Valensi note que textes parlant de Je, crits la premire personne, relatant une exp-rience singulire et individuelle, ils tmoignent dabord pour un destin collectif (Valensi, 1987).

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    La relation entre judit et criture ne doit cependant pas tre uniquement envi-sage du point de vue unilatral la littrature irrigue par certaines sujets spcifi-ques auquel conduit presque insensiblement une approche thmatique des uvresconstituant le corpus. Il convient en effet dinverser la perspective en sinterrogeantsur la manire dont lcriture mme concourt llaboration de la judit delcrivain.

    3. LA JUDEITE RAVIVEE PAR LECRITURE : LE STYLE

    Si la littrature, comme on pouvait sy attendre, est nourrie de matriaux ayanttrait lidentit des crivains, peuvent galement tre reprs des cas plus spcifi-ques o cest dans le sens inverse que semble se jouer la relation entre littrature etidentit. En effet, pour certains crivains, lactivit littraire apparat comme une oc-

    casion de nourrir leur conscience identitaire. Pour Georges Perec, le travaildcriture est ainsi, dans le mme temps, un travail (presque au sens psychanalytiquedu terme) de redcouverte et de rvlation identitaires.

    3. 1. LA RUPTURE IDENTITAIRE

    La paradoxale provocation de lincipitde louvrage partiellement autobiographi-que, W ou le souvenir denfance, a souvent t souligne :

    Je nai pas de souvenirs denfance. Jusqu ma douzime anne peu prs,mon histoire tient en quelques lignes : jai perdu mon pre quatre ans, mamre six ; jai pass la guerre dans diverses pensions de Villard-de-Lans. En1945, la sur de mon pre et son mari madoptrent.Cette absence dhistoire ma longtemps rassur : sa scheresse objective, sonvidence apparente, son innocence me protgeaient, mais de quoi me prot-

    geaient-elles, sinon prcisment de mon histoire vcue, de mon histoire relle,de mon histoire moi, qui, on peut le supposer, ntait ni sche, ni objective,ni apparemment vidente, ni videmment innocente ?Je nai pas de souvenirs denfance : je posais cette affirmation avec assu-rance, avec presque une sorte de dfi. Lon naurait pas minterroger surcette question. Elle ntait pas inscrite mon programme. Jen tais dispens :une autre histoire, la grande, lHistoire avec sa grande hache, avait dj r-pondu ma place : la guerre, les camps. (Perec, 1975)

    Les conditions de la disparition de la mre de Perec reprsentent par excellencele thme que lauteur ne peut ni esquiver, ni aborder frontalement. Cest pourquoicette disparition devient omniprsente, quoique quasiment invisible, dans les texteslittraires. Dans Wmme, elle nest mentionne que du point de vue factuel dans la

    partie autobiographique : Un jour elle maccompagna la gare. Ctait en 1942. Ctait la gare de

    Lyon. Elle macheta un illustr qui devait tre un Charlot. Je laperus, il mesemble, agitant un mouchoir blanc sur le quai cependant que le train se mettaiten route. Jallais Villard-de-Lans, avec la Croix-Rouge.Elle tenta plus tard, me raconta-t-on, de passer la Loire. Le passeur quelle allatrouver, et dont sa belle-sur, dj en zone libre, lui avait communiquladresse, se trouva tre absent. Elle ninsista pas davantage et retourna Pa-ris. On lui conseilla de dmnager, de se cacher. Elle nen fit rien. Elle pensaitque son titre de veuve de guerre lui viterait tout ennui. Elle fut prise dans une

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    rafle avec sa sur, ma tante. Elle fut interne Drancy le 23 janvier 1943,puis dporte le 11 fvrier suivant en direction dAuschwitz. Elle revit sonpays natal avant de mourir. Elle mourut sans avoir compris.

    (Perec, 1975)

    Dans la partie fictionnelle, est toutefois dcrite, avec toutes les tragiques prci-sions absentes du passage prcdent, la mort de Ccilia Winckler, au prnom si pro-che de celui, francis, de la mre de lcrivain :

    Mais la mort la plus horrible fut celle de Ccilia : elle ne mourut pas sur lecoup, comme les autres, mais les reins briss par une malle qui, insuffisam-ment arrime, avait t arrache de son logement lors de la collision, elle tentapendant plusieurs heures sans doute, datteindre, puis douvrir la porte de sacabine ; lorsque les sauveteurs chiliens la dcouvrirent, son cur avait peinecess de battre et ses ongles en sang avaient profondment entaill la porte de

    chne. (Perec, 1975)Et pour quaucun doute ne subsiste sur cette mtaphore dune mort survenue

    dans les chambres gaz nazies, Perec clt Wpar cette terrible description : Celui qui pntrera un jour dans la Forteresse ny trouvera dabord quunesuccession de pices, vides, longues et grises. Le bruit de ses pas rsonnantsous les hautes votes btonnes lui fera peur, mais il faudra quil poursuivelongtemps son chemin avant de dcouvrir, enfouis dans les profondeurs dusol, les vestiges souterrains dun monde quil croira avoir oubli : des tas dedents dor, dalliances, de lunettes, des milliers et des milliers de vtements entas, des fichiers poussireux, des stocks de savon de mauvaise qualit...

    (Perec, 1975)

    Les circonstances dramatiques de la mort de la mre de lcrivain sont de nou-veau voques, de nouveau de manire voile, aussi bien dans Alphabetsque dans

    La vie mode demploi: Et pour la mre dporte Auschwitz un 11fvrier 1943, et qui na pas detombe, lcrivain imagine le tombeau dAlphabetso tout, du vers au pome,de la page la squence, se construit dans un univers dordre 11 et o lepome 43aligne, en un rglage aussi rigoureux quvident, une diagonale, deL (pour elle) (...) Sil parcourt le feuillet consacr au chapitre 65 (...), le lec-teur du Cahier des chargesdeLa vie mode demploiy trouvera une allusion Gertrude, la cuisinire de Madame Moreau, impermable aux sductions desrobots mnagers lectroniques : la vieille cuisinire refusant de se faire aufour autonettoyant. Sil regarde de tous ses yeux, il dcouvrira, entre faire et, la ligne au-dessous, au four, trac au crayon et peine lisible, le chiffre43. La forme mme de la phrase en suggre la destination : cest un essai pourle Compendium, ce qui incite videmment compter. Le chiffre 43 sinscrit la place exacte du blanc (ma mre na pas de tombe) qui correspond au43emecaractre de cette phrase de 11 mots, juste avant que napparaissent lesdeux termes chargs ds lors de quelle rsonance : au four ! Et sil revientau roman car cest bien dans cet aller-retour entre la contrainte et le texteque du sens se dploie et sil sastreint lui-mme rassembler les pices dupuzzle, peut-tre ce mme lecteur comprendra-t-il mieux pourquoi, au chapi-tre 59, lun des portraits imaginaires de Hutting voque cette trange scne :Maximilien, dbarquant Mexico, senfourne lgamment onze tortillas.Terrible et bel exemple de double couverture ! Car si le travestissement hy-pographique du nom de (Paul) Fournel nest gure difficile percer Perec

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    na-t-il pas lui-mme rvl dans lAtlas de littrature potentielle comment ilavait cach dans ces ports imaginaires les noms des OuLiPiens ? , le rseauplus secret et dun tout autre poids, o se rejoue une fois encore le dramedune disparition, resterait, lui, jamais, inaccessible sans le dtour par le ca-hier des charges. (Magn, 1993)

    La volont de masquer les lourdes contraintes formelles auxquelles Perecsastreint lors de la rdaction de ses ouvrages cde parfois notamment devant lezle des commentateurs de luvre, qui traquent les moindres indices dissminsdans les textes pour reconstruire les rgles qui ont prsid leur laboration. Ce quenous voudrions essayer de montrer ici, cest que le fait, pour Perec, de lever le voilesur une contrainte particulire peut permettre de dtourner lattention du lecteur surune autre intention de lcrivain, dautant mieux dissimule quon ne sattachera

    plus, une fois connue la premire contrainte, qu reprer le fonctionnement de ce

    que lon pense tre la seule rgle valant pour le texte lu.

    3. 2. DISPARITION ET REAPPARITION DE LA JUDEITE

    Cest dans son commentaire pour un reportage tlvis sur Ellis Island que Perecsexprimera le plus longuement sur sa judit, ou plutt sur la disparition de la judi-t lie la disparition de ceux qui lui auraient transmis les repres identitaires sta-

    bles qui lui font dfaut.

    Ds lorigine, le projet de reportage sur ce lieu de transit pour les migrants entrepour lui en rsonance avec ses interrogations sur la judit :

    Mon propos nest pas dvoquer ce que purent tre les rves et les dsillu-sions de ces millions dmigrants pour qui Ellis Island fut la premire tapedune vie quils voulaient nouvelle, ni de retracer les circonstances qui mont

    conduit faire avec Robert Bober un film sur Ellis Island, mais seulement demieux cerner ce que peut tre ma propre attache ce lieu ; il est pour moi lelieu mme de lexil, cest--dire le lieu de labsence de lieu, le lieu de la dis-persion. En ce sens, il me concerne, me fascine, mimplique, comme si la re-cherche de mon identit passait par lappropriation de ce lieu dpotoir o desfonctionnaires harasss baptisaient des Amricains la pelle, comme sil taitinscrit quelque part dans une histoire qui aurait pu tre la mienne, comme silfaisait partie dune autobiographie probable, dune mmoire potentielle. Cequi se trouve l, ce ne sont en rien des racines ou des traces mais le contraire :quelque chose dinforme, la limite du dicible, que je peux nommer cltureou scission, ou cassure, et qui est pour moi trs intimement et trs confus-ment li au fait mme dtre juif. (Perec, 1979)

    Dans le commentaire quil lit au cours du reportage, Perec poursuit cette r-flexion sur sa judit :

    Je ne sais pas trs prcisment ce que cest qutre juifce que a me fait que dtre juif

    cest une vidence, si lon veut, mais une videncemdiocre, qui ne me rattache rien ;ce nest pas un signe dappartenance,ce nest pas li une croyance, une religion, une pratique, un folklore, une langue ;

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    ce serait plutt un silence, une absence, une question, une mise en question,un flottement, une inquitude :

    une certitude inquite,derrire laquelle se profile une autre certitude,abstraite, lourde, insupportable :celle davoir t dsign comme juif,et parce que juif victime,et ne devoir la vie quau hasard et lexil

    jaurais pu natre, comme des cousins proches oulointains, Hafa, Baltimore, Vancouverjaurais pu tre argentin, australien, anglais ou sudoismais dans lventail peu prs illimit de ces possiblesune seule chose mtait interdite :

    celle de natre dans le pays de mes anctres, Lubartow ou Varsovie,et dy grandir dans la continuit dune tradition,dune langue et dune communaut.Quelque part, je suis tranger par rapport quelque chose de moi-mme ;quelque part, je suis diffrent , mais non pas diffrent des autres, diffrentdes miens : je ne parle pas la langue que mes parents parlrent, je ne par-tage aucun des souvenirs quils purent avoir, quelque chose qui tait eux, quifaisait quils taient eux, leur histoire, leur culture, leur espoir ne ma pas ttransmis.

    Je nai pas le sentiment davoir oubli,mais celui de navoir jamais pu apprendre. (Perec, 1980)

    La judit de Perec se construit ainsi en creux du fait de labsence de toute

    transmission familiale. Cette longue mise au point sur son sentiment dappartenanceconfirme la dfinition trs particulire de sa judit que Perec labore, avec cettedouble distance vis--vis des Juifs et des non-Juifs. Cest bien sur le mode delabsence, de la disparition, ou plus exactement de la dissimulation, que lcrivainreprsente son rapport la judit.

    Rares sont les textes o Perec sexprime ainsi explicitement sur sa judit. Ilnen reste pas moins que celle-ci affleure dans plusieurs ouvrages, dont certains pa-raissent pourtant, la premire lecture, trs loigns des interrogations identitaires.

    La Disparitionest ainsi un roman rdig par Perec sous contrainte lipogrammatique cest--dire en se privant entirement de lemploi dune ou de plusieurs lettres, enloccurrence de la syllabe la plus frquemment utilise en franais : le e . Or silon peut lire le roman tout entier comme un ouvrage normal , et sans jamais

    prendre conscience de labsence totale de e en trois cent douze pages, ds lorsque la contrainte est rvle, le texte tout entier revt un aspect nouveau pas uni-quement du point de vue de la contrainte formelle dsormais repre, mais gale-ment du point de vue de lintrigue romanesque, entirement labore autour de cetteabsence. Lun des personnages principaux, Anton Voyl (voyelle atone) souponneque manque son langage un lment disparu dont Perec signale ds la troisime

    page que cest un rond pas tout fait clos, finissant par un trait horizontal .Lhistoire est mene en vingt-six chapitres, dont manque le cinquime (comme lacinquime lettre de lalphabet) ; les parties sont numrotes de un six, mais la

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    deuxime manque aussi (comme la deuxime voyelle). Perec singnie donc plu-sieurs reprises livrer au lecteur le secret de fabrication de son texte.

    Au-del de la prouesse qui consiste rdiger un long roman sans la voyelle laplus usite de la langue franaise, reste comprendre pourquoi cest prcisment le e qui a t supprim, et ce que cette suppression signifie. Perec livre un certainnombre dindications ce propos, qui, toutes, sont lies aux thmes de la qute dou-loureuse des origines ; en effet, sont poursuivis, pour tre massacrs, lensemble des

    personnages du roman marques dun signe fatal (le e ) : Entre imbroglios, flashes-back et confessions, les fils qui sentrelacent des-sinent une image dont la cohrence est loquente : une prtendue maldictionoriginelle, le massacre de tous ceux qui appartiennent la tribu maudite, unemarque sur le corps rendant visible cette appartenance, labsence de tout re-fuge pour les victimes de cette vengeance qui ignore les frontires, les liens

    unissant les victimes, la motivation insense de massacre (on sait seulementquil touche la naissance). (...) Un des motifs rcurrents du roman est la ma-ldiction lie lengendrement. Pour tre ns dans une certain lignage, lespersonnages sont vous la disparition. (Burgelin, 1988)

    On voit dans quelle direction sengage cette interprtation deLa Disparition: re-lier leffacement de la lettre e dcid arbitrairement par lauteur avec le projetnazi danantissement de la population juive. Ce ne serait donc pas seulement e mais aussi eux qui auraient disparu...

    Il devient vident que derrire lentreprise lipogrammatique, on a limpres-sion que se joue un drame plus personnel : un problme motif qui impliqueavec la perte de la mre disparue en camp de concentration, la perte duneidentit culturelle juive disparue. (Bhar, 1994)

    La littrature est donc ici loccasion dillustrer une disparition, une perte de rep-res identitaires qui, du fait mme quelle est crite, accde enfin une certaine formede ralit. La littrature permet donc Georges Perec de se constituer une judit quilui soit propre : celle dun individu auquel aucune identit na pu tre transmise, etqui sen reconstitue une justement grce lcriture.

    CONCLUSION

    Contre la position par trop restrictive des instances communautaires qui ontprogressivement transform la dfinition des crivains juifs contemporains de lan-gue franaise en monopole auquel elles seules avaient accs nous proposons deconsidrer la judit des crivains contemporains comme un lment de leur identitdcrivains. Les auteurs sur lesquels nous avons travaill tressent continment desfils de leur judit la trame de leur production littraire. Ce qui parat le plus intres-

    sant envisager, ce sont les modalits de ce travail de mise en relation constante etintime entre construction identitaire comme juif dune part et comme crivaindautre part. Selon nous, ces modalits varient dun auteur lautre la relation la

    judit et la relation lcriture se constituant progressivement lors dun processusdinteraction ininterrompue. Cest en ce sens que nous proposons denvisager la re-lation entre criture et identit dun double point de vue : de manire classique, lescrivains juifs contemporains de langue franaise utilisent leur exprience, notam-ment biographique, comme matriau littraire : lidentit est donc susceptible de

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    nourrir lcriture ; de manire symtrique, il est possible dobserver que lcriturepeut galement nourrir lidentit en la revivifiant, voire en la ressuscitant.

    Clara LEVYUniversit de Nancy II

    Campus Lettres-Sciences HumainesB.P. 33-97 54015 NANCY Cedex

    [email protected]

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  • 7/26/2019 ecrivains juifs contemporains

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    C L A R A L E V Y

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