effets des facteurs de la personnalité sur les stratégies
TRANSCRIPT
Effets des facteurs de la personnalité sur les stratégies et les résultats
de la négociation commerciale
Houda Zarrad *
Assistante en Marketing à l’INSAT de Tunis
Doctorante en Marketing
École Supérieure de Commerce de Tunis
Mohsen Debabi
Professeur des Universités
École Supérieure de Commerce de Tunis
*Adresse : École Supérieure de Commerce de Tunis, Université de la Manouba, 2010 Tunisie
Email : [email protected]
Téléphone : 00 216 97 317 438
Effets des facteurs de la personnalité sur les stratégies et les résultats
de la négociation commerciale
Résumé:
Dans cette recherche, nous essayons d’explorer les effets de la personnalité sur les
comportements stratégiques du négociateur et les résultats de négociation. Un modèle
intégrateur relatif au rôle de la personnalité dans la négociation a été proposé et testé
empiriquement en utilisant une simulation.
Cette recherche a montré que la personnalité du négociateur affecte ses choix stratégiques.
La connaissance des effets de la personnalité pourrait servir aux organisations pour mieux
anticiper la conduite d’une négociation et préparer des stratégies appropriées et compatibles
avec la personnalité de l’autre partie.
Mots clés : Négociation, Personnalité, Comportements stratégiques de négociation,
Simulation de négociation.
Effects of personality's factors on strategies and outcomes of business negotiation
Abstract:
In this research, we try to investigate the effects of personality on strategic behavior of the
negotiator and negotiation results. An integrator model concerning the role of personality in
negotiation was proposed and tested empirically by using a simulation.
This research showed that personality of the negotiator affects his strategic choices.
The knowledge of the effects of personality could serve organizations to better anticipate the
conduct of negotiations and to prepare appropriate and compatible strategies with the
personality of the other party.
Key-words: Negotiating, Personality, Negotiation behaviors, Negotiation simulation
1
Effets des facteurs de la personnalité sur les stratégies et les résultats
de la négociation commerciale
Introduction
La revue de la littérature spécialisée dans la négociation nous a permis de constater qu’un
nombre important d’auteurs s’est penché sur l’étude de la personnalité et du comportement du
négociateur. En effet, la personnalité a longtemps été évoquée comme ayant des effets
importants sur la négociation (Greenhalgh, Nelsin et Gilkey, 1985; Barry et Friedman, 1998).
Tous les négociateurs ont un style de négociation qui est la manière d’être, d’agir et de se
comporter. Ce comportement de négociation détermine en grande partie les résultats de
négociation, et par conséquent, il influence l'exécution et la performance de la stratégie
adoptée (Weingart et Olekalns, 2004). De cette manière, les négociateurs prévoient les
difficultés possibles qui peuvent surgir dans le processus de négociation pour atteindre un
accord. Dans ce sens, la littérature sur la négociation distingue le comportement intégratif
et distributif de négociation, selon l'orientation et la tactique des parties impliquées (Perdue
et Summers, 1991).
Dans la majorité des cas, le face à face entre les partenaires se concrétise par la rencontre
de leur représentant. Or, dans cette relation naissante, il semble impossible de négliger la
personnalité des acteurs quant à son impact sur leur perception de l’autre et leurs choix
stratégiques, et par conséquent sur leur résultat (Barry et Oliver, 1996).
Nous nous sommes basés sur un modèle orienté principalement vers les antécédents,
les stratégies et les résultats de la négociation, que nous avons élaboré puis testé
empiriquement en utilisant une expérimentation (simulation de négociation). L’originalité de
ce modèle est de souligner le rôle de la variable personnalité dans les choix stratégiques des
négociateurs et de mettre en valeur les effets de l’orientation du négociateur sur la
2
performance de la stratégie de négociation adoptée. Plus précisément, cette recherche vise
à mieux comprendre l’impact des principaux facteurs de personnalité sur les comportements
stratégiques et les résultats de négociation. À l’issue de cette recherche nous serons en mesure
de fournir des pistes directives pour le choix et la formation des négociateurs professionnels.
Cependant, nous présentons tout d’abord le cadre conceptuel. Ensuite nous proposons un
ensemble d’hypothèses de recherche. Puis nous présentons la méthodologie suivie des
résultats des tests d’hypothèses avant de conclure par une discussion, les limites et les voies
futures de recherche ainsi que les implications managériales.
1. Fondements théoriques de la recherche
Les recherches traitant de l'influence de la personnalité sur les comportements stratégiques de
négociation ont utilisé massivement l'approche réaliste. L'objectif principal de cette catégorie
d'approche est la description des comportements des négociateurs selon leurs caractéristiques
individuelles. Les études sur le rôle de la personnalité dans la négociation constituent un
exemple de ces recherches (Noller, Law et Comprey, 1987; Goldberg, 1990; Rolland, 2004).
Généralement aucune norme n'est explicitement utilisée pour comparer les comportements
observés. Ces modèles n'identifient donc pas de comportement idéal.
1.1. Recherche sur la personnalité : L’émergence du modèle en cinq facteurs (Big- Five,
Five Factor Model)
"La personnalité se définit comme l’intégration stable et individualisée d’un ensemble
de comportements, d’émotions et de cognitions." (Féline, Guelfi et Hardy, 2002).
Rubin et Brown (1975) ont précisé des dispositions de personnalité plutôt que d'isolement
de traits affectant les négociations réelles. Toutefois, ils préconisent une mesure plus complète
de personnalité.
3
Après des décennies des efforts de recherche, les chercheurs ont atteint un consensus, ainsi le
modèle "Big Five" (Goldberg, 1990), peut être employé pour décrire les aspects les plus
proéminents de la personnalité. Les facteurs de personnalité qui composent le modèle
"Big Five" ne sont pas eux-mêmes des traits mais plutôt des catégories sous lesquelles une
série de traits spécifiques peuvent être englobés. Ces cinq facteurs incluent :
(1) Névrosisme, qui est associé à être impatient, déprimé, inquiet et peu sûr de soi.
(2) Extraversion, qui est associée à être sociable, autoritaire, bavard et actif.
(3) Ouverture à l'expérience, qui est associée à être imaginatif, original et large d'esprit.
(4) Amabilité, qui est associée à être courtois, flexible, confiant, coopératif et tolérant.
(5) Esprit Consciencieux, qui est associé à être prudent, responsable et organisé.
Cependant, une très riche littérature s'est accumulée afin de fournir un appui pour la
robustesse du modèle en cinq facteurs à travers différents protocoles expérimentaux
(Goldberg, 1981), en utilisant différents instruments (O'Connor, 2002), dans différentes
cultures (Bond, Nakazate et Shiraishi, 1975 ; Noller, Law et Comprey, 1987; Rolland, 2001)
par différentes sources (Digman et Inouye, 1986), avec une série d'échantillons de sujets
d'âges variés (De Fruyt, Mervielde et Van Leeuwen, 2000; De Fruyt & al., 2002) à partir de
l'approche psycho-lexicale et de questionnaires standardisés.
La validité de ce modèle ainsi que sa spécificité interculturelle sont donc très solidement
établies. Une description de la personnalité en cinq dimensions globales (N, E, O, A, C) est
ainsi une base solide pour évaluer la personnalité (Rolland, 2004).
Quelques psychologues de la personnalité ont travaillé dans la recherche pour lier les traits
relatifs au modèle en cinq facteurs à la négociation. Par exemple, l'Extraversion et l'Amabilité
ont une grande influence dans les négociations de type distributif. Plusieurs chercheurs
montrent que les différentes caractéristiques de personnalité aident à expliquer
le comportement des négociateurs. Rubin et Brown (1975) affirment que : "Pendant que les
4
négociateurs entrent dans des rapports, ils apportent avec eux des variations d'une expérience
antérieure, de fond et de perspectives qui peuvent affecter la façon et l'efficacité avec
lesquelles ils agissent".
1.2. Comportements stratégiques et résultats de la négociation
La négociation est la recherche d'un accord, centrée sur des intérêts matériels ou des enjeux
quantifiables entre deux ou plusieurs interlocuteurs, dans un temps très souvent limité. Cette
recherche d'accord implique la confrontation d'intérêts incompatibles sur divers points relatifs
à la négociation où chaque partie essaye de les rendre compatibles par un jeu de concessions
mutuelles.
Une négociation exige de recourir à des styles d’intervention qui incluent à leur tour des
stratégies pratiquées dans le cadre d’échanges fréquemment en spirale. Que le style de
négociation soit de concertation ou d’opposition, diverses stratégies de négociation peuvent
être pratiquées. Une stratégie intégrative se réfère à des négociations dans lesquelles l’accent
est mis sur des tactiques non coercitives comme par exemple les recommandations, les
demandes ou les échanges d’information (Guicherd, Dampérat et Jolibert, 2011). Elle
implique une entente entre les acteurs afin d’éviter les conflits d’intérêts. Cette stratégie
coopérative cherche à maximiser le bénéfice mutuel de l’ensemble des parties concernées
(d’où l’appellation de négociation de type gagnant-gagnant). Une stratégie distributive se
réfère à une négociation qui met l’accent sur la coercition comme par exemple l’utilisation de
menaces, de fausses promesses, l’abus d'information inappropriée (Frazier et Summers, 1986;
Robinson, Lewicki et Donahue, 2000). Le terme de stratégie distributive a pour origine les
théoriciens des jeux qui voyaient, dans la distribution à somme nulle des gains et des pertes,
une situation parfaitement adaptée à cette stratégie.
5
Ces stratégies de négociation utilisées déterminent largement le résultat des échanges
(Weingart et Olekalns, 2004). Cependant, les résultats de négociation constituent un point
central pour la recherche sur la négociation. Deux variables importantes de résultats sont
examinées : (1) les profits individuels du négociateur ou le résultat économique, et (2) la
satisfaction du négociateur ou le résultat affectif (Zhenzhong et Alfred, 2005). Ces variables
de résultat servent à identifier le degré de clarté et la continuité d’une négociation. Elles sont
réinjectées dans le système en tant qu’antécédents pour les négociations futures.
2. Hypothèses de recherche
Sur les bases théoriques déjà définies, nous proposons donc d’établir un modèle construit
autour d’un processus de négociation en trois étapes. La première étape concerne la situation
avant la négociation et ses déterminants. Ces derniers correspondent à l’évaluation des traits
de personnalité des parties. La deuxième étape est dépendante de la première et concerne la
manière dont la négociation a été conduite, c’est-à-dire les stratégies de négociation à l’œuvre
lors de l’interaction. Les stratégies de négociation correspondent aux comportements
(intégratifs ou distributifs) des négociateurs. La troisième étape, dépendante des deux
premières, porte sur l’issue de la négociation, qui correspond aux résultats de la négociation.
Ceux-ci sont représentés par la satisfaction et les gains individuels des négociateurs.
Sur la base de ce modèle, nous émettons un ensemble d’hypothèses que nous nous proposons
de tester en utilisant une simulation de négociation.
2.1. Effets de la personnalité sur les comportements de négociation
Notre recherche examine l'impact des traits de personnalité, au cours des négociations
interpersonnelles, sur les comportements des interlocuteurs. Le comportement intégratif du
négociateur implique une volonté de travailler avec l'autre partie pour trouver les solutions qui
6
satisfont les intérêts des deux parties (Thomas et Kilmann, 1974). Alors que le style distributif
crée une situation où les intervenants négocient les uns contre les autres. Chaque partie est
plutôt centrée sur la valorisation de ses propres besoins. Par conséquent:
H1 : Les facteurs de personnalité ont un impact sur les comportements stratégiques
de négociation.
- Le Névrosisme :
Le Névrosisme permet de repérer les personnes sujettes à la détresse psychologique, aux idées
irréalistes, aux besoins ou aux désirs excessifs, et aux stratégies d'adaptation inappropriées
(Pervin, 2005). Les individus ayant cette forte instabilité émotionnelle tendent à avoir un
concept de soi négatif, un bas amour-propre et moins d'acceptation de soi, et ont tendance à
avoir plus d'inquiétude au sujet de la façon dont les autres le perçoivent, ce qui rend l'individu
vulnérable à la situation de la négociation. Nous proposons l’hypothèse suivante:
H1.1 : Le Névrosisme a un impact négatif sur le comportement distributif du négociateur.
- L’Extraversion
Comme indicateur de l’affirmation interpersonnelle, de l’assurance et de la confiance (Costa
et McCrae, 1995), l’extraversion prévoit l’impact du niveau individuel sur l'interaction
de groupe. Les personnes ayant un niveau élevé d'extraversion développent davantage des
rapports interpersonnels. Par conséquent, elles auront un besoin fort de protéger leur côté dans
des interactions interpersonnelles lors des négociations. L’hypothèse suivante en découle:
H1.2 : L’Extraversion a un impact positif sur le comportement intégratif du négociateur.
- Le caractère Consciencieux
L’esprit Consciencieux du négociateur concerne la capacité à différer la satisfaction
immédiate des désirs et des besoins, le contrôle de soi nécessaire à cette satisfaction différée,
la persévérance dans les efforts nécessaires à l'atteinte d'un objectif lointain malgré les
difficultés rencontrées ou les distractions qui peuvent survenir. Dans le contexte des
7
négociations dyadiques, ce facteur de personnalité est bon lors de la négociation des affaires
(McCrae et Costa, 1989). Les études empiriques soutiennent également le fait que l’esprit
consciencieux est souvent lié à un succès de négociation intégrative. Nous postulons donc :
H1.3 : Le caractère Consciencieux a un impact positif sur le comportement intégratif
du négociateur.
- L’Amabilité
Elle évalue la qualité de l'orientation interpersonnelle de l'individu le long d'un continuum, de
la compassion à l'antagonisme dans les idées, les sentiments et les actes. L’amabilité peut être
la grande dimension du modèle "Big Five", la plus étroitement liée à la négociation
interpersonnelle (Barry et Friedman, 1998). Les résultats des travaux antérieurs soutiennent
que les différences individuelles dont l'amabilité sont liées aux perceptions et aux préférences
pour des comportements coopératifs de résolution du conflit. Par conséquent :
H1.4 : L’Amabilité est positivement liée au comportement intégratif du négociateur.
- L'Ouverture aux expériences
Dans le cadre des négociations dyadiques, les négociateurs ouverts d'esprit sont plus
susceptibles de prendre en considération à la fois les intérêts de leurs contreparties et les
propres intérêts, et par conséquent moins susceptibles d'avoir une orientation de type gagnant-
perdant dans les situations de négociation (Pervin, 2005). Ce qui rend possible la création
d’une solution de type gagnant-gagnant. Nous proposons donc l’hypothèse suivante :
H1.5 : Les négociateurs ouverts aux expériences sont moins susceptibles d’adopter
un comportement distributif de négociation.
2.2. Effets des comportements de la négociation sur les résultats de négociation
La négociation intégrative permet de régler les différents à l'égard d'enjeux où il existe des
intérêts communs. Contrairement à la négociation distributive, il devrait en résulter des gains
pour les deux parties et les avantages obtenus par l'un ne le seront pas au profit de l'autre.
8
Cependant, ces différents comportements de négociation mènent à des résultats de
négociation différents. L’hypothèse ci-après en découle :
H2: Les comportements stratégiques adoptés par les négociateurs ont un impact sur les
résultats de négociation.
L'inclusion des bénéfices des négociateurs comme variable de mesure dépendante de résultats
de négociation reflète un intérêt final pour les études de négociation et les intérêts de
l'efficacité de l'utilisation des stratégies dans la négociation (Barry et Friedman, 1998). En
effet, la variable économique des résultats mesure les capacités des parties impliquées
d'utiliser de façon productive le temps et d'autres ressources pour parvenir à un accord et pour
maximiser leurs profits, en fonction de leur compréhension de la situation de négociation.
Nous postulons donc :
H2.1: Le comportement distributif adopté par le négociateur garantit des bénéfices
individuels élevés.
La satisfaction, étroitement liée aux profits, se concentre davantage sur les composantes
affectives. Elle constitue un facteur qui augmente la possibilité des rapports à long terme
et qui maintient le gain. Elle a été liée aux comportements fonctionnels dans une variété
de paramètres et considérée comme une mesure critique de résultats des rapports d'échange
(Ruekert et Churchill, 1984). Différentes mesures de la satisfaction de négociation ont été
employées comme des variables dépendantes dans diverses études antérieures du processus de
négociation et son inclusion comme résultat primaire des comportements de négociation
semble justifiée. De ce fait :
H2.2: Plus le négociateur adopte un comportement intégratif, plus sa satisfaction est élevée.
À l’issue de l’établissement des hypothèses de recherche, nous proposons un modèle
représentant le processus de négociation : les déterminants (facteurs de personnalité), les
stratégies (comportements intégratifs et distributifs de négociation), et les résultats
9
(satisfaction et gains individuels). La Figure ci-après résume le modèle conceptuel et indique
les hypothèses qui seront testées.
Déterminants
de la négociation
H1.1
(.027) Stratégies de négociation Résultats de négociation
H1.2(.320) H2.1
H1.3 (.194)
(-.042)
H2.2
H1.4(.275) (.398)
H1.5
(.177)
Figure 1. Processus de négociation1 : Impact de la personnalité sur les comportements
et les résultats de la négociation
3. Méthodologie de la recherche
Nous utilisons comme méthode de recherche une expérimentation dont les données ont été
collectées lors d’une simulation. Cette dernière permet de mettre en œuvre l’interaction des
partenaires qui est indispensable à l’étude de la négociation (Thompson, 1991). Toutefois,
nous observons dans cette recherche la dynamique du processus de négociation. Ces raisons
justifient l’utilisation de la simulation pour le test empirique des hypothèses.
1 Indices d’adéquation : x
217 = 17.52, p < .05 ; RMSEA = .042 ; GFI= 0.930; AGFI = .910 ; et SRMR = .066.
p > 0,05 : Les relations non significatives sont en pointillés.
Les chiffres représentent les lambda standardisés.
Névrosisme
Ouverture
aux expériences
Extraversion
Amabilité
Caractère
Consciencieux
Comportements distributifs
Comportements intégratifs
Résultat économique
Profits individuels
Résultat affectif
Satisfaction
10
3.1. Échantillon
Étant donné le caractère expérimental de notre recherche, il nous paraît évident que la
population des étudiants serait une cible de choix. Le recours à des étudiants dans les
simulations de négociation est une méthode très répandue dans la recherche sur la négociation
commerciale (Buelens & al., 2008). Ainsi, pour mener à bien notre expérimentation, la
collecte finale des données s’est effectuée auprès d’un échantillon de convenance composé de
250 étudiants (inscrits en troisième cycle à l’ESC de Tunis) qui participent à 125 simulations.
Ces étudiants ont déjà fait des stages dans des entreprises et ont étudié la négociation soit en
mastère de recherche (Marketing) soit en mastère professionnel (Distribution Négociation
Commerciale). Ces participants semblent donc adéquats car ils ont une grande motivation
et un grand sérieux dans l'accomplissement de leur tâche. Les données collectées seront ainsi
de bonne qualité. L’échantillon était constitué de 52 % de femmes et de 48% d’hommes.
3.2. Simulation de la négociation
L'exercice de la négociation est une simulation en classe comme celle employée par
Thompson et Hastie (1990), et Drake (2001) avec une certaine adaptation. Le cadre cette
expérimentation est celui d’une négociation commerciale, reconstitué à travers la rencontre
entre d’un fabricant et d’un distributeur de matériel électronique, qui souhaitent réaliser une
première opération commerciale qu’ils espèrent pérenniser. Deux instructions qui décrivent le
rôle d’acheteur, ou vendeur, sont distribuées aux parties comportant deux listes différentes de
profits (liste acheteur /liste vendeur). Chaque liste de bénéfice comporte cinq niveaux de prix
de trois produits différents. Les prix sont codés par des lettres allant de A à E, chacune
référant à un niveau de profit exprimé en Dinars Tunisien. Parmi les trois produits, seul le
produit 2 a des marges inverses, alors que les produits 1 et 3 présentent un potentiel de profit
par la négociation. Le produit 1 permet des gains importants pour le distributeur, offrant des
11
gains limités pour le producteur. Le produit 3, en revanche, est beaucoup plus lucratif pour le
producteur que pour le distributeur (voir tableaux ci-après).
Téléviseur grand écran Caméscope numérique Playstation
Prix Profit Prix Profit Prix Profit
A 300 TND A 220 TND A 200 TND
B 225 TND B 180 TND B 150 TND
C 150 TND C 120 TND C 100 TND
D 75 TND D 60 TND D 50 TND
E 0 TND E 0 TND E 0 TND
Tableau 1. Liste de profits Distributeur (Futur Magasin)
Téléviseur grand écran Caméscope numérique Playstation
Prix Profit Prix Profit Prix Profit
A 0 TND A 0 TND A 0 TND
B 50 TND B 60 TND B 75 TND
C 100 TND C 120 TND C 150 TND
D 150 TND D 180 TND D 225 TND
E 200 TND E 220 TND E 300 TND
Tableau 2. Liste de profits Producteur (Samsung Tunisie)
Ce type d’exercice est très populaire parce qu'il tient à la fois du potentiel intégratif
et concurrentiel et crée environ 30 minutes d'interaction.
Il est à noter aussi que cet exercice de négociation répond à deux principales conditions :
12
(1) Il s’agit d’une tâche tout à fait réaliste dans un cadre de partenariat d'affaires touchant des
aspects marketing (prix, produit, etc.)
(2) Le rôle que joue les partenaires (acheteur/vendeur) dans la négociation commerciale
affecte les comportements stratégiques et les résultats de négociation (Morgan et Hunt, 1994).
3.3. Mesure des variables
Traits de personnalité
Un Inventaire International de Personnalité qui mesure les facteurs de personnalité développé
par Goldberg (1999) est employé pour identifier les traits de personnalité du négociateur. Les
cinq facteurs de personnalité considérés par cet outil de mesure sont : le Névrosisme,
l’Extraversion, le caractère Consciencieux, l’Amabilité et l’Ouverture aux expériences.
L’échelle de mesure (de 50 items dont 18 inversés) a été validée à maintes reprises dans des
contextes de recherche très différents.
La mesure de la personnalité des acteurs est réalisée (au cours de l’étape 1) avant la
présentation de l’exercice de négociation.
Stratégies de négociation
L’échelle de mesure a été développée grâce l'instrument mesurant le mode de conflit de
Thomas-Kilmann (1974). Les participants sont invités à évaluer leur degré d’accord relatif
à chaque item décrivant leurs propres comportements dans la négociation (voir Annexe 1).
Résultats de négociation
L’outil de mesure des profits individuels réalisés est une échelle de type "ratio"
(quantification directe) qui évalue le bénéfice réalisé. La deuxième variable de résultats
de négociation (la satisfaction du négociateur) est mesurée grâce à l’échelle utilisée par
(Zhenzhong et Alfred, 2005) qui est une échelle à supports sémantiques de Thurstone
en 5 points (voir Annexe 1). La mesure des stratégies et des résultats de négociation est
effectuée au cours de la phase post-négociation (après 30 minutes de négociation).
13
4. Résultats de la recherche
Pour le test des hypothèses, nous avons utilisé la méthode des équations structurelles par le
maximum de vraisemblance à l’aide du logiciel AMOS. L’analyse des résultats s’effectue
à partir des indices proposés par Hu et Bentler (1998). Les résultats du modèle sont présentés
dans le tableau 3. Les différents indices calculés sont très satisfaisants et permettent de
conclure au bon ajustement du modèle: x217 = 17.52, p < .05 ; RMSEA = .042 ; GFI= 0.930;
AGFI = .910 ; et SRMR = .066.
Hypothèses Relations entre construits Lambda
stand.
Valeur
de t.
p.
H1.1 Névrosisme Comportements distributifs 0.027 0.729 0.267
H1.2 Extraversion Comportements intégratifs 0.320 4.838 0.000
H1.3 caractère Consciencieux Comportements intégratifs -0,042 -0,632 0.201
H1.4 Amabilité Comportements intégratifs 0.275 3.726 0.010
H1.5 Ouverture aux expériences Comportements distributifs 0,177 5,732 0.007
H2.1 Comportements distributifs Profits individuels 0.194 2.561 0.015
H2.2 Comportements intégratifs Satisfaction 0.398 5.732 0.000
Indices d’ajustement global
Khi2 / ddl 1.548
2
GFI
AGFI
0.930
0.910
RMSEA 0.042
SRMR 0.066
Tableau 3. Paramètres du modèle et ajustement global
2 Khi2= 18.915; Degrés de liberté= 17; Signification= 0.243
14
Les résultats ne permettent pas de conclure à un lien entre le névrosisme et le comportement
distributif du négociateur (λ = .027 ; p = 0,267). H1.1 n’est pas confirmée.
Les différents tests menés montrent un lien positif et fort entre l'extraversion
et le comportement intégratif du négociateur (λ = .320 ; p = .000). H1.2 est confirmée.
Il apparaît que le caractère Consciencieux et le comportement intégratif du négociateur ne
sont pas significativement corrélés (λ = -.042; p = .201). H1.3 n’est pas confirmée.
Comme l’indique le tableau 3, le lien est établi entre la quatrième dimension de personnalité
"Amabilité" avec le comportement intégratif du négociateur (λ = .275; p = .010). H1.4 est
confirmée.
Les tests effectués montrent que l’ouverture aux expériences influence bien positivement
le comportement distributif du négociateur (λ = .177; p = .007). H1.5 n’est pas confirmée.
Les résultats montrent l’existence d’une relation positive entre le comportement distributif
de négociation et les gains individuels (λ = .194 ; p = .015). H2.1 est confirmée.
Les résultats empiriques montrent aussi une influence positive du comportement intégratif de
négociation sur la satisfaction du négociateur (λ = .398 ; p = .000). H2.2 est confirmée.
Discussion et conclusions
La méthode d’analyse de la négociation dans cette recherche est le paradigme interactif. Ce
dernier s’intéresse à la relation client/vendeur (dyade). Cette approche analyse le processus
d’interaction. Les résultats empiriques de cette recherche montrent que parmi les facteurs de
personnalité retenus, l’extraversion et l’amabilité sont de nature à jouer un rôle primordial
dans les choix stratégiques des négociateurs. En effet, l’extraversion et l’amabilité impactent
les objectifs des négociateurs du fait de la nature de la relation qu’ils souhaitent entretenir
avec leur partenaire. Un compétitif perçoit l’autre partie comme un adversaire qu’il faut
vaincre. Dans ce cas, la négociation est ainsi un combat dans lequel les stratégies intégratives
sont vouées à l’échec face aux stratégies distributives. À contrario, un coopératif, dont
15
l’objectif est de minimiser les écarts de gains entre les deux parties opte pour une stratégie
intégrative qui lui permet d’enrichir la qualité de la relation. En outre, le comportement
concurrentiel du négociateur prédit des profits individuels élevés, mais le comportement
intégratif adopté par le négociateur aboutit à une satisfaction élevée.
Les principales limites de cette étude tiennent à la méthodologie puisque la validité interne
a été favorisée au détriment de la validité externe. Notre échantillon est assez homogène
et la simulation s’est déroulée dans un environnement très contrôlé. Ceci nuit évidemment
à la généralisation des résultats obtenus (Guicherd, Dampérat, Jolibert, 2011). Les études
futures devraient alors adopter des échantillons plus diversifiés et plus réalistes.
La deuxième limite est avec l'exercice simplifié de négociation. Bien que des efforts aient été
faits de simuler une "vraie" négociation, les sujets travaillaient dans un arrangement de
laboratoire, qui est plus simple (et artificiel) que de réelles négociations.
Une troisième limite concerne le nombre de simulations utilisées dans cette étude. Une
simulation simple (et unique) de négociation a été employée pour tester les hypothèses
développées dans cette recherche. Certes, le véritable impact de la personnalité sera mieux
apprécié dans plusieurs exercices de simulations. Cependant, une autre voie de recherche est
l’étude de l’impact des traits de personnalité sur les résultats de négociation à travers
différentes situations présentant des problématiques de négociation bien précises.
Cette recherche fournit des implications pour le développement des stratégies de négociation
capables d'augmenter la compétitivité des négociateurs. Une compréhension des facteurs
de personnalité peut donc aider les négociateurs à développer des stratégies de négociation
appropriées pour chaque situation.
Bibliographie :
Barry B. et Oliver R. L. (1996), Affect in dyadic negotiation: a model and propositions,
Organizational Behavior and Human Decision Processes, 67, 2, 127–143.
16
Barry B. et Friedman R. A. (1998), Bargainer characteristics in distributive and integrative
negotiation, Journal of Personality and Social Psychology, 74, 2, 345-59.
Bond M. H., Nakazate H. et Shiraishi D. (1975), Universality and distinctiveness in
dimensions of Japanese person perception, Journal of Cross-cultural Psychology, 6, 346-57.
Buelens M., Van De Woestyne M., Mestdagh S. et Bouckenooghe D. (2008), Methodological
issues in negotiation research: A state-of-the-art review, Group Decision and Negotiation, 17,
4, 321-345.
Costa P.T. et McCrae R.R. (1995), Solid ground in the wetland: a reply to Block,
Psychological Bulletin, 117, 216-20.
De Fruyt F., Mervielde I., Hoekstra H. A. et Rolland J. (2000), Assessing adolescents’
personality with the NEO PI-R, Assessment, 7, 329–345.
De Fruyt F., Mervielde I. et Van Leeuwen K. (2002), The consistency of personality type
classification across samples and five-factor measures, European Journal of Personality, 16,
57–72.
Digman J.M. et Inouye J. (1986), Further specification of the five robust factors
of personality, Journal of Personality and Social Psychology, 50, 116-23.
Drake L. (2001), The culture-negotiation link: Integrative and distributive bargaining through
an inter-cultural communication lens, Human Communication Research, 27, 3, 317-349.
Féline A., Guelfi J. D., Hardy P. (2002), Les troubles de la personnalité, Paris, Flammarion,
"médecine-science".
Fraizer G. L. et Summer J. O. (1984), Interfirm influence strategies and their application
within distribution channels, Journal of Marketing, 48,3, 43-55.
Goldberg L. R. (1981), Language and individual differences: The search for universals in
personality lexicons. In L. Wheeler (Ed.), Review of personality and social psychology, 2, pp.
141-165, Beverly Hills: Sage.
17
Goldberg L. R. (1990), An alternative description of personality: the Big Five factor structure,
Journal of Personality and Social Psychology, 59, 12-29.
Goldberg L. R. (1999), A broad-bandwidth, public domain, personality inventory measuring
the lower-level facets of several Wve-factor models, In I Mervielde, I. Deary, F. De Fruyt,
& F. Ostendorf (Eds.), Personality psychology in Europe, 7, 7–28. Tilburg, The Netherlands:
Tilburg University Press.
Greenhalgh L., Neslin S. et Gilkey R. (1985), The Effects of Negotiator Preferences,
Situational Power, and Negotiator Personality on Outcomes of Business Negotiations,
Academy of Management Journal, 28, 1, 9-33.
Guicherd C., Dampérat M. et Jolibert A. (2011), Asymétrie du pouvoir dans la négociation
commerciale: étude du différentiel de pouvoir perçu et de la différenciation cognitive,
Recherche et Applications en Marketing, 6, 1, 23-38.
Halpern J. (1994), The effect of friendship on personal business transactions, Journal of
Conflict Resolution, 38, 647-664.
Hu L. et Bentler P.M. (1998), Fit indices in covariance structure modelling sensitivity to
under-parameterized model misspecification, Psychological Methods, 3, 4, 424-453.
McCrae R. R. et Costa P. T. (1989), The Structure of Interpersonal Traits: Wiggin’s
Circumflex and the Five-Factor Model, Journal of Personality and Social Psychology, 56,
586–595.
Morgan R. M. et Hunt S. D. (1994), The Commitment–Trust Theory of Relationship
Marketing, Journal of Marketing, 58, 20–38.
Neale M. A. et Bazerman M. H. (1985), The effects of framing and negotiator overconfidence
on bargaining behaviors and outcomes, Academy of Management Journal, 28, 34-49.
18
Neale M. A. et Bazerman M. H. (1992), Negotiator cognition and rationality: a behavioral
decision theory perspective, Organizational Behavior and Human Decision Processes, 51,
157-175.
Noller P., Law H. et Comrey A.L. (1987), Cattell, Comrey, and Eysenck personality factors
compared: more evidence for the five robust factors?, Journal of Personality and Social
Psychology, 53, 775-82.
O’Connor B. P. (2002), A quantitative review of the comprehensiveness of the five-factor
model in relation to popular personality inventories, Assessment, 9, 188–203.
Perdue B. C. et Summers J.O. (1991), Purchasing agents' use of negotiation strategies,
Journal of Marketing Research, 28, 2, 175-189.
Pervin J. (2005), La personnalité de la théorie à la recherche, Québec, De Boeck.
Robinson R. J., Lewicki R. J. and Donahue E. M. (2000), Extending and testing a five factor
model of ethical and unethical bargaining tactics: introducing the SINS scale, Journal of
Organizational Behavior, 21, 649-64.
Rolland J. P. (2001), Validité interculturelle du modèle de personnalité en cinq facteurs,
Psychologie Française, 46, 3, 231-249.
Rolland J. P. (2004), L'évaluation de la personnalité: Le modèle en cinq facteurs, Belgique.
Pierre Mardaga éditeur.
Rubin J. Z. et Brown B. R. (1975), The social psychology of bargaining and negotiation, New
York: Academic Press.
Ruekert R. et Churchill, G. (1984), Reliability and validity of alternative measures of channel
member satisfaction, Journal of Marketing Research, 21, 226-33.
Thomas K. W. et Kilmann R. H. (1974), Thomas-Kilmann Conflict MODE Instrument,
Tuxedo, NY: Xicom.
19
Thompson L. (1991), Information exchange in negotiation, Journal of Experimental Social
Psychology, 27, 2, 161- 179.
Thompson L. et Hastie R. (1990), Social perception in negotiation, Organizational Behavior
and Human Decision Processes, 47, 98-123.
Weingart L. et Olekalns M. (2004), Communication Processes in Negotiation, in M.Gelfand
& J. Brett (Eds), Handbook of Culture and Negotiation, Stanford University Press.
Zhenzhong M. A. et Alfred J. (2005), Getting to yes in China: Exploring personality effects in
Chines negotiation styles, Group Decision and Negotiation, 14, 415-437.
20
Annexe 1. Les échelles de mesure (stratégies et résultats de la négociation)
Dimension Type
de l’échelle
Description de l’item
Comportements
stratégiques
de négociation
Likert en 5
Points
J'étais ferme en poursuivant mes buts pendant la négociation.
J'ai essayé difficilement de défendre mes intérêts.
J'ai fait le grand effort afin d’obtenir mon chemin de négociation.
J'ai insisté à ce que mes buts soient atteints.
J'ai essayé difficilement de montrer à mon partenaire la logique
et les avantages de ma position.
J'ai essayé difficilement de convaincre mon partenaire des mérites de ma
position.
J'ai essayé de bien résoudre nos préoccupations pendant la négociation.
J'ai cherché l'aide de mon partenaire de négociation en établissant une
solution.
J'ai essayé de gérer toutes les préoccupations relatives à la négociation.
J'ai généralement cherché une résolution conjointe des problèmes.
J'ai essayé de travailler malgré nos différences afin de résoudre les problèmes.
J'ai appris à résoudre directement le problème.
J'étais intéressé(e) par une satisfaction mutuelle de nos souhaits, au cours du
processus de la simulation.
Résultats de la
Négociation
- Ratio
- Supports
sémantiques
(Thurstone)
en 5 points
Profits individuels = ……..TND
Êtes-vous satisfait(e) du processus de négociation ?
Êtes-vous satisfait(e) de la négociation en général?
Dans quelle mesure êtes-vous prêt(e) à faire des affaires à l'avenir avec votre
partenaire?
Dans quelle mesure pouvez-vous compter sur votre partenaire pour tenir la
promesse faite lors de la négociation?