efficacité du vaccin antirotavirus

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actualités | revue de presse internationale 6 OptionBio | Jeudi 21 février 2008 | n° 395 E n Inde, un jeune garçon âgé de 10 ans est amené à l’hôpital par son père, en raison d’une piqûre de scorpion survenue la veille au soir. Une douleur violente s’est décla- rée immédiatement sur le site de la piqûre et s’est progressivement atténuée suite à l’application locale de glaçons. Néanmoins, l’enfant est atteint de vomissements répétés et de sueurs abondantes. Son état clinique s’aggrave et il présente une polypnée, un refroidissement des extrémités et une insomnie. Mesures d’urgence et explorations Aux urgences, l’enfant est supplé- menté en oxygène. À l’examen cli- nique, on retrouve une tachycardie avec une tension artérielle abais- sée et une polypnée. L’auscultation pulmonaire retrouve des crépitants diffus dans les deux champs, signe d’œdème pulmonaire. Après une médication appropriée, l’œdème pulmonaire disparaît et la fréquence cardiaque redevient normale. Le bilan sanguin électrolytique est normal. La fièvre disparaît au bout de 3 jours d’hospitalisation mais l’électrocardiogramme met en évi- dence un syndrome de Brugada. Le syndrome de Brugada Le syndrome de Brugada est une anomalie cardiaque fortuite détec- tée à l’électrocardiogramme ; il est associé à un risque accru de mort subite. Dans 10 à 30 % des cas, ce syndrome est dû à la présence d’une mutation sur le gène SCN5A du chromosome 3 qui code la sous- unité alpha des canaux sodiques voltage-dépendants des cellules musculaires cardiaques. Ce syndrome peut être démasqué par l’administration de bloquants des canaux sodiques comme l’ajmaline. Le venin, futur traitement du syndrome ? Dans le cas présent, le syndrome a été diagnostiqué grâce à l’action du venin de scorpion qui a une acti- vité similaire sur les myocytes. Les toxines délivrées par les scorpions activent les canaux sodiques et inhi- bent les canaux potassiques ; elles pourraient donc constituer un traite- ment éventuel du syndrome de Bru- gada, grâce à l’augmentation du flux sodique cellulaire. D’autres études réalisées sur ce sujet permettront de confirmer cette hypothèse. | OPHÉLIE MARAIS médecin biologiste, Paris [email protected] Source Bawaskar HS. Can scorpions be useful ? Lancet 2007 ; 370 : 1664. O n estime que plus de 600 000 enfants meu- rent chaque année à travers le monde d’une infection à rotavirus, principalement dans les pays en voie de développement. Dans la communauté européenne, les consé- quences de cette maladie entraînent 200 décès chaque année, 87 000 hospitalisations et plus de 700 000 consultations médicales chez des enfants âgés de moins de 5 ans. Une bonne efficacité Un vaccin oral vivant atténué, dénommé Rotarix ® , contenant la souche virale G1p(8) a été développé par GlaxoSmithKline. Deux doses de ce vaccin testées à différentes concentrations dans des études cliniques de phase II ont montré une bonne immunogénicité, une bonne tolérance et une protection certaine contre les gastroentérites à rotavirus. Dans un essai clinique multicentrique de phase III réalisé sur plus de 17 000 patients en Amérique latine, on note une efficacité de 85 % de ce vaccin dans la première période de suivi, allant de deux semaines après l’injection des deux doses jusqu’à 1 an pour les admissi- ons hospitalières liées au virus. L’efficacité atteint même 100 % en ce qui concerne les épisodes infectieux sévères. Une étude européenne Pour la première fois une étude réalisée en Europe a permis de tester l’efficacité de ce vac- cin aux doses indiquées, durant les deux pre- mières années de vie lors d’une administration concomitante d’autres vaccins infantiles en rou- tine. Près de 4 000 nourrissons âgés de 6 à 14 semaines ont été enrôlés. La moitié d’entre eux a reçu deux doses de vaccin antirotavirus oral et l’autre moitié un placebo. Les épisodes de gastroentérite ont été notés durant deux années de suivi. La recherche de rotavirus a été réalisée dans les selles par méthode Elisa et par typage rT-PCR. Des résultats confirmés Les résultats sont très convaincants puisqu’ils montrent une efficacité vaccinale de 87 % vis- à-vis des épisodes gastroentériques à rotavirus de différentes intensités. L’efficacité vis-à-vis des épisodes jugés sévères est estimée à 90 % et jusqu’à 96 % pour les épisodes infectieux néces- sitant une hospitalisation. | O.M. Source Vesikari T, Karvonen A, Prymula R et al. Efficacy of human rotavirus vaccine against rotavirus gastroenteritis during the first 2 years of life in European infants : randomised, double-blind controlled study. Lancet. 2007 ; 370 : 1757-63. Piqûre de scorpion et canaux sodiques © Fotolia.com/A Kitzman Efficacité du vaccin antirotavirus © BSIP/Pulse pict. Library

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actualités | revue de presse internationale

6 OptionBio | Jeudi 21 février 2008 | n° 395

En Inde, un jeune garçon âgé de 10 ans est amené à l’hôpital par

son père, en raison d’une piqûre de scorpion survenue la veille au soir. Une douleur violente s’est décla-rée immédiatement sur le site de

la piqûre et s’est progressivement atténuée suite à l’application locale de glaçons. Néanmoins, l’enfant est atteint de vomissements répétés et de sueurs abondantes. Son état clinique s’aggrave et il présente une polypnée, un refroidissement des extrémités et une insomnie.

Mesures d’urgence et explorationsAux urgences, l’enfant est supplé-menté en oxygène. À l’examen cli-nique, on retrouve une tachycardie avec une tension artérielle abais-sée et une polypnée. L’auscultation pulmonaire retrouve des crépitants diffus dans les deux champs, signe d’œdème pulmonaire. Après une médication appropriée, l’œdème pulmonaire disparaît et la fréquence cardiaque redevient normale.

Le bilan sanguin électrolytique est normal. La fièvre disparaît au bout de 3 jours d’hospitalisation mais l’électrocardiogramme met en évi-dence un syndrome de Brugada.

Le syndrome de BrugadaLe syndrome de Brugada est une anomalie cardiaque fortuite détec-tée à l’électrocardiogramme ; il est associé à un risque accru de mort subite. Dans 10 à 30 % des cas, ce syndrome est dû à la présence d’une mutation sur le gène SCN5A du chromosome 3 qui code la sous-unité alpha des canaux sodiques voltage-dépendants des cellules musculaires cardiaques.Ce syndrome peut être démasqué par l’administration de bloquants des canaux sodiques comme l’ajmaline.

Le venin, futur traitement du syndrome ?Dans le cas présent, le syndrome a été diagnostiqué grâce à l’action du venin de scorpion qui a une acti-vité similaire sur les myocytes. Les toxines délivrées par les scorpions activent les canaux sodiques et inhi-bent les canaux potassiques ; elles pourraient donc constituer un traite-ment éventuel du syndrome de Bru-gada, grâce à l’augmentation du flux sodique cellulaire. D’autres études réalisées sur ce sujet permettront de confirmer cette hypothèse. |

OPHÉLIE MARAIS

médecin biologiste, Paris

[email protected]

SourceBawaskar HS. Can scorpions be useful ? Lancet 2007 ; 370 : 1664.

On estime que plus de 600 000 enfants meu-rent chaque année à travers le monde d’une

infection à rotavirus, principalement dans les pays en voie de développement.Dans la communauté européenne, les consé-quences de cette maladie entraînent 200 décès chaque année, 87 000 hospitalisations et plus de 700 000 consultations médicales chez des enfants âgés de moins de 5 ans.

Une bonne efficacitéUn vaccin oral vivant atténué, dénommé Rotarix®, contenant la souche virale G1p(8) a été développé par GlaxoSmithKline. Deux doses de ce vaccin testées à différentes concentrations dans des études cliniques de phase II ont montré une bonne immunogénicité, une bonne tolérance et une protection certaine contre les gastroentérites à rotavirus. Dans un essai clinique multicentrique de phase III réalisé sur plus de 17 000 patients en Amérique latine, on note une efficacité de 85 % de ce vaccin dans la première période de suivi, allant de deux semaines après l’injection des deux doses jusqu’à 1 an pour les admissi-

ons hospitalières liées au virus. L’efficacité atteint même 100 % en ce qui concerne les épisodes infectieux sévères.

Une étude européennePour la première fois une étude réalisée en Europe a permis de tester l’efficacité de ce vac-cin aux doses indiquées, durant les deux pre-mières années de vie lors d’une administration concomitante d’autres vaccins infantiles en rou-tine. Près de 4 000 nourrissons âgés de 6 à 14 semaines ont été enrôlés. La moitié d’entre eux a reçu deux doses de vaccin antirotavirus oral et l’autre moitié un placebo. Les épisodes de gastroentérite ont été notés durant deux années de suivi. La recherche de rotavirus a été réalisée dans les selles par méthode Elisa et par typage rT-PCR.

Des résultats confirmésLes résultats sont très convaincants puisqu’ils montrent une efficacité vaccinale de 87 % vis-à-vis des épisodes gastroentériques à rotavirus de différentes intensités. L’efficacité vis-à-vis des

épisodes jugés sévères est estimée à 90 % et jusqu’à 96 % pour les épisodes infectieux néces-sitant une hospitalisation. |

O.M.

SourceVesikari T, Karvonen A, Prymula R et al. Efficacy of human rotavirus

vaccine against rotavirus gastroenteritis during the first 2 years of

life in European infants : randomised, double-blind controlled study.

Lancet. 2007 ; 370 : 1757-63.

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