en plumes et en

2
13 e tout, Lydie Parisse fait écriture. Des souvenirs, des rêves, mais aussi des objets, des paysages. Des gens surtout, vus d’abord parfois comme des personnages romanesques. Gangue qui renferme toujours une matière noble à cultiver, la réalité est toujours là, de laquelle s’échappe sa petite musique à elle, un peu étrange, jamais pesante, et nourrie de bien des mystères de vie. « Écrire ? J’écris depuis toujours, dit- elle. Et sous toutes les formes possibles : poésie, roman, essai et bien sûr théâtre, lequel est une écriture à lui tout seul, avec ou sans papier. » Mais même là, calée dans un genre familier, sa plume, mutine, n’en fait qu’à sa tête, puisant, comme le dit son compagnon, le metteur en scène Yves Gourmelon, « à tous les aspects de l’écriture : philosophique, métaphysique, Pas si nombreuses les metteuses en scène qui sont aussi auteures. Lydie Parisse vit entre Toulouse et Montpellier… En plus, elle joue, enseigne, fait de la recherche et parle théâtre comme d’autres météo. Actuellement, le Ring présente d’elle trois petites fictions dramatiques de formes différentes mais réunies par les mêmes interrogations : Sommes-nous nos origines ? Sommes-nous l’espace où nous avons vécu ? Et que dire des autres lieux, des autres temps, intimes, sacrés, seulement connus de nous ? Caractère trempé d’une littéraire jusqu’au bout des ongles, Lydie Parisse nous ouvre son univers. Entrons. Bénédicte Soula poétique, dramatique et documentaire ». Affaire de pensée indocile sans doute. Une pensée avec des ailes dans le dos, qui s’échappe, non pas du réel où elle trouve sa source, mais de tout ce qui empêche, dans le réel, de déplacer son regard sur les choses et les êtres. Cette écriture vagabonde, presque entièrement autobiographique, voilà ce que le Ring – un ami qui lui veut du bien – propose de découvrir en avril. Pour cela, trois titres sont présentés en plateau sur trois soirées : les Devenants et l’Encercleur, deux textes saisis d’un même roman, le Village, terminé en 2014. Et entre les deux, l’Opposante, long monologue « d’après une histoire vraie », dans lequel une femme centenaire venant de mourir, revient sur sa vie… ÉCRITURES. D LES MYSTÈRES DE PARISSE Sur scène, la clique des fidèles s’est donné rendez-vous pour donner corps aux écritures de Lydie Parisse. Yves Gourmelon et Marie-Angèle Vaurs, Julie Pichavant et Pierre-Jean Peters, Philippe Goudard, auxquels il faut ajouter deux nouvelles venues, Roxane Borgna et Moni Grego. Les textes seront servis dans des scénographies assez sobres, fidèles à l’épure d’origine, jouant néanmoins à l’envi des possibilités infinies des jeux d’espaces et des ressources illusoires du théâtre. En plateau. EN PLUMES ET EN VOLUMES © D.R. 13 SUR LE MUR

Upload: others

Post on 19-Jun-2022

8 views

Category:

Documents


0 download

TRANSCRIPT

Page 1: EN PLUMES ET EN

13

e tout, Lydie Parisse fait écriture. Des souvenirs, des rêves, mais aussi des objets, des paysages. Des gens surtout, vus d’abord parfois

comme des personnages romanesques. Gangue qui renferme toujours une matière noble à cultiver, la réalité est toujours là, de laquelle s’échappe sa petite musique à elle, un peu étrange, jamais pesante, et nourrie de bien des mystères de vie. « Écrire ? J’écris depuis toujours, dit-elle. Et sous toutes les formes possibles : poésie, roman, essai et bien sûr théâtre, lequel est une écriture à lui tout seul, avec ou sans papier. » Mais même là, calée dans un genre familier, sa plume, mutine, n’en fait qu’à sa tête, puisant, comme le dit son compagnon, le metteur en scène Yves Gourmelon, « à tous les aspects de l’écriture : philosophique, métaphysique,

Pas si nombreuses les metteuses en scène qui sont aussi auteures. Lydie Parisse vit entre Toulouse et Montpellier… En plus, elle joue, enseigne, fait de la recherche et parle théâtre comme d’autres météo. Actuellement, le Ring présente d’elle trois petites fictions dramatiques de formes différentes mais réunies par les mêmes interrogations : Sommes-nous nos origines ? Sommes-nous l’espace où nous avons vécu ? Et que dire des autres lieux, des autres temps, intimes, sacrés, seulement connus de nous ? Caractère trempé d’une littéraire jusqu’au bout des ongles, Lydie Parisse nous ouvre son univers. Entrons.

Bénédicte Soula

poétique, dramatique et documentaire ». Affaire de pensée indocile sans doute. Une pensée avec des ailes dans le dos, qui s’échappe, non pas du réel où elle trouve sa source, mais de tout ce qui empêche, dans le réel, de déplacer son regard sur les choses et les êtres.

Cette écriture vagabonde, presque entièrement autobiographique, voilà ce que le Ring – un ami qui lui veut du bien – propose de découvrir en avril. Pour cela, trois titres sont présentés en plateau sur trois soirées : les Devenants et l’Encercleur, deux textes saisis d’un même roman, le Village, terminé en 2014. Et entre les deux, l’Opposante, long monologue « d’après une histoire vraie », dans lequel une femme centenaire venant de mourir, revient sur sa vie…

ÉCRITURES.

D

LES MYSTÈRES DE

PARISSE

Sur scène, la clique des fidèles s’est donné rendez-vous pour donner corps aux écritures de Lydie Parisse. Yves Gourmelon et Marie-Angèle Vaurs, Julie Pichavant et Pierre-Jean Peters, Philippe Goudard, auxquels il faut ajouter deux nouvelles venues, Roxane Borgna et Moni Grego. Les textes seront servis dans des scénographies assez sobres, fidèles à l’épure d’origine, jouant néanmoins à l’envi des possibilités infinies des jeux d’espaces et des ressources illusoires du théâtre.

En plateau.

EN PLUMES ET EN VOLUMES

© D.R.

13SUR LE MUR

Page 2: EN PLUMES ET EN

14 Lydie Parisse - EN PLUMES ET EN VOLUMES

Mais même là, calée dans un genre familier, sa plume, mutine, n’en fait qu’à sa tête, puisant à tous les aspects de l’écriture.

Les Devenants7 au 12 avril

L’Opposante21 au 23 avril

l’Encercleur28 au 30 avril

Le Ring151, route de BlagnacToulouse05 34 51 34 66www.theatre2lacte.com

et aussi :Lecture les Devenants à Ombres Blanches, le 26 mars + performance.

Rencontre Égalité homme-femme, le 31 mars au Ring.

L’Opposante, presqu’île de Creuzon, 39-40, le 14 avril, librairie Études, université Jean-Jaurès.

# Les DevenantsRetour d’une fille dans un village de l’Est de la France après des années d’absence, un village-papetier en déclin, encerclé par une mer de forêts. Ça commence comme un polar, avec cette étrangeté dressée entre les gens, dans chacune de leur adresse, de leur étreinte, et dans les silences de toise, épuisant des mots déjà affaiblis aux sources des malentendus et des secrets de famille. Sept personnages se croisent, souvent par deux, dans la maison des parents et des grands-parents. Ils forment, autour de la fille prodige devenue écrivain, cette communauté à la fois douloureuse et sublime qu’on appelle famille, et au frottement de laquelle la narratrice cherche l’expression d’une vérité échappée. Au fil d’une plume simple mais nerveuse, trouvant sa vitalité dans les replis de l’enfance, cette longue descente par paliers temporels nous emmène in fine aux origines de la vocation d’écriture. Car là est le vrai sujet, un sujet éprouvé par l’auteure elle-même lors d’un retour dans son village natal. On y prend en pleine face « la fin du papier » et avec elle, toute une époque industrielle et ouvrière qui disparaît à petit feu. Autour et au-delà, on y découvre le royaume des ombres, des fantômes, et de toutes ces légendes qui naissent aux abords des grandes forêts. Les Devenants, dont le titre et le speech affichent une dette aux Revenants d’Ibsen, est une belle enquête philosophique et un peu mystique, traversée par l’esprit de quelques figures littéraires adorées de l’auteure : Kafka, Beckett, Ibsen, Pessoa et quelques autres…

# L’OpposanteLong monologue tendu comme une corde autour des confessions d’une vieille femme qui vient de s’éteindre, l’Opposante donne de la voix à une femme qui s’est toujours obstinée à se taire sur sa vie. Pourtant, l’auteure l’a toujours ressentie, cette vie romanesque indissociable des paysages de Bretagne.

Elle affleurait sous les gestes quotidiens comme les plus exubérants de cette marcheuse infatigable... La guerre, son mariage, ses enfants et cet amour pour un soldat allemand qui n’a jamais cessé... Tout cela désormais est lâché dans le vide dans un compte à rebours hypnotique et implacable. Puissante, cette pièce a reçu la bourse d’écriture 2014 du centre régional des lettres de Midi-Pyrénées.

# L’EncercleurBien que premier texte porté à la scène, ce « prologue » au roman le Village, conclut bien la découverte des pièces de Lydie Parisse. Résolument écrit pour le plateau, il s’inscrit dans la lignée du travail que développent Lydie Parisse et Yves Gourmelon avec la compagnie Théâtre au présent sur la création de laboratoires d’écriture, dans lesquels le réel est sans cesse réévalué… Ici, des guides entraînent le lecteur-spectateur à se mouvoir dans trois zones circulaires, en quête d’un centre, qui sans cesse se dérobe. Une expérience plastique et littéraire.