ensemble pour faire mieux
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ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 1
Ensemble pour faire mieux ?
Avantages et enjeux de la
coordination sur le terrain
Luz Saavedra et Paul Knox-Clarke
ALNAPĂTUDE
ALNAP est un rĂ©seau unique Ă lâĂ©chelle du systĂšme dont la mission est dâamĂ©liorer la performance humanitaire par le dĂ©veloppement de la formation et de la redevabilitĂ©. www.alnap.org
Suggestion de référencement bibliographique
Saavedra, L. et Knox-Clarke P. (2015). Ensemble pour faire mieux ? Avantages et enjeux de la coordination sur le terrain pour des interventions humanitaires efficaces. Ătude ALNAP. Londres : ALNAP/ODI.
© ALNAP/ODI 2015. Ces travaux sont sous couverts par une licence Commons Attribution â Licence non commerciale (CC BY-NC 3.0).
ISBN 978-1-910454-38-1
Publication et communications dirigées par Maria Gili
RĂ©vision de la copie par Roo Griffiths
Mise en page et composition informatique par Jeni Burnell et Maria Gili
Remerciements
ALNAP souhaite remercier tous ceux qui ont participĂ© Ă sa 30e assemblĂ©e annuelle Ă Berlin. La variĂ©tĂ© des acteurs qui y Ă©tait reprĂ©sentĂ©e a sans nul doute enrichi les discussions sur la coopĂ©ration Ă lâĂ©chelon national.
Nous tenons Ă©galement Ă remercier tout particuliĂšrement le ministĂšre fĂ©dĂ©ral allemand des Affaires Ă©trangĂšres. Mis Ă part son rĂŽle dâhĂŽte, il a apportĂ© son soutien Ă lâorganisation et Ă lâanimation dâune manifestation qui sâest avĂ©rĂ©e trĂšs rĂ©ussie.
Sommaire
Exemples, encadrés et figures 4
Abréviations et acronymes 5
1. Introduction 6
2. Coordination en contexte : les humanitaires se rapprochent-ils ou sâĂ©loignent-ils les uns des autres ? 8
2.1 Un systÚme humanitaire de plus en plus atomisé ? 8
2.2 IntĂ©rĂȘt potentiel de la coopĂ©ration 11
2.3 Les dĂ©fis de la coopĂ©ration et les critiques dâune plus grande coordinationn 17
3. Comprendre la collaboration entre organisations : différentes typologies 20 3.1 La gamme de la coordination humanitaire et les différents niveaux de coopération 20
3.2 Les facteurs qui influencent le positionnement sur la gamme 27
4. Les structures de coopération dans la situation actuelle 33 4.1 La coordination par les gouvernements 33
4.2 Le systĂšme de coordination humanitaire de lâIASC 39
4.3 Relations entre ONG : consortiums et réseaux nationaux 47
4.4 Partenariats avec les ONG 51
4.5 Familles organisationnelles 56
4.6 Travailler avec le secteur privé 58
5. La situation actuelle : autres facteurs en faveur de la coopération 63 5.1 Arrangements et relations informel 63
5.2 Financement 64
5.3 Normes, recommandations et procédures 71
6. Conclusions 74
7. Notes 77
8. Bibliographie 82
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Exemples , boĂźtes et chiffres
Figure 1: Les divers acteurs de lâintervention humanitaire 11
Exemple 1: Ătude de cas de la RĂ©publique centrafricaine â la valeur du travail collaboratif dans un environnement sous contraintes logistiques et sĂ©curitaires importantes 14
EncadrĂ© 1: CritĂšres de lâOCDE-CAD les plus citĂ©s lors des prĂ©sentations et des dĂ©bats Ă Berlin, dĂ©finitions et exemples extraits des publications et des Ă©changes de Berlin 15
Figure 2: La gamme de la coordination 21
Encadré 2: Exemples de Berlin sur la gamme 23
EncadrĂ© 3: Comment mener Ă bien lâĂ©valuation des partenariats et des approchescollaboratives sur le terrain ? 24
EncadrĂ© 4: Les leçons tirĂ©es par DEC des efforts dâĂ©valuation conjointes 31
EncadrĂ© 5: Les trois grands mĂ©canismes de coordination officiels de lâIASC existant Ă lâĂ©chelle nationale 40
EncadrĂ© 6: Conclusions principales des exercices dâĂ©valuation du mĂ©canisme de coordination de lâIASC 41
Encadré 7: Manque de reconnaissance du rÎle de la société civile : une barriÚre à la coopération 45
Encadré 8: Instantané des fonctions des réseaux nationaux issues des présentations de Berlin 48
EncadrĂ© 9: Facteurs qui dĂ©finissent lâefficacitĂ© des rĂ©seaux nationauxs 50
Encadré 10: Les Principes du Partenariat (PdP) 52
Exemple 2: Le Groupe de mobilisation du secteur privé contre Ebola (EPSMG) : Un partenariat entre les secteurs humanitaire et privé 60
Encadré 11: Le financement au service de la coopération : un exemple 66
EncadrĂ© 12: Tendances financiĂšres dans les fonds de financement communs Ă lâĂ©chelon national 67
Exemple 3: Comment lâAlliance des promoteurs de SphĂšre aux Philippines amĂ©liore la qualitĂ© et la redevabilitĂ© grĂące Ă la diffusion des standards de SphĂšre 73
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Abréviations et acronymes
ADRRN RĂ©seau asiatique pour la rĂ©duction des catastrophes et lâintervention en cas de catastrophe ALNAP Active Learning Network for Accountability and PerformanceASAP Alliance des promoteurs de SphĂšre aux Philippines ASEAN Association des nations de lâAsie du Sud-EstCAD ComitĂ© dâaide au dĂ©veloppement CAFOD Catholic Agency for Overseas DevelopmentCAP ProcĂ©dure dâappel globalCE Commission europĂ©enneCERF Fonds central pour les interventions dâurgence CH Coordonnateur des affaires humanitairesCHF Fonds humanitaire communCICR ComitĂ© international de la Croix-Rouge CIAB Conseil international des agences bĂ©nĂ©volesCdP CommunautĂ© de praticiensDEC Disasters Emergency Committee DFID Department for International Development DOMP DĂ©partement des opĂ©rations de maintien de la paix de lâONUECB Projet de renforcement des capacitĂ©s dans les cas dâurgence ECHO DG Aide humanitaire et protection civile EHP Ăquipe humanitaire paysERF Fonds dâintervention dâurgence ESH Ătat du systĂšme humanitaire ESPMG Groupe de mobilisation du secteur privĂ© contre EbolaEWS SystĂšmes dâalerte rapide GCS Groupe consultatif stratĂ©giqueHPN RĂ©seau des pratiques humanitaires IA-RTE Ăvaluation interorganisations en temps rĂ©els IASC ComitĂ© permanent interorganisations ICCM MĂ©canisme de coordination inter-cluster IFRC FĂ©dĂ©ration internationale des sociĂ©tĂ©s de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge MSF MĂ©decins Sans FrontiĂšres OCDE Organisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomiques OCHA Bureau de la Coordination des affaires humanitaires de lâONU OIM Organisation internationale pour les migrationsOMS Organisation mondiale de la santĂ©ONG Organisation non gouvernementaleONGI ONG internationaleONU Nations uniesOPT Territoires palestiniens occupĂ©sOSC Organisation de la sociĂ©tĂ© civilePARCEL Renforcement des capacitĂ©s des partenaires en logistique PdP Principe du partenariat RCA RĂ©publique centrafricaine RD RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo RRM MĂ©canisme dâintervention rapide SRP Plan stratĂ©gique dâinterventionSTAIT Ăquipe de haut niveau de mise en Ćuvre de lâAgenda transformateur TEC Coalition pour lâĂ©valuation des opĂ©rations de secours et de relĂšvement aprĂšs le tsunami UNICEF Fonds des Nations unies pour lâenfance USAID US Agency for International Development WASH Water, Sanitation and Hygiene [eau, assainissement, hygiĂšne]
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1. Introduction
Les interventions humanitaires impliquent souvent de trĂšs nombreux acteurs nationaux et internationaux qui Ćuvrent dans les mĂȘmes zones gĂ©ographiques et vers les mĂȘmes grands objectifs. Pourtant, la coordination et la collaboration parmi ces acteurs est souvent au mieux limitĂ©e. Or, dans toute interventions dâurgence, le manque de coopĂ©ration peut entrainer une couverture insuffisante, des dĂ©doublements ainsi que des gaspillages de ressources.
Cette question est devenue plus pressante. Ă cause dâune combinaison de facteurs â changement climatique, urbanisation et croissance dĂ©mographique, entre autres â, beaucoup de situations dâurgence ont plus dâampleur et sont plus complexes quâauparavant. Ă leur tour, les interventions ont pris de lâampleur et sont devenues plus complexes. Une agence ne peut Ă elle seule rĂ©pondre Ă tous les besoins, mĂȘme dans un secteur prĂ©cis. Les acteurs humanitaires ont vu eux aussi leurs effectifs et leur diversitĂ© augmenter, ce qui peut faire de la coordination une tĂąche semble-t-il impossible.
Au cours de la derniĂšre dĂ©cennie sont apparues diverses mĂ©thodes visant Ă amĂ©liorer la façon dont nous collaborons. De nombreux gouvernements ont assumĂ© un rĂŽle plus important dans la coordination des acteurs humanitaires intervenant sur leur territoire. ParallĂšlement, Ă la suite de lâagenda des rĂ©formes humanitaires (et, plus tard, du Programme de transformation), le systĂšme humanitaire international a mis en place lâapproche dite en « cluster » et les Ăquipes humanitaires pays (EHP), destinĂ©es Ă renforcer la coordination â avant tout des acteurs internationaux â Ă lâĂ©chelle du pays. De plus, de nombreux pays possĂšdent des organes de coordination des organisations non gouvernementales (ONG). Bon nombre dâorganisations travaillent en partenariat les unes avec les autres et, de plus en plus, avec des acteurs humanitaires non traditionnels, le secteur privĂ© par exemple, pour planifier et mettre en Ćuvre les opĂ©rations de secours.
Ces initiatives ont engendrĂ© de nombreux succĂšs qui soulignent les avantages de la coopĂ©ration ; toutefois, plusieurs dĂ©fis de taille sont Ă©galement apparus. Aboutir Ă une coordination et Ă une collaboration nâest pas chose aisĂ©e : les intĂ©rĂȘts concurrents des organisations peuvent tirer les agences dans des directions diffĂ©rentes ; la diversitĂ© linguistique et culturelle peut freiner la rapiditĂ© des communications et de la comprĂ©hension ; la coordination peut en outre compromettre lâindĂ©pendance dâune organisation ; enfin, le temps et lâĂ©nergie nĂ©cessaires Ă une coordination fructueuse peuvent sâavĂ©rer dĂ©courageants, en particulier pour les organisations modestes. En plus de ces dĂ©fis, les nombreux acteurs diffĂ©rents impliquĂ©s dans une intervention ont souvent des attentes diffĂ©rentes en matiĂšre de collaboration, ainsi que des conceptions diffĂ©rentes de la coordination et des partenariats. Ces diffĂ©rences de perception nuisent Ă la rĂ©ussite
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des activitĂ©s conjointes et rendent difficile dâĂ©tablir ce que le mot « succĂšs » signifie rĂ©ellement.
La coopĂ©ration nâest pas un bien en soi, et il existe des arguments cohĂ©rents contre une coordination ou une collaboration excessive. Ainsi Whittall et coll. affirment-ils que « lâaide humanitaire devrait ĂȘtre dĂ©libĂ©rĂ©ment laissĂ©e en dehors du champ des approches globales, des solutions intĂ©grĂ©es et des objectifs de durabilitĂ© ou de rĂ©silience » (2014 : 2), parce que la coordination permet aux acteurs politiques de contrĂŽler le programme humanitaire. « [Au cours des] annĂ©es rĂ©centes, on a reconnu plus gĂ©nĂ©ralement que les spĂ©cificitĂ©s de la coordination humanitaire devaient ĂȘtre davantage protĂ©gĂ©es des prioritĂ©s politiques » (Donini et coll., 2008 : 23). Des dĂ©bats qui ont eu lieu Ă Berlin les 3 et 4 mars 2015 sâest dĂ©gagĂ©e lâidĂ©e que, manifestement, toutes les initiatives de coordination ne sont pas les mĂȘmes ; la diversitĂ© contextuelle des pays et des rĂ©gions oĂč sont menĂ©s des travaux collaboratifs influence de toute Ă©vidence les stratĂ©gies de coopĂ©ration sur le terrain.
La recherche et les Ă©valuations se sont penchĂ©es sur certaines de ces expĂ©riences de coordination â mais elles sont loin de les avoir abordĂ©es toutes. Les besoins humanitaires Ă©tant estimĂ©s Ă la hausse, nous pouvons nous attendre Ă ce que la coordination et la coopĂ©ration deviennent encore plus importantes dans les annĂ©es Ă venir. Câest pour cette raison quâALNAP, le RĂ©seau dâapprentissage actif pour la redevabilitĂ© et la performance de lâaction humanitaire [Active Learning Network for Accountability and Performance] a dĂ©cidĂ© de se rĂ©unir pour faire un Ă©tat des lieux des expĂ©riences et des bonnes pratiques en matiĂšre de coopĂ©ration sur le terrain afin dâassurer des interventions humanitaires efficaces. Tel Ă©tait le thĂšme central de lâĂ©dition 2015 de lâassemblĂ©e annuelle dâALNAP. Cette question Ă©tait en outre au cĆur des dĂ©bats sur les moyens dâamĂ©liorer la façon dont les divers acteurs humanitaires peuvent conjuguer leurs efforts pour rĂ©pondre aux besoins des populations affectĂ©es par des crises.
Dans le prĂ©sent rapport, nous examinerons un Ă©ventail de modes de coopĂ©ration adoptĂ©s par diffĂ©rentes organisations Ă lâĂ©chelle des pays. Nous aborderons les relations bilatĂ©rales entre organisations (partenariats), ainsi que les relations entre des organisations multiples (clusters, rĂ©seaux et consortiums). Nous nous pencherons Ă©galement sur dâautres modalitĂ©s non structurelles, qui servent Ă favoriser la coopĂ©ration, tels les mĂ©canismes de financement et les normes.
Le rapport examine les acteurs suivants : les ONG internationales et nationales ; les agences, bureaux, fonds et programmes onusiens ; le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ; les pouvoirs publics ; les bailleurs de fonds ; enfin, le secteur privĂ©. Nous nây aborderons pas la coordination civil-militaire, ni les organes et stratĂ©gies de coordination aux Ă©chelons rĂ©gional et mondial.
Les besoins humanitaires étant estimés à la hausse, nous pouvons nous attendre à ce que la coordination et la coopération deviennent encore plus importantes dans les années à venir.
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2. Coordination en contexte : les humanitaires se rapprochent-ils ou sâĂ©loignent-ils les uns des autres ?
2.1 Un systÚme humanitaire de plus en plus atomisé ?
Le systĂšme humanitaire international est un « rĂ©seau dâagences nationales et internationales, de bailleurs de fonds et dâautoritĂ©s des pays hĂŽtes qui fonctionnent en parallĂšle dans lâeffort humanitaire et qui partagent des objectifs, des normes et des principes » (ALNAP, 2012 : 8). Ses deux caractĂ©ristiques les plus proĂ©minentes sont peut-ĂȘtre sa taille, en termes de nombre dâorganisations impliquĂ©es, et sa diversitĂ© croissante : « Le systĂšme humanitaire international, mĂȘme Ă©troitement dĂ©fini [...] est plus large et plus variĂ© que beaucoup ne le croient » (ibid. : 28).
Ce systĂšme est « constituĂ© de nombreuses parties mobiles, chacune avec ses avantages, ses intĂ©rĂȘts et ses capacitĂ©s propres » (Scott, 2014 : 1). Selon lâĂ©dition 2015 de LâĂtat du systĂšme humanitaire (ESH) dâALNAP (ALNAP, 2015), en 2014, environ 4480 organisations en opĂ©ration, travaillant sur la base de diverses combinaisons, ont rĂ©pondu Ă 67 crises (donnĂ©es du SystĂšme de transparence financiĂšre). Elles sont constituĂ©es dâorganisations gouvernementales, intergouvernementales, nationales et internationales, et dâorganisations de la sociĂ©tĂ© civile (OSC). Dans de nombreux cas, des acteurs « non traditionnels » tels ceux issus du secteur privĂ© (international ou, trĂšs souvent, national ou local) ou lâarmĂ©e, les ont rejoints dans leur effort.
Parfois, le grand nombre dâorganisations impliquĂ©es rend toute forme dâaction cohĂ©rente ou coordonnĂ©e pratiquement impossible. Plus problĂ©matiques encore que le nombre dâorganisations actives, sont les diffĂ©rences qui les distinguent les unes des autres : on observe des diffĂ©rences marquĂ©es parmi les acteurs humanitaires dits traditionnels dans leur approche de lâaide humanitaire. Celle-ci dĂ©pend avant tout de leur mandat et de la philosophie qui est la leur. Selon DuBois, « lâidentitĂ© est ce qui dĂ©termine la perception » (2015). Et la perception, Ă son tour, dĂ©termine lâaction. Ainsi dans de nombreux cas, la spĂ©cialitĂ© intrinsĂšque dâune agence dĂ©termine la façon quâelle a de percevoir une crise et les domaines quâelle identifie comme prioritaires. Pour paraphraser une expression de lâanglais amĂ©ricain, si lâon est spĂ©cialisĂ© dans les marteaux, il peut ĂȘtre tentant de tout traiter comme des clous.i Au regard de ces Ă©lĂ©ments, le besoin de rassembler diffĂ©rentes spĂ©cialisations autour dâune seule et mĂȘme intervention efficace suggĂšre quâun effort de coordination est nĂ©cessaire. Or, les diffĂ©rentes visions du monde et prioritĂ©s qui Ă©mergent de ces spĂ©cialisations rendent la coordination plus difficile.
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Ătablir quels sont les enjeux fondamentaux dans un cas dâurgence, ceux qui sâĂ©lĂšvent au-dessus de lâentendement de tout secteur ou organisation, nâest un exercice ni neutre ni facile. Ă Berlin, les intervenants qui se sont exprimĂ©s au sujet de la meilleure façon dâĂ©valuer lâeffort de coordination (voir encadrĂ© 4 sur ce qui fonctionne dans les partenariats et la coordination sur le terrain) ont soulignĂ© lâimportance des variations de perception dans lâeffort de collaboration : « Nous avons tendance Ă percevoir les dĂ©fauts chez les autres et ce qui fonctionne chez nous-mĂȘmes, mais nous avons tendance Ă attribuer la cause de leurs dĂ©fauts aux autres et celle de nos propres dĂ©fauts Ă des circonstances extĂ©rieures. »ii Plusieurs intervenants se sont fait lâĂ©cho de cette remarque en abordant la question du manque de confiance mutuelle : « De toute Ă©vidence, nous ne nous faisons pas confiance, entre diffĂ©rentes classes et hiĂ©rarchies dâacteurs ; tout du moins, il nous faut gĂ©nĂ©ralement longtemps avant de nous faire confiance. Nous savons que la coordination et la collaboration fonctionnent lĂ oĂč les personnes se connaissent et peuvent travailler ensemble, » a expliquĂ© Ulrike Von Pilar de MĂ©decins Sans FrontiĂšresiii (MSF) (pour plus de dĂ©tails sur le rĂŽle des mĂ©canismes informels, voir section 5.1).
En ce qui concerne la façon dont lâidentitĂ© dĂ©termine la perception, lâune des diffĂ©rences les plus importantes semble opposer (i) les organisations « dunantistes »iv, pour la majeure partie, qui se concentrent sur une rĂ©ponse immĂ©diate Ă la souffrance causĂ©e par les catastrophes et les conflits, et pour qui prĂ©vaut un contact direct avec les victimes ; et (ii) celles qui ont tendance Ă considĂ©rer lâaction humanitaire dans un contexte de vulnĂ©rabilitĂ©s plus vaste sur le long terme et qui, par consĂ©quent, ont pour but de travailler Ă Ă©largir les capacitĂ©s locales et Ă sâengager longuement, souvent dans le cadre dâun programme plus large de dĂ©veloppement menĂ© par lâĂtat (voir Saavedra, 2014 ; Whittall et coll., 2014).
Les attitudes envers les mĂ©canismes et les initiatives de coordination divergent elles aussi. Par exemple, la prĂ©sidente de MSF Allemagne, Ulrike Von Pilar, a fait la remarque suivante lors de la session inaugurale Ă Berlin : « La question de la coordination doit ĂȘtre perçue dans le contexte de lâaide en tant quâinstrument de la politique Ă©trangĂšre, de stabilisation et des politiques sĂ©curitaires, » en demandant que soit « respectĂ©e la distance qui nous est nĂ©cessaire Ă nous humanitaires par rapport aux intĂ©rĂȘts politiques ». Nombre des organisations qui se concentrent sur une intervention immĂ©diate, particuliĂšrement en zones de conflit, feraient Ă©cho Ă ces propos : dans ce type de situation, les avantages opĂ©rationnels Ă travailler avec des structures y compris Ă©tatiques sont limitĂ©s et le besoin de rester strictement indĂ©pendant des acteurs et des considĂ©rations politiques prĂ©vaut fortement. Par ailleurs, le directeur des affaires humanitaires dâOxfam International, Carsten Völz, a mis en exergue le lien entre travail humanitaire et activitĂ©s de dĂ©veloppement, dans la mesure oĂč « Toute catastrophe rĂ©sulte dâun Ă©chec ou dâune carence de
Ă Berlin, les intervenants qui se sont exprimĂ©s au sujet de la meilleure façon dâĂ©valuer lâeffort de coordination ont soulignĂ© lâimportance des variations de perception dans lâeffort de collaboration.
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dĂ©veloppement. » Or, percevoir lâaction humanitaire dans une visĂ©e Ă long terme nĂ©cessite un travail collectif incluant une grande variĂ©tĂ© dâacteurs, y compris lâĂtat, Ă la prĂ©paration et Ă la rĂ©duction des risques.
Si cette tension nâest pas nouvelle, elle a Ă©tĂ© fortement mise en relief ces derniĂšres annĂ©es. Les facteurs Ă son origine comprennent un intĂ©rĂȘt croissant pour la « rĂ©silience » ; lâaccroissement de la capacitĂ© et de la prĂ©sence dâacteurs gouvernementaux dans le cadre de nombreuses catastrophes ; et, potentiellement, un effort dâharmonisation des modĂšles dâaction humanitaire en vue de crĂ©er un modĂšle unique et indiffĂ©renciĂ© sur lequel tout le monde sâaccorde â un modĂšle qui soit aussi valide pour rĂ©pondre Ă un conflit dans le cadre de sociĂ©tĂ©s sans Ătat que pour prĂ©parer et rĂ©pondre Ă des catastrophes naturelles dans des Ătats dont le systĂšme est dĂ©mocratique et reprĂ©sentatif (Ramalingam et Mitchell, 2014).
En outre, lâaide humanitaire continue dâĂȘtre politisĂ©e, en Somalie et en Afghanistan par exemple, lĂ oĂč les bailleurs de fonds prennent aussi part au combat (ou un intĂ©rĂȘt politique dans le conflit) et imposent des contraintes sur la façon dâutiliser cette aide. Ceci mĂšne, dâune part, Ă la menace des principes humanitaires dâindĂ©pendance et de neutralitĂ©, et dâautre part, Ă des dĂ©saccords entre les organisations qui se sont montrĂ©es prĂȘtes Ă accepter des fonds de la part de ces donateurs et celles qui les ont refusĂ©s afin de prĂ©server leur indĂ©pendance.
Outre ces tensions entres acteurs traditionnels, un certain nombre dâacteurs humanitaires nâayant Ă©tĂ© que rĂ©cemment reconnus, en particulier venant de pays Ă moyens revenus, apportent de « nouvelles » approches et façons de penser lâaction humanitaire.v La diversitĂ© grandissante des acteurs entraĂźne une diversification des opinions, ce qui rend plus nĂ©cessaire encore le besoin de comprendre et de catĂ©goriser les concepts touchant Ă la coordination. Cependant, dans cet ensemble diversifiĂ© dâacteurs et dâopinions, les diffĂ©rences de points de vue se trouvent exacerbĂ©es, ce qui rend la coordination plus difficile encore.
Qui plus est, dans de nombreux cas de figure, les agences humanitaires sont susceptibles de travailler avec des acteurs non humanitaires (tel que le secteur privĂ©), dont la motivation organisationnelle premiĂšre nâest pas de rĂ©pondre Ă des impĂ©ratifs dâordre humanitaire.
Enfin, dans un contexte oĂč les besoins dĂ©passent les ressources et oĂč un grand nombre dâacteurs humanitaires interviennent simultanĂ©ment, presque tous se retrouvent en concurrence pour lever des fonds, attirer des employĂ©s formĂ©s et expĂ©rimentĂ©s et approcher mĂ©dias et preneurs de dĂ©cisions. Si ces tensions sont plus prosaĂŻques que celles relevant des mandats et des philosophies, elles nâen sont pas pour le moins rĂ©elles.
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FIGURE 1 : LES DIVERS ACTEURS DE LâINTERVENTION HUMANITAIRE
2.2 IntĂ©rĂȘt potentiel de la coopĂ©ration
Les participants de la rĂ©union annuelle Ă Berlin ont souvent rappelĂ© que coopĂ©ration et coordination nâĂ©taient pas des fins en soi. Plusieurs Ă©changes ont laissĂ© penser que le degrĂ© de collaboration entre organisations devrait dĂ©pendre du contexte et des atouts potentiels et quâune coordination moins ambitieuse serait plus facile Ă mettre en place : il est peut-ĂȘtre plus facile de coordonner des activitĂ©s communes Ă un endroit prĂ©cis que de coordonner des stratĂ©gies dâenvergure internationale dans un mĂȘme secteur. Comme lâexplique Rieff (2013), « Les questions concernant la coordination dâinterventions humanitaires doivent ĂȘtre posĂ©es, non pas prĂ©sumĂ©es ; on ne doit pas donner blanc seing Ă la coordination sous prĂ©texte quâen principe câest une bonne chose. »
NĂ©anmoins, la rĂ©union nâa pas manquĂ© de mettre en exergue certains des avantages gĂ©nĂ©raux de la coopĂ©ration en donnant des exemples de pratiques nationales et de terrain.
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Le Cluster Ăducation en RCA avait besoin de collecter des donnĂ©es sur le statut opĂ©rationnel des Ă©coles aprĂšs le coup dâĂtat qui a renversĂ© le gouvernement en place au mois de mars 2013. Les informations manquaient considĂ©rablement et des mises Ă jour Ă©taient requises afin de faciliter la programmation dâactivitĂ©s adaptĂ©es Ă lâĂ©volution des besoins et du contexte ainsi que leur mise en place et leur financement.
Au vu des dĂ©fis logistiques posĂ©s par lâaccĂšs, la sĂ©curitĂ© et les dĂ©placements liĂ©s aux violences, une sĂ©rie dâapproches collaboratives et coordonnĂ©es furent entreprises. LâidĂ©e Ă©tait de supprimer une partie des nombreux obstacles qui empĂȘchaient la conduite dâĂ©valuations des besoins dans le pays en misant sur les diffĂ©rents atouts des acteurs prĂȘts Ă intervenir. Le Cluster Ăducation bĂ©nĂ©ficiant dâun des rĂ©seaux de partenaires les plus vastes du pays, avec prĂšs de 40 partenaires Ă divers niveaux administratifs, et ces acteurs Ă©tant particuliĂšrement bien placĂ©s pour connaĂźtre le contexte et les intĂ©rĂȘts de lâavancement de ce travail, surtout les acteurs locaux, plusieurs dâentre eux acceptĂšrent de fournir leur aide.
Trois Ă©tudes furent planifiĂ©es et conduites en aoĂ»t 2013, fĂ©vrier 2014 et mars 2015, en fonction des besoins en renseignements et de lâanalyse des lacunes dĂ©tectĂ©es, ainsi que des obligations de suivi.
Parmi les bienfaits directs de cette collaboration figurent les éléments suivants :
âą La couverture de lâintervention Ă la majeure partie du pays (collecte et analyse de donnĂ©es) fut rapide, en combinant des Ă©valuations faites sur le terrain ou Ă distance et en travaillant aux cĂŽtĂ©s dâONG nationales, plus aptes Ă couvrir les zones reculĂ©es. MalgrĂ© lâimpĂ©ratif de temps, lâapproche collaborative permit la collecte dâinformations pertinentes, fiables, complĂštes et donc utiles, sur le secteur, par diffĂ©rentes sources et divers acteurs. Au total, 47 rapports furent produits par 11 membres organisateurs du cluster et du MĂ©canisme dâintervention rapide (RRM) en RCAvi regroupant les Ă©valuations de 657 Ă©coles au total dans 15 prĂ©fectures du pays en dehors de la capitale, Bangui.
⹠Les lacunes pertinentes ont été comblées par la répartition géographique des collectes, ce qui a
permis de combler lĂ oĂč les informations faisaient dĂ©faut et de mieux connaĂźtre la nature, Ă©volutive, des besoins et du contexte. De plus, la collecte des donnĂ©es a permis dâĂ©tablir une carte gĂ©ographique des incidents dâordre sĂ©curitaire liĂ©s Ă des Ă©coles et Ă dâautres infrastructures, reflĂ©tant ainsi la tendance Ă la confrontation et Ă la violence Ă laquelle ces zones Ă©taient soumises.
âą La connectivitĂ© des partenaires au cours de lâexercice a renforcĂ© leur capacitĂ© Ă entreprendre des collectes et des analyses de donnĂ©es ainsi que leur maĂźtrise des procĂ©dĂ©s. Cela a menĂ© Ă un accroissement du niveau dâinformation et dâanalyse Ă la disposition du cluster ainsi quâĂ de nouvelles possibilitĂ©s dâamĂ©liorer la triangulation des rĂ©sultats de la derniĂšre Ă©tude en 2015.
âą En prenant des propositions conjointes, le Partenariat mondial pour lâĂ©ducation assura la rapiditĂ© de mise en Ćuvre des activitĂ©s dans un secteur donnĂ©, lâĂ©ducation et les situations dâurgence, sans parfois mĂȘme avoir satisfait les exigences de financement, mĂȘme de loin.
Un des Ă©lĂ©ments clĂ©s de ce cas rĂ©side dans lâapprentissage et la capacitĂ© dâadaptation. La mĂ©thodologie dâĂ©valuation et les modalitĂ©s dâintervention ont Ă©voluĂ© dans le but dâoutrepasser les difficultĂ©s de dĂ©part, les partenaires se rĂ©unirent afin dâanalyser ce qui avait Ă©chouĂ© par le passĂ© et comment adapter leur approche. Ensemble, les partenaires participĂšrent Ă la conception des termes de rĂ©fĂ©rence et sâefforcĂšrent de mieux coordonner leur intervention dans le but de comprendre oĂč ils pouvaient accĂ©der et de mettre des solutions en place pour surmonter les contraintes. Le ministĂšre de lâĂducation vĂ©rifia les donnĂ©es ultĂ©rieurement et enfin, les Ă©quipes conjointes (y compris les ONG internationales et nationales, les agences onusiennes et les employĂ©s du ministĂšre de lâĂducation) entreprirent de collecter des donnĂ©es directement lĂ oĂč lâaccĂšs et la sĂ©curitĂ© le permettaient.
Pour plus dâinformations, voir http://www.humanitarianresponse.info/fr/operations/central-african-republic/document/secondary-data-review-first-semester-2014-2015-school.
EXEMPLE 1
ĂTUDE DE CAS DE LA RĂPUBLIQUE CENTRAFRICAINE â LA VALEUR DU TRAVAIL COLLABORATIF DANS UN ENVIRONNEMENT SOUS CONTRAINTES LOGISTIQUES ET SĂCURITAIRES IMPORTANTESS
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 13
Dans la section qui suit, nous nous intĂ©resserons aux avantages les plus souvent citĂ©s lors de rĂ©unions ou par la recherche et dans les Ă©valuations. Nous les organiserons en fonction des critĂšres dâĂ©valuation de performance des interventions humanitaires du ComitĂ© dâaide au dĂ©veloppement (CAD) de lâOrganisation de coopĂ©ration et de dĂ©veloppement Ă©conomiques (OCDE).vii
ENCADRĂ 1: CRITĂRES DE LâOCDE-CAD LES PLUS CITĂS LORS DES PRĂSENTATIONS ET DES DĂBATS Ă BERLIN, DĂFINITIONS ET EXEMPLES EXTRAITS DES PUBLICATIONS ET DES ĂCHANGES DE BERLIN
La couverture fait rĂ©fĂ©rence au besoin dâatteindre toute la population se trouvant dans une situation de besoin, oĂč quâelle soit localisĂ©e. Dans un contexte oĂč les besoins humanitaires ne cessent de croĂźtre, la couverture est un critĂšre clĂ© si lâon souhaite mesurer lâefficacitĂ© dâune intervention humanitaire.
Il a Ă©tĂ© dĂ©montrĂ© que travailler par clusters et sous dâautres formes de coordination est un moyen efficace dâĂ©viter les duplications gĂ©ographiques et sectorielles tout en diminuant les zones dĂ©laissĂ©es par une intervention. LâĂ©valuation de lâapproche par cluster n° 2 indique que les clusters, en tant quâorganismes de coordination, « jouent un rĂŽle important dans la rĂ©duction des dĂ©doublements, ce qui amĂ©liore lâefficacitĂ© de lâintervention et en accroĂźt lâĂ©tendue avec les mĂȘmes ressources » (Steets et coll., 2010 : 55 ; italiques ajoutĂ©s).
Au cours de la rĂ©union de Berlin, plusieurs participants et intervenants ont dĂ©signĂ© lâaccroissement de la couverture comme un avantage de la coordination, avec pour exemples : Myanmar, pendant le cyclone Nargis (2008), la coordination des programmes dâintervention monĂ©taire au Liban, dans le domaine de lâĂ©ducation en RCA (voir encadrĂ© 1) et avec le RRM (voir section 5.2). Dans le cadre de la crise rĂ©gionale en Syrie, la coordination entre acteurs internationaux (ayant les ressources) et les ONG et groupes de sociĂ©tĂ© civile locaux (qui peuvent plus facilement atteindre les personnes affectĂ©es) a Ă©tĂ© essentielle Ă la couverture de lâaide fournie (bien que trĂšs limitĂ©e, reconnaissons-le) en Syrie. Un autre exemple de couverture accrue grĂące Ă des partenariats a Ă©tĂ© la mise en place de projets de programmation monĂ©taire Ă grande Ă©chelle en Somalie (Truelove et Ducalf, 2012).viii
LâefficacitĂ© indique dans quelle mesure une activitĂ© a atteint son objectif de dĂ©part. La notion dâefficacitĂ© implique implicitement un Ă©lĂ©ment de temps non seulement en termes de rapiditĂ© dâintervention, mais aussi en termes dâadaptation aux changements de contexte et Ă lâĂ©volution des besoins..
La connaissance de ce contexte est un facteur dĂ©terminant dans lâefficacitĂ© de lâintervention, ce qui implique ĂȘtre en possession dâinformations selon lesquelles, dans un contexte donnĂ©, telles activitĂ©s sont Ă mĂȘme de mener aux rĂ©sultats souhaitĂ©s. Le partage des connaissances fondĂ© sur lâidentification, la documentation, et la diffusion des leçons tirĂ©es des interventions prĂ©cĂ©dentesix nourrit lâanticipation et la bonne conduite des interventions Ă venir.
Le fait de travailler ensemble accroĂźt les niveaux de communication et donc la quantitĂ© dâinformations disponibles permettant de prendre des dĂ©cisions plus ...
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Ă©clairĂ©es. En coordonnant les diagnostics, les prises de dĂ©cision et lâallocation des ressources, les programmes humanitaires financĂ©s par le DĂ©partement pour le dĂ©veloppement international (DFID) dans le Sahel en 2013-2014 ont fait des progrĂšs considĂ©rables en matiĂšre dâefficacitĂ©. « Des systĂšmes dâalerte rapide (EWS) [âŠ] sont en place au niveau national et rĂ©gional et la plupart des partenaires financĂ©s par le DFID y participent ou bien prennent en compte ces alertes dans la prĂ©paration et la conception de programmes dâintervention. Il semblerait quâici, lâencouragement Ă la coordination par un donateur ait permis aux EWS nationaux et rĂ©gionaux et Ă dâautres mĂ©canismes de collaboration de contribuer Ă une action plus efficace » (GrĂŒnewald et coll., 2014 : 17).
Durant la rĂ©union de Berlin, les intervenants de « Your Story in 5 » sâexprimĂšrent au sujet des avantages de la coordination en termes dâaccroissement de lâefficacitĂ©. Ă ce sujet, le rĂ©seau dâagences humanitaires de la Vanuatu Humanitarian Team (VHT),x reconnu par le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) comme modĂšle de coordination lors de la rĂ©union annuelle de la Pacific Humanitarian Team en 2012, Ă©tait peut-ĂȘtre lâun des exemples les plus remarquables. Depuis son lancement, le rĂ©seau a contribuĂ© Ă lâamĂ©lioration de la rapiditĂ© et de la coordination des interventions humanitaires au Vanuatu en cas de catastrophe. La rapiditĂ© de lâĂ©valuation et de lâaide a Ă©voluĂ© dâune moyenne de deux mois en 2011 Ă sept jours en 2012-2013, comme lâa illustrĂ© lâamĂ©lioration des temps dâintervention lors du cyclone tropical Jasmine en 2012 et du glissement de terrain de Paama en 2013. Aux alentours de la mi-mai en 2015, plusieurs exercices Ă©valueront la contribution du rĂ©seau et des autres approches collaboratives Ă lâintervention liĂ©e au cyclone Pam.xi
La pertinence et lâadĂ©quation sont des critĂšres complĂ©mentaires pouvant ĂȘtre utilisĂ©s Ă diffĂ©rents niveaux (Beck, 2006), le premier afin dâĂ©valuer si lâactivitĂ© humanitaire est bien adaptĂ©e aux besoins de la localitĂ©, et en particulier la formulation des objectifs de programme ou de projet ; et le second afin de mettre lâaccent sur plusieurs questions transversales de premier ordre, tel que le degrĂ© de participation, lâanalyse des genres masculin/fĂ©minin, la prĂ©occupation du niveau de protection et ainsi de suite. Dans les deux cas, la bonne comprĂ©hension du contexte oĂč a lieu lâintervention humanitaire et lâadaptation Ă ses spĂ©cificitĂ©s sont dâune importance primordiale.
Planifier des interventions monĂ©taires ou sur le plan des marchĂ©s Ă©conomiques, souvent en collaboration avec des acteurs locaux du secteur privĂ©, peut permettre aux programmes de donner aux populations affectĂ©es plus de pouvoir ainsi que lâopportunitĂ© de choisir les biens dont elles ont besoin. Lors de la sĂ©cheresse en Afrique de lâEst en 2011-2012, des sociĂ©tĂ©s kĂ©nyanes ont pris part Ă des initiatives de transferts monĂ©taires, provisions dâassurance de lâĂ©levage et Ă dâautres formes de soutien. Celles-ci permirent dâattĂ©nuer la vulnĂ©rabilitĂ© des populations affectĂ©es tout en gĂ©nĂ©rant des revenus pour les entreprises participantes (Drummond et Crawford, 2014, dans de Zyck et Kent, 2014).
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Ă Berlin, les participants ont insistĂ© sur lâimportance de lâharmonisation et de la coordination des programmes monĂ©taires entre les divers acteurs si lâon veut garantir leur pertinence et leur adĂ©quation. Cela a Ă©tĂ© particuliĂšrement mis en application en Jordanie et au Liban,xii oĂč banques, entreprises de tĂ©lĂ©phonie mobile et une myriade dâONG et dâagences onusiennes prennent toutes part Ă des initiatives monĂ©taires, Ă©tant donnĂ© que les besoins sont multisectoriels et quâils Ă©voluent rapidement. Au Liban, un groupe de transferts monĂ©taires a Ă©tĂ© crĂ©Ă© afin dâharmoniser les programmes plutĂŽt que de se limiter Ă lâobjectif habituel qui vise Ă accroĂźtre la couverture de lâaide. Cette approche amĂ©liora la pertinence et lâadĂ©quation de lâintervention. En crĂ©ant des groupes de travail ciblant les valeurs monĂ©taires, lâĂ©valuation et le contrĂŽle du marchĂ© Ă©conomique, tous les acteurs ont pu sâassurer que leurs programmes reposaient sur les mĂȘmes informations.
Lâefficience sert Ă mesurer quels sont les rĂ©sultats obtenus par rapport Ă ce qui est investi (habituellement des ressources dâordre financier, humain, technique et matĂ©riel).
La coordination de lâapprovisionnement et des services peut rĂ©duire les dĂ©doublements et permettre dâeffectuer des Ă©conomies dâĂ©chelle. La coordination de la prestation de services par le biais dâun cluster logistique en est un bon exemple (Majewski et coll., 2012).
LĂ oĂč les marchĂ©s existent, coordonner lâintervention avec le secteur privĂ© local et utiliser le marchĂ© comme mĂ©canisme distributeur peut ĂȘtre plus efficace. DâaprĂšs le rapport sur les bonnes pratiques (Good Practice Review) de programmation monĂ©taire en situation dâurgence, « GĂ©nĂ©ralement, les Ă©valuations indiquent que, sâils sont adĂ©quatement avertis, les nĂ©gociants rĂ©agissent rapidement et les mĂ©canismes de marchĂ© sont souvent Ă©tonnamment efficaces et robustes, mĂȘme dans des zones reculĂ©es et les zones affectĂ©es par un conflit » (Harvey et Bailey, 2011 : 30).
Les partenariats avec des ONG nationales et agences de dĂ©veloppement gouvernementales sur le long terme (voir aussi « Interaction ») peuvent permettre une meilleure prĂ©paration, ce qui dans certains contextes sâest avĂ©rĂ© une solution plus efficace en termes de coĂ»t que lâintervention dâurgence (Hedlund et Knox Clarke, 2011).
La connectivitĂ© est une adaptation du concept de durabilitĂ©. Elle repose sur la capacitĂ© des Ă©tapes dâintervention dâurgence, Ă court terme, Ă prendre en compte les problĂšmes de pauvretĂ©, de vulnĂ©rabilitĂ© et de dĂ©veloppement sur le long terme.xiii
La coopĂ©ration entre gouvernement, sociĂ©tĂ© civile et acteurs du dĂ©veloppement peut permettre de faciliter la transition entre diffĂ©rentes phases du cycle de gestion de catastrophe et de sâassurer que les activitĂ©s Ă long terme, telles que la relocalisation et la rĂ©novation des infrastructures de santĂ© et de lâĂ©ducation, sâaccordent avec une planification sur le long terme. Le reprĂ©sentant de la Croix-Rouge en Sierra Leone sâest exprimĂ© au sujet du rĂŽle dâacteur subsidiaire jouĂ© par la Croix-Rouge pendant lâĂ©pidĂ©mie dâEbola : apporter du soutien et travailler dans le cadre de structures de coordination mises en place par le gouvernement, telles que le National Ebola
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...Response Committee. Cette coopĂ©ration avec le gouvernement a garanti « un renforcement des capacitĂ©s gouvernementales de sorte quâune fois lâĂ©tat dâurgence levĂ©, il reste quelque chose. »xiv
La cohĂ©rence touche au degrĂ© de similitude entre les objectifs et les politiques dâintervention des diffĂ©rents acteurs. Un aspect important Ă cet Ă©gard est de dĂ©terminer dans quelle mesure ces objectifs et ces politiques sâalignent sur le droit humanitaire et les droits de lâhomme.
La coordination et la cohĂ©rence sont bien sĂ»r Ă©troitement liĂ©es. Lors de la rĂ©union de Berlin, les participants se sont en particulier intĂ©ressĂ©s Ă la relation entre lâaction conjointe de sensibilisation et la production de messages cohĂ©rents, en accord avec les bonnes pratiques humanitaires. La session de lâassociation du droit international humanitaire sur la coordination de la sensibilisation a illustrĂ© ce que peuvent ĂȘtre les avantages dâune approche coordonnĂ©e Ă travers des exemples du NĂ©pal, du Pakistan et des Territoires palestiniens occupĂ©s (OPT). Au NĂ©pal, le Consortium pour la rĂ©duction des risques a facilitĂ© le dialogue entre acteurs Ă diffĂ©rents niveaux, amĂ©liorant ainsi la mise en Ćuvre de plans dâintervention dâurgence des collectivitĂ©s et leur lien avec les administrations locales, et les programmes de dĂ©veloppement ou Ă long terme. Au Pakistan, la commission chargĂ©e des inondations Peoples Accountability Commission of Floods, qui rassemble des centaines dâactivistes et dâorganisations locaux, a permis de faire entendre les voix des communautĂ©s affectĂ©es Ă tous les niveaux, influençant ainsi les politiques et lâallocation des ressources et contribuant Ă la rĂ©solution de conflits au sein de lâadministration gouvernementale. Dans les OPT, la coopĂ©ration dâacteurs (palestiniens, israĂ©liens et internationaux) rĂ©unissant les dimensions juridique, humanitaire et communautaire de la gamme des besoins a contribuĂ© Ă amĂ©liorer la protection des communautĂ©s particuliĂšrement vulnĂ©rables.
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2.3 Les défis de la coopération et les critiques d une plus grande coordination
Les avantages potentiels mis en avant prĂ©cĂ©demment sous-entendent quâil existe un commun accord sur la nĂ©cessitĂ© de coordonner lâaction humanitaire et que lâon reconnaĂźt que la responsabilitĂ© de coordination revient Ă tous les acteurs humanitaires, pas seulement aux « organismes gouvernementaux et intergouvernementaux officiellement mandatĂ©s » (Currion et Hedlund, 2010 : 2). La coordination peut cependant ĂȘtre difficile Ă mettre en place. Il existe dâailleurs divers arguments cohĂ©rents Ă lâencontre dâune « coordination excessive ».
Possibles dĂ©fis, difficultĂ©s et contraintes dâșordre pratique Le secteur humanitaire est composĂ© dâune multitude d acteurs qui rivalisent souvent entre eux pour obtenir des fonds, une meilleure visibilitĂ© et lâĂ©chelle des opĂ©rations. En 1999, van Brabant identifia plusieurs obstacles courants Ă la rĂ©ussite dâune coordination qui restent pertinents aujourdâhui : les diffĂ©rences de mandats entre les organisations ; la tension entre le temps requis pour mettre la coordination en place et la rapiditĂ© requise en cas de situation dâextrĂȘme urgence ; la rĂ©sistance des institutions Ă crĂ©er davantage de bureaucratie ; et le coĂ»t de la coordination en termes de temps et de personnel, parfois trĂšs Ă©levĂ©.
Plus rĂ©cemment est apparu un autre dĂ©fi Ă la coordination, ou en tout cas aux approches de la coordination humanitaire, celui de lâinadĂ©quation du modĂšle sectoriel des mĂ©canismes de coordination dans de nombreux contextes (et, plus largement, du problĂšme quâentraĂźne lâutilisation dâun modĂšle standardisĂ© dans une grande diversitĂ© de contextes). Ă Berlin, des prĂ©sentations sur le groupe de travail consacrĂ© Ă la programmation monĂ©taire au Liban ont fourni un exemple de ce dĂ©fi.xv Les populations affectĂ©es par une crise pouvant utiliser de lâargent pour rĂ©pondre Ă une variĂ©tĂ© de besoins, le mĂ©canisme de programmation monĂ©taire ne concorde pas avec lâorganisation dâun systĂšme de coordination organisĂ© en fonction de secteurs spĂ©cifiques (tels que lâalimentation, la mise Ă la disposition dâabris et dâinstallations sanitaires). Cependant, certains secteurs tels que la protection et le relĂšvement prĂ©coce adoptent dĂ©jĂ une approche plus transversale. Bien que la rĂ©union de Berlin nâait pas fourni de dĂ©tails sur ce travail en cours, les participants ont reconnu les possibilitĂ©s dâavancement quâoffrait la perspective de travailler dans le cadre dâun groupe rĂ©unissant divers acteurs humanitaires et non humanitaires.
Dans un contexte oĂč les ressources sont restreintes et oĂč les prioritĂ©s divergent, la capacitĂ© et la volontĂ© dâinvestir des ressources, notamment du temps et du personnel, constituent un dĂ©fi Ă©vident Ă la coordination sur le terrain. Du reste, mĂȘme lorsque la volontĂ© existe, des compromis sont faits entre un engagement actif
Plusieurs obstacles courants Ă la rĂ©ussite dâune coordination les diffĂ©rences de mandats entre les organisations ; la tension entre le temps requis pour mettre la coordination en place et la rapiditĂ© requise en cas de situation dâextrĂȘme urgence ; la rĂ©sistance des institutions Ă crĂ©er davantage de bureaucratie.
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dans la coordination et la rĂ©ponse aux besoins immĂ©diats ; ceux-lĂ ont une influence sur les prioritĂ©s (voir section 4.2 sur le ComitĂ© permanent interinstitutions (IASC) et les systĂšmes de coordination humanitaire spĂ©cifiques Ă certains pays). Le responsable dâurgence dâune ONG de Bangui a reconnu quâ« entre les rĂ©unions de cluster sectoriel, les organismes de coordination des ONG et les rĂ©unions bilatĂ©rales, on consacre souvent moins de temps et dâattention au travail de terrain et Ă la gestion rapprochĂ©e des Ă©quipes dâurgence ; notre stratĂ©gie dâintervention a visĂ© Ă combler les lacunes gĂ©ographiques et sectorielles, ce qui demande de consacrer plus de ressources, plus de temps et dâefforts Ă la coordination et Ă lâĂ©change dâinformations. Câest un choix difficile. »xvi La question des conflits de prioritĂ©s a Ă©tĂ© Ă©voquĂ©e au cours des dĂ©bats de Berlin. Un membre du groupe a soulignĂ© que les partenaires syriens locaux sâinquiĂ©taient de la sĂ©curitĂ© de leur personnel travaillant en Syrie que les requĂȘtes dâĂ©changes dâinformations par des partenaires internationaux mettaient en danger.xvii
Le travail au sein des rĂ©seaux et des coalitions est contraint par un autre Ă©lĂ©ment : les rĂ©seaux doivent veiller Ă ne pas faire concurrence Ă leurs organisations membres. Comme lâont observĂ© Klenk et Stewart (n.d. : 16) : « La perception que les intentions dâagences individuelles sont dâune façon ou dâune autre en conflit avec les activitĂ©s de consortium convenues peut rapidement entamer la confiance. »
Une autre contrainte, pratique, de la coordination au sein dâun secteur international peut ĂȘtre celle que pose la langue, Ă la fois en termes de langue parlĂ©e et de « jargon humanitaire ». Dans de nombreuses circonstances, les acteurs nationaux et les acteurs « non traditionnels » peuvent trouver la comprĂ©hension ou la communication avec le personnel international difficile. De plus, les barriĂšres culturelles, y compris les diffĂ©rences de conceptions du travail, les stĂ©rĂ©otypes et les diffĂ©rences en termes dâobjectifs fixĂ©s, peuvent mener Ă de vĂ©ritables barriĂšres Ă la collaboration. Un exemple intĂ©ressant de pratique amĂ©liorĂ©e donnĂ© Ă Berlin sâappuie sur le contexte en Syrie;xviii un membre du groupe a expliquĂ© que la question de la barriĂšre linguistique avait Ă©tĂ© examinĂ©e en rĂ©union et au sein de groupes de travail par lâOCHA, des traductions vers lâarabe ayant Ă©tĂ© produites simultanĂ©ment, ce qui avait menĂ© Ă un engagement accru de la part des partenaires syriens de petite taille et de taille moyenne.
Enfin, le nombre dâacteurs impliquĂ©s dans de nombreuses crises humanitaires peut lui aussi reprĂ©senter une contrainte. Dans la plupart des cas, travailler avec toutes les personnes concernĂ©es nâest ni faisable, ni souhaitable, principalement pour des raisons pratiques.
7 DâaprĂ«s K et C (Ă paraitre). Le phĂ©nomĂšne des divers degrĂ©s de coordination dans le secteur humanitaire a Ă©tĂ© observĂ© ailleurs (G. et coll., 2010 ; S., 2011).
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DĂ©fis conceptuels et critiques En plus des dĂ©fis pratiques mis en avant ci-dessus existent des arguments allant Ă lâencontre de lâidĂ©e mĂȘme que diffĂ©rentes organisations humanitaires puissent travailler ensemble.
Le premier soutient que les disparitĂ©s de pouvoir considĂ©rables qui existent dans le secteur humanitaire empĂȘchent une coopĂ©ration et une collaboration significatives et Ă©galitaires. Ici, le danger est que les mĂ©canismes de coordination et de partenariat deviennent des outils de contrĂŽle forçant les moins puissants Ă compromettre leurs objectifs ou leurs principes.
En analysant les partenariats et les approches collaboratives entre organisations, un membre du groupexix a observĂ© : « la rĂšgle dâor en matiĂšre de relations de pouvoir, si vous cherchez Ă savoir si la relation entre diffĂ©rents niveaux dâautoritĂ© se dĂ©roule bien, demandez-le Ă la personne se situant au niveau le plus bas ». Comme cela a Ă©tĂ© remarquĂ© dans la section 2 sur la coordination en contexte, les questions dâinterdĂ©pendance sont pour de nombreuses organisations humanitaires trĂšs importantes et sont la raison pour laquelle ces derniĂšres sont lasses des mĂ©canismes de coordination. Des problĂšmes similaires se posent lorsque les organisations humanitaires travaillent en Ă©troite collaboration avec lâĂtat, surtout, mais pas seulement, lorsque lâĂtat participe Ă un conflit armĂ© en tant que combattant ou se trouve ĂȘtre la cause, ou lâune dâentre elles, de la crise humanitaire Ă cause de son implication, quelle quâelle soit. Cela suscite Ă©galement des craintes autour des principes humanitaires dâindĂ©pendance et de neutralitĂ©. Cependant, dans la plupart des cas, il nâest ni pratique ni souhaitable pour ces agences de travailler complĂštement sĂ©parĂ©ment du gouvernement ; ce dont on a alors besoin câest dâun mode opĂ©ratoire (Harvey, 2010).
Une autre inquiĂ©tude liĂ©e Ă un « excĂšs de coordination » est liĂ©e au risque que les organisations perdent leur personnalitĂ© et leur approche respectives en sâhomogĂ©nĂ©isant. Si lâhomogĂ©nĂ©itĂ© peut accroĂźtre lâefficacitĂ© de lâeffort humanitaire, elle peut aussi rĂ©duire le champ des possibilitĂ©s, de lâinnovation et du dĂ©bat et, avec le temps, mener Ă une forme de pensĂ©e unique circulant Ă lâĂ©chelle de lâensemble du systĂšme.
Lâun des arguments contre lâidĂ©e mĂȘme dâune Ă©troite collaboration soutient que des disparitĂ©s de pouvoir considĂ©rables existent dans le secteur humanitaire et quâelles empĂȘchent une coopĂ©ration et une collaboration significatives et Ă©galitaires.
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3. Comprendre la collaboration entre organisations : différentes typologies
Comme nous lâavons vu prĂ©cĂ©demment, il existe de nombreuses formes et degrĂ©s de coopĂ©ration Ă lâintĂ©rieur du systĂšme humanitaire. La Section 3.1 considĂšre les diffĂ©rentes possibilitĂ©s de coopĂ©ration dans le cadre dâun accroissement de la coordination.
3.1 La gamme de la coordination humanitaire et les différents niveaux de coopération
Les organisations humanitaires coopĂšrent de nombreuses façons diffĂ©rentes, de lâĂ©change dâinformations officieux au fusionnement des ressources, en passant par une variĂ©tĂ© de types de coordination. Une telle diversitĂ© existe que, mĂȘme Ă lâintĂ©rieur dâune structure de coordination gĂ©nĂ©rale (un partenariat ou un cluster, par exemple), la nature du processus de coordination peut considĂ©rablement varier dâun endroit Ă lâautre.
Il nâest donc pas surprenant quâun vaste vocabulaire dĂ©signant les degrĂ©s de coopĂ©ration entre organisations du secteur humanitaire existe : collaboration, partenariat, interopĂ©rabilitĂ©, Ă©change dâinformations, unitĂ©, coordination, etc.
LâOCHA, par exemple, diffĂ©rencie la coordination et lâinteropĂ©rabilitĂ©. La coordination touche Ă la compatibilitĂ© de systĂšmes opĂ©rationnels pouvant fonctionner les uns avec les autres et, dans certains cas, atteindre la synergie ou rĂ©duire les duplications ; lâinteropĂ©rabilitĂ© correspond Ă lâinterchangeabilitĂ© totale des approches et des systĂšmes opĂ©rationnels Ă travers la mise en commun ou la modularitĂ© des ressources et des principes.
Au cours de la rĂ©union de Berlin, les participants ont insistĂ© sur la nĂ©cessitĂ© de continuer Ă clarifier le sens de la coordination. VoilĂ pourquoi nous nous sommes efforcĂ©s ci-dessous dâĂ©claircir ce que ces termes veulent dire en Ă©tablissant une typologie qui mette en lumiĂšre les divers degrĂ©s de coopĂ©ration.xx Le but est dâaider les acteurs humanitaires Ă considĂ©rer diffĂ©rentes possibilitĂ©s de coopĂ©ration et Ă rĂ©flĂ©chir Ă ces relations (Ă leur utilitĂ© ou Ă leur efficacitĂ©) et Ă identifier quel type est le plus adĂ©quat dans un contexte spĂ©cifique et quelles sont les meilleures pratiques.
Nous avons choisi dâidentifier la « coordination » (que lâOxford English Dictionary dĂ©crit comme « lâorganisation des diffĂ©rents Ă©lĂ©ments dâun organisme ou dâune activitĂ© complexe en vue de leur permettre de travailler ensemble efficacement ») comme le terme englobant ces diffĂ©rentes relations, chacune correspondant Ă un mode ou Ă un degrĂ© dâorganisation diffĂ©rent qui permet la coordination dâune activitĂ©.
Dans cette typologie, trois types de coordination relĂšvent les deux extrĂȘmes de, Ă une extrĂ©mitĂ© de la gamme, lâautonomie complĂšte ( pas de coordonnĂ©s ) et, Ă lâautre, dâune fusion complĂšte ( acteurs qui ne sont plus coordonnent parce quâils sont devenus une entitĂ© unique).
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Dans le cadre de cette typologie, trois types de coordination appartiennent aux extrĂ©mitĂ©s de la gamme : lâautonomie complĂšte (sans coordination) dâune part, et, de lâautre, le fusionnement total (des acteurs qui ne coordonnent plus leur activitĂ© parce quâils sont devenus une seule et mĂȘme entitĂ©). Nous pouvons en gros diffĂ©rentier ces types dâengagement en Ă©valuant la quantitĂ© de temps, de ressources et de formalitĂ©s investis et en estimant la perte dâautonomie organisationnelle. En gĂ©nĂ©ral, plus lâengagement est fort, plus le degrĂ© de formalitĂ© est Ă©levĂ© et plus la perte dâautonomie est grande.
En ce qui concerne la communication, les organisations partagent des informations entre elles sans ĂȘtre tenues de prendre en compte les informations Ă©changĂ©es dans le cadre de leur propre travail. De tels Ă©changes sont gĂ©nĂ©ralement peu coĂ»teux en termes de temps et de ressources et les relations dâordre officieux. Parce que les organisations partageant des informations ne sont en aucun cas obligĂ©es de les utiliser de quelque façon que ce soit, la perte dâautonomie est pratiquement inexistante. Cependant, lâĂ©change dâinformations peut prendre un caractĂšre plus officiel lorsque les organisations sâaccordent, par exemple, Ă utiliser des outils ou des indicateurs communs dans leurs rapports, modifiant ainsi leurs pratiques individuelles afin de travailler conjointement avec les autres. Ă ce stade de communication, les acteurs commencent Ă Ă©voluer vers un autre niveau de coopĂ©ration.
Lâalignement peut comprendre une variĂ©tĂ© dâactions, de lâadoption commune de directives ou de critĂšres (voir section 5.3 pour des dĂ©tails et des exemples dâutilisation de critĂšres dans la coordination humanitaire issus de la rĂ©union de Berlin) Ă la collecte dâinformations via des Ă©valuations conjointes, entraĂźnant la dĂ©localisation de programmes ou le changement de leur contenu dans le but de rĂ©duire les lacunes et les duplications. Ces actions ont gĂ©nĂ©ralement rapport au « oĂč », « quoi », « comment » de lâintervention humanitaire, bien quâelles se concentrent habituellement sur lâun ou deux de ces domaines et nâessaient pas de contrĂŽler ou dâaffecter les trois. Elles sont plus formelles que lâĂ©change dâinformations et requiĂšrent un plus grand engagement
FIGURE 2 : LA GAMME DE LA COORDINATION
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de la part des organisations Ă contribuer au processus et Ă ajuster leur propre planification afin de sâadapter Ă toute dĂ©cision de groupe.
Lâalignement laisse toutefois aux organisations un trĂšs haut degrĂ© dâautonomie. Si les organisations sont plus aptes Ă se demander des comptes, les accords sont gĂ©nĂ©ralement non contraignants et nĂ©gociables Ă tout moment. Ce niveau de coordination est peut-ĂȘtre mieux reprĂ©sentĂ© par lâidĂ©e de « travail en parallĂšle » : les organisations travaillent de façon autonome sur leurs propres projets, mais sont prĂȘtes Ă les modifier pour mieux sâaccorder avec ceux des autres acteurs.
Les activitĂ©s collaboratives sont formelles et impliquent gĂ©nĂ©ralement que les organisations alignent leurs stratĂ©gies et leurs plans de travail de façon Ă ce que, tout en maintenant leur indĂ©pendance, elles conduisent des activitĂ©s conjointement. Parce que les organisations collaborant entre elles travaillent Ă la mise en Ćuvre dâun plan unique, elles ont tendance Ă sâaccorder sur le « oĂč », « quoi » et « comment » des activitĂ©s et Ă dĂ©tailler leurs mĂ©thodes et techniques communes plus que ne le font les agences qui ne font que coopĂ©rer. De tels accords sont souvent formels, tandis que les agences qui collaborent entre elles sont susceptibles de partager leurs ressources.
Bien que cette gamme ait eu pour objectif principal de faire rĂ©flĂ©chir aux modes de coopĂ©ration Ă lâĂ©chelle nationale et sur le terrain, on a remarquĂ© Ă Berlin quâĂ la fois cette typologie et certains problĂšmes associĂ©s aux diffĂ©rents types de coordination « correspondent souvent Ă des problĂ©matiques qui vont au-delĂ des frontiĂšres dâun pays, liĂ©es au fonctionnement gĂ©nĂ©ral des organisations, elles rĂ©pliquent les tensions mondiales ».xxiii
La gamme de la coordination, ou toute autre tentative de catégoriser des relations diverses qui sont en constante évolution, ont des limites. Une seule organisation est susceptible de tisser une variété de relations avec différents acteurs, chaque relation se positionnant à un endroit différent de cette gamme. Les catégories de la gamme représentent un type idéal ; la réalité, quant à elle, est bien moins ordonnée.
Shaxson et Clench (2011), par exemple, en recherchant des mĂ©thodologies adĂ©quates Ă lâanalyse et Ă lâĂ©valuation de partenariats complexes rĂ©partis dans le domaine public, rĂ©fĂšrent au concept de « partenariat dĂ©sordonnĂ© » qui suggĂšre clairement aux humanitaires lâĂ©tat de la gamme de la coordination. Un partenariat dĂ©sordonnĂ© « ne peut pas ĂȘtre prĂ©sumĂ© avoir une identitĂ© stable qui puisse rendre compte extĂ©rieurement de la totalitĂ© de ses actions » (Gujit, 2008, dans Shaxson et Clench, 2011 : 2). « Les partenariats dĂ©sordonnĂ©s sont fluides : de nouvelles organisations ou coalitions peuvent apparaĂźtre et leurs visions du changement doivent ĂȘtre intĂ©grĂ©es aux objectifs de politiques fixĂ©s par les autres partenaires et Ă la maniĂšre de les atteindre » (Shaxson et Clench, 2011 : 2).
On a remarquĂ© Ă Berlin quâĂ la fois cette typologie et certains problĂšmes associĂ©s aux diffĂ©rents types de coordination « correspondent souvent Ă des problĂ©matiques qui vont au-delĂ des frontiĂšres dâun pays, liĂ©es au fonctionnement gĂ©nĂ©ral des organisations.
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ENCADRĂ 2 : EXEMPLES DE BERLIN SUR LA GAMME
âą Communication : Plusieurs participants ont soulevĂ© la question du rĂŽle des plateformes dâĂ©change dâinformations et des nouvelles technologies comme facilitateurs de lâĂ©change dâinformation. Voir par exemple, la South Asia Disasters initiative du All India Disaster Mitigation Institute avec prĂšs de 130 cas faisant Ă©tat de contributions de la part de 266 organisations, agences gouvernementales et organisations communautaires et ayant Ă©tĂ© dĂ©fini comme « peut-ĂȘtre lâeffort le plus soutenu et le plus Ă©tendu pour rendre compte de la rĂ©duction des risques liĂ©s aux catastrophes Ă lâĆuvre en Asie ».xxi
âą Alignement : Les participants ont Ă©voquĂ© lâimportance de la distinction entre Ă©changes dâinformation coopĂ©ratifs de qualitĂ© sur le quand et le quoi et une concentration excessive sur la gestion de lâinformation entendue comme gĂ©nĂ©ration dâinformation (voir section 4.2 pour des dĂ©tails sur en quoi pourrait ĂȘtre problĂ©matique une orientation ascendante, provenant des donateurs et du siĂšge, et les risques associĂ©s Ă lâextraction dâinformation).
âą Collaboration : Lors de la table ronde Ă Berlin, nous avons trouvĂ© intĂ©ressant que les participants fassent maintes rĂ©fĂ©rences successives aux questions dâalignement de stratĂ©gie, en insistant sur lâimportance de la prise en compte du contexte et des rĂ©alitĂ©s du pays. Le directeur de lâĂquipe de haut niveau de mise en Ćuvre de lâAgenda transformateur, Panos Moumtzis, lâa Ă©voquĂ© Ă son tour au cours du groupe inauguralxxii (voir section 4.2 sur le systĂšme de coordination humanitaire de lâIASC pour plus de dĂ©tails).
Qui plus est, une gamme dâactivitĂ©s existe Ă lâintĂ©rieur de chacun de ces types. Par exemple, certains groupes dâorganisations sâaccordent sur des directives gĂ©nĂ©rales quâelles peuvent choisir ou non de suivre pendant que dâautres signent officiellement des accords qui les contraignent Ă adhĂ©rer Ă des rĂšgles strictes vis-Ă -vis de modes de fonctionnement bien prĂ©cis (dans la fourniture dâabri ou de nourriture). Selon la typologie dĂ©taillĂ©e ci-dessus, chacun de ces deux cas de figure se situe dans le domaine de la coopĂ©ration, bien quâils diffĂšrent considĂ©rablement. Dans le mĂȘme temps, un systĂšme coordinateur tel quâun cluster ou un rĂ©seau est susceptible dâessayer divers types de coordination diffĂ©rents, certains touchant avant tout Ă la communication, dâautres Ă la collaboration. Dans lâespace Agora de Berlin, le Cluster mondial SĂ©curitĂ© alimentaire a prĂ©sentĂ© par exemple des initiatives prises tout autour du monde par le Groupe de travail sur la qualitĂ© de la programmation :xxviii du partage dâinformations aux tentatives dâĂ©tablir de plus Ă©troits rapprochements. Ce qui impliquait aussi bien lâanalyse comparative dâoutils de contrĂŽle, tels que le contrĂŽle post-distribution pour les guides mĂ©thodologiques courants, que lâapprentissage Ă travers lâanalyse et lâutilisation de technologies contextualisĂ©es, pour nâen citer que quelques-uns. Par ailleurs, le Cluster Ă©ducation mondial prĂ©senta des outils communs de gestion de lâinformation.xxix
24 ALNAPĂTUDE
ENCADRĂ 3 : COMMENT MENER Ă BIEN LâĂVALUATION DES PARTENARIATS ET DES APPROCHES COLLABORATIVES SUR LE TERRAIN ?
Experts et spĂ©cialistes de lâĂ©valuation impliquĂ©s dans la commission, dirigeant et utilisant les Ă©valuations au sein des mĂ©canismes de coordination sur le terrain, partenariats et approches collaboratives Ă©changĂ©es et expĂ©riences dĂ©battues.
Obstacles Ă la coordination : quelles approches dâĂ©valuation semblent fonctionner ?
Au cours des dĂ©bats Ă Berlin, les intervenants se sont accordĂ©s Ă dire que le manque de clartĂ© dans la dĂ©finition des obstacles et de leur ampleur est un premier obstacle de taille Ă lâĂ©valuation des partenariats de coordination et des autres approches collaboratives.xxiv La documentation Ă ce sujet va dans le mĂȘme sens : « les Ă©valuateurs qui cherchent Ă examiner la collaboration organisationnelle comme variable dĂ©pendante et/ou indĂ©pendante seront confrontĂ©s au besoin de rendre son concept opĂ©rationnel » (Woodland et Hutton, 2012 : 369).
La nature et la portĂ©e des approches collaboratives souhaitĂ©es (voir section 3.1 sur la gamme de la coordination humanitaire) sont souvent peu claires ; un partenariat peut aussi bien ĂȘtre un terme trĂšs politique quâun terme vaguement dĂ©fini, ce qui dĂ©termine considĂ©rablement lâobjet exact de lâĂ©valuation. Toutes les parties impliquĂ©es conçoivent-elles les implications du mĂ©canisme de partenariat ou de coordination de la mĂȘme façon ? Il est trĂšs difficile de limiter la portĂ©e dâune Ă©valuation lorsquâon examine un partenariat, souligne Sagmeister, « parce que lâhistoire remonte toujours Ă la surface, la collaboration Ă©tant un mode de communication et dâinteraction qui sâacquiert ».
Au sujet de la perception et de lâacquisition de modes dâinteraction, Elias Sagmeister du Global Public Policy Institute a partagĂ© une histoire trĂšs probablement fondĂ©e sur les expĂ©rimentations de Stephenson :
Il y a une piĂšce remplie de singes et une banane est posĂ©e sur une table quelque part. Si tous les singes essaient dâatteindre la banane, ils sont tous arrosĂ©s dâeau. Rapidement, si lâopĂ©ration est renouvelĂ©e, le groupe de singes empĂȘchera nâimporte quel autre singe dâatteindre la banane de peur dâĂȘtre arrosĂ©. On peut renouveler lâopĂ©ration, Ă©changer certains singes du groupe et arrĂȘter de les arroser et continuer jusquâĂ ce que le groupe de singes soit complĂštement diffĂ©rent du prĂ©cĂ©dent et quâil nâexiste plus de lien entre atteindre la banane et ĂȘtre arrosĂ©s dâeau, mais ils continueront toutefois Ă empĂȘcher tout nouveau singe dâatteindre la banane, ce qui constitue un exemple de formation de mode dâentente qui nâest pas remis en question. Cela a eu un sens Ă un moment donnĂ© et continue dâĂȘtre illustrĂ© lorsque des partenaires disent : « Câest comme ça quâon fait ici. » « On a appris quâon ne pouvait pas confier telle ou telle tĂąche Ă notre partenaire. »
Une Ă©valuation est une opportunitĂ© fantastique pour identifier ces modes et les remettre en question lorsquâils ont cessĂ© dâĂȘtre constructifs. ...
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 25
Sagmeister a accompagnĂ© ce point de lâobservation selon laquelle comprendre les perceptions des parties impliquĂ©es dans le processus de coordination est dâune importance capitale, celles-ci pouvant varier considĂ©rablement. Les participants et les intervenants ont ensuite repris Ă leur compte son propos. Un autre membre du groupe fit allusion à « lâabsence dâun rĂ©cit commun »xxv et lâimportance des personnes concernĂ©es, quâil fallait impliquer dans le processus dâĂ©valuation. La FĂ©dĂ©ration internationale des sociĂ©tĂ©s de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC) a pris une initiative digne dâintĂ©rĂȘt pour rĂ©pondre Ă la situation dâurgence causĂ©e par le typhon Haiyan aux Philippines en organisant une enquĂȘte de fin de mission que tous les employĂ©s pouvaient remplir confidentiellement afin de comprendre les diffĂ©rentes perspectives de la coordination. Un autre membre du groupe a affirmĂ© que « lâon accorderait plus dâimportance Ă lâanalyse et Ă la comprĂ©hension de la perception (dans lâĂ©valuation de la coordination et des partenariats) que dans dâautres domaines ».xxvi Ă cet Ă©gard, John Cosgrave, consultant indĂ©pendant, a affirmĂ© quâil Ă©tait important de commencer par cette question et de se concentrer sur une, ou quelques questions, plutĂŽt quâune multitude, pour pouvoir les approfondir, de la ou de les traduire par un nombre rĂ©duit de recommandations et une optimisation de lâutilisation du produit final.
Utilisation des critĂšres du CAD, OCDE dans lâĂ©valuation de la coordination et de la collaboration
Les critĂšres du CAD, OCDE ont Ă©tĂ© utilisĂ©s et « bien testĂ©s dans diffĂ©rents environnements pendant de nombreuses annĂ©es [...] [et permettent ainsi de] comparer les conclusions de lâĂ©valuation sur le long terme ». Cosgrave a considĂ©rĂ© quâils Ă©taient « extrĂȘmement utiles dans lâĂ©valuation des mĂ©thodes et pour rĂ©unir diffĂ©rentes Ă©valuations, mais quâil ne fallait pas oublier que les critĂšres nâĂ©taient pas fondamentaux. Il existe deux critĂšres dâĂ©valuation fondamentaux : qualitĂ© et coĂ»t. » Le tableau suivant illustre les approches adoptĂ©es par les Ă©valuateurs :
CritĂšres Commentaires
Pertinence Lâun des premiers critĂšres Ă considĂ©rer, parce quâil a rapport Ă la compatibilitĂ© entre partenaires : devrions-nous travailler ensemble ? La pertinence dans le contexte du partenariat peut ĂȘtre dĂ©licate et demande peut-ĂȘtre des exercices spĂ©cifiques dans un environnement plus protecteur, Ă©tant donnĂ© que cela peut ĂȘtre une question sensible. Annie Davenport du Disasters Emergency Committee (DEC) qui rĂ©alise rĂ©guliĂšrement des bilans dâintervention conjointe, a expliquĂ© que la pertinence et lâadĂ©quation constituent les deux critĂšres privilĂ©giĂ©s lors de lâanalyse des interventions. ...
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26 ALNAPĂTUDE
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EfficacitĂ© Quel est le but et comment la collaboration contribue-t-elle Ă lâatteindre ? Selon Anne Luzot, il est « trĂšs difficile dâĂ©valuer lâefficacitĂ© dâune coordination parce quâil est trĂšs difficile de retracer, dans de nombreuses situations, quel changement exactement la coordination Ă©tait censĂ©e opĂ©rer. Nous avons tendance Ă dire : dâaccord, coordonnons-nous, nous serons plus efficaces, mais Ă quelle fin ? »
CohĂ©rence Ce critĂšre est particuliĂšrement pertinent en ce qui concerne les collaborations avec lâarmĂ©e. De maniĂšre gĂ©nĂ©rale, la complĂ©mentaritĂ© ou les contradictions entre politiques sont difficiles Ă mesurer.
Efficience La question du coĂ»t de revient dâun partenariat ou dâautres modalitĂ©s dâapproche collaborative, associĂ©e au critĂšre de qualitĂ© mentionnĂ© ci-dessus, a Ă©tĂ© qualifiĂ©e de fondamentale. LâĂ©tablissement du rapport entre revenu et dĂ©penses permet de mieux comprendre quels ont Ă©tĂ© les termes dâun partenariat.
On a par ailleurs concĂ©dĂ© que si les critĂšres sont utiles, peut ĂȘtre est-il prĂ©fĂ©rable de se concentrer sur certains dâentre eux, en fonction de la nature et de lâampleur de lâapproche collaborative mise en Ă©valuation, plutĂŽt que de les appliquer tous. Comme cela a Ă©tĂ© mentionnĂ© Ă plusieurs reprises et comme lâa soulignĂ© Sagmeister, « la collaboration peut ĂȘtre difficile Ă mesurer et les effets difficiles Ă attribuer » : il est en effet difficile de dĂ©finir des limites lorsquâon Ă©value les effets de la collaboration et que lâon dĂ©termine ce quâen sont les buts et quels compromis ont dĂ» ĂȘtre nĂ©gociĂ©s.
En outre, il a Ă©tĂ© observĂ© que lâapplication des critĂšres du CAD, OCDE a ses propres limites. Un participant a fait remarquer que ces derniers « ne poussent pas suffisamment Ă considĂ©rer la viabilitĂ©, indispensable aux partenariats sâĂ©tendant au-delĂ du soutien de premier secours apportĂ© aux populations affectĂ©es [...], les critĂšres du CAD, OCDE sont-ils applicables Ă lâĂ©valuation des partenariats, Ă©tant donnĂ© quâils nâont pas Ă©tĂ© conçus dans ce but [?] » Cosgrave sâest rĂ©fĂ©rĂ© Ă leur Ă©volution historiquexxix tandis que plusieurs participants soutenaient lâidĂ©e quâil est pertinent dâinclure la question de la viabilitĂ© dans la visĂ©e de lâĂ©valuation.
Concevoir des Ă©valuations de coordination pour faciliter les procĂ©dures dâutilisation
En termes dâusage et de procĂ©dures, le sujet qui est revenu le plus souvent est celui de la nature participative de lâĂ©valuation (la collecte de perspectives) et de la diffusion des conclusions et des rĂ©sultats. Anne Luzot a soulignĂ© que la question de savoir qui procĂšde Ă lâĂ©valuation Ă©tait primordiale. Pour certains, afin de renforcer et de faciliter lâusage et lâassimilation, privilĂ©gier un Ă©valuateur externe nâest pas
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 27
3.2 Les facteurs qui influencent le positionnement sur la gamme
Aux fins de la rĂ©union annuelle de lâANALP 2015, il ne faut pas oublier que tous les types de coordination ne sont pas identiques : chacun implique des niveaux dâinvestissement diffĂ©rents, promet un niveau de retour variĂ©, sa rĂ©ussite Ă©ventuelle dĂ©pendant de types de soutien divers. Ă Berlin, les intervenants et les participants ont insistĂ© sur lâimportance de comprendre ce que toute relation coordonnĂ©e a pour but dâaccomplir (autrement dit, ce que son impact est censĂ© ĂȘtre) et de dĂ©terminer en fonction de cela le type de coordination requis. Ce qui est primordial câest que lâensemble des acteurs accepte que dans le cas oĂč le degrĂ© de coordination augmente, la volontĂ© soit lĂ dâinvestir et de reconnaĂźtre que les rĂ©sultats ont Ă©tĂ© accomplis ensemble.
En gĂ©nĂ©ral, les organisations se positionnent diffĂ©remment sur la gamme en fonction du contexte : une organisation pourrait restreindre son effort Ă la communication dans certaines situations, mais envisager de collaborer dans dâautres. Plusieurs facteurs permettent de dĂ©terminer le choix qui est fait dans une situation donnĂ©e ; nous les avons abordĂ©s ci-dessous.
Contexte Certains contextes semblent ĂȘtre plus propices Ă une approche coordonnĂ©e que dâautres. On peut soutenir que la coordination de lâintervention en cas de catastrophe naturelle est plus « facile » que la coordination en cas dâurgence complexe, en particulier dans le contexte dâun conflit armĂ©, parce que lâenvironnement de cette derniĂšre tend Ă ĂȘtre plus chargĂ© politiquement et Ă gĂ©nĂ©rer des tensions entre les diffĂ©rents acteurs de lâintervention humanitaire.
Dans le contexte dâun conflit armĂ© par exemple, il existe souvent une tension entre les activitĂ©s de secours Ă court terme et les objectifs associĂ©s Ă la paix et Ă
Ă Berlin, les intervenants et les participants ont insistĂ© sur lâimportance de comprendre ce que toute relation coordonnĂ©e a pour but dâaccomplir (autrement dit, ce que son impact est censĂ© ĂȘtre) et de dĂ©terminer en fonction de cela le type de coordination requis.
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...nĂ©cessairement la meilleure option. Josse Gillijns a demandĂ© : « Avez-vous vraiment besoin dâun conseiller conjugal externe ou pourrait-il sâagir dâun membre de votre famille ? » Anne Luzot a soulignĂ© que ce sont les Ă©valuations conjointes qui obtenaient les meilleurs rĂ©sultats. Elle a prĂ©sentĂ© les similitudes entre quatre approches collaboratives du Programme alimentaire mondial (PAM) : trois Ă©valuations de mises en commun de financements (CERF, CHF et ERF) et la coordination sectorielle de la sĂ©curitĂ© alimentaire. Qui pose la question ? Les conseils dâadministration des agences commissionnant ces exercices dâĂ©valuation, cependant quâune seule dâentre elles rĂ©sultait dâun effort conjoint (celle du cluster logistique).
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la reconstruction dâun Ătat Ă long terme. Ces tensions influencent le degrĂ© de coordination qui sâopĂšre parce que certains acteurs humanitaires sont rĂ©ticents Ă sâassocier Ă des ambitions politiques (Stobbaerts et coll., 2007) et Ă risquer dâĂ©roder leur indĂ©pendance et leurs principes humanitaires. Les obstacles Ă la mise en Ćuvre de la Doctrine Capstone (UNDPKO, 2008 : 23) qui vise à « fournir un cadre permettant Ă tout acteur des Nations unies ou autre intervenant international de poursuive ses activitĂ©s au niveau national dâune façon cohĂ©rente et coordonnĂ©e » prĂ©sentent un exemple concret de telles difficultĂ©s.
Les situations dâurgence complexes associĂ©es Ă la guerre et aux conflits armĂ©s peuvent aussi mener Ă des circonstances oĂč les agences ne sont pas prĂȘtes Ă partager des informations (sensibles), comme en Iraq : « LâinsĂ©curitĂ© et lâincertitude ont engendrĂ© une culture de la confidentialitĂ© entre de nombreux acteurs de la communautĂ© humanitaire. Cela met un frein Ă lâefficacitĂ© de la coordination, rĂ©duit lâespace de dĂ©bat autour de stratĂ©gies communes et inhibe lâĂ©thique de transparence associĂ©e Ă lâaction humanitaire » (Domini et coll., 2008 : 21).
Pour autant, dans des situations dâurgence complexes, certains Ă©lĂ©ments sont favorables Ă la coordination et Ă la coopĂ©ration. Dans le cas des crises en cours au Mali, en Somalie et en Syrie, les organisations ont pour prioritĂ© dâĂȘtre neutres et impartiales en Ă©vitant activement de sâassocier Ă dâautres acteurs. Cependant, la limite dâaccĂšs aux communautĂ©s affectĂ©es, plus lâinsĂ©curitĂ©, ont poussĂ© de nombreuses organisations internationales Ă travailler au moyen de mĂ©canismes de gestion Ă distance ; câest Ă dire, Ă collaborer intensivement avec les organisations locales. Ces collaborations sont difficiles : le transfert de risque et la limitation de lâintervention en particulier, posent de rĂ©els problĂšmes. « Au niveau du terrain, la coordination entre agences gĂ©rĂ©e Ă distance dĂ©cline rapidement une fois que les employĂ©s Ă©trangers, qui sont dâhabitude responsables de lâeffort de coordination, sont rappelĂ©s. Le personnel national et local nâest souvent pas conscient de ces activitĂ©s de coordination et ne se sent pas Ă lâaise dây participer lorsquâil nâĂ©tait pas impliquĂ© avant le passage Ă une gestion Ă distance » (Stoddard et coll., 2010 : 31). Voir section 4.3 sur les consortiums et rĂ©seaux nationaux pour des exemples spĂ©cifiques sur la Syrie donnĂ©s Ă Berlin.
Au-delĂ de la distinction primaire entre catastrophes naturelles et conflits armĂ©s, les questions liĂ©es au contexte influencent quelles activitĂ©s et prioritĂ©s guident les initiatives de collaboration et de coordination. Les contraintes de temps peuvent reprĂ©senter un point critique : comme lâa indiquĂ© un membre du groupe, « en situation dâurgence, trois mois constituent une vision sur le long terme ».xxx Les efforts de coordination seront Ă©galement influencĂ©s par la prĂ©sence ou non de structures et de relations de coordination prĂ©existantes. Dans de nombreux cas, les pays qui subissent des crises cycliques rĂ©currentes, telles que des sĂ©cheresses
La limite dâaccĂšs aux communautĂ©s affectĂ©es, plus lâinsĂ©curitĂ©, ont poussĂ© de nombreuses organisations internationales Ă travailler au moyen de mĂ©canismes de gestion Ă distance ; câest Ă dire, Ă collaborer intensivement avec les organisations locales.
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et des inondations, ont tendance Ă accueillir un nombre dâacteurs relativement stable et rĂ©gulier qui se connaissent relativement bien et travaillent ensemble (entre situations dâurgence) sur des questions de prĂ©paration et dâapprentissage. DĂšs lors, la collaboration dans ces contextes est souvent plus facile Ă mettre en Ćuvre et peut comporter une perspective plus transformatrice Ă long terme, notamment en ce qui concerne la capacitĂ© de dĂ©veloppement et le passage dâune rĂ©ponse internationale Ă une rĂ©ponse menĂ©e au niveau national ou local.
Les phases de la gestion du cycle des programmes Certaines phases du cycle dâun projet humanitaire ont dâordinaire entraĂźnĂ© plus dâapproches coordinatrices que dâautres.
Les efforts croissants vers une mise en commun des Ă©valuations de la part de lâONU et de lâorganisme dâĂ©valuation de lâIASC sont des exemples dâapproche collaborative et coordonnĂ©e dans la phase dâĂ©valuation du cycle de programmation. Ils ont Ă©tĂ© cristallisĂ©s sous la forme dâune mĂ©thodologie commune appelĂ©e Ăvaluation multi-cluster initiale rapide qui a depuis Ă©tĂ© mise en Ćuvre dans plusieurs situations de crise humanitaire, telles que les inondations au Punjab en septembre 2014 et la confrontation armĂ©e et ses dĂ©placements de population en RCA (encadrĂ© 1). On relĂšve un autre exemple dâapproche coordonnĂ©e de lâĂ©valuation humanitaire et de lâintervention humanitaire qui lui succĂšde au niveau national dans les Ă©valuations incorporĂ©es au RRM. Ce mĂ©canisme fut crĂ©Ă© il y a environ 10 ans pour rĂ©pondre aux besoins relatifs aux dĂ©placements de population en RĂ©publique dĂ©mocratique du Congo (RDC) et sâexporte maintenant dans dâautres pays comme la RCA. Alors quâĂ©tait prĂ©sentĂ©e lâexpĂ©rience du RRM en RCA Ă Berlin, on a soulignĂ© quâen plus dâĂȘtre un mĂ©canisme dâaction commune Ă lui seul, le RRM vise Ă travailler avec dâautres mĂ©canismes de coordination dans le pays, et en particulier les clusters (voir section 5.2 pour plus dâinformations Ă ce sujet).xxxi
Le Projet de renforcement des capacitĂ©s dans les cas dâurgence (ECB) valorise Ă©galement lâimportance de lâadoption dâune approche coordonnĂ©e de lâĂ©valuation humanitaire. Les Ă©valuations de lâECB recommandent que la coordination de lâaction sâapplique Ă un autre domaine : le renforcement des plans dâurgence communs pour les catastrophes Ă venir (Baker, 2014).
Lâapproche coordonnĂ©e est moins souvent adoptĂ©e lors de la conception et de la formulation. Cependant, mĂȘme en lâabsence dâactivitĂ©s conceptrices formellement coordonnĂ©es, la plupart des agences utilisent une approche de la conception de projet trĂšs similaire, basĂ©e sur la thĂ©orie du changement et sur des mĂ©thodes dâencadrement logiques : par consĂ©quent, les projets sont souvent plus similaires, et peuvent travailler en parallĂšle, quâils le seraient sans cela. Lâutilisation de cadres logiques reprĂ©sente un
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exemple intĂ©ressant de coordination au moyen de procĂ©dures communes (discutĂ© plus en avant dans la section 5.3). Des approches de la conception de programmes plus explicitement coordonnĂ©es ont Ă©galement lieu, bien quâĂ un niveau relativement Ă©levĂ©, via les groupements sectoriels et les Ă©quipes dâaide humanitaire opĂ©rant dans le pays (EHP) qui forment un Plan stratĂ©gique dâintervention (PSI) unique : une dĂ©claration conjointe des activitĂ©s humanitaires que les acteurs, travaillant sous lâĂ©gide des mĂ©canismes de coordination de lâIASC ou en association avec eux, doivent sâengager Ă entreprendre. Cependant, si ce PSI semble afficher un niveau de coordination trĂšs Ă©levĂ©, la coordination collaborative de nombreuses agences travaillant Ă un seul projet commun, en rĂ©alitĂ©, le PSI combine souvent divers projets prĂ©existants sous un intitulĂ© unique (Knox Clarke et Campbell, 2015).
Au cours de la phase dâĂ©valuation, bien que le secteur humanitaire ait entrepris plusieurs Ă©valuations coordonnĂ©es dâinterventions de grande envergure (TECxxxii), les approches coordonnĂ©es restent exceptionnelles. Le pilotage et la consolidation des pratiques de lâĂvaluation interinstitutions en temps rĂ©els (IA-RTE) par lâIASC depuis 2007 (IASC, 2011) constituent un excellent exemple des encouragements Ă ce type dâinitiatives collaboratives. Plus rĂ©cemment, au cours du processus dâAgenda transformateur de lâIASC, les IA-RTE ont Ă©tĂ© progressivement supprimĂ©s, bien que lâIASC continue Ă conduire des exercices interinstitutions ex post (Ăvaluation interinstitutions en temps rĂ©els de lâIASC) qui ont pour objet de comprendre lâaction collective et les rĂ©sultats obtenus au niveau national lors dâurgences de niveau L3 (IASC, 2014). Bien quâil ne soit pas de nature Ă©valuatrice, lâAgenda transformateur de lâIASC a Ă©galement introduit un autre type dâexercice dâĂ©valuation interinstitutions sur le terrain : les dĂ©nommĂ©es Operational Peer Reviews ou Ă©valuations opĂ©rationnelles par des pairs qui visent Ă faciliter un retour rapide sur les questions relevant du domaine opĂ©rationnel entre les responsables des opĂ©rations dâaide humanitaire en cas dâintervention dâurgence de type L3 (Moumtzis, 2014).
Bien entendu, il y a Ă la fois des avantages et des inconvĂ©nients Ă effectuer des Ă©valuations conjointes et il est dans lâintĂ©rĂȘt des organisations de prendre en compte ces deux pendants : « Câest une question de chevaux de courses », a remarquĂ© John Cosgrave. Lors de la rĂ©union de Berlin, DEC et Oxfam prĂ©sentĂšrent certains avantages et inconvĂ©nients des Ă©valuations conjointes sur la base de leur expĂ©rience rĂ©cente aux Philippines.xxxiii Le tableau 1 rĂ©sume les avantages et les contraintes dont DEC a fait lâexpĂ©rience Ă lâoccasion dâexamens dâappel et de son Ă©valuation conjointe.
Fonction et domainesCertaines fonctions et certains domaines sont plus propices Ă la mise en Ćuvre dâune approche collaborative, sinon dans tous les groupes du systĂšme humanitaire international, en tout cas entre les acteurs dâun groupe tel que celui des ONG. Elles
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comprennent entre autres le développement de normes et de directives techniques
et sectorielles concernant les domaines du travail avec les rĂ©fugiĂ©s dans des camps, les protocoles sur la santĂ© et lâalimentation, les listes de mĂ©dicaments essentiels et la provision de services communs, notamment logistiques. Les activitĂ©s de promotion et de dĂ©fense constituent un autre secteur rĂ©unissant les acteurs humanitaires autour dâun mĂȘme message. Les coalitions dâintervenants dĂ©fendent ensemble des questions allant de lâĂ©largissement de lâaccĂšs Ă lâadaptation de la lĂ©gislation internationale au droit national. Pour des exemples prĂ©sentĂ©s Ă Berlin dâactivitĂ©s de promotion et de dĂ©fense communes au niveau national, voir section 2.1 sur la cohĂ©rence.
Le renforcement des capacitĂ©s est un secteur oĂč la coordination est moins courante. Le Renforcement des capacitĂ©s des partenaires en logistique (PARCE),xxxv Ă©tabli par un consortium dâONG internationalesxxxvi en RĂ©publique dominicaine constitue
ENCADRĂ 4 : LES LEĂONS TIRĂES PAR DEC DES EFFORTS DâĂVALUATION CONJOINTEXXXIV
Les leçons de lâĂ©valuation conjointe, contribution au changement (Philippines, 2014)
Avantages
âą La mobilisation conjointe des ressources par diffĂ©rentes organisations a permis de mettre une nouvelle approche Ă lâessai et de mieux en mesurer lâimpact en faisant prĂ©valoir les rĂ©sultats plutĂŽt que les processus
âą Lâapproche a rĂ©duit la duplication des efforts et des ressources tout en prenant en compte toutes les interventions des parties intĂ©ressĂ©es, y compris lâaction des populations affectĂ©es par la catastrophe
âą La prise en compte des interventions de lâensemble des acteurs encourage les organisations Ă rĂ©flĂ©chir Ă lâimpact et aux consĂ©quences relatifs dâune intervention collective
Contraintes
âą DifficultĂ© de lâaccord initial sur les termes de rĂ©fĂ©rence
âą Important si lâon veut garantir que lâĂ©valuation nâest pas trop largement Ă©tendue : mettre lâaccent sur les besoins en informations et, avec le recul, peut-ĂȘtre la restreindre Ă deux thĂšmes principaux afin dâobtenir une analyse plus approfondie
âą Le temps consacrĂ© aux rĂ©unions, Ă la rĂ©ception et au commentaire des retours, ainsi quâau processus de mise en accord avant que ne commence le travail de lâĂ©quipe dâĂ©valuation sur le terrain est essentiel
âą Le recours Ă un tiers pour mener lâĂ©valuation diminue le contrĂŽle exercĂ© par lâorganisation et rend peut-ĂȘtre le processus moins instructif pour celle-ci
âą Conclusions plus utiles au secteur dans lâensemble
Conception et formulation : la plupart des agences utilisent une approche de la conception de projet trĂšs similaire.
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Certaines fonctions et certains domaines sont plus propices Ă la mise en Ćuvre dâune approche collaborative. Elles comprennent entre autres le dĂ©veloppement de normes et de directives techniques et sectorielles concernant les domaines du travail avec les rĂ©fugiĂ©s dans des camps, les protocoles sur la santĂ© et lâalimentation, les listes de mĂ©dicaments essentiels et la provision de services communs, notamment logistiques.
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une illustration positive de cette approche. PARCEL a pour but dâaccroĂźtre la capacitĂ© et lâindĂ©pendance des partenaires locaux afin quâils puissent rĂ©pondre aux situations dâurgence humanitaire. Il a dâailleurs Ă©tĂ© Ă©tendu Ă lâĂthiopie, Ă la Jordanie et au Pakistan grĂące Ă la mise Ă disposition de matĂ©riel de formation et dâautres outils de prĂ©paration. Lors des projets pilotes, on a remarquĂ© que les outils fondĂ©s sur des normes internationales ou de nature gĂ©nĂ©rique aidaient les partenaires locaux Ă coopĂ©rer Ă lâadaptation de leurs besoins en formation.
Ăquilibre des pouvoirs : diffĂ©rentes formes de relation de pouvoirAutre facteur dâimportance concernant le degrĂ© de coordination dans la majoritĂ© des cas, lâattitude des acteurs les plus influents Ă lâĂ©gard de lâaction coordonnĂ©e. Il est important de reconnaĂźtre les diffĂ©rences considĂ©rables entre la mise en Ćuvre de la coordination par un commandement, dĂ©coulant dâune position de pouvoir et dâautoritĂ© (coordination des organisations par en haut) et celle mise en Ćuvre par le biais dâun consensus issu de dĂ©bats instrumentaux sur les avantages de la coordination (coordination des organisations entre elles). Il existe diffĂ©rentes formes et modalitĂ©s de collaboration qui dĂ©pendent de la nature du pouvoir : de consortiums bĂ©nĂ©voles et de communautĂ©s de praticiens (CdP) autour de questions sectorielles et thĂ©matiques en passant par des structures formalisĂ©es (mais qui sont toutefois thĂ©oriquement Ă©tablies sur la base du volontariat), telles que les groupements sectoriels, Ă des arrangements contraints lĂ oĂč la participation Ă des structures de coordination gouvernementales ou Ă des missions placĂ©es sous lâĂ©gide de lâONU dĂ©termine lâaccĂšs aux ressources et aux zones affectĂ©es.
Au cours des dĂ©bats ayant eu lieu Ă Berlin, les participants ont mentionnĂ© plusieurs mĂ©thodes dâattĂ©nuation des dynamiques de pouvoir : bĂątir des relations et de la confiance au fil du temps, assurer la transparence du processus de prise de dĂ©cisions, impliquer les parties et faire prĂ©valoir la clartĂ© des communications, entre autres. En revanche, la concurrence pour la visibilitĂ© et les ressources peuvent entraver la coordination au niveau national. Selon les participants, la concentration des pouvoirs dans les organisations de lâONU qui sont Ă la fois coordinatrices, exĂ©cutrices et bailleurs de fonds, peut mener Ă de potentiels conflits dâintĂ©rĂȘts. Comme lâa dit une personne dans lâassemblĂ©e : « Nous aimons la coordination, mais nous nâaimons pas ĂȘtre coordonnĂ©s. »
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 33
4. Les structures de coopération dans la situation actuelle
4.1 La coordination par les gouvernements
Un grand ensemble de lois, dâactes, de dĂ©clarations et de cadres internationaux dĂ©montre clairement que lâĂtat est responsable au premier chef et quâil doit
dĂ©tenir le rĂŽle principal sâagissant dâorchestrer et de coordonner lâassistance
humanitaire sur son territoire. La rĂ©solution du Conseil de sĂ©curitĂ© de lâONU A/RES/46/182 de 1991 sur le renforcement de la coordination de lâassistance humanitaire dâurgence de lâONU est peut-ĂȘtre la plus connue.xxxvii Plusieurs participants ont soulignĂ© Ă Berlin que, dans les faits, la situation est souvent bien diffĂ©rente : « Nous savons que lâĂ©tat des choses est en rĂ©alitĂ© trĂšs diffĂ©rent : au lieu de sâinvestir et de soutenir les capacitĂ©s nationales existantes, une attitude de subversion semble dominer chez les humanitaires. Dans de nombreux contextes, cette attitude est justifiĂ©e, mais dans bien dâautres ça nâest pas la bonne façon dâopĂ©rer. »xxxviii
Au cours de la dĂ©cennie et demie qui a suivi lâadoption de la rĂ©solution A/RES/46/182, nous avons certainement assistĂ© Ă une croissance marquĂ©e, Ă la fois, du nombre des autoritĂ©s nationales consacrĂ©es Ă la gestion des catastrophes et de leurs capacitĂ©s. Plusieurs situations dâurgence rĂ©centes ont vu en effet les institutions gouvernementales prendre le contrĂŽle de la coordination de lâaide, avec pour exemples remarquables : la rĂ©ponse de lâĂthiopie et du Kenya Ă la sĂ©cheresse de 2010-2011, celle du Pakistan aux inondations de 2010 et 2011 et celle des Philippines au typhon Haiyan/Yolanda en 2013.
Les Ă©valuations laissent penser cependant que, dans certains cas, la volontĂ© de coordonner les activitĂ©s de secours chez le gouvernement dĂ©passe sa capacitĂ© Ă les mettre en Ćuvre efficacement : la coordination de multiples acteurs peut ĂȘtre extrĂȘmement exigeante en ressources ; souvent, ces ressources nâexistent pas ou sont demandĂ©es ailleurs. Le manque de capacitĂ© est particuliĂšrement remarquable au niveau opĂ©rationnel local (Neseni et Guzha, 2009 ; Salomons et Dijkzeul, 2008 ; Slim, 2012 ; Steets et coll., 2010 ; 2014).
Les prĂ©sentations faites Ă Berlin ont soulignĂ© lâimportance de la coordination avec les institutions Ă©tatiques locales comme nationales. En RĂ©publique dominicaine, Oxfam IntermĂłn a ĆuvrĂ© en conjonction avec les autoritĂ©s locales au renforcement durable de la capacitĂ© dâaide, ainsi quâĂ lâĂ©tablissement dâun dialogue entre les populations affectĂ©es et les autoritĂ©s locales qui permette de tenir ces derniĂšres
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redevables en cas de dĂ©faillance. LâĂ©valuation dâun projet prĂ©sentĂ© dans lâAgora de Berlin recommandait que « les processus de lobby, de promotion et de dĂ©fense ayant rĂ©ussi au niveau rĂ©gional ou local soient rĂ©pliquĂ©s au niveau national ».xxxix
Au NĂ©pal, le Consortium pour la rĂ©duction des risques encourage les autoritĂ©s rĂ©gionales Ă soutenir les plans de rĂ©duction des risques de la communautĂ©. Dans la vallĂ©e de Katmandu, un consortium de la Croix-Rouge britannique et dâacteurs nĂ©palais est parvenu Ă rassembler des fonds garantissant le financement de 45 % des plans des communautĂ©s et ainsi la continuitĂ© de lâaction au niveau local.
Les gouvernements ne coordonnent pas seulement lâaide humanitaire avec les acteurs internationaux, mais aussi, de plus en plus, avec les gouvernements voisins et les acteurs rĂ©gionaux. Un participant a mis lâaccent sur des accords passĂ©s entre la Colombie, lâĂquateur et le PĂ©rou, les qualifiant de « premiers partenaires de secours » dans le cas oĂč une catastrophe aurait lieu. Les organisations rĂ©gionales peuvent Ă©galement nĂ©gocier lâimplication dâacteurs internationaux : comme lâa fait remarquer un participant, le dialogue de lâAssociation des nations de lâAsie du Sud-Est (ASEAN) avec le gouvernement du Myanmar aprĂšs le passage du cyclone Nargis sâavĂ©ra ĂȘtre un moyen de faciliter le dialogue avec la communautĂ© internationale « plus acceptable » que les contacts bilatĂ©raux entre Myanmar et cette derniĂšre.
Lors de la rĂ©union, un autre problĂšme dâenvergure concernant les gouvernements et le systĂšme international a Ă©tĂ© soulevĂ© : la tendance de ce dernier Ă imposer une approche dâintervention unique, sans prendre en compte les capacitĂ©s et les structures qui sont dĂ©jĂ en place. La coordination serait plus efficace si les acteurs internationaux reconnaissaient et prĂ©voyaient quâil existe une grande diversitĂ© de contextes. Les exemples suivants, fournis par les membres du groupe et par les participants de la rĂ©union Ă Berlin, illustrent des attitudes variĂ©es parmi les gouvernements envers la coordination avec les acteurs internationaux :
Les pays Ă moyens revenus sont, presque par dĂ©finition, plus sceptiques et bien plus fermes envers le systĂšme humanitaire international que les pays Ă faibles revenus : « Ils [ne] sont [pas seulement] capables de faire des choses dâeux-mĂȘmes, ils veulent les faire seuls. »
MĂȘme au sein dâune mĂȘme rĂ©gion, par exemple, lâAsie du Sud-est, les attitudes envers lâaide internationale varient Ă©normĂ©ment. Aux Philippines, pendant et aprĂšs Yolanda, le gouvernement se montra ouvert et prĂȘt Ă partager des informations et Ă entreprendre des Ă©valuations conjointes. Ă Myanmar pendant Nargis en revanche, les acteurs internationaux Ă©prouvĂšrent des difficultĂ©s Ă faire accepter au gouvernement quâil coopĂšre avec la communautĂ© internationale.
Lors de la rĂ©union, un autre problĂšme dâenvergure concernant les gouvernements et le systĂšme international a Ă©tĂ© soulevĂ© : la tendance de ce dernier Ă imposer une approche dâintervention unique, sans prendre en compte les capacitĂ©s et les structures qui sont dĂ©jĂ en place.
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En plus de trouver des moyens de travailler avec des gouvernements qui ont une attitude trĂšs diffĂ©rente envers la coordination, les acteurs internationaux devraient sâattendre Ă travailler avec des structures et des procĂ©dures gouvernementales trĂšs diffĂ©rentes dâun pays Ă lâautre. Souvent, les structures ministĂ©rielles dâun gouvernement ne suivent pas les mĂȘmes divisions par secteur que celles des groupements de lâIASC (BeĂșnza, 2011 ; Maxwell et Parker, 2012). Et si un nombre dâĂtats grandissant utilise des versions de systĂšmes de commandement en cas dâincident, trĂšs peu dâorganisations internationales sont informĂ©es de ces systĂšmes ou mĂȘme capables de les assimiler.xl Si les organisations internationales souhaitent rĂ©ellement accroĂźtre la coordination par les gouvernements, il leur faudrait peut-ĂȘtre ĂȘtre prĂȘtes Ă investir dans des moyens de mieux comprendre les structures et les pratiques dâaide dâurgence gouvernementales et sâorganiser afin de mieux travailler en accord avec le fonctionnement de ces structuress.xli
Lors de sa prĂ©sentation Ă Berlin, un membre du groupe de lâOCHA a lancĂ© un appel aux acteurs internationaux pour quâils renforcent les systĂšmes nationaux au lieu de les remplacer et pour quâils investissent des ressources en fonction des besoins et des capacitĂ©s des pouvoirs publics et de la sociĂ©tĂ© locale.xlii Dâautres participants se sont penchĂ©s sur les principes humanitaires et sur lâimportance de garantir que seuls les besoins motivent les efforts humanitaires internationaux, tout en reconnaissant le rĂŽle de soutien jouĂ© par lâONU ou le rĂŽle de complĂ©mentaritĂ© avec les structures publiques jouĂ© par la Croix-Rouge. Lâun et lâautre ne sont pas nĂ©cessairement contradictoires, cependant, il existe des exemples de situations oĂč le renforcement et le soutien des structures gouvernementales compromettent la rĂ©alisation de lâimpĂ©ratif humanitaire dâassistance impartiale et motivĂ©e par les besoins.
Si les organisations internationales souhaitent rĂ©ellement accroĂźtre la coordination par les gouvernements, il leur faudrait peut-ĂȘtre ĂȘtre prĂȘtes Ă investir dans des moyens de mieux comprendre les structures et les pratiques dâaide dâurgence gouvernementales et sâorganiser afin de mieux travailler en accord avec le fonctionnement de ces structures.
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Les organisations humanitaires internationales ont intĂ©rĂȘt Ă se mĂ©fier de la
coordination mise en place par un gouvernement lorsque ce dernier participe
Ă un conflit ou lorsquâil semble probable que lâaide soit utilisĂ©e, ou non,
Ă des fins politiques (cela nâest pas improbable lorsque les acteurs politiques sont impliquĂ©s dans la prise des dĂ©cisions ; voir par exemple Neseni et Guzha, 2009). Ces rĂ©ticences semblent ĂȘtre plus Ă©videntes dans des situations de conflits armĂ©s. Maxwell et Parker (2012 : 10) remarquent que « Dans des circonstances exceptionnelles, les gouvernements ne peuvent pas ou ne devraient pas diriger la coordination, mais ce ne sont que des exceptions. » La coordination par un gouvernement est plus susceptible de rĂ©ussir « dans des contextes caractĂ©risĂ©s par des catastrophes chroniques ou rĂ©currentes [lĂ oĂč] les gouvernements jouissent de capacitĂ©s relativement grandes et sâintĂ©ressent comparativement peu aux principes humanitaires » (Steets et coll., 2014 : 33).
Cependant, comme lâon montrĂ© les dĂ©bats de Berlin, des tensions politiques peuvent Ă©galement faire surface dans un contexte de catastrophe naturelle. Comme lâa remarquĂ© un membre du groupe du Pakistan, au cours de lâintervention dans les zones marginalisĂ©es du pays pendant les inondations de 2010, « lâune des questions dĂ©terminantes a Ă©tĂ© la nĂ©gligence de la part du gouvernement, et le problĂšme principal, le favoritisme politique. Un parti politique Ă©tait au gouvernement et ils ont utilisĂ© cette aide comme un outil politique : distribuant Ă ceux qui votaient pour eux, alors quâils Ă©taient Ă©lus pour renforcer leurs futures positions. »
Si les acteurs internationaux ont parfois Ă©prouvĂ© de la gĂȘne face Ă la
coordination humanitaire menée par un gouvernement, soucieux notamment
de ne pas compromettre leur indépendance, les gouvernements eux aussi ont
été frustrés par les organisations internationales qui peuvent sembler « jouir
dâun trop-plein de ressources, ne pas avoir Ă rendre de comptes et agir sous
lâinfluence des bailleurs de fonds » (Harvey, 2010 : 11). Lorsque les organisations internationales ne participent pas aux activitĂ©s coordonnĂ©es, elles prennent le risque que leur intervention Ă©branle la souverainetĂ© de lâĂtat et soit dĂ©couplĂ©e des programmes de dĂ©veloppement plus larges. Cela peut entraĂźner des problĂšmes Ă long terme en entravant les activitĂ©s de relĂšvement et en risquant de rĂ©duire la
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 37
lĂ©gitimitĂ© et la responsabilitĂ© de lâĂtat aux yeux des populations affectĂ©es par la crise. Un membre du groupe demanda par exemple : « Est-il possible de dĂ©noncer un gouvernement qui refuse de reconnaĂźtre une famine ? Câest une question que sâest posĂ©e MSF au Niger [en 2005]. Lâorganisation prĂ©voyait de dĂ©clarer une famine alors quâil Ă©tait probable que ce ne soit pas le cas, ou en tout cas que câĂ©tait discutable, remettant alors en question la compĂ©tence du gouvernement : âQui sont-ils pour venir mâhumilier et me prĂ©senter comme incompĂ©tent devant mon propre peuple ?â » xliii
Enfin, les gouvernements et les acteurs humanitaires peuvent avoir une idĂ©e trĂšs diffĂ©rente sur leur degrĂ© dâimplication aux cĂŽtĂ©s de quasi-gouvernements, de gouvernements insurrectionnels et dâĂtats en voie de construction, et sur la façon de sâimpliquer.xliv Comme lâa soulignĂ© un reprĂ©sentant du ComitĂ© international de la Croix-Rouge (CICR), les humanitaires traitent avec les pouvoirs publics et avec tous les protagonistes dâun conflit, que ce soit le gouvernement ou un acteur non Ă©tatique « ou tout autre groupe alors en charge ou liĂ© au destin de la population affectĂ©e ». Cela est reprĂ©sentatif du mode opĂ©ratoire de nombreux acteurs humanitaires qui traitent avec lâĂtat et les acteurs non Ă©tatiques via divers niveaux de communications et de coordination.
En conclusion de cette section, intĂ©ressons-nous Ă trois questions clĂ©s apparues au cours des dĂ©bats de Berlin autour du point sensible de lâapproche Ă adopter pour coordonner ses actions avec un gouvernement et de la maniĂšre quâont les gouvernements de coordonner lâaide.
Trois questions clés sont apparues au cours des débats de Berlin concernant les gouvernements et la coordination : le besoin de souplesse, de construire une relation de confiance et de considérer la question des pouvoirs et de la souveraineté.
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PremiĂšrement, il y a un besoin de souplesse, si lâon veut pouvoir adapter son approche aux particularitĂ©s du contexte et Ă la multiplicitĂ© des identitĂ©s humanitaires et leurs diffĂ©rents rĂŽles. Plusieurs participants ont suggĂ©rĂ© que les acteurs internationaux ajustent ingĂ©nieusement leurs mĂ©canismes au contexte spĂ©cifique auquel ils ont affaire (un membre du groupe de lâOCHA a prĂ©sentĂ© le concept dâinteropĂ©rabilitĂ© comme une opportunitĂ©, voir section 3.1 pour une dĂ©finition de ce terme). Les avis concernant le degrĂ© dâadaptation que les agences devraient ĂȘtre prĂȘtes Ă entreprendre diffĂ©raient. Certains participants estimaient « quâil est plus important que le travail soit fait que de savoir qui le fait. » Dâautres ont insistĂ© quâil est important de maintenir une diversitĂ© dâidentitĂ©s afin de garantir lâalignement du travail accompli avec les principes des acteurs : comme lâa soulignĂ© un reprĂ©sentant de MSF, « nous sommes des humanitaires, pas des entreprises. » Enfin, le reprĂ©sentant de la Croix-Rouge en Sierra Leone a fait remarquer aux participants le caractĂšre unique de son organisation : crĂ©Ă©e par un dĂ©cret du parlement qui lui attribue explicitement le rĂŽle dâauxiliaire du gouvernement. Les acteurs humanitaires occupent des rĂŽles de natures diffĂ©rentes, aussi, une approche spĂ©cifique telle que celle adoptĂ©e par la Croix-Rouge pourrait-elle fonctionner Ă©galement pour des ONG internationales qui revendiquent une action en accord avec leurs principes et donc indĂ©pendante ? JusquâoĂč, au nom de la coordination, sommes-nous prĂȘts Ă pousser Ă lâuniformitĂ©, et au prix de quelles concessions ?
DeuxiĂšmement, le besoin dâĂ©tablir une relation de confiance est souvent revenu dans les dĂ©bats. Un reprĂ©sentant du gouvernement philippin a affirmĂ© : « Restituons sa dimension humaine Ă lâhumanitaire. » Si lâon reconnaĂźt lâimportance dâĂ©tablir une relation de confiance entre acteurs, les obstacles que cela implique comprennent : la notion de temps (cela prend du temps), les interlocuteurs de part et dâautre (Ătats et acteurs humanitaires) sont souvent mal dĂ©finis et la volontĂ© des acteurs impliquĂ©s est souvent remise en question. Lâaccord de la confiance repose essentiellement sur la mise en Ćuvre des engagements et la prise des responsabilitĂ©s effective de la part des acteurs.
Enfin, il est impossible de discuter du rĂŽle du gouvernement dans les situations dâurgence et de secours en cas de catastrophe sans aborder les questions de pouvoir et de souverainetĂ©. Le problĂšme ne se rĂ©sume pas aux Ă©changes entre ONG et gouvernements. La politisation des crises, bien quâelle ne soit pas un phĂ©nomĂšne nouveau, reste une source de difficultĂ©s valide : « La fourniture dâaide humanitaire est un outil extraordinaire de lĂ©gitimation politique. »xlv Ă lâinverse, il existe une longue tradition dâinterventionnisme « sans le consentement du pays soi-disant dâaccueil, au nom de motivations humanitaires, y compris lâusage de la force Ă des fins humanitaires » (Saavedra, 2010 : 113).xlvi
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 39
Un membre du groupe a fait une comparaison intĂ©ressante, relevant de lâexercice du pouvoir et de la souverainetĂ© en temps de crise humanitaire,xlvii entre deux tremblements de terre majeurs ayant entraĂźnĂ© de forts taux de mortalitĂ© et de populations affectĂ©es : HaĂŻti (2010) et le Sichuan en Chine (2008). Si le premier eut lieu dans un Ătat jouissant dâune trĂšs faible souverainetĂ©, oĂč les acteurs de lâintervention internationale balayĂšrent les autoritĂ©s gouvernementales, le second eut lieu dans un Ătat bĂ©nĂ©ficiant dâune trĂšs forte souverainetĂ© qui a fermement contrĂŽlĂ© lâapport de lâaide. Cet exemple illustre les diffĂ©rences de traitement par les acteurs internationaux, y compris par dâautres Ătats, envers les pays affectĂ©s par une crise humanitaire.
La question de la souverainetĂ© peut poser problĂšme aux humanitaires dans un autre type de contexte : lĂ oĂč les gouvernements sont eux-mĂȘmes les auteurs des atrocitĂ©s commises et sont Ă lâorigine de la situation humanitaire, comme dans le cas de la crise en Syrie. Dans cette situation, comme lâa affirmĂ© Bertrand Thaite, sâil peut ĂȘtre difficile de considĂ©rer le gouvernement au pouvoir comme lĂ©gitime, il est Ă©galement difficile de considĂ©rer certains des acteurs internationaux, influencĂ©s par leurs propres intĂ©rĂȘts, comme plus lĂ©gitimes : « Dans quelle mesure ĂȘtes-vous libre de la souverainetĂ© de vos bailleurs de fonds ? Ătes-vous en mesure de dĂ©cider qui est lĂ©gitime, qui ne lâest pas ? Comment pouvez-vous vous engager aux cĂŽtĂ©s dâun gouvernement en tant quâagents autonomes quand vos bailleurs de fonds vous prĂ©sentent comme une extension de leur diplomatie ? Vous vous percevez peut-ĂȘtre comme autonomes, mais que perçoit lâautre ? »xlviii
4.2 Le systĂšme de coordination humanitaire de lâIASC
Au cours des dĂ©bats de Berlin, la question de la coordination Ă lâĂ©chelle nationale fut abordĂ©e sous plusieurs angles ; cette section a pour sujet la structure de coordination formelle Ă©tablie par lâIASC pour les acteurs humanitaires internationaux. Celle-ci sâest progressivement dĂ©veloppĂ©e au cours des 20 derniĂšres annĂ©es, particuliĂšrement en raison du processus de rĂ©forme humanitaire engagĂ© par lâIASC et de lâAgenda transformateur Ă©tabli Ă la suite de celle-ci, au cĆur duquel figurent trois piliers, dont « lâamĂ©lioration de la coordination ». Les Ă©lĂ©ments clĂ©s qui composent la structure de coordination Ă lâĂ©chelle nationale sont les EHP, les clusters et le MĂ©canisme de coordination inter-cluster (ICCM). Ceux-lĂ sont majoritairement constituĂ©s dâagences onusiennes, de bailleurs de fonds et de reprĂ©sentants dâONG.
Bien que ce systĂšme de coordination nâait pas Ă©tĂ© Ă©valuĂ© dans son intĂ©gralitĂ©, plusieurs Ă©valuations et Ă©tudes de ses « parties » ont Ă©tĂ© effectuĂ©es.l Un bilan mitigĂ© ressort de ces Ă©valuations et de ces Ă©tudes : les EHP sont gĂ©nĂ©ralement perçues comme performant moins bien que les clusters (tableau 2).li
40 ALNAPĂTUDE
ENCADRĂ 5 : LES TROIS GRANDS MĂCANISMES DE COORDINATION OFFICIELS DE LâIASC EXISTANT Ă LâĂCHELLE NATIONALE
Les Ă©quipes humanitaires dans le pays (EHP)
Les EHP sont prĂ©sidĂ©es par des coordinateurs des affaires humanitaires (CH) qui sont « responsables de la direction et de la coordination de lâaction humanitaire des organisations concernĂ©es dans le pays » grĂące à « lâĂ©tablissement dâun consensus entre les organisations impliquĂ©es dans lâaction humanitaire et Ă la facilitation active de la coopĂ©ration entre elles » (IASC, 2009 : 1). Cependant, « la coordination incombe Ă toutes les organisations concernĂ©es » (ibid.) qui sont reprĂ©sentĂ©es dans lâEHP par le haut fonctionnaire du pays. Cet organisme « est la piĂšce centrale de [...] lâarchitecture de la coordination humanitaire Ă©tablie par la rĂ©forme humanitaire [...] Son objectif est de garantir que les activitĂ©s de telles organisations sont coordonnĂ©es » (ibid.). Le rĂŽle de lâEHP est, grossiĂšrement, de sâaccorder sur des questions de stratĂ©gie et de politique communes concernant lâintervention humanitaire dans le pays et de promouvoir lâadhĂ©rence Ă des stratĂ©gies et Ă des principes adĂ©quats. Parmi les organisations envoyant leurs reprĂ©sentants se trouvent des agences onusiennes et lâOrganisation internationale pour les migrations (OIM) ; des ONG internationales, la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ; et, dans certains cas, des ONG locales et des organismes de donateurs : la composition exacte dans un contexte donnĂ© devrait ĂȘtre dĂ©terminĂ©e par la « pertinence opĂ©rationnelle » (ibid.). Les membres « sâengagent Ă participer Ă la mise en place de la coordination » (ibid.) tout en reconnaissant que cela ne devrait pas empiĂ©ter sur leur mandat et leur autoritĂ© propres.
Les clusters
En dessous des EHP se trouvent les clusters responsables de la coordination des activitĂ©s dans des secteurs techniques tels que la sĂ©curitĂ© alimentaire, WASH, la santĂ©, etc. Chaque cluster est dirigĂ© par une agence (parfois deux) Ă lâĂ©chelle mondiale, entre autres responsable de lâaffectation dâun coordinateur Ă lâĂ©chelle nationale. Dans certains cas, la communautĂ© humanitaire peut aussi Ă©tablir des clusters au niveau infĂ©rieur (niveau opĂ©rationnel). Les clusters ont des responsabilitĂ©s relativement Ă©tendues,xlix dont le dĂ©veloppement de la stratĂ©gie sectorielle, lâidentification des prioritĂ©s, la coordination de la collecte et de lâĂ©change dâinformations et le dĂ©veloppement des capacitĂ©s entre autres domaines (IASC, 2012b). La stratĂ©gie du cluster alimente la stratĂ©gie humanitaire dĂ©terminĂ©e par lâEHP dans son ensemble.
La coordination inter-clusters
GĂ©nĂ©ralement, une forme dâICCM relie les clusters aux EHP. On dĂ©termine ce mĂ©canisme en fonction du pays. Dans certains cas, du personnel spĂ©cialement chargĂ© de la coordination inter-clusters est investi des responsabilitĂ©s en question. Dans dâautres cas, et de plus en plus, le chef du bureau de lâOCHA dans le pays endosse ce rĂŽle.
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 41
Pris ensemble, ces Ă©tats de fait suggĂšrent que le systĂšme de coordination internationale
a fait face Ă une sĂ©rie dâobstacles extraordinaires. Nombreux sont ceux qui Ă©manent du fait que, bien que les organisations souhaitent en principe sâinvestir dans la coordination, leurs mandats et leurs prioritĂ©s respectifs diffĂšrent et se font souvent concurrence pour lâobtention de fonds. Ătant donnĂ© que chaque organisation constitue une entitĂ© indĂ©pendante, avec ses propres responsabilitĂ©s, la coordination ne peut pas ĂȘtre imposĂ©e (mis Ă part dans les cas oĂč le gouvernement en a fait une condition pour opĂ©rer dans lâĂtat). Il nây a pas une seule ligne dâautoritĂ© : les CH ne peuvent pas commander ; ils ne peuvent « quâamadouer et persuader » (Kent, 2009 : 23).
Les conclusions des comptes rendus font état de trois domaines clés : un manque
de clarté vis-à -vis de ce que signifie le terme « coordination », un manque de
souplesse de la part du systÚme et une certaine incapacité à intégrer les acteurs
nationaux. Ces trois points clĂ©s ont Ă©tĂ© validĂ©s lors des dĂ©bats Ă Berlin et on y a ajoutĂ© les deux points suivants : la question des destinataires et des motifs de la coordination â faciliter les opĂ©rations sur le terrain ou soutenir les efforts de relais de lâinformation et de responsabilisation entrepris au niveau du siĂšge ; et le danger que le systĂšme de coordination finisse par amoindrir plutĂŽt que renforcer lâefficacitĂ© de lâaction.
ENCADRĂ 6 : CONCLUSIONS PRINCIPALES DES EXERCICES DâĂVALUATION DU MĂCANISME DE COORDINATION DE LâIASC
EHP
Un Ă©chec du leadership du CH/EHP a Ă©tĂ© observĂ© : Ă HaĂŻti ; au cours de la crise de la Corne de lâAfrique, lorsque les agences onusiennes « manquaient de vision commune de lâintervention humanitaire et de « voix unique » (Slim, 2012 : 56) ; et au cours de lâintervention liĂ©e aux inondations au Pakistan la mĂȘme annĂ©e oĂč lâEHP sâapparentait à « 11 capitaines dâune mĂȘme Ă©quipe sur un terrain de foot » (Polastro et coll., 2011 : 48). Cependant, cette derniĂšre Ă©valuation indiquait Ă©galement que les EHP Ă©taient en voie dâamĂ©lioration et sâĂ©taient parfois avĂ©rĂ©es efficaces en tant que forum pour la coordination de lâintervention ; voir par exemple (ALNAP, 2012), au sujet du leadership et de la coordination efficace de lâEHP au Soudan du Sud.
Clusters
Bien que le compte rendu sur lâintervention humanitaire dâurgence juge la performance des clusters « dĂ©cevante » (Ashdown et Mountain, 2011), la plupart des Ă©valuations ont tendance Ă ĂȘtre plus positives. Un compte rendu des Ă©valuations de clusters produit par lâANALP montre que la majoritĂ© des clusters Ă©valuĂ©slii ont progressĂ© en termes dâĂ©change dâinformations et ont surtout rĂ©duit le nombre des dĂ©doublements dâopĂ©rations et ont Ă©tendu ces derniĂšres aux zones oĂč elles faisaient dĂ©faut. LĂ oĂč les clusters nâexistaient pas, on a constatĂ© Ă©galement quâil y avait moins de coordination (Majewski et coll., 2012 ; Vega, 2011). Dans plusieurs cas, les organisations humanitaires avaient crĂ©Ă© des structures semblables Ă celles des clusters (Maxwell et Parker, 2012 ; Steets et coll., 2014), ce qui tend Ă suggĂ©rer que les clusters rĂ©pondent Ă un besoin rĂ©el.
Les conclusions des comptes rendus font état de trois domaines clés : un manque de clarté vis-à -vis de ce que signifie le terme « coordination », un manque de souplesse de la part du systÚme et une certaine incapacité à intégrer les acteurs nationaux.
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Quâentend-on par « coordination » ? Les Ă©crits Ă ce sujet suggĂšrent quâil y existe une zone dâombre autour de ce que coordination signifie vraiment dans ce systĂšme. DâaprĂšs les nombreux termes de rĂ©fĂ©rence, dans la typologie prĂ©sentĂ©e en section 3.1, les clusters et les EHP sont censĂ©s servir de forums dâĂ©change dâinformations, dâalignement et de collaboration. La collaboration est cependant extrĂȘmement difficile Ă mettre en Ćuvre dans la plupart des cas : il est peut-ĂȘtre plus rĂ©aliste de concentrer les attentes autour dâun niveau de coordination moins Ă©levĂ© (voir Knox Clarke et Campbell, 2015).
La coordination se passe mal si elle nâa pour seul but que de gĂ©nĂ©rer des
informations pour les retransmettre Plusieurs participants ont pointĂ© du doigt la tendance du systĂšme de coordination officiel Ă concentrer les efforts fournis sur la production dâinformations visant Ă rĂ©pondre Ă des demandes venant du haut. Un membre du groupe a indiquĂ© quâil y avait un danger Ă produire trop dâinformation du mauvais type : « Au nom des responsabilitĂ©s, nous avons crĂ©Ă© des processus que nous avons en apparence modifiĂ©s plusieurs fois, mais au final nous nâavons que peu changĂ© la façon dont nous travaillons : cocher des cases en face de ce que nous avons fait ne nous permet pas de discuter de façon significative de lâimpact de nos interventions. Les clusters ne sâen sont pas trop mal sortis, mais apportons-nous une meilleure assistance humanitaire pour autant ? Je ne crois pas. Y a-t-il trop de coordination ? Je ne pense pas [mais] je pense que nous nous concentrons excessivement sur la production dâinformations [destinĂ©es aux siĂšges et aux bailleurs]. »liii
En RCA, par exemple, le coordinateur du cluster sur la sĂ©curitĂ© alimentaire fut dĂ©passĂ© par les requĂȘtes dâinformations dues, en tout cas en partie, aux nombreux effectifs affectĂ©s aux activitĂ©s de « coordination ». Panos Moumtzis, de lâĂquipe de haut niveau de mise en Ćuvre de lâAgenda transformateur (STAIT), eut affaire Ă la mĂȘme situation aux Philippines : « [Les clusters y] ont produit plus de 200 produits de type informatif ; combien dâentre eux ont permis de guider les preneurs de dĂ©cisions ? Dans quelle mesure ont-ils contribuĂ© Ă lâanalyse, guidĂ© et influencĂ© lâinter-cluster ou les EHP en termes de progression ? Un grand nombre se trouvent ĂȘtre motivĂ©s par des donateurs ». Au Soudan du Sud, un membre du groupe a assistĂ© à « la brusque montĂ©e de la fiche Excel » : un souci excessif du suivi de lâactivitĂ© et du nombre de ses bĂ©nĂ©ficiaires, encouragĂ© par le siĂšge des organisations, au dĂ©triment de la collecte dâinformations sur la qualitĂ© des programmes ou sur les rĂ©sultats : « New York [...] sollicite la prĂ©sence de X sur le terrain [et lui dit] il vous faut revenir vers nous dâici Ă demain et nous informer de ce qui se passe, et il nous faudra deux mois pour revenir vers vous au sujet de ce que vous nous aurez retransmis. »liv
Cette fonction « extractrice » du systĂšme de coordination a amoindri lâefficacitĂ© gĂ©nĂ©rale de lâarchitecture de la coordination : « [Cette] orientation ascendante [...] explique que,
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 43
bien que nous investissions de plus en plus de ressources dans la coordination, nous ne voyons pas vraiment de gros changements dans les résultats. »lv
La coordination sert parfois de substitut Ă lâaction. Dans certains cas, la « poussĂ©e de la coordination a substituĂ© Ă celle-ci lâintervention humanitaire de façon prĂ©judiciable et inappropriĂ©e », affirme Nan Buzard du Conseil international des agences bĂ©nĂ©voles (CIAB).
En RCA, une crise humanitaire clairement oubliĂ©e, que dâautres ont dite nĂ©gligĂ©e, Panos Moumtzislvi rappelle que « Sur 450 employĂ©s internationaux dĂ©ployĂ©s dans le pays, plus de 300 Ă©taient reliĂ©s Ă des structures de coordination et la plupart Ă Bangui. » Il y avait « trop de coordinateurs et pas assez de gens vraiment prĂ©sents sur le terrain », a renchĂ©ri un reprĂ©sentant de la DG Aide humanitaire et protection civile (ECHO), en allant dans le sens des critiques exprimĂ©es par MSF dans son rapport Where Is Everyone? (Healy et Tiller, 2014). Les participants ont martelĂ© que la coordination nâĂ©tait pas une fin par dĂ©faut en elle-mĂȘme, mais plutĂŽt un outil dâamĂ©lioration de lâassistance humanitaire. Et pour ce faire, que les systĂšmes de coordination devraient ĂȘtre suffisamment flexibles pour sâadapter aux rĂ©alitĂ©s de chaque situation dâurgence.
Malheureusement, le systÚme de coordination officiel a réguliÚrement été
critiquĂ© pour son manque de souplesse : ses critiques ont suggĂ©rĂ© quâil avait eu tendance Ă ĂȘtre institutionnalisĂ© sous la forme dâun systĂšme monolithique unique, sans Ă©gard pour les conditions nĂ©cessaires Ă la coordination dans un contexte donnĂ©.
Aux Philippines, STAIT a observĂ© : « Lâune des plus grosses surprises [...] [fut] que lâensemble des 11 clusters se trouvait dans la capitale et dans 5 ou 6 des zones de terrain, avons-nous besoin de tout ça ? Absolument pas [...] Nous avons besoin dâajuster lâapproche Ă chaque situation, sur mesure, dâexpliquer clairement que nous sommes tous lĂ pour garantir la bonne conduite de lâaide humanitaire. Il nây a rien dans lâAgenda transformateur ou dans les rĂ©formes qui dise que la coordination est un rĂ©cipient, quâil faut la prendre et lâappliquer complĂštement. »
Les dĂ©bats de Berlin ont mis lâaccent sur deux aspects principaux du systĂšme oĂč la souplesse fait dĂ©faut. PremiĂšrement, lâarchitecture actuelle est basĂ©e sur des secteurs spĂ©cifiques. Cette approche sectorielle est maintenant remise en cause par la multiplication des programmes monĂ©taires. Un membre du groupe a mentionnĂ© que « Nous sommes trĂšs loin dâavoir pris le recul nĂ©cessaire pour comprendre ce que sont les implications de la monĂ©tarisation [...] elle compromet lâobligation de rendre compte et pourrait rendre obsolĂšte lâapproche sectorielle de la coordination. »lvii Cela fut Ă©galement Ă©voquĂ© par un autre membre du groupe : Ă©tant donnĂ© que « la coordination monĂ©taire fait tout Ă fait figure de signal dâalarme quâil nous faut
La coordination sert parfois de substitut de lâaction. En RCA, sur 450 employĂ©s internationaux dĂ©ployĂ©s dans le pays, plus de 300 Ă©taient reliĂ©s Ă des structures de coordination et la plupart Ă Bangui.
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repenser lâarchitecture actuelle, vraiment divisĂ©e en secteurs [...] en quoi le systĂšme de coordination par clusters de lâIASC laisse-t-il la place aux questions transversales ? Comment soulever certains des problĂšmes majeurs, comme le ciblage, aux EHP et Ă des niveaux plus stratĂ©giques de coordination ? »lviii Le dĂ©fi que pose la programmation monĂ©taire souligne un problĂšme de plus grande ampleur : les besoins ne sont pas nĂ©cessairement Ă©prouvĂ©s « sectoriellement ». Un autre membre du groupe a soulignĂ© « quâil nây avait pas assez dâefforts pour aller vers la base [sur le terrain]. »lix Lâabsence dâune comprĂ©hension exacte de ce que les populations affectĂ©es font et de ce quâelles subissent est un exemple de comprĂ©hension partielle des dynamiques contextuelles qui favorise la perspective sectorielle cloisonnĂ©e. Lisa Monaghan a reliĂ© cette perspective au manque de comprĂ©hension contextuelle : « Comprenons-nous suffisamment le pays oĂč nous travaillons ? Connaissons-nous ses dynamiques ? »
Le deuxiĂšme domaine dans lequel le systĂšme semble manquer de souplesse est, comme on lâa soulignĂ© dans la section 4.1, celui de lâĂ©chec de son adaptation aux systĂšmes de coordination des gouvernements existants sur le terrain. Lâarchitecture de coordination officielle a tendance Ă dupliquer, ou mĂȘme Ă©carter, les efforts du gouvernement
En outre, lâincapacitĂ© gĂ©nĂ©rale Ă intĂ©grer les acteurs nationaux, NGO et OSC constitue un dĂ©fi supplĂ©mentaire Ă lâarchitecture de coordination actuelle. Manu Gupta, directeur de lâONG nationale SEEDS en Inde, a affirmĂ© : « La coordination est aussi en train de devenir une forme de club, avec ceux qui en font partie et ceux qui nâen sont pas. »lx Il y a cependant ici une tension entre maintenir le cluster Ă une taille raisonnable, parce que les EHP et les clusters de trĂšs grande envergure trouvent apparemment impossible de prendre des dĂ©cisions (par exemple, GrĂŒnewald et coll., 2010 ; Moumtzis, 2014),lxi et permettre un maximum de reprĂ©sentativitĂ©. Le caractĂšre exclusif du systĂšme de coordination officiel a Ă©tĂ© abordĂ© au cours de la confĂ©rence Ă travers plusieurs interventions et au cours dâautres sessions rassemblant les membres du groupe ; voir, par exemple, section 4.3 sur les rĂ©seaux et les coalitions dâenvergure nationale.
En dĂ©pit de ces dĂ©fis rĂ©els au systĂšme de coordination officiel, « Dâexcellentes choses ont Ă©galement lieu. »lxiii Bien que le systĂšme de coordination actuel soit loin dâĂȘtre parfait, ceux qui sont impliquĂ©s dans le dĂ©veloppement de ses Ă©lĂ©ments se sont dĂ©montrĂ©s capables et dĂ©terminĂ©s Ă apprendre et Ă sâamĂ©liorer.
âą Ă lâĂ©chelle nationale, certains clusters et EHP ont identifiĂ© plusieurs problĂšmes autour dâun excĂšs de concentration sur la production dâinformation, de lâexclusion et du cloisonnement et ont travaillĂ© Ă les rĂ©soudre. Plusieurs clusters ont crĂ©Ă© des Groupes consultatifs stratĂ©giques (GCS) afin de faciliter
Les dĂ©bats de Berlin ont mis lâaccent sur deux aspects principaux du systĂšme oĂč la souplesse fait dĂ©faut. PremiĂšrement, lâarchitecture actuelle est basĂ©e sur des secteurs spĂ©cifiques. Cette approche sectorielle est maintenant remise en cause par la multiplication des programmes monĂ©taires.
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la prise de dĂ©cision lorsque la taille du cluster est trop importante pour que des dĂ©bats stratĂ©giques substantiels soient tenus. (ANALP a conduit une recherche approfondie sur la question du leadership de groupe ou collectif, mise Ă votre disposition ici). Parfois, ces clusters ont Ă©galement trouvĂ© des moyens de travailler efficacement dans le cadre du systĂšme de coordination gouvernemental lorsque cela se justifiait (par exemple, BeĂșnza, 2011) : au Kenya, il existe un systĂšme dirigĂ© par le gouvernement dont les coordinateurs sont assistĂ©s par les clusters, ce qui constitue un bon exemple de souplesse.
âą Dans le cadre de la rĂ©ponse transfrontaliĂšre de la Turquie Ă la Syrie oĂč lâONU ne joue pas de rĂŽle, les ONG ont lancĂ© un appel Ă former des Ă©quipes chargĂ©es dâaider la coordination entre secteurs et demandĂšrent lâaide de lâONU pour mettre en place une structure similaire Ă celle des clusters.
âą Au Bangladesh, les intervenants ont utilisĂ© un exemple de cluster, bien quâil nâait pas Ă©tĂ© activĂ© officiellement, comme plateforme de prĂ©paration Ă lâaction.
ENCADRĂ 7 : MANQUE DE RECONNAISSANCE DU RĂLE DE LA SOCIĂTĂ CIVILE : UNE BARRIĂRE Ă LA COOPĂRATION
Christine Knudsen du Projet SphĂšre a attirĂ© lâattention sur lâimportance du rĂŽle central que peut jouer une sociĂ©tĂ© civile dynamique dans certains contextes, au-delĂ du travail des ONG internationales pouvant soutenir ses efforts, puisque câest grĂące Ă la contribution des OSC que les gouvernements sont mis face Ă face avec leurs responsabilitĂ©s ; comme lâillustre le travail de promotion de SphĂšre autour de normes Ă intĂ©grer aux politiques nationales en association avec les organisations nationales (voir section 5.3 pour plus de dĂ©tails sur le rĂŽle des normes dans la coordination). Lisa Monaghan prit des exemples des OPT oĂč les OSC sont aux services de la population depuis plus de 40 ans et sont pourtant exclus des efforts de construction dâune autoritĂ© palestinienne. Au Soudan du Sud aussi la sociĂ©tĂ© civile a Ă©tĂ© aux services de la population, Ă travers un rĂ©seau dâĂ©glises Ă©tendu, pendant des annĂ©es. Or, encore une fois, les efforts de construction des capacitĂ©s des autoritĂ©s du Soudan du Sud ont mis ces structures Ă lâĂ©cart.
Panos Moumtzislxii a exposĂ© Ă©galement cette limite de la reconnaissance de la sociĂ©tĂ© civile et des ONG nationales par le systĂšme actuel, ajoutant que, lors des missions de STAIT dans des pays en crise, les ONG nationales sont « presque les seules Ă toujours avoir donnĂ© la prioritĂ© Ă lâobligation de rendre des comptes aux populations affectĂ©es, comme le point le plus important Ă traite ». Ce dĂ©ficit de reconnaissance est aggravĂ© parce que, dans de nombreux contextes oĂč lâaccĂšs et la sĂ©curitĂ© sont sujets Ă contraintes, ce sont les ONG et les OSC nationales qui interviennent, ce qui les rend vulnĂ©rables aux niveaux Ă©levĂ©s dâexposition Ă la violence, aux risques et aux menaces associĂ©s. Voir section 4.3 pour des exemples de cet ordre issus de la crise rĂ©gionale en Syrie.
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âą En RCA, il y a eu une tentative de relier les clusters Ă lâĂ©chelon national Ă un systĂšme recouvrant les localitĂ©s Ă lâĂ©chelon local afin dâendiguer une concentration « ridicule » au niveau de la capitale.
Plusieurs de ces innovations ont Ă©tĂ© saluĂ©es Ă travers le monde et ont Ă©tĂ© incorporĂ©es aux orientations de lâaction humanitaire internationale : la note de rĂ©fĂ©rence la plus rĂ©cente Ă lâattention des clusters explicite que souplesse et contexte sont des considĂ©rations importantes lors de la crĂ©ation dâun cluster quel quâil soit, que les clusters ne devraient ĂȘtre opĂ©rationnels que tant quâils rĂ©pondent Ă une nĂ©cessitĂ© et que, dans tous les cas, « Lâapproche idĂ©ale consiste Ă soutenir les mĂ©canismes de coordination sectorielle nationaux » (IASC, 2012b : 4). En reconnaissant la nĂ©cessitĂ© de trouver un « Ă©quilibre entre le besoin de consultation autour des concepts opĂ©rationnels et [...] la garantie que les dĂ©cisions soient prises par un nombre raisonnable de partenaires » (ibid. : 11), les orientations suggĂšrent aussi comment peuvent ĂȘtre crĂ©Ă©s des GCS. Au niveau des EHP, les orientations rĂ©centes ont tentĂ© de clarifier le rĂŽle des CH vis-Ă -vis des EHP (IASC, 2012a).
Le systĂšme actuel devrait-il ĂȘtre remplacĂ© par un nouveau systĂšme ou devrait-il ĂȘtre renforcĂ© de sorte quâil Ă©volue et sâamĂ©liore ? Le consensus gĂ©nĂ©ral Ă Berlin semblait ĂȘtre en faveur dâune amĂ©lioration plutĂŽt que dâun remplacement. Comme lâa soulignĂ© Julia Steets, au Liban et en Turquie : « Assez rapidement, on a pu voir certaines personnes faire appel Ă la mise en place de quelque chose de trĂšs similaire Ă un cluster ; pour moi, câĂ©tait lĂ la preuve que non, nous nâavons pas de meilleur systĂšme, nous devrions probablement lâamĂ©liorer et nous y tenir. » Plus gĂ©nĂ©ralement, les participants se sont accordĂ©s sur le fait que « la qualitĂ© nâest pas une question de plus ou de moins, mais de pourquoi et de comment coordonner, [nous avons besoin de] coordination intelligente et pertinente qui sâadapte au changement et soit mise Ă jour en fonction des changements du contexte local » comme lâa formulĂ© Steets.
La coordination est une question urgente. Si la coordination (efficace) peut sauver des vies, alors lâĂ©chec de la coordination peut les menacer : dans un cas, « Il y avait un problĂšme de protection de certaines communautĂ©s oĂč nous avons Ă©chouĂ© collectivement en ne parvenant pas Ă donner de rĂ©ponse, oĂč nous avons peu ou mal informĂ© lâEHP, ce qui a entraĂźnĂ© des dĂ©cĂšs. »lxiv
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4.3 Relations entre ONG : consortiums et réseaux nationaux
La diversitĂ© des ONG aux Ă©chelons international et national est impressionnante. LâĂ©tat des lieux dressĂ© dans lâESH (ALNAP, 2012) rend compte de quelque 4 400 ONG,lxv dont 18 % internationales et 64 % nationales. On ne sâĂ©tonnera peut-ĂȘtre pas que, dans maints pays oĂč les opĂ©rations dâinterventions humanitaires sont importantes, les ONG aient mis sur pied des rĂ©seaux et des consortiums visant Ă permettre une meilleure coordination entre elles et Ă lutter contre leurs problĂšmes communs. LancĂ©e par le CIAB, lâinitiative NGO Coordination Resource Centre compile des renseignements utiles et dispose dâune boĂźte Ă outils sur la coordination.
Si le but de la formation de réseaux varie, on distingue des traits et des défis
associĂ©s communs. Tout dâabord, la nĂ©cessitĂ© de prendre en compte, au-delĂ des besoins urgents, les besoins Ă plus long terme du pays ou de la rĂ©gion en crise.lxvi Plusieurs participants ont indiquĂ© que les rĂ©seaux et les coalitions Ă©tablis depuis longtemps au niveau national Ă©taient souvent bien placĂ©s pour comprendre le contexte qui entoure les besoins humanitaires. De ce fait, ils ont souvent la motivation commune de sâimpliquer dans une meilleure prĂ©paration et dans le renforcement des capacitĂ©s existantes pour engager et conduire des interventions en cas de catastrophe.
Ensuite, les rĂ©seaux naissent souvent du besoin de sâimpliquer dans des initiatives de plaidoyer Ă long terme qui dĂ©passent le cadre dâactivitĂ©s spĂ©cifiques ou ponctuelles. LĂ encore, les participants aux discussions de Berlin ont Ă©tabli le lien entre connaissances locales, plaidoyer et redevabilitĂ© envers la population affectĂ©e, en soulignant le rĂŽle particulier du suivi rĂ©gulier du contexte et des tendances dans lâapport de lâassistance humanitaire (tels les exemples fournis par Nyamiye Hermenegilde du Burundi.)lxvii Dans certaines rĂ©gions, les membres du rĂ©seau national sont mieux placĂ©s pour plaidoyer et pour surveiller la situation en raison des restrictions imposĂ©es au travail des acteurs internationaux (câest le cas en Inde, par exemple) ou dâobstacles au niveau de lâaccĂšs et de la sĂ©curitĂ© (avec lâaction des membres du rĂ©seau national dans lâintervention en Syrie, par exemple).
Enfin, les situations dâurgence voient souvent naĂźtre et se dĂ©velopper de nouvelles ONG. Il sâagit lĂ dâun phĂ©nomĂšne intĂ©ressant, car il apparait habituellement Ă la suite de situations dâurgence et fait naĂźtre le besoin de concevoir et dâadopter des principes et des normes communs, ce Ă quoi les rĂ©seaux dâONG peuvent utilement parvenir.
Ces traits communs qui se dĂ©gagent des prĂ©sentations de Berlin pointent la diversitĂ© des fonctions que peuvent remplir les rĂ©seaux nationaux. Dans le rapport de recherche dâALNAP intitulĂ© « A Networked Response? », Scriven (2013) examine
Dans maints pays oĂč les opĂ©rations dâinterventions humanitaires sont importantes, les ONG ont mis sur pied des rĂ©seaux et des consortiums visant Ă permettre une meilleure coordination entre elles et Ă lutter contre leurs problĂšmes communs.
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la structure, les fonctions et les critĂšres de rĂ©ussite pour les rĂ©seaux dâONG dans quatre pays asiatiques. Ces rĂ©seaux â de tailles variables, allant de cinq Ă plusieurs centaines de membres â sont actifs dans un Ă©ventail de domaines : dĂ©veloppement de relations de confiance entre acteurs similaires (renforcement de lâĂ©difice communautaire) ; rassemblement dâacteurs divers (rassemblement) ; gestion des connaissances et Ă©change dâinformation ; plaidoyer ; mobilisation de ressources ; enfin, dans certains cas, mise en Ćuvre de programmes humanitaires.
ENCADRĂ 8 : INSTANTANĂ DES FONCTIONS DES RĂSEAUX NATIONAUX ISSUES DES PRĂSENTATIONS DE BERLIN
âą En Syrie, la fonction rassemblement a permis aux ONG nationales et internationales de coopĂ©rer Ă la mise en Ćuvre, dans des rĂ©gions inaccessibles aux acteurs internationaux â ces derniers sont donc dĂ©pendants des disponibilitĂ©s en capacitĂ© des membres des rĂ©seaux syriens. Le renforcement des capacitĂ©s et la gestion des connaissances Ă travers le rĂ©seau, notamment en ce qui concerne lâadhĂ©sion Ă des normes et le dĂ©veloppement de mĂ©thodes spĂ©cifiques de travail dans lâintervention humanitaire, qui nâĂ©taient pas mis en Ćuvre avant le dĂ©clenchement de la crise, ont renforcĂ© ces activitĂ©s.
âą Au Myanmar, notamment dans le cadre de lâintervention aprĂšs Nargis, le rĂ©seau national a favorisĂ© la fonction rassemblement/renforcement de lâacceptation en formant une association, en plaidant pour une plus grande acceptation des ONG en dĂ©montrant leurs succĂšs dans la communautĂ© (Ă lâĂ©poque, en 1998, un gouvernement trĂšs strict Ă©tait en place). De plus, les rĂ©seaux remplirent la fonction rassemblement en assurant la coordination entre les pouvoirs publics et les ONG qui souhaitaient ĂȘtre actives dans le pays. Enfin, lâacheminement de lâaide dans les situations de conflit Ă©tait problĂ©matique Ă cause de lâaccĂšs limitĂ© pour les secouristes. GrĂące Ă la connaissance du contexte local et Ă la capacitĂ© administrative du rĂ©seau, des membres de groupes opposĂ©s furent sĂ©lectionnĂ©s et formĂ©s pour faciliter lâapport des secours dans leurs propres secteurs, ce qui a permis dâĂ©tendre la couverture.
âą Le SĂ©nĂ©gal a offert un exemple reprĂ©sentatif de la fonction dĂ©fense dâintĂ©rĂȘt et plaidoyer : les pressions exercĂ©es par les ONG locales et nationales au moyen dâune entitĂ© nationale ont jouĂ© un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans le retour de 25 000 rĂ©fugiĂ©s dans le pays. La capacitĂ© Ă rassembler varie selon la situation ; en lâoccurrence, les organisations nationales Ă©taient mieux placĂ©es sur le plan des contacts que les ONG internationales.
âą Le Burundi a donnĂ© un exemple de la fonction rapprochement/rassemblement : le rĂ©seau a facilitĂ© une action commune entre les pouvoirs publics, les donateurs et la communautĂ©, notamment de plaidoyer pour lâadoption de normes et de redevabilitĂ© par un meilleur suivi de lâutilisation de lâaide et une lutte contre la corruption Ă©ventuelle.
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Les prĂ©sentations faites lors de la rĂ©union reprenaient les principales fonctions dĂ©gagĂ©es par Scriven et clarifiaient davantage les relations entre celles-ci. LâencadrĂ© 7 prĂ©sente des exemples tirĂ©s de diffĂ©rents pays.
Du point de vue du rĂ©seau national, les capacitĂ©s locales en matiĂšre de connaissances contextuelles et sociales ainsi que la qualification des professionnels Ă©taient souvent citĂ©es comme des atouts. Des intervenants en provenance de la Syrie et du Myanmar ont fourni des exemples dâun usage fructueux des capacitĂ©s locales. Les rĂ©seaux peuvent en outre offrir de sĂ©rieuses possibilitĂ©s de renforcement des capacitĂ©s, en particulier lorsquâils combinent activitĂ©s de renforcement des capacitĂ©s avec la mise en Ćuvre. Un membre du groupe a expliquĂ© que « donner la capacitĂ©, câest donner lâoccasion dâaccomplir quelque chose, pas seulement de former. Cela doit sâaccompagner dâun suivi. Par exemple, jâai un projet avec notre rĂ©seau que nous pourrions mettre en Ćuvre tous seuls, mais en demandant Ă 12 autres ONG dâaller rĂ©aliser lâenquĂȘte initiale, je leur donne les moyens dâeffectuer leur propre enquĂȘte, et cela leur donne une certaine crĂ©dibilitĂ© de lâavoir fait. ».lxviii Cela correspond bien aux modalitĂ©s dâapprentissage privilĂ©giĂ©es par les acteurs de terrain : la majoritĂ© des humanitaires estiment quâapprendre en faisant est leur mĂ©thode dâapprentissage prĂ©fĂ©rĂ©e (Beckand Borton, 2003).
Dans certains cas, toutefois, la construction de rĂ©seaux nationaux se heurte Ă des obstacles considĂ©rables. Dans un tel cas de figure, les ONG ont trouvĂ© avantageux de collaborer plutĂŽt avec des structures rĂ©gionales afin de mieux se faire entendre et dâinfluencer la capacitĂ©. Lâun des participants aux discussions de Berlin a signalĂ© que cela avait Ă©tĂ© le cas pour des organisations nationales somaliennes qui avaient Ă©tĂ© intĂ©grĂ©es Ă des structures rĂ©gionales : « les rĂ©seaux rĂ©gionaux sont assez fortes pour faire effet de levier ». Les dĂ©lĂ©guĂ©s du SĂ©nĂ©gal et du Sud-Est asiatique ont indiquĂ© des similitudes dans leurs pays respectifs. En ce qui concerne la gamme de la coordination Ă©voquĂ©e plus haut, ces rĂ©seaux sâapparentent en gĂ©nĂ©ral Ă des Clusters : leur fonction la plus souvent signalĂ©e est liĂ©e au partage de lâinformation : communication via les canaux officiels (rĂ©unions, sites web et publications) et les voies informelles (discussions lors des pauses cafĂ© et des activitĂ©s sociales). Les rĂ©seaux sont Ă©galement actifs dans le partage dâactivitĂ©s dâharmonisation, telle la promotion des bonnes pratiques â souvent en faisant circuler du matĂ©riel et des offres de formation â et, parfois, dans les activitĂ©s collaboratives, par exemple les activitĂ©s conjointes. Les plus communes et les plus fructueuses dâentre elles (comme câest souvent le cas avec les clusters â voir Knox Clarke et Campbell, 2015) semblent ĂȘtre consacrĂ©es au plaidoyer, comme le montraient les exemples de lâencadrĂ© 7.
Dans certains cas, la construction de rĂ©seaux nationaux se heurte Ă des obstacles considĂ©rables. Dans un tel cas de figure, les ONG ont trouvĂ© avantageux de collaborer plutĂŽt avec des structures rĂ©gionales afin de mieux se faire entendre et dâinfluencer la capacitĂ©.
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Scriven (2013) abonde dans le sens des discussions de la rĂ©union en affirmant que les rĂ©seaux ont plus de chances dâĂȘtre porteurs dans les activitĂ©s plus difficiles de coopĂ©ration et de collaboration si leurs membres se connaissent et se font confiance. Il est sans doute plus facile dây parvenir dans les situations oĂč les membres se connaissaient avant de rejoindre le rĂ©seau, oĂč le rĂ©seau ou consortium est de taille relativement rĂ©duite, oĂč le pouvoir est Ă©quitablement rĂ©parti entre les membres ainsi que dans les contextes oĂč il nâexistait auparavant pas de forte concurrence parmi les agences. Sâil est en gĂ©nĂ©ral requis pour les activitĂ©s du rĂ©seau, le financement extĂ©rieur peut ĂȘtre Ă lâorigine dâune rivalitĂ© considĂ©rable et peut entraĂźner un conflit au sein du rĂ©seau.
Des rĂ©seaux « existent bel et bien, et nous travaillons souvent au sein de ces rĂ©seaux ou avec eux, ou dâune certaine maniĂšre reconnaissons leur prĂ©sence, mais dans la plupart des cas ils ne font pas partie de lâarchitecture humanitaire officielle », a dĂ©clarĂ© le prĂ©sident de la session sur les rĂ©seaux et les coalitions Ă lâĂ©chelon national.lxix
ENCADRĂ 9 : FACTEURS QUI DĂFINISSENT LâEFFICACITĂ DES RĂSEAUX NATIONAUX
Scriven (2013) propose les huit facteurs suivants qui tendent Ă distinguer les rĂ©seaux humanitaires efficaces Ă lâĂ©chelon du pays :
1. Les rĂ©seaux efficaces affichent des buts et objectifs clairs, crĂ©ant de la cohĂ©sion et mobilisant lâaction de leurs membres.
2. Les membres dâun rĂ©seau devraient former un groupe dâune taille et dâune composition qui crĂ©e de la cohĂ©sion et soutient ses fonctions.
3. Les formes et les structures organisationnelles devraient permettre au réseau de remplir les fonctions qui lui ont été attribuées.
4. Pour réussir, les réseaux humanitaires nationaux et leurs bailleurs doivent définir des modÚles de financement durables qui préservent leur indépendance.
5. Pour que les réseaux fonctionnent de maniÚre durable, ils doivent élaborer et maintenir des structures de gouvernance claires et transparentes, en évitant toute concurrence et tout dédoublement.
6. Les rĂ©seaux humanitaires nationaux ont tout intĂ©rĂȘt Ă encourager les liens extĂ©rieurs, nationaux et internationaux.
7. Pour rĂ©ussir, les rĂ©seaux ont besoin dâun leadership fort, mais celui-ci doit ĂȘtre ancrĂ© dans le consensus et lâhumilitĂ©.
8. Les réseaux humanitaires nationaux peuvent bénéficier de leur adoption et promotion des principes et des normes humanitaires.
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 51
La reconnaissance de lâexistence de rĂ©seaux nationaux pourrait gagner du terrain, comme le montre lâexemple rĂ©cent des Philippines aprĂšs Haiyan/Yolanda. Toutefois, ces rĂ©seaux ne font toujours pas partie, dans lâensemble, de lâarchitecture dĂ©cisionnelle et du leadership collectif Ă©voquĂ©s lors des discussions de Berlin. Toutefois, inclus dans des clusters ou dans les EHP, les rĂ©seaux nationaux peuvent offrir un forum permettant dâassocier les organisations nationales et locales aux efforts internationaux. Quoi quâil en soit, cette question de lâinclusion demeure liĂ©e Ă qui dĂ©tient le pouvoir dâautoriser lâaccĂšs, et les rĂ©seaux nationaux frappent toujours Ă la porte.
4.4 Partenariats avec les ONGlxx
Dans le secteur humanitaire, on use et abuse souvent du terme « partenariat », et le mot est souvent marquĂ© dâune certaine « ambiguĂŻtĂ© [âŠ] il nâexiste pas de formulation claire de ce que lâon entend par un bon partenariat » (Bojanic et coll., 2013 : 3). Lorsquâils ont abordĂ© comment Ă©valuer les partenariats (en discutant par exemple des relations entre organisations en gĂ©nĂ©ral), les dĂ©lĂ©guĂ©s invitĂ©s Ă la rĂ©union de Berlin ont soulignĂ© lâimportance dâavoir une dĂ©finition claire de ce terme. John Cosgrave, consultant Ă©valuateur indĂ©pendant, a avancĂ© la dĂ©finition qui suit : « une relation de coopĂ©ration entre des personnes ou des groupes qui sâaccordent Ă partager les responsabilitĂ©s pour atteindre un objectif commun, ce qui implique une coopĂ©ration, la responsabilitĂ© commune et un objectif commun ». Dans cette section, nous nous pencherons sur les partenariats qui constituent des relations formelles entre deux organisations humanitaires, et en particulier ceux entre des organisations internationales et des ONG nationales ou locales (encadrĂ© 9).
Parmi les plus importantes ONG « du Nord », plusieurs mĂšnent traditionnellement leurs secours humanitaires via des mĂ©canismes de partenariat. En 2011, 82 % des dĂ©penses humanitaires de la Catholic Agency for Overseas Development (CAFOD) et 72 % de celles de Christian Aid ont Ă©tĂ© rĂ©percutĂ©es sur les ONG nationales (Poole, 2013). Ces organisations fondĂ©es sur le partenariat ont eu tendance Ă opĂ©rer dans des relations Ă long terme avec les acteurs nationaux, sâimpliquant dans le dĂ©veloppement des capacitĂ©s et lâapprentissage mixte.
Pour autant, ce modĂšle de partenariat sâest avĂ©rĂ© moins commun que celui de lâintervention directe, en vertu duquel câest lâorganisation internationale elle-mĂȘme qui dirige les activitĂ©s humanitaires. De plus, bien que de nombreuses organisations aient menĂ© un mĂ©lange dâactivitĂ©s dâintervention directe et de partenariat, de tels « partenariats » avec des ONG locales ont souvent Ă©tĂ© essentiellement des relations de sous-traitance : « Les partenaires locaux impliquĂ©s dans la rĂ©ponse au
Parmi les plus importantes ONG « du Nord », plusieurs mĂšnent traditionnellement leurs secours humanitaires via des mĂ©canismes de partenariat. Toutefois, ce modĂšle sâest avĂ©rĂ© moins commun que celui de lâintervention directe, et maints « partenariats » avec des ONG locales ont souvent Ă©tĂ© essentiellement des relations de sous-traitance.
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ENCADRĂ 10 : LES PRINCIPES DU PARTENARIAT
En 2007, la Plateforme humanitaire mondiale a adoptĂ© les PdP dans un effort collectif pour contribuer Ă une intervention humanitaire plus efficace. Comme le note le CIAB (2013), les partenariats se crĂ©ent souvent par le biais de la coordination, et les PdP reprĂ©sentent un outil permettant dâamĂ©liorer la coordination en faveur dâune meilleure intervention humanitaire.
Les cinq principes sont dĂ©finis, mais pas le concept de partenariat lui-mĂȘme. Comme le relĂšve Knudsen (2011 ; 5), cette absence de dĂ©finition « sâest soldĂ©e par lâapplication de ces principes Ă toute forme de collaboration, y compris aux relations contractuelles, aux accords sans transfert de ressources, voire Ă une intention gĂ©nĂ©rale de coopĂ©rer fondĂ©e sur des valeurs similaires (un protocole dâentente, par exemple) ». Ils ont servi par ailleurs Ă informer de soi-disant partenariats bilatĂ©raux et des relations entre organisations multiples..
âą LâĂ©galitĂ© requiert le respect mutuel entre les membres du partenariat, sans tenir compte de leur taille et de leur pouvoir. Les participants doivent respecter les mandats, les obligations et lâindĂ©pendance de chacun, et reconnaĂźtre les contraintes et les engagements de chacun. Le respect mutuel ne doit toutefois pas empĂȘcher les organisations dâexprimer leurs divergences de vues de maniĂšre constructive.
âą La transparence sâobtient par le biais du dialogue (sur un mĂȘme pied dâĂ©galitĂ©), lâaccent Ă©tant mis sur des consultations prĂ©coces et un partage prĂ©coce de lâinformation. Les communications et la transparence, y compris financiĂšre, relĂšvent le niveau de confiance entre organisations.
âą Orientation sur les rĂ©sultats, toute action humanitaire efficace doit ĂȘtre ancrĂ©e dans la rĂ©alitĂ© et axĂ©e sur lâaction. Cela demande une coordination orientĂ©e sur les rĂ©sultats fondĂ©e sur des capacitĂ©s efficaces et des capacitĂ©s opĂ©rationnelles concrĂštes.
âą ResponsabilitĂ© : les organisations humanitaires ont une obligation morale les unes envers les autres de sâacquitter de leurs tĂąches de maniĂšre responsable, avec intĂ©gritĂ© et de maniĂšre pertinente et appropriĂ©e. Elles doivent veiller Ă ne sâengager dans des activitĂ©s que lorsquâelles ont les moyens, les compĂ©tences, les aptitudes et la capacitĂ© de tenir leurs engagements. La prĂ©vention dĂ©cisive et sĂ©vĂšre des abus commis par les humanitaires doit par ailleurs faire lâobjet dâun effort constant.
âą ComplĂ©mentaritĂ© : la diversitĂ© de la communautĂ© humanitaire constitue un atout si nous mettons Ă profit nos avantages comparatifs et complĂ©tons nos contributions mutuelles. La capacitĂ© locale est lâun des principaux atouts Ă mettre en valeur et Ă renforcer. Autant que possible, les organisations humanitaires devraient sâefforcer Ă faire de la complĂ©mentaritĂ© une partie intĂ©grale de toute intervention dâurgence. Les obstacles linguistiques et culturels doivent ĂȘtre surmontĂ©s.
Si les PdP sont devenus un point de repĂšre, leur mise en Ćuvre pose des dĂ©fis pratiques et opĂ©rationnels. Certains pays, tel le Myanmar, les ont adaptĂ©s Ă leur propre contexte. On qualifie parfois les Principes de quatriĂšme pilier de lâagenda des rĂ©formes onusiennes (avec le leadership, la coordination et la redevabilitĂ©), dâ« engagement Ă changer la façon dont les acteurs humanitaires internationaux coopĂšrent » (Knudsen, 2011 : 5).
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tremblement de terre en IndonĂ©sie Ă©taient traitĂ©s plus comme des sous-traitants et on nâa pas beaucoup investi pour amĂ©liorer leur intervention dans les catastrophes futures. Cette prĂ©occupation Ă©tait partagĂ©e par les membres de lâADRRN [RĂ©seau asiatique pour la rĂ©duction des catastrophes et lâintervention en cas de catastrophe] [âŠ] qui ont affirmĂ© que lorsque les OING [ONG internationales] parlent de partenariat, elles veulent dire « sous-traitance » (ALNAP, 2012: 71).
Dans de telles situations, le financement est en gĂ©nĂ©ral Ă court terme, et peu dâattention est accordĂ©e Ă la coopĂ©ration en vue dâamĂ©liorer les capacitĂ©s des deux parties. La relation est normalement de nature « rĂ©active, poussĂ©e par lâurgence et (Ramalingam et coll., 2013: 4) dictĂ©e par les interactions ponctuelles qui ont lieu au point de crise ».
Eman Ismail de CARE Jordan a soulignĂ© un dĂ©fi liĂ© Ă la mise en place de partenariats au point de crise. Les mĂ©thodes de partenariat hiĂ©rarchisĂ©es du sommet vers la base, et motivĂ©es par la nĂ©cessitĂ© dâintervenir, demandent que les partenaires nationaux et locaux soient prĂȘts Ă intervenir dĂšs que les fonds sont disponibles. DĂšs lors, dans le cadre de lâintervention en faveur des rĂ©fugiĂ©s syriens en Jordanie, les partenaires locaux nâĂ©taient souvent pas impliquĂ©s dans les premiers stades de la planification de lâintervention, ce qui a constituĂ© une « occasion perdue ».
Si lâon observe depuis quelque temps un soutien en faveur dâinvestissements accrus dans les stratĂ©gies de partenariat (voir Ashdown et Mountain, 2011) la concrĂ©tisation de cette approche semble depuis 12-18 mois susciter de lâintĂ©rĂȘt dans plusieurs milieux. Cela pourrait ĂȘtre en partie une rĂ©action aux situations en Somalie (en particulier en 2011) et en Syrie, oĂč les OING se sont rendu compte quâelles dĂ©pendaient fortement de leurs partenaires locaux pour avoir accĂšs aux populations affectĂ©es par une crise. Deux signes de ce regain dâintĂ©rĂȘt : la crĂ©ation dâune CdP sous lâĂ©gide dâALNAPlxxi aet le lancement du projet Start Build Project, qui a pour objectifs de construire des partenariats et de « faire Ă©voluer la contribution des ONG internationales dâun rĂŽle de livreur dâassistance vers un rĂŽle de soutien, de mĂ©diation et de nĂ©gociation avec les organisations locales ».lxxii
Une Ă©tude rĂ©cente commanditĂ©e par cinq ONG britanniqueslxxiii (Ramalingam et coll., 2013) sâest penchĂ©e sur lâexpĂ©rience des partenariats dâONG internationales-nationales dans quatre situations dâurgence de grande envergure, dans le but dâĂ©valuer le degrĂ© dâefficacitĂ© de la stratĂ©gie de partenariat et de tirer des enseignements gĂ©nĂ©raux. Elle conclut que, dans les situations Ă©tudiĂ©es, de tels partenariats augmentent lâutilitĂ© et lâadĂ©quation de lâintervention, amĂ©liorent la redevabilitĂ© envers les populations affectĂ©es et alignent mieux lâaction humanitaire sur les perspectives Ă plus long terme. Une analyse bibliographique dâALNAP sur les situations dâurgence chronique Ă©tait parvenue Ă des conclusions similaires (Hedlund et Knox Clarke, 2011).
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Les discussions de Berlin sur le renforcement des partenariats ont souligné
lâimportance dâavoir une vision commune du partenariat : « Avoir une conception commune et partagĂ©e de la raison pour laquelle nous [les humanitaires] souhaitons travailler ensemble pourrait servir de point de dĂ©part. »
Ramalingam et ses collaborateurs (2013 : 5) concluent que « renforcer les stratĂ©gies de partenariat devrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme essentiel pour rĂ©pondre Ă lâimpĂ©ratif humanitaire ». Ils ne prĂ©tendent pas pour autant que les partenariats sont un remĂšde miracle qui Ă lui seul rĂ©volutionnera lâaction humanitaire. En ce qui concerne certains domaines de la performance humanitaire, le tableau est mitigĂ© : il est difficile de mesurer lâefficacitĂ© et le rapport coĂ»t-rĂ©sultats des stratĂ©gies de partenariat. De plus, la majoritĂ© des ONG Ă©tant assez petites et localisĂ©es, elles peuvent difficilement couvrir toutes les populations dans le besoin sur de vastes Ă©tendues.
De mĂȘme, tout en reconnaissant que les acteurs de la sociĂ©tĂ© civile constituent parfois un « facteur important » dans la fourniture dâassistance humanitaire (Healy et Tiller, 2014 : 15), un rapport de MSF de 2014 affirme lui aussi que ces organisations manquent souvent des compĂ©tences nĂ©cessaires et â notamment en situation de conflit â risquent dâavoir du mal Ă rester neutres et impartiales.
Il serait en outre lĂ©gitime de se demander si les OSC nationales et locales peuvent rĂ©aliser leur incontestable potentiel en travaillant uniquement en partenariat avec des organisations internationales. En gros, sâil existe un argument en faveur du dĂ©veloppement de la capacitĂ© locale, pourquoi les donateurs ne fourniraient-ils pas les fonds directement aux organisations humanitaires nationales et infranationales ? Quelle est la valeur ajoutĂ©e du partenaire international dans cette relation ? Il semble cependant que, pour le moment du moins, cette question a peu de chances dâĂȘtre posĂ©e : Poole (2013) estime que, en 2011, seuls 16 millions de dollars de financement des bailleurs bilatĂ©raux sont allĂ©s aux ONG nationales, par rapport Ă 728 millions acheminĂ©s Ă ces ONG nationales par lâintermĂ©diaire des organisations internationales. Swithern (2014 : 64) estime quant Ă lui quâentre 2009 et 2013 « les ONG locales et nationales ont reçu ensemble [âŠ] 1,6 % du total [du financement] apportĂ© directement aux ONG. » Les dĂ©lĂ©guĂ©s aux dĂ©bats de Berlin ont avancĂ© trois domaines clĂ©s que le systĂšme international doit aborder pour accroitre lâaction des ONG nationales :
âą Financement : plaider en faveur de lâallocation dâun pourcentage de financement aux ONG nationales dans le cadre du droit de la gestion des catastrophes ;
âą Participation Ă la prise de dĂ©cision : militer en faveur dâun co-leadership des ONG nationales dans les structures de coordination ainsi que dâune part de pourcentage dans lâaccĂšs aux fonds de financement communs ;
âą Ătablir un contrĂŽle qualitĂ© des activitĂ©s dâintervention dâurgence par le biais dâun organe national, pour surveiller lâutilisation des fonds par tous les acteurs.
Les dĂ©lĂ©guĂ©s aux dĂ©bats de Berlin ont avancĂ© trois domaines clĂ©s que le systĂšme international doit aborder pour accroitre lâaction des ONG nationales : plaider en faveur de lâallocation dâun pourcentage de financement aux ONG nationales dans le cadre du droit de la gestion des catastrophes ; militer en faveur dâun co- leadership des ONG nationales dans les structures de coordin-ation, et Ă©tablir un contrĂŽle qualitĂ© des activitĂ©s dâintervention dâurgence par le biais dâun organe national.
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Ce qui se dĂ©gage assez clairement des travaux sur les partenariats international-national est que, pour ĂȘtre efficaces, ils doivent sâinscrire dans des relations et des investissements Ă long terme. Il faut quâil y ait un apprentissage mutuel et un dĂ©veloppement des capacitĂ©s : Les OING devraient peut-ĂȘtre remettre en question leurs propres dĂ©marches et prioritĂ©s et envisager la relation comme une occasion de renforcer leur propre capacitĂ©, ainsi que celle de leurs partenaires.lxxiv Les OING â et, en fin de compte, les donateurs â devront peut-ĂȘtre Ă©galement repenser leurs processus de financement et de prĂ©sentation de lâinformation, afin de les rendre plus accessibles. Enfin â comme avec beaucoup dâautres relations entre organisations dans ce secteur â, les partenaires devront peut-ĂȘtre relever vĂ©ritablement le dĂ©fi que reprĂ©sente une collaboration Ă©troite avec des organisations qui sont des concurrents en puissance : « le travail en partenariat exige des changements transformateurs dans la maniĂšre de faire les choses â ce qui menace le statu quo dans le secteur sur le plan de la distribution des ressources, du pouvoir et du contrĂŽle » (Ramalingam et coll., 2013: 6).
Les questions concernant le pouvoir au-delĂ de lâaccĂšs aux fonds et Ă leur
contrĂŽle ont Ă©tĂ© abordĂ©es. Les intervenants et les dĂ©lĂ©guĂ©s Ă Berlin ont Ă©galement analysĂ© la qualitĂ© des relations Ă©tablies par le biais de partenariats. Une des principales questions soulignĂ©es a Ă©tĂ© celle du dĂ©ficit de confiance, tant du point de vue des capacitĂ©s opĂ©rationnelles (savoir si les organisations nationales peuvent se charger de lâensemble du travail requis) que des capacitĂ©s dâabsorption (savoir si les partenaires et les ONG nationaux ont la capacitĂ© dâintensifier leurs activitĂ©s pour fournir Ă la fois la rapiditĂ© requise et la couverture nĂ©cessaire et rĂ©pondre ainsi Ă lâĂ©chelle et Ă lâampleur des besoins). Il sâagit lĂ en fait dâune critique communĂ©ment formulĂ©e dans les contextes dâurgence et liĂ©e Ă la pression de fournir une intervention rapide.
Shwoq Alamoudi de la Jordan River Foundation a soulignĂ© quâil Ă©tait essentiel que « le partenaire sente que lâon lui fait confiance [âŠ] et quâil se sente Ă lâaise pour se concentrer sur la qualitĂ©, et quâil sache que la prĂ©sentation dâinformations nâest pas une fin en soi ». La pression dâĂȘtre performant et dâassurer la couverture requise dans les interventions est un dĂ©fi commun pour les acteurs locaux et internationaux, comme cela a Ă©tĂ© mentionnĂ© dans les sessions sur lâIASC, notamment dans les remarques partagĂ©es par Lisa Monaghan du Soudan du Sud sur la pression de rendre compte rĂ©guliĂšrement du nombre de bĂ©nĂ©ficiaires atteint.
Or, aborder la question de la confiance, câest aborder celle de la dynamique du pouvoir. Certaines des tactiques, prĂ©sentĂ©es lors des discussions de Berlin, qui visent Ă bĂątir la confiance, notamment « partager les expĂ©riences plutĂŽt que
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supposer que nous sommes lĂ pour instruire nos partenaires locaux », demandent un investissement en temps. Parmi les autres exemples dâexpĂ©riences et actions concrĂštes destinĂ©es Ă surmonter les inĂ©galitĂ©s de pouvoir, il y a lieu de mentionner la planification et la mise en Ćuvre dâĂ©valuations conjointes (Jordanie) et la crĂ©ation de relations de mentorat et de coaching (Jordanie, Somalie). LĂ encore, ce sont des initiatives utiles qui requiĂšrent dâengager des ressources et du temps.
Sâadapter Ă la taille et Ă lâavantage comparatif de chacun de ses partenaires dans la nĂ©gociation des buts et objectifs est trĂšs important, et une formule unique nâest pas toujours applicable. Forte de 40 ans dâapprentissages dans le pays, CARE Jordanie a dĂ©fini et adoptĂ© trois modĂšles de partenariat adaptĂ©s au type dâorganisation partenaire et aux activitĂ©s privilĂ©giĂ©es. « Un premier modĂšle en partenariat avec les associations locales, en trĂšs Ă©troite collaboration avec celles-ci, permettant de bĂ©nĂ©ficier de leur proximitĂ© et de lâaccĂšs aux communautĂ©s, avantage critique dans le travail avec les communautĂ©s de rĂ©fugiĂ©s et dâaccueil, lesquelles sont trĂšs interdĂ©pendantes dans les zones urbaines marginalisĂ©es. Un deuxiĂšme modĂšle de partenariat avec des OSC bien structurĂ©es ; dans ce cas, compte tenu de leur degrĂ© Ă©levĂ© dâimplantation et dâindĂ©pendance, on met lâaccent du partenariat sur lâavantage mutuel dĂ©coulant de leurs rĂ©seaux et contacts bien Ă©tablis, et de leur plus grande capacitĂ© Ă mettre en Ćuvre une action Ă plus grande Ă©chelle. Enfin, un troisiĂšme modĂšle de partenariat avec les organismes publics Ă divers Ă©chelons, afin dâaxer les efforts sur lâintervention en cas dâurgence en temps voulu et rapidement. »lxxv
Les intervenants Ă Berlin se sont penchĂ©s sur la nature politique des dispositions de partage du pouvoir avec un message assez consensuel : il est nĂ©cessaire de sâaccorder sur des « valeurs communes, de reconnaĂźtre la valeur des partenaires afin de favoriser une meilleure comprĂ©hension, avoir des objectifs clairs et sur la question de lâespace, pour la prise de dĂ©cision et au-delà ». Ă lâinstar de toutes les autres relations entre organisations, la confiance est essentielle, mais il ne semble pas y avoir de formule unique pour bĂątir cette confiance.
4.5 Familles organisationnelles
Les rĂ©ponses Ă la portĂ©e et Ă lâampleur du volume de travail et des approches humanitaires visant Ă amĂ©liorer lâintervention humanitaire comptent dâautres modalitĂ©s dâorganisation en dehors des partenariats et de la coordination. On entend par « familles organisationnelles » des groupements dâorganisations diffĂ©rentes mais liĂ©es entre elles sous une forme de structure commune. On recense diffĂ©rentes typologies de familles organisationnelles ; selon une Ă©tude de la Tufts University, on distingue cinq modĂšles diffĂ©rents (parmi les ONG) : les
Les intervenants Ă Berlin se sont penchĂ©s sur la nature politique des dispositions de partage du pouvoir avec un message assez consensuel : il est nĂ©cessaire de sâaccorder sur des « valeurs communes, de reconnaĂźtre la valeur des partenaires afin de favoriser une meilleure comprĂ©hension, avoir des objectifs clairs et sur la question de lâespace, pour la prise de dĂ©cision et au-delà ».
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organisations et coalitions sĂ©parĂ©es et indĂ©pendantes ; les ONG liĂ©es par une faible coordination faĂźtiĂšre ; les confĂ©dĂ©rations ; les fĂ©dĂ©rations ; enfin, les familles dâONG commerciales unitaires (Webster et Walker, 2009). Si chaque catĂ©gorie a ses nuances et ses spĂ©cificitĂ©s propres, elles doivent toutefois relever des dĂ©fis communs : dĂ©veloppement de principes communs ; accord sur lâimage de marque et les politiques ; rĂŽles et limites de la collecte de fonds ; leadership dans le plaidoyer Ă divers Ă©chelons ; coordination au niveau de la mise en Ćuvre des activitĂ©s et des interventions lorsque plusieurs membres interviennent dans une mĂȘme crise ; enfin, questions liĂ©es Ă lâĂ©laboration de systĂšmes et de structures communs.
Le Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, le plus grand réseau humanitaire du monde avec quelque 97 millions de volontaires dans 186 pays,lxxvi
est un exemple reprĂ©sentatif de famille organisationnelle. CrĂ©Ă© en 1863, le CICR dĂ©tient pour mandat prĂ©cis dâintervenir dans les situations de guerre et de conflits armĂ©s, et notamment de promouvoir et de renforcer le droit international humanitaire. Dâautres organisations furent crĂ©Ă©es pour traiter dâautres domaines et activitĂ©s : lâaction de lâIFRC porte sur les catastrophes naturelles et dâorigine humaine dans les situations hors conflits, tandis que les sociĂ©tĂ©s de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge soutiennent les pouvoirs publics dans leurs pays et jouent un rĂŽle dâauxiliaires indĂ©pendants du gouvernement dans le domaine humanitaire. Toutes ces organisations travaillent les unes avec les autres tout en maintenant leurs mandats distincts et leurs domaines dâopĂ©ration au sein du mouvement.
La stratĂ©gie de coordination et de collaboration du Mouvement de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge repose sur deux principales modalitĂ©s. Dâune part, dans la famille de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, les membres peuvent conclure, entre eux ou avec des acteurs extĂ©rieurs comme les gouvernements, les donateurs et dâautres organisations humanitaires, des accords de partenariat portant sur des projets prĂ©cis. Les partenariats qui sont conclus au sein du mouvement et en dehors de celui-ci sont trĂšs variĂ©s : dans une certaine mesure, chacun est unique et dĂ©pendant du contexte et des personnes impliquĂ©es. « Ils concernent les personnes, et ce que nous devons faire câest tenir compte des perceptions du personnel impliquĂ© â que dit-il au sujet du partenariat ? [âŠ] On a parfois lâimpression dâun mariage arrangĂ©, et parfois lâalliance est idĂ©ale [âŠ] Les partenaires sont-ils faits pour sâentendre ? [âŠ] Le premier point est ce que je qualifie de stratĂ©gie humanitaire commune ou histoire commune,
comment les partenaires parlent-ils de ce quâils font ? »lxxvii
Dâautre part, le mouvement a une division du travail globale plus formalisĂ©e, le CICR dirigeant les efforts dans les situations de guerre et de violence armĂ©e, y compris dans les activitĂ©s de secours international et lâaction liĂ©e aux personnes dĂ©placĂ©es Ă lâintĂ©rieur de leur propre pays. Selon les calculs du CICR, 30 % de
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son travail est menĂ© en coopĂ©ration avec les sociĂ©tĂ©s nationales. Lâaction dans le domaine des catastrophes naturelles et de celles dâorigine humaine non conflictuelle est coordonnĂ©e et dirigĂ©e par lâIFRC en Ă©troite collaboration avec les sociĂ©tĂ©s nationales. Enfin, les 186 sociĂ©tĂ©s nationales soutiennent les autoritĂ©s publiques dans le domaine humanitaire, sur la base dâune prĂ©sence sur le terrain et dâune approche communautaire. Leur personnel et leurs volontaires sont souvent parmi les premiers intervenants dans une catastrophe et « restent actifs au sein des communautĂ©s affectĂ©es longtemps aprĂšs que tout le monde est parti ».lxxviii La capacitĂ© dâintervention humanitaire des sociĂ©tĂ©s nationales reflĂšte la tendance reconnue internationalement dâune charge de travail accrue et de besoins humanitaires plus grands Ă lâĂ©chelon planĂ©taire. Ă titre dâexemple, on estime quâentre 2004 et 2006 le nombre dâopĂ©rations dâintervention dirigĂ©es par les sociĂ©tĂ©s nationales dans le cadre de catastrophes a progressĂ© de 254 Ă 445.
4.6 Travailler avec le secteur privé
Lâimplication du secteur privĂ© dans lâintervention humanitaire nâest pas un
phénomÚne nouveau : depuis des siÚcles, les négociants et les commerçants ont
jouĂ© un rĂŽle dans les situations dâurgence. Lâengagement sur le terrain du secteur privĂ© se manifeste par la fourniture dâassistance monĂ©taire ou marchande, notamment via le secteur bancaire et les entreprises de tĂ©lĂ©phonie mobile. MenĂ©e Ă partir dâune analyse de la situation en HaĂŻti, au Pakistan et dans la Corne dâAfrique, une Ă©tude comparative des mĂ©canismes de coordination monĂ©taire dâurgence rĂ©vĂšle parmi les acteurs humanitaires traditionnels des attitudes mitigĂ©es envers lâimplication du secteur privĂ©. Bien que certains « considĂšrent que le secteur privĂ© devrait en fait rester un acteur extĂ©rieur afin de maintenir lâindĂ©pendance [humanitaire][âŠ], dâautres [âŠ] ne voyaient aucun risque » (Kauffman et Collins, 2012 : 27). Chez certains acteurs humanitaires, la rĂ©ticence Ă collaborer avec le secteur privĂ© semble augmenter avec la taille du partenaire : dans la plupart des cas, lâimplication et le rĂŽle des entreprises multinationales inquiĂštent davantage que ceux des entreprises locales. En revanche, dâautres acteurs humanitaires prĂ©fĂšrent collaborer plus Ă©troitement avec des multinationales Ă la prĂ©sence gĂ©ographique Ă©tendue.
Les acteurs du secteur privĂ© Ă©taient autrefois considĂ©rĂ©s comme des fournisseurs de biens et de services aux agences humanitaires et aux gouvernements.lxxix « De nos jours [ils sont] perçus comme des facteurs prĂ©pondĂ©rants dâinnovation et des partenaires stratĂ©giques » (Khiyara, 2013, dans Zyck et Kent, 2014 : 9). Il y a lieu de noter que le secteur privĂ© recouvre Ă la fois les petits commerçants locaux et les multinationales ; ce nâest pas une entitĂ© composĂ©e dâacteurs homogĂšnes.
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 59
Lâimplication du secteur privĂ© dans lâintervention humanitaire continue de gagner du terrain, « mais il demeure une part rĂ©duite des ressources globales et il se limite Ă certains contextes » (ALNAP, 2012 : 34). Sa part moyenne tourne autour de 7 % pour toutes les interventions enregistrĂ©es en 2013.lxxx
LâAn 2000 marque une date pivot en ce qui concerne la participation du secteur privĂ© dans lâarchitecture de lâaide internationale : câest lâannĂ©e oĂč le Pacte mondial de lâONU est Ă©tabli en tant quâoutil dĂ©terminant de la coopĂ©ration entre les organisations humanitaires et le secteur privĂ©. Un autre tournant sera pris en 2004 avec le tsunami dans lâocĂ©an Indien (Zyck et Kent, 2014 : 9) : on estime que 565 millions de dollars furent soit fournis, soit mobilisĂ©s par les entreprises en faveur de lâassistance humanitaire. Cela correspond Ă la prĂ©fĂ©rence du secteur privĂ© international pour les interventions dans le cadre de catastrophes naturelles, avec un biais en faveur des crises Ă survenue rapide â rĂ©sultat possible du degrĂ© Ă©levĂ© dâexposition du public et de la trĂšs forte couverture mĂ©diatique que ce type de crise reçoit. Lorsquâon analyse la prĂ©sence et le poids des contributions du secteur privĂ©, la localisation de la catastrophe est elle aussi importante : « LâintĂ©rĂȘt commercial portĂ© Ă une rĂ©gion particuliĂšre joue aussi un rĂŽle » (ibid : 13), et les dons des entreprises aprĂšs des catastrophes survenues dans des lieux de moindre importance sur le plan commercial, tel le Cachemire en 2005, ont Ă©tĂ© relativement modestes (ibid).
Une session spĂ©ciale a eu lieu Ă Berlin sur le rĂŽle du secteur privĂ© dans les interventions humanitaires. Lâune des conclusions, Ă©lĂ©mentaire mais importante, Ă©tait que la coordination avec les acteurs du secteur privĂ© nâĂ©tait pas plus facile que celle avec nâimporte quel autre groupe. Plusieurs obstacles Ă une collaboration ont Ă©tĂ© relevĂ©s : identification des interlocuteurs (les deux secteurs Ă©tant trĂšs variĂ©s et atomisĂ©s) ; manque de zones dâinteraction et dâespaces dâĂ©change ; accent disproportionnĂ© mis sur la collecte de fonds et les relations publiques ; enfin, le vocabulaire et les spĂ©cificitĂ©s marginalisant du secteur de lâaide et des organismes spĂ©cifiques.
On constate une grande diversitĂ© des formes et de modalitĂ©s de la participation des acteurs du secteur privĂ© Ă lâintervention en cas dâurgence ou de catastrophe. Trois points se sont dĂ©gagĂ©s de ces sessions :
âą DiversitĂ© de perceptions : « Ils nous considĂšrent comme formant un seul bloc » â les deux secteurs semblent percevoir une homogĂ©nĂ©itĂ© dans lâautre groupe, alors que la rĂ©alitĂ© est plus nuancĂ©e Ă la fois pour les humanitaires et pour les acteurs du secteur privĂ©.
âą DiffĂ©rence de modalitĂ©s dâimplication : les considĂ©rations dâordre Ă©thique (environnementales, liĂ©es aux principes humanitaires) et les questions
Lâune des conclusions, Ă©lĂ©mentaire mais importante, Ă©tait que la coordination avec les acteurs du secteur privĂ© nâĂ©tait pas plus facile que celle avec nâimporte quel autre groupe. Plusieurs obstacles Ă une collaboration ont Ă©tĂ© relevĂ©s : identification des interlocuteurs, manque de zones dâinteraction et dâespaces dâĂ©change et accent disproportionnĂ© mis sur la collecte de fonds et les relations publiques.
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60 ALNAPĂTUDE
ComposĂ©e au dĂ©part de 24 entreprises, la coalition EPSMG couvre dĂ©sormais plus de 250 entreprises actives en Afrique de lâOuest. Voyant leurs opĂ©rations menacĂ©es par lâĂ©pidĂ©mie dâEbola, ces entreprises ont souhaitĂ© sâimpliquer dans lâintervention. Dans le mĂȘme temps, la Croix-Rouge de Sierra Leone nâavait pas assez de vĂ©hicules nĂ©cessaires pour intervenir.
Partant de motivations diffĂ©rentes, les acteurs privĂ©s avaient un intĂ©rĂȘt, mais ils ne savaient pas forcĂ©ment comment sâimpliquer ou avec qui engager le dialogue dans le secteur humanitaire. Lors des conversations initiales, dâimportants dĂ©fis ont dĂ» ĂȘtre relevĂ©s, notamment celui des principes humanitaires contre les intĂ©rĂȘts privĂ©s, les entreprises privĂ©es souhaitant limiter leur collaboration Ă leurs zones dâintervention (« mon district, mon personnel »), alors que les humanitaires devaient dĂ©fendre lâidĂ©e selon laquelle, dans une Ă©pidĂ©mie, on ne peut pas Ă©tablir ce genre de limites.
LâEPSMG est lâexemple dâune collaboration qui va au-delĂ des financements ou de la prestation de services ; toutes les entreprises, y compris certaines qui sont en concurrence les unes avec les autres, ont mis sur pied une unitĂ© de gouvernance afin dâapprendre comment collaborer entre elles et avec le secteur humanitaire. Les acteurs du secteur privĂ© ont acquis une meilleure comprĂ©hension des diffĂ©rents acteurs, ce qui a entraĂźnĂ© lâextension du nombre de partenaires au-delĂ de la Croix-Rouge « Ă une collaboration avec lâOMS [Organisation mondiale de la santĂ©], MSF et dâautres agences [de lâONU] », selon Christine Tokar.lxxxiii
Et tandis que dâautres partenariats humanitaires-privĂ© engendrent des questions dâordre Ă©thique, dans le cas de lâEPSMG, selon Tokar, la Croix-Rouge avait « plusieurs critĂšres associĂ©s aux aspects environnementaux, Ă la façon dont le secteur privĂ© sâest impliquĂ© [...] dans le passĂ© ». Des recherches, qui doivent ĂȘtre validĂ©es par la commission de surveillance avant tout accord sur le partenariat, sont menĂ©es sur les entreprises et des objectifs et limites sont clairement dĂ©finis.
EXEMPLE 2
LE GROUPE DE MOBILISATION DU SECTEUR PRIVĂ CONTRE EBOLA (EPSMG) : UN PARTENARIAT ENTRE LES SECTEURS HUMANITAIRE ET PRIVĂ
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 61
dâintĂ©gritĂ© sont cruciales â les humanitaires visent souvent Ă sĂ©lectionner des partenaires sur la base de leur rĂ©putation et de lâassociation Ă la marque. Le Groupe de mobilisation du secteur privĂ© contre Ebola (EPSMG) en Afrique de lâOuest illustre ce point (EncadrĂ© 10).
âą Lâimportance dâidentifier un ensemble divers dâacteurs humanitaires, en
fonction des avantages comparatifs de chacun : « Nous devons dĂ©passer cette perception dâacteur unitaire en portant notre attention sur nos capacitĂ©s et nos besoins financiers, et en analysant, secteur par secteur, les acteurs nationaux, les entreprises internationales et en dĂ©terminant oĂč se situent les problĂšmes. »lxxxi
Le secteur privĂ© sâest moins impliquĂ© dans les crises liĂ©es Ă des conflits. Les acteurs du secteur privĂ© semblent plus enclins Ă soutenir lâaction humanitaire dans les situations de catastrophes naturelles que dans les conflits (Zyck et Kent, 2014). Les entreprises rĂ©gionales et multinationales craignent quâune telle implication ne soit perçue comme partisane et entraĂźne une perte de clientĂšle. Les agences humanitaires sont elles aussi beaucoup plus prudentes Ă lâĂ©gard de leurs partenariats dans les zones de conflit, oĂč les perceptions sur la nature indĂ©pendante de la fourniture de lâaide humanitaire sont primordiales pour obtenir lâaccĂšs et maintenir une prĂ©sence sur le terrain.
Lâimplication du secteur privĂ© semble par ailleurs plus probable dans les pays, tels le Myanmar, Sri Lanka et le Zimbabwe, oĂč les gouvernements se mĂ©fient du systĂšme humanitaire et sont soucieux de dĂ©fendre leur souverainetĂ©. Autrement dit, certains gouvernements perçoivent lâaide du secteur privĂ© comme Ă©tant « fondamentalement plus apolitique et plus dĂ©tachĂ©e des prioritĂ©s des pays donateurs » (Zyck et Kent, 2014 : 14). Dans ce cas, lâimplication du secteur privĂ© peut sâavĂ©rer prĂ©judiciable Ă lâaccĂšs de lâONU et des ONG.
Certains des avantages tangibles pour les entreprises Ă participer Ă des efforts humanitaires sont en lien avec lâamĂ©lioration de la rĂ©putation, la visibilitĂ© (liĂ©e Ă la couverture mĂ©diatique internationale de certaines crises) et avec le fait que les crises « offrent aux entreprises des perspectives considĂ©rables de trouver de nouveaux clients, de prĂ©senter leurs nouveaux produits Ă leur clientĂšle, de dĂ©velopper les relations avec les clients existants et dâaccroitre la fidĂ©litĂ© Ă la marque » (Zyck et Kent, 2014 : 10). Souvent, le milieu commercial rĂ©agit trĂšs vite Ă ces perspectives. Les intĂ©rĂȘts et les prioritĂ©s du personnel du secteur privĂ© dĂ©terminent souvent les modalitĂ©s de leur implication.
Lâimplication du secteur privĂ© semble par ailleurs plus probable dans les pays, tels le Myanmar, Sri Lanka et le Zimbabwe, oĂč les gouvernements se mĂ©fient du systĂšme humanitaire et sont soucieux de dĂ©fendre leur souverainetĂ©.
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62 ALNAPĂTUDE
Les avantages pourraient aussi ĂȘtre moins tangibles : lâaction humanitaire est souvent perçue comme une obligation morale, religieuse ou nationale, et les prĂ©occupations pour le bien-ĂȘtre des populations affectĂ©es ont des chances dâĂȘtre particuliĂšrement fortes parmi les entreprises nationales et locales. Un autre facteur de motivation â surtout en ce qui concerne lâimplication des entreprises dans le travail de rĂ©silience ou de rĂ©duction des risques de catastrophes â est dâassurer la continuitĂ© des opĂ©rations dans les situations de catastrophes.
Pour les humanitaires traditionnels, le volume croissant de travail au niveau mondial et lâapproche de plus en plus commerciale de la prestation des services nĂ©cessiteront davantage de collaboration â soit en partenariat, soit en concurrence â avec le secteur privĂ©. Cela exigera de sâattaquer aux prĂ©jugĂ©s (dans les deux sens), mais aussi dâaborder des questions lĂ©gitimes sur la motivation de lâimplication et lâapplication des principes humanitaires. Dans maints pays affectĂ©s par des catastrophes et des conflits, dâimportants partenariats sont dâores et dĂ©jĂ en place entre le secteur humanitaire et le secteur privĂ©, par exemple au niveau des interventions monĂ©taires et sur les marchĂ©s. Lâun des intervenants a soulignĂ© que, « afin dâĂȘtre mieux prĂ©parĂ©s Ă recourir aux transactions monĂ©taires, notamment aux virements Ă©lectroniques, nous avons besoin de meilleures relations avec le secteur privĂ©, ainsi que de partenariats Ă plus long terme pour aller plus vite, pour rĂ©duire les coĂ»ts, pour avoir de meilleurs jeux dâadaptations des produits existants Ă usage humanitaire. »lxxxiii Les humanitaires devront en outre affronter les perceptions de leurs bailleurs traditionnels : comme lâexplique lâun des intervenants, « les agences humanitaires opĂšrent dans un espace trĂšs contestĂ© sous le regard attentif dâune multitude de publics [âŠ] au-delĂ de la rĂ©alitĂ© du comportement et des activitĂ©s des entreprises, la façon dont elles sont perçues par les principales parties prenantes [âŠ] est primordiale pour la sĂ©curitĂ©, pour lâaccĂšs. »lxxxiv
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 63
5. La situation actuelle : autres facteurs en faveur de la coopération
Divers Ă©lĂ©ments prĂ©sents dans le systĂšme international peuvent rapprocher davantage les organisations et encourager une coopĂ©ration, mĂȘme en lâabsence de structures officielles (accords de partenariat, rĂ©seaux et consortiums). Dans cette section, nous en examinerons trois : les arrangements et relations informels, les financements, et les normes, recommandations et procĂ©dures.
5.1 Arrangements et relations informels
Comme nous lâavons vu, les interventions dâurgence et humanitaires ont tendance Ă rassembler une variĂ©tĂ© dâacteurs. LâatmosphĂšre (souvent assez chaotique) dâune intervention dissimule des possibilitĂ©s informelles dâinteraction pour les divers acteurs. Ces conversations peuvent contribuer considĂ©rablement Ă une coordination dite informelle. Ces Ă©changes Ă bĂątons rompus parmi les acteurs humanitaires ont souvent lieu lors dâactivitĂ©s sociales ou en marge dâespaces de coordination officiels, immĂ©diatement avant ou aprĂšs des rĂ©unions structurĂ©es. Lors des discussions de Berlin, les dĂ©lĂ©guĂ©s ont insistĂ© sur lâimportance des forums non officiels pour la coordination, distincts des assemblĂ©es officielles. La reprĂ©sentante de MSF dans la sĂ©ance dâouverture, Ulrike Von Pilar, a liĂ© la question des relations et des communications informelles Ă celle complexe de la confiance ; « de toute Ă©vidence, nous ne nous faisons pas confiance ». « Nous savons que la coordination et la collaboration sont efficaces lorsque les gens se connaissent personnellement et peuvent travailler ensemble », a-t-elle cependant ajoutĂ©. Lors dâune autre discussion a Ă©tĂ© soulignĂ©e lâimportance des rĂ©seaux informels aux Ă©chelons national et local. Il y Ă©tait affirmĂ© quâils pourraient ĂȘtre encore plus utiles sâils Ă©taient reconnus par les structures officielles.
Les nouvelles technologies ont accru les possibilitĂ©s de miser sur les relations informelles pour collaborer dans des activitĂ©s humanitaires. Dans un cas pratique prĂ©sentĂ© par CARE International, les nouvelles technologies Ă©taient mises au service dâun suivi collaboratif qui exploitait les rĂ©seaux informels. Dans le suivi Ă distance menĂ© par CARE sur ses programmes en Somalie et en Syrie, lâinternet et les autres outils liĂ©s aux rĂ©seaux sociaux sont utilisĂ©s comme moyen dâexternalisation ouverte, permettant dâobtenir et de trianguler les informations provenant des partenaires sur le terrain.
Les relations informelles peuvent soit mener Ă lâĂ©tablissement de structures interinstitutionnelles formalisĂ©es, soit rester informelles. Par exemple, les reprĂ©sentants des agences humanitaires sont souvent en liaison informelle les uns avec les autres pour discuter de leurs prĂ©occupations en matiĂšre de sĂ©curitĂ©.
LâatmosphĂšre (souvent assez chaotique) dâune intervention dissimule des possibilitĂ©s informelles dâinteraction pour les divers acteurs. Ces conversations peuvent contribuer considĂ©rablement Ă une coordination dite informelle.
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Ă travers ces Ă©changes, les individus crĂ©ent des rĂ©seaux personnels de contacts locaux et internationaux qui se recoupent , leur permettent de partager lâinformation et servent de systĂšmes dâalerte pour les incidents de sĂ©curitĂ©. Il est intĂ©ressant de constater que les tendances vers la professionnalisation de la gestion de la sĂ©curitĂ© semblent de plus en plus formaliser ce type de connaissances tacites et dâarrangements informels.
Les interactions informelles ont lâavantage dâĂȘtre hautement adaptables, ce qui est un atout dans le contexte trĂšs fluide et trĂšs dynamique des interventions humanitaires. MarquĂ©es par la confiance et rarement enregistrĂ©es, elles permettent des Ă©changes sur des sujets sensibles comme la sĂ©curitĂ©. Elles peuvent en outre jeter les fondations de la confiance qui sous-tend des relations formelles plus efficaces : entre organisations internationales et gouvernements (BeĂșnza, 2011), au sein des rĂ©seaux et des consortiums (Scriven, 2013 ; Wilson, 2010) et dans les clusters (Steets et coll., 2014). Lâimportance des relations informelles pour accompagner la coordination officielle entre organisations a Ă©tĂ© Ă©galement relevĂ©e dans dâautres contextes dâintervention dâurgence (Buck et coll., 2006 ; Moynihan, 2009 ; Boin et TâHart, 2010). Pour autant, les arrangements informels sont par dĂ©finition moins prĂ©visibles et plus difficiles Ă identifier et Ă saisir ; de plus, ils peuvent servir Ă exclure ceux qui ne font pas partie du « groupe », lequel est souvent de lâhĂ©misphĂšre nord et de sexe masculin (Hedlund, 2010 ; Knox Clarke et Darcy, 2014).
5.2 Financementlxxxv Le financement â et les mĂ©canismes utilisĂ©s pour le canaliser â peut soutenir les efforts de coordination dans les interventions humanitaires. Plusieurs donateurs ont expressĂ©ment dirigĂ© des fonds vers des approches coordonnĂ©es faisant intervenir une multitude dâacteurs. Lors de la sĂ©cheresse et de la crise de sĂ©curitĂ© alimentaire au Sahel en 2012, la stratĂ©gie rĂ©gionale ECHO de lutte contre la malnutrition a plaidĂ© pour lâintĂ©gration des projets WASH, santĂ©, sĂ©curitĂ© alimentaire et moyens dâexistence parmi les partenaires de la mise en Ćuvre, ce qui a permis aux agences dâĂ©changer davantage leurs informations et de coordonner leurs approches de la crise. Ă cet Ă©gard, le cluster rĂ©gional WASH a conçu une stratĂ©gie applicable Ă lâĂ©chelle du pays, comprenant des conditions de coordination prĂ©cises, et notamment : « les acteurs de WASH doivent Ćuvrer en Ă©troite collaboration avec les acteurs des autres secteurs, notamment ceux de la nutrition et de la sĂ©curitĂ© alimentaire », et Ă©tablir « un paquet minimum » avec des indicateurs communs et les types dâactivitĂ©s par cible (groupe rĂ©gional WASH, 2012). ECHO a adoptĂ© ces conditions comme recommandations pour les organisations sollicitant des fonds.
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 65
Le RRM est un autre exemple oĂč le financement a contribuĂ© Ă des actions conjointes et coordonnĂ©es. Un intervenantlxxxvi a prĂ©sentĂ© lâexemple du RRM tel quâil a Ă©tĂ© mis en Ćuvre en RCA.lxxxvii Ce mĂ©canisme dâintervention rapide est une initiative interinstitutions qui lance des Ă©valuations multisectorielles dans les rĂ©gions affectĂ©es par un choc ayant des retombĂ©es humanitaires. Il sâappuie sur un mĂ©canisme de coordination formel, en lâoccurrence en particulier les Clusters : lâinformation est diffusĂ©e rapidement Ă travers les Clusters et Ă la communautĂ© humanitaire plus large dans le pays. GrĂące Ă cette information en temps rĂ©el, les humanitaires peuvent analyser les insuffisances gĂ©ographiques et sectorielles : si les Clusters conviennent de lâexistence de ces insuffisances, les fonds du RRM sont utilisĂ©s pour y remĂ©dier. Jusquâen mars 2015, les cinq OING actives dans le RRM de la RCA ont conduit 19 missions exploratoires, 11 Ă©valuations multisectorielles et huit interventions avec une vaste couverture du territoire centrafricain.lxxxviii Le RRM soutient les efforts de coordination par le mĂ©canisme formel du Cluster en place et contribue Ă assurer une couverture plus Ă©tendue, Ă Ă©viter les dĂ©doublements et Ă sâadapter Ă lâĂ©volution des besoins, en particulier ceux liĂ©s aux situations de dĂ©placement. Le RRM actuel de la RCA est dotĂ© dâun budget de 12,2 millions de dollars, les fonds Ă©tant fournis par le Fonds central pour les interventions dâurgence (CERF), le Fonds humanitaire commun (CHF), ECHO, lâAgence suisse pour le dĂ©veloppement et la coopĂ©ration et les fonds gĂ©nĂ©raux du Fonds des Nations unies pour lâenfance (UNICEF).
Une autre modalitĂ© de financement susceptible de contribuer Ă des approches collaboratives consiste Ă rationaliser les allocations de fonds, comme lâillustre le consortium ECB dans le pays en IndonĂ©sie (Wilson, 2010). Canaliser ainsi les fonds Ă destination dâun groupe dâorganisations tendra Ă assurer une coopĂ©ration plus rapprochĂ©e (en fonction du niveau de travail collaboratif, comme dĂ©fini Ă la section 2 ci-dessus) : en effet, les organisations bĂ©nĂ©ficiaires seront en gĂ©nĂ©ral tenues de travailler Ă partir dâun plan Ă©tabli en commun et fondĂ© sur une Ă©valuation commune de la situation. Elles auront en outre plus de chances de recueillir des renseignements communs sur le suivi pour leurs rapports et de partager les ressources. Lâobjectif original du consortium ECB en IndonĂ©sie Ă©tait de renforcer les approches communes des bonnes pratiques : la raison dâĂȘtre du consortium â comme le suggĂšre son nom â Ă©tait de consolider les capacitĂ©s, et non de soutenir la coordination lors dâune intervention (ibid.). Ă la longue, cependant, elle a jouĂ© davantage un rĂŽle de coordination opĂ©rationnelle.
Ce rĂŽle a Ă©voluĂ© progressivement. En 2009, en rĂ©ponse au tremblement de terre Ă lâouest de Java, certains membres du consortium ont ĆuvrĂ© bilatĂ©ralement par souci dâalignement avec WASH et lâhĂ©bergement dâurgence, en veillant Ă Ă©viter les dĂ©doublements et Ă combler les lacunes. Un an plus tard, en rĂ©ponse au tremblement de terre Ă lâouest de Sumatra, le consortium est allĂ© plus loin.
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ENCADRĂ 11 : LE FINANCEMENT AU SERVICE DE LA COOPĂRATION : UN EXEMPLE
Ă Berlin, un intervenant a prĂ©sentĂ© une dĂ©marche inĂ©dite mise en Ćuvre par certains donateurs, en particulier dans les situations de besoin humanitaire chronique, de financement et de planification pluriannuels comprenant des efforts coordonnĂ©s Ă la fois parmi les acteurs concernĂ©s et, grĂące au prolongement de la vie du programme, dans le temps.lxxxix Cette dĂ©marche permet Ă diffĂ©rentes agences et organisations de coopĂ©rer, de coordonner leurs activitĂ©s et leur planification et de faciliter la coordination des systĂšmes de suivi et dâĂ©valuation.
Aviles a montrĂ© que 78 % des dĂ©penses humanitaires sont consacrĂ©es aux crises prolongĂ©es. Si lâon y ajoute une prĂ©vision de croissance des besoins humanitaires qui ne sâaccompagne pas forcĂ©ment dâune augmentation des fonds, ce pourcentage rĂ©vĂšle quâil existe un manque Ă gagner, un « Ă©cart persistant de financement de 30 % correspondant Ă des besoins non satisfaits ». DĂšs lors, cette nouvelle dĂ©marche pourrait reprĂ©senter une Ă©volution dĂ©cisive dans le secteur.
La planification et les processus de financement pluriannuels visent Ă tirer les leçons des crises passĂ©es. Aviles a pointĂ© lâincapacitĂ© du systĂšme humanitaire Ă intervenir prĂ©cocement, en citant la Corne (2011) et le Sahel (2012) comme exemples de ces crises multisectorielles prolongĂ©es, oĂč lâampleur des besoins exige une approche coordonnĂ©e afin dâaccroitre la couverture Ă la fois gĂ©ographique et sectorielle de lâaction.
Sur le plan des avantages, la prĂ©visibilitĂ© du financement peut accroitre la planification et la coordination parmi les parties prenantes, dâĂ©liminer les coĂ»ts rĂ©currents et de rĂ©duire les coĂ»ts opĂ©rationnels. En mĂȘme temps, il est clair que pour certains donateurs « cette approche se heurte Ă des obstacles institutionnels et juridiques » ; elle crĂ©e de plus des tensions concernant « la souplesse par opposition Ă la redevabilitĂ© ». En dĂ©finitive, la question se pose de savoir si le financement humanitaire devrait en fait financer des activitĂ©s relevant du dĂ©veloppement. De fait, dans ce sens, un participant a indiquĂ© que le financement humanitaire ne va pas nĂ©cessairement changer les situations chroniques, et que dâautres solutions sont requises.
La coordination sâaccrut entre tous les membres (bien quâelle fĂ»t entiĂšrement volontaire, et quâil y eĂ»t parfois des dĂ©doublements), lesquels mirent Ă lâessai une programmation collaborative, commune pour certains Ă©lĂ©ments du cycle du programme, notamment lâĂ©valuation et la logistique. Surtout, lâintervention dĂ©pendait elle aussi dâun financement commun. Cette expĂ©rience en programmation collaborative montra clairement aux agences participantes quâafin de coopĂ©rer efficacement sur un programme unique, elles devraient harmoniser leurs normes et leurs procĂ©dures dâopĂ©ration, clarifier leurs rĂŽles et leurs responsabilitĂ©s relatifs, et se mettre dâaccord Ă lâavance sur les procĂ©dures dĂ©cisionnelles et les mĂ©canismes dâallocation des fonds (ibid.).
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 67
ENCADRĂ 12 : TENDANCES FINANCIĂRES DANS LES FONDS DE FINANCEMENT COMMUNS Ă LâĂCHELON NATIONAL Les fonds de financement communs ont pour but dâapporter des fonds prĂ©visibles en temps utile pour rĂ©pondre aux besoins les plus critiques des populations vulnĂ©rables affectĂ©es par une crise humanitaire ou une catastrophe. Ils permettent Ă©galement de faciliter un financement coordonnĂ© qui est plus rĂ©actif par rapport Ă lâĂ©volution dâune crise. Un volume (mais pas une proportion) accru de financement humanitaire est canalisĂ© par ce type de fonds : en 2009, ils ont reçu 824 millions de dollars (soit 5 % du total de la rĂ©ponse humanitaire internationale) ; en 2010, ils ont reçu 1 milliard de dollars (soit 4,7 %).
CERF CHF ERF
Le CERF est une voie de financement gĂ©nĂ©rale consacrĂ©e aux rĂ©ponses financiĂšres en cas de nouvelles crises ou dâescalades soudaines et de situations dâurgence oubliĂ©es. En 2013, il a reçu 464 millions de dollars, affectĂ©s Ă 45 pays.
Seuls les agences onusiennes et lâOIM ont droit Ă ces fonds de financement communs, bien que les ONG mettent en Ćuvre un important pourcentage de projets financĂ©s par le CERF Ă titre dâintermĂ©diation.
En 2013, les principaux bénéficiaires en valeur absolue étaient :
âą Soudan: 47$ million
âą Syrie: 40$ million
âą Ăthiopie: 24$ million
Les CHF sont des voies de financement dans le pays consacrĂ©es au financement de projets prĂ©sentĂ©s dans les plans dâintervention coordonnĂ©s par lâONU. En 2013, ils ont reçu 382 millions de dollars ; leur importance relative varie dâun pays Ă lâautre.
Y ont droit lâONU et les ONG qui font partie de la ProcĂ©dure dâappel global (CAP).
En 2013, les principaux bénéficiaires étaient :
âą Soudan : 18 %
âą Soudan du Sud et en RDC : 11 % chacun
âą Somalie : 14 %.
Les fonds dâintervention dâurgence ou ERF sont des voies de financement nationales destinĂ©es Ă rĂ©pondre, au moyen de dons plus modestes, Ă des besoins imprĂ©vus en dehors des plans dâintervention coordonnĂ©s par lâONU. En 2013, ils ont reçu 178 millions de dollars ; leur importance relative varie dâun pays Ă lâautre.
Sont Ă©ligibles au titre de ces fonds les ONG nationales et internationales.
En 2013, les principaux bĂ©nĂ©ficiaires de lâensemble du financement Ă©taient :
âą Pakistan: 10 %
âą Ăthiopie: 9 %
âą YĂ©men: 7 %.
Source: Swithern (2014).
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Dans de nombreux cas, les donateurs vont au-delĂ dâun financement commun et font de lâadhĂ©sion Ă un rĂ©seau ou Ă un groupe officiel une condition dâobtention des fonds (voir par ex. Goyder et James, 2002 ; GrĂŒnewald et coll., 2010). LĂ encore, les bailleurs de fonds se servent du financement pour encourager la collaboration, quoique de maniĂšre plus officielle.
Les divers fonds de financement communs constituent un autre groupe de mécanismes de financement qui influence le degré de coopération entre les organisations.
Les fonds de financement communs offrent de la souplesse, et dans lâidĂ©al permettraient dâaccĂ©lĂ©rer les versements et dâallĂ©ger le fardeau de la prĂ©sentation des informations. Constituent-ils pour autant un outil efficace pour amĂ©liorer la performance via la coopĂ©ration ? Câest la question quâa posĂ©e Ă Berlin le prĂ©sident du groupe sur le financement.xc
Les Ă©valuations de divers fonds de financement communs donnent Ă penser quâils ont eu des effets positifs sur le degrĂ© de coopĂ©ration des organisations, en amĂ©liorant la coordination.
Le rapport final dâĂ©valuation quinquennale du CERF (Cosgrave et coll., 2011 : 58) relĂšve que, en Afghanistan, il a « contribuĂ© Ă renforcer la coordination ». Au Burkina Faso et au Lesotho, le CERF « a permis dâappliquer une stratĂ©gie dâagences et de partenaires multiples Ă la fois Ă lâĂ©valuation et Ă la mise en Ćuvre, ce qui a amĂ©liorĂ© la coordination des activitĂ©s humanitaires et a eu pour rĂ©sultat une couverture meilleure et plus ciblĂ©e » (ibid. : 76). Au Kenya, il a « amĂ©liorĂ© la coordination au niveau de lâEHP [...] ainsi que la coordination sectorielle et le partenariat [avec le] gouvernement » (ibid. : 74) ; au Salvador, il a « favorisĂ© la coopĂ©ration entre les agences onusiennes, les pouvoirs publics et les ONG » (ibid. : 70) ; en Mongolie, il aurait « renforcĂ© la coordination et les mĂ©canismes de partage de lâinformation » (ibid. : 79) ; enfin, en RCA, il a « encouragĂ© davantage dâĂ©changes et de coordination entre les agences » (ibid. : 65). Sâagissant des effets du CERF sur les partenariats, les donnĂ©es « sont moins concluantes, bien quâils [les effets] se fassent davantage sentir en RCA que dans le reste du monde » (ibid.: 65).
Selon une Ă©valuation rĂ©alisĂ©e au Soudan, le CHF « agissait comme un lubrifiant amĂ©liorant la coordination » (Goyder, 2011 : 4). Toutefois, lâaffectation de fonds est source de tensions et de rivalitĂ©s autour des ressources et « parfois le CH est allĂ© contre les conseils du groupe consultatif sur le CHF. Ces cas fragilisent les principes du partenariat sur lequel repose le CHF et ont Ă©tĂ© fustigĂ©s par de nombreuses personnes interrogĂ©es » (ibid. : 23).
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LâĂ©valuation globale des ERFxci (Bojanic et coll., 2013 : ii-iii) indique quâils ont « comblĂ© des lacunes sĂ©lectives et contribuĂ© ainsi Ă la rĂ©alisation des objectifs humanitaires [âŠ] [et entraĂźnĂ©] une contribution limitĂ©e mais importante au renforcement de la coordination et du leadership ». Selon lâĂ©valuation, lâun des principaux atouts communs des cinq fonds passĂ©s en revue est quâils « promouvaient une coordination accrue » (ibid. : 11). Plus prĂ©cisĂ©ment, ils servent Ă encourager le CH Ă jouer un rĂŽle actif dans la coordination interinstitution (ibid. : 14 ; italique ajoutĂ©), identifiĂ©e comme une des principales pratiques de rĂ©fĂ©rence, ils jouent un [rĂŽle] actif dans la coopĂ©ration informelle avec les agences publiques pour assurer la coordination et la congruence (ibid. ; italique ajoutĂ©). Pour autant, « les donnĂ©es sont mitigĂ©es, les rĂ©sultats de perception interne dâOCHA Ă©tant plus optimistes que les donnĂ©es issues des entretiens semblent lâindiquer Ă lâĂ©chelon mondial et national » (ibid. : 35).
Dans lâĂ©valuation 2 de lâapproche des clusters, Steets et ses collaborateurs (2010 : 39) concluent que, « Ă ce jour, les interactions entre clusters et mĂ©canismes financiers ont Ă©tĂ© pour la plupart trĂšs positives, mais les exemples nĂ©gatifs soulignent des risques non nĂ©gligeables. » Le risque le plus souvent citĂ© est la possibilitĂ© de conflit interne Ă un groupe que crĂ©e le financement : canaliser les fonds par des groupes qui existent pour soutenir la coordination peut « sâavĂ©rer contreproductif parce que [cela] peut crĂ©er des conflits entre [âŠ] les membres [du groupe], entraĂźner du maquignonnage au niveau de la sĂ©lection des propositions et susciter des conflits dâintĂ©rĂȘt (ibid.: 14). Les tensions crĂ©Ă©es par le financement ont Ă©tĂ© constatĂ©es dans les rĂ©seaux et les consortiums dâONG (Goyder et James, 2002 ; Scriven, 2013 ; Wilson, 2010) ainsi que dans les Clusters (De Silva et coll., 2006 ; Kuitems, 2009). Une des consĂ©quences particuliĂšrement nĂ©fastes de lâallocation de fonds via des groupes de coordination est le renforcement de lâimpression quâun type prĂ©cis dâorganisation domine le groupe. Le fait que seules les agences onusiennes aient accĂšs au CERF, par exemple, peut avoir donnĂ© lâimpression Ă certains acteurs que les Clusters (qui participent souvent aux demandes et Ă lâallocation de fonds au titre du CERF) « appartiennent » Ă lâONU.
Les questions entourant le contrĂŽle des fonds, qui y a accĂšs et comment ils sont allouĂ©s, dĂ©passent le cadre des fonds de financement communs. Lors de la rĂ©union, la concurrence pour accĂ©der aux fonds a souvent Ă©tĂ© dĂ©crite comme un dĂ©fi Ă toute action coordonnĂ©e et collaborative. Ce qui distingue peut-ĂȘtre les fonds de financement communs câest quâils coordonnent non seulement lâactivitĂ© des agences opĂ©rationnelles, mais aussi celles des donateurs : en mettant les ressources dans un fonds commun, les bailleurs abandonnent une certaine autonomie en faveur dâĂ©ventuelles amĂ©liorations sur le plan de lâefficacitĂ© et de lâefficience. De plus, Ă lâinstar dâautres aspects de la coordination humanitaire, les agences (en lâoccurrence les organismes de donateurs) diffĂšrent dans leur dĂ©marche et dans leur appĂ©tit
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pour la coordination. Certains pays donnent beaucoup aux fonds de financement communs ; dâautres prĂ©fĂšrent garder le financement sous leur propre contrĂŽle â dans certaines situations, du moins, « pour intĂ©grer le financement humanitaire Ă leur politique Ă©trangĂšre », a indiquĂ© un participant. Lâun des intervenants est clair Ă ce sujet :xcii « Il est Ă©vident que certains des Ătats membres contrĂŽlent ou souhaitent contrĂŽler strictement ce qui se passe avec leur argent, plutĂŽt que le verser dans un fonds commun oĂč il est sans affectation et Ă cause duquel ils perdent le contrĂŽle de leur argent. » Anke Reiffenstuel renchĂ©rit : « Du point de vue des bailleurs, les fonds de financement communs sont trĂšs convaincants lorsque nous parlons de principes humanitaires de neutralitĂ© et dâintĂ©rĂȘts [...] pas dâaffectation, pas dâĂ©tiquette. »xciii AAhmed Abdi de Somali Aid a prĂ©sentĂ© un exemple somalien concret oĂč lâappauvrissement dâun fonds commun de bailleurs, notamment en 2014, pourrait ĂȘtre attribuĂ© Ă une tendance Ă sâĂ©loigner de lâaide fondĂ©e sur le principe des besoins pour fournir lâaide dans le cadre des politiques Ă©trangĂšres.
Un autre effet nĂ©gatif du financement peut se faire sentir lorsque les groupes de coordination finissent par sâen prĂ©occuper Ă lâexclusion des autres problĂ©matiques. Il se peut ainsi que des organisations qui bĂ©nĂ©ficient dĂ©jĂ de fonds en provenance dâautres sources et qui pourraient ĂȘtre intĂ©ressĂ©es par la coordination cessent de vouloir y participer (Altay et Labonte, 2014 ; Culbert, 2011 ; Humphries, 2013).
La lenteur des versements des fonds communs peut Ă©galement avoir un effet dissuasif sur la coordination et la collaboration : lâĂ©valuation du CHF indique que les longs dĂ©lais entre la soumission et les dĂ©caissements excluent les organisations qui dĂ©pendent des financements externes pour lancer des interventions. Les discussions de Berlin ont reconnu que les retards Ă©taient un frein Ă lâefficacitĂ© des interventions. Lâun des intervenants a affirmĂ© que « la durĂ©e globale pour les fonds de financement communs dans le pays Ă©tait aux alentours de 51 jours », ce qui, en fonction du type de crise â et notamment dans le cas des situations dâurgence Ă survenue rapide â peut sâavĂ©rer prĂ©judiciable. De tels dĂ©lais peuvent affecter de maniĂšre disproportionnĂ©e les acteurs â nationaux, notamment â dĂ©nuĂ©s de ressources.
En effet, si dans lâensemble les mĂ©canismes de financement en commun semblent favoriser la coordination parmi les acteurs internationaux, les acteurs nationaux ont toujours du mal Ă participer en tant que partenaires ou membres de rĂ©seaux ou groupes financĂ©s. Les financements sont moins accessibles aux acteurs nationaux, soit parce que ces derniers sont directement exclus des appels Ă soumission (câest le cas des fonds de financement communs dans le pays, auxquels nâont accĂšs que les agences onusiennes et les ONG qui ont dĂ©jĂ Ă©tĂ© validĂ©es dans le cadre de la CAP), soit en raison des coĂ»ts de procĂ©dure Ă©levĂ©s liĂ©s Ă la soumission et Ă la prĂ©sentation de lâinformation par rapport aux conditions des donateurs
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Une Ă©tude rĂ©cente rĂ©vĂšle cependant que si 42 % des ONG nationales consultĂ©es citaient les « contraintes administratives », comme Ă©tant un important obstacle Ă lâobtention dâun financement, 91 % ont dit que lâignorance des sources de financement disponibles Ă©tait le principal obstacle (Poole, 2013 : 14). La participation Ă des mĂ©canismes de coordination peut sensibiliser davantage les ONG nationales aux possibilitĂ©s de financement â mais elle ne supprime pas pour autant les autres contraintes liĂ©es Ă lâaccĂšs aux fonds par ces voies.
Certains participants ont soulignĂ© la nĂ©cessitĂ© dâĂ©viter les conflits dâintĂ©rĂȘts en sĂ©parant la coordination, le financement et les structures de mise en Ćuvre. La viabilitĂ© et la compatibilitĂ© avec les structures de gouvernance humanitaire actuelles nĂ©cessiteraient une analyse contexte par contexte, mais le dĂ©bat continue.
5.3 Normes, recommandations et procédures
Dans le secteur humanitaire, les normes techniques, celles de redevabilitĂ© et les procĂ©dures communes offrent des orientations qui peuvent permettre Ă des acteurs trĂšs diffĂ©rents de travailler de maniĂšres similaires. Elles crĂ©ent des points communs dans lâaction menĂ©e au sein des projets et des programmes des diffĂ©rents acteurs (selon la terminologie adoptĂ©e dans la section 2, elles permettent aux organisations de « sâaligner »). De plus, elles peuvent permettre de bĂ©nĂ©ficier des avantages de la coordination sans quâil soit nĂ©cessaire dâavoir des structures dâorganisation communes.
Ces « façons communes de faire les choses » diffĂšrent considĂ©rablement dans leur degrĂ© de spĂ©cificitĂ©. Les normes et les orientations internationales ou les orientations gĂ©nĂ©rales en matiĂšre de procĂ©dures tendent Ă ĂȘtre moins spĂ©cifiques afin dâĂȘtre applicables Ă une variĂ©tĂ© de contextes. Une norme internationale sur lâhĂ©bergement, par exemple, pourrait espĂ©rer que « les populations aient suffisamment dâespace de vie couvert leur fournissant confort thermique, de lâair frais et une protection contre les intempĂ©ries » (The Sphere Project, 2011: 258). En revanche, des recommandations en la matiĂšre approuvĂ©es par un rĂ©seau national ou un cluster seront plus susceptibles de spĂ©cifier les matĂ©riaux, la taille et le style prĂ©cis des abris. De mĂȘme, les orientations relatives aux procĂ©dures dâĂ©valuation ou de suivi seront contextualisĂ©es et rendues plus spĂ©cifiques dans chaque cas (Knox Clarke et Darcy, 2014). Il se peut que les organisations prĂ©fĂšrent adopter des normes plus larges, plus globales que des accords locaux plus spĂ©cifiques et plus directeurs. Pour autant, au fur et Ă mesure que des groupes ou paires dâorganisations passent de la communication Ă la collaboration, elles ont plus de chances de convenir de procĂ©dures plus spĂ©cifiques leur permettant de rĂ©glementer des activitĂ©s particuliĂšres dans un contexte prĂ©cis (Staples, 2011).
72 ALNAPĂTUDE
Les normes et les recommandations diffĂšrent par ailleurs au niveau des mĂ©canismes utilisĂ©s pour encourager leur adoption. Dans certains cas, lâadoption est purement volontaire : dans dâautres, un degrĂ© de pression de lâentourage peut intervenir. Câest souvent le cas, semble-t-il, avec les orientations Ă©manant des clusters nationaux : nâĂ©tant pas obligatoires, elles ne sont pas toujours suivies (on trouvera des exemples de ce type chez Altay et Labonte, 2014, et Kuitems, 2009). Parfois, il peut exister un systĂšme externe de vĂ©rification et de certification de la conformitĂ© : le financement des bailleurs peut, dans certains cas, ĂȘtre conditionnĂ© Ă une telle certification.
Lâun des ensembles de normes qui ces dix derniĂšres annĂ©es a le mieux rĂ©ussi Ă favoriser lâaction commune est celui des standards minimums de lâintervention humanitaire du Projet SphĂšre. Un large Ă©ventail dâacteurs humanitaires ont acceptĂ© et adoptĂ© ces standards volontaires. Dans maints pays, les acteurs locaux les ont traduits, et une sĂ©rie de normes connexes ont adoptĂ© leur format et leur dĂ©marche.
Outre quâils permettent un degrĂ© plus large (quoiquâassez souple) de connexion dans lâaction internationale, les standards de SphĂšre peuvent servir de base et de point de dĂ©part Ă une coopĂ©ration et Ă une harmonisation plus charpentĂ©es. Par exemple, au lendemain du tremblement de terre en HaĂŻti de 2010 et de la crise de la sĂ©cheresse de 2011 dans la Corne dâAfrique, un groupe variĂ© dâacteurs a participĂ© aux discussions avec les autoritĂ©s publiques afin dâexaminer les normes techniques et de les appliquer Ă chaque contexte. En HaĂŻti et en Ăthiopie, les membres du cluster WASH se sont mis dâaccord pour sĂ©parer les phases dâurgence et de relĂšvement Ă lâaide du standard minimum de SphĂšre relatif Ă lâapprovisionnement quotidien en eau par personne dans les phases dâurgence de lâintervention. Ils ont en outre convenu dâĆuvrer de concert pour accroitre les quantitĂ©s dâeau fournies lors de la transition vers le relĂšvement.
Cependant, si les normes peuvent rassembler les organisations, elles sont Ă©galement soumises aux tendances Ă la fragmentation que lâon observe dans le secteur. Alors que des normes communes ou gĂ©nĂ©riques peuvent ĂȘtre adaptĂ©es afin dâĂȘtre applicables dans des organisations et des pays spĂ©cifiques, chaque adaptation peut Ă la longue devenir autonome. Ainsi, un nombre trĂšs Ă©levĂ© de normes spĂ©cifiques Ă des organisations ont-elles vu le jour. Lâinitiative conjointe rĂ©cente sur les standards avait pour but de relever ce dĂ©fi par la crĂ©ation dâun Standard humanitaire commun. Au moment de la rĂ©daction de ce rapport, celui-ci vient dâĂȘtre lancĂ© : il sera intĂ©ressant de voir quel effet ce standard commun aura sur la coopĂ©ration entre les organisations.
LâAlliance of Sphere Advocates in the Philippines (ASAP) est une coalition dâorganisations qui travaillent la main dans la main sur lâadhĂ©sion aux standards dans les interventions humanitaires. Roderick Valones,xcv de Lutheran World Relief, lâune des organisations fondatrices, a prĂ©sentĂ© son cas Ă Berlin. Il a expliquĂ© que, lors de lâorientation sur les standards de SphĂšre pour les familles affectĂ©es par les inondations en 2012, une personne a posĂ© la question : « Pourquoi maintenant, pourquoi seulement lors dâune intervention dâurgence ? » Câest ainsi quâest nĂ©e lâASAP, composĂ©e Ă lâorigine de trois organisations membres soutenues par SphĂšre, dont les six standards essentiels incluent la coordination et la collaboration comme Ă©lĂ©ment critique de lâefficacitĂ© des interventions humanitaires. En 2013, lâASAP comptait 10 membres ; en 2014, elle en avait 18 et ambitionnait dâintĂ©grer les standards de SphĂšre dans les programmes des pouvoirs publics et de la sociĂ©tĂ© civile de prĂ©paration et de rĂ©duction des risques de catastrophes, ainsi que dans les initiatives du secteur privĂ©.
Roderick a relevĂ© deux exemples dâamĂ©lioration de la qualitĂ© et de la redevabilitĂ© dans les groupes et les agences qui participent Ă lâASAP. Premier exemple, lâalignement fondĂ© sur les standards de SphĂšre a permis de munir les familles touchĂ©es par des catastrophes et impliquĂ©es dans des activitĂ©s de gestion des dĂ©chets dâĂ©quipements de protection, et de reconnaitre leur travail en leur fournissant une piĂšce dâidentitĂ©. DeuxiĂšme exemple, lâamĂ©lioration coordonnĂ©e de la qualitĂ© de lâassistance fournie via les activitĂ©s du programme dâhĂ©bergement.
Enfin, Roderick a soulignĂ© que lâASAP avait encouragĂ© une vĂ©ritable coordination et collaboration, et lâun des enseignements tirĂ©s avait Ă©tĂ© la prise de conscience que ses meilleurs rĂ©sultats avaient Ă©tĂ© obtenus grĂące Ă une action soutenue, au-delĂ des rĂ©actions aux situations dâurgence.
EXEMPLE 3
COMMENT LâALLIANCE DES PROMOTEURS DE SPHĂRE AUX PHILIPPINES AMĂLIORE LA QUALITĂ ET LA REDEVABILITĂ GRĂCE Ă LA DIFFUSION DES STANDARDS DE SPHĂRE
74 ALNAPĂTUDE
6. Conclusions
Les retours reçus des personnes qui ont participĂ© Ă la 30e rĂ©union annuelle dâALNAP Ă Berlin ont soulignĂ© lâimportance de ce sujet et ont vantĂ© lâexplicitation du contenu et des discussions. Le fait que la rĂ©union ait rĂ©uni « une diversitĂ© de points de vue sur une question qui nous [les humanitaires] concerne tous » a Ă©tĂ© particuliĂšrement apprĂ©ciĂ© . Le prĂ©sent document reflĂšte cette mixitĂ© des parties prenantes â large Ă©ventail dâacteurs, bailleurs, responsables de la mise en Ćuvre, ONU et chercheurs â qui Ă Berlin a Ă©tĂ© soulignĂ©e comme une force, notamment « lâinclusion dans la rĂ©union de voix et points de vue variĂ©s, y compris ceux de nombreux orateurs issus du Sud et du terrain ».xcvii
En mĂȘme temps, la grande variĂ©tĂ© de relations organisationnelles examinĂ©eâ partenariats bilatĂ©raux, rĂ©seaux, organes de coordination officiels et processus conduisant Ă une meilleure coordination â rend difficile dâĂ©tablir un modĂšle unique des « pratiques efficaces ». En nous appuyant sur les pratiques prĂ©cises qui se sont avĂ©rĂ©es fructueuses pour les types particuliers de coordination et de collaboration abordĂ©s dans les sections prĂ©cĂ©dentes, nous tenterons Ă prĂ©sent dâexaminer certains points gĂ©nĂ©raux qui ont paru sous-tendre bon nombre des discussions.
Le premier point qui se dĂ©gage de la rĂ©union est, tout simplement, que les relations entre organisations sont si dĂ©terminantes pour lâensemble du secteur humanitaire que toute discussion Ă leur sujet devient une discussion sur les forces, les
potentiels et les faiblesses du « systĂšme » humanitaire lui-mĂȘme. En particulier, ces discussions font ressortir nettement trois des principales caractĂ©ristiques de lâaction humanitaire :
1. le nombre dâacteurs impliquĂ©s dans la prĂ©paration et lâintervention humanitaire
2. la grande diversitĂ© parmi ces acteurs, tant au niveau de la reprĂ©sentation et des opinions des groupes (en particulier lâabsence de consensus parmi eux sur ce quâest lâaction humanitaire, ce qui entraĂźne de grandes diffĂ©rences au niveau des prioritĂ©s et des objectifs)
3. lâexistence de relations de pouvoir et de dĂ©sĂ©quilibres considĂ©rables dans le secteur.
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 75
Sur cette toile de fond, il peut ĂȘtre ardu de dĂ©terminer si la coordination est
un moyen dâatteindre un objectif â une façon de rĂ©pondre aux besoins des
populations plus efficacement â ou si elle est une fin en soi. Lors des dĂ©bats sur les relations entre acteurs internationaux, la coordination avait tendance Ă ĂȘtre vue comme un moyen de parvenir Ă un but : une relation pour lâessentiel transactionnelle dans laquelle les avantages Ă court terme lâemportaient sur les coĂ»ts Ă court terme. Or, lorsquâelles examinaient les relations entre acteurs internationaux et nationaux, les discussions penchaient vers les aspects moraux et normatifs de la coopĂ©ration, et le potentiel Ă plus long terme ou en terme de dĂ©veloppement de ces relations, ainsi que sur leur valeur immĂ©diate en terme dâefficacitĂ© de lâintervention.
Une question connexe a Ă©tĂ© soulevĂ©e Ă plusieurs reprises lors de la rĂ©union : quelle quantitĂ© de coordination est-elle suffisante ? Lorsque celle-ci Ă©tĂ© vue comme une fin en elle-mĂȘme, la rĂ©ponse Ă©tĂ© en gĂ©nĂ©ral : « plus il y a de coordination, mieux câest », ce qui semble ĂȘtre la supposition de dĂ©faut dans bon nombre de conversations sur le sujet. Les groupes et les discussions ont toutefois laissĂ© entendre quâil Ă©tait possible dâavoir « trop de coordination », lorsque ses coĂ»ts en temps et en rapiditĂ©, ainsi que la perte dâindĂ©pendance et la diversitĂ© dâopinion, lâemportaient sur les avantages. Câest le cas en particulier lorsquâune organisation attache plus dâimportance aux avantages opĂ©rationnels Ă court terme quâĂ ceux de dĂ©veloppement Ă long terme.
Ces conceptions divergentes de lâintĂ©rĂȘt potentiel dâune relation dĂ©montrent combien les perceptions sont importantes pour la rĂ©ussite de la coordination et autres alliances entre organisations. Les perceptions sâobservent Ă plusieurs niveaux. DiffĂ©rents acteurs auront des perceptions diffĂ©rentes du sens du terme « coordination » â en fonction de sa valeur et de la quantitĂ© de ressources Ă consacrer Ă une Ă©ventuelle relation, par exemple. De plus, ils risquent de ne pas avoir les mĂȘmes idĂ©es de ce Ă quoi ressemble une « bonne » action humanitaire, et ainsi de fixer des objectifs diffĂ©rents pour les partenariats ou les relations de coordination. Enfin, ils risquent de se faire des idĂ©es prĂ©cises dâautres groupes (ONU, gouvernements ou le secteur privĂ©, par exemple) ce qui peut faciliter ou freiner lâefficacitĂ© de la coordination. La clartĂ© autour de ces perceptions et de ces hypothĂšses (souvent non vĂ©rifiĂ©es) devrait former la base de relations plus stables.
Les expĂ©riences Ă©changĂ©es au cours des nombreuses sessions permettent Ă©galement de penser que la confiance est importante, puisque les besoins de souplesse et de transparence sur la façon dont les dĂ©cisions sont prises (et les ressources affectĂ©es, obtenues et contrĂŽlĂ©es) ont Ă©tĂ© rĂ©itĂ©rĂ©s dans les discussions de Berlin. Le dĂ©fi Ă relever est donc de renforcer la confiance dans les courts dĂ©lais qui caractĂ©risent une grande partie de lâaction humanitaire (ou du moins une grande partie du financement humanitaire).
76 ALNAPĂTUDE
Enfin, les participants Ă la rĂ©union ont constamment soulignĂ© lâimportance du pouvoir. De nombreux « partenariats » bilatĂ©raux sont davantage mis en place sous la forme de contrats de sous-traitance entre un puissant dĂ©tenteur de fonds et un organisme de mise en Ćuvre plus faible. De mĂȘme, les groupes de coordination peuvent servir les intĂ©rĂȘts du membre ou organe le plus puissant assurant la coordination. Dans ces situations, ledit coordinateur exerce un contrĂŽle sur le reste du groupe, ou utilise le forum pour obtenir des renseignements pour son propre usage. Dans la plupart des cas abordĂ©s lors de la rĂ©union, câĂ©taient les organes internationaux qui dĂ©tenaient le pouvoir dans ces relations. Il y a lieu nĂ©anmoins de veiller Ă ne pas rĂ©duire ces rapports de force Ă un dĂ©bat « international-national ». Nous sommes en rĂ©alitĂ© confrontĂ©s Ă un dĂ©bat sur les niveaux relatifs de pouvoir et comment celui-ci est utilisĂ© : dans certains cas, les Ătats, voire les ONG nationales puissantes, pourraient eux aussi utiliser les partenariats et la coordination de cette maniĂšre.
Curieusement, il ressort de certaines conversations entendues Ă la rĂ©union que les structures sont peut-ĂȘtre moins importantes quâon ne lâa pensĂ© en gĂ©nĂ©ral. Les structures inter-organisations formelles (clusters, Ă©quipes, rĂ©seaux, partenariats, etc.) ont tendance Ă avoir Ă©tĂ© la stratĂ©gie de coordination humanitaire par dĂ©faut. Cependant, ces approches structurelles exigent parfois beaucoup de ressources et sont assez rigides. Le recours Ă des normes, outils et procĂ©dures communs pourrait offrir des moyens alternatifs de parvenir Ă une action coordonnĂ©e efficace â câest une approche qui semble gagner du terrain dans le secteur humanitaire.
Sur quelle voie cette discussion nous mĂšnera-t-elle donc dans les prochaines annĂ©es ? Nous avons demandĂ© aux participants quelle Ă©tait la performance du systĂšme en termes dâactivitĂ© coordonnĂ©e, commune et conjointe. En gĂ©nĂ©ral, ils Ă©taient conscients des dĂ©fis considĂ©rables Ă venir, mais ils se montraient aussi assez optimistes. On constate depuis dix ans une importante Ă©volution : une action plus coordonnĂ©e ; des efforts pour sâĂ©loigner de plus en plus de lâapproche « Ă lâemporte-piĂšce » ; une plus grande reconnaissance du rĂŽle de la sociĂ©tĂ© civile et des acteurs nationaux ; un constat commun de dĂ©sĂ©quilibres de pouvoir au sein du secteur et de rĂ©elles tentatives de les rĂ©soudre. Les limites de lâaction humanitaire continuent dâĂȘtre repoussĂ©es et, avec des besoins humanitaires prĂ©vus Ă la hausse dans les annĂ©es Ă venir, la coordination sur le terrain restera un sujet critique mais Ă©pineux au cĆur des prioritĂ©s humanitaires.
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 77
7. Notes
i Lâattribution de ce concept est disputĂ©e entre A.H. Maslow (1966) et A. Kaplan (1964) et on sây rĂ©fĂšre Ă©galement sous le nom de loi de lâinstrument.
ii Elias Sagmeister, Global Public Policy Institute, session Comment Ă©valuer les approches de partenariat et de collaboration
iii Ulrike Von Pilar, chargĂ©e dâaffaires humanitaires, Ă MĂ©decins Sans FrontiĂšres, Allemagne, au Groupe inaugural lors de la 30e rĂ©union annuelle de lâALNAP
iv Le terme fait rĂ©fĂ©rence Ă Henry Dunant, celui qui a inspirĂ© la crĂ©ation du ComitĂ© international de la Croix-Rouge. Il dĂ©note gĂ©nĂ©ralement les organisations dont les stratĂ©gies et opĂ©rations sont principalement influencĂ©es par les principes humanitaires dâhumanitĂ©, de neutralitĂ©, dâimpartialitĂ© et dâindĂ©pendance.
v Bien quâil soit lĂ©gitime de se demander Ă quel point ces diverses approches culturelles de lâaction humanitaire diffĂšrent rĂ©ellement. En effet, comme câest souvent le cas dans ce type de situation, il est possible que ces diffĂ©rences aient Ă©tĂ© exagĂ©rĂ©es et que les rapports en commun, eux, aient Ă©tĂ© ignorĂ©s. Voir, par exemple, les commentaires faits dans lâESH 2012 (ALNAP, 2012) sur les similaritĂ©s entre les principes soutenus par les organisations humanitaires islamiques et les principes de conduite Ă©tablis par la FĂ©dĂ©ration internationale des SociĂ©tĂ©s de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge et les ONG dans leur programmes de rĂ©ponse Ă une situation de catastrophe humanitaire.
vi ACF (faisant partie de RRM), ACTED (RRM), AHA, Caritas Bouar, Caritas Kaga Bandoro, COHEB, COOPI, DRC, FCA, Intersos, IRC (RRM), NRC (RRM), Plan, PU-AMI (RRM), SCI. Solidarites (RRM), UNICEF et Yamacuir
vii Voir encadrĂ© 4 sur lâĂ©valuation de la coordination pour un dĂ©bat des critĂšres du CAD, OCDE et de leurs limites.
viii Dans le cadre de lâAppel de la Coalition humanitaire pour la sĂ©cheresse en Afrique de lâEst rĂ©unissant CARE, Oxfam Canada, Oxfam QuĂ©bec, Plan et Save the Children.
ix Par exemple, lâANALP produit et diffuse les leçons apprises au cours de catastrophes de natures diverses. Voir http://www.alnap.org/what-we-do/lessons pour plus de dĂ©tails.
x Pour de plus amples informations sur la situation de Vanuatu et dâautres pays, voir https://www.youtube.com/watch?list=PLdj_WJXmfmz496eoFSfQtO1vWlKCf79fJ&v=DsRnsZYA5iY
xi Voir « Your Story in 5 », Louise Mooney, Oxfam Australie video pour de plus amples détails.
xii Ăcoutez le sound cloud de cette session dans lequel figure des exemples du Liban et de Jordanie fournis par Save the Children, le ComitĂ© international de secours, la Croix-Rouge amĂ©ricaine, Mercy Corps et lâAgence des Nations Unies pour les rĂ©fugiĂ©s. http://www.alnap.org/what-we-do/effectiveness/meeting-2015
xiii Si la viabilitĂ© est lâun des critĂšres de lâOCDE-CAD, il est nĂ©anmoins important de remarquer quâĂ ce jour, il nâexiste pas de consensus sur la façon dont lâaction humanitaire devrait subvenir aux besoins Ă long terme (Beck, 2006) et que les rĂ©ponses Ă ces questions varient en fonction des individus.
xiv Emmanuel Tommy, Croix-Rouge en Sierra Leone, session Le rĂŽle des gouvernements dans la coordination dâurgence
xv Carla Lacerda, coordinatrice du groupe de travail sur la programmation monétaire au Liban, session Travailler ensemble autour des réponses monétaires et de celles fondées sur le marché
xvi Communication personnelle, août 2014
xvii Nurhaida Rahim de lâinitiative de partenariat syrienne, session sur RĂ©seaux et coalitions dâONG au niveau national
xviii Nurhaida Rahim de lâinitiative de partenariat syrienne, session sur RĂ©seaux et coalitions dâONG au niveau national
78 ALNAPĂTUDE
xix John Cosgrave, consultant indépendant, session sur Comment évaluer les approches de partenariat et de collaboration
xx DâaprĂšs Knox Clarke et Campbell (2015). Le phĂ©nomĂšne de variĂ©tĂ© des degrĂ©s de coordination dans le secteur humanitaire est tirĂ© dâautres travaux (GrĂŒnewald et al., 2010; Staples, 2011).
xxi Pour des détails supplémentaires et pour accéder aux publications, voir http://www.aidmi.org/publications.aspx
xxii Groupe inaugural de la 30e rĂ©union annuelle de lâANALP
xxiii Anne Luzot, Programme alimentaire mondial, session sur Comment Ă©valuer les approches de partenariat et de collaboration
xxiv La session complĂšte est disponible Ă lâĂ©coute sur sound cloud, session 1.3, ici : http://www.alnap.org/overlay/36
xxv Josse Gillijns, Fédération internationale de la Croix-Rouge, session Comment évaluer les approches de partenariat et de collaboration
xxvi Anne Luzot, Programme alimentaire mondial, session Comment Ă©valuer les approches de partenariat et de collaboration
xxvii Les critĂšres du CAD, OCDE se basaient initialement sur la nĂ©cessitĂ© dâintervenir dans les situations de dĂ©faillance de projets de dĂ©veloppement les plus courantes dans les annĂ©es 1970 et 1980. Au cours des situations dâurgence complexes des annĂ©es 90 et au regard de leur ampleur et de leur magnitude, le critĂšre clĂ© de la couverture fut ajoutĂ© aux critĂšres initiaux de lâĂ©valuation dâinterventions humanitaires. La mĂȘme chose se produit pour la cohĂ©rence, au vu des liens entre action humanitaire et politique quâont rĂ©vĂ©lĂ© certaines de ces urgences complexes dans les annĂ©es 90.
xxviii Pour plus de détails, voir http://foodsecuritycluster.net/working-group/programme-quality-working-group
xxix En entreprenant ensemble de rĂ©soudre les problĂšmes posĂ©s par la coordination de leurs projets, les partenaires sont parvenus Ă simplifier le partage dâinformations. Ceci a permis dâamĂ©liorer la quantitĂ© et la qualitĂ© des informations, ce qui en Ă©change a facilitĂ© le partage et lâanalyse transversale entre secteurs : les outils Ă©voluent et sâamĂ©liorent constamment Ă mesure quâils sont ajustĂ©s et que lâon tire les leçons de notre expĂ©rience, sans que lâon se rĂ©invente Ă perte. En effet, pour chaque urgence, le point de dĂ©part se situe Ă un niveau plus avancĂ©.
xxx Lisa Monaghan, conseillĂšre Ă la protection et Ă la promotion, Organisation norvĂ©gienne dâșaide aux rĂ©fugiĂ©s du Soudan du Sud, session Le systĂšme de coordination de lâșIASC : pays humanitaire Ă©quipes, IcCMS et clusters
xxxi Koorosh Raffii, spĂ©cialiste des situations dâurgence, Fonds de lâONU pour lâenfance, session Les mĂ©canismes de financement communs au niveau des pays
xxxii Une initiative dâapprentissage et de responsabilisation multi-organisationnelle Ă©tablie en fĂ©vrier 2005 et organisĂ©e par le SecrĂ©tariat dâANALP.
xxxiii Pour de plus amples dĂ©tails sur lâapproche de lâĂ©valuation de catastrophes par Contribution au changement, voir : http://policy-practice.oxfam.org.uk/publications/contribution-to-change-an-approach-to-evaluating-the-role-of-intervention-in-di-305537
xxxiv Pour plus dâinformations sur le cadre de qualitĂ© et de responsabilitĂ© du DEC et sur ses initiatives, voir http://www.dec.org.uk/about-dec/how-we-ensure-quality
xxxv Vous trouverez plus dâinformations Ă ce sujet sur http://parcelproject.org/
xxxvi Concern Worldwide, MercyCorps US, Save the Children International, Tearfund, World Vision International, Action Contre la Faim et cinq affiliĂ©s dâOxfam.
xxxvii « La souverainetĂ©, lâșintĂ©gritĂ© territoriale et lâșunitĂ© nationale des Ătats doivent absolument ĂȘtre respectĂ©es en accord avec la Charte des Nations Unies [...] Chaque Ătat a pour responsabilitĂ© premiĂšre de prendre en charge les victimes de catastrophes naturelles et dâșautres situations dâșurgence prenant place sur leur territoire ». Pour le texte complet, voir http://daccess-dds-ny.un.org/doc/RESOLUTION/GEN/NR0/584/92/IMG/NR058492.pdf?OpenElement
xxxviii Charles Antoine Hoffman, expert-conseiller thĂ©matique, World Humanitarian Summit, session Le rĂŽle des gouvernements dans la coordination dâurgence
xxxix Voir le rapport dâĂ©valuation et la gestion de la rĂ©ponse Ă lâĂ©valuation pour plus de dĂ©tails : www.oxfamintermon.org/es/documentos/21/08/14/evaluacion-final-interna-republica-dominicana-mayo-2014-echo
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 79
xl Communication personnelle, Kevin Misenheimer, Service des forĂȘts des Ătats-Unis, dĂ©cembre 2014. Parmi les pays utilisateurs de ces systĂšmes se trouvent le Bangladesh, lâĂthiopie et les Philippines.
xli En effet, Harvey (2010) suggĂšre que, mĂȘme lorsquâils ne travaillent pas avec lâĂtat (parce que lâĂtat est impliquĂ© dans la crĂ©ation de la situation humanitaire, par exemple), les acteurs internationaux devraient adapter leur structure Ă celle de lâĂtat, de maniĂšre Ă pouvoir sâaligner avec lâĂtat ultĂ©rieurement.
xlii Brian Grogan, Membre du bureau de la direction des affaires humanitaires, Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies, session on Le rĂŽle des gouvernements dans la coordination dâurgence
xliii Bertrand Thaite, directeur, Humanitarian et Conflict Responses Institute, session Le rĂŽle des gouvernements dans la coordination dâurgence
xliv Lâadoption de lĂ©gislation antiterroriste illustre bien ces tensions entre gouvernements et acteurs humanitaires (voir Burniske et coll., 2014).
xlv Bertrand Thaite, directeur, Humanitarian et Conflict Responses Institute, session Le rĂŽle des gouvernements dans la coordination dâurgence
xlvi Hugo Grotius (dans De jure belli ac pacis, 1625) a exprimĂ© cette mĂȘme idĂ©e il y a longtemps. Si lâon en trouve des exemples au XXe siĂšcle, ce nâest que dans les annĂ©es 1990 que la doctrine connue sous le nom dâintervention humanitaire apparaĂźt pour la premiĂšre fois dans les interventions multilatĂ©rales de lâONU en tant quâargument juridique (Kennedy, 2004 : 259).
xlvii Bertrand Thaite, directeur, Humanitarian et Conflict Responses Institute, session Le rĂŽle des gouvernements dans la coordination dâurgence
xlviii Bertrand Thaite, directeur, Humanitarian et Conflict Responses Institute, session Le rĂŽle des gouvernements dans la coordination dâurgence
xlix En tout cas dans une situation dâintervention de type L3, les orientations les plus rĂ©cemment Ă©tablies au sujet des clusters se concentrent sur ce type dâintervention.
l Le rĂŽle des CH et des EHP a Ă©tĂ© Ă©tudiĂ© par le biais dâĂ©valuations en temps rĂ©el (GrĂŒunewald et coll., 2010 ; Polastro et coll., 2011 ; Slim, 2012)ainsi que via des analyses aprĂšs action effectuĂ©es par lâĂquipe de haut niveau de mise en Ćuvre de lâAgenda transformateur de lâIASC. De plus, on a considĂ©rĂ© lâefficacitĂ© gĂ©nĂ©rale des CH et des EHP (Featherstone, 2010), le rĂŽle des CH (Kent, 2009) et le rĂŽle des ONG dans lâarchitecture de la coordination humanitaire (McIlreavy et Nichols, 2013). Les clusters ont reçu plus dâattention : deux Ă©valuations du systĂšme de cluster furent effectuĂ©es dans lâensemble (Steets et al., 2010; Stoddard et al., 2007); des Ă©valuations Ă grande Ă©chelle des clusters mondiaux, y compris celle des clusters de logistique de la sĂ©curitĂ© alimentaire (Majewski et coll., 2012 ; Steets et coll., 2014) ; et un nombre dâĂ©valuations relativement important des clusters Ă lâĂ©chelle du pays.
li « Si en thĂ©orie les EHP ont le potentiel de mener le collectif humanitaire, en pratique, ils ont Ă©prouvĂ© des difficultĂ©s Ă le faire et souvent nâșont pas Ă©tĂ© la hauteur du mandat dĂ©fini par lâșIASC [...] les ambitions dâșutilisation des EHP comme forum stratĂ©gique restent non satisfaites, et [...] dans de nombreuses situations dâșurgence, les EHP se caractĂ©risent plutĂŽt par lâșabsence de leadership stratĂ©gique et de rĂ©solution » (Featherstone, 2012 : 9).
lii Sur les 25 Ă©valuations et Ă©tudes de cas prises en compte, 16 Ă©taient positives dans lâensemble, cinq nĂ©gatives et quatre indĂ©terminĂ©es.
liii Cyril Ferrand, coordinateur de la sĂ©curitĂ© alimentaire mondiale, Organisation pour lâalimentation et lâagriculture, session Le systĂšme de coordination de lâIASC : Ăquipe humanitaire pays, ICCM et clusters
liv Lisa Monaghan, conseillĂšre Ă la protection et Ă la promotion, Organisation norvĂ©gienne dâșaide aux rĂ©fugiĂ©s du Soudan du Sud, session Le systĂšme de coordination de lâșIASC : Ăquipe humanitaire pays, ICCM et clusters
lv Julia Steets, directrice, Global Public Policy Institute, session Le systĂšme de coordination de lâIASC : Ăquipe humanitaire pays, ICCM et clusters
lvi Directeur gĂ©nĂ©ral de lâAgenda transformateur, Groupe inaugural de la 30e rĂ©union annuelle de lâANALP
lvii Julia Steets, directrice, Global Public Policy Institute, session Le systĂšme de coordination de lâIASC : Le systĂšme de coordination de lâIASC : Ăquipe humanitaire pays, ICCM et clusters
lviii Carla Lacerda, conseillÚre financiÚre interinstitutions, Save the Children/Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, session Travailler ensemble autour des réponses monétaires et de celles fondées sur le marché
80 ALNAPĂTUDE
lix Cyril Ferrand, coordinateur de la sĂ©curitĂ© alimentaire mondiale, Organisation pour lâalimentation et lâagriculture, session Le systĂšme de coordination de lâIASC : Ăquipe humanitaire pays, ICCM et clusters
lx Session RĂ©seaux et coalitions dâONG au niveau national
lxi Bien que, selon des travaux rĂ©cents dâALNAP (Knox Clarke et Campbell, 2015), cela ne soit pas aussi problĂ©matique que lâon a pu le croire auparavant â de nombreux grands Clusters ont trouvĂ© des moyens de prendre des dĂ©cisions rapidement et efficacement.
lxii Directeur, Ăquipe de haut niveau de mise en Ćuvre de lâAgenda transformateur, session The IASC Coordination System: Ăquipe humanitaire pays, ICCM et clusters
lxiii Lisa Monaghan, conseillĂšre Ă la protection et Ă la promotion, Organisation norvĂ©gienne dâșaide aux rĂ©fugiĂ©s du Soudan du Sud, session Le systĂšme de coordination de lâșIASC : Ăquipe humanitaire pays, ICCM et clusters
lxiv Cyril Ferrand, coordinateur de la sĂ©curitĂ© alimentaire mondiale, Organisation pour lâalimentation et lâagriculture, session Le systĂšme de coordination de lâIASC : Ăquipe humanitaire pays, ICCM et clusters
lxv Ă noter toutefois que, sur ces 4 400 ONG, lâESH indique que cinq ONG/fĂ©dĂ©rations internationales bĂ©nĂ©ficient Ă elles seules de 38 % des fonds : MSF, Catholic Relief Services, Oxfam, lâAlliance internationale Save the Children Alliance et World Vision International (ALNAP, 2012).
lxvi Pour les 19 % restantes, la portĂ©e de leurs opĂ©rations nâapparaĂźt pas clairement.
lxvii Les présentations et le débat qui ont eu lieu à Berlin sont disponibles en audio sur le cloud en cliquant sur le lien suivant : www.alnap.org/overlay/39
lxviii ReprĂ©sentant juridique, Aide humanitaire sanitaire Burundi, sĂ©ance sur les rĂ©seaux et coalitions dâONG Ă lâĂ©chelon national
lxix Khin Maung Win, PrĂ©sident de lâAssociation pour lâamĂ©nagement de la sociĂ©tĂ©, Myanmar, session sur RĂ©seaux et coalitions dâONG Ă lâĂ©chelon national
lxx Manu Gupta, Directeur de SEEDS, session sur Les rĂ©seaux et les coalitions dâONG Ă lâĂ©chelon national
lxxi Session sur Les partenariats Nord-Sud avec les ONG
lxxii https://partnerplatform.org/alnap/partnershipsandcapacity
lxxiii http://www.start-network.org/how/start-build/#.VJQdopDpABg
lxxiv ActionAid, CAFOD, Christian Aid, Oxfam et Tearfund.
lxxv Il est intĂ©ressant de noter que lâune des principales contraintes que rencontrent les ONG nationales pour obtenir des fonds Ă lâheure actuelle est la « nĂ©cessitĂ© de respecter les prioritĂ©s des financiers » (Poole, 2013: 14).
lxxvi Eman Ismail, Directeur du programme, CARE (Jordanie), session sur Le partenariat Nord/Sud avec les ONG
lxxvii Les informations sur le mouvement sont résumées à partir de http://www.ifrc.org/Global/Publications/general/at_a_glance-en.pdf
lxxviii Josse Gillijns, Responsable de la planification et de lâĂ©valuation, FĂ©dĂ©ration internationale des sociĂ©tĂ©s de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, session sur Comment Ă©valuer les stratĂ©gies de partenariat et de collaboration
lxxix http://www.ifrc.org/Global/Publications/general/at_a_glance-en.pdf
lxxx Cette section sâinspire fortement des travaux de Zyck et Kent (2014).
lxxxi Voir http://www.globalhumanitarianassistance.org/GHAreport2015/
lxxxii Gilles Carbonnier, Directeur des études, Graduate Institute of International et Development Studies, session sur Collaboration et coordination entre les humanitaires et le secteur privé
lxxxiii Christine Tokar, ConseillĂšre de programme pour lâAfrique de lâOuest et Centrale, Croix-Rouge britannique, session sur Collaboration et coordination entre les humanitaires et le secteur privĂ©
lxxxiv Lilly Frey, Responsable des transferts monĂ©taires Ă©lectroniques, Mercy Corps, session sur CoopĂ©ration dans le cadre des stratĂ©gies fondĂ©es sur lâargent et les marchĂ©s
lxxxv Gilles Carbonnier, Directeur des études, Graduate Institute of International et Development Studies, session sur Collaboration et coordination entre les humanitaires et le secteur privé
lxxxvi Session sur Les mĂ©canismes de financement commun Ă lâĂ©chelle du pays
ENSEMBLE POUR FAIRE MIEUX ? 81
lxxxvi Koorosh Raffi, SpĂ©cialiste des situations dâurgence, Fonds des Nations unies pour lâenfance, session sur Les mĂ©canismes de financement commun Ă lâĂ©chelle du pays
lxxxviii Mis en Ćuvre pour la premiĂšre fois en RDC, le RRM est aujourdâhui Ă©tendu Ă la RCA, au Soudan du Sud et Ă lâIrak.
lxxxix Pour plus de détails sur le RRM en RCA, voir www.humanitarianresponse.info/fr/system/files/documents/files/RRMBriefingNote.Mar15rev2.docx
xc Sandra Aviles, conseillĂšre principale aux dĂ©veloppement du programmes des affaires humanitaires, Organisation des Nations unies pour lâalimentation et lâagriculture, session sur Les mĂ©canismes de financement commun Ă lâĂ©chelle du pays
xci Anke Reiffenstuel, Directrice du groupe de travail pour lâaide humanitaire, MinistĂšre fĂ©dĂ©ral des Affaires Ă©trangĂšres allemand, session sur Les mĂ©canismes de financement commun Ă lâĂ©chelle du pays
xcii La premiĂšre Ă©valuation mondiale des ERF fut menĂ©e en mars 2013 ; les Ă©valuations prĂ©cĂ©dentes avaient Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es Ă lâĂ©chelon national.
xciii Rudolph MĂŒller, Directeur adjoint et Chef des services dâurgence, Bureau de la Coordination des affaires humanitaires de lâONU et ancien directeur du secrĂ©tariat du CERF, session sur Les mĂ©canismes de financement commun Ă lâĂ©chelle du pays
xciv Anke Reiffenstuel, Directrice du groupe de travail pour lâaide humanitaire, MinistĂšre fĂ©dĂ©ral des Affaires Ă©trangĂšres allemand, session sur Les mĂ©canismes de financement commun Ă lâĂ©chelle du pays
xciii Rudolph MĂŒller, Directeur adjoint et Chef des services dâurgence, Bureau de la Coordination des affaires humanitaires de lâONU, session sur Les mĂ©canismes de financement commun Ă lâĂ©chelle du pays se reporter aussi aux remarques faites par Koorosh Raffii, SpĂ©cialiste des situations dâurgence, Fonds des Nations unies pour lâenfance, session sur Les mĂ©canismes de financement commun Ă lâĂ©chelle du pays
xcvi Voir la vidéo sur https://www.youtube.com/watch?list=PLdj_WJXmfmz496eoFSfQtO1vWlKCf79fJ&v=l0EdPMxqPNs
xcvii Groupe de lâONU, formulaire de retour dâinformation des participants Ă la rĂ©union annuelle dâALNAP, Berlin, mars 2015
xcviii Groupe des ONG du Sud, formulaire de retour dâinformation des participants Ă la rĂ©union annuelle dâALNAP, Berlin, mars 2015
82 ALNAPĂTUDE
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