enterocolite et traitements antipsychotiques · l’entérocolite aigue nécrosante est une...

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Isabelle TRINH (1) , Sophie GUIRAO (1) , Muriel GAUDONEIX (1) , Laure THOMAS (2) , Renaud DE BEAUREPAIRE (3) (1) Pharmacie, Groupe Hospitalier Paul Guiraud, 94800 Villejuif ; (2) Centre Régional de Pharmacovigilance, Centre Hospitalier Universitaire Henri Mondor, 94010 Créteil ; (3) Secteur Psychiatrie 94G11, Groupe Hospitalier Paul Guiraud, 94800 Villejuif e-mail : [email protected] INTRODUCTION : Présentation du cas RESULTATS - DISCUSSION Objectif de l’étude : Émettre une hypothèse iatrogène sur la survenue de l’entérocolite aigue nécrosante. MATERIELS ET METHODE ENTEROCOLITE ET TRAITEMENTS ANTIPSYCHOTIQUES : QUELLES MOLECULES IMPUTER ? A PROPOS D’UN CAS HOPIPHARM 2014 - Congrès Francophone de Pharmacie Hospitalière - La Rochelle 14, 15, 16 mai 2014 Vigilance et Economie n° 172 Mode de vie seul (déménagement récent) sans enfants sans profession Dépendance toxicologique alcool : néant tabac : 10 paquets par an cannabis : 3 fois par semaine HOMME de 39 ans Dernier traitement connu avant l’admission Oxcarbamazépine (Trileptal®) 150mg : 1-0-2 Valpromide (Dépamide®) 300mg : 1-0-1 Escitalopram (Séroplex®) 10mg : 1-0-0 Décanoate d’halopéridol (Haldol décanoas®) : 3 ampoules/mois Constat : en rupture de traitement : aucun traitement n’a été suivi. Instauration d’un traitement antipsychotique (AP) Motif d’hospitalisation adressé sous contrainte par un Centre Médico-Psychologique, pour décompensation mélancolique avec idées suicidaires Le PATIENT Le TRAITEMENT Neuf jours après l’instauration du traitement AP : entérocolite aigue nécrosante (EAN), sur occlusion digestive compliquée d’une péritonite et d’un choc septique iléocolectomie en urgence, résolutive Antécédents troubles bipolaires avec épisodes dépressifs sévères depuis 1994 10 hospitalisations en 15 ans CONCLUSION Analyse rétrospective du dossier patient Recueil des éléments cliniques, des observations médicales et chirurgicales Elaboration d’un visuel de l’historique médicamenteux sous forme de graphes = CHIMIOGRAMME Données de la littérature Recherches bibliographiques Données de la Pharmacovigilance L’entérocolite aigue nécrosante est une complication rare mais fatale des traitements antipsychotiques, entrainant le décès en 48 heures suite à un choc septique. Aucune prise en charge spécifique n’est décrite dans la littérature, le suivi des patients traités par antipsychotiques est par conséquent essentiel : éviter l’association à d’autres molécules anticholinergiques, et surveiller les fonctions digestives avec prescription de laxatifs si nécessaire. Une atonie intestinale doit être rapidement détectée et traitée, par la suspension des AP, le retrait du fécalome, et la programmation rapide d’une intervention chirurgicale. Par ailleurs, suite à ce cas, une attention spécifique est à porter sur la quétiapine, en raison de sa récente commercialisation et au vu des précisions à venir au niveau du RCP européen. Tropatépine Lepticur® (antiparkinsonien anticholinergique) Dans 35% des cas d’EAN sous AP, un antiparkinsonien anticholinergique était associé. En revanche, aucune étude n’a jamais évoqué l’implication d’un antiparkinsonien anticholinergique seul dans la survenue d’une EAN. Antipsychotiques : 70 cas d’entérocolites au niveau mondial entre 1994 et 2006 (1) . Quétiapine Xéroquel® : Plusieurs cas de colites ischémiques recensés depuis son Autorisation de Mise sur le Marché en 2010 Comité Technique de Pharmacovigilance de Juin 2013 (2) : avis favorable quant à l’inclusion du risque de colites ischémiques dans le Résumé des Caractéristique du Produit (RCP) européen. Après élimination des diagnostics différentiels, l’EAN du patient serait imputée aux propriétés anticholinergiques de la quétiapine, le risque étant accentué par son association à la tropatépine, autre molécule à même effet anticholinergique. 0 10 20 30 40 50 60 70 J1 J2 J3 J4 J5 J6 J7 J8 J9 dose (mg) jour diazépam (x1mg/j) prazépam (x1mg/j) quétiapine (x10mg/jour) tropatépine (x1mg/jour) valpromide (x10mg/j) zopiclone (x1mg/jour) Chimiogramme : représentation des traitements et de leur dose en fonction du temps. Non représenté : Lactulose 20g/jour de J2 à J9. Jour 9 : constipation et douleurs abdominales occlusion digestive Tropatépine et Quétiapine : - propriétés anticholinergiques : diminution du péristaltisme intestinal - chronologie : instauration à la même période Imputabilité similaire dans la survenue de l’EAN (1) Entérocolites nécrosantes et neuroleptiques, S. GNAMIEN et al., Journal de Pharmacie Clinique. Volume 20, Numéro 2, 93-6, Juin 2001 ; (2) Commission Nationale de Pharmacovigilance – Compte rendu de la réunion du mardi 27 novembre 2007.

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Page 1: ENTEROCOLITE ET TRAITEMENTS ANTIPSYCHOTIQUES · L’entérocolite aigue nécrosante est une complication rare mais fatale des traitements antipsychotiques, ... Entérocolites nécrosantes

Isabelle TRINH(1), Sophie GUIRAO(1), Muriel GAUDONEIX(1), Laure THOMAS(2), Renaud DE BEAUREPAIRE(3) (1)Pharmacie, Groupe Hospitalier Paul Guiraud, 94800 Villejuif ; (2)Centre Régional de Pharmacovigilance, Centre Hospitalier Universitaire Henri

Mondor, 94010 Créteil ; (3)Secteur Psychiatrie 94G11, Groupe Hospitalier Paul Guiraud, 94800 Villejuif e-mail : [email protected]

INTRODUCTION : Présentation du cas

RESULTATS - DISCUSSION

Objectif de l’étude : Émettre une hypothèse iatrogène sur la survenue de l’entérocolite aigue nécrosante.

MATERIELS ET METHODE

ENTEROCOLITE ET TRAITEMENTS ANTIPSYCHOTIQUES :

QUELLES MOLECULES IMPUTER ? A PROPOS D’UN CAS

HOPIPHARM 2014 - Congrès Francophone de Pharmacie Hospitalière - La Rochelle – 14, 15, 16 mai 2014

Vigilance et Economie n° 172

Mode de vie seul (déménagement récent) sans enfants sans profession

Dépendance toxicologique alcool : néant tabac : 10 paquets par an cannabis : 3 fois par semaine

HOMME de 39 ans

Dernier traitement connu avant l’admission

Oxcarbamazépine (Trileptal®) 150mg : 1-0-2 Valpromide (Dépamide®) 300mg : 1-0-1 Escitalopram (Séroplex®) 10mg : 1-0-0 Décanoate d’halopéridol (Haldol décanoas®) : 3 ampoules/mois

Constat : en rupture de traitement : aucun traitement n’a été suivi.

Instauration d’un traitement antipsychotique (AP)

Motif d’hospitalisation

adressé sous contrainte par un Centre Médico-Psychologique, pour décompensation mélancolique avec idées suicidaires

Le PATIENT Le TRAITEMENT

Neuf jours après l’instauration du traitement AP :

entérocolite aigue nécrosante (EAN), sur occlusion digestive compliquée d’une péritonite et d’un choc septique

iléocolectomie en urgence, résolutive

Antécédents troubles bipolaires avec épisodes dépressifs sévères depuis 1994

10 hospitalisations en 15 ans

CONCLUSION

Analyse rétrospective du dossier patient

Recueil des éléments cliniques, des observations médicales et chirurgicales Elaboration d’un visuel de l’historique médicamenteux sous forme de graphes = CHIMIOGRAMME

Données de la littérature

Recherches bibliographiques Données de la Pharmacovigilance

L’entérocolite aigue nécrosante est une complication rare mais fatale des traitements antipsychotiques, entrainant le décès en 48 heures suite à un choc septique. Aucune prise en charge spécifique n’est décrite dans la littérature, le suivi des patients traités par antipsychotiques est par conséquent essentiel : éviter l’association à d’autres molécules anticholinergiques, et surveiller les fonctions digestives avec prescription de laxatifs si nécessaire. Une atonie intestinale doit être rapidement détectée et traitée, par la suspension des AP, le retrait du fécalome, et la programmation rapide d’une intervention chirurgicale. Par ailleurs, suite à ce cas, une attention spécifique est à porter sur la quétiapine, en raison de sa récente commercialisation et au vu des précisions à venir au niveau du RCP européen.

Tropatépine – Lepticur® (antiparkinsonien anticholinergique) Dans 35% des cas d’EAN sous AP, un antiparkinsonien anticholinergique était associé. En revanche, aucune étude n’a jamais évoqué l’implication d’un antiparkinsonien anticholinergique seul dans la survenue d’une EAN.

Antipsychotiques : 70 cas d’entérocolites au niveau mondial entre 1994 et 2006(1) .

Quétiapine – Xéroquel® : Plusieurs cas de colites ischémiques recensés depuis son Autorisation de Mise sur le Marché en 2010 Comité Technique de Pharmacovigilance de Juin 2013(2) : avis

favorable quant à l’inclusion du risque de colites ischémiques dans le Résumé des Caractéristique du Produit (RCP) européen.

Après élimination des diagnostics différentiels, l’EAN du patient serait imputée aux propriétés anticholinergiques de la

quétiapine, le risque étant accentué par son association à la tropatépine, autre molécule à même effet anticholinergique.

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diazépam (x1mg/j) prazépam (x1mg/j) quétiapine (x10mg/jour)

tropatépine (x1mg/jour) valpromide (x10mg/j) zopiclone (x1mg/jour)

Chimiogramme : représentation des traitements et de leur dose en fonction du temps. Non représenté : Lactulose 20g/jour de J2 à J9.

Jour 9 : constipation et douleurs abdominales occlusion digestive

Tropatépine et Quétiapine :

- propriétés anticholinergiques : diminution du péristaltisme intestinal - chronologie : instauration à la même période

Imputabilité similaire dans la survenue de l’EAN

(1)Entérocolites nécrosantes et neuroleptiques, S. GNAMIEN et al., Journal de Pharmacie Clinique. Volume 20, Numéro 2, 93-6, Juin 2001 ; (2)Commission Nationale de Pharmacovigilance – Compte rendu de la réunion du mardi 27 novembre 2007.