ethnomusicologie - byzantine secular classical music v

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Cahiers d’ethnomusicologie (1993) Polyphonies ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Alain Swietlik Byzantine Secular Classical Music ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Alain Swietlik, « Byzantine Secular Classical Music », Cahiers d’ethnomusicologie [En ligne], 6 | 1993, mis en ligne le 02 janvier 2012, consulté le 21 septembre 2014. URL : http://ethnomusicologie.revues.org/1526 Éditeur : Infolio Editeur / Ateliers d’ethnomusicologie http://ethnomusicologie.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://ethnomusicologie.revues.org/1526 Document généré automatiquement le 21 septembre 2014. Tous droits réservés

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Musique Byzantine

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  • Cahiers dethnomusicologie6 (1993)Polyphonies

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    Alain Swietlik

    Byzantine Secular Classical Music................................................................................................................................................................................................................................................................................................

    AvertissementLe contenu de ce site relve de la lgislation franaise sur la proprit intellectuelle et est la proprit exclusive del'diteur.Les uvres figurant sur ce site peuvent tre consultes et reproduites sur un support papier ou numrique sousrserve qu'elles soient strictement rserves un usage soit personnel, soit scientifique ou pdagogique excluanttoute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'diteur, le nom de la revue,l'auteur et la rfrence du document.Toute autre reproduction est interdite sauf accord pralable de l'diteur, en dehors des cas prvus par la lgislationen vigueur en France.

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    Rfrence lectroniqueAlain Swietlik, Byzantine Secular Classical Music, Cahiers dethnomusicologie [En ligne], 6|1993, mis en lignele 02 janvier 2012, consult le 21 septembre 2014. URL: http://ethnomusicologie.revues.org/1526

    diteur : Infolio Editeur / Ateliers dethnomusicologiehttp://ethnomusicologie.revues.orghttp://www.revues.org

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    Cahiers dethnomusicologie, 6 | 1993

    Alain Swietlik

    Byzantine Secular Classical MusicPagination de ldition papier : p. 246-255

    De musique cache, on ne fait point de cas(Proverbe de lAntiquit grecque)

    Byzantine Secular Classical Music, Vol.11 Sous-titre franais: Les chefs duvre de la Musique Profane dAntan (Musique Classique

    Sculaire Byzantine), par Christodoulos Halaris (recherches, transcriptions, orchestration etdirection).N en 1946, Christodoulos Halaris est lun des compositeurs les plus en vue dans la Grceactuelle. Musicien, chanteur, compositeur, arrangeur, et chef dorchestre, il a fait un trs grandnombre dmissions de radio et de tlvision sur la musique grecque, sur la musique byzantine,et donn de nombreux concerts dans plusieurs pays dEurope.Il est lauteur dune dizaine de 33t (ses compositions, principalement) chez EMI-Grce.Ensemble instrumental : orchestre OP&PO . ( = Orchestre ancien traditionnel et instruments originaux).Solistes: Ioannis Zevgolis et Philippos Tsemberoulis.Chantres : Nikos Constantinopoulos, Panayotis Mathos, Hourmouzios Daravanoglou, etGrigori Daravanoglou.Compositeurs: Ioannis Koukouzelis, Emmanuel Chrysaphis, Grigori Aliatis, Xnos Koronis.

    2 Restituer la musique classique profane de lEmpire byzantin et la faire connatre, celaressemble un canular Mais aprs les travaux de Marcel Prs qui, avec son ensembleOrganum, a explor et restitu les chants de lEglise de Rome, le chant vieux-romain (priodebyzantine, VIIe et VIIIe s.)1, aprs Iegor Reznikoff, qui a tent de chanter le plain-chant desorigines (entre fin IVe et fin VIe s. du monde gallo-romain chrtien)2, aprs Suzanne Hak-Vantoura qui a dcrypt et rvl la musique de la Bible3, et enfin aprs Gregorio Paniagua etson Atrium musicae de Madrid qui ont interprt la musique de la Grce antique4, la restitutionde Christodoulos Halaris nest quun tonnement supplmentaire, teint de perplexit commeles autres.

    3 Les anciens Grecs utilisaient un systme de notation musicale, relativement bien connuaujourdhui5 ; les Byzantins en hritrent et continurent de lutiliser. Ce systme est ditparasmantique, cest--dire quil reprsente symboliquement la mlodie. Il tait dailleursdouble: il en existait un pour la musique instrumentale, et un autre pour la musique vocale, lesdeux pouvant tre utiliss simultanment (voir les reproductions de partitions dans le livret).Les ouvrages crits par les thoriciens de la musique byzantine ayant t conservs grceaux copistes byzantins, Christodoulos Halaris a pu se servir dun nombre assez importantde documents pour dchiffrer ce type de notation. Les Byzantins utilisaient donc un doublesystme qui, dune part, indiquait la faon de rciter les textes et, dautre part, dcrivait lamlodie par des neumes, analogues ceux quutilisent les moines tibtains, et quutilisaientnos moines du Moyen Age. Halaris en dcrit abondamment tous les lments, et fait ensuiteappel la cyberntique6 pour montrer que, contrairement au ntre et ceux connus par ailleurs,ce systme symbolise et analyse lacte menant lacte musical plutt que lvnementlui-mme, autrement dit symbolise par les signes le comportement de lexcutant, quilamnera lmission dune ou de plusieurs notes.

    4 On peut, a priori, faire confiance Halaris sur lexactitude et la viabilit de son analyse et deson dcryptage. Il nest bien sr pas de nos comptences, ni mme de notre ressort, de jugeret de critiquer certains aspects de son travail. Les spcialistes pourront sen charger au besoinen se reportant ses travaux ou, dfaut, aux extraits de partitions tablies par lui et dont ildonne des reproductions dans le livret (notation en systme byzantin et transcription parallleen notation occidentale moderne).

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    5 Cependant, sachant quil existe depuis 1956 une transcription de lhymne Akathistos(Salutations la Vierge)7, et que le monastre grec de Grottaferrata (Italie) un centre dtudede la musique byzantine religieuse a publi de nombreux travaux ds les annes trente, onest en droit de se demander quels sont les rapports, les identits de vue, et les divergences entreles travaux du monastre et ceux de Christodoulos Halaris.

    6 Daprs Egon Wellesz, spcialiste du chant byzantin8, les premiers essais de dchiffrage eurentlieu ds le dbut du XXe s., les derniers problmes de dchiffrage furent rsolus ds 1920,et les travaux de transcription commencrent sur une grande chelle vers 1935. A prsent,nous sommes en possession de plusieurs milliers duvres. Il est vrai que les travaux deGrottaferrata et ceux dEgon Wellesz concernent le rpertoire religieux et non le rpertoireprofane; mais il nous parat trs plausible, voire vident, que ces travaux ont d grandementfaciliter ceux dHalaris, si toutefois il a pu en avoir connaissance. Egon Wellesz crivaiten 19609 : Seule la musique liturgique tait juge digne dtre conserve sur de coteuxparchemins. Les mlodies profanes, si belles fussent-elles, ntaient point consignes parcrit. Il faut croire qu lpoque o Wellesz crivait cela, on navait pas encore divulgulexistence des manuscrits de musiques profanes. Ce que confirme le fait quon ait publi,respectivement en 1960 et en 1967, les ouvrages suivants : Chants populaires tirs dunmanuscrit du monastre dIviron, de B. Bouvier (Athnes), et Interprtation musicale deschants populaires du monastre dIviron de D. Mazarake (Athnes). On serait donc encoreplus intress de connatre les rapports, identits et divergences de vue entre ces ouvrages etles travaux dHalaris. Dautres questions se posent: pourquoi, en possession dun rpertoirereligieux norme, nen a-t-on pas effectu des enregistrements? Les disques de chant byzantindisponibles sont tous des interprtations duvres des XVIIIe et XIXe s., notamment ceux deThodore Vassilikos (Ocora), celui de Lycourgos Angelopoulos (CBS 82045), qui a fait partiedu chur de Simon Karas et travaille aujourdhui avec lEnsemble Organum de Marcel Prs,celui dAlexandre Thophilopoulos (Harmonia Mundi HM 1056) ou encore ceux de SimonKaras (srie SDNM, Athnes).

    7 Les pices enregistres dans ce coffret proviennent de manuscrits trouvs justement dans lemonastre dIviron (Mont Athos). Ce sont des pices de musique profane (musique de laclasse cultive), des kratimata, cest--dire des compositions libres, purement musicales, etinstrumentales. Quand la voix est utilise, elle lest presque toujours sur des syllabes sanssignification, comme le te-re-rem ou te-ri-rem10. Les chants trs orns qui employaientces syllabes sappelaient les trtismes ; ils taient souvent chants en spectacle ou authtre, et taient combattus par lEglise occidentale. Le coffret contient donc des kratimataaccompagns de trtismes. La voix est dailleurs souvent prsente dans ces pices soit sousforme de chur masculin (Halaris emploie quatre chantres, mais nexplique ni ne justifie leurprsence), soit, ce qui est plus frquent, sous forme dune voix grave et bourdonnante qui jouele rle, dirait-on, dun accompagnement de contrebasse. Halaris ne parle pas de cette voixsurprenante nos oreilles, et ne donne aucune explication sur la raison de sa prsence ou surson utilit Sagit-il dun bourdon (ison) trs variable? Dun accompagnement? Est-il not,et si oui, comment? Cette voix est-elle une voix lorigine, ou est-elle ici destine remplacerun instrument?11

    8 Les compositeurs interprts par lensemble dHalaris sont : Emmanuel ChrysaphisLampadarios (XVe s.) nomm dans les titres de pices Chrysaphis le Lampadarios, ouEmmanuel Chrysaphis , Xnos Koronis, Gregori Aliatis, et surtout Ioannis Koukouzelis (XIIe

    s.), qui est le compositeur le plus clbre de lEmpire byzantin. On connat bien son nom etquelques adaptations de ses uvres dans tous les pays slaves, (les Bulgares daujourdhui letiennent, tout comme Orphe, pour lun des leurs). En France, nous ne connaissons de luique quelques pices parses: Den haut, les Prophtes, dans le coffret de deux 33t OcoraGrce 3 & 4, 558.545/6 (Liturgies anciennes, Chants sacrs de la tradition byzantine). Denhaut, les Prophtes, et Chant en lhonneur de lArchevque , sur le CD Ocora C.559.O75(Les Grandes Epoques du Chant Sacr Byzantin, XIVe-XVIIIe s.). Terirem, CD Ethnic-AuvidisB 6761 (Les Grandes Voix Bulgares, vol.II). Chant pour lentre de lvque, CD Ethnic-

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    Auvidis B.6762 (Les Grandes Voix Bulgares, vol. III). loge de la Femme Bulgare, etCheruvimska (cest--dire lHymne des Chrubins, lhymne central et le plus important dela liturgie) sur le 33t polonais Veriton SXV 726. loge de la Femme Bulgare, sur le 33tbulgare Balkanton BXA 1842 intitul Ivan Koukouzel, the Angeloglassniyat, Ensemblede Chambre et chur dirigs par Georgi Robev et Dimiter Dimitrov.

    9 Le type dinstruments employ ne provoque pas de surprise : cest celui qui est encore enusage aujourdhui dans les musiques du Maghreb et du Machreq. Flte ney, luth byzantinapparent au oud arabe, mais avec un manche un peu plus long, luths tamboura analogues auxsaz turcs, luth byzantin tamboura ou fandouros caisse ronde et manche long, identique autanbur classique ottoman, cithare psaltrion cordes pinces (semblable au qanun arabe), deuxviles byzantines archet, ainsi que deux autres types de viles: la kman de Cappadoceet une grande lyra crtoise. Dans la pice En style bulgare de Koukouzelis, on entend de plusune clarinette, joue dans le grave. Le livret ny fait pas allusion. Il est vident que le choixdes instruments est le fait dHalaris (les partitions originales ne donnent pas dindicationsdinstruments) et que lorchestration (cela est dailleurs prcis dentre dans le sommaire) estaussi le fait dHalaris. Contrairement ce que lon pourrait attendre, lorgue hydraulos nestpas utilis12 : cet instrument aux sons puissants, rserv aux sonneries militaires, au cirqueet lhippodrome, ne pouvait pas faire partie dun ensemble instrumental aux sons douxcomme celui-ci.

    10 Le nombre des instruments jous simultanment tait-il rellement aussi important que danslorchestre dHalaris? Certains titres de pices de ce coffret sont des noms dinstruments: LaViole (de Koukouzelis), Le Psaltrion (dHaliatis). Halaris nous dit que par l le compositeuraffirmait son dsir de donner linstrument en question un rle prpondrant. Dautres picesont des titres relatifs au thtre ou la vie plus simplement quotidienne: La Danse, Du Roi,Le Tisserand, LOrphelin, Des Francs

    11 Ces musiques sont en tout cas entirement nouvelles pour nous; elles semblent nos oreillestre un syncrtisme entre la Grce et la Turquie, lgrement teint doccidentalisme13. Quel quesoit le srieux que les spcialistes voudront bien accorder ou refuser Halaris, il nen reste pasmoins que ses restitutions sont dune grande beaut. Ce sont des musiques nobles, envotantes,qui font penser tantt aux uvres baroques pour violes, tantt une hypothtique musiquede chambre orientale, tantt la musique religieuse byzantine quon connat bien Elles ontcependant toutes un indniable air de famille, croire quelles portent la mme signature:elles ont souvent des temps forts rguliers trs marqus et, surtout, la plupart comportentinluctablement le mme petit motif de six doubles croches (de hauteurs symtriques) suiviesdune noire14:

    qui se rpte inlassablement avec beaucoup de variantes, accentuant ainsi la ressemblance debeaucoup de pices.

    12 Chaque pice est crite en principe sur un seul mode (qui est indiqu): soit lun des quatremodes dits authentiques (dorien, phrygien, lydien, mixolydien), soit lun des quatre modesdrivs dits plagaux; mais dans bon nombre de pices on assiste de brutaux changementsde mode.

    13 Dans quelques pices enfin, les cordes frottes emploient le vibrato. Est-ce not, ou est-ce unevolont dexpressivit dcide par Halaris?

    14 Pour conclure, disons que ces musiques passionneront non seulement ceux que les problmesde notation des musiques anciennes intressent, les amateurs de musique byzantine, lesamateurs de musiques grecques, ou plus largement orientales, mais aussi, il faut le dire, lesmlomanes tout simplement, car leur attrait est indniable et leur charme, rare. Ces musiques,dont on savait depuis longtemps le corpus trs important, sont enfin offertes notre curiosit.Elles sont dune tradition trs labore et trs puissante.

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    Byzantine Secular Classical Music, Vol. 215 Toutes les remarques formules au sujet du vol.1 sont valables pour ce deuxime coffret.16 Les compositeurs sont: Nicphore Ithikos, Gazis Lampadarios, Xanthopoulos de Madita,

    Ioannis Koukouzelis, Emmanuel Chrysaphis Lampadarios, Xnos Koronis, IoannisLampadarios. Une composition a pour titre le nom dun instrument: Le Ney (= la flte). Letroisime CD contient Le Rossignol, un curieux Chant de longue vie Ioannis Petros Voevodas(Vovode), cest--dire un chant dacclamation, un chant de festin (sympotiko), dont dailleursle genre fait lobjet dautres CD, et un kratima persan.

    17 La troisime pice du premier CD, qui est polyphonique, sonne vraiment trs moderne. On yutilise un chur qui interprte un chant avec paroles contrairement au principe du trtisme contenant un allluia, ce qui va lencontre de laspect profane de cette musique. Voir aussila seconde pice du troisime CD.

    18 Dans son livret, Halaris examine les rapports quont entretenus la musique liturgique et lamusique profane (de concert, de thtre, de cirque), et les reproches que les Pres de lEgliseont formuls lgard des instruments sons doux employs dans la musique profane. Sontexte rpond en grande partie aux questions que lauditeur se posait au sujet des pices duvol.1. Lemploi de voix imitant une sorte de bourdon instrumental daccompagnement taitainsi destin enrichir lorchestre, cette basse continue vocale est appele isokratima.

    19 Halaris cite les instruments employs cette poque dans ce type de musique, se fondantsur de nombreux tmoignages picturaux (fresques, ornements de manuscrits): psaltrionstriangulaires et trapzodaux, harpes et pandores de diffrentes tailles, fltes et syrinx. Desorchestres dinstruments vent, composs de zournas, fltes bec, trompettes, serpents,ctoient des orchestres dinstruments dlicats, des pandores joues avec un archet, et secombinent avec des instruments cordes frottes de formes varies.

    20 On a longtemps affirm, et daucuns laffirment encore aujourdhui, que la musique byzantineignorait la polyphonie. Cela relve certainement dun besoin, conscient ou inconscient,de protger lide de prtendue suprmatie de la musique savante occidentale. Certainespersonnes en effet persistent, malgr le nombre croissant de preuves du contraire15, croireque la polyphonie est une exclusivit de notre musique savante et une invention de notrecivilisation. Ce coffret apporte deux nouvelles pices ajouter aux autres exemples connus:deux uvres de Gazis Lampadarios16. La lecture complte et trs attentive des textes dHalarisest suffisamment convaincante, pensons-nous, pour confirmer ces preuves supplmentaires sauf pour quelquun de mauvaise foi.

    Byzantine Secular Classical Music, Vol. 3.21 Les compositeurs de ce troisime coffret sont: Ioannis Koukouzelis, Sgouropoulos, Grgoire

    Glykaos Le Doux, Nikiphoros Ithikos, Xnos Koronis, le Moine Arsne Mouskali, EmmanuelChrysaphis Lampadarios.

    22 Les uvres sont, mis part la voix-bourdon systmatiquement employe, exclusivementinstrumentales. Halaris utilise dans lorchestration de quelques pices un nouvel instrumentnon mentionn: un luth ou une cithare grave, aux sonorits mtalliques et presquelectriques (voir pices 1 du CD1, 1 du CD2, et 2 du CD3). Autre instrument aussi dans lapice 3 du CD1: une sorte de tympanon (le santouri des Grecs?). La pice 5 du CD1 est unkratima instrumental, jou avec des instruments vent, dit la partition originale. Mais, deuxfltes mises part, aucun autre instrument vent ny apparat. Lorchestration est semblable celle des autres pices.

    23 Quelques pices ont des titres dj rencontrs dans les coffrets prcdents: LOrphelin, deKoukouzelis: voir Koronis dans le Vol.1; Le Rossignol, de Koronis: voir une autre version, dumme auteur mais dans un autre manuscrit, dans le Vol.2; Le Trs Beau, que le livret traduitparfois par Le Trs Bon, nest pas un titre de pice comme le croit le traducteur, mais unsurnom donn Koukouzelis, et parfois Chrysaphis. Pour la pice Persikon de Chrysaphis,voir aussi le chant persan dans le Vol.1.

    24 Ce coffret napporte pas dlment nouveau sur le plan musical.

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    Conclusion sur les trois premiers coffrets:25 Christodoulos Halaris a men Paris des tudes de mathmatiques, dinformatique et

    dautomatique musicale. Cest tout naturellement sous la direction de Iannis Xnakis,compositeur et mathmaticien, rappelons-le, quil a prsent lEcole Pratique des HautesEtudes son mmoire sur les structures de la musique byzantine.

    26 On sait que, dans la Grce Antique, la musique et les mathmatiques taient deux sciencestrs proches lune de lautre, deux sciences jumelles, et que cest Pythagore, philosophe etmathmaticien, qui le premier calcula mathmatiquement les intervalles entre les diffrentesnotes dune gamme. Musique et mathmatiques taient lies aussi lastronomie, etlensemble des rapports entre les nombres rgissant les plantes constituait la musique dessphres. Ce ntait sans doute pas une simple image. Et Iannis Xnakis ne pouvait pas nepas renouer aprs plus de vingt sicles lalliance oublie ou brise de la musique et desmathmatiques17.

    27 Christodoulos Halaris, tudiant le systme de notation byzantine parasmantique, aconstat quil pouvait tre redfini sous forme dalgorithme. Redfini, ou dfini? Entait-il rellement ainsi dans lesprit des musiciens byzantins, ou est-ce pure interprtationdHalaris? Autrement dit, linterprtation dHalaris est-elle une consquence de ses tudes demathmatiques, dinformatique et dautomatique musicales?

    28 Lvnement sonore produit par lexcutant qui obit aux instructions contenues dans unsigne-algorithme est directement li au contexte, cest--dire aux signes qui prcdent ouqui suivent le signe interprt. Une partition byzantine peut donc prendre la forme dunesuccession de petits programmes pour ordinateurs lis entre eux par des rgles de contexte.Do les schmas mathmatiques et cyberntiques reproduits dans les livrets, pour expliquerle dcodage de cette parasmantique. Linformatique moderne rejoint la science grecqueancienne. Mais au problme de la vrit de la dmarche et de lauthenticit du dcodage(thorme bas sur un postulat?) sajoute celui du fondement mme de la notation. On saitmaintenant que le besoin de la notation nest pas directement li la musique, quil nestpas destin, du moins lorigine, un problme dapprentissage ou de transmission, la voieorale traditionnelle tant largement efficace et suffisante, et dailleurs la seule employe.Ce besoin est plutt le reflet dune volont relative au prestige de lcrit, un besoin defixation, duniformisation caractre politique. On est en droit de penser, logiquement, queles Byzantins qui ont crit ces partitions pouvaient les relire, et donc de se poser les questions:avaient-ils, ceux qui lisaient ces partitions pour les excuter, des notions des principes de ceque nous appelons aujourdhui linformatique et la cyberntique18? Et dans le cas dHalaris,y a-t-il absolue ncessit dutiliser linformatique et la cyberntique modernes pour dcoderces partitions? Autrement dit, Halaris utilise-t-il linformatique et les ordinateurs? Et si oui,les utilise-t-il par absolue ncessit, ou pour seulement simplifier et faciliter son travail dedcodage et le rendre plus rapide?

    29 Les enregistrements dHalaris constituent une publication complexe et importante par toutce quelle implique et toutes les questions quelle pose, ou auxquelles elle rpond. Autant lamusique de la Bible tait inattendue, autant celle de lEmpire byzantin tait au contraire trsattendue par les spcialistes. Le rpertoire, on le sait depuis longtemps, est norme. Ltude enest trs srieuse et soigne, mais elle ne se comprend vraiment que si lon acquiert au moinsles trois premiers coffrets.

    30 Les partitions proviennent du Mont Athos (plus particulirement du monastre dIviron) etde la Bibliothque Nationale dAthnes. Trouver les manuscrits, ou plutt faire accepter auxmoines de les rechercher et de les montrer na apparemment pas t une mince affaire. Ceux-ciaffirmaient que ces manuscrits taient perdus, les moins cachottiers quils ne les retrouvaientpas. Halaris a t contraint de faire intervenir le Gouvernement pour quon lui permette de lesconsulter19. Quon nait jamais parl de musiques byzantines profanes dans les livres, pendantdes sicles, sauf en des termes dvalorisants, tout en prtendant quelles ne pouvaient pastre crites, montre bien que la musique est aussi un phnomne politique (pour sen rendrecompte aujourdhui, il suffit de consulter les mdias). Halaris ajoute avec raison que mme larecherche musicale se plie souvent des exigences purement politiques20.

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    31 Le reproche quon pourrait lgitimement faire Halaris aprs coute de ces trois coffrets estque le rsultat de ses recherches ressemblerait presque, en simplifiant, des variations dans lestyle de, impression due autant aux musiques ( leur transcription) qu leur orchestration.Lorchestration dHalaris est dune scientifique et ingnieuse imagination; cependant, tous lescompositeurs byzantins de cette anthologie, quelle que soit leur poque, sont prsents dansle mme style, et sous lgide du mme code de transcription. Le principe de dpart, qui saufpreuve du contraire21 est le fait dHalaris et de lui seul, est appliqu tous sans tenir compte desprobables diffrences de style, de personnalit des compositeurs, ou simplement de caractredues la disparit des poques o ces compositeurs ont vcu.

    32 Halaris a recr quelques instruments employs dans lEmpire byzantin, fond spcialementun ensemble capable de jouer cette musique, et une socit Orata pour diter et diffuser sesinterprtations. Lauditeur le plus commun remarquera que, dans la quasi-totalit des picesenregistres, on entend des reprises (des collages, donc), ce qui prouve la fois la prudence(ou lincertitude) et le dsir de perfection dHalaris.

    Notes

    1 Chants de lEglise de Rome, par lEnsemble Organum, direction Marcel Prs. CD Harmonia MundiHMC.901218.2 Alleluias et Offertoires des Gaules, par Iegor Reznikoff. CD Harmonia Mundi Musique dAbordHMA.1901044.3 La Musique de la Bible rvle, 33t Erato STU.71269, et CD Harmonia Mundi Musique dAbordHMA.1900989. Voir aussi Psaumes de David, par Esther Lamandier, CD Alinor AL.1041.4 Musique de la Grce Antique, CD Harmonia Mundi Musique dAbord, HMA.1901015.5 On consultera ce sujet larticle dOttavio Tiby dans lHistoire de la Musique , tome 1, delEncyclopdie de La Pliade, mieux encore louvrage dEmile Martin, Trois Documents de musiquegrecque (Ed. Klincksieck, tudes et Commentaires XV , 1953), et enfin, bien sr, le disque delAtrium Musicae de Madrid Musique de la Grce Antique, de prfrence en dition 33t pour bnficierde limportant livret.6 Science des mcanismes qui se rglent et se gouvernent eux-mmes, chez les tres vivants et dans lesmachines (ex.: systme nerveux, robots, ordinateurs).7 Le disque 33t de Simon Karas, publi dans sa collection SDNM (Society for the dissemination ofNational Music) SDNM 107, et intitul The Service of the Akathistos Hymn, nest pas linterprtation decette version de 1289, mais celle dune version plus tardive, dont le matriau stend du XVIe au XVIIIes. Elle est nanmoins dune immense beaut.8 Histoire de la Musique, tome 1, de lEncyclopdie de la Pliade (Gallimard, 1960).9 ibid.10 Il nexiste que peu dexemples de trtismes connus en France: Le Fruit de tes entrailles, sur le33t Ocora 558.521 (Chants sacrs de la tradition byzantine, vol.1), et Terirem sur le CD Ethnic AuvidisB.6761 (Les Grandes Voix Bulgares, Vol,2). Ce terirem, prcisment, est de Ioannis Koukouzelis leplus grand compositeur byzantin , prsent dans ce coffret, et faisant lobjet dun autre coffret qui luiest spcialement consacr.11 Voir plus loin, livret du vol.II.12 Invent au IIIe. av. J.-C., lorgue hydraulique tait trs la mode chez les Byzantins. On sait quen757 lempereur byzantin Constantin V, Copronyme, offrit un hydraulos Ppin le Bref, Compigne.Ce fut le premier orgue arriv en France. En tant quinstrument profane, il fut interdit dans la musiquereligieuse13 Halaris nous prcise dans une lettre: Ces musiques semblent nos oreilles tre un syncrtisme entrele genre diatonique, chromatique et enharmonique des anciens Grecs, lgrement teint doccidentalisme chaque fois que les lignes mlodiques empruntent les chelles du troisime mode ou du quatrimemode plagal. Ces modes ont t emprunts par Bach. Le troisime mode a servi dfinir le tempramentde lchelle chromatique occidentale utilise jusqu nos jours. Sa structure interne a permis Bach dedfinir le mode mineur. La structure interne du quatrime mode plagal lui a fourni celle du mode majeur,do la ressemblance.14 Les formules mlodico-rythmiques du genre sextolet suivies dune noire manent de la prsence designes qualitatifs (ou gestuels) nots au-dessous de signes quantitatifs (prcision donne par Halaris).

  • Byzantine Secular Classical Music 8

    Cahiers dethnomusicologie, 6 | 1993

    15 Cf. les polyphonies des Gorgiens, des Sardes, des Corses, des Bulgares, des Ethiopiens, desPygmes, etc.16 Pice 3 du CD 1, et pice 3 du CD 2. Il sagit bien de Lampadarios, et non de Lambadarios, commeimprim plusieurs reprises par erreur.17 La musique, qui faisait partie au Moyen Age du quadrivium (domaine des disciplines mathtiques)passe vers 1470-1480 dans le trivium, cest--dire dans le domaine des disciplines littraires. Dunescience, la musique devient alors affection de lme.18 Halaris, qui a pu lire le prsent article, prcise: Ds le IIe s. av. J.-C., on constate un dveloppementremarquable de la technologie. Luvre dHron dAlexandrie, notamment, Automatopiika, concernantla construction dautomates et leur programmation, ne laisse aucun doute que les principes de lacyberntique taient ns depuis longtemps et que leurs applications en robotique taient dj un fait. Lesthtres dautomates et leur fonctionnement sont amplement dcrits au sein de louvrage prcit. Aufur et mesure que ces constructions (botes musique, jouets automates, etc.) se propagent, progresseen parallle lvolution de la parasmantique byzantique caractre algorithmique qui suscite labandonde lancien systme de notation.19 Halaris nous fait savoir quil na pas consult les travaux du monastre de Grottaferrata. Il ajoute:Tous les spcialistes contemporains grecs ou trangers connaissaient lexistence de ce rpertoire etavaient feuillet ces mmes manuscrits, sur lesquels jai travaill vingt-quatre ans, quelques dcenniesavant moi. Certains ont mme invent des thories extravagantes pour tenter de dissimuler la fonctionsociale de ce rpertoire. (Il cite des noms).20 Lire, au sujet de musique et politique, louvrage de Jacques Attali: Bruits. Essai sur lconomiepolitique de la musique. Ed. du Livre de Poche, coll. Biblio-Essais 4040 (1986).21 Nous navons pu lire aucun ouvrage dHalaris.

    Rfrence(s) :

    Byzantine Secular Classical Music, Vol.1.ORATA, coffret de trois CD ORABYZ.001, 1989.Livret illustr trilingue (100p.: grec, anglais, franais 21p.).Byzantine Secular ClassicalMusic, Vol. 2.ORATA, coffret de 3 CD ORABYZ.002, 1990. Livret illustr trilingue (110 p.:grec, anglais, franais 24 p.).Byzantine Secular Classical Music, Vol. 3.ORATA, coffret de3 CD ORABYZ.003, 1990. Livret illustr trilingue (120 p.: grec, anglais, franais 24 p.).

    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Alain Swietlik, Byzantine Secular Classical Music, Cahiers dethnomusicologie [Enligne], 6|1993, mis en ligne le 02 janvier 2012, consult le 21 septembre 2014. URL: http://ethnomusicologie.revues.org/1526

    Rfrence papier

    Alain Swietlik, Byzantine Secular Classical Music, Cahiers dethnomusicologie, 6|1993,246-255.

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