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SOFRECO 92-98 Boulevard Victor Hugo - 92115 CLICHY CEDEX – FRANCE Tel. (+33) 1 41 27 95 95 – Fax. (+33) 1 41 27 95 96 – E-mail : [email protected] UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE OUEST AFRICAINE ---------------- La Commission ---------------- Département du Développement Rural et de l'Environnement Etude sur le financement des filières agricoles dans les pays membres de l'UEMOA RAPPORTS PAR PAYS BURKINA FASO Janvier 2000

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SOFRECO 92-98 Boulevard Victor Hugo - 92115 CLICHY CEDEX – FRANCE

Tel. (+33) 1 41 27 95 95 – Fax. (+33) 1 41 27 95 96 – E-mail : [email protected]

UNION ECONOMIQUE ET MONETAIRE

OUEST AFRICAINE ----------------

La Commission ----------------

Département du Développement Rural et de l'Environnement

Etude sur le financement des filières agricoles dans les pays

membres de l'UEMOA

RAPPORTS PAR PAYS

BURKINA FASO

Janvier 2000

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6 - LE BURKINA FASO

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SOMMAIRE I – LE CONTEXTE DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE 4 1. PRESENTATION GENERALE DU BURKINA FASO 4 2. POLITIQUE ET FINANCEMENT DU SECTEUR AGRICOLE 5 2.1. Historique 5 2.2. Objectifs du programme de réforme 6 2.2.1. La production agricole 6

2.2.2. L’élevage 7

3. LE CONTEXTE FONCIER 7 4. LES STATISTIQUES AGRICOLES 10 II – LE SECTEUR AGRICOLE ET LA DEMANDE DE FINANCEMENT 11 1. ZONAGE DU SECTEUR AGRICOLE 11 2. PERFORMANCES, ORGANISATION ET BESOINS DE FINANCEMENT PAR FILIERES 11

2.1. L’agriculture 11 2.1.1. La politique céréalière 11 2.1.2. La production céréalière 12 2.1.3. La filière riz 13 2.1.4. La filière oléagineux 14 2.1.5. La filière coton 14 2.1.6. La filière horticole 19 2.1.7. La filière sucre 20

2.2. L’élevage 20

3. LES BESOINS DE FINANCEMENT TRANSVERSAUX 22

3.1. Le financement des services d'appui 22 3.2. Les organisations paysannes 22

3.2.1. Caractéristiques 23 3.2.2. Structuration 23

3.3. L’approvisionnement en intrants 25 3.4. Le financement des équipements agricoles 25

III – ANALYSE DE L'OFFRE DE FINANCEMENT 27

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1. LE FINANCEMENT PUBLIC 27

2. LES INSTITUTIONS SPECIALISEES : LA CNCA 27

3. LE SECTEUR BANCAIRE 30

3.1. Les Banques 30 3.2. Les Etablissements financiers 31

3.3. Le niveau des concours 31 3.4. Le financement de la campagne cotonnière 32

4. LES SYSTEMES DE FINANCEMENT DECENTRALISES 33

4.1. Aperçu sur la situation des SFD au Burkina 33 4.2. Contribution des SFD au financement de l’agriculture 38 4.3. Analyse de la stratégie des différents SFD du Burkina par rapport à

l’agriculture 42 4.3.1. La FCPB 42 4.3.2. L’URCPSO 46 4.3.3. Les BTEC 50 4.3.4. Les CVECA 54 4.3.5. La CECC 58

IV – SYNTHÈSE 63 ANNEXES 67 1 - SIGLES ET ABREVIATIONS 67 2 – BIBLIOGRAPHIE 69 3 - PERSONNALITES RENCONTREES 70

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I – LE CONTEXTE DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE

1. PRESENTATION GENERALE DU BURKINA FASO Le BURKINA FASO représente une population de plus de 11 millions d’habitants,

répartie sur 274.200 km2, avec une densité moyenne d’environ 40 habitants/Km2 et des pointes à plus de 140 habitants/km2 sur le plateau Mossi. La population est rurale à près de 90 %. Le taux de croissance dépasse 2,5 %, l’espérance de vie est de 48 ans et les moins de 15 ans représentent près de 50 % de la population.

Le PIB est faible compte tenu de la population et on estime que 50 % de celle-ci vit

en dessous du seuil de pauvreté, évalué au niveau très bas de 41.000 FCFA/an. Le taux de croissance de 5 à 6 % constaté, en dehors des périodes de crise, ne permettant pas de réduire la pauvreté, il faudrait un taux de croissance permanent de l’ordre de 8 à 10 %.

Le Burkina Faso est classé parmi les PMA et se situe au 172ème rang vis-à-vis de

l’Indice de Développement Humain établi par le PNUD. Le secteur primaire assure un rôle moteur de l’économie (34 % du PIB et 82 % des

exportations) et surtout de l’emploi, puisqu’il occupe 80 % de la population active. La situation alimentaire du pays est caractérisée par des disparités régionales marquées par l’existence de zones chroniquement déficitaires (nord) et des zones excédentaires (zones cotonnières et sud-ouest).

Les superficies cultivées représentent 3,4 millions d’hectares, dont 88 % sont

consacrées aux céréales et 10 % aux cultures de rente. Le coton est la principale culture de rente et représente près de 60 % des recettes

d’exportation. En 1996-1997, le volume de la récolte est établi à 202.630 tonnes, plaçant le Burkina parmi les 5 premiers pays producteurs de coton d’Afrique francophone. L’objectif fixé est de 350.000 tonnes d’ici l’an 2000.

L’élevage est la deuxième ressource de l’Etat après le coton et avant le secteur

minier (or, manganèse). Le cheptel bovin est estimé à 4,32 millions de têtes, les ovins et caprins à 13,8 millions, et les volailles à 19,9 millions. L’élevage contribue pour 14 % aux exportations du pays (dont 3,7 % pour les cuirs et peaux).

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Tableau 1 : Indicateurs généraux du Burkina Faso

BURKINA Groupe des PMA

Population Densité Population rurale et agricole : IDH PIB / hbt (1995) PIB réel / habitant Evolution annuelle du PIB (1960-1995) Contribution du secteur agricole au PIB Contribution du secteur industriel Contribution du secteur tertiaire au PIB Contribution de l’élevage au PIB Contribution de l’élevage aux exportations Taux alphabétisation des adultes Taux brut de scolarisation Espérance de vie Croissance démographique (1970-1995) Croissance démographique (1995-2015)

10.500.000 (1997) 33,5

habitants/km² 80%

0,219 (172) 258 USD 784 USD + 1,2%

34% 27% 39%

11% (280 M USD)

26% en valeur 19,2 19

46,3

0,344

1008 USD

36% 21% 43%

49,2 36

51,2 2,6% 2,4%

Source : Rapport des Nations Unies sur le développement humain. 1998.

2. POLITIQUE ET FINANCEMENT DU SECTEUR AGRICOLE

2.1. Historique La croissance de l’économie, amorcée ces dernières années, s’est poursuivie en

1998, essentiellement grâce au secteur primaire. Le taux de croissance réel du PIB est passé de 4,8 à 8,9 % en 1998, grâce au niveau élevé de la production agricole, grâce à une bonne pluviométrie, après une baisse en 1997 et malgré une baisse d’activité du secteur tertiaire liée à la baisse de la production agricole en 1997, et grâce à la faible hausse des importations en 1998.

L’environnement économique et politique du Burkina a été marqué par des

changements importants au cours de la dernière décennie : - Instauration de l’état de droit en 1991, - Adoption d’un programme d’ajustement structurel en 1991, - Adoption d’un programme d’ajustement sectoriel agricole en 1992, - Dévaluation du FCFA en 1994.

L’adoption des programmes d’ajustement s’est traduite par la libéralisation des prix

et des marchés (le riz n’a été libéralisé qu’en 1996), par la privatisation de plusieurs entreprises et par la définition du nouveau rôle de l’Etat qui se désengage de toutes les activités où le secteur privé est jugé plus efficace, l’Etat se limitant aux aspects réglementaires et à la facilitation de l’action privée.

Le Plan d’Action pour l’Organisation du Secteur Agricole (PAOSA) du Burkina Faso approuvé par la Commission Européenne le 12 mai 1999 et portant sur un montant de 24,2 millions d’EURO, traduit lui-même les axes prioritaires définis au Programme Indicatif National.

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Le PAOSA, pour sa part, s’intègre dans le prolongement du PASA I et du PASA II, en se focalisant sur les mesures d’accompagnement prévues par ce dernier. Le PAOSA regroupe trois plans généraux d’actions concernant : - l’émergence et le renforcement des Organisations Professionnelles Agricoles

(OPA) ; - le financement du monde rural par la consolidation des systèmes d’épargne et de

crédit rural ; - la Filière elle-même, par l’accroissement de la production et la structuration des

producteurs en organisations professionnelles.

Il bénéficie de la contribution d’autres financements (Danemark, Pays Bas, France, FAO et PNUD) pour 11,4 millions d’EUROS. On notera que la Cellule de Gestion qui est mise en place, pourrait également avoir pour rôle de gérer et de mettre en œuvre ces crédits additionnels, si le Gouvernement le souhaite.

Plus spécialement, pour l’ensemble des programmes, le Maître d’œuvre délégué est

la Cellule de Coordination du PASA, financée par la Commission Européenne.

2.2. Objectifs du programme de réforme

2.2.1. La production agricole

Comme on le voit par ailleurs, la production de céréales est très dépendante des aléas climatiques et l’équilibre du bilan céréalier reste très fragile malgré une augmentation des surfaces de l’ordre de 3,6 %, dépassant la croissance de la population. Si les surfaces cultivées se sont accrues, sauf pour le maïs, on note peu de progrès sur les rendements, ce qui se traduit par une extensification des cultures, accentuant la pression sur l’environnement. La tendance négative du maïs est préoccupante, car il offre un potentiel de rendement très supérieur, 1.600 kg en 1994 contre 795 kg pour le sorgho la même année.

La culture du riz s’est également accrue. On note une amélioration des rendements

qui seraient passés de 1,5 T/ha à 1,9 T/ha. Celle-ci provient surtout d’une meilleure maîtrise de l’eau, d’où la volonté de l’Etat de poursuivre un programme important d’aménagement hydro-agricoles en dépit des difficultés de financement.

Le coton est le secteur d’exportation le plus important du pays, d’où l’attention

particulière qui lui est portée. Jusqu’à présent, la politique de libéralisation n’a pas mis en cause l’unité de la filière dirigée par la SOFITEX, mais il faut noter une variabilité de la production et le fait que la croissance de la production est plus liée à une augmentation des surfaces semées que d’une amélioration des rendements des rendements qui reste limitée. Cette tendance, qui a été soutenue par des prix attractifs du coton, pourrait s’inverser dès lors que les prix se stabilisent ou baissent (comme c’est le cas depuis fin 1998) et si les difficultés de la filière s’accroissent, ce qui est à craindre.

Les orientations stratégiques retenues sont les suivantes : - Fertilité des sols, - Sécurité alimentaire, - Modernisation de l’Agriculture, - Soutien aux producteurs et à leurs organisations, - Appui institutionnel.

2.2.2. L’élevage

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Les documents qui fondent les principes et orientations politiques pour le secteur Elevage sont :

• la “Note d’orientation du plan d’action de la politique de développement du

secteur Elevage au Burkina Faso”, MRA (19 novembre 1997) ; son contenu s’appuie sur les lettres de mission du département des ressources animales qui sont : - la réorganisation de l’élevage traditionnel à travers la formation, l’encadrement

et la coopération des éleveurs ; - l’aménagement des zones pastorales pour une meilleure contribution à

l’élevage intensif ; - la promotion des fermes d’élevage privées ; - le renforcement qualitatif des infrastructures et services de santé animale ; - l’accroissement de la production fourragère ; - la promotion de l’industrie de soutien à l’élevage : production des équipements

et matériels, transformation des produits ; - l’appui à la recherche de débouchés stables pour les produits d’élevage.

• le “Document d’orientations stratégiques à l’horizon 2000 ; stratégie

opérationnelle de croissance durable des secteurs de l’agriculture et de l’élevage”, MRA/MA (1997) ; ce document indique les grandes orientations stratégiques choisies, à savoir : - favoriser le développement d’une économie de marché en milieu rural ; - moderniser les exploitations agricoles et d’élevage ; - favoriser la professionnalisation des acteurs ; - assurer une gestion durable des ressources naturelles ; - accroître la sécurité alimentaire ; - rôle de l’Etat.

3. LE CONTEXTE FONCIER Dans le droit traditionnel, la terre est un bien communautaire à l’échelle d’un terroir,

qui est géré par un chef de terre ou son équivalent, selon les caractéristiques ethniques. La terre est affectée aux différents lignages, selon leurs besoins, avec le souci de conserver une certaine réserve foncière disponible. La terre en jachère reste affectée au lignage qui la cultivait auparavant. Bien que théoriquement non aliénable, la terre a toujours figuré dans les règles de succession en ligne directe. Il y avait donc transmission de l’affectation initiale au fondateur du lignage.

Cette réserve, gérée par le chef de terre, permet de satisfaire de nouvelles

demandes de personnes étrangères aux lignages d’origine, tant que la pression foncière n’est pas trop forte. Quand c’est le cas, en plateau Mossi par exemple, et que les réserves sont épuisées et les jachères cultivées, le prêt de terres apparaît au sein d’un lignage, de lignages voisins ou en faveur d’étrangers. Ces prêts donnaient lieu à des dons plus symboliques qu’économiques et la rente foncière ou la vente de terres n’existait pas.

Dans ce système, l’accès à la terre est toujours resté très limité pour les femmes et

se traduisait seulement par des prêts de durée plus ou moins longue. L’insécurité foncière était donc la règle pour elles.

Le droit foncier moderne s’appuie sur la loi foncière en vigueur, c'est-à-dire celle de

1985, modifiée en 1996.

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La sécurisation foncière au profit des personnes morales ou physiques est basée sur un certain nombre de titres officiels définis par la loi : - Arrêté d’affectation, - Arrêté de mise à disposition, - Permis d’occuper, - Permis Urbain d’habiter, - Permis d’exploiter, - Bail.

Il n’existe pas à proprement parlé de titres fonciers, si ce n’est ceux datant de l’époque coloniale.

L’accès à la terre pour assurer sa subsistance est possible, la loi prévoyant que

« l’occupation et l’exploitation des terres rurales non aménagées dans le but de subvenir aux besoins de logement et de nourriture de l’occupant et de sa famille ne sont pas subordonnées à la possession d’un titre administratif ».

Ce texte, destiné à protéger le petit exploitant, ne fournit, en fait, aucune protection

juridique réelle face à divers pressions, parfois très fortes. Elle pouvait provenir de personnalités locales ou politiques désireuses de se constituer ou d’agrandir une exploitation, ou de citadins ayant réussis à « acheter un droit d’usage » de la part de chef de terres attirés par des compensations qui n’étaient plus symboliques.

Les responsables de groupement de producteurs de l’Ouest du pays signalent que,

dans les zones frontalières de la Côte d’Ivoire, un courant d’achats de terres se développe au profit d’ivoiriens qui achètent des terres dans les vallées de la région, plus disponibles et fertiles que celles du Nord de la Côte d’Ivoire. De ce fait, de jeunes burkinabés ne parviennent plus à se faire attribuer les terres dont ils ont besoin pour s’installer. Ils en concluent donc que l’absence de titres, défendue par l’Administration pour protéger les petits exploitants, aboutit au résultat inverse, car ils sont dépourvus de titre et sont en situation d’infériorité pour faire valoir leurs droits face à des acquéreurs lettrés et disposant de moyens, l’expérience montrant que ces acquéreurs, théoriquement à titre précaire, arrivaient toujours à pérenniser leurs droits.

Il y a donc une forte demande des producteurs à la base pour une modernisation du droit avec une systématisation de titres officiels, sans que soit précisée la nature de ce titre.

Parallèlement, les banquiers sont également très demandeurs de la même manière

pour trouver un nouveau mode de garantie de leurs crédits. Ils font valoir que, même en l’absence de réel titre foncier, aliénable sans réserve par définition, le permis urbain d’habiter peut, par exemple, être donné en garantie. L’expérience montre que, avec ou sans titre foncier, la pression sociologique est telle qu’il est impossible de vendre une propriété foncière sans l’accord de son propriétaire. De même, il est impossible de saisir et de vendre un bien foncier, car aucun acheteur n’osera briser l’interdit social et acquérir un bien sans l’accord du propriétaire, même saisi à juste titre. En revanche, la banque peut louer le bien jusqu’à extinction de la dette pour le rendre ensuite au propriétaire emprunteur défaillant. C’est un dispositif analogue que le secteur bancaire souhaite, rejoignant en cela les souhaits des exploitants. Des dispositifs similaires existent déjà sur des périmètres aménagés de financements publics, où le droit d’exploiter est soumis à un cahier de charges prévoyant la mise en valeur minimale et le règlement de redevances ou taxes et, en cas de non-respect, l’expulsion des exploitants défaillants.

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L’existence des Comités de gestion des terroirs, prévue par la Loi, qui se sont constitués à partir de 1989 et qui couvriraient environ 60 % du territoire, marquent une première étape importante dans ce processus. S’il apparaît qu’ils sont bien perçus comme représentatif dans leur collectivité, ils pourront servir de relais pour soutenir un programme d’action sur le terrain. Il est certain qu’une telle réforme bouleversera des traditions fortement ancrées et qu’elle ne sera praticable que si la demande en émane des ayant-droits eux-mêmes. Les expériences effectuées, au Bénin et en grande échelle en Côte d’Ivoire, montrent que pour peu que la démarche soit participative, elle peut aboutir à la satisfaction des exploitants individuels et des jeunes communes rurales, qui y trouvent une première justification très valorisante. On aboutit d’ailleurs à une solution négociée de conflits fonciers anciens jamais résolus et à une amélioration très sensible de la cohésion sociale. C’est une démarche délicate et coûteuse, mais positive si elle est pratiquée avec compétence et prudence. Le tabou d’autrefois ne paraît plus significatif avec l’évolution des esprits. Les programmes entrepris ailleurs prévoient les étapes suivantes : - Couverture de photographies aériennes et relevés géodésiques ; - Reconnaissance des terroirs villageois et des droits fonciers liés aux lignages

familiaux, - Résolution des conflits éventuels ; - Etablissement d’un Plan Foncier ; - Création de Comités de Gestion foncière chargé du suivi et de l’actualisation des

plans fonciers, - Informatisation du Service compétent en matière foncière, - Programmes de gestion participative des terroirs des communautés rurales ; - Appui à l’investissement en milieu rural par l’établissement de Plans de

Développement Locaux. La sécurisation du foncier est indéniablement une condition indispensable à l’intensification de l’agriculture et de l’élevage qui passe par des investissements assez lourds ( défrichement, drainage, fumure de fonds, petite irrigation, plantations arbustives, clôtures, points d’eau et ultérieurement branchements aux services publics, etc.). Elle participe également à la fixation territoriale des collectivités et communes rurales prévues dans le cadre de la décentralisation et de la promotion de la société civile. Elle est enfin la condition préalable à la gestion des terroirs et à la protection de l’environnement. Il semble donc que la nécessité d’une modernisation du droit foncier apparaisse clairement à toutes les parties intéressées et que cela devrait constituer l’un des premiers programmes de modernisation du secteur rural. Un Programme National de Gestion des Terroirs a été engagé, avec l’appui de la BIRD. Il a surtout un objectif de protection de l’environnement, mais participe de la même orientation et serait valorisé par un programme foncier national.

4. LES STATISTIQUES AGRICOLES

Une Enquête Nationale de Statistique Agricole a été conduite par l’INSD en 1993. Elle est donc ancienne et les données disponibles sont désormais imprécises, sauf pour les cultures encadrées (coton et dans une moindre mesure riz) et ne prennent pas en compte les importantes fluctuations liées aux variations climatiques et à l’évolution rapide du contexte économique.

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Un recensement agricole exhaustif et des études de consommation seraient très

utiles pour rétablir la fiabilité de l’outil statistique, indispensable pour une bonne programmation des actions de développement et des décisions de l’Etat.

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II – LE SECTEUR AGRICOLE ET LA DEMANDE DE FINANCEMENT

1. ZONAGE DU SECTEUR AGRICOLE

En matière agricole l’Institut pour l’Environnement et la Recherche Agricole (INERA) a déterminé 5 grandes zones de production qui recoupent à la fois les zonages climatiques et physiques : - Est, 22 % du territoire, pluviométrie de 400-900 mm, cultures de sorgho, de mil et

diverses , région d’accueil en raison de sa faible densité de population et des disponibilités en terres, zone de transit du bétail ;

- Sahel, 13 % du territoire, pluviométrie de 400-600 mm, essentiellement zone d’élevage extensif, d'agriculture extensive de subsistance, mise en valeur croissante des bas-fonds permettant des cultures céréalières à rendements croissants ;

- Nord-Ouest, 11 % du territoire, pluviométrie de 400-800 mm ; population dense et forte pression foncière, cultures de mil et sorgho, riz dans les bas-fonds et aval de barrages, élevage important ;

- Centre, 34 % du territoire, pluviométrie de 600-900 mm, densité de population, sols dégradés, potentiel médiocre, cultures céréalières et d'arachide ;

- Ouest, 19 % du territoire, pluviométrie de 700-1.200 mm, cultures diversifiées, culture importante du coton, mécanisation croissante, potentiel restant élevé.

2. PERFORMANCES, ORGANISATION ET BESOINS DE FINANCEMENT PAR FILIERES

2.1. L’agriculture

Les grandes productions agricoles du Burkina Faso sont les céréales (Sorgho, mil, maïs, riz), les oléagineux (arachide, karité et sésame), le coton et la canne à sucre dont les filières de production sont plus ou moins organisées.

Les autres productions non organisées sont le fonio (15.000 à 20.000 tonnes),

l’igname (35.000 à 40.000 tonnes), la patate douce (10.000 à 15.000 tonnes), le soja (1.000 à 4.000 tonnes), le niébé (dont la production était de 246.000 tonnes en 1993 et seulement 80.000 tonnes) et le voandzou (40.000 à 46.000 tonnes).

2.1.1. La politique céréalière

Le Burkina Faso se trouve, en matière de politique céréalière (mil, sorgho, maïs, riz), dans une situation particulière, car il est le seul pays du CILSS dans lequel l'Office National des Céréales (OFNACER) a été supprimé en mai 1994, laissant ainsi le marché national des céréales au secteur privé. Cependant, un Comité de Réflexion et de Suivi de la Politique Céréalière (CRSPC) a été créé qui offre un cadre de concertation, d'analyse et de proposition. Il regroupe des représentants de l'Etat, des bailleurs de fonds, et des ONG et élabore sa stratégie en utilisant les informations qui lui sont fournies par les structures suivantes :

Le Comité de Coordination de l'Information (CCI), localisé à la Direction des Statistiques Agro-Pastorales (DSAP), est responsable de l'évaluation de la politique

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alimentaire. Il se compose de six groupes de travail, dont ceux sur l'enquête agricole, le SIM et le SAP 1 (Système d'Alerte Précoce) ;

Le Système d'Information sur les Marchés (SIM) réalise des relevés de prix des

céréales une fois par semaine sur 37 marchés de production et de consommation. Depuis 1994, une enquête complémentaire est effectuée chaque mois auprès d'un échantillon de commerçants, dans le but d'étudier les stocks qu'ils détiennent. Le traitement des données est réalisé au siège à Ouagadougou et leur diffusion est effectuée à travers un bulletin hebdomadaire et une émission à la radio rurale. Des analyses mensuelles et annuelles sont ensuite publiées ;

Le Secrétariat Permanent de la Coordination de la Politique Céréalière (SP/CPC)

est la structure centrale du dispositif de pilotage. Il anime le cadre de concertation, et prépare les réunions du CRSPC et du CPG (Comité Paritaire de Gestion) qui dépend du Fonds de Développement Céréalier (FODEC). Ce dernier est l'instrument financier du CRSPC et est approvisionné par les dotations budgétaires, des fonds de contrepartie, de l'aide alimentaire et des aides financières accordées par les bailleurs de fonds. Le SP/CPC exécute les décisions, propose des mesures, coordonne les études et assure le suivi et l'évaluation ;

Le Comité National d'Aide et de Secours d'Urgence (CONASUR) gère l'aide

alimentaire (programme et d'urgence).

2.1.2. La production céréalière

Le tableau ci-après montre la fragilité de l’équilibre céréalier du pays et l’importance de la politique céréalière pour le maintien de l’activité économique qui en est fortement dépendante. Il dresse le bilan céréalier des 5 dernières campagnes, compte tenu de la production brute (chiffres en maigre) et du disponible pour la consommation (en gras) :

Production

Milliers de Tonnes Besoins de la

Population Surplus / Déficit

1994/95 2.312 1.948

1.946 + 2

1995/96 2.308 1.937

2.005 - 68

1996/97 2.482 2.076

2.007 + 69

1997/98 2.013 1.899

2.060 - 161

1998/99 2.657 2.463

2.118 + 345

La production de mil a été de 603.900 tonnes en 1998, contre 375.000 tonnes en

1997, soit une progression de 61 % ; celle de sorgho a atteint 1,2 millions de tonnes, en progression de 27 %, celle du maïs a été d’environ 380.000 tonnes avec une faible progression de 3 % sur 1997, la production de riz est restée stable à 89.000 tonnes.

1 Le SAP était rattaché avant 1992 au CONASUR. Il a été supprimé pendant plusieurs années car il ne

répondait pas aux besoins des utilisateurs. Il a été rétabli en 1996 et rattaché à la DSAP et devrait progressivement devenir opérationnel.

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2.1.3. La filière Riz

Bien que ne représentant actuellement que 5% de la consommation totale de céréales, la consommation de riz est appelée à connaître une croissance importante au Burkina Faso. En effet, les perspectives pour l'horizon 2015 font apparaître une moyenne de 20 kg/habitant/an, au lieu des 10 à 12 kg/habitant/an actuellement. Cependant, la production nationale est, pour le moment, estimée à seulement 40 à 60.000 t, et les importations de riz, qui contribuent non seulement à combler le déficit, mais également à introduire une diversification des habitudes alimentaires et du panier de consommation, augmentent à un rythme sans cesse plus rapide, générant une dépense en devises importante pour le Pays : 120.000 t en 1996, 128.000 t en 1997, 152.000 t en 1998, 171.000 t à mi-novembre 1999, laissant prévoir un taux record de près de 200.000 t en fin 99 (source ONAC – Office National du Commerce Extérieur). La consommation globale de riz, considérant en outre la croissance démographique, passerait ainsi de quelques 120 à 150 milles tonnes actuellement, à environ 355.000 tonnes en 2015, et les importations dépasseraient alors les 300.000 t, soit, aux prix de 1996, une dépense en devises de l’ordre de 70 milliards de francs CFA constants. La production nationale est assurée par environ 50.000 hectares au total, principalement dans l’ouest, ainsi distribués : - riziculture pluviale : 40.000 ha, mais avec des rendements extrêmement faibles

et variables ; - bas-fonds et petits périmètres : 2.400 hectares ; - grands périmètres irrigués avec maîtrise totale de l’eau : 6.650 hectares. Par rapport à une surface totale possible de quelques 140.000 hectares irrigables, la contribution actuelle de l’irrigation à l’approvisionnement alimentaire burkinabé est donc très faible. En outre, depuis les années 80, le rythme de mise en œuvre de nouveaux périmètres serait seulement de 430 hectares par an. Comme cause principale à cette situation de faible développement, le rapport FAO citait essentiellement : - les coûts élevés d’aménagement (plus de 8 millions de FCFA/Ha, ou

15.000 $US) pour des aménagements avec maîtrise totale de l'eau (d'où l'avantage de s'orienter et d'accentuer l'exploitation de nouveaux bas-fonds, pour un coût nettement inférieur) ;

- réticence des bâilleurs de fonds face aux difficultés de gestion et d’exploitation des périmètres existants.

Dans le même temps, et dans le cadre du PASA I, le Gouvernement a libéralisé (en octobre 1996) toute la Filière Riz, en prenant diverses mesures, dont les plus importantes sont: - suppression du monopole des importations de riz, - liberté d'enregistrement en tant qu'importateur de riz, - suppression des prix administrés, au producteur comme au consommateur, - privatisation de la Société Nationale de Commercialisation du Riz- SONACOR et

liberté de décorticage par tout opérateur, - acceptation du principe d'une clause de sauvegarde pour les importations de riz

dans le cadre de l'UEMOA.

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Le riz est décortiqué par méthode traditionnelle pour l’autoconsommation locale. Une unité de décorticage industrielle, d’une capacité de 24.000 tonnes, a été installée en 1992 par la SONACOR, mais elle ne traite, effectivement, qu’environ 10.000 tonnes. Sa situation financière reste précaire même après sa privatisation.

2.1.4. La filière des oléagineux au Burkina Faso.

Les statistiques de 1996 donnent les informations suivantes sur les oléagineux :

Milliers de Tonnes / Millions FCFA

Production Exportation

Arachide 212 1,9 Karité 75 4,6 Sésame 2 1,9

L’arachide est produite dans toutes les régions du pays, sauf le nord. Elle fait l’objet

d’une autoconsommation importante. Les exportations sont peu importantes et concernent surtout l’arachide de bouche. Les superficies ont suivi une forte progression : de 175.000 ha au début des années 1990 à 240.000 ha en 1995.

Les karités, présents dans toutes les régions sur les sols secs, font l’objet d’une

récolte sur les arbres effectuée par les femmes, puis d’un traitement artisanal et c’est le beurre de Karité qui est exporté.

Le sésame est également produit dans l’ensemble des régions, principalement en

association avec d’autres cultures. Les données le concernant sont donc largement imprécises.

2.1.5. La filière cotonnière

+ la production cotonnière Les surfaces cultivées se sont fortement accrues ces dernières années, mais cela

ne s’est pas fait au détriment des rendements qui se sont également accrus, grâce en partie à une bonne pluviométrie.

La production de coton a évolué de la manière suivante :

Années Production ( Tonnes) Surface semée (ha) Rendement (kg/ha)

1995/96 151.000 160.000 946 1996/97 214.000 195.670 1096 1997/98 338.000 338.140 1145 1998/99 284.000

La SOFITEX considère qu’il y a un potentiel de production d’environ 500.000

tonnes, correspondant à environ 1/3 des superficies cultivées, alors qu’actuellement le coton ne représente que 8 à 15 % suivant les secteurs.

Les tonnages de fibres produits et les montants versés aux planteurs ont été les

suivants :

Années Production (Tonnes) Recettes producteursMilliers FCFA

Prix (FCFA/kg)

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1995/96 64.015 25.300 160 1996/97 90.600 34.718 180 1997/98 140.498 54.817 180 1998/99 185

Le prix de 185 FCFA/kg se décompose en 160 FCFA/kg de prix fixe garanti et 25

FCFA de ristourne à l’issue de la campagne, selon l’accord interprofessionnel intervenu ; pour la campagne 1999-2000, le prix n’était pas encore fixé au passage de la mission.

Les recettes versées aux producteurs ont doublé entre les campagnes1995-96 et

1997-98. On verra plus loin que cette croissance pose des problèmes de financement à la SOFITEX, mais également au secteur bancaire qui a des difficultés à accompagner cette croissance.

Les ventes à l’industrie textile locale sont très faibles, culminant à 1.440 tonnes en

1996-97, elles s’effondrent à 437 tonnes en 1997-98. Le système de prix est basé sur un dispositif de stabilisation interne aux comptes de

la SOFITEX. Au-delà du prix actuel de 160 F/kg, correspondant à l’équilibre sur la base d’un prix de vente de 650 FCFA/kg de fibre, le plus bas depuis 20 ans, une ristourne de 25 F/kg est prévue en fin de campagne. 50 % de la marge brute est distribuée aux producteurs. La baisse des cours fait donc peser une menace pour la distribution de ristourne lors de la prochaine campagne et même sur l’équilibre, si le prix est maintenu.

Ce système fait l’objet d’un accord interprofessionnel depuis 1994, le bilan de la

campagne étant exposé par la SOFITEX, le prix de la campagne suivante est fixé d’accord parties par un Comité de Gestion comprenant les producteurs, l’Etat et la SOFITEX.

+ l’organisation de la filière La filière coton au Burkina reste totalement intégrée et repose sur la SOFITEX, qui

assure les fonctions suivantes : - encadrement des groupements de producteurs, - financement de l’équipement, - financement et fourniture des intrants, - collecte du coton, - usinage, - ventes à l’exportation.

Les producteurs sont organisés en Groupement villageois (GV), regroupant tous les

producteurs de coton d’un même village, quelle que soit leur importance, auquel les crédits d’équipement ou d’intrants sont accordés collectivement, selon le principe de la caution solidaire. Lors de la commercialisation, les échéances sont prélevées sur le montant des ventes, à charge pour le groupement de répartir les sommes en fonction des livraisons et des engagements de chacun. La taille des GV et le fonctionnement défectueux de ces groupements obligatoires ont conduit à de nombreux difficultés, dont la croissance des impayés que certains planteurs performants, se sentant lésés, ont refusé de prendre en charge aux bénéfices des défaillants. Il y a eu également des excès d’investissements sociaux (écoles, locaux villageois et de culte) et même des utilisations abusives (fonctionnement des services administratifs) qui ont conduit les GV à s’endetter au-delà de leur capacité.

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Ces difficultés se sont accrues pendant la crise du début des années 1990, lorsque les recettes du coton ont fortement chuté. Certains groupements n’ont plus eu accès aux crédits intrants.

Il s’est donc constitué, peu à peu, sur une base volontaire, des Groupements de

Producteurs de Coton (GPC), dont le coton était la culture principale. Cette évolution a été facilitée par l’évolution de la réglementation qui a autorisé la création de plusieurs groupements dans un même village. Les GPC autonomes des autres GV se sont regroupés en une union nationale, l’UNPCB.

Quelques gros producteurs sont restés individualisés et la SOFITEX procède

directement chez eux à la collecte du coton. Ils livrent, en moyenne, 30 à 40 tonnes de coton et représentent 5 % des apports.

La privatisation de la SOFITEX a été engagée par l’autorisation donnée aux

groupements d’acquérir des actions au prix de 20.000 FCFA, alors que la valeur au bilan est estimée à 35.000/40.000 FCFA.

+ les moyens de production Depuis le début des années 1980, la SOFITEX a mis en œuvre un programme

d’équipement en tracteurs. Ce programme a été suspendu dix ans plus tard en raison de la crise cotonnière, puis repris depuis 1997 lorsque, après la dévaluation du FCFA, la compétitivité de la filière a été rétablie. Il a porté sur 400 tracteurs simples construits en Chine. Les tracteurs n’ont été mis en place que chez des gros producteurs de coton disposant au moins d’une exploitation de 20 ha, mais la moyenne est de 25 ha, répartis pour 1/3 en coton porté parfois à 40 %, 1/3 en cultures céréalières et 1/3 en cultures diverses et jachère. Les échéances d’un crédit d’équipement, à 6 ans au taux de 9 %, ont été calculées pour ne pas dépasser 50 % du revenu net des cultures de coton et de céréales

Ce programme, qui ne concerne qu’une petite minorité de planteurs, a porté sur 400

tracteurs, la tranche 1999-2000 portant sur 20 tracteurs. Le crédit est accordé par la CNCA qui a mis à la disposition de la SOFITEX un crédit de 2 milliards de FCA.

Les intrants (les semences, 200 kg d’engrais par hectare et les produits de traitement nécessaire pour 6 à 8 traitements) constituent un coût très élevé pour les producteurs. Le paquet technique revient à environ 100.000 F/ha, pour un rendement de 1 T/ha à 185 F/kg. Il représente donc 50 % du revenu attendu. Pour une bonne rentabilité de ce paquet, il faudrait atteindre un rendement de 2 T/ha. Or, la moyenne n’est que de 1,3 T/ha. En 1997, une attaque d’insecte (mouche blanche), intervenue en fin de cycle, a eu des effets catastrophiques. Elle s’est traduite par un accroissement exceptionnel des impayés, la production étant insuffisante pour fournir un minimum de revenu au producteur et rembourser les intrants. Par ailleurs, on estime que 15 à 20 % des engrais sont en fait utilisés sur les cultures vivrières qui, autoconsommées en majorité, ne se traduisent pas par une rentrée monétaire.

La SOFITEX commande les engrais et les produits sur la base d’un programme

agricole préparé par les groupements. Elle bénéficie d’un crédit fournisseur limité en durée et en volume, et doit assurer le relais des financements de la CNCA ou les CPEC consentis aux groupements. Les demandes d’intrants sont souvent supérieures aux enlèvements réels lors de la période de culture, car certaines commissions d’octroi ne connaissent pas ou ne respectent pas les normes « paquets techniques » établies par la SOFITEX. Il s’en suit un report de stocks, alors que la commande pour la campagne suivante a déjà été passée. Les

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montants financés dépassent donc, en volume et en durée, les crédits accordés. Certains groupements accumulent des impayés qui pèsent sur la SOFITEX, car les échéances sont prélevées d’office au profit de la CNCA lors de la commercialisation, dont les règlements sont domiciliés chez la CNCA ou les CPEC.

A fin 1999, il existait un report de stocks d’engrais de 50.000 tonnes qui ne devait

être distribué que si des pluies tardives ou l’absence de parasite justifiait son emploi. La commande, passée fin 1998 et mise en place en 1999 pour la campagne 1999-2000, concernait 160.000 tonnes, dont 110.000 avaient déjà été livrées.

Le volume des financements nécessaires s’est donc accru. Il atteint 35 à 40

milliards, sur lesquels 12 milliards seulement sont financés, le solde, soit les 2/3, pesant sur la trésorerie de la SOFITEX.

+ la situation financière de la SOFITEX La SOFITEX dispose d’un capital de 4 milliards de FCFA et de fonds propres à

concurrence de 10 à 15 milliards. Elle peut, en outre, mobiliser les ressources du fonds de stabilisation.

Le financement de la campagne cotonnière devient de plus en plus difficile pour la SOFITEX pour les raisons exposées ci-dessus, auxquelles il faut ajouter : - La CNCA, elle-même, n’est plus en mesure de financer la totalité des crédits

demandés, - La baisse des cours sur le marché mondial diminue la marge et retarde le flux

des ventes, - La SOFITEX n’a plus assez de fonds propres pour porter tous ces

financements. Sa faible rentabilité ne lui permet pas d’accumuler des réserves et son statut lui permet difficilement de procéder à des augmentations de capital.

Pour cette raison, et aussi parce que cela correspond à la politique de libéralisation de l’économie et de désengagement de l’Etat, fortement appuyée par la BIRD, un projet de privatisation est en discussion. Il prévoit que le capital soit ouvert aux producteurs à concurrence du tiers, un tiers restant à l’Etat et le dernier tiers au partenaire technique traditionnel la CFDT. Ce projet aurait l’avantage de maintenir l’unité de la filière, ce qui n’a pas été le cas dans les autres pays de l’UEMOA, sauf le Mali.

Enfin, les banques émettent un certain nombre de réserve sur la gestion de la

SOFITEX : - mauvais suivi de ses opérations et mauvaise appréciation des prix de revient, - investissements lourds et parfois discutables (renouvellement du parc de

camions par exemple), - fonctionnement trop coûteux.

La situation est jugée préoccupante, mais maîtrisable. + la situation financière des groupements villageois L’accumulation des impayés pour un certain nombre de groupements avait atteint

un tel niveau qu’il mettait en péril tout l’équilibre de la filière, car ces groupements ne pouvaient plus théoriquement bénéficier des crédits intrants et, sans intrants, leur production de coton risquait de s’effondrer, empêchant tout espoir de remboursement à terme.

Il a alors été décidé d’apurer les comptes au 30-09-95, ce qui se traduisait par une

perte d’environ 2 milliards de FCFA, dont l’UE avait accepté de prendre en charge

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50 %. Pour le moment, ces impayés sont à la charge de la CNCA pour 0,7 milliard et de la SOFITEX pour 1,3 milliard, ainsi que l’Union Régionale des Caisses Populaires du Sud-Ouest.

L’UE a suspendu le règlement de sa contribution jusqu’à ce que soit définitivement

arrêtée la situation des impayées et a financé une étude à ce sujet. Le consultant a constaté que ni la SOFITEX, ni la CNCA ou l’URCPSO ne sont en mesure d’établir une situation précise et, fait plus préoccupant, que des impayés nouveaux sont en cours d’accumulation depuis 1995, pour montant qui dépasserait 0,3 milliard.

Cette situation est surtout le fait des GV. Elle traduit la continuation du

surendettement et les conséquences de la mauvaise campagne 1998-1999 (pluies tardives et attaque de mouche blanche)

Par ailleurs, une mauvaise coordination entre la CNCA et la SOFITEX au niveau de

l’établissement du programme agricole et des commissions d’octroi des crédits, entraîne un non-respect des normes techniques et une commande d’intrants supérieure aux besoins de la culture du coton, dont une partie est détournée vers d’autres cultures non monétarisées, ce qui crée des problèmes de remboursement. Les deux organismes ne sont pas en mesure de suivre correctement les 6.600 GV et GPC intervenant en zones cotonnières.

Enfin, les enregistrements comptables de la CNCA et de la SOFITEX ne se

recoupent pas exactement, retardant la mise au point des échéanciers et permettant à certains GV d’échapper aux prélèvements lors de la commercialisation.

En l’absence d’une centralisation des risques, on assiste aussi à des endettements

anormaux de producteurs changeant plusieurs fois de groupement de rattachement et bénéficiant de nouveaux crédits, alors qu’ils n’ont pas remboursé les précédents.

Une réforme du mode d’octroi des crédits, ainsi que du fonctionnement de la CNCA

et de la SOFITEX, s’impose donc et l’UE attend des mesures concrètes avant de débloquer les fonds promis. Elles devraient concerner une clarification des tâches incombant à la SOFITEX (encadrement, approvisionnement, collecte, usinage, commercialisation) et réserver la gestion des crédits aux professionnels (CNCA et SFD), appliquer une meilleure sélectivité aux groupements (les bons groupements sont ceux de taille réduite, solidaires et remboursant correctement les crédits) et réformer les conditions d’octroi. L’émergence des GPC va dans ce sens.

Si on comprend bien la nécessité d’une mesure d’apurement, il n’en reste pas

moins qu’elle est tout à fait contestable car, une fois de plus, elle va en contradiction avec les règles de base du contrat de crédit, à savoir son remboursement. Il aurait mieux valu décréter une remise générale d’une partie de la dette, suite à un accident climatique et, éventuellement, la prise en charge des investissements collectifs (magasins, écoles, lieux de culte, etc.) sur budget public, pour alléger l’endettement des GV concernés, plutôt que d’éponger les impayés. Cela aboutit à pénaliser les producteurs qui ont respecté leurs engagements et met en péril le fondement du crédit.

Pour l’avenir, il faut engager un programme de formation des responsables de

groupements et les responsabiliser au respect des engagements, revoir le fonctionnement des commissions d’octroi et faire respecter les normes techniques d’évaluation des besoins (endettement inférieur à 35 ou 40% du revenu escompté, crédit intrant et impayés antérieurs inférieurs à 50 % de ce revenu escompté), ne

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pas admettre un endettement à but d’investissement collectif qui ne serait pas garanti par des recettes adéquates pour le groupement (marges de marché), suivre le nomadisme et éviter les endettements multiples, etc.

2.1.6. La filière horticole La production de fruits et légumes était estimée à 380.000 tonnes en 1996 et

générait des exportations de 4 milliards de FCFA (soit à peine 3,5 % du total des exportations), principalement pour les haricots verts et les mangues.

Le Burkina Faso a considérablement développé sa filière horticole, tant pour satisfaire une demande nationale, régionale et internationale. Plus précisément, les facteurs qui ont favorisé ce développement sont: - le développement de la population urbaine locale, - la proximité géographique avec l’Europe, - les saisons de productions complémentaires à celles de l’Europe, - un fret aérien avantageux (malgré les récentes augmentations tarifaires) - un savoir-faire traditionnel des paysans.

La profession s’est organisée par la mise en place de l’Association des Exportateurs

de Fruits et Légumes – AEFL qui devrait contribuer au renforcement de la professionnalisation de la filière mais qui ne trouve pas en face d’elle une association unie de producteurs. L’AEFL bénéficie d’un programme d’appui financé par l’AFD.

Malgré ces atouts indéniables, les principales cultures souffrent des mêmes maux.

Haricots verts (3.000 tonnes d’exportation pour la saison 96/97), pomme de terre (potentiel important à l’exportation vers les pays proches), oignon, tomate pour les légumes et bananes, mangues, agrumes, pour les fruits, doivent faire face à de gros problèmes de rentabilité financière, ainsi l’UCOBAM et la FLEX FASO. Les coopératives de base sont également dans des situations financières délicates et les banques ont désormais une forte réserve à financer leurs activités.

2.1.7. La filière sucre

Le Burkina Faso dispose d’un complexe sucrier de 3.650 ha sur la Comoë dans l’ouest du pays, gérée par la SOSUCO (Société Sucrière de la Comoë), qui a été privatisée et reprise par IPS du Groupe de l’Aga Khan.

La production sucrière a évoluée de la manière suivante :

- 1994 : 31.100 tonnes - 1995 : 29.000 - 1996 : 28.300 - 1997 : 32.000 - 1998 : 29.100

Les rendements en cannes varient de 83 à 72,5 tonnes/ ha et ceux en sucre de 8,9

à 7,9, ce qui représentent des performances moyennes. Malgré l’augmentation du prix du sucre liée à la dévaluation du FCFA qui a permis d’excellents résultats financiers en 1994-95, l’augmentation du prix de revient a érodé rapidement la marge. En effet, le prix de revient du sucre a subi une forte augmentation, passant de 245 FCFA/kg en 1994 à 318 FCFA/kg en 1996. La poursuite de la production n’est possible qu’en raison d’une forte protection douanière, qui devrait être remise en cause lors de la mise en place du tarif extérieur commun. Cette protection

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douanière, fortement dénoncée par le FMI et la BIRD, a empêché le Burkina de bénéficier d’un véritable PASA.

Cette production ne couvre pas les besoins du pays qui sont de l’ordre de 50.000

tonnes et impose des importations qui étaient de 21.000 tonnes en 1997 pour une valeur de 4 milliards de FCFA (environ 190 FCFA/kg). Alors que la SOSUCO bénéficiait du monopole d’importation jusque là, en 1998 des importations ont été effectuées par d’autres sociétés, BRAKINA en particulier.

La SOSUCO bénéficie d’un financement consortial de campagne, dont le chef de

file est la BICIA.

2.2. L’élevage

Le cheptel burkinabé était évalué en 1997 à 4,4 millions de têtes de bovins et 6 millions d’ovins et 7,7 millions de caprins, 500.000 ânes, 20.000 chevaux, 10.000 chameaux, 600.000 porcins et près de 20 millions de volailles. Les exportations vivants représentaient 21,1 milliards de FCFA (soit 18,6 % des exportations du pays), celles de viande : 3,2 milliards et celle des cuirs et peaux : 10,7 milliards.

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Tableau 2 : différents types de systèmes d'élevage en présence

Systèmes d’élevage

Caractéristiques principales Acteurs

Elevage pastoral transhumant

- système traditionnel extensif, avec mobilité des troupeaux notamment en saison sèche

- Unité de production laitière (vaches lactantes + veaux) sédentaire

- élevage non spécialisé, mais orienté vers le naissage et la production de lait

- race zébu peul soudanais dominante - troupeau bovin d’un effectif important (souvent plus de 100

têtes), quelquefois mixte (bovins-ovins) - Importance du confiage (propriétaires absentéistes,

agriculteurs)

Pasteurs peul Fonctionnaires Commerçants

Elevage agro-pastoral sédentaire

- toutes races représentées : lobi, métis, zébu peul soudanais - troupeaux pâturant uniquement dans les environs

immédiates du village, conduits par les enfants - troupeau naisseur plus des bovins de trait - effectif du troupeau peu important, de l’ordre de 20 têtes

Agriculteurs autochtones et migrants. Agroéleveurs Peuls

Elevage intégré

- animaux intégrés à l’exploitation agricole : animaux de trait (bovins, ânes, chevaux), petits ruminants

- effectif moyen de 10 UBT par exploitation - animaux bénéficiant des réserves fourragères et dont les

déjections sont utilisées pour fertiliser les champs - animaux généralement bien soignés

Agriculteurs autochtones et migrants

Elevage urbain et périurbain

- élevage semi-intensif, souvent pratiqué comme activité secondaire

- élevage bénéficiant d’intrants vétérinaires et zootechniques (SPAI)

- spécialisé en production laitière, en production de viande de qualité (ateliers d’embouche bovine, porc naisseur-engraisseur) et d’œufs

- races locales avec un fort engagement dans l’amélioration des animaux par l’introduction de nouveaux gènes (races européennes, africaines, croisées ou pures)

Commerçants Fonctionnaires Autres salariés Retraités, etc.

Elevage porcin traditionnel

- élevage beaucoup pratiqué en pays bwa, au cœur du bassin cotonnier

- porcs de race locale à faible productivité - conduite en divagation en saison sèche et en claustration

en saison de culture (dans certaines localités)

Femmes du pays bwa et environnant

Aviculture traditionnelle

- pratique généralisée dans toute la zone d’étude (poules, pintades) et localisée pour les canards et les dindons

- élevage orienté vers la production de poulets de chair et d’œufs de pintade

Acteurs non spécifiques

Le rendement de l’élevage est fortement tributaire des conditions climatiques, pour

les approvisionnements en eau et en fourrage. Aussi, la bonne pluviométrie de la campagne 1997-1998 a eu un effet très positif sur l’état des troupeaux. En particulier, les longues périodes de sécheresse des années 1970 ont fait perdre leurs troupeaux aux pasteurs peuhls transhumants et nombre d’entre eux sont devenus pasteurs salariés pour le compte de propriétaires agriculteurs du sud ou citadins

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Il n’existe pas de mode de financement spécifique de l’élevage. La CNCA consent des crédits à quelques groupements pratiquant l’embouche, mais ces interventions sont très limitées. Les conditions de durée de ces crédits (maximum 2 ans) sont inadaptées aux besoins d’un élevage moderne qui justifierait des crédits à 5 ou 6 ans, avec différé d’amortissement..

La CNCA gère une ligne de crédit pour aider à l’installation des vétérinaires privés,

ce qui est un facteur de modernisation important de la filière. Il existe également un SFD spécifique, l’APES (Association pour le Développement

de l’Elevage au Sahel) qui intervient au bénéfice de groupements, mais ses moyens limités ne permettent que le financement des volailles et de quelques ovins et caprins.

Les principaux freins au financement de l’élevage sont :

- le manque de professionnalisme, - l’absence de sûreté réelle (non-immatriculation des animaux), - l’absence d’assurance bétail, - le manque d'organisation des éleveurs.

Il n’y a aucune unité de fabrication d’aliment du bétail, ni d’organisation de la

commercialisation. Cependant, il faut noter l’amélioration des services rendus par la profession

vétérinaire (grâce notamment aux activités d’une soixantaine de vétérinaires privés nouvellement installés, qui assurent déjà le quart des prestations) qui a permis une baisse des maladies endémiques contagieuses.

3. LES BESOINS DE FINANCEMENT TRANSVERSAUX

3.1. Le financement des services d'appui

Les services des Ministères de l’agriculture, du Ministère des Ressources Animales et du Ministère de l’Environnement et de l’Eau, intervenant tous trois en milieu rural, n’ont pas encore été restructurés. Sur le Terrain, les Directions Régionales de l’Agriculture regroupent un certain nombre de Directions provinciales, puis des Unités d’encadrement qui couvrent en principe 8 villages, soit 10.000 habitants. La norme d’encadrement serait de 1 agent pour 500 exploitations agricoles.

La disparition des anciens services des ORD n’a pas encore été compensée sur le

terrain qui souffre d’un défaut d’appui technique.

3.2. Les Organisations paysannes (OP) 2-ITAD, ODI,CIRAD, 1999. Renforcer la collaboration entre la recherche, la vulgarisation et les organisations paysannes en Afrique de l’Ouest et du Centre. Etude de terrain - Burkina Faso

2 Sources : - Entretiens de la mission - Missions antérieures des experts sur ce thème - CIRAD, 1996. Programme d’appui aux organisations professionnelles agricoles en zone

cotonnière. Dossier technique. Montpellier - DIAGNE D., HUET C., 1997. Mission d’évaluation au programme d’appui aux organisations

professionnelles : Burkina Faso . IRAM

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Il n’y a pas, à ce jour, de Chambre d’Agriculture au Burkina. Les producteurs sont

donc représentés par un certain nombre d’Organisations Paysannes, plus ou moins concurrentes et toutes représentatives.

3.2.1. Caractéristiques Des organisations paysannes anciennes et très diverses Les premières coopératives sont nées au Burkina dans le cadre colonial, à

l’initiative des missions religieuses ou dans le cadre d’actions de développement. Après l’Indépendance, les Sociétés de Développement, puis les Organismes Régionaux de Développement (ORD), ont été à l’origine de coopératives, groupements de producteurs, groupements villageois, utilisés comme courroie de transmission pour les approvisionnements en intrants, la vulgarisation, la collecte primaire de la production. Avec les sécheresses des années 70 et du début des années 80, les organisations paysannes se sont multipliées, sous l’impulsion des organisations d’aide au développement, des ONG, mais aussi à partir de mouvements plus endogènes. Avec le premier programme d’ajustement structurel, le rôle assigné aux organisations a commencé à évoluer, l’Etat ayant besoin d’un relais pour reprendre des fonctions qui lui étaient jusqu’à présent dévolues. Dans le même temps, la démocratisation progressive de la vie politique, la liberté d’association, ont favorisé l’émergence et le renforcement d’organisations issues de la société civile.

Il résulte de ces différents courants, un tissu dense et très diversifié d’organisations

paysannes de base, dont le nombre était évalué à 11.812 en 1992 (MARA) et à environ 16.000 en 1997 (IRAM, 1997). Ces organisations sont inégalement réparties sur le territoire burkinabé, nombreuses et souvent de grande taille dans les zones Centre et Nord, plus clairsemées à l’extrême Sud, l’extrême Nord et à l’Est. Les formes de ces organisations de base sont très variées : associations traditionnelles de production (Kombi-Naam, par exemple), organisations diocésaines, coopératives, groupement villageois, groupements de producteurs, organisations par filières...

Les groupements de producteurs de coton constituent une catégorie particulière d’OP de base. Leur évolution actuelle est marquée à la fois par la croissance forte de la production cotonnière, mais aussi par les difficultés de maîtrise de cette croissance dans un contexte de privatisation : endettement des groupements, dysfonctionnement de la caution solidaire, conduisant à l’éclatement des groupements...

3.2.2. Structuration Une structuration en organisations faîtières bien engagée Le regroupement au sein d’organisations faîtières est engagé par de nombreuses

organisations de base, à différents niveaux locaux et régionaux, sur des bases diverses : filière, territoire, communauté religieuse, aire d’action d’ONG ou de projet de développement... Souvent, c’est au niveau de ces organisations faîtières intermédiaires que se structurent des expériences de crédit agricole gérées par les organisations elles-mêmes, sur la base de financements extérieurs et, plus rarement, d’autofinancements. Beaucoup de ces expérimentations ont des résultats très mitigés, faute de compétences spécialisées et de volonté de se donner les moyens de pérenniser l’action (taux d’intérêt ne permettant pas de couvrir les charges, manque de suivi, manque de prise de garantie...). Certaines d’entre elles

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sont cependant arrivées à structurer des outils financiers internes qui ont une perspective de pérennité. C’est le cas de la Fédération des Unions de Groupements de Producteurs Naam (FUGN) par exemple, avec les Banques Traditionnelles d’Epargne et de Crédit (BTEC) (voir infra). La FUGN est présente dans 58 départements, de 26 provinces ; elle compte 73 Unions, fédérant 4.763 groupements naam, qui représenteraient environ 500.000 adhérents. Même si le degré d’activité et de performances de ces groupements est variable, la FUGN est reconnue comme l’une des OPA les plus solides du Burkina. Au-delà de ses activités de représentation, elle a développé un réseau d’encadrement technique des groupements, des activités de formation, de vulgarisation, d’information (elle gère une radio rurale) et a développé des liens avec la recherche agricole (production de semences, diffusion de nouvelles cultures...). Elle est membre actif d’une organisation faîtière nationale, le CNPA.

Des organisations faîtières nationales se sont progressivement structurées dès le

début des années 90. On en compte aujourd’hui quatre : - La Fédération Nationale des Organisations de Producteurs (FENOP), - l’Union Nationale des Jeunes Producteurs du Burkina (UNJPB), - Le Conseil National Professionnel Agricole (CNPA), - l’Union Nationale des Producteurs de Coton (UNPC).

Ces quatre organisations poursuivent des logiques un peu différentes :

- la FENOP a des orientations plus syndicales que coopératives ; elle représente 16 filières de production et tente de conforter son assise professionnelle en s’engageant dans des actions d’appui technique ; malgré une reconnaissance extérieure forte, elle souffre d’un manque d’appropriation et de reconnaissance par des organisations de base ; son développement repose avant tout sur le dynamisme de quelques leaders ; le manque d’autonomie financière est un facteur important de fragilité de l’organisation (90 % de ses ressources sont des soutiens extérieurs);

- le CNPA est issu de la mouvance des coopératives maraîchères (FUGN et Union

des Coopératives Agricoles et Maraîchères du Burkina (UCOBAM)) ; au-delà de ses fonctions de représentation, le CNPA développe des activités économiques et techniques visant à une maîtrise de l’amont et de l’aval des filières de production dans lesquelles il est engagé ;

- l’UNJPB a été constituée par des jeunes agriculteurs issus de centres de

formation agricole ; elle développe des activités d’appui technique aux producteurs, de formation, d’information...

- l’UNPC regroupe des groupements de producteurs de coton et doit affronter les

difficultés particulières de cette filière (endettement des GV, crise des prix du coton, perspectives de privatisation de la filière...). Seule organisation véritablement professionnelle et organisée à partir de la base.

Le paysage des organisations faîtières devrait être complété par un réseau de

Chambres d’Agriculture dont la création est en cours, avec l’appui de la FAO. Un processus de concertation a été engagé dès 1994 entre les différentes

organisations faîtières, mais n’a pas abouti dans un premier temps, du fait de rivalités internes. Il a été relancé en 1996 et a finalement débouché en 1998 sur la création d’un Cadre de Concertation des Organisations Faîtières (CCOF) regroupant la FENOP, l’UNJP, et le CNPA. L’UNPC n’en fait pas partie pour

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l’instant. Le CCOF a pour ambition de se constituer en plate-forme commune de la profession agricole, interlocuteur des Pouvoirs Publics pour l’élaboration et l’application de la politique Agricole.

Malgré leur vigueur, les organisations faîtières sont encore fragiles :

- elles sont trop peu appropriées par leur base (ce n'est pas le cas de l'UNPCB), - leur manque d’autonomie financière est un handicap pour l’autonomisation

institutionnelle, - les rivalités internes pour le pouvoir et la représentation professionnelle freinent

la mise en œuvre d’un cadre de concertation efficace. Globalement, on observe un décalage encore important entre la rapidité de

désengagement de l’Etat dans ses fonctions d’appui à l’agriculture et la capacité, pour l’instant limitée, des OPA à reprendre l’ensemble de ces fonctions. Plusieurs programmes d’appui sont mis en place pour conforter les capacités institutionnelles et économiques des OPA du Burkina.

Concernant Les Groupements Villageois et les Groupements de Producteurs de

lCoton, leur organisation et leur fonctionnement ont été traités dans la partie relative à la filière cotonnière.

3.3. L’Approvisionnement en intrants La fourniture des intrants pour la culture du coton et son financement sont traités

par ailleurs. En ce qui concerne les autres filières, la fourniture d’intrants en général, et d’engrais

en particulier, est très déficiente et constitue un handicap pour l’amélioration nécessaire des rendements.

Le Ministère de l’Agriculture et la Direction des Productions Végétales ne procèdent

plus désormais à des appels d’offres pour acheter ces produits. En revanche, ils continuent à distribuer des dons reçus en nature, engrais japonais en particulier.

Certains traitements de défense des cultures continuent à être assurés par les

services et ne font pas l’objet de facturations.

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3.4. Le financement des équipements agricoles Les programmes d’équipements en matériel agricole sont très anciens et ont été

maintenus, notamment dans la zone cotonnière. Cela représente un investissement très lourd pour les agriculteurs, puisqu'une charrette à 2 roues revient à 200.000 FCFA, une charrette à 4 roues environ 500.000 FCFA et une charrue 50.000 FCFA. Le degré d ‘équipement des exploitations varie de 40 % dans la Zone Ouest à moins de 10 % dans les Zones Est et Nord.

Des programmes de mécanisation de l’agriculture ont été lancés, soit par l’Etat, soit

par la SOFITEX. : - L’Etat a importé des tracteurs indiens ou libyens, - La SOFITEX a importé des tracteurs chinois.

Il y aurait eu 3.000 à 4.000 tracteurs importés au Burkina dans le cadre de ces

divers programmes. 500 à 600 seulement seraient opérationnels faute de service après-vente performant, de stocks de pièces détachées ou de mécaniciens compétents et proches.

L’Etat a également mis en place 7.900 unités de culture attelée (charrues,

cultivateurs, etc). Les banques, y compris la CNCA, qui ont financé à crédit l’achat de tracteurs, ont

toutes eu des expériences malheureuses, car dès que le tracteur tombe en panne et ne peut pas être réparé, l’acquéreur refuse de rembourser ses échéances ou n’est pas en mesure de le faire. Seul un programme prévoyant les engagements suivants peut être viable et bénéficier de crédits : - la fourniture du tracteur et de ses outils adaptés aux besoins et aux sols

existants, - un contrat d’entretien et l’existence d’un service après-vente, - l’existence d’un stock obligatoire de pièces détachées, - la mise en place d’un réseau de mécaniciens.

Une société franco-burkinabé vient de s’installer sur ces bases à Ouagadougou et

Bobo-Dioulasso. Elle a vendu 15 tracteurs en 18 mois et en entretient un certain nombre d’autres. Elle importe des matériels d’occasion qu’elle reconditionne et fabrique sur place des outils adaptés. Elle dispose d’équipes de mécaniciens volants et d’un service de formation des chauffeurs.

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II – ANALYSE DE L'OFFRE DE FINANCEMENT

1. LE FINANCEMENT PUBLIC

Les ressources de l’Etat sont très limitées : 50 % proviennent de la fiscalité intérieure et 50 % de la fiscalité de porte. La fiscalité intérieure peut être accrue d’une manière importante, car si la pression fiscale de 12 à 13 % est relativement faible. Il faut considérer qu’elle repose uniquement sur les quelques entreprises modernes du pays (l’impôt de capitation, s’il est important du point de vue social et civique, ne représente que 800 millions de FCFA environ par an) et que l’accroître découragerait les investissements déjà très limités en raison de l’enclavement du pays et de la taille limitée de son marché. La fiscalité de porte est désormais fixée au niveau de l’UEMOA et le pays compte beaucoup sur les projets régionaux.

Les financements extérieurs sont indispensables pour financer les investissements

et de nombreux Bailleurs de Fonds sont actifs au Burkina Faso.

Des fonds spécifiques ont été mis en place, comme le Fonds d’Appui aux Activités Génératrices de Revenus des Agriculteurs (FAAGRA), qui accorde des crédits jusqu’à un montant de 2 millions de FCFA au taux de 10 % et le Fonds d’Appui aux activités Rémunératrices des Femmes (FAARF), qui accorde des crédits jusqu’à 500.000 FCFA au taux de 10 %. Cependant, ces opérations se heurtent à des problèmes de mise en place et de remboursement en raison de la faiblesse des services du Ministère sur le terrain et ont été suspendues.

2. LES INSTITUTIONS SPECIALISEES La CNCA – Caisse Nationale de Crédit Agricole a été créée en août 1979 et est

devenue opérationnelle en octobre 1980. La Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA) a été dissoute en 1993.

2.1. Capital et Conseil d’Administration

La CNCA dispose d’un capital de 3,5 milliards de FCFA, dont la répartition est la suivante : - Etat : 26,3 - BCEAO 21,0 - BOAD : 21,0 - AFD : 21,0 - CSPPA 5,3 - SGBB : 5,3

Le Conseil d’Administration comporte 6 membres, dont le Président est un

représentant du Ministère de l’Economie et des Finances, et les membres, les représentants du Ministère de l’Agriculture, de la BOAD, de la BCEAO, de l’AFD et de la BOAD représentant l’Etat.

Il faut noter les fortes interventions de l’Etat au niveau de la CNCA, qui a ainsi

changé trois fois de Directeur Général en peu d’années, ce qui a provoqué la suspension de la participation de l’AFD au Conseil d’Administration. L’AFD, comme d’autres Bailleurs de Fonds, a par ailleurs de fortes réserves sur la gestion de la

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banque, qui n’a pas su prévenir les difficultés auxquelles elle est confrontée, ni prendre les mesures de redressement qui devrait s’imposer.

La Direction de la CNCA, pour sa part, regrette de ne pas bénéficier d’une dotation

en capital plus élevée, d’un régime fiscal spécifique plus favorable et de lignes de crédits rétrocédées plus importantes et à conditions privilégiées. Elle fait valoir qu’elle a été contrainte à des rééchelonnements de dettes, sans que des ressources correspondantes lui soient accordées.

2.2. Organisation

Son objet est de promouvoir le monde rural, mais elle peut intervenir également pour les autres activités.

Au début, elle a fonctionné par des bureaux de crédit au niveau des Offices

Régionaux de Développement (ORD), dissous depuis, et a ensuite constitué son propre réseau qui comporte à ce jour : 7 agences et 11 bureaux, soit 18 points de vente.

2.3. Types de crédits

La CNCA accorde des crédits : - à CT de 0 à 24 mois, - à MT de 2 à 10 ans, - à LT à plus de 10 ans.

Les différents objets des crédits sont :

- Agriculture, soit 82,5 % des concours en 1998, - Elevage : 3,4 %, - Agro-industrie :0.0 %, - Artisanat rural :0,3 %, - Industrie : 0.0 %, - Activités rémunératrices des femmes : 4,7 %, - Commerce et services : 6,1 %, - Activités diverses : 3,0 %.

2.4. Le volume des crédits

Le volume des octrois en 1998 était de 28,5 milliards de FCFA, en baisse de 21 % par rapport à 1997 où il atteignait 36 milliards. La raison en est principalement l’augmentation des impayés, suite aux difficultés de la filière coton.

Les crédits à Court Terme représentent une part très importante et stable des

octrois totaux, puisqu’ils se sont élevés à 26,7 milliards en 1998 contre 33,9 en 1997, soit une baisse de 21 %. Ils représentent 93,9 % des octrois totaux en 1998 contre 94,1 % en 1997.

Ces crédits regroupent principalement les crédits facteurs de production, les crédits

de campagne et de fonctionnement à la SOFITEX et à la SOSUCO, les crédits aux activités rémunératrices des femmes, ceux de commercialisation des produits agricoles et de bétail, les crédits embouche et les prêts de soudure, etc.

Les crédits facteurs de production ont été les plus touchés, puisqu’ils ont enregistré une baisse de 37 %, passant de 21,9 à 13,8 milliards.

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Les crédits à Moyen Terme sont peu importants et concernent le financement de la culture attelée, et des programmes d’investissement des projets. Au cours de l’exercice 1998, le montant octroyé a été de 1,7 milliards de FCFA, contre près de 2,1 milliards en 1997. Cette baisse est due principalement aux crédits consacrés à la culture attelée qui passent de 1,6 à 1,1 milliard de FCFA, soit une baisse de 33 % et représentent 65,8 % des crédits à MT.

Les crédits à Long Terme sont essentiellement des prêts immobiliers consentis au

personnel de la banque, pour environ 40 millions de FCFA. Ces crédits sont accordés à des particuliers avec garanties personnelles (délégation

de salaire, dépôt de certificat d’occupation foncier), à des entreprises avec garanties spécifiques et à des groupements selon le système de la caution solidaire.

Les crédits en souffrance (impayés, créances douteuses et contentieuses) se sont

accrus de 23,5 % entre 1997 et 1998. Ils représentent, à fin 1998, 7,3 milliards sur un encours de 33 milliards, soit 22 %, ce qui est un taux très élevé, au regard des provisions qui ne sont que de 5 milliards au 31.12.98. Ils risquent de compromettre la viabilité de la Banque si des mesures de redressement ne sont pas rapidement prises.

Les ressources de la CNCA se trouvent réduites par rapport à ces besoins et le

déficit a été de 11,5 milliards en 1998, l’obligeant à limiter ses concours d’une manière qui met en cause sa vocation elle-même.

2.5. Lignes de crédit et Fonds de garantie

La CNCA bénéficie de lignes de crédit et de fonds de garantie qui lui sont rétrocédés par l’Etat.

La BOAD, actionnaire direct et au titre de l’Etat Burkinabé, lui a consenti une ligne

de crédit de 1,5 milliards de FCFA en 1998 pour le financement du secteur agricole. Ainsi, un Fonds de garantie de 200 millions de FCFA a été mis en place, sur

financement de l’UE, pour faciliter l’installation des vétérinaires privés.

2.6. La participation de la CNCA au financement de la filière coton

Le poids de la filière cotonnière est très important (encours de l’ordre de 30 milliards de FCFA) dans les engagements de la banque, puisqu’il représente 60 %. Elle est donc contrainte de la modérer, faute de ressources suffisantes.

La CNCA participe au crédit consortial accordé à la SOFITEX pour la campagne

cotonnière, mais a du réduire sa participation faute de ressources. Sa part n’est plus que de 11 milliards sur les 35 accordés par le consortium pour la dernière campagne.

Elle accorde également des crédits intrants au travers du réseau d’encadrement de la SOFITEX, avec prélèvement des remboursements lors de la commercialisation, les paiements du coton étant domiciliés chez elle, ainsi que des crédits d’équipements aux producteurs. Les demandes des groupements dépassent largement les besoins réels correspondant aux surfaces effectivement semées et correctement levées. Par ailleurs, les commissions d’octroi connaissent mal ou ne respectent pas les normes techniques élaborées par la SOFITEX. Aussi, celle-ci commande une quantité plus grande que nécessaire et, fin 1999, elle détenait en stock ou en commande un tonnage pratiquement suffisant pour deux campagnes.

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Cela lui posait un sérieux problème de financement, d’autant plus que les commandes ont été passées un an à l’avance et que le report de stock dépasse largement la durée de validité des crédits, plus sévèrement surveillés par la BCEAO.

Faute de ressources pour diminuer la part trop importante de ses engagements sur

la filière coton, la CNCA ne finance plus que le tiers des besoins en intrants, la SOFITEX assurant les 2/3.

2.7. Le Refinancement des SFD

La CNCA souhaite intervenir plus auprès des SFD, mais ceux-ci lui font un certain nombre de reproches : - lourdeur administrative, du fait du manque d’autonomie des agences vis-à-vis du

siège, - absence de transparence dans le calcul des intérêts dus qui ne sont pas

calculés prorata temporis, - attitude autoritaire des agents de la CNCA qui traitent ceux des SFD en

subordonnés et non en clients, - rémunération trop faible des dépôts, - concurrence directe sur le terrain par la CNCA qui n’est pourtant pas armée

pour agir au niveau de la microfinance.

3. LE SECTEUR BANCAIRE Le secteur bancaire comporte 7 banques et 4 établissements financiers :

3.1. Les Banques

Par ordre de grandeur, en fonction du montant du total de leur bilan, les banques sont les suivantes :

- Banque Internationale du Burkina – BIB, agréée en 1974, au capital de 4,8

milliards de FCFA, détenu par l’Etat (23%), des intérêts privés nationaux (22%) et étrangers essentiellement belges (55%). La BIB fait partie du Groupe belge BELGOLAISE. Le total de son bilan au 31-12-97 s’élevait à 127,1 milliards de FCFA.

- Banque Internationale pour le Commerce, l’Industrie et l’Agriculture du

Burkina – BICIA-B, agréée en 1974, au capital de 5 milliards de FCFA, détenu par l’Etat (25%), des intérêts privés nationaux (24%) et étrangers essentiellement français (51%). La BICIA-B fait partie du Groupe français BNP. Le total de son bilan au 31-12-97 s’élevait à 126,1 milliards de FCFA.

- Caisse Nationale de Crédit Agricole - CNCA, agréée en 1981, au capital de

3,5 milliards de FCFA, détenu par l’Etat (26,3%), des intérêts privés nationaux (10,5%) et étrangers (63,2 %). Le total de son bilan au 31-12-97 s’élevait à 39,5 milliards de FCFA.

- Société Générale de Banques au Burkina, ex-Banque pour le Financement du

Commerce et des Investissements au Burkina - BFCI, agréée en 1981, au capital de 1,6 milliards de FCFA, dont l’Etat détenait une importante participation (66%), rachetée par le Groupe Société Générale (France) et la SFI, et des intérêts

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privés nationaux (34%). Le total de son bilan au 31-12-97 s’élevait à 29,4 milliards de FCFA.

- Ecobank – Burkina, ECOBANK, agréée en 1997, au capital de 1,5 milliards de

FCFA, détenu par des intérêts privés nationaux (17%) et étrangers nigérians et saoudiens (63 %). Ecobank-Burkina fait partie du Groupe nigérian ECOBANK. Le total de son bilan au 31-12-97 s’élevait à 39,5 milliards de FCFA.

- Bank Of Africa – BOA, récemment créée, fait partie du Groupe BOA. Son

capital est détenu par le Groupe BOA (53 %) et des privés burkinabés (27 %).

3.2. Les Etablissements financiers

Les établissements financiers sont :

- Société Burkinabé de Crédit Automobile - SOBCA, agréée en 1972, au capital de 500 millions de FCFA, détenu par l’Etat (19,6%), des intérêts privés burkinabés (60%) et étrangers (20,4%). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 2,2 milliards de FCFA.

- Société Burkinabé d’Equipement - SBE, créé en 1984, au capital de 195

millions de FCFA, détenu par des intérêts privés étrangers (100%). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 1,7 milliard de FCFA.

- Financière du Burkina - FIB, agréée en 1986, au capital de 150 millions de

FCFA, détenu par des intérêts privés burkinabés (100%). Le total de son bilan au 31-12-97 était de 0,6 milliard de FCFA.

- Burkina – Bail, créé en 1997.

3.3. Le niveau des concours

Les ressources collectées atteignent 250 milliards en 1997, en augmentation de 8,2% sur 1996, les deux premiers établissements bénéficiant de 79% des dépôts. Les fonds propres couvrent 10,5% des emplois, soit le taux moyen de la zone. Ils restent cependant faibles, environ 50 milliards de FCFA, et ne permettent pas de respecter les ratios prudentiels de la BCEAO, notamment sur la filière cotonnière, où malgré la tolérance pour ce type de financement, le ratio de division des risques est loin de l’optimum.

Il avait été imaginé, pour améliorer cette situation, de faire émettre des billets de trésorerie par la SOFITEX, comme cela a été fait au Sénégal pour la filière arachide, mais il s’est avéré que c’était une pratique coûteuse. La SOFITEX l’a rapidement abandonné.

En hausse depuis la reprise économique enregistrée en 1995, les concours

s’élevaient à 184,6 milliards en 1998 contre 169,2 milliards à fin 1997, soit une hausse de 9,1 %, en raison d’une augmentation des crédits de campagne et des crédits de commercialisation, filière cotonnière principalement. Les crédits à court terme représentent 69% (12% pour le financement des crédits de campagne intrants ), les crédits à moyen terme 29% et ceux à long terme 1,5% seulement.

Les crédits compromis atteignent 2,3%, ce qui dénote un net assainissement de la

situation car ce taux est le tiers du taux moyen de la zone.

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Les ressources continuent à être excédentaires par rapport aux emplois. Toutefois, le fort accroissement des concours, notamment les crédits de campagne, a fait baisser les disponibilités de 10 milliards en 1997. Ces liquidités proviennent des établissements publics comme la CNSS ou la Poste, des grandes sociétés privées et de l’épargne privée qui alimentent le marché monétaire local.

Les banques interviennent d’une manière très marginale dans le financement de la

production agricole. Quelques crédits sont accordés, mais ils sont garantis par d’autres revenus que ceux de l’exploitation agricole (salaires ou biens immobiliers). L’absence de garantie réelle est un frein très important à l’engagement des banques dans ce secteur.

3.4. Le financement de la campagne cotonnière

Les informations fournies par la SOFITEX sont les suivantes :

Production en Tonnes

Plafond coton Millions FCFA

Plafond intrants Millions FCFA

1995/96 151.000 14.116 5.673

1996/97 214.000 22.878 13.329

1997/98 338.000 47.971 9.607

1998/99 284.000 57.607 17.786

Les plafonds d’utilisation du crédit de commercialisation se situent en avril, à la fin

de la campagne, alors que toutes les ventes n’ont pas été rapatriées. Celui des crédits intrants, traditionnellement en juillet, s’est déplacé en juin en 1998/99 pour la campagne 1999/2000. En réalité, la pointe des emplois a atteint plus de 80 milliards en 1998-99 et elle est estimée à près de 100 milliards en 1999-2000. Pour limiter cette dérive, et pour tenir compte des injonctions de la BCEAO, la SOFITEX va décaler le cycle de commande et de livraison des engrais, qui débutera désormais en janvier au lieu d’octobre de la campagne précédente, et réduire les délais de remboursement à 7-8 mois au lieu d’un an et plus.

A ces montants, il faut ajouter l’autofinancement de la SOFITEX pour établir les volumes totaux de financements engagés pour la campagne cotonnière. Ils sont considérables, compte tenu de la surface financière de la société et des possibilités d’engagement du secteur bancaire burkinabé.

Le consortium de banques locales est composé des banques suivantes : BIB, chef

de file (12 %), CNCA(30 %), BICIA (25 %), SGBB (25 %), et Ecobank (8 %). Le financement de la dernière campagne par les banques a été assuré à 50 % par

des financements internationaux, soit 35 milliards de FCFA, fournis par un consortium regroupant la BNP-Suisse ( 18,5 milliards) et le CCF ( 16,5 milliards).

Les financements intérieurs sont garantis par warrantage des stocks de coton-fibre,

à concurrence de 60 %, et par la domiciliation des contrats de vente à l’exportation pour les financements internationaux.

Malgré un coût relativement bas des crédits au Burkina, par rapport à la Côte

d’Ivoire par exemple, le coût final des crédits locaux est de 9,5 à 10 %, alors que les crédits internationaux sont d’environ 5 %, d’où le recours croissant à ces crédits

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extérieurs. La SOFITEX entend cependant maintenir les concours locaux qui diminuent ses risques de change, lui assure des services bancaires dont elle a besoin et, compte tenu de son importance dans l’économie du pays, le crédit coton constituant l’activité la plus importante des banques de la place. Cette position n’est tenable que si la SOFITEX conserve la maîtrise de la filière.

4. LES SYSTEMES DE FINANCEMENT DECENTRALISES 3

4.1. Aperçu sur la situation des SFD au Burkina 4 Le Burkina est l’un des premiers pays d’Afrique de l’Ouest où les SFD se sont

développés avec vigueur et sous des formes variées dès la fin des années 80. Contrairement à d’autres pays où les systèmes mutualistes ont été d’emblée dominants, le secteur de la microfinance s’est tout d’abord construit sur une prolifération d’expériences de crédit direct (inspirés du modèle Grameen Bank) et de projets à volet de crédit, mis en place dans la mouvance des programmes d’aide au développement qui se sont multipliés au Burkina après les grandes sécheresses des années 70 et 80.

Evolution des SFD de 1993 à 1998

1993 1995 1997 Estimation 1998 (SFD

principaux) Nombre de SFD : total 11 23 18 15

Dont :

* Epargne/crédit 6 8 6 9

* Crédit direct 4 6 3 2

* Projet à volet de crédit

1 10 9 Autres SFD : 4

Nombres de caisses 342 778 522 482

Nombre de membres+usagers

ND 155 951 231 120 442 264

3 Sources : - Entretiens de la mission - Mission antérieurs sur ce thème - PASMEC. Banques de données 1993/1995/1997 - CIRAD, 1997-2000. Programme de recherche sur le rôle des SFD dans le financement de

l’agriculture. Etude de terrain Burkina Faso. ATP 41-97 - IRAM, 1999. Diagnostic de la microfinance et propositions de stratégie nationale. Rapport

provisoire, août 1999. - CIDR, 1999. Promotion des organisations paysannes dans la province du Soum.

Evaluation/perspectives du réseau CVECA. CIDR/Soum MS/JPV/N°34 - WAMPFLER B., JAFFRIN G., 1998. La contribution des SFD au financement de l’agriculture au

Burkina Faso. Etude CIRAD/ATP 41/97 4 Le dernier recensement complet des SFD a été établi au Burkina Faso, comme dans les autres

pays de l’UEMOA, en décembre 1997. Les chiffres indiqués pour 1999 sont des estimations qui nous ont été fournies pendant la mission, et qui devront être confirmées par la réactualisation de la banque de données 1998-1999 du PASMEC qui doit être élaborée en début de l’année 2000.

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34

Dont % de femmes ND ND 36%

Source : Banque de données PASMEC (1993 et 1995) ; Rapport IRAM pour les estimations 1998

La réduction du nombre de SFD, apparaissant entre 1997 et 1998, est partiellement

un biais lié à deux sources d’informations différentes, mais elle traduit, malgré tout, une réalité, dans la mesure où plusieurs SFD de taille significative ont fait faillite et ont été fermés à cette période. En 1999, le secteur se structure autour de 15 SFD principaux (7 réseaux de coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC), 2 réseaux de Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit (CVECA), un système de tontine (ATN), 2 systèmes de crédit direct, 1 fonds de crédit d’Etat (FAARF), une expérience de linkage de la Caisse Nationale de Crédit Agricole) et de quelques projets à volet de crédit et système de financement interne de certaines organisations paysannes d’envergure très limitée, et dont les chiffres ne sont pas disponibles.

Données 1998 pour les 15 principaux SFD du Burkina

Nb de membres Encours d’épargne

(millions FCFA) Encours de crédit (millions FCFA)

COOPEC 381 142 11 422 8 579

CVECA 22 619 132 195

Crédit direct 1401 - 1880

CNCA linkage 32 541 184 476

ATN 4561 4 98

TOTAL 442 264 11 742 11 228

Source : Rapport IRAM, 1999 La répartition géographique des SFD est loin d’être homogène : certaines provinces

comptent plus de 5 réseaux présents dans les mêmes zones (Boulkiembe, Gourma, Kadiogo, Passoré, Yatenga, Soum...), alors que d’autres provinces en sont faiblement ou complètement dépourvues (Komandjari, Koupelogo, Oudalan, Yagha Nord). Paradoxalement, les clivages ne se font pas là entre régions riches et pauvres, mais de manière plus complexe entre régions ayant bénéficié de plus ou moins de projets de développement (Soum et Yatenga par exemple...). Néanmoins, les provinces les plus dépourvues en SFD sont aussi des provinces reculées, enclavées... Les taux de pénétration sont très variables selon les types de systèmes : 10% en moyenne pour les COOPEC, 37% dans le cas des CVECA qui sont conçues sur la base des communautés villageoises...

La comparaison des flux financiers des banques avec ceux des SFD met en

évidence la place encore marginale que ces derniers occupent à l’échelle macro-économique, mais aussi les potentialités de leur décentralisation :

Système bancaire

1997 SFD 1997 SFD 1998

Nombre de guichets / caisses

137 522 482

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Montant de l’épargne collectée (milliards

FCFA)

174,3 8,4 17,7

Montant des crédits octroyés (milliards

FCFA)

163,1 9,7 11,2

Source : Banque de données PASMEC Malgré la prépondérance initiale des projets de crédit n’ayant pas vocation à la

mobiliser, la mobilisation de l’épargne a connu une croissance importante dans les années récentes :

Evolution de l’épargne au sein des SFD de 1993 à 1997

SFD Montant de l’épargne (en millions FCFA)

Montant moyen/dépôt (FCFA)

1993 1995 1997 1993 1995 1997

Epargne/ Crédit 1972 4627 7504 27 374 43 399 50 522

Crédit direct 25 178 263 - 7107 9 401

Projet à volet de crédit

72 267 667 8921 23 001 40 364

TOTAL 2070 5072 8 434

Source : Banque de données PASMEC L’octroi de crédit a été multiplié par 8 en quatre ans (1993-1997) et par 10 entre

1993 et 1998. Il faut noter la part inhabituelle des SFD à crédit direct et des projets à volets de crédit qui se sont plus fortement développés au Burkina que dans les autres pays d’Afrique de l’Ouest.

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Evolution du crédit au sein des SFD de 1993 à 1997

SFD Nombre de crédits encours

Montant de l’encours (en millions FCFA)

Montant moyen/crédit (en

milliers FCFA) 1993 1995 1997 1993 1995 1997 1993 1995 1997

Epargne/ Crédit

4 054 7 790 24 117 890 2309 6188 219 561

288 964

256 589

Crédit direct

7 879 30 259 38 166 227 907 2011 28 902 29 982

52 702

Projet à volet de crédit

- 9 922 10 881 176 772 1532 - 77 774

140 839

TOTAL 11 933 48 771 73 165 1294 3988 9 731 - - -

Source : Banque de données PASMEC Le tableau des ressources montre clairement le rééquilibrage du paysage des SFD

autour du pôle des réseaux d’épargne crédit (COOPEC essentiellement). En 1997, ce sont eux qui mobilisent la part la plus importante des ressources des SFD, largement fondées sur la mobilisation de l’épargne, et qui contribuent le plus fortement aux placements bancaires.

Etat des ressources et placement auprès des banques par type de SFD en

1997 (en millions de FCFA)

SFD Epargne/ Crédit

Crédit direct Projet à volet crédit

Tous SFD

Fonds propres 752 - 1539 2 291

Dépôts 7 504 263 667 8 434

Ligne de crédit 359 937 595 1891

TOTAL ressources

8 616 1 200 2 801 12 617

Placement auprès des banques

1 504 393 718 2 261

Source : Banque de données PASMEC A partir de 1998, certains SFD obtiennent l’accès à un emprunt d’état qui leur

octroie des ressources à un taux concessionnel de 6%/an avec 1 an de différé. Viabilité des SFD La mise en place de la tutelle du Ministère des Finances et l’application de la loi

PARMEC ont été très progressives, faute de ressources humaines et de moyens matériels. En août 1998, 135 structures avaient obtenu une reconnaissance officielle. Le mouvement s’est accéléré quand le Ministère des Finances a menacé de fermeture les SFD ne faisant pas d’effort pour obtenir leur reconnaissance juridique. Cependant, la faiblesse générale des systèmes d’information et de gestion des SFD rend leur légalisation difficile, par manque des pièces de gestion de base exigées par la loi.

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L’autonomie financière complète n’est atteinte par aucun des SFD du Burkina, mais certains y accéderont rapidement (FCPB, CVECA Sissili...). Les différents SFD se positionnent de manière très contrastée par rapport à cet objectif : pour certains d’entre eux, au sein des projets à volet de crédit tout particulièrement, la logique qui prévaut est celle du crédit comme outil d’appui au développement et de lutte contre la pauvreté ; la préoccupation de pérennisation financière, avec l’obligation de rentabiliser le SFD pour le faire survivre, n’est pas une priorité. Il en résulte, dans de nombreuses zones du Burkina densément pourvues en SFD, des situations de “concurrence déloyale” entre les SFD qui cherchent à se pérenniser à travers la recherche de l’équilibre financier et les institutions qui n’ont pas vocation à se pérenniser et qui faussent le marché financier en pratiquant des taux subventionnés, nuls ou négatifs. L’abondance de fonds publics injectés dans certains SFD à des conditions subventionnées et complètement déconnectés d’une logique financière, renforce cette situation de concurrence déloyale entre SFD.

Le manque de concertation et de coordination entre SFD intervenant dans une

même zone, est une autre menace majeure pour les SFD : dans certaines provinces comme le Soum au Nord du Burkina, il y a eu jusqu’à 20 SFD intervenant dans les mêmes zones, proposant des conditions de crédit et des modalités de suivi très variables, et laissant, faute de concertation, la voie ouverte aux “jeux financiers” : cavalerie,... Les faillites récentes de certains SFD résultent de crise d’impayés trouvant, au moins partiellement, leur origine dans ces situations de concurrence mal maîtrisée.

Au niveau national, les tentatives de concertation se sont néanmoins concrétisées

en 1998, avec la création d’une Association Professionnelle des SFD et la mise en place d’un Plan d’Action National, dont la mise en œuvre est actuellement discutée.

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4.2. Contribution des SFD au financement de l’agriculture TENTATIVE D’ESTIMATION DE LA CONTRIBUTION DES SFD (1998)

SFD Type Nbre Membres

(1)

Encours de crédit

Montant (Millions C.F.A.)

%crédit /activité (2)

Estimation du volume de crédit allant à

l’agriculture (millions FA)

(3)

Crédit à l’agriculture

Durée en mois

Montant maxi

(millions)

Taux nominal

(%)

% d’épargne bloquée

FCPB EC 162 789 6 062 SO/CONS0=30 AG =15 HA AF= 30

909 <10 <60

3 12 %

25

URCBAM EC 22 726 487 AG/AF/CO/SO LE ND <18 3 10-17% 20-40%

URCPSO EC 54 444 1232 Conso/HA/AF/CO AG= 54 dont 2/3 coton

665 <10 <60

3

10 %

25 % 10%

BTEC EC 4 100 (08/98) 160 CO/AR/Dv = 52 AG=20 BC=18

61 3-6 0,1 12 ND

CVECA Sissili EC 15 218 163 AG=33 CO=42 AR=4 SO=7

54 4-9 0,5 24% 0%

CVECA Soum (1997)

EC 7 153

24 AG=33 CO=42 AR=4 SO=7

8 4-9 0,5 24-72% 0 %

ATN CD 4 700 98 CO/AF /Petit équipement Frais de labour =expérimental

expérimental

<36 6-7

0.2 0,025

12% 14%

ND

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ADRK (1997) EC 12 482 483

crédit/année AG=45 dont CT =19 LMT= 26

220 11-12 24-120

10 12

0,5 0,5

25%

UCEC/Z EC 7 588 478 AG(CT+MT)=40 AF=36 AR=24

191 CT<12 MT =ND

ND 12% 13%

10%

FAARF CD 72 802 1 126 AG=10 AF=87

113 <12 2 10% 10%

PAPME PVC ND 434 AG=31 AR+PME=19 CO=50

136 <72 65 7-13% 10-15%

PRODIA PVC 1267 404 AG+LE=ND AR/CO/PME

ND ND 1,5 17% ND

TOTAL 11 151 2 357

Données 1997 (pour SFD présents en 1998 mais avec données non disponibles)

CEC MANGA PVC ND 712 AG+LE=75 CO=21

534

CPB PVC 474 82 Trpo=100 82

CRDY PVC 678 27 AG=100 27

AVLP PVC 1065 9,5 AG=ND CO

ND

AEWP PVC 1 910 19 EMBOUCHE ND

TOTAL 849,5 643

Source : Banque de données PASMEC 1996-1997 pour données 1997 / Rapport IRAM pour données 1998 (1) Le nombre de membres indiqués par les SFD sous évalue le nombre d’individus bénéficiaires, certains membres étant des groupements d’individus (2): AG= Agriculture CO= Commerce LE=Elevage AF= Activités Féminines AT= Artisans EM=Embouche HA= Habitat AU= Autre activité Trpo=Transformation de poisson BC= Banque de céréales SO= Social CT= court terme LMT=Long et moyen terme (3) Valeur indicative estimée : Montant de crédit encours X % crédit à l’agriculture

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Avant d’aller plus avant dans l’analyse de ces données, il convient d’en préciser la

portée et les limites : - Ces chiffres sont la seule base de données à peu près complète dont on dispose

sur les SFD en Afrique de l’Ouest. Malgré certaines imprécisions (ex : le nombre de membres qui recouvre à la fois des individus et des groupes, les montants moyens de crédit correspondant tantôt à des moyennes/emprunteur individuel, tantôt à des moyennes de crédit/groupement sans que l’on puisse faire la part des choses), cette base de données est précieuse pour appréhender et comparer des caractéristiques générales des SFD, estimer des volumes d’activités et comprendre des tendances d’évolution.

- Les chiffres indiqués sont issus des déclarations des SFD : * Très peu d’entre eux, voire aucun d’entre eux, ne disposent d’un système

d’information leur permettant de faire un suivi du crédit suffisamment fin pour obtenir un état réel des objets financés par le crédit.

* Même avec un système d’information prenant en compte les déclarations individuelles des emprunteurs, il est important de préciser que les distinctions d’affectation restent assez théoriques : la plupart des emprunteurs étant pluri-actifs, le crédit se fond dans la trésorerie et bénéficie souvent à l’ensemble des activités de la personne ou de la famille (fongibilité du crédit).

- A la lecture des commentaires accompagnant les bases de données 95 et 97, il apparaît que les catégories utilisées par les SFD pour décrire leurs activités ne sont pas homogènes, “agriculture” pouvant recouvrir les productions végétales, animales et la transformation de produits ou l’une seulement de ces catégories.

- Par ailleurs, dans certains cas (Bénin,...), les bases de données 95 et 97 sont pauvres en information chiffrée sur l’utilisation des crédits. Quand cela était possible, le tableau a alors été complété à partir de données d’entretiens ou d’études réalisées sur les SFD concernés, dont les sources sont alors citées.

L’estimation des volumes de crédit alloués à l’agriculture (1) n’a donc qu’une

valeur indicative et ne doit en aucun cas être utilisée comme une valeur absolue et fiable. Cependant, au regard du peu d’information chiffrée existant sur la question, il nous a paru important de présenter cette estimation pour appréhender les ordres de grandeurs du financement de l’agriculture par les SFD.

Contrairement aux pays étudiés, l’estimation des volumes de crédit octroyés par les

SFD à l’agriculture au Burkina a pu être réalisée à partir de données 1998. L’origine de ces données est triple : certaines ont été collectées dans le cadre de différentes missions de recherche ou d’appui CIRAD à des SFD, d’autres sont issues d’un rapport d’évaluation du secteur de la microfinance au Burkina effectué en 1999 par l’IRAM à la demande du Ministère des Finances ; enfin, pour les expériences non répertoriées en 1998, nous avons eu recours aux données 1997 de la base de données PASMEC afin d’avoir une valeur approchée des flux financiers en jeu. Ceci étant, il reste un certain nombre de données non disponibles et celles qui sont présentées sont à prendre avec les réserves que nous avons déjà soulignées par ailleurs sur la qualité de l’information disponible au sein des SFD.

Il apparaît, à travers cette estimation, que l’encours de crédit des SFD contribuant à

l’agriculture est de l’ordre de 3 milliards en 1998, sur environ 11 milliards de crédit total des SFD. C’est donc environ 27% du portefeuille des SFD qui assurent le financement d’activités agricoles (entendu au sens large agriculture + élevage + pêche). Les crédits octroyés sont à dominante court terme, mais on observe au Burkina quelques expérimentation de crédit de moyen terme permettant de financer

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l’équipement (FCPB, URCPSO, ADRK, UCEC/Z), soit dans le cadre de systèmes mutualistes, soit dans le cadre de projets.

Les systèmes mutualistes assurent la contribution dominante avec environ 60% du

crédit total des SFD à l’agriculture. Parmi eux, la Fédération des Caisses Populaires assure à elle seule 30% de ce volume total, les 30 autres % étant assurés par des réseaux régionaux ou locaux. Les projets à volet de crédit contribuent pour 26% au volume de crédit total, l’ADRK, association de développement local apporte 7%, le fonds d’Etat FAARF pour 4% et les Caisses villageoises d’Epargne et de Crédit pour 3%

La stratégie par rapport au financement est différente selon le type de SFD ; la part

que représente le financement de l’agriculture dans leur portefeuille en est un indicateur :

FCPB 15%

Mutuelles régionales ou locales

20 à 54 %

Projets à volet de crédit très variable : 10 à 100 %

ADRK 45%

FAARF 10 %

CVECA 30 à 40%

Le paragraphe 3 présentera une analyse des stratégies de ces différents types de

SFD à partir d’une étude conduite sur ce thème au Burkina par le CIRAD en 1998.5 Une particularité du Burkina réside dans la liaison forte existant entre la CNCA et

les SFD. Au-delà de la fonction classique de domiciliation des ressources des SFD que plusieurs banques de la place assurent, la CNCA cherche à développer son ancrage et sa décentralisation en milieu rural, à travers un rôle de refinancement et d’appui technique aux SFD. Elle refinance des CVECA (Sissili), un réseau de crédit direct aux femmes, l’Association des Tontines de Nouna (ATN), un projet à volet de crédit (PRODIA) ; avant sa fermeture, elle refinançait le Projet de Promotion du Petit Crédit Rural (PPPCR) et assurait la présidence de son comité de pilotage. La CNCA accueille également des fonds de garantie qui visent à sécuriser certains projets à volet de crédit. Elle a elle-même mis en œuvre une expérimentation de système de microfinance ciblé sur les femmes et directement lié à la banque (projet Linkage). Ces formes de refinancement ne sont pas spécifiquement ciblées sur des SFD finançant l’agriculture, mais intervenant plus généralement dans le monde rural et en milieu péri-urbain (ATN).

4.3 Analyse de la stratégie des différents types de SFD du Burkina par rapport à l’agriculture

A partir d’une étude de cas représentative de chacun des types de SFD contribuant

à l’agriculture au Burkina, nous essayerons de dégager les principales

5 WAMPFLER B. , JAFFRIN G., 1998. La contribution des SFD au financement de l’agriculture au

Burkina Faso. Etude CIRADATP 41/97

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caractéristiques de leur stratégie et de leurs perspectives par rapport à l’agriculture. Les études de cas sont extraites de l’étude CIRAD 1998/ATP 41/97.

Les cas retenus sont : - la Fédération des Caisses Populaires du Burkina (FCPB), principal réseau

mutualiste du Burkina - l’Union des Caisses d’Epargne et de Crédit du Sud - Ouest , réseau mutualiste

régional implanté dans une zone à forte dominante agricole - les BTEC, réseau mutualiste régional lié à une organisation paysanne - les Caisse Villageoises d’Epargne et de Crédit (CVECA Sissili) - la Cellule d’Epargne, de Crédit et de Commercialisation (CECC,Manga), projet à

volet de crédit ciblé sur l’agriculture

4.3.1. Le réseau mutualiste à échelle nationale : La Fédération des Caisses Populaires du Burkina (FCPB)

Historique La FCPB trouve son origine lointaine dans un projet de développement engagé en

1972 avec l’appui de DID (Développement International Desjardins), pour mobiliser l’épargne des zones rurales au profit du développement local. Ce projet a connu plusieurs réorientations : il s’est d’abord développé dans des zones rurales relativement pauvres ; puis, face à la difficulté de se développer dans ce contexte, il a été réorienté à la fin des années 80, selon deux axes : 1. Le milieu étant très pauvre, il y a contradiction entre pauvreté et épargne. Il s'agit

donc de mobiliser l'épargne là où elle est disponible, c'est-à-dire dans les zones à potentiel favorables, rurales ou urbaines.

2. Les COOPEC ayant des statuts d'association, la notion de rentabilité financière n'était pas prise en compte. Il s'agissait donc d'ajouter la notion d'entreprise à la notion sociale.

A partir de là, les caisses populaires se sont ouvertes à l'ensemble de la population, leur taille s'est accrue, et elles se sont développées dans le milieu urbain.

Organisation Quelques chiffres Avril 1998 138 000 membres 8 milliards d'épargne 6 milliards de crédit 300 salariés Les caisses populaires sont implantées dans tout le Burkina (avec une plus faible

concentration dans le Nord Est), principalement autour des grandes villes. Peu de caisses sont implantées dans la région cotonnière. La FCPB envisage d'implanter des caisses dans le Sahel.

La FCPB est organisée sur une base mutualiste classique, avec trois niveaux : les

caisses, l'union et la fédération. La Fédération a été mise en place en janvier 1998. Les modalités d'épargne et de crédit L'épargne L'épargne est libre, il s'agit de dépôts à vue non rémunérés. Des expérimentations

avec des dépôts à terme sont menées.

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Le crédit Il y a 5 catégories de crédit et 12 produits. Pour tous les crédits (sauf les crédits de type communautaire), une garantie de

100% en matériel est demandée. Le taux appliqué à tous les crédits est de 10%. Les remboursements sont annuels ou en fin de cycle. Le montant maximum est de 3 millions FCFA, il n'y a pas de montant minimum : certaines femmes empruntent 5.000 francs.

Les conditions d'admissibilité :

- être membre depuis 4 mois (c'est-à-dire avoir épargné) - être une personne capable - habiter ou travailler dans la zone d'attraction de la caisse (dans un rayon de 25

km) Le crédit habitat 1 produit Il s'adresse aux particuliers, aux salariés. L'objet est la construction de la maison.

On demande 25% d'apport (sauf quand certains investissements ont déjà été effectués). Le crédit est sur 5 ans.

Le crédit de consommation 4 produits

- avance sur salaire - prêt social (12 mois) - prêt véhicule (36 à 48 mois) - prêt mobilier (24 mois) On demande 25% d'apport. Il s'agit de crédit à court et moyen terme.

Le crédit commercial 3 produits

- crédit inventaire, c'est-à-dire pour le fonds de roulement ou les stocks (12 mois) - crédit équipement commercial (24 mois) - crédit préfinancement des marchés (dans le cas d'appels d'offre, le RCPB peut

délivrer des cautions bancaires, ou bien il peut s'agir d'avance sur contrats). Le crédit communautaire 2 produits

- le crédit de groupes (pour les hommes et les femmes). On demande une garantie matérielle et un apport de 25%. Il s'agit de regroupements, selon le milieu ou la catégorie socioprofessionnelle. Ces crédits sont assez difficiles à gérer. On a observé des défaillances de remboursement.

- les caisses villageoises (1.020 caisses, 30.000 membres, 1 milliard octroyé en crédit).

On ne requiert ni épargne, ni apport, ni garantie autre que la caution solidaire. Des animations sur le terrain et de la formation continue sont réalisées. Ce crédit concerne essentiellement le petit commerce et, plus rarement, l'agriculture. Le remboursement étant hebdomadaire, l'investissement dans l'agriculture n'est pas favorisé. Pour que les femmes parviennent à investir dans l'agriculture ou l'élevage, il faut d'abord qu'elles soient arrivées à capitaliser. Aujourd'hui, de nombreuses femmes, après 2 ou 3 ans de capitalisation, se lancent dans l'embouche.

Le crédit agricole 2 produits Le crédit agricole 2 produits concernent spécifiquement l’agriculture :

- le crédit intrants (semences, engrais, alimentation). La durée est de 10 mois et on demande un apport de 25%. Ce type de crédit finance l'embouche et le maraîchage. Le maraîchage apparaît comme une activité assez sûre,

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l'environnement peut être maîtrisé (principalement l'eau, grâce aux barrages et aux motopompes). En outre, on tient compte de l'expertise de la personne. Un risque potentiel est la surproduction (offre supérieure à la demande), la commercialisation peut aussi s'avérer problématique.

- le crédit équipement agricole. La durée de ce crédit est de 5 ans. Il est possible de différer le remboursement lors de la première année. Un apport de 25% est requis.

En 1997, le financement agricole représentait 700 millions de FCFA (sur un total de

4,5 milliards de crédit), soit 15% des crédits. C’est donc une part modique du portefeuille. Les plus grandes caisses se trouvent en ville, et ces caisses urbaines ne financent pas (ou très peu) l'agriculture. Par exemple, l'encours de crédit pour la ville de Ouagadougou est de 1,5 milliard et les 2 caisses de la ville de Bobo Dioulasso ont un encours de 600 millions. Elles représentent à elles seules déjà 2,1 milliards FCFA.

Les activités agricoles financées sont concentrées sur certaines filières présentant

un risque limité : maraîchage (irrigué), élevage (crédits intrants pour l'embouche). arachide, fruits et légumes, coton (une des unions est plus particulièrement concernée). L'agriculture vivrière est peu financée, mais fait l’objet d’une expérimentation particulière avec l'UPA (Union des producteurs agricoles) pour soutenir la culture vivrière. L'UPA a versé 36 millions au Réseau des caisses populaires, les caisses devant gérer ce montant (le prêter et obtenir les remboursements). La caisse populaire concernée verse des revenus réguliers aux producteurs pour que ceux-ci parviennent à conserver leur production et pour qu'ils puissent alors la vendre au moment opportun. Il ne s'agit pas réellement d'un crédit stockage. Trois versements sont effectués. Les producteurs remboursent la caisse après la vente de leur production. Le taux est de 10% par an. Ce projet a été lancé il y a un an et demi, et jusqu'à aujourd'hui, le RCPB n'y voit aucun risque.

Source : CIRAD, 1998 Stratégie par rapport au financement de l’agriculture La croissance forte du RCPB/FCPB, observée depuis le début des années 90,

résulte d’un changement radical de stratégie par rapport au financement du monde rural : renonçant à son engagement “développementaliste” initial qui le confinait aux zones rurales pauvres, le RCPB s’est étendu de manière volontariste vers des secteurs à fort potentiel économique, où l’épargne mobilisable est significative : zones urbaines et péri-urbaines, zones rurales à potentiel favorable /activités secondaires et tertiaires, salariés... Cette réorientation sectorielle a été renforcée par la mise en œuvre d’une logique financière privilégiant la croissance, la rentabilité, la recherche de l’autonomie financière. Dans l’esprit de sa Direction actuelle, la justification du développement est conservée, mais prend d’autres voies : il s’agit de créer un outil financier pérenne, capable de mobiliser l’épargne là où elle se trouve pour la drainer vers les secteurs où s’en exprime le besoin et où le crédit peut être rentabilisé pour durer. Cette logique n’exclut pas le monde rural, mais conduit à concentrer l’action sur les zones et les activités ayant un potentiel économique, le développement des zones à faible potentiel économique relevant d’une autre logique et d’autres institutions. Cette stratégie a porté ses fruits plaçant en quelques années la FCPB au premier rang des SFD du Burkina.

Le réseau a aujourd’hui l’ambition de devenir un outil du développement

économique à l’échelle nationale. Dans cette optique, il ne peut ignorer l’agriculture qui est la principale ressource du Burkina. Sa stratégie, en matière de financement de l’agriculture, semble pouvoir aujourd’hui être résumée ainsi :

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- continuer à développer et à faire croître le SFD afin d’augmenter son assise financière et les ressources qui permettront d’augmenter les capacités de financement globales, et agricoles en particulier

- mobiliser l’épargne et particulièrement l’épargne longue, permettant de financer le crédit à moyen terme

- continuer à diversifier le portefeuille de crédit sur différents types d’activités économiques, afin de limiter les risques pris sur une activité donnée

- par rapport à l’agriculture, raisonner le risque en : * finançant des activités où le risque est limité ou maîtrisé : maraîchage,

embouche, cultures irriguées, cultures réalisées dans une filière encadrée... * innover en développant des liens avec des organisations professionnelles

agricoles, capables de sécuriser le crédit pris par leurs membres (exemple de l’expérimentation conduite avec l’UPA)

La FCPB expérimente actuellement, dans un secteur non agricole, une forme de

garantie qui pourrait trouver une application en agriculture : la Société de Cautionnement Mutuel.

La Société de Cautionnement Mutuel (SCM) Cette expérimentation est conduite avec un groupe d’artisans, avec l’appui de l’AFD

et l’ABPCD (Association des Banques Populaires pour la Coopération et le Développement)

La SCM est une société coopérative qui vise à favoriser l’accès de ses membres au

crédit de la banque. Elle garantit les emprunts de ses adhérents avec plusieurs ressources : - son capital constitué par la cotisation des membres et de la FCPB, - un fonds de garantie alimenté par les emprunteur via une contribution sur chaque

crédit garanti, une contribution de la FCPB, et une dotation du bailleur de fonds ? - les revenus des placements.

La FCPB assure la gestion et la comptabilité de la SCM, instruit les demandes de garanties et les transmet au Comité de Crédit.

Source : Entretiens de la mission, RAPPORT IRAM 1998 L’engagement, dans une logique de croissance et d’autonomisation financière, a

éloigné pour un temps la FCPB du monde rural et de l’agriculture ; elle y revient, poussée par l’ambition de répondre aux besoins de financement à l’échelle nationale, avec une démarche prudente, mais aussi avec des ressources et une capacité d’innovation renforcées qui rendent sa stratégie particulièrement crédible.

4.3.2 Un réseau mutualiste régional : l'Union des Caisses Populaires du Sud-Ouest (URCPSO)

L'Union des Caisses Populaires du Sud-Ouest intervient dans une zone très

agricole. Du fait de la spécificité agricole de la région et de la concurrence d'autres structures financières, le financement de l'agriculture est une priorité pour l'Union des Caisses Populaires du sud-ouest. Ainsi, plus de 50% des crédits octroyés concernent l'agriculture. Les productions financées sont le coton, en partenariat avec la SOFITEX, le riz, l'igname et le niébé. L’Union finance aussi l'équipement agricole (en s'adressant en priorité aux producteurs de coton). En outre, elle finance la filière pêche.

Présentation générale

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L’Union Régionale des Caisses du Sud Ouest compte, en 1998, 13 caisses autonomes et 4 "caisses comptoir" (elles dépendent d’une caisse mère). Elle intervient dans les provinces du Sud Ouest: Ioba, Bougouriba, Poni, Noumbiel et dans une partie de Tuy et Les Bale.

Les cultures pratiquées dans cette zone sont : le sorgho, le maïs, le mil, le riz, niébé, l’igname, les cultures maraîchères, le coton. La terre est fertile et la région a longtemps été considérée comme le "grenier du Burkina Faso". Les pluies sont abondantes, mais il n’y a ni barrage, ni retenues d’eau. En saison des pluies, "toute l’eau s’en va au Ghana".

Quelques chiffres (Au 30/06/98) L’union compte 54.000 membres. Elle récolte un montant d’épargne supérieur à 1,5 milliard. Elle distribue un montant de crédit supérieur à 1 milliard. L’encours de crédit total

pour l’année s’élève à 1.450.894.592 francs. Les caisses de la quatrième dimension vont atteindre, en 1998, 1.000 membres.

Le crédit agricole On distingue deux types de crédit :

- le crédit intrant Pour les groupements, aucun apport n'est demandé.

Etat de financement des intrants

Année Nombre GV/GPC Montant 97/98 107 402 233 06498/99 158 483 268 934

GV = groupement villageois GPC = groupement producteur de coton

- le crédit équipement On demande 10% d’apport, une garantie de 100% (elle est en fait constituée par

l’équipement acheté) et une caution solidaire (pour les groupements). La caisse populaire travaille avec un fournisseur attitré (situé à Bobo Dioulasso).

Une charrue CH9 coûte 70.000 FCFA. En considérant l'ensemble des crédits (intrants et équipement), le montant octroyé

par les caisses dans le domaine de l’agriculture, dépasse 600 millions FCFA. Plus de 50% des crédits octroyés par les caisses du Sud Ouest concernent

l’agriculture. Clientèle des caisses populaires Les individus qui empruntent aux caisses populaires font partie d’une tranche assez

aisée de la population (du fait de l'apport personnel et de la garantie demandés). En revanche, au sein des groupements, on peut trouver des villageois moins riches. En effet, pour le crédit court terme, la garantie demandée aux groupements n’est pas matérielle, on demande une caution solidaire. En outre, aucun apport personnel n'est demandé.

Pour tenter d’approcher la majeure partie de la population, une expérience a été lancée avec un "service mobile". Ce service se rend dans toutes les localités les jours de marchés, les membres pouvant faire des retraits et des dépôts.

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Partenariat avec la SOFITEX A partir de 1991, un partenariat a été instauré entre la SOFITEX et les Caisses

Populaires. Les Caisses Populaires octroient des crédits à court terme pour financer les intrants (engrais, semences et pesticides) nécessaires à la production de coton.

Les caisses populaires rencontrent les groupements de paysans (les GPC, Groupements Producteurs de Coton), qui expriment leurs besoins. Les caisses retransmettent ces besoins à la SOFITEX. La SOFITEX se charge de l’achat des intrants et les fournit aux villages. Les caisses vérifient cette transaction et la SOFITEX envoie la facture aux caisses. Les caisses règlent au comptant la SOFITEX.

Au moment des récoltes, les paysans vendent leur coton à la SOFITEX (qui a un monopole d’état). La SOFITEX verse le produit de ces ventes dans les caisses populaires. Les caisses populaires se remboursent (montant emprunté par les paysans + intérêts) et versent le reliquat aux paysans.

Un programme de micro-réalisations, soutenu par les Canadiens, fournissait des

fonds de garantie pour la culture de coton. Mais ce soutien a cessé. Aujourd’hui, c’est le partenariat avec la SOFITEX qui constitue une sécurité. Par

exemple, lors de la campagne 93/94, les pluies ont été très faibles. Les récoltes ont donc été extrêmement mauvaises. Les paysans n’étaient pas en mesure de rembourser leurs crédits. La SOFITEX est intervenue et a apuré les impayés.

En cas de crise majeure (mauvaises récoltes, chute des cours) qui provoquerait un non-remboursement des crédits, un protocole d’accord stipule que la SOFITEX prendra en charge 25% du montant des crédits non remboursés, la structure financière prendra en charge 25% et, le STABEX prendra en charge 50%.

En outre, un accord de partage des risques avec la SOFITEX a été décidé, mais les modalités ne sont pas définies : en cas de difficultés (d’impayés), des négociations avec la SOFITEX auront lieu.

Les filières financées par les caisses populaires En plus de la filière coton, les caisses populaires financent :

- la filière riz - la filière pêche - la filière igname - la filière niébé.

Filière riz Les caisses populaires financent les intrants pour le riz. Elles travaillent en

partenariat avec la SONACOR. Lorsque les groupements vendent le riz à la SONACOR (qui n’a pas le monopole de la filière riz), celle-ci verse le montant de la transaction aux caisses populaires. Les caisses se remboursent, puis versent le reliquat aux groupements.

Filière pêche Les caisses populaires fournissent des crédits aux groupements pour que ceux-ci

achètent le matériel de pêche. Les groupements remboursent directement les caisses. Ces groupements sont encadrés par des partenaires : il s’agit du PNGT (Programme National de Gestion des Terroirs), soutenu par la Banque Mondiale, et d’un projet (ONAT), soutenu par la GTZ.

Filière igname et niébé Le financement de cette filière a été mis en place pour la campagne 98/99. Il s’agit

de protocoles d’accord avec des groupements appuyés par un partenaire technique.

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Ainsi, pour le niébé, un projet de l’INERA, soutenu par la Fondation Jean Paul II (sous couvert du diocèse), fournit des encadreurs techniques.

Quant à l’igname, il s’agit d’une initiative des caisses populaires, soutenue par les structures d’encadrement étatiques.

Cette filière est très intéressante pour différentes raisons : - la rentabilité par hectare de l’igname et du niébé est très élevée (nettement

supérieure à celle du coton), - ces deux cultures ont une excellente valeur nutritive, - le Ghana et Ouagadougou constituent des marchés très porteurs pour ces

cultures. Mais ces filières sont naissantes, elles ne représentent qu'une part très minime des

financements. Les caisses populaires cherchent à promouvoir de nouvelles filières à forte

rentabilité pour diversifier leurs financements. Plusieurs raisons guident ce choix : des impératifs de rentabilité financière pour la structure, un contexte de concurrence dû à la présence d'autres structures financières (CNCA, BIB, FAARF), une volonté de se développer sur tout le territoire (la culture d’igname est, par exemple, très répandue dans les provinces Poni et Noumbiel), la nécessité de s’adapter, de suivre les évolutions.

L’équipement agricole Pour minimiser les risques, les caisses populaires accordent ces crédits, en priorité,

aux producteurs de coton. En outre, les crédits à moyen et long terme sont octroyés à partir des ressources

provenant d'un emprunt d’Etat. En effet, ce dernier, en cas d’impayés dus à une catastrophe naturelle, se montrera compréhensif.

En tout état de cause, les caisses populaires "n’ont pas le choix" : elles doivent financer l’équipement agricole. D'une part, cela permet de lutter contre la concurrence de la CNCA, en particulier. D'autre part, l’équipement agricole est nécessaire pour le développement de l’agriculture.

Les caisses populaires recherchent des bailleurs acceptant de fournir des fonds de garantie.

Les fonctions d’appui et de conseil Les agents de crédit fournissent des conseils dans le domaine de la gestion du

crédit. Ils suivent l’activité des emprunteurs (que ce soit des groupements ou des individus).

Des appuis techniques sont également présents, soit par l’intermédiaire de structures étatiques (les encadreurs), soit par l’intermédiaire de projets (PNGT, GTZ, Plan Parrainage International).

Les caisses populaires cherchent à formaliser ces accords : il s’agirait de mettre en place des protocoles formels.

Les perspectives Les besoins non couverts se situent principalement dans le domaine de

l’équipement agricole. Il s'agit donc de crédits à long terme particulièrement risqués. En outre, du fait de la dévaluation, les prix des équipements ont presque doublé. Aujourd’hui les caisses populaires sont loin de satisfaire toutes les demandes.

Avant de se lancer plus en avant dans le financement du matériel agricole, les caisses populaires tentent d’obtenir des fonds de garantie, ce qui permettrait de sécuriser ces financements.

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En revanche, en ce qui concerne les crédits à court terme, l’Union estime que la majeure partie des demandes adressées aux caisses est satisfaite.

Source : CIRAD, 1998 Stratégie par rapport au financement de l’agriculture Ce cas illustre la situation de certaines mutuelles régionales implantées dans des

zones où l’agriculture est une activité économique rentable, base du développement local. L’organisation mutualiste, “sécrétée” par ce milieu, finance donc “naturellement” l’activité agricole ; l’affirmation est triviale, mais montre bien qu’il n’y a pas d’ostracisme particulier des SFD mutualistes par rapport à l’agriculture, mais la combinaison d’une logique financière qui prend en compte les secteurs rentables, avec une logique sociale qui transcrit en priorité de l’institution les intérêts d’une catégorie donnée de la population (celle qui est capable de fournir les garanties exigées dans le système mutualiste).

L’exemple de l’URCPSO montre qu’un système mutualiste peut s’ouvrir à des

catégories de populations moins favorisées à travers le truchement des groupements et des organisations paysannes. L’expérimentation d’un “service mobile”, visant à rapprocher la caisse des populations éloignées des centres urbains, est un autre indicateur de la volonté de s’affranchir des limites habituelles des systèmes mutualistes. La pression de la concurrence entre systèmes financiers dans cette zone est sans doute un des facteurs favorisant ce type d’innovation.

Le crédit à l’agriculture, qui représente ici plus de 50% des octrois, est sécurisé par

trois voies : - la prise de garantie matérielle, - le partenariat avec des opérateurs amont/aval dans le cadre de filière intégrée

(SOFITEX) et d’opérateurs aval dans le cadre de filières plus libéralisées (SONACOR) : dans le second cas, le risque pris est plus important, puisque le producteur peut décider en dernier recours de vendre ailleurs qu’à la SONACOR, d’où la nécessité d’élaborer un contrat que chaque partie prenante aura intérêt à respecter,

- un fort encadrement technique de la zone et des productions financées. Le crédit à l’équipement agricole est sécurisé par une garantie sur le matériel. Ce

type de procédure est rendu possible par l’existence locale d’un marché du matériel d’occasion permettant effectivement à la banque de réaliser la garantie en cas de défaillance. Ceci étant, c’est une condition nécessaire, mais pas suffisante (volonté du SFD à saisir le matériel, capacité des élus de la caisse à prendre ce type de décision à l’encontre d’un membre de la communauté... ?). Le recours à un fournisseur attitré est une forme de sécurisation de la transaction et est une esquisse des “services liés” (crédit et fourniture d’équipement agricole) qui sont appelés à se développer dans un contexte de libéralisation de l’économie et de nécessaire régulation par de nouvelles formes de contrats entre les acteurs.

Notons enfin, à travers cet exemple, l’un des impacts bénéfiques de la concurrence

qui pousse à l’innovation, au rapprochement des populations moins favorisées, mais susceptibles de devenir un nouveau créneau d’une clientèle convoitée... Les méfaits de la concurrence déloyale sur la dynamique des SFD du Burkina sont souvent fustigés ; aussi faut-il également mettre en exergue les facettes positives de cette concurrence quand elle s’exerce dans des conditions loyales (ce qui n’est pas complètement le cas ici, mais c’est une analyse qui ne peut être approfondie).

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4.3.3. Les BTEC, réseau mutualiste régional lié à une organisation paysanne Présentation générale Historique La cellule BTEC (Banques Traditionnelles d'Epargne et de Crédit) est une des 14

cellules que compte la Fédération des Unions du Groupement Naam, FUGN (créée en 1978). La cellule BTEC a été créée en 1990.

Les premiers groupements Naam ont été créés en 1967. Un "formateur-paysan", Bernard Lédéa Ouédraogo, a entrepris de bâtir une organisation rurale sur des bases traditionnelles. L’objectif de cette structure était "l’intégration sociale des jeunes par le travail et la fête". Puis, la structure a été élargie à tous les membres de la communauté villageoise dans l’objectif "d’initier un processus de développement endogène basé sur la responsabilisation des individus et des communautés".

"Partant de son identité, de son vécu, le paysan analyse lui-même ses problèmes, identifie ses priorités et finalement s’engage dans les activités qu’il a choisies en toute conscience".

"La finalité des BTEC est de contribuer à l’amélioration des conditions de vie de ses

membres et des autres membres de la communauté dans un esprit de solidarité, de responsabilité individuelle et collective au moyen de la mobilisation de l’épargne locale, la promotion de services financiers adaptés et accessibles, l’administration et la gestion démocratique, dans le respect de la personne humaine".

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Les BTEC en chiffres 4.100 adhérents Volume de l'épargne 380 millions 41% de transformation de l'épargne 160 millions de crédits dont 30 millions pour la filière pomme de terre 20% des 130 millions restants (soit moins de 30 millions) vont aux banques de

céréales. Les unités économiques (banques de céréales) représentent 24% des crédits Les hommes, 44% Les femmes, 32% Le taux de remboursement est de 90% à l'échéance. Modalités d’épargne et de crédit Pour avoir accès au crédit, il faut, dans un premier temps, ouvrir un compte

d’épargne. Il est ensuite possible d’obtenir un crédit. Epargne Les dépôts à vue ne sont pas rémunérés. Il est possible de retirer l'argent à tout

moment. On distingue aussi des Bons BTEC : ce sont des dépôts à terme qui sont

rémunérés à 5% par an (les dépôts sont de 6 mois minimum). Cette épargne est placée dans des banques commerciales (BIB, BICIA-B). Les intérêts obtenus par ces dépôts s'accumulent pour former un fond de garantie.

Crédit On distingue 2 crédits :

- Le crédit court terme (CCT), c'est-à-dire 3 mois. - Le crédit moyen terme (CMT), c'est-à-dire 6 mois.

Les intérêts sont de 12% par an. Le montant minimum pour les femmes est de 15.000 FCFA, pour les hommes, de

25.000 FCFA.. Le montant maximum est de 100.000 FCFA. Pour obtenir un prêt, il faut :

- présenter un projet rentable, - présenter une garantie (soit un "aval", soit un bien matériel).

La sélection des emprunteurs se fait par le comité de crédit ("les yeux et les oreilles

des BTEC"). Le remboursement se fait in fine, mais les emprunteurs ont aussi la possibilité

d'amortir le capital (le mode de remboursement est explicité dans le dossier de demande de prêt).

Une personne n'est pas autorisée à cumuler des crédits. Les principales activités financées sont le commerce, l'artisanat et le maraîchage.

Les BTEC ne font pas de crédit social. Les crédits affectés à l'agriculture

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On distingue trois dimensions au sein des BTEC: - les activités d'épargne et de crédit proprement dites, - un volet soutien à la production et à la commercialisation de produits agricoles, - les banques de céréales.

Activités d'épargne et de crédit Les crédits affectés à l'agriculture concernent essentiellement l'élevage et le

maraîchage. Les BTEC encouragent le développement des cultures de variétés hâtives (oignons

et niébé, par exemple) et s'efforcent de soutenir les cultures maraîchères de contre saison. Un scénario d'accompagnement des crédits affectés à ces cultures est mis en place (formation et commercialisation) par l'intermédiaire de certaines cellules du groupement Naam.

Les risques

- pour l'élevage : épidémies, aléas climatiques (quantité de nourriture et d'eau disponibles pour le bétail), commercialisation (risques atténués par la présence d'un grand marché dans la province).

- pour le maraîchage : la qualité du sol, les insectes (en particulier la teigne de la pomme de terre), l'incertitude au sujet des récoltes, l'eau, la conservation des récoltes, la commercialisation, le manque de formation.

Pour prévenir ces risques, les BTEC sélectionnent leurs clients et leur demandent une garantie. En outre, des cellules peuvent intervenir en appui.

Les cellules d'appui La fédération regroupe différentes cellules qui peuvent appuyer les emprunteurs

affectant leur crédit à l'agriculture. Ce sont les cellules alphabétisation, agro-foresterie, agro-économie, formation à la gestion, banque de céréales, moulin, hydraulique, commercialisation (qui soutient particulièrement le maraîchage et l'élevage et qui fournit un encadrement technique, mais pas d'intrants).

Soutien à la production et à la commercialisation Les BTEC fournissent des crédits à la cellule d'appui à la commercialisation (CAC).

Cela permet donc à la cellule de se fournir en semences au niveau européen. La CAC s'occupe d'organiser les producteurs.

Ainsi deux filières ont été financées : la filière pomme de terre et la filière haricot. La filière pomme de terre C'est une filière très porteuse, la coopérative ainsi financée est le 3ème meilleur

producteur national. Les prêts sont octroyés à 12%, pour un montant annuel de 30 millions de FCFA.

(ces 30 millions proviennent de l'épargne, "mieux vaut placer cet argent là qu'à la banque").

24 millions sont affectés aux semences, 6 millions aux intrants (aujourd'hui, le fumure organique est privilégié aux engrais chimiques de type NPK, du fait de l'impératif "culture biologique" pour l'exportation).

Protection contre les risques Une maison de conservation (ainsi qu'une cave de conservation) a été construite

pour conserver les productions et les semences. Un magasin d'entreposage a aussi

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été construit. Il est équipé d'un groupe électrogène pour faire face aux coupures d'électricité qui surviennent quand la demande est trop forte (en saison sèche).

Lors d'aléas climatiques, la quantité produite est inférieure à la quantité escomptée. Les producteurs ont alors recours à des activités complémentaires pour rembourser les crédits.

La filière haricot Elle a connu des difficultés et les BTEC ne la financent plus. Les BTEC ont, dans le passé, encouragé la production d'haricots en fournissant des

semences, en établissant des parcelles de démonstration et en s'occupant de la commercialisation en Europe.

Malheureusement, la commercialisation en Europe ne pouvait être maîtrisée. Les producteurs ont fait des prévisions de recettes qui ne se sont pas réalisées (une quantité de haricots importante a été rejetée, différentes catégories avaient différents cours).

Donc, les sommes reçues ont été largement inférieures aux sommes espérées. Les paysans ont été très déçus.

Note : Les producteurs de ces filières sont, pour la plupart, des membres des BTEC. Les

dimensions épargne/crédit et soutien à la production et à la commercialisation sont donc très liées.

Résultat La filière pomme de terre est très rentable et permet, grâce aux intérêts récoltés, à

la cellule BTEC de se financer (frais de fonctionnement) et d'affecter une partie de ses bénéfices à un fond de garantie.

Les BTEC comptent constituer un fonds de garantie et y faire participer les acheteurs du Nord (ces derniers n'auront donc pas intérêt à ce que ce fonds de garantie soit sollicité). Ce fonds de garantie se situera au niveau de la commercialisation pour faire face à des recettes inférieures aux recettes escomptées.

Les banques de céréales Les caisses sont liées avec des banques de céréales. Les BTEC octroient des crédits aux banques de céréales pour que celles-ci

achètent les récoltes. Les banques achètent les produits agricoles en octobre (période des récoltes) et les revendent en mars, avril, mai (lors des deux opérations, le cours normal est appliqué).

Cette activité ne connaît aucun risque (pas de problème de conservation, pas de

problème de mévente). Les banques fournissent en priorité les villageois et, en cas de surplus, les

commerçants de la place. Il y a aujourd'hui 120 banques de céréales. Perspectives par rapport à l’agriculture

- Un des projets des BTEC est de contacter l'AFDI (organisation d'agriculteurs français). L'AFDI a un projet d'équipement agricole pour des groupements avec lesquels ils sont en contact. Les BTEC se proposent de servir d'intermédiaire et de gérer le financement.

Cependant, les crédits à moyen terme (plus de 2 ans) pour l'équipement agricole sont risqués : l'investissement peut ne pas être suffisamment rentable et le paysan peut vendre le matériel.

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Dans le cas présent, il s'agirait de motopompes, ce qui représenterait un investissement rentable.

Une des clefs de succès est que les bénéficiaires ignorent que l'argent "vient de loin".

- Les BTEC comptent aussi développer des contrats de partenariat avec des

organismes de recherches et de vulgarisation (comme l'INERA) pour mettre à la disposition des emprunteurs des variétés hâtives de mil et des nouvelles technologies permettant de lutter contre les maladies les plus courantes. Il s'agit donc d'allier la recherche et la production.

Perspectives institutionnelles Une union des BTEC est en projet. Les principaux objectifs sont la pérennisation et

la professionnalisation. Les BTEC comptent pour l'instant rester en "zone connue", c'est-à-dire dans le Yatenga, principalement.

Les BTEC recherchent l'autofinancement. Pour cela, il leur faut développer et diversifier les produits financiers offerts. Néanmoins, un des objectifs principaux des BTEC est de répondre aux problèmes chroniques des populations (en développant, par exemple, les cultures de contre saison).

Source : CIRAD,1998 Stratégie par rapport au financement de l’agriculture Les BTEC sont un exemple de système financier développé au sein d’une

organisation paysanne et qui a pris une envergure significative à l’échelle régionale. Dans ce cas, c’est le lien fort entre les différentes fonctions assurées par

l’organisation paysanne qui constitue un facteur déterminant de sécurisation du crédit : appui technique à la production, formation des producteurs, appui à la commercialisation, y compris par des crédits aux structures de commercialisation ... Des liens avec la recherche ont été développés pour promouvoir des innovations agronomiques et techniques qui ont également pour effet de sécuriser le crédit, en améliorant la rentabilité et la sécurité de la production.

Les limites de ce montage résident dans le degré de professionnalisation du

personnel des BTEC, et dans les compétences globales de l’organisation paysanne qui doivent être encore renforcées..

4.3.4. Les Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit (CVECA Sissili)

Présentation générale Historique Les Caisses Villageoises d’Epargne et de Crédit Autogérées de la Sissili ont été

créées en 1992. Elles se sont inspirées du modèle développé dans le pays Dogon, au Mali. L'Union Européenne avait lancé un programme de développement rural dans la province Sissili. Le CIDR a été choisi comme opérateur pour l'épargne et le crédit.

La Sissili, à cette époque, était une région particulièrement enclavée et démunie. Jusque-là, les bailleurs avaient donné priorité au Sahel. La Sissili, elle, ayant de l’eau en quantité suffisante, n'était pas considérée comme une zone à risque climatique. Aujourd'hui, la région est excédentaire d'un point de vue agricole, mais elle manque cruellement d'infrastructures.

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Première phase: Une étude de faisabilité a été réalisée, elle a été suivie d’une

adaptation du modèle développé au Pays Dogon. Deuxième phase: phase de consolidation. Troisième phase: c'est la phase actuelle, les objectifs sont l'institutionnalisation et le

désengagement du CIDR. Cela passe par la reconnaissance des caisses et par leur autonomie financière.

Fonctionnement des CVECA Le client est une association de solidarité (AS), constituée de 4 à 6 personnes. Ces

personnes se répartissent le crédit octroyé comme elles le souhaitent. Elles se cautionnent mutuellement.

Les différentes AS d’un village constituent une caisse. Un contrat est passé entre le CIDR et le village. Le CIDR avalise la caisse. Le CIDR

fournit gratuitement les matériaux de construction, le coffre, mais ne fournit ni main d’œuvre, ni argent. Le CIDR prend aussi en charge la formation des responsables (caissiers, animateurs villageois). La première année, le CIDR fournit les divers documents, après c'est aux caisses à les prendre en charge.

L'épargne est libre. On distingue les dépôts à vue et les dépôts à terme (ces derniers sont rémunérés entre 6 et 12%, les taux étant fixés par les paysans).

Après 2 ou 3 mois de mobilisation d'épargne, les activités de crédit peuvent commencer.

Les responsables étudient les demandes de crédit. Ils sont dans un premier temps aidés des animateurs. C'est le comité de gestion qui décide de l'attribution des crédits. Puis, il s'occupe du suivi.

Le comité de gestion est constitué de villageois. Le caissier est, dans la majeure partie des cas, un lettré.

Les CVECA ne sont pas du type mutualiste classique : l'argent n'est pas collecté puis redistribué, il reste au sein des CVECA ; l’accès au crédit n’est pas lié au volume épargné.

La forme juridique est de type associatif. L'agrément auprès du ministère des finances est en cours.

Il y a aujourd'hui 55 caisses. Le but recherché est que les villageois fonctionnent de

manière autonome, avec le moins d'appui extérieur. Les villageois sont présents à deux niveaux :

- au niveau des CVECA, il s'agit du comité de crédit - au niveau de l'association.

Ce sont donc des villageois qui représentent les caisses, qui sont en relation avec la CNCA (opération de refinancement), qui s'occupent de l'animation, qui circulent dans les villages, qui aident les caisses en difficulté et qui s'occupent de la création de nouvelles caisses.

Les responsables villageois sont au départ bénévoles, puis ils sont rémunérés en fonction des résultats des caisses (ce sont les villageois qui déterminent les montants des rémunérations).

Mais, il y a cependant des tâches que les villageois ne peuvent pas prendre en

charge, comme valider les comptes, dresser les rapports d'activité, effectuer le suivi/évaluation.

Un partenaire a donc été créé par le CIDR. Il est constitué d'anciens cadres nationaux du projet. C'est un service commun aux associations. Il n'a aucun pouvoir et n'a qu'une fonction de conseil.

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L'Union Européenne octroie des subventions d'équilibre au service commun. L'objectif est qu'en fin 2000, les paysans paient à 100% le service commun. Aujourd'hui, sur les 10 millions que coûte le service commun, les villageois prennent en charge 5 millions. 90% de ces 5 millions sont pris en charge par les associations, 10% par les caisses.

Les modalités d'épargne et de crédit Il y a des crédits à 4 mois, à 7 mois, à 9 mois et à 1 an. Les CVECA prêtent en général à 24% par an. Les taux sont fixés par les villageois. Il s'agit de caisses autogérées avec le moins d'interventionnisme possible. Les

villageois financent donc ce qu'ils veulent avec leur crédit et ce que les modalités leur permettent.

Ils sont normalement censés financer des projets économiques avec une rentabilité financière.

La destination des crédits : 54% vont au commerce (dont le stockage de céréales) 24% vont à l'agriculture (intrants) 19% vont à l'élevage 3% vont à l'artisanat 50% des crédits sont octroyés aux femmes, mais ils représentent 30% de la valeur

totale des crédits octroyés. Même les plus pauvres sont membres des caisses. Un plan d'épargne de 25 F par semaine leur est proposé.

Le crédit agricole Comme le crédit octroyé est un crédit court terme, les activités agricoles financées

sont essentiellement la location de main d’œuvre et l'achat d'intrants (engrais et semences).

Il n’est donc pas possible, par exemple, d’octroyer des crédits charrue. Les principales cultures financées sont :

- l’arachide - l’igname - le coton (il est à noter que le cycle du coton et le cycle du crédit ne

correspondent pas) - le maïs

En revanche, le maraîchage n’est pas très développé dans cette zone : en saison sèche, il n’y a pas assez d’eau disponible.

Aucun service complémentaire (en plus de l'épargne/crédit) n'est proposé. Quelquefois, cependant, le service commun appuie les "gros clients".

La stratégie par rapport à l’agriculture La perception de cette question par les CVECA révèle une grande prudence : les

contraintes sont importantes dans le domaine du financement de l’équipement agricole, il s'agit d'investissements à long terme, "on ne s'y improvise pas". Pour se lancer dans un tel domaine, il est nécessaire de se préparer. Le financement de l'agriculture demandera une organisation différente, des formations spécifiques qui ne sont pas aujourd'hui à l'ordre du jour.

Les perspectives

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Aujourd'hui, les CVECA estiment avoir répondu à une première série de besoins ; mais elles restent de petits réseaux concentrés localement, avec une faible diffusion. Des innovations sont donc nécessaires pour aller plus loin ; c’est l’une des tâches du Service Commun. Les objectifs affichés par les CVECA sont de diversifier les sources de financement, de faire jouer la concurrence, puis d’atteindre une autonomie complète. Cependant, l'édifice est encore fragile et il s'agit aujourd'hui de consolider l'acquis (renforcer le contrôle et les règles).

Source : CIRAD, 1998 Stratégie par rapport au financement de l’agriculture Le crédit est par principe “ouvert” dans les CVECA : l’emprunteur a le libre choix de

l’objet financé. Le crédit agricole n’est donc une composante des CVECA que dans la mesure où il résulte d’un choix économique que l’emprunteur fera en fonction du panel d’activités possible localement, de leur rentabilité, de leur risque, et des autres besoins que l’emprunteur aura au moment de la prise du crédit (besoins sociaux, ...). Il en résulte que le taux de crédit à l’agriculture est très variable d’un réseau de CVECA à l’autre, et que la répartition entre agriculture et élevage est elle aussi très variable.

La sécurisation du crédit est assurée par la pression communautaire. Dans un

certain nombre de réseaux CVECA, des services d’appui à la production sont développés au sein d’une autre structure opérant dans les mêmes zones, ce qui est une forme de sécurisation du crédit.

Le système des CVECA est, parmi les SFD, l’un des moins coûteux, la plupart des

tâches étant prises en charge bénévolement par la communauté. Dans ce sens, c’est un système bien adapté aux zones défavorisées. Cependant, il n’est pas à l’abri de dysfonctionnements, notamment quand il est confronté à des situations de concurrence mal maîtrisée : c’est le cas des CVECA du Soum, dont bon nombre sont en difficulté actuellement.

L’un des autres problèmes de ce type de réseau est l’étroitesse de ses ressources,

liées à la seule épargne locale. Des formules de refinancement ont été développées pour lever ces contraintes. Au Burkina, le refinancement des CVECA de Sissili est assuré par la CNCA.

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4.3.5. La Cellule d’Epargne, de Crédit et de Commercialisation (CECC, Manga), projet à volet crédit ciblé sur l’agriculture

Historique La CECC fonctionne au sein du projet PDI/Z (Projet de Développement Intégré du

Zoudweogo), soutenu par la coopération néerlandaise. L’objectif global de ce projet est de soutenir le développement socio-économique de la province du Zoudweogo. Il a été initié il y a plus de 20 ans dans le cadre de l’Aménagement des Vallées des Voltas (AVV). Cet aménagement avait pour but de lutter contre l’onchocercose. Ces efforts visaient la promotion de l’insertion de nouvelles populations dans ces vallées fertiles assainies. La plupart des populations qui occupent aujourd’hui ces vallées sont donc des populations qui ont migré (principalement du Nord).

A partir de 1990, le gouvernement a décidé d’étendre géographiquement ces actions, qui étaient jusque là localisées dans les AVV. Ainsi, on trouve des projets de développement intégrés dans toutes les provinces et ils concernent de nombreuses activités. Le PDI/Z devrait prendre fin en 1998. Des discussions bilatérales ont lieu entre les Pays-Bas et le Burkina Faso dans l’objectif de programmer une phase suivante. A priori, la prochaine phase devrait s’étendre sur 5 ans et le projet se concentrerait sur des activités spécifiques, en particulier le secteur agricole. L'objectif est d’augmenter la durabilité des projets et la responsabilisation des bénéficiaires.

Fonctionnement de la structure Le PDI/Z comporte 5 cellules:

- la cellule administration et finance - la cellule gestion des terroirs - la cellule formation et communication axée sur le genre - la cellule d’appui technique - la CECC

Par ailleurs, ce projet fonctionne conjointement avec des services étatiques partenaires dans les domaines de l’éducation, de la santé et de l’environnement.

Aujourd’hui, la CECC Manga comporte 9 COOPEC. Fin 1998, une Union des Coopératives d’Epargne et de Crédit du Zoundweogo verra

le jour, elle sera constituée de 4 COOPEC qui, d'ores et déjà, ont reçu l’agrément du ministère.

Mise en place des COOPEC Initialement, le projet comportait une Cellule Institution Rurale et Crédit. Cette

cellule a organisé les villageois en groupements et a octroyé de petits crédits (intrants et équipements). Ces groupements ont petit à petit constitué des fonds qu’ils déposaient chez le comptable de la cellule pour que ce dernier les conserve.

Ainsi, en 1989/1990, le projet détenait plus de 7 millions de FCFA en dépôt. L’idée de créer une structure capable de gérer ces fonds s’est développée. La Cellule Institution Rurale a alors été transformée en cellule d’épargne, de crédit et de commercialisation au niveau de Manga, dans un premier temps.

Les activités d’épargne et de crédit se sont développées. Le souci d’être plus proche des bénéficiaires et de les responsabiliser a alors émergé. Des caisses villageoises ont été créées. Il s’est d’abord agi de "clubs d’épargne", puis des COOPEC ont été créées.

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Les COOPEC sont autogérées, ouvertes à tous et les responsables sont bénévoles. La CECC a une fonction d’appui et de conseil. Jusqu’à présent, ce ne sont pas les

COOPEC qui octroient les crédits, mais la CECC. Des comités de crédit suivent actuellement des formations. Fin 1998, 3 COOPEC devraient commencer à distribuer des crédits.

Quelques chiffres Juin 1998 Personnel CECC 13 personnes Adhérents 4.145 Epargnants 3.057 Montant d’épargne récoltée 196.494.215 Epargne récoltée + intérêts 206.926.396 (les Coopec ont un compte à la CECC,

celle-ci rémunère leurs dépôts à 5%) Encours de crédit 900 millions (en cumulé). Aujourd’hui, le projet de développement supporte tous les frais de fonctionnement

des COOPEC. Ils s’élèvent à 40 millions par an. La cellule a reçu en fonds de crédit plus de 450 millions de francs. L’épargne est recyclée à presque 100% (la CECC ne tient pas compte aujourd’hui

des règles prudentielles). Les taux de remboursement sont de 90% à l’échéance et de 95% à 6 mois. Modalités d’épargne et de crédit Le crédit C’est la CECC qui octroie les crédits aux membres des COOPEC.

- Ils doivent, dans un premier temps, faire une demande. - Puis, faire un dépôt préalable (10% pour les groupements, 25% pour les

individus) - Quelquefois, des études de faisabilité ou de rentabilité sont réalisées (entretiens,

visites d’exploitation) - Les garanties demandées sont, pour les groupements, la caution solidaire, pour

les individus du matériel (théoriquement, on demande 150% du crédit, en pratique "on fait avec notre milieu"). Les garanties sontt souvent constituées par des charrues ou des charrettes.

La CECC octroie 4 types de crédit. On distingue des crédits à court terme et des crédits à moyen terme. Le crédit court terme (CT) a une durée maximum de 12 mois. Le crédit moyen terme (MT) a une durée comprise entre 12 et 60 mois. Les remboursements se font en fonction du cycle d’exploitation. 1. Le fond de développement villageois masculin. Ce fond sert à financer les groupements masculins, principalement pour des

activités de commercialisation de céréales, de commerce de bétail et d’artisanat. Le crédit CT a un taux de 15%. Le crédit MT a un taux de 13%. 2. Le fond de développement villageois féminin. Ce fond sert à la transformation des produits agricoles (dolot, sumbala). Les crédits CT et MT ont un taux de 12%. 3. Le fond de développement villageois.

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Ce fond sert à financer les PME ou PMI (soudeurs, forgerons). Le crédit CT a un taux de 17%, le crédit MT, un taux de 15%. 4. Le fonds pour le crédit agricole. Le crédit CT a un taux de 11%. Ce crédit concerne les intrants et les facteurs de

production. Le crédit MT a un taux de 13%. Ce crédit concerne l’équipement. L’épargne L’épargne est libre, le dépôt minimum est de 200 francs. La CECC rémunère à 5% les fonds déposés chez elle (sur le solde minimum de

l’année). Jusqu’à aujourd’hui, les membres n’ont pas touché les intérêts de leur épargne. En théorie, 2% servent à rémunérer le secrétaire comptable, 2% rémunèrent les

dépôts des membres et 1% est octroyé pour le fonctionnement de la Coopec. Le crédit agricole Les activités agricoles financées On trouve différents types de crédits concernant le secteur agricole :

- Le crédit de commercialisation (bétail, céréales) - Le crédit intrant - Le crédit équipement agricole

La CECC fournit du crédit de masse. Ainsi, lorsqu'une union vient prendre des

crédits, elle est considérée, au niveau de la CECC, comme un seul bénéficiaire. Il est donc difficile de connaître en détail l’affectation des crédits agricoles.

Le crédit commercialisation céréales Le montant des crédits commercialisation céréales, octroyé en 1997, s'élève à 200

millions FCFA. Les crédits intrants Coton La CECC finance les producteurs de coton en partenariat avec la SOFITEX. Les paysans expriment leurs besoins en intrants, la SOFITEX se charge de leurs

commandes et livre les intrants. La SOFITEX présente la facture à la CECC, celle-ci la règle, et elle se fait rembourser par les paysans après les récoltes.

En 1997, pour les intrants coton, le financement a été assuré par la CECC pour un montant total de 86.723.270 FCFA.

Phosphate Le montant des crédits affectés à l'achat de phosphate s’est élevé à 16.616.600

FCFA pour l’année 1997. Intrants céréaliers La gestion de ces crédits intrants est réalisée par les Unions départementales. Le

montant des crédits s’est élevé à 27.239.200 FCFA pour l’année 1997. Intrants maraîchers Montant total des crédits affectés au maraîchage : 13.564.470 FCFA pour l’année

1997. Ces crédits ont été gérés par les Unions départementales. Les crédits intrants connaissent des taux de remboursement peu satisfaisants

(89,38% pour 1997), ce sont des crédits court terme avec des montants réduits, octroyés annuellement. La menace de ne pas accéder au crédit l’année suivante n’est pas suffisante pour garantir 100% de remboursement

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Le crédit agricole moyen terme Ce sont des crédits affectés à l’équipement agricole. Le montant total s'est élevé à 32.420.000 FCFA. Le taux de recouvrement des crédits équipement est médiocre (59,66% pour 1997),

les impayés étant nombreux. Mesures entreprises pour diminuer les risques de non remboursement La CECC essaie de sécuriser les remboursements par différentes méthodes. Théoriquement :

1. Des lettres de rappel sont envoyées avant les échéances de remboursement. 2. Des taux d’intérêt de pénalité sont appliqués en cas de retard (de 3 à 15% du

montant de l’échéance due selon l’ampleur du retard). 3. Une convocation est envoyée dès qu'un retard est constaté. Si l'emprunteur ne

réagit pas, une visite lui est rendue pour comprendre la situation. 4. Lorsqu'un crédit est en situation d’impayé depuis plus de 3 mois, le dossier est

envoyé à la police et celle-ci intervient. 5. En cas de risques co-variants, la CECC pourrait envisager un rééchelonnement

des crédits. Appuis techniques Si les bénéficiaires de crédit ont besoin d'un appui, ils ont la possibilité d’aller voir

les encadreurs (ils appartiennent à un service étatique). La CECC ne fournit pas d’appuis techniques pour les crédits.

Les stratégies en matière de financement agricole Une réflexion est menée au sujet d’un protocole d’assurance ou de fonds de

garantie, seuls systèmes permettant de sécuriser les crédits. On pourrait envisager, par exemple, des accords à un niveau international, avec des bailleurs, pour éviter que lors d’une campagne agricole catastrophique, certaines structures financières fassent faillite.

Cette réflexion vient d'être lancée. La CECC est consciente des risques liés à l’agriculture et de la nécessité de s’en protéger. Cependant, aujourd’hui, la CECC ne se sent pas directement en danger, le projet pouvant l’appuyer en cas de "coup dur". Mais lorsqu’elle sera autonome, le danger sera très présent et très inquiétant.

La CECC juge qu’il est inconcevable de ne pas financer l’agriculture lorsque l’on

intervient dans le monde rural. Il faut répondre aux besoins de la population. Or, plus de 90% de la population est constituée d’agriculteurs. "On va continuer". En revanche, si d'importants problèmes de remboursement dans le domaine des crédits équipements se concrétisent, la CECC pourra envisager de suspendre cette activité.

Les perspectives L’autonomie financière D’après les responsables interrogés, le but du projet est de s’autonomiser,

l’autonomie financière étant la clef de voûte de toute autonomisation. Cette autonomie peut-être envisager grâce, d'une part, aux intérêts perçus sur les crédits. D'autre part, le montant des crédits accordés pourra être accru en augmentant le montant d’épargne mobilisée. La CECC devra aussi chercher des partenaires pour

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bénéficier de fonds de crédit supplémentaires. Comme jusqu’à présent le PDI/Z soutenait la CECC, cette dernière a pu constituer des réserves importantes. Par conséquent, à court terme, la CECC peut s’autofinancer. En revanche, les perspectives à 5 ans ou 10 ans sont floues.

Source : CIRAD,1998 Stratégie par rapport au financement de l’agriculture Cet exemple est très révélateur de la démarche “projet à volet de crédit”, des

problèmes qu’elle pose et de la difficulté à pérenniser ce type de SFD. Le SFD trouve sa première justification dans le fait d’accompagner les activités que

le projet vise à développer, sans souci réel de logique financière et de pérennisation de la structure. Dans le cas de la CECC Manga, cette préoccupation a fini par s’imposer, mais les structures en place, les habitudes acquises, les niveaux de compétences spécialisés sont difficiles à faire évoluer à ce stade de maturité d’un projet dans un milieu donné. Les taux de remboursement ,peu satisfaisants sur le crédit à court terme et catastrophiques sur le crédit à moyen terme, tout comme le “pilotage à vue” et le discours particulièrement flou livré à l’enquêteur sur les perspectives d’autonomie financière, sont des indicateurs révélateurs de la difficulté de pérenniser une telle expérience.

Les SFD se sont développés au Burkina sous des formes particulièrement riches et

variées, et de nombreux autres exemples auraient pu être analysés ici. Pour plus d’approfondissement de cette question, à partir d’éclairages issus d’autres types de SFD du Burkina (Association des Tontines de Nouna, Association de Développement Rural de Kaya), on pourra consulter le rapport Burkina du programme de recherche CIRAD sur le rôle des SFD dans le financement de l’agriculture.

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IV -SYNTHESE

1. FACTEURS DE PRODUCTION AGRICOLE

Le recensement agricole est assez ancien et les données disponibles manquent de fiabilité pour établir un bon diagnostic sur la situation du secteur actuel et les influences des changements importants de la conjoncture économique. Le potentiel agricole est très limité à l’est et au nord, en raison des contraintes climatiques et physiques, ainsi qu’au centre, en raison de la densité de la population. Il reste un potentiel à valoriser dans le sud et l’ouest, ainsi que dans toutes les régions dans les bas-fonds irrigables. La priorité demeure la production céréalière qui devrait être intensifiée, car l’équilibre alimentaire du pays est encore fragile. Le coton est la première culture d’exportation et son développement récent pourrait encore être poursuivi du moment qu’il se conjugue avec son intensification. L’élevage reste traditionnel, transhumant au nord et à l’est, plus intensif ailleurs. Une meilleure couverture sanitaire et la privatisation des professions vétérinaires forment un atout malheureusement contrebalancé par l’inorganisation de la profession. L’élevage reste une ressource très importante pour le pays qui devrait bénéficier d’investissement et de financements plus importants et mieux valorisés. Le statut foncier reste traditionnel, mais les textes pris et les programmes envisagés témoignent du déblocage des réserves à traiter cette question et devrait permettre des avancées significatives pour améliorer la sécurité foncière, pour peu que des financements conséquents y soient consacrés. En dehors de la filière coton, l’organisation de la production agricole est encore très partielle et les organisations de base des producteurs restent fragiles. Elles n’ont pas l’efficacité qu’on pourrait espérer, beaucoup restant à faire pour former les responsables et assainir la gestion de ces groupements pour qu’ils puissent compenser l’allégement des services d'encadrement, conséquence du désengagement de l’Etat. Le degré d’équipement des exploitations paraît rester plus important que dans les autres pays de la Région, mais les allégements des programmes publics pourraient se traduire par une décapitalisation plus importante, pouvant remettre en cause l’amélioration des rendements constatée ces dernières années. L’évolution de la production agricole reste donc fragile, même si de nombreux facteurs positifs apparaissent qui permettent d’espérer une amélioration à terme, mais qu’il s’agit de renforcer : - Prise de conscience de l’importance du foncier et projet de sécurisation, - Décentralisation au profit de collectivités locales et déconcentration des services

de l’Etat, - Croissance vive des OP, - Action des ONG.

2. LES ACTEURS DU SECTEUR AGRICOLE

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Les OPA de base sont au Burkina d’origine ancienne et variée : impulsées par les missions religieuses sous la colonisation, puis par les sociétés de développement dans les zones de culture de rente, elles se sont aussi développées sur une base autonome et endogène. Le tissu des OPA de base est aujourd’hui dense dans certaines provinces du Burkina (Centre, Centre-Nord, zone cotonnières..), mais plus lâche dans certaines provinces handicapées par l’enclavement, les conditions de production défavorisées (Extrême Nord, Est ...). Les OP de base sont engagées dans des fonctions de promotion de la production, d’information, de formation. Les groupements de producteurs de coton constituent une catégorie particulière d’OP, en prise avec la crise de croissance de la production cotonnière en cours de libéralisation.

La structuration en organisations faîtières est fortement engagée au Burkina, aux

niveaux régional et national. La constitution d’OP faîtières nationales est relativement récente (1994, 1996...) ; même si certaines d’entre elles sont encore à la recherche d’une légitimité et d’une appropriation par la base, elles cherchent toutes à développer des activités d’appui aux OPA, à s’investir dans les domaines techniques, dans la formation et l’information ; elles deviennent progressivement des interlocuteurs des Pouvoirs Publics. L’un de leur handicap majeur est le manque de perspectives d’autofinancement. Après plusieurs années d’atermoiements dans le processus de concertation, trois d’entre elles ont constitué, en 1998, un Cadre de Concertation des OPA Faîtières, dont la dynamique semble aujourd’hui encourageante.

3. LE CONTEXTE DU FINANCEMENT DES FILIERES AGRICOLES

3.1. Les financements publics Le désengagement de l’Etat est au Burkina plus progressif. Les nombreux

programmes de développement, sur financements extérieurs et par les ONG, ont atténué ses effets négatifs sur l’encadrement des producteurs. Les structures des ministères techniques n’ont pas été complètement restructurées et il reste des incertitudes quant au partage des tâches avec le secteur privé. La question de la pérennité des programmes demeure importante et l’organisation de la production et des producteurs reste le chantier le plus important pour maintenir les progrès constatés ces dernières années mais qui demeurent fragiles. A cet égard, la restructuration de la filière coton sera d’une grande importance, car c’est la filière la mieux organisée, mais elle est menacée par une nouvelle crise qu’il faudra surmonter.

3.2. Les financements bancaires Le Burkina a conservé un établissement spécialisé dans le financement du secteur

rural, la CNCA, mais la gestion qui paraît déficiente de cet établissement et sa situation financière préoccupante font peser une lourde menace sur sa survie. Une réforme s’impose donc et il faut à tout prix conserver cet outil de développement agricole. L’Etat devra alléger sa tutelle pour que le fonctionnement de la CNCA soit dicté uniquement par les règles bancaires. Ses fonds propres devront être accrus pour augmenter ses ressources et en diminuer le coût. Les critères d’octroi des crédits doivent être rendus plus sélectifs et strictement respectés. Enfin, et c’est sans doute le plus important, les relations avec les opérateurs, les OPA et les SFD doivent être profondément modifiées et éclaircies, car la CNCA ne peut prétendre organiser seule le financement de l’agriculture.

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Les interventions du secteur bancaire commercial, au profit des investissements agricoles, sont marginales, mais quelques banques tentent d’intervenir dès lors qu’elles peuvent apprécier le risque et font confiance à certains SFD performants. La réforme du statut foncier, les efforts d’organisation des OPA et des SFD pourraient accroître ces interventions, pour peu que des lignes de crédit adaptées et des systèmes de garantie puissent être mis en place selon le modèle, à amender, du programme PMIA au Sénégal.

3.3. L’action des SFD Les SFD se sont développés très tôt au Burkina (fin des années 80), dans la

mouvance de l’aide au développement déployée après les grandes sécheresses qu’a connu le milieu sahélien entre 1980 et 1985. Cette particularité explique la part importante des projets à volet de crédit, ainsi que des SFD à crédit direct dans le secteur de la microfinance au Burkina.

Les SFD se sont fortement développés dans les années récentes : le montant de

l’épargne collecté a été multiplié par 4 en 5 ans et atteignait 8,4 milliards en 1997 : les crédits octroyés ont été multipliés par 10 entre 1993 et 1998.

L’encours de crédit à l’agriculture par les SFD est de l’ordre de 3 milliards en 1998

sur environ 11 milliards de crédit total des SFD. C’est donc environ 27% de leur portefeuille qui sont affectés au financement d’activités agricoles (entendu au sens large : agriculture + élevage + pêche). Les crédits octroyés sont à dominante court terme, mais on observe au Burkina quelques expérimentations de crédit de moyen terme permettant de financer l’équipement (FCPB, URCPSO, ADRK, UCEC/Z), soit dans le cadre de systèmes mutualistes, soit dans le cadre de projets.

Les systèmes mutualistes assurent la contribution dominante, avec environ 60% du

crédit total des SFD à l’agriculture. Parmi eux, la Fédération des Caisses Populaires assure à elle seule 30% de ce volume total, les autres 30% étant assurés par des réseaux régionaux ou locaux. Les projets à volet de crédit contribuent pour 26% au volume de crédit total. L’ADRK, association de développement local, apporte 7%, le fonds d’Etat FAARF pour 4% et les Caisses villageoises d’Epargne et de Crédit pour 3%

Une particularité du Burkina réside dans la liaison forte existant entre la CNCA et

les SFD. Au-delà de la fonction classique de domiciliation des ressources des SFD que plusieurs banques de la place assurent, la CNCA cherche à développer son ancrage et sa décentralisation en milieu rural à travers un rôle de refinancement et d’appui technique aux SFD. Elle refinance des CVECA (Sissili), un réseau de crédit direct aux femmes, l’Association des Tontines de Nouna (ATN), un projet à volet de crédit (PRODIA) ; avant sa fermeture, elle refinançait le Projet de Promotion du Petit Crédit Rural (PPPCR) et assurait la présidence de son comité de pilotage. La CNCA accueille également des fonds de garantie qui visent à sécuriser certains projets à volet de crédit. Elle a elle-même mis en œuvre une expérimentation de système de microfinance ciblé sur les femmes et directement lié à la banque (projet Linkage). Ces formes de refinancement ne sont pas spécifiquement ciblées sur des SFD finançant l’agriculture, mais intervenant plus généralement dans le monde rural et en milieu péri-urbain (ATN).

CONCLUSION

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Le Burkina, comme les autres pays de la région, se trouve en période de transition. Son secteur agricole est défavorisé par les contraintes climatiques, l’enclavement du pays et une pression démographique importante. Cependant, de nombreux éléments positifs demeurent, substrat d’équipements de production et de compétence des producteurs accumulé par les programmes de développement anciens, organisation des producteurs et des SFD qui demande à être confortée, avancées de la société civile qui se traduit par une politique de décentralisation et l’émergence de nombreuses ONG et OPA.

La crise de la filière coton et de son opérateur la SOFITEX, celle de la CNCA,

paraissent devoir être les chantiers prioritaires pour préserver l’acquis et préparer les bases d’un nouveau développement qui devrait pouvoir s’appuyer sur les motivations de tous les acteurs, pour peu que les financements et leur mise en œuvre répondent à ces attentes.

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ANNEXE 1 – SIGLES ET ABREVIATIONS

AEFL Association des Exportateurs de Fruits et Légumes AFD Agence Française de Développement AFDI Agriculteurs Fançais pour le Développement International APES Association pour le développement de l’Elevage au Sahel AVV Aménagement des Vallées des Voltas BCEAO Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest BICIA Banque Internationale pour le Commerce, l’Industrie et l’Artisanat BIRD / BM Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement / Banque

Mondiale BNDA Banque Nationale de Développement Agricole BOAD Banque de Développement de l’Ouest Africain BTEC Banque Traditionnelle d’Epargne et de Crédit CCI Comité de Coordination de l’Information, CCOF Cadre de Concertation des Organisations Faîtières CCT Crédit Court Terme CECC Cellule d’Epargne, de Crédit et de Commercialisation CIDR Centre International de Développement et de Recherche CMT Crédit Moyen Terme CNCA Caisse Nationale de Crédit Agricole CNPA Conseil National de la Profession Agricole CONASUR Comité National d’Aide et de Secours d’Urgence COOPEC Coopérative d’Epargne et de Crédit CPEC Caisse Populaire d’Epargne et de Crédit CPG Comité Paritaire de Gestion CRSPC Comité de Réflexion et de Suivi de la Politique Céréalière CSPPA Caisse de Stabilisation des Prix des Produits Agricoles CVECA Caisse Villageoise d’Epargne et de Crédit Agricole DSAP Direction des Statistiques Agro-Pastorales FAO Food and Agriculture Organization / Organisation des Nations Unies Pour

l’Alimentation et l’Agriculture FAAGRA Fonds d’Appui aux Activités Génératrices de Revenus des Agriculteurs FAARF Fonds d’Appui aux Activités Rémunératrices des Femmes FCFA Franc de la Communauté Financière Africaine FCPB Fédération des Caisses Populaires du Burkina FENOP Fédération Nationale des Organisations de Producteurs FMI Fonds Monétaire International FODEC Fonds de Développement Céréalier FUGN Fédération des Unions de Groupements de producteurs Naam GPC Groupement de Producteurs de Coton GTZ Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit GV Groupement Villageois IDH Indice de Développement Humain INERA Institut National de l’Environnement et de la Recherche Agricole INSD Institut National de la Statistique et de la Démographie MA Ministère de L’Agriculture MRA Ministère des Ressources Animales OFNACER Office National des Céréales ONAC Office National du Commerce Extérieur ONG Organisme Non Gouvernemental

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OP Organisation Paysanne / Professionnelle OPA Organisation Professionnelle Agricole ORD Office Régional de Développement PAOSA Plan d’Action pour l’Organisation du Secteur Agricole PASA Plan d’Ajustement Sectoriel Agricole PARMEC Programme d'Appui Régional aux Mutuelles d'Epargne et de Crédit PASMEC Programme d'Appui aux Systèmes Mutuels d'Epargne et de Crédit PDI/Z Projet de Développement Intégré du Zoudweogo PIB Produit Intérieur Brut PNGT Programme National de Gestion des Terroirs PNUD Programme des Nations Unies pour le Développement SCM Société de Cautionnement Mutuel SFD Système de Financement Décentralisé SGBB Société Générale de Banque du Burkina SIM Système d’Informations sur les Marchés SONACOR Société Nationale de Commercialisation du Riz SOFITEX Société des Fibres Textiles SOSUCO Société Sucrière de la Comoë SP/CPC Secrétariat Permanent de la Coordination de la Politique Céréalière UCOBAM Union des Coopératives Burkinabées Agricoles et Maraîchères UE Union Européenne UEMOA Union Economique et Monétaire de l’Ouest Africain UNCPB Union Nationale des Caisses Populaires du Burkina UNJPB Union Nationale des Jeunes Producteurs du Burkina UNPCB Union Nationale des Producteurs de Coton du Burkina UPA Union des Producteurs Agricoles UNPC Union Nationale des Producteurs de Coton URCPSO Union Régionale des Caisses Populaires du Sud-Ouest

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ANNEXE 2 – BIBLIOGRAPHIE

CIDR, 1999. Promotion des organisations paysannes dans la province du Soum. Evaluation/perspectives du réseau CVECA. CIDR/Soum MS/JPV/N°34 CIRAD, 1997-2000. Programme de recherche sur le rôle des SFD dans le financement de l’agriculture. Etude de terrain Burkina Faso. ATP 41-97 CIRAD, 1996. Programme d’appui aux organisations professionnelles agricoles en zone cotonnière. Dossier technique. Montpellier DANIDA, 1999. Facilitation du commerce des produits agricoles du Burkina Faso. Mai 1999 DANIDA, 1999. Plan d’action sur les céréales 2000-2010 DIAGNE D., HUET C., 1997. Mission d’évaluation au programme d’appui aux organisations professionnelles : Burkina Faso . IRAM IRAM, 1999. Diagnostic de la microfinance et propositions de stratégie nationale. Rapport provisoire, août 1999. ITAD, ODI, CIRAD, 1999. Renforcer la collaboration entre la recherche, la vulgarisation et les organisations paysannes en Afrique de l’Ouest et du Centre. Etude de terrain - Burkina Faso MARCHÉS TROPICAUX, 1997. Le Burkina Faso dans l’UEMOA. Mt 25 avril 1997 MINAGRI, 1997. Diagnostic approfondi du secteur agricole et d’élevage pour l’élaboration d’une stratégie de croissance durable. Minagri, Cellule de Coordination du PASA. Etude par H.Kaboré, K.Savadogo, F.Ouali, Ido D. MINISTÈRE DES RESSOURCES ANIMALES, 1997. Note d’orientation du plan d’action du de la politique de développement du secteur de l’élevage au BF. 11/99. MRA, FAO, PNUD, 1999. L’état des lieux du secteur élevage au BF. Plan d’action et programme d’investissement pour le secteur de l’élevage au BF. Juin 1999. PASMEC. Banques de données 1993/1995/1997 SYNERGIE BRETAGNE- PAYS EN DÉVELOPPEMENT, 1998. Politique de développement de l’élevage au Burkina Faso. Propositions de mise en œuvre des orientations définies par le Ministère des ressources animales WAMPFLER B. , JAFFRIN G., 1998. La contribution des SFD au financement de l’agriculture au Burkina Faso. Etude CIRADATP 41/97

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ANNEXE 3 – PERSONNALITES RENCONTREES