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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2010 -Grenoble 7-9 juillet 2010 EVALUATION DE L’IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L’ALEA « MOUVEMENT DE TERRAIN » EVALUATION OF THE IMPACT OF GLOBAL WARMING ON GROUND MOVEMENT HAZARD Héloïse PALHOL, Fabrice ROJAT, Sébastien RUCQUOI, Muriel GASC-BARBIER Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées, Toulouse, France RÉSUMÉ – Une méthodologie d’étude d’impact des phénomènes climatiques sur l’occurrence des mouvements de terrain dans la région Midi-Pyrénées est proposée, à partir d’une analyse régionale sous forme d’atlas combinée aux résultats des scénarios d’évolution du climat. De premiers résultats qualitatifs sont obtenus et les principales difficultés sont soulignées. ABSTRACT – A methodological approach is proposed to assess the influence of climate change on ground movement hazard. Current ground movements in the Midi-Pyrénées region are evaluated and scenarios of global warming evolution are applied to the regional scale to identify the ground movement hazard. A few qualitative results are presented and the main difficulties are detailed. 1. Introduction Les mouvements de terrain sont des phénomènes capables de causer d’importants dommages. Ils provoquent en moyenne la mort de 800 à 1 000 personnes par an dans le monde et occasionnent des préjudices économiques importants. Les dommages sur les infrastructures sont également nombreux. Les mouvements de terrain sont souvent générés lors d’événements climatiques « hors- normes » tels des périodes à pluviométrie importante. Les observations de terrain mettent fréquemment en relation les mouvements constatés et les conditions climatiques (Faure et al., 2008 e.g.). L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact du changement climatique sur le risque « mouvements de terrain » à l’échelle de la région Midi-Pyrénées. Afin d’effectuer cette évaluation, un examen des différents types de mouvements, ainsi qu’une synthèse typologique sont menées, avec une mise en valeur des facteurs de prédisposition et de déclenchement. Dans un deuxième temps, les évolutions climatiques observées et futures sont détaillées, afin, dans une troisième phase, de mettre ces évolutions en regard de l’aléa « mouvements de terrain » de la région Midi-Pyrénées, défini par l’élaboration d’un atlas régional. Cette mise en relation permet une première évaluation des impacts probables du changement climatique sur les mouvements de terrain en Midi- Pyrénées et met en lumière les principales difficultés restant à traiter pour affiner la démarche. 2. Analyse de l’aléa « mouvement de terrain » en Midi-Pyrénées La région Midi-Pyrénées, située dans le sud-ouest de la France, regroupe huit départements : l’Ariège, l’Aveyron, la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées, le Gers, le Lot, le Tarn et le Tarn-et-Garonne. Elle comprend des zones montagneuses de terrain rocheux avec les Pyrénées au Sud et la partie sud du Massif Central au Nord-Est de la région, ainsi que des zones de terrains meubles de types argilo-marneux et pélitique, pouvant inclure une 875

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Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2010 -Grenoble 7-9 juillet 2010

EVALUATION DE L’IMPACT DU CHANGEMENT CLIMATIQUE SUR L’ALEA « MOUVEMENT DE TERRAIN »

EVALUATION OF THE IMPACT OF GLOBAL WARMING ON GROUND MOVEMENT HAZARD

Héloïse PALHOL, Fabrice ROJAT, Sébastien RUCQUOI, Muriel GASC-BARBIER Laboratoire Régional des Ponts et Chaussées, Toulouse, France

RÉSUMÉ – Une méthodologie d’étude d’impact des phénomènes climatiques sur l’occurrence des mouvements de terrain dans la région Midi-Pyrénées est proposée, à partir d’une analyse régionale sous forme d’atlas combinée aux résultats des scénarios d’évolution du climat. De premiers résultats qualitatifs sont obtenus et les principales difficultés sont soulignées.

ABSTRACT – A methodological approach is proposed to assess the influence of climate change on ground movement hazard. Current ground movements in the Midi-Pyrénées region are evaluated and scenarios of global warming evolution are applied to the regional scale to identify the ground movement hazard. A few qualitative results are presented and the main difficulties are detailed.

1. Introduction

Les mouvements de terrain sont des phénomènes capables de causer d’importants dommages. Ils provoquent en moyenne la mort de 800 à 1 000 personnes par an dans le monde et occasionnent des préjudices économiques importants. Les dommages sur les infrastructures sont également nombreux.

Les mouvements de terrain sont souvent générés lors d’événements climatiques « hors-normes » tels des périodes à pluviométrie importante. Les observations de terrain mettent fréquemment en relation les mouvements constatés et les conditions climatiques (Faure et al., 2008 e.g.). L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact du changement climatique sur le risque « mouvements de terrain » à l’échelle de la région Midi-Pyrénées.

Afin d’effectuer cette évaluation, un examen des différents types de mouvements, ainsi qu’une synthèse typologique sont menées, avec une mise en valeur des facteurs de prédisposition et de déclenchement. Dans un deuxième temps, les évolutions climatiques observées et futures sont détaillées, afin, dans une troisième phase, de mettre ces évolutions en regard de l’aléa « mouvements de terrain » de la région Midi-Pyrénées, défini par l’élaboration d’un atlas régional. Cette mise en relation permet une première évaluation des impacts probables du changement climatique sur les mouvements de terrain en Midi-Pyrénées et met en lumière les principales difficultés restant à traiter pour affiner la démarche.

2. Analyse de l’aléa « mouvement de terrain » en Midi-Pyrénées

La région Midi-Pyrénées, située dans le sud-ouest de la France, regroupe huit départements : l’Ariège, l’Aveyron, la Haute-Garonne, les Hautes-Pyrénées, le Gers, le Lot, le Tarn et le Tarn-et-Garonne. Elle comprend des zones montagneuses de terrain rocheux avec les Pyrénées au Sud et la partie sud du Massif Central au Nord-Est de la région, ainsi que des zones de terrains meubles de types argilo-marneux et pélitique, pouvant inclure une

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fraction sableuse variable. Il en résulte une grande diversité de natures de matériaux, autorisant de multiples formes de mouvements de terrain, comme cela apparaît sur la figure 1 a-. On peut identifier également plusieurs bassins plus sensibles et multipathologiques, comme sur la figure 1 b-, en rappelant toutefois que la représentativité de ce type de carte reste limitée par la méthodologie de la BDMVT (consultation de communes et de divers organismes, avec un taux de réponse de l’ordre de 70 %).

a

b

Figure n°1 : a- Divers types de pathologies à l’échelle régionale ; b- Carte de densités de points en Haute-Garonne (source : banque de données mouvements de terrain (BDMVT)

développée par le BRGM – www.bdmvt.net) La typologie des mouvements de terrain a été qualifiée dans ce travail suivant un

découpage classique (Sève et al., 1998 ; Potherat et al., 1999 e.g.) en distinguant : les mouvements rocheux (chutes de blocs, éboulements et écroulements), les glissements, les déformations par « fluage », les écoulements, le fauchage, le retrait-gonflement. Dans chaque cas, les facteurs de prédisposition et de déclenchement ont été détaillés (voir tableau I). Les effondrements de cavités souterraines et les érosions de berges n’ont pas été pris en compte du fait de leur caractère localisé, se manifestant dans des conditions particulières, rendant les cartographies d’aléa peu pertinentes à l’échelle régionale.

Tableau I : Exemple de tableau récapitulatif des principaux facteurs influant les mouvements

de type « glissement » Type de

mouvement de terrain

Nature et morphologie des terrains affectés

Facteurs de

prédisposition

Facteurs influents et/ou de déclenchement (hors activités

anthropiques)

Glissements

Massifs hétérogènes et/ou anisotropes (glissement plan) ; Matériaux meubles et roche très fracturée. Terrains de pente variable (seuils à définir)

Géologie (structure, nature et caractéristiques des terrains). Pente des terrains.Conditions hydrogéologiques originelles.

Climat : pluviométrie, fonte des neiges, sources, variation de la nappe, suppression de la butée de pied par érosion des terrains, gel. Activité anthropique : terrassements en tête ou en pied, modification des conditions hydrauliques, vibrations, modification du couvert végétal, etc. Séismes. Occupation des sols (forêt e.g.).

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3. Prévisions du changement climatique en Midi-Pyrénées La majorité des scientifiques s’accorde à dire que le changement climatique d’origine

anthropique est un phénomène avéré. Différents scénarios co-existent pour évaluer l’ampleur de ce changement (A1, A2, A1B, B1, B2) en fonction des options de développement socio-économique envisageables sur le prochain siècle. On ne les reprendra pas ici mais le lecteur intéressé pourra se rapporter aux travaux du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC 2007, IPCC 2001 e.g.).

Les modèles de calcul climatiques ont permis d’évaluer à partir de ce travail les grandes tendances météorologiques du prochain siècle à l’échelle de la planète, avec une maille spatiale relativement étendue et une incertitude liée aussi bien au choix du scénario qu’à la modélisation numérique. Des techniques de descente d’échelle permettent ensuite d’aborder les évolutions au niveau national voire régional. Ces données, en cours de diffusion par Météo-France, ne sont pas encore disponibles et l’étude présentée ici s’est généralement limitée à l’usage du simulateur climatique en accès libre, permettant de dégager des tendances sommaires à l’échelle régionale (http://climat.meteofrance.com). Ont été examinées en particulier les températures maximale et minimale et les précipitations, mais le simulateur permet aussi de visualiser le rayonnement solaire en surface et la réserve en eau dans le sol, même si l’exploitation de ces derniers paramètres reste très délicate tant leurs variations sont importantes. Soulignons enfin que, du fait des incertitudes, seules les tendances comme les moyennes sur plusieurs années ou la fréquence des extrêmes sont significatives, les valeurs sur une année donnée n’ayant pas de sens physique réel. On peut alors effectuer les analyses suivantes (scénario A2 retenu compte-tenu des observations récentes d’émissions de CO2 à l’échelle planétaire).

L’augmentation de la température en Midi-Pyrénées devrait être visible à toutes les saisons, mais plus perceptible en été. Par rapport aux températures enregistrées en moyenne pendant la période 1960-1990, il est envisagé une augmentation de la maximale estivale journalière moyenne de -0,4 à +7,5°C, sur la décennie 2050-2060 et de +3,5 à +11,3°C pour 2090-2099. La température minimale journalière moyenne en été augmen-terait également du même ordre de grandeur, et de façon moindre en hiver. Globalement, à horizon d’un siècle, les précipitations auraient tendance à diminuer au printemps et en été et à se maintenir en moyenne durant l’automne et l’hiver (voire une légère diminution). Les épisodes de précipitations exceptionnelles devraient en revanche augmenter. Dans l’ensemble, il reste difficile d’extraire une véritable tendance régionale (figure 2) du fait de la variabilité des phénomènes. Par exemple, sur une période inférieure à 50 ans, le rapport signal / bruit reste trop faible pour envisager une quelconque représentativité.

Le nombre de jours secs devrait également augmenter sur la région d’ici la fin du siècle. L’augmentation serait beaucoup plus marquée sur le Nord de la région pour le scénario B2 et généralisée dans le cas du scénario A2.

La réserve en eau du sol diminuerait sur la région Midi-Pyrénées en été, au printemps et en automne pour 2070-2090. En hiver, la tendance serait globalement au maintien, avec toutefois de nettes disparités régionales.

Figure 2 : Évolution de la pluviométrie hivernale en Midi-Pyrénées de 2050 à 2099 (scénario

A2), écart calculé par rapport à la pluviométrie moyenne de 1960-1990. D’autres paramètres, non détaillés ici, ont également été examinés dans le cadre de ce

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travail à partir des données rendues publiques par Météo-France : nombre de jours de gel, nombre de journées estivales, insolation, durée des périodes sèches, nombre de tempêtes. Seuls les deux premiers montrent des tendances significatives.

Le tableau II synthétise les données de température et de précipitation, calculées à partir du simulateur climatique de Météo-France selon le scénario A2 sur deux années « repère ». Si l’évolution de la température à la hausse paraît évidente, celle des précipitations, en revanche, montre bien la difficulté de dégager des tendances dans un signal relativement brouillé par la variabilité naturelle des phénomènes.

Tableau II : Exemples d’évolutions calculées par le simulateur climatique (scénario A2)

Paramètre climatique Actuel 2050 2099 Température Tmax été en °C 23,6 25,5 28,6

Tmin été en °C 12,8 14,8 16,4 Précipitation P journalières hiver en mm/j 3,1 2,8 3,5

4. Conséquence du changement climatique sur l’aléa mouvement de terrain en Midi-Pyrénées

Un atlas régional des mouvements de terrain a été réalisé. Le but est de représenter la

susceptibilité des diverses configurations géomorphologiques recensées à l’échelle régionale face aux risques de glissement de terrain, d’éboulement, de retrait-gonflement, etc. Le zonage régional ainsi obtenu peut alors être mis en regard de certaines perspectives de changement climatique afin d’analyser leur impact.

4.1. Représentation cartographique des aléas mouvements de terrain

L’atlas régional est une analyse spatiale de la susceptibilité des terrains basée sur une

méthode déterministe consistant à hiérarchiser plusieurs facteurs de prédisposition aux mouvements avant de les pondérer et de les combiner. Les éléments recensés (voir partie 2) mettant en évidence un rôle systématique de la géologie et de la topographie (pentes) sur l’aléa, ce sont ces deux paramètres qui ont été retenus en première approche. La méthodologie a été établie par Rucquoi et al. (2009) et a déjà été appliquée à plusieurs départements de la région Midi-Pyrénées.

La lithologie est ici issue de la carte géologique de la France au 1/1 000 000e, dont les formations géologiques similaires de par leur lithologie et leur âge ont été regroupées. Il en résulte 17 méta-formations géologiques auxquelles ont ensuite été affectés des coefficients de sensibilité aux glissements de terrain et aux éboulements (1 pour une sensibilité faible, 10 pour une sensibilité moyenne, 100 pour une sensibilité forte). Une sensibilité résultante a également été étudiée en estimant que les formations les plus sensibles aux glissements « sols » sont les moins sensibles aux éboulements et réciproquement. Cette démarche a permis d’aboutir à une carte résultante définissant la prédominance du type d’aléa, entre les glissements de terrain et les éboulements, pour chaque zone (figure 3).

La topographie a été prise en compte à partir d’une carte des pentes, dans laquelle différentes catégories de pendage ont été définies. Les seuils ont été déterminés à partir de l’expérience locale et vérifiés grossièrement par des calculs de stabilité de pente en rupture plane ou circulaire, en conditions défavorables (argiles saturées non consolidées) ou favorables. Des valeurs seuil de 7, 10,5° et 25° ont été retenues, délimitant quatre classes de pentes résultantes affectées des coefficients 1 (pente de 0 à 7°),10 (pente de 7 à 10,5°), 20 (pente de 10.5 à 25°), et 50 pour les pentes > 25°. D’autres seuils, issus de l’expérience acquise sur le terrain, ont été appliqués aux éboulements. Les données topographiques et lithologiques ont ensuite été croisées pour obtenir différentes différentes classes auxquelles on affecte un niveau d’aléa pour chaque type de mouvement. Par exemple, les zones les plus susceptibles de subir des glissements se

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situent essentiellement sur les fortes pentes argileuses formant les collines molassiques ainsi que sur les escarpements fluviatiles bordant les principales vallées (figure 3). Les éboulements, quant à eux, seraient plus susceptibles de se produire au Nord et au Sud de la région (zones montagneuses). De la même façon, une cartographie du retrait / gonflement a été réalisée mais n’est pas présentée ici.

Ce type d’atlas peut être utilisé à l’échelle départementale comme un outil de programmation, par exemple en le combinant avec des « enjeux » comme les zones bâties pour évaluer la vulnérabilité et définir des communes prioritaires vis-à-vis de la réalisation de PPR. Ici, il a été utilisé dans un but de prospective, en regard des évolutions climatiques envisageables.

Aléa nul

Éboulements :

Aléa faible

Aléa moyen

Aléa fort

Glissements :

Aléa faible

Aléa moyen

Aléa fort

Figure 3 : Carte régionale résultante glissement et éboulement.

4.2. Analyse qualitative à l’aide du simulateur climatique A partir de ces atlas régionaux des mouvements de terrain basés sur les facteurs de

prédisposition de lithologie et de topographie, il peut être ensuite intéressant de prendre en compte les facteurs de déclenchement et divers facteurs influents (voir tableau 1). Par exemple, des éléments comme le zonage sismique de la région ou l’occupation des sols font déjà l’objet de cartographies détaillées et peuvent être aisément obtenus. La pluviométrie journalière, les températures maximales et minimales, le rayonnement solaire ou la réserve en eau du sol peuvent être tirés de données Météo-France.

Dans le travail présenté ici et en première approche, la pluviométrie est apparue comme le principal facteur de déclenchement des mouvements gravitaires. Une comparaison qualitative avec les cartes d’aléas a donc été effectuée. La figure 4 présente une mise en regard de l’atlas régional des glissements et de la pluviométrie annuelle actuelle. Par exemple, certaines terrains meubles de couverture des Pyrénées, à aléa moyen à fort présentent conjointement une pluviométrie annuelle plus élevée et paraissent plus susceptibles de subir des glissements de terrain. La pluviométrie est regardée ici comme un facteur de déclenchement et a donc des conséquences à la fois sur l’occurrence des glissements, mais aussi sur l’amplitude des mouvements. Notons toutefois que cette approche globale masque de fortes disparités, une zone peu arrosée en moyenne pouvant subir quelques épisodes exceptionnels aux conséquences fortement préjudiciables. Une analyse plus détaillée serait donc nécessaire, avec la définition de seuils statistiquement représentatifs (voir section 4.3).

À titre d’exemple également, la figure 4c permet la comparaison entre l’atlas régional et les prévisions météorologiques pour un hiver particulièrement humide (année 2083, scénario A2). On remarque alors que les zones qui subissent les écarts de pluviométrie les plus

5

N

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importants correspondent aux contreforts du Massif Central et aux Pyrénées. Si on compare ensuite un hiver à très faible pluviométrie (figure 4d, année 2090 selon le scénario A2), on s’aperçoit que ce sont les mêmes régions qui sont concernées.

Des analyses comparables peuvent être effectuées sur les autres mouvements gravitaires. Une telle approche permet donc d’estimer que les parties Nord et Sud de la région, qui combinent un aléa relativement élevé et apparemment une sensibilité accrue aux années de pluviométrie exceptionnelle (déficit ou excès) constitueraient probablement des points de surveillance et d’action majeurs des gestionnaires de la région dans l’avenir (sur la base du scénario climatique A2).

a b

c d Figure 4 : Région Midi-Pyrénées : a- atlas régional des glissements de terrain, b- cumuls moyens annuels des précipitations sur la période 1971-2000, c- pluviométrie journalière

hivernale moyenne (en mm/j) estimée en 2083 (année exceptionnelle humide) d- pluviométrie journalière hivernale moyenne (en mm/j) estimée en 2090 (année

exceptionnelle sèche) écarts calculés par rapport à la pluviométrie moyenne de 1960-1990

5. Réflexion sur les facteurs utiles à la démarche d’analyse d’impact La démarche présentée dans ce travail a été réalisée avec des moyens limités en

particulier au niveau des données météorologiques. L’atlas des mouvements de terrain souffre également de certaines imprécisions du fait de l’usage d’une géologie au 1/1 000 000ème et de la non prise en compte dans un premier temps de certains facteurs influents (voir ci-après). Ce travail reste donc trop général pour tirer de véritables conclusions quantitatives, mais ses deux principaux buts ont été atteints : montrer une

Aléa nul

Aléa faible

Aléa moyen

Aléa fort

Aléa très fort

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possible méthodologie d’analyse de l’impact du changement climatique sur les mouvements de terrain et faire surgir les principales questions afin d’ouvrir des pistes de recherche pour obtenir des résultats davantage quantifiables dans l’avenir.

5.1.Difficultés liées aux facteurs climatiques

Dans cette étude, la prise en compte du climat reste approximative et ne s’est faite que

par la mise en regard des cartes d’aléa et des constats ou prévisions pluviométriques. La récupération des données a constitué l’un des principaux problèmes, en attendant la diffusion à grande échelle des résultats obtenus par Météo-France. Toutefois, même avec ces données à disposition, une réflexion importante restera à mener afin de déterminer les paramètres les plus pertinents. Par exemple faut-il s’intéresser à des pluviométries maximales, moyennes mensuelles, décadaires ? Y aurait-il des paramètres plus significatifs comme la pluviométrie efficace (pluie - évapotranspiration) ou le SWI (Soil Wetness Index) pouvant être tiré de la chaîne de calcul S.I.M. (Safran – Isba – Modcou) de Météo-France ? Différents paramètres pourraient également être pris en compte : l’ensoleillement, les températures (cas du retrait-gonflement), les niveaux de nappe, l’humidité du sol, le gel etc.

Afin d’affiner la prise en compte du climat, il serait donc nécessaire de s’interroger sur les données météorologiques les plus significatives vis-à-vis du risque mouvement de terrain. On pourrait par exemple privilégier une approche statistique basée sur un recensement plus approfondi des mouvements de terrain à l’échelle régionale, d’après les inventaires locaux déjà réalisés par différents organismes (dossiers du RTM et des LRPC, PPR, expertises CatNat). L’idée serait alors de comparer les périodes d’occurrence des mouvements à divers paramètres météorologiques supposés représentatifs, afin de sélectionner ceux qui sont véritablement pertinents. D’autres approches plus empiriques pourraient également être envisagées.

Enfin, on rappellera que la démarche d’étude d’impact nécessite d’envisager plusieurs scénarios climatiques pour l’avenir (non présentés ici).

5.2. Problèmes soulevés par la réalisation des cartes d’aléa

La réalisation des cartes d’aléa met en évidence la difficulté de superposition de données

possédant des échelles spatiales différentes. Cet obstacle survient notamment dans le croisement des données lithologiques et topographiques où certaines erreurs de précision (étendue des formations par exemple) doivent être rectifiées. Un travail plus exploitable pourrait être obtenu par l’usage de cartes géologiques au 1/50000ème.

Par ailleurs, afin d’obtenir une attribution plus fiable des niveaux d’aléa pour les terrains de la région, il serait intéressant de compléter cette étude en incluant divers facteurs influents comme l’occupation des sols, le réseau de failles régional, la sismicité, etc. Pour cela, des bases de données relativement précises existent et pourraient être superposées à notre démarche. Le problème majeur restera alors d’affecter une pondération adéquate aux différents facteurs. Cette pondération, nécessairement empirique, ne pourra être évaluée qu’à partir d’un recensement approfondi des mouvements de terrain de la région.

Un troisième problème apparaît dans l’analyse de cartes à l’échelle régionale. Les mouvements de terrain étant par nature relativement localisés, il est difficile d’identifier précisément la totalité des zones sensibles. De plus, un inconvénient de la méthode est d’attribuer à des milieux géologiques souvent hétérogènes des paramètres globaux, conduisant à s’appuyer sur des critères moyens qui conviennent dans la plupart des cas mais qui peuvent entraîner localement des imprécisions. Ainsi, l’atlas peut être considéré comme pertinent vis-à-vis d’une analyse globale comme celle relative aux évolutions climatiques, mais des analyses fines devront ensuite être réalisées en « zoomant » sur les départements, cantons, communes,… en relation avec les services gestionnaires.

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6. Conclusions Le travail présenté ici a permis de dégager une méthodologie d’étude d’impact du

changement climatique adaptée au phénomène de mouvements de terrain et d’en extraire les principales difficultés, qui constituent des appuis pour les actions de recherche à venir. De premières informations qualitatives ont pu être obtenues à partir du croisement d’éléments issus de bases de données publiques. Les résultats, quoique globaux, donnent déjà une première indication sur les zones particulièrement sensibles en Midi-Pyrénées et sur les pistes à creuser pour améliorer la connaissance du phénomène. Compte-tenu des variations spatiales des terrains géologiques et des précipitations, les analyses pourraient être affinées zone par zone en divisant la région Midi-Pyrénées en trois : le Nord-Est (contreforts du Massif Central), la région centrale, et le Sud correspondant au Nord des Pyrénées.

Pour accroître la précision des cartes d’aléa et la prise en compte des facteurs climatiques, on retiendra par ailleurs la nécessité : 1- d’une cartographie basée sur la géologie au 1/50000ème ; 2- d’un travail de recensement approfondi des phénomènes de mouvements de terrain qui servira de référence statistique ; 3- de mettre en place une réflexion sur la prise en compte de la pluviométrie à l’échelle régionale.

De tels travaux pourront se faire notamment avec l’appui des services de recherche et développement de Météo-France et seront certainement facilités dans les prochaines années par la mise à disposition prévue de diverses analyses climatiques.

Le travail engagé ici ouvre donc de multiples perspectives et pourrait être engagé dans plusieurs régions françaises particulièrement affectées par le risque mouvement de terrains.

7. Références bibliographiques

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POTHERAT P., DORIDOT M., CHAHINE M., 1999 : L’utilisation de la photo-interprétation dans l’établissement des plans de prévention des risques liés aux mouvements de terrain. Guide technique LCPC. 128 p.

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SEVE G., POUGET P., 1998 : Stabilisation des glissements de terrain. Guide technique LCPC. 97 p. Sites web utilisés : http://climat.meteofrance.com ; www.bdmvt.net , www.argiles.fr ;

www.infoterre.brgm.fr ; www.cnrm.meteo.fr ; www.climat.meteofrance.com ; www.prim.net

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