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  • COLLECTION IDÉES

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  • Epistémologiedes sciences

    de l'homme

    Jean Piaget

    nrf

    Gallimard

    Extrait de la publication

  • Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptationréservés pour tous les pays.

    C UNESCO, 1970.

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  • PRÉFACE

    Les trou chapitres que contient ce petit volume formentun tout, bien qu'ils constituent la reproduction de troischapitres séparés et correspondant aux rubriques « Intro-duction », « chapitre III » et « chapitre VII » d'une vasteétude publiée par l' Unesco, sous le titre Tendances prin-cipales de la recherche dans les sciences sociales ethumaines, Première partie sciences sociales (Mouton/Unesco,1970).

    Ils forment un tout, car il s'agit en chacun d'euxd'une réflexion essentiellement épistémologique visant,d'une part, à caractériser cette sorte particulière de con-naissance qui est commune aux différentes sciences del'homme, et cherchant, d'autre part, à comprendre celles-cien fonction d'une tendance que nous croyons générale, ouappelée à le devenir, et que nous appellerions le a structu-raliame génétique » (en considérant d'ailleurs ce moded'interprétation comme étant à l'œuvre dès les analysesbiologiques, si importantes, en fait ou en puissance,pour toutes les sciences de l'homme). Qu'il s'agisse de lasituation de ces sciences de l'homme dans le système dessciences (chapitre 1), des mécanismes communs se reflé-tant dans les recherches interdisciplinaires (chapitre III),

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  • Épistémologie des sciences de l'homme

    ou même de la psychologie à elle seule (chapitre II), onretrouvera ces mêmes préoccupations, la psychologien'étant qu'un exemple parmi les autres possibles de cequ'est le mode de connaissance commun à toutes lessciences dont il sera question dans les chapitres 1 et III.

    Mais il importe, pour nous faire comprendre, de pré-ciser d'abord une petite question de terminologie, quipeut paraître à juste titre très secondaire, mais pourraitaussi être source de malentendus si l'on omettait de la

    signaler. Pour des raisons dont nous ne pouvons natu-rellement que postuler la sagesse, l'Unesco a donné poursous-titre au gros volume dont font partie nos études« Première partie sciences sociales », bien que la psycho-logie comporte, il va de soi, bien d'autres dimensions quecollective. D'autre part, la « Deuxième partie » de l'étude,non encore baptisée, traitera des sciences juridiques, his-toriques, philosophiques, etc. Or, il va de soi que le termede « sciences» ne saurait présenter la même significationen ces deux ouvrages. Celui dont nous nous sommes occu-pés, et qui porte sur la sociologie, la science économique,la linguistique, etc. autant que sur la psychologie, neconcerne en réalité que les sciences pouvant être appelées« nomothétiques » en ce qu'elles recherchent et découvrentdes « lois » dans un sens analogue (toutes proportionsgardées) à ce que font les sciences de la nature, tandis qu'iln'en est pas de même pour ce qui est des branches quiseront groupées par l'Unesco dans son second volume(et qui sont d'ailleurs également presque toutes socia-les). Si nous faisons ces remarques, ce n'est nullementpour sous-entendre quelques réserves ou défendre uneposition personnelle c'est que, ayant rédigé nos chapitresbien avant qu'une terminologie imprévue de nous aitété choisie par l'Unesco, nous n'établirons dans ce qui suit

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  • Préface

    aucune distinction entre les caractéristiques « sociales »et « humaines » de ce que nous appellerons en général« sciences de l'homme », mais en réservant constamment etexclusivement ce terme de « sciences » aux disciplines nomo-thétiques (autrement dit à celles que l'Unesco, par craintesans doute de cette désignation un peu lourde, a fini pardistinguer sous le nom de « sociales »).

    Cela dit, les pages qui suivent seront constamment ins-pirées par un certain structuralisme, mais que nous avonssurtout développé depuis qu'elles ont été écrites (voirnotre petit « Que sais-je », Le structuralisme, 4e édition1970, P. U. F.), et qui nous paraît commun aux sciencesde l'homme et à celles que l'on qualifie souvent d' « exacteset naturelles ». Sur les terrains logico-mathématiques etphysico-chimiques il s'agit essentiellement de structuresopératoires, mais toujours solidaires d'un constructivismeen dehors duquel elles perdent leur signi fication explica-tive. Dès le niveau de la biologie et en toutes les sciencesde l'homme les structures comportent en plus un caractèred'autorégulation au sens cybernétique du terme et nousavons pris l'habitude de désigner cette étude des structuresautorégulatrices du terme de « structuralisme génétique ».En son ouvrage Marxisme et sciences humaines (Galli-mard, 1971) le regretté L. Goldmann déclare: « Nous avons.défini la méthode positive en sciences humaines et plus pré-cisément la méthode marxiste, à l'aide d'un terme. (quenous avons d'ailleurs emprunté à Jean Piaget) celui destructuralisme génétique» (p. 246). Nous aimerions seu-lement noter, en faisant ce rapprochement, que, s'il existeeffectivement une parenté entre les méthodes constructivistes,dialectiques et structuralistes, sitôt que l'on ne dissocieplus les structures de leur fonctionnement et de leur genèse,c'est que le caractère positifque l'on peut trouver en cer-

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  • Épistémologie des sciences de l'homme

    taines formes de dialectique tient à un recours expliciteou implicite à des processus d'autorégulation en tant queconstitutifs de tout développement formateur et que cesrégulations sont elles-mêmes parentes de l'autoréglage quicaractérise toute l'activité opératoire du sujet humain, enses constructions logico-mathématiques comme en sesmodèles explicatifs ou causaux.

    Lorsque nous parlerons de « structures », au sens le plusgénéral du terme (mathématique, etc.) notre définitiondemeurera néanmoins limitative, en ce sens qu'elle nerecouvrera pas n'importe quelle « forme » statique. Nous con-férerons, en effet, à cette notion les trois caractères sui-vants une structure comporte d'abord des lois de totalitésdistinctes de celles de ses éléments et permettant même defaire abstraction complète de tels éléments; en second lieuces propriétés d'ensemble sont des lois de transformation,en opposition avec des lois formelles quelconques; en troi-sième lieu toute structure comporte un autoréglage en cedouble sens que ses compositions ne conduisent pas endehors de ses frontières et qu'elles ne font appel à riend'extérieur à de telles frontières (ce qui ne l'empêche pasde pouvoir se subdiviser en sous-structures héritant de sespropriétés tout en présentant chacune ses caractères limi-tatifs). A l'état d'achèvement (en opposition avec ses étatséventuels de formation ou de construction) une structureconstitue donc un système fermé (tout en pouvant à sontour s'intégrer à titre de sous-structure en de nouvellesstructures plus larges) et c'est cette fermeture qui luiassure son autonomie et ses pouvoirs intrinsèques. Lors-que Lazars feld (p. 138 de l'ouvrage cité de l'Unesco) dit« On a parfois l'impression que dans l'esprit de Piagettout ce qui fait appel aux modèles mathématiques appar-tient par définition au mouvement structuraliste », il se

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  • Préface

    méprend donc sur notre pensée1 sur le terrain mathé-ma,tique nous nous croyons fidèles à l'esprit des Bourbaki,dont le structuralisme est hautement spécifique', et auxrecherches ultérieures sur les « catégories » au sens deMcLane, Eilenberg, etc.

    Dernière remarque. On trouvera défendue en la section Idu présent volume, l'idée qu'il n'existe point de hiérarchiedans les sciences de l'homme, comme on en discerne de par-tielles dans celles de la nature (subordination de la chimieà la physique ou de la biologie à la physico-chimie, etc.).Dans son beau chapitre sur la linguistique (chapitre VIde l'ouvrage de l'Unesco), R. Jakobson soutient uneopinion contraire et voit naturellement dans sa propre

    discipline la science clef assurant le passage de l'informa-tion biologique (code de l'ADN) aux sciences humainesque la linguistique dominerait toutes d'une façon ou d'uneautre. Mais il ne nous a guère convaincu et cela pour deuxraisons. La première est que, comme l'a montré Chomsky,le langage est subordonné à l'intelligence ou à sa logiqueet non pas l'inverse comme le croyait le positivisme con-

    1. Il remarque en plus que notre seul exemple de structuralismesociologique est emprunté à Parsons. Mais nous ne croyons à aucunefrontière entre l'anthropologie culturelle et la sociologie notre réfé-rence sociologique essentielle est donc naturellement l'oeuvre de Lévi-Strauss.

    2. Lichnerowicz caractérise les structures mathématiques au moyende leurs propriétés de mises en correspondance (morphismes), de pro-duit cartésien et d' « ensemble des parties ». Certaines des structuresdont nous nous servons' en psychologie de l'intelligenoe ne compor-

    tent pas ces ensembles de parties, mais des compositions de procheen proche sans combinatoire (cf. une classification telle que zoolo-gique, etc.). Seulement la généralisation de telles structures élémen-taires (par classification de toutes les classifications, etc.) conduit àl'ensemble des parties et, du point de vue psychogénétique, il est inté-ressant de considérer les étapes successives de cette construction.

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  • Épistémologie des sciences de l'homme

    temporain. Si importante que soit pour nous la psycholin-guistique, notamment en ses dimensions psychogénétiques,il est donc exclu de subordonner la psychologie des fonc-tions cognitives à la linguistique. En second lieu le codegénétique de l'ADN est un système de signifiés et non pasde signifiants (sauf naturellement pour le biologiate entant que sujet de connaissance) et l'information qu'il trans-met tient à un tel système. Dire que la théorie de l'informa-tion constitue en ce cas un instrument interdisciplinairefondamental (ce qui ne conduit pas d'ailleurs pour autantà un impérialisme nécessaire) est une chose, mais cela nerevient nullement à attribuer ces pouvoirs à la linguistiqueelle-même, car information et langage sont très loin d'êtresynonymes1 Nous en restons donc plus que jamais ànotre modèle d'une classification circulaire et non paslinéaire des sciences.

    Février 1971.

    Jean Piaget.

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  • La situation des sciences

    de l'homme

    dans le système des sciences

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  • Extrait de la publication

  • Il s'agira, en ce chapitre préliminaire, des particula-rités épistémologiques des sciences de l'homme quantaux conditions de leur objectivité, de leurs modes d'ob-servation ou d'expérimentation et quant aux relationsqu'elles établissent entre la théorie et l'expérience. Ils'agira de leurs rapports avec les sciences exactes etnaturelles ou avec les philosophies et les grands courantsidéologiques ou culturels. Mais avant toute chose, ilconvient de préciser ce que nous entendrons par sciencesde l'homme et pour cela de commencer par un essai declassification.

    I. CLASSIFICATION DES DISCIPLINES SOCIALEi

    ET DES « SCIENCES HUMAINES »

    La distribution des disciplines dans les facultés uni-versitaires varie grandement d'un pays à un autre etne suflît pas à fournir un principe de classification. Bor-nons-nous à cet égard à signaler que l'on ne sauraitretenir aucune distinction de nature entre ce que l'onappelle souvent les « sciences socialeset les « sciences

    humaines », car il est évident que les phénomènes

    Extrait de la publication

  • Épistémologie des sciences de l'homme

    sociaux dépendent de tous les caractères de l'homme ycompris les processus psychophysiologiques et que réci-proquement les sciences humaines sont toutes socialespar l'un ou l'autre de leurs aspects. La distinction n'au-rait de sens (et c'est là l'hypothèse qui est à son origine)que si l'on pouvait dissocier en l'homme ce qui relèvedes sociétés particulières dans lesquelles il vit et ce quiconstitue la nature humaine universelle. Bien entendu

    de nombreux esprits demeurent attachés à une telledistinction avec une tendance à opposer l'inné à ce quiest acquis sous l'influence des milieux physiques ousociaux, la « nature humaine » reposant ainsi sur l'en-semble des caractères héréditaires. Mais on est de plusen plus porté à penser que l'innéité consiste essentielle-ment en possibilités de fonctionnement, sans héréditéde structures toutes montées1 (contrairement au casdes instincts dont une part importante est « program-mée » héréditairement) le langage, par exemple, s'ac-quiert socialement tout en correspondant à un centrecérébral (le centre de Broca), mais si ce centre est léséavant l'acquisition de la langue, il y a alors suppléancepar d'autres régions corticales non prédéterminéesà cet usage. Rien n'empêche donc d'admettre que la« nature humaine » comporte entre autres, contrairementà ce que l'on pensait du temps de Rousseau, l'exigenced'une appartenance à des sociétés particulières, de tellesorte que l'on a de plus en plus tendance à ne conserveraucune distinction entre les sciences dites sociales et

    celles qui sont dites « humaines ».Par contre, il est indispensable d'introduire d'autres

    subdivisions dans l'ensemble considérable des disciplinesqui concernent les multiples activités de l'homme, car,on l'a vu dans la Préface à cet ouvrage, celui-ci ne por-

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  • La situation des sciences de l'homme

    tera que sur certaines d'entre elles et exclusivement surcelles que l'on peut appeler « nomothétiques » ou pour-suivant l'établissement de « lois ». Or, toutes les études

    portant sur les hommes ou les sociétés sont loin de s'assi-gner un tel programme. Nous allons donc chercher à lesréduire à quatre grands ensembles, étant naturelle-ment entendu d'avance qu'il s'agit là d'une classifica-tion qui, comme toujours, comporte des cas typiques

    mais aussi, en nombre plus restreint, des cas intermé-diaires faisant la transition entre les situations exem-

    plaires.

    "A. Nous appellerons d'abord sciences « nomothéti-ques » les disciplines qui cherchent à dégager des « lois »au sens parfois de relations quantitatives relativementconstantes et exprimables sous la forme de fonctionsmathématiques, mais au sens également de faits gêné-raux ou de relations ordinales, d'analyses structu-rales, etc. se traduisant au moyen du langage courant oud'un langage plus ou moins formalisé (logique, etc.).

    La psychologie scientifique, la sociologie, l'ethnologie,la linguistique, la science économique et la démographieconstituent, sans aucun doute possible, des exemplesde disciplines poursuivant la recherche de « lois » ausens large qu'on vient de caractériser. Sans doute lepsychologue peut-il étudier des cas individuels et fairede la psychologie « différentielle », le linguiste peut-ilanalyser une langue particulière ou faire de la typologie,etc., mais les plus délimitées de ces recherches n'en demeu-rent pas moins insérées dans des cadres de comparaisonou de classification qui témoignent encore d'un soucide généralité et d'établissement de lois, même si celles-cine portent que sur des questions de fréquence ou de

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  • Épistémologie des sciences de l'homme

    distribution et d'extension des fluctuations (et même si,par prudence, on évite le terme de « lois »).

    D'autre part, il va de soi que chacune de Ces disci-plines comporte des recherches sur des phénomènes sedéroulant selon la dimension diachronique, autrementdit comportant une « histoire ». La linguistique étudieainsi entre autres l'histoire des langues, la psychologiedite génétique, étudie le développement du comporte-ment, etc. Cette dimension historique, dont l'impor-tance est fondamentale en bien des cas, rapproche donccertains secteurs des sciences nomothétiques de cellesque nous appellerons tout à l'heure les sciences histo-riques. Mais certaines différences opposent néanmoinsces recherches diachroniques propres aux disciplinesnomothétiques et celles des sciences historiques, encoreque naturellement on trouve tous les degrés intermé-diaires. D'une part dans le cas des développements indi-viduels (du langage, de l'intelligence, etc.) il s'agit dedéroulements historiques qui se répètent à chaque géné-ration et peuvent donc donner lieu à des contrôles expé-rimentaux et même à une variation des facteurs, de tellesorte que l'objectif principal demeure la recherche delois, sous la forme de « lois du développement ». Quantaux déroulements historiques collectifs, comme le déve-loppement des langues, des structures économiques, etc.,il y a toujours encore recherche de lois, soit qu'ils'agisse d'expliquer par son passé une structure généraledonnée, ce qui nous ramène aux lois de développement,soit, au contraire, qu'il s'agisse d'expliquer des faitshistoriques antérieurs (par exemple le taux de l'intérêtsur un marché ancien) par des lois synchroniques véri-fiables actuellement.

    L'établissement ou la recherche de lois, propre aux

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  • La situation des sciences de l'homme

    sciences nomothétiques, va de pair avec un second carac-tère fondamental les distinguant des trois catégoriesB, C, D que nous examinerons ensuite c'est l'utilisa-tion des méthodes, soit d'expérimentation stricte, tellequ'on la définit par exemple en biologie (et son emplois'impose aujourd'hui dans la plupart des recherches enpsychologie scientifique), soit d'expérimentation ausens large de l'observation systématique avec vérifica-tions statistiques, analyse des « variances », contrôledes relations d'implication (analyse des contre-exem-ples), etc. Nous reviendrons sur les difficultés métho-dologiques propres- aux sciences nomothétiques del'homme (sections III et IV), mais faciles ou difficiles, lesméthodes de vérification consistant à subordonner les

    schémas théoriques au contrôle des faits d'expérienceconstituent le caractère distinctif le plus général de cesdisciplines par opposition aux suivantes.

    Un troisième caractère fondamental va de pair avecles deux précédents c'est la tendance à ne faire porterles recherches que sur peu de variables à la fois. Bienentendu il n'est pas toujours possible d'isoler les fac-teurs comme en physique (et la remarque vaut dès labiologie), encore que certains procédés statistiques(analyse des variances) permettent en certains cas dejuger des influences respectives de plusieurs variablessimultanément en jeu. Mais, entre les sciences naturelles,dont les méthodes expérimentales permettent une dis-sociation précise des variables et les sciences historiques,sur le terrain desquelles les variables s'enchevêtrent defaçon souvent inextricable, les sciences nomothétiques del'homme disposent de stratégies intermédiaires dontl'idéal est nettement tourné vers celui des premières.

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